Imprimer
Autres documents liés
Résolution 1973 (2014) Version finale
Les tests d’intégration: aide ou entrave à l’intégration?
1. La connaissance de la langue ou
des langues de la société d’accueil peut à l’évidence faciliter
la bonne intégration des migrants. C’est en partant de ce constat
que les tests d’intégration ont été introduits dans quelques Etats
membres, initialement en vue de l’obtention de la nationalité. Adoptés
par un nombre croissant d’Etats, ils ne sont plus seulement appliqués
à cette fin mais aussi pour l’obtention de titres de séjour, voire comme
condition préalable à l’entrée dans le pays, principalement en cas
de regroupement familial.
2. L’usage de ces tests s’est grandement développé, et le niveau
d’exigence a lui aussi été relevé. Par ailleurs, parallèlement à
la langue, une série de questions de «citoyenneté», portant par
exemple sur l’histoire, la connaissance des institutions politiques,
de la société et des valeurs démocratiques, a été introduite dans plusieurs
pays.
3. Le recours à ces tests soulève deux préoccupations essentielles.
La première est de savoir s’ils favorisent l’intégration ou s’ils
produisent l’effet contraire. La seconde est de savoir s’ils sont
employés moins comme une mesure d’intégration que comme un mécanisme
de gestion des migrations visant à limiter le nombre de migrants
entrant et/ou restant dans le pays concerné. La baisse d’au moins
20 % des demandes de regroupement familial enregistrées dans un
Etat membre et la diminution de 40 % du nombre de personnes demandant
ou bénéficiant d’un titre de séjour permanent dans un autre donnent
une indication claire de l’effet, intentionnel ou non, de l’introduction
de ces mesures. Ces diminutions sont un motif d’inquiétude, car
le regroupement familial et une plus grande sécurité en ce qui concerne
les droits de séjour sont des facteurs bénéfiques pour l’intégration
des migrants. Les migrants vulnérables ont particulièrement besoin
d’être soutenus dans le processus d’intégration, ce qui nécessite
de leur accorder l’accès à ces droits, au lieu de les en exclure.
4. Encourager l’intégration par des tests linguistiques ou autres
ne constitue pas un problème en soi; il s’agit d’une mesure que
beaucoup d’Etats membres conserveront probablement sous une forme
ou une autre. Il est cependant important d’avoir conscience des
limites de ces tests et de veiller à ce qu’ils contribuent à l’intégration
plutôt que d’y faire obstacle. Plutôt que de développer la pratique
de ces tests, proposer des cours de langue et, éventuellement, obliger
les migrants à y participer pourraient produire des effets plus
bénéfiques et favoriser l’acquisition de compétences linguistiques
sans risquer d’exclure les migrants. Cette approche pourrait aussi
favoriser l’intégration conçue comme un processus à double sens,
qui nécessite un investissement à la fois de la part de la société
et des migrants. En outre, le fait de tester les connaissances n’améliore
pas, en soi, les compétences linguistiques et ne peut avoir d’efficacité
que si ce test intervient au stade final d’un cours de langue offert
par le pays d’accueil.
5. L’Assemblée parlementaire est préoccupée par l’efficacité
des tests actuels d’intégration en Europe, qui n’est pas ce qu’elle
devrait être. D’abord, les niveaux de connaissance requis dépassent
parfois ce qui est raisonnablement accessible à la plupart des migrants
ou candidats à l’immigration, d’où l’exclusion de nombreuses personnes
qui n’auraient, hormis cela, pas rencontré de difficulté d’intégration.
Cela soulève des problèmes en matière de droits de l’homme, s’agissant
notamment du droit à la vie familiale et de la protection contre
la discrimination. Cette situation devient particulièrement problématique
dans les cas de regroupement familial ou lorsque les intéressés
sont des personnes illettrées ou peu instruites, des personnes âgées,
des réfugiés ou autres. Par ailleurs, lorsque les tests d’intégration
constituent une mesure à peine voilée de gestion des migrations,
ils entravent l’intégration et la desservent, et devraient être
supprimés.
6. Les Etats membres du Conseil de l’Europe sont par conséquent
invités à réexaminer leur approche des tests d’intégration en évaluant
leur efficacité à long terme, en tant qu’outils propres à favoriser
des mesures d’intégration efficaces, viables et accessibles, afin
de garantir:
6.1. l’accessibilité
des niveaux de compétence linguistique requis lors de ces tests.
Cela supposera:
6.1.1. de ne pas fixer de niveaux de langue
trop élevés et de différencier les tests selon les attentes en matière
d’expression et de compréhension orales (ne pas dépasser le niveau
A2 du «Cadre européen commun de référence pour les langues: apprendre,
enseigner, évaluer» (CECR) du Conseil de l’Europe), et de compréhension
ou production écrites (rester au niveau élémentaire A1 du CECR);
6.1.2. d’éviter les effets discriminatoires des tests en privilégiant
les échelles graduées de compétences traduisant davantage la reconnaissance
des efforts que les résultats bruts. Par ailleurs, les tests doivent
prendre en compte les besoins et les capacités de personnes présentant
des niveaux d’alphabétisation et d’instruction différents ou de
celles susceptibles de se trouver en situation de vulnérabilité
ou de présenter d’autres difficultés, par exemple les personnes
âgées ou les réfugiés;
6.1.3. de ne pas recourir exclusivement aux tests. En remplacement
ou en complément des tests, il conviendrait d’envisager d’autres
options permettant de juger de la volonté d’intégration au moyen
d’autres critères, par exemple l’engagement civique ou les progrès
réalisés, ou en recourant à des mécanismes adoptés dans certains
pays, tels que les entretiens avec un personnel qualifié afin de
garantir l’équité;
6.2. l’octroi par l’Etat d’une aide financière adéquate pour
les cours préparatoires. Dans la mesure du possible, ces cours devraient
être gratuits, l’expérience ayant montré que le fait de demander
aux migrants de s’acquitter des frais de cette formation, qui peut
s’échelonner sur 400 heures, voire davantage, constitue un obstacle
dissuasif majeur;
6.3. la mise en place de mesures appropriées pour que l’échec
aux tests (qui peut être élevé) n’ait pas d’effet discriminatoire
et ne conduise pas à l’exclusion ou à une situation incertaine pour
ceux qui échouent. L’échec pourrait avoir pour conséquence que des
efforts supplémentaires soient exigés, mais il ne devrait pas déboucher
sur le refus du droit au regroupement familial, à un titre de séjour
permanent ou à la nationalité;
6.4. un examen attentif des conditions préalables à l’entrée
et de l’incidence qu’elles peuvent avoir sur le droit à la vie familiale,
tel que consacré par l’article 8 de la Convention européenne des
droits de l’homme (STE n° 5), et au regroupement familial, tel qu’établi
par la Directive 2003/86/CE de l’Union européenne relative au droit
au regroupement familial. A cet égard, l’échec au test ne devrait
jamais être à lui seul un motif pour exclure des migrants du regroupement
familial, dès lors qu’ils satisfont à tous les autres critères;
6.5. l’étude, l’expérimentation et, le cas échéant, l’utilisation
d’options autres que ces tests.