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Rapport | Doc. 13428 | 18 février 2014

Le patrimoine menacé en Europe

Commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias

Rapporteure : Mme Vesna MARJANOVIĆ, Serbie, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 12999, Renvoi 3901 du 1er octobre 2012. 2014 - Commission permanente de mars

Résumé

Dans toute l’Europe, les sites patrimoniaux – bâtiments, monuments, paysages urbains ou régionaux présentant une valeur historique ou culturelle – sont de plus en plus menacés. Leur entretien pâtit beaucoup des restrictions budgétaires consécutives à la récente crise financière et l’Europe occidentale n’échappe pas à cette tendance. La conservation de ces sites peut pourtant avoir des effets économiques et sociaux intéressants, dans la mesure où elle contribue à développer le tourisme, à revitaliser des communautés et à sensibiliser les jeunes générations à leur histoire et à leur culture.

Toutefois, cela suppose une planification à long terme et des stratégies intégrées, qui prennent en compte les avantages potentiels pour la société et l’économie locale, ainsi que les frais de conservation des sites. Les Etats devraient ratifier et mettre en œuvre la Convention de Faro, traité du Conseil de l'Europe qui définit des principes et des lignes directrices dans ce domaine. Des enquêtes nationales peuvent aider à recenser les projets prioritaires et à utiliser les ressources au mieux; si nécessaire, il est possible d’encourager les investissements au moyen de réductions d’impôts, de prêts à taux réduit et d’autres mesures incitatives. La société civile, les établissements scolaires, les universités et les musées devraient être davantage associés à ces projets et il faudrait favoriser la transmission des techniques artisanales et de conservation.

Enfin, il conviendrait d’intensifier la coopération et d’améliorer la cohérence des actions entre le Conseil de l'Europe, l'Union européenne et l'UNESCO, en vue de définir des stratégies régionales, de renforcer la coopération transnationale et de développer des projets pilotes spécifiques qui tiennent compte des objectifs politiques européens.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 3 décembre
2013.

(open)
1. L'Assemblée parlementaire rappelle que la culture et le patrimoine jouent un rôle fondamental dans la défense des valeurs démocratiques et l’instauration de la citoyenneté: ils intègrent l'identité culturelle, approfondissent la compréhension et le respect d'autrui, et favorisent le respect de la diversité culturelle.
2. La participation citoyenne et les initiatives non gouvernementales sont des facteurs déterminants de la sauvegarde du patrimoine menacé. La sensibilisation et l’éducation à la valeur du patrimoine culturel pour la société sont essentielles pour associer les citoyens à des projets visant sa préservation et son utilisation continue en tant que «patrimoine vivant». L'Assemblée insiste donc sur la nécessité d’établir un lien plus étroit entre l'éducation et le patrimoine, en vue de sensibiliser les populations, surtout les jeunes, à leur histoire et à leur culture.
3. De plus, l'Assemblée estime que le développement économique et la protection du patrimoine ne sont pas contradictoires. De nombreux exemples montrent que les investissements réalisés dans la conservation du patrimoine peuvent apporter une contribution significative au développement économique et social. Cependant, de nouveaux mécanismes et partenariats innovants sont nécessaires pour atteindre ces objectifs d’une manière plus effective et systématique.
4. L'Assemblée souligne en conséquence que la conservation du patrimoine nécessite de mettre en place des stratégies transversales à long terme et des politiques cohérentes incluant des plans d’investissement, qui devraient tenir compte non seulement des coûts des projets de sauvegarde mais aussi des possibilités offertes par la conservation du patrimoine en tant qu’élément clé des projets de régénération socioéconomique, et de sa valeur démocratique pour la société.
5. En conséquence, l'Assemblée recommande aux Etats membres du Conseil de l'Europe:
5.1. concernant de l’élaboration de la stratégie et des politiques:
5.1.1. de signer et de ratifier la Convention-cadre du Conseil de l'Europe sur la valeur du patrimoine culturel pour la société (STCE n° 199, «Convention de Faro») et la Convention européenne du paysage (STE n° 176) s’ils ne l'ont pas encore fait, et de développer des stratégies nationales qui prennent en compte la sauvegarde du patrimoine culturel selon les principes énoncés dans ces conventions;
5.1.2. d’effectuer des examens nationaux de l’état du patrimoine protégé pour recenser le patrimoine menacé, établir les priorités d'action, déterminer l’action la plus utile pour chaque site patrimonial et faciliter l’affectation des ressources là où les besoins sont les plus urgents, en gardant à l'esprit le juste équilibre entre les monuments de valeur architecturale ou historique et les sites patrimoniaux plus petits ayant une valeur au niveau local;
5.1.3. d’intégrer la protection du patrimoine dans la prise de décision en rapport avec la planification et la politique, aux niveaux national, régional et local, d’inclure notamment «l'évaluation de l'impact sur le patrimoine» parallèlement à l'évaluation de l'impact sur l'environnement et d’utiliser le patrimoine comme un élément clé dans les projets de régénération socio-économique;
5.1.4. quand cela est possible, de mener des examens régionaux ciblés pour prendre aussi en considération le patrimoine non encore protégé, en vue de recenser les sites patrimoniaux menacés ayant une valeur pour la communauté locale et susceptibles d’être inclus dans des plans de développement régional;
5.1.5. d’établir régulièrement des rapports sur les initiatives prises pour sauvegarder le patrimoine menacé dans les parlements nationaux et de coopérer avec le Conseil de l'Europe, l'Union européenne et l'UNESCO afin d’harmoniser les données liées au patrimoine menacé et d’échanger les meilleures pratiques et connaissances;
5.1.6. d’encourager la coopération entre les ministères responsables du patrimoine et de l'éducation en vue de sensibiliser les jeunes à la valeur du patrimoine et de les aider à renforcer une compréhension culturelle et une citoyenneté démocratique fondées sur les enseignements tirés du patrimoine et des expériences de démocratie ainsi que des échanges humains basés sur l’interprétation du patrimoine;
5.1.7. de définir des stratégies transversales et novatrices, axées sur le patrimoine, pour la sauvegarde des monuments et des villes historiques et le développement local et régional, à l’aide des méthodes et des orientations du Conseil de l’Europe, telles qu’élaborées dans le cadre du «Programme de coopération et d’assistance techniques relatives à la conservation intégrée du patrimoine culturel», de l’initiative de l’UNESCO pour la sauvegarde des paysages urbains historiques et des expériences partagées au sein de l’Association européenne des villes et régions historiques (EAHTR);
5.2. concernant la mise en œuvre des politiques
5.2.1. de revoir le niveau approprié de prise de décisions concernant le patrimoine menacé pour assurer une cohérence entre les niveaux national, régional et local, une question qui revêt un intérêt en particulier dans les Etats décentralisés;
5.2.2. d’améliorer la coordination entre les institutions gouvernementales, les collectivités locales, les établissements du patrimoine, les musées, les conservatoires et autres partenaires pour trouver une solution dans les «situations bloquées» liées au patrimoine menacé, souvent dues à des problèmes complexes de droit et de propriété;
5.2.3. d’assurer une inspection régulière des sites du patrimoine (en utilisant également la technologie numérique) et d’harmoniser la collecte de données et d’informations pertinentes pour surveiller les changements et identifier les problèmes afin de faciliter un entretien régulier;
5.2.4. de réexaminer les normes et les lignes directrices relatives à l’entretien, à la conservation, à la restauration et à la réhabilitation du patrimoine en tant que méthode concrète pour gérer les changements (matériaux et techniques appropriés), et de mettre en place une formation adaptée à la gestion des projets et des sites;
5.3. concernant le soutien financier et technique
5.3.1. de mettre en place des conditions équitables pour le secteur de la conservation et celui de la construction et de créer des incitations financières pour les projets de conservation et de restauration, par exemple des réductions d’impôts, des prêts à des conditions avantageuses, des primes d’assurance et des aides aux propriétaires en vue de les assister à supporter les coûts supplémentaires liés aux exigences spécifiques du patrimoine et à la rémunération des professionnels accrédités;
5.3.2. de regrouper les connaissances et le savoir-faire dans les techniques artisanales et de conservation, notamment l’analyse scientifique, l’enregistrement numérique du patrimoine et la gestion des projets;
5.3.3. de développer des programmes de formation pour les professionnels de différents secteurs et d’échanger les bonnes pratiques dans les projets de régénération urbaine, d'engagement communautaire, d'utilisation d'instruments économiques, etc.;
5.3.4. de reconnaître et de soutenir les activités des groupes de conservation du patrimoine travaillant aux niveaux national et local.
6. L'Assemblée invite le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe à promouvoir la coopération, l'échange de compétences et d'expériences pratiques entre les collectivités locales et régionales, afin de mieux protéger le patrimoine menacé.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet
de recommandation adopté à l’unanimité par la commission le 3 décembre
2013.

(open)
1. L'Assemblée parlementaire, se référant à sa Résolution ... (2014) sur le patrimoine menacé en Europe, souligne l'importance du patrimoine dans le façonnement de l'identité culturelle individuelle et collective et la promotion d’une compréhension mutuelle.
2. La Convention-cadre du Conseil de l'Europe sur la valeur du patrimoine culturel pour la société (STCE n° 199, «Convention de Faro») et la Convention européenne du paysage (STE n° 176) ont établi un cadre pour des politiques saines de préservation du patrimoine culturel et naturel. L'Assemblée estime donc que des activités spécifiques devraient être envisagées afin de faciliter la mise en œuvre de ces instruments grâce à l'assistance technique et à l'échange de bonnes pratiques aux niveaux opérationnels.
3. En outre, l'Assemblée croit fermement qu'une plus grande cohérence des actions devrait exister entre le Conseil de l'Europe, l'Union européenne et l'UNESCO au niveau européen. A cet égard, l'Assemblée se félicite du programme conjoint exemplaire et des résultats tangibles du «Processus de Ljubljana», une initiative conjointe du Conseil de l'Europe, de l'Union européenne et des Etats membres de l'Europe du Sud-Est, qui a mis en place des partenariats novateurs et des mesures pilotes qui seront à reproduire pour la réhabilitation de 186 monuments emblématiques et sites patrimoniaux dans la région.
4. Par conséquent, l’Assemblée recommande que le Comité des Ministres:
4.1. encourage l’organisation d’activités transversales entre les secteurs de la culture, du patrimoine, de l’éducation et de la jeunesse au Conseil de l'Europe en vue de fournir des orientations aux Etats membres sur les moyens novateurs d’associer le patrimoine au processus de renforcement de la citoyenneté démocratique;
4.2. apporte son concours aux Etats membres pour l’échange de bonnes pratiques fondées sur les normes et principes de la Convention-cadre sur la valeur du patrimoine culturel pour la société et fournisse une assistance aux Etats membres pour mettre en œuvre les dispositions de la convention;
4.3. continue de soutenir les initiatives transversales novatrices du Conseil de l’Europe en mettant en œuvre dans les Etats membres les projets pilotes de son «Programme de coopération et d’assistance techniques relatives à la conservation intégrée du patrimoine culturel», et en tenant dûment compte des besoins et des exigences liés à la conservation ou à la restauration des monuments, à la réhabilitation des villes historiques et au développement local et régional;
4.4. continue de soutenir le Réseau européen du patrimoine (HEREIN) en tant que réseau unique d’agences gouvernementales et plateforme de convergence pour l’harmonisation et la collecte d’informations pertinentes relatives au patrimoine et pour la création d’une base de connaissances commune;
4.5. continue de soutenir les initiatives régionales, notamment dans l’Europe du Sud-Est, le Caucase du Sud, la mer Noire et d’autres régions européennes, en vue de définir des stratégies régionales, de renforcer la coopération transnationale et de développer des projets pilotes spécifiques susceptibles d’avoir un impact positif sur l’ensemble des Etats membres, notamment dans le cadre du Processus de Ljubljana et des Stratégies urbaines menées par les collectivités dans les villes historiques.

C. Exposé des motifs, par Mme Marjanović, rapporteure

(open)

1. Origine et objectif du rapport

«L’unité de la culture européenne est simplement le résultat de 3 000 ans de labeur par nos différents ancêtres. C’est un patrimoine que nous refusons d’accepter à nos risques et périls, mais dont il serait criminel de priver les jeunes générations. Il est plutôt de notre devoir de le préserver et de le renouveler» (Hugh Nicholas William Seton-Watson 
			(3) 
			«What is Europe, Where
is Europe? From Mystique to Politique», 11e Martin
Wight Lecture, présentée au Royal Institute of International Affairs
(extrait de «A history of Europe», Norman Davies, Oxford Press)., historien et politologue, 1916-1984)

1. Le 1er octobre 2012, notre commission a été saisie pour établir un rapport sur la proposition de résolution (Doc. 12999) présentée par Mme Muriel Marland-Militello et plusieurs autres membres le 6 juillet 2012. La commission a nommé M. Michael Falzon rapporteur le 18 décembre 2012. Après son départ de l'Assemblée parlementaire, la commission m'a nommée rapporteure le 25 avril 2013.
2. Le 12 mars 2013 à Paris, la commission a eu un échange de vues avec Mme Mechtild Rössler, Directeur adjoint du Centre du patrimoine mondial, UNESCO, et M. Léon Herrera, directeur, Coopération européenne et stratégie, Banque de développement du Conseil de l’Europe. Par ailleurs, je tiens à remercier particulièrement M. Adam Wilkinson, directeur des sites d’Edimbourg inscrits au patrimoine mondial, pour son aide dans la rédaction de cet exposé des motifs. Après avoir participé au Forum de Marseille organisé en septembre 2013 par le Conseil de l’Europe et la Commission européenne sur «La valeur sociale du patrimoine et la valeur du patrimoine pour la société», j’ai pris contact avec des experts et des collaborateurs qui m’ont aidée à collecter des informations sur les initiatives intergouvernementales pertinentes du Conseil de l’Europe, que le projet de recommandation propose de promouvoir et de renforcer.
3. Conformément à la proposition, le présent rapport vise à «favoriser une certaine sensibilisation quant à l’importance de politiques plus efficaces destinées à préserver le patrimoine culturel afin d’identifier les bonnes pratiques et de faire des recommandations concrètes sur les mesures qui contribueraient à surmonter les problèmes existants et à exploiter le potentiel économique du patrimoine en tant que ressource pour un développement durable». Le rapport cherche également «à donner un élan politique à la mise en œuvre de la Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur la valeur du patrimoine culturel pour la société (Convention de Faro, 2005)».
4. Le rapport met l'accent sur le patrimoine culturel tangible 
			(4) 
			L'UNESCO définit le
patrimoine culturel à l'article 1 de la Convention concernant la
protection du patrimoine mondial de (1972) en termes de monuments,
ensembles de constructions et sites, mais a par la suite développé
la définition pour inclure des aspects intangibles et d'autres du
patrimoine. Au cœur de ces définitions est la notion de valeur commune, entre
les personnes et les peuples au fil du temps. 
			(4) 
			La Convention
du Conseil de l’Europe pour la sauvegarde du patrimoine architectural
(STE n° 66, «Convention de Grenade», 1985), définit dans son article 1er le
patrimoine architectural en prenant en considération les monuments,
les ensembles architecturaux et les sites. La Convention-cadre sur
la valeur du patrimoine culturel pour la société (STCE n° 199, «Convention
de Faro», 2005) va plus loin en précisant dans son article 2.a que
«le patrimoine culturel est un ensemble de ressources héritées du
passé que des personnes considèrent, par-delà le régime de propriété
des biens, comme un reflet et une expression de leurs valeurs, croyances,
savoirs et traditions en continuelle évolution. Cela inclut tous
les aspects de l’environnement résultant de l’interaction dans le
temps entre les personnes et les lieux»., identifié sur les listes nationales en Europe, qui peut être considéré comme «menacé». L’article 11 de la Convention de l’UNESCO concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel (1972) 
			(5) 
			Pour le texte intégral
de la convention: <a href='http://whc.unesco.org/en/conventiontext/'>http://whc.unesco.org/en/conventiontext/</a>. offre une définition de ce que l’on entend par «patrimoine menacé»:
«… des biens du patrimoine culturel et naturel qui sont menacés de dangers graves et précis, tels que menace de disparition due à une dégradation accélérée, projets de grands travaux publics ou privés, rapide développement urbain et touristique, destruction due à des changements d’utilisation ou de propriété de la terre, altérations profondes dues à une cause inconnue, abandon pour des raisons quelconques, conflit armé venant ou menaçant d’éclater, calamités et cataclysmes, grands incendies, séismes, glissements de terrain, éruptions volcaniques, modification du niveau des eaux, inondations, raz de marée.»
5. L'analyse qui suit s'appuie également sur les travaux importants de l'Assemblée sur les questions spécifiques de conservation du patrimoine 
			(6) 
			La
liste des documents de l’Assemblée les plus pertinents figure en
annexe. Entre autres: la protection du patrimoine culturel contre
les catastrophes; les incitations fiscales pour la conservation
du patrimoine culturel; la gestion privée des biens culturels; l'artisanat
et les compétences en matière de conservation du patrimoine culturel;
le sauvetage des découvertes archéologiques et les projets de développement;
les édifices religieux désaffectés; le patrimoine industriel en Europe;
la situation du patrimoine culturel en Europe centrale et orientale;
et plus généralement sur la sensibilisation, le rapport «L'Europe,
un patrimoine commun» – une campagne du Conseil de l'Europe. présentant un intérêt direct avec ce rapport. Je tiens à souligner que les exemples de patrimoine menacé indiqués dans le présent rapport sont aléatoires, ils visent à illustrer un problème spécifique. Ils ne doivent pas être considérés comme une liste exhaustive des sites menacés et ne visent pas non plus à montrer du doigt un Etat membre.

2. Introduction

6. Le thème du patrimoine menacé en Europe est une source de préoccupation pour de nombreux Etats membres, les problèmes les plus aigus étant rencontrés en Europe centrale, en Europe de l'Est, en Europe du Sud-Est, et dans le Caucase. Toutefois, en raison également de la crise financière et de sévères coupes budgétaires dans le domaine de la culture, le patrimoine menacé et sa sauvegarde constituent également un problème pour de nombreux pays d'Europe occidentale. La pertinence et l’acuité de cette question ressortent clairement des travaux de l’UNESCO 
			(7) 
			Liste
du Patrimoine mondial en péril, <a href='http://whc.unesco.org/en/danger/'>http://whc.unesco.org/en/danger/</a>. sur la liste du Patrimoine mondial en péril et le programme connexe ICOMOS 
			(8) 
			Conseil international
des monuments et des sites, organe consultatif du Programme de l’UNESCO
sur le patrimoine mondial, <a href='http://www.international.icomos.org/risk/ '>www.international.icomos.org/risk/</a>. Heritage@Risk et des principales activités intergouvernementales mises en œuvre par le Conseil de l’Europe dans le cadre de son «Programme de coopération et d’assistance techniques relatives à la conservation intégrée du patrimoine culturel», et en particulier de ses programmes régionaux dans l’Europe du Sud-Est et le Caucase du Sud. L’urgence d’examiner cette question plus avant a été confirmée par le Congrès sur le patrimoine européen organisé par Europa Nostra en juin 2012.
7. L’Europe entière renferme les vestiges les plus éblouissants du développement culturel de l’humanité sur des milliers d’années, et ce sous la forme d’un patrimoine bâti remarquable, rappelant l’universalité de la créativité humaine et les valeurs communes que nous partageons au‑delà de la diversité des cultures.
8. Les considérables avancées sociales, techniques et économiques accomplies au cours des cent cinquante dernières années, parallèlement aux migrations, aux guerres, aux catastrophes naturelles et aux simples effets du vieillissement ont conduit inévitablement à des pertes, le plus souvent engendrées par l’ignorance ou la recherche d’un prétendu progrès à tout prix.
9. L’autonomisation croissante des communautés dans un monde globalisé a conduit à une plus grande prise de conscience de l’importance des sites et du patrimoine culturel qu’ils représentent en dehors des cercles universitaires et gouvernementaux qui, traditionnellement, étaient les gardiens des valeurs architecturales et historiques de notre patrimoine bâti. Alors que l’on pouvait s’attendre à ce que cette situation conduise à une réduction des pertes en termes de bâtiments, de sites et de lieux historiques et des objets de valeur patrimoniale, la menace, ou la perception de cette menace, semble, au contraire, s’accroître.
10. Les types de sites en péril surprendront, et choqueront, le citoyen européen moyen: ce sont par exemple la cathédrale de Bagrati, le monastère de Gelati et les églises historiques de Mtskheta, en Géorgie, des monuments médiévaux serbes au Kosovo* 
			(9) 
			* Toute référence au
Kosovo mentionnée dans ce texte, que ce soit le territoire, les
institutions ou la population, doit se comprendre en pleine conformité
avec la Résolution 1244 du Conseil de Sécurité des Nations Unies
et sans préjuger du statut du Kosovo., et la ville maritime et commerçante de Liverpool – les trois sites figurant actuellement sur la liste du patrimoine mondial en péril de l’UNESCO 
			(10) 
			Voir la liste du Patrimoine
mondial en péril de l’UNESCO: 
			(10) 
			<a href='http://whc.unesco.org/en/list/?search=&searchSites=&search_by_country=&search_yearinscribed=&type=all&region=1&themes=&media=&danger=1&criteria_restrication=&order=country&description=1'>http://whc.unesco.org/en/list/?search=&searchSites=&search_by_country=&search_yearinscribed=&type=all&region=1&themes=&media=&danger=1&criteria_restrication=&order=country&description=1.</a>; les sites archéologiques de Pompéi et d’Herculanum, classés au patrimoine mondial, des manoirs et palais bâtis en Silésie et dans toute l’Europe centrale, des villages entiers, une montagne et un complexe minier vieux de deux mille ans dans la province de Rosia Montana en Roumanie 
			(11) 
			Danger dû à l’exploitation
minière à ciel ouvert qui utilise une technologie au cyanure pour
extraire de l’or, laquelle détruit les monuments (la plus ancienne
mine d’or préservée de l’époque romaine, l’habitat de la région
minière de Rosia Montana) et menace de polluer l’ensemble du paysage
culturel de la chaîne montagneuse des Carpates occidentales., des zones marécageuses de la Vénétie, de majestueux monastères et couvents, des ponts spectaculaires dans des endroits reculés, des casernes et des fortifications (telles celles de Vauban à Briançon), autant d’édifices, d’espaces, de paysages et de sites d’une beauté sublime et d’une importance historique majeure.
11. Plusieurs organisations ont dressé des listes de sites patrimoniaux menacés, aussi bien aux niveaux mondial et européen que national. Par exemple, le Fonds mondial pour les monuments, qui est une organisation indépendante de premier plan aux Etats-Unis, a mis en place un Observatoire des monuments mondiaux et publie une Liste des édifices en danger 
			(12) 
			<a href='http://www.wmf.org/watch'>www.wmf.org/watch.</a>, ce qui a ensuite encouragé Europa Nostra à lancer son programme intitulé «Les 7 sites et monuments les plus menacés en Europe» 
			(13) 
			<a href='http://www.europanostra.org/coming-events/222/'>www.europanostra.org/coming-events/222/.</a>. A l’échelle nationale, l’organisation Patrimoine Suisse a dressé la liste rouge des bâtiments en danger 
			(14) 
			<a href='http://www.patrimoinesuisse.ch/index.php?id=904&L=1 et'>www.patrimoinesuisse.ch/index.php?id=904&L=1
et</a><a href='http://www.patrimoinesuisse.ch/index.php?id=696&L=1'> www.patrimoinesuisse.ch/index.php?id=696&L=1.</a> et l’Association suédoise pour la préservation des bâtiments (Svenska byggnadsvårdsföreningen) tient quant à elle une liste jaune du patrimoine bâti menacé 
			(15) 
			<a href='http://www.byggnadsvard.se/artiklar/the-swedish-association-for-building-preservation'>www.byggnadsvard.se/artiklar/the-swedish-association-for-building-preservation</a>. . Ces initiatives nationales ne sont cependant pas systématiques partout en Europe, et de nombreux sites en péril échappent à une surveillance et un contrôle réguliers.
12. L'exemple du site du patrimoine mondial des zones archéologiques de Pompéi et d'Herculanum est frappant, non seulement pour l'Italie, mais parce qu’il illustre des situations complexes associées à de nombreux autres sites en péril. Près de la moitié des 44 hectares du site archéologique en plein air est menacée par l'effondrement et le délabrement en raison des conditions climatiques, de la pollution et de la pression extrême de 2,5 millions de visiteurs par an. L’effondrement spectaculaire de la maison des gladiateurs a alerté la presse internationale en 2010, mais de nombreuses autres parties du site se désintègrent lentement et sans bruit. Du fait des restrictions budgétaires étatiques 
			(16) 
			En 2008, l’Etat italien
a affecté 0,28% de son budget (2,1 milliards d'euros) au ministère
chargé des biens culturels. En 2010, le budget a été réduit à 1,7
milliard et en 2012 à 1,6 milliard d'euros., le personnel scientifique et le personnel chargé de l'entretien font gravement défaut. Il y a moins d'un gardien par hectare pour gérer les masses de touristes. De plus, la gestion du site a été confiée par l'ancien gouvernement à l'organisation de la protection civile qui, normalement, intervient en cas de catastrophes naturelles. Cette solution a certes permis de raccourcir de longues procédures administratives, mais présente un inconvénient, car elle a fait ressortir de graves allégations de corruption et de détournement de fonds publics par la mafia locale. En mars 2013, 105 millions d’euros ont été affectés par le Fonds européen de développement régional pour restaurer les zones à haut risque, avec pour condition de garantir une gestion transparente des fonds grâce à la création de la «Superintendance spéciale du patrimoine archéologique de Naples et de Pompéi» (SANP).

3. Facteurs constituant une menace pour le patrimoine en Europe

13. Les raisons pour lesquelles le patrimoine est en danger sont rarement simples et, par conséquent, les solutions ne sont guère faciles à trouver mais, si l’on prend un peu de recul, on commence à comprendre les facteurs qui engendrent ces menaces. La liste suivante des facteurs qui engendrent ces menaces n’est pas exhaustive mais plutôt indicative:
  • la négligence, l’ignorance;
  • l’absence de formation et une éducation inadéquate;
  • les changements institutionnels;
  • le développement économique et les infrastructures (énergie, transport);
  • le développement urbain massif;
  • le développement à l’échelle du paysage – exploitations minières, construction de barrages, etc.;
  • les situations de conflit et d’après-conflit;
  • la naissance d’une nation;
  • les catastrophes naturelles.
  • les politiques contradictoires.

3.1. Négligence et ignorance, absence de formation et éducation inadéquate

14. Les facteurs les plus simples sont l’ignorance et la négligence, l’absence de formation et une éducation inadéquate, les uns découlant souvent des autres. L’ignorance de la valeur d’un patrimoine culturel et sa négligence conduisent inévitablement à la dégradation des structures, lesquelles ne survivraient pas intactes sans un maintien régulier. Le changement climatique devrait provoquer des phénomènes météorologiques plus violents qui exerceront de nouvelles contraintes sur des bâtiments historiques construits en tenant compte de paramètres climatiques très différents. De gros efforts seront nécessaires pour améliorer la résistance de nos lieux historiques et mieux les préparer aux bouleversements à venir.
15. La dégradation progressive, qu’elle soit délibérée ou accidentelle, peut être un obstacle considérable à l’action car elle déprécie le bien au point que les institutions financières ne veulent pas, ou ne peuvent pas, investir. Elle fausse le jugement porté sur le patrimoine en question et masque son potentiel.
16. La négligence délibérée et le manque d’entretien sont, depuis longtemps, un instrument grossier employé par les spéculateurs immobiliers. Les pâtés de maisons situés à l’est de la gare de King’s Cross, à Londres, sont l’exemple classique d’une incurie délibérée et prolongée à laquelle il a enfin été remédié. Pendant de nombreuses années, leur propriétaire foncier a intentionnellement laissé les immeubles tomber en ruines, gâchant ainsi la vie des habitants et voisins, dans l’intention à long terme d’un réaménagement complet. Ceci explique pourquoi la population des quartiers environnants a tout fait pour que les choses changent. Lorsque, des années après, les premières propositions relatives au site ont été présentées, dont celle appelant à la démolition de l’ensemble d’immeubles et de bâtiments industriels historiques, l’opposition a protesté avec véhémence. Un agent immobilier local a démontré comment on pouvait créer de la valeur à partir des bâtiments existants, et la communauté a contribué à l’élaboration d’une nouvelle conception du site. En fin de compte, le promoteur a compris qu’il n’y avait aucun espoir pour ses projets initiaux et a proposé un nouveau programme axé sur la conservation. L’effet catalyseur de ce programme dans les zones voisines a été considérable: un quartier livré à la drogue et à la prostitution s’est transformé en une zone urbaine florissante.
17. Le manque de formation et d’éducation peut entraîner des réparations et des interventions inappropriées sur des bâtiments historiques, faisant plus de mal que de bien en accélérant leur délabrement. Les structures et les bâtiments historiques sont souvent construits à partir de matériaux beaucoup plus souples que leurs équivalents modernes, et les mauvais choix de matériaux pour la réparation causent des dégâts à long terme.
18. Certaines régions d’Europe connaissent une véritable pénurie quant aux compétences requises pour la restauration des édifices historiques, ainsi qu’une érosion du savoir traditionnel indispensable pour effectuer ces travaux. Des projets visant à encourager l’emploi des techniques artisanales traditionnelles nécessaires à l’entretien de ces lieux historiques sont en cours dans plusieurs pays. Cependant, l’image d’ensemble demeure quelque peu confuse: les savoirs traditionnels se perdent vite et sont lents à se reconstituer.

3.2. Changement institutionnel

19. Des changements institutionnels peuvent être à l’origine de nombre de défis parmi les plus importants à relever en matière de conservation, entraînant la désaffectation de grands bâtiments et complexes architecturaux, qu’ils aient une fonction religieuse, médicale, militaire ou industrielle. La simple dimension de ces sites fait que leur affectation à un nouvel usage pose d’énormes problèmes, et que, pour les résoudre, les méthodes varient, allant d’actions ponctuelles dépourvues de coordination à des plans d’ensemble.
20. Des ensembles monastiques exceptionnels tombent en ruines et de nombreux édifices religieux d'importance locale se détériorent. Le monastère et l’église de Setubal, au Portugal, conçus par l’architecte Diogo de Boitaca et achevés en 1494 (avant son chef-d’œuvre, le monastère Jéronimos de Santa Maria de Belém, à Lisbonne), le site où a été ratifié le Traité de Tordesillas (1495) 
			(17) 
			Cet ensemble s’est
vu décerner le Label du Patrimoine européen en 2011 reconnaissant
ainsi son importance en tant que site témoignant des débuts de l’intégration
européenne, mais également en tant qu’exemple très ancien du style gothique
tardif manuélin, qui a notamment adopté le langage architectural
des découvertes faites dans le Nouveau Monde., l'église orthodoxe Notre-Dame de Ljevis à Prizren, Kosovo, l'ancienne église arménienne Sourp de Levork à Mardin, en Turquie, (restaurée en 1822) 
			(18) 
			Le gouvernorat
de Mardin est désireux de la restaurer pour des utilisations religieuses
et laïques, notamment des activités culturelles, en partenariat
avec l'Université technique d'Istanbul. Il s'agit d'une initiative
importante des autorités turques visant à restaurer le patrimoine
arménien. sont des exemples d’ensembles religieux menacés.

3.3. Développement économique et infrastructure

21. Bien qu’une connectivité croissante soit considérée comme indispensable au développement économique, la construction de nouvelles routes et voies ferrées ne va pas sans conséquences pour le patrimoine. Un exemple frappant de ce phénomène a été l’édification d’un grand pont routier au-dessus de la vallée de l’Elbe, à Dresde (Allemagne), qui a abouti à la suppression de cette vallée de la liste du Patrimoine mondial. En dépit d’une campagne locale et internationale musclée, les zones marécageuses de la Vénétie ont été fortement dégradées par la construction du tronçon Valdastico Sud de l’autoroute A31, entre Vincenza et Rovigo, qui a altéré l’environnement de nombreuses villas chargées d’histoire dans un paysage jusque-là préservé, tout en ouvrant cette zone à l’industrialisation.
22. La question des infrastructures énergétiques est depuis longtemps sujette à contestation. Une pression croissante est exercée pour accéder à des sources d’énergie souvent éloignées, ce qui risque de voir éclater d’autres conflits. L’Europe se préoccupe de plus en plus de l’impact des éoliennes sur les paysages et l’environnement des monuments historiques. L’une des propositions récentes les plus étonnantes a été l’installation d’éoliennes dans le cadre du Mont Saint-Michel, en France, l’un des sites européens les plus emblématiques inscrits au patrimoine mondial. L’inquiétude suscitée a été telle que l’UNESCO a demandé à la France de suspendre ses propositions afin que soit préservé ce «paysage intemporel». Le paysage culturel de la Vallée du Haut-Rhin moyen, en Allemagne, est un autre site classé au Patrimoine mondial (depuis 2002) qui est menacé par l’impact des éoliennes.

3.4. Développement urbain massif

23. Ce sont les villes européennes fondées depuis longtemps qui ressentent avec le plus d’acuité les pressions exercées à des fins de développement. L’urbanisation se poursuit à vive allure sur tout le continent et bien qu’il y ait d’excellents programmes communautaires comme URBACT visant à encourager le partage des meilleures pratiques pour régler toute une série de problèmes communs, des aménagements mal conçus, mal exécutés et mal contrôlés peuvent avoir des conséquences désastreuses sur des villes anciennes au tissu social et historique fragile.
24. Le succès croissant de certains quartiers fait grimper la valeur du terrain et les promoteurs cherchent à exploiter ces zones au maximum en démolissant et en reconstruisant. Moscou représente en la matière un cas extrême: en effet, durant la période entre 1992 et 2010, la municipalité a transformé de vastes quartiers peuplés d’élégants bâtiments de deux ou trois étages datant du XVIII et du XIXe siècles en des variantes modernes, au détriment de tout sens de l’histoire et de toute authenticité. D’autres villes d’Europe ont mieux réussi à gérer les pressions en faveur du changement et à en tirer parti; elles ont pour ce faire accepté que l’embourgeoisement des quartiers historiques puisse parfois servir à les protéger à longue échéance, et tenté de loger de nouveaux grands ensembles dans des périmètres restreints – comme La Défense à Paris.

3.5. Développement à l’échelle du paysage – exploitations minières, construction de barrages etc.

25. La prospection pour alimenter l’économie en matières premières a rarement des effets positifs à long terme pour une région, elle cause des dommages considérables au paysage et provoque le saccage des communautés et de leur cadre de vie pendant les opérations et leur abandon à la fin des travaux.
26. L’exploitation du lignite à ciel ouvert a été particulièrement dommageable dans certaines régions d’Allemagne. Avec le démantèlement progressif des centrales nucléaires, au lendemain de la catastrophe de Fukushima, la demande d’électricité de base ne fera que croître. L’ampleur de ces exploitations est considérable 
			(19) 
			Par exemple, la mine
de Tagebau Hambach, en Rhénanie-du-Nord–Westphalie, a nécessité
d’extraire du sable à une profondeur de 200 mètres pour accéder
à 2,4 milliards de tonnes de lignite sur une période de cinq ans,
avec une production annuelle de près de 40 millions de tonnes. Le
site occupe actuellement 34 km2 et occupera
à l’avenir 85 km2. Des dizaines de milliers
de personnes ont été expulsées pour faire place à cette mine (une
parmi d’autres) et des villages médiévaux ont été détruits.. L’exploitation minière n’a pas pour seul effet de dégrader les paysages, villes et villages historiques; elle a aussi pour conséquence d’isoler physiquement les zones les unes des autres, en détruisant ainsi le tissu social.
27. La construction de barrages à vocation agricole ou énergétique peut être extrêmement destructrice pour les paysages et lieux historiques. Ceci est particulièrement inquiétant en Turquie, pays qui compte de stupéfiantes richesses archéologiques et architecturales. Nombre de ses sites historiques les plus précieux sont situés précisément à proximité des fleuves sur lesquels il est proposé d’établir un barrage dans le cadre d’un plan visant à favoriser le développement économique. L’une des pires catastrophes récentes a été la destruction du complexe thermal hadrianéen (romain) d’Allianoi.
28. La cité historique d’Hasankeyf est aujourd’hui menacée par la construction du barrage d’Ilisu. Hasankeyf est un site d’une valeur historique inestimable, témoignant de la présence d’un peuplement dès 9 500 ans av. J.-C. et (plus récemment) de l’Empire romain, de Byzance, des Artukides, des Ayyoubides, des Akkoyunlus et, bien sûr, de l’Empire ottoman. L’édification du barrage aura pour effet d’inonder 80 % de ces monuments historiques, en l’absence de tout projet de conservation, de préservation et de transplantation internationalement reconnu 
			(20) 
			Ces monuments
incluent la grande mosquée du XIIe siècle
et le pont aturkide du XIIe siècle enjambant
le Tigre, clé de son succès comme plaque tournante commerciale,
la mosquée El Rizk du XVe siècle, la
mosquée de Koç – avec son type rare d’iwans et son mihrab exceptionnel,
ainsi qu’un nombre impressionnant de monuments secondaires.. Les propositions pour le barrage ont été ratifiées avant que la Turquie ne soit dotée d’une législation exigeant des évaluations d'impact environnemental.

3.6. Situations de conflit et d’après-conflit

29. Cette question particulière sera traitée plus en détail par la commission dans son rapport consacré à «La préservation de la culture dans les situations de crise et de post-crise» 
			(21) 
			Voir Doc. 13277, proposition de recommandation..
30. Des conflits sont souvent à l’origine de la disparition rapide de nombreux bâtiments et lieux historiques. Selon les données recueillies depuis novembre 1995 par l’Institut pour la protection du patrimoine culturel, historique et naturel de Bosnie-Herzégovine (dans le cadre de l’examen complet mené par le Conseil de l’Europe et la Commission européenne), 2 771 biens du patrimoine bâti ont été partiellement démolis ou endommagés, 713 ont été totalement détruits et 554 ont été incendiés et sont inutilisables depuis la guerre de 1992-96. L’épisode le plus tristement célèbre a été la destruction du vieux pont de Mostar, laquelle a symbolisé l’anéantissement d’une communauté. Toutefois, sa reconstruction a été un symbole de solidarité internationale et un exemple très positif du soutien de la société civile à la préservation du patrimoine.
31. Chypre offre un autre exemple de ce type de situation. Dans ce pays, qui compte une civilisation unique depuis 9 000 av. J.-C., un certain nombre d’initiatives internationales ont été entreprises pour trouver des solutions de conservation du patrimoine culturel menacé. Selon les estimations, depuis 1974, des centaines de monuments historiques et religieux ont été partiellement ou totalement détruits et plus de 60 000 objets anciens ont été illégalement disséminés à travers le monde. Les rapporteurs de l’Assemblée qui se sont rendus à Chypre en 1989 et en 2000 
			(22) 
			Docs. 6079, 9458 et 9460 de l’Assemblée, «Le patrimoine culturel de Chypre». ont proposé la création d’une Fondation européenne pour le financement des activités de conservation au nord de l’île, en facilitant les contacts internationaux destinés à aider les experts locaux dans leurs travaux de conservation, de recherche et d’inventaire des pertes de biens culturels. Ils ont fortement encouragé l’établissement d’une coopération plus étroite entre les parties prenantes et ont appelé à une assistance internationale pour le contrôle du commerce illicite des biens culturels.
32. L’éducation requiert un enseignement impartial de l’histoire – qui évitera de privilégier explicitement une tradition au détriment d’une autre en entraînant, à long terme, une incapacité à apprécier à leur juste valeur certains bâtiments et monuments. Ceci est malheureusement le cas au Kosovo où, au lendemain du conflit, une jeune population de souche albanaise n’est pas éduquée à avoir pleinement conscience de l’importance des monuments historiques qui l’entourent. On peut craindre que cette situation conduise à l’abandon durable d’une partie conséquente du patrimoine de la région.

3.7. Naissance d’une nation

33. La formation d’une nation fait apparaître de nouveaux citoyens qui tentent de trouver leur voie dans le monde, ainsi que de nouvelles allégeances et de nouveaux investisseurs. En Europe du sud-est en témoignent très clairement de modestes investissements turcs dans les infrastructures, ainsi que des investissements wahhabites dans de nouvelles mosquées de style arabe, qui négligent les traditions locales et laissent les édifices religieux locaux à l’abandon.
34. De même, la naissance d’une nouvelle nation a souvent pour conséquence une modernisation rapide des capitales; celle-ci joue le rôle de vitrine pour les aspirations des nouveaux dirigeants et, tentant de présenter au monde extérieur une apparence de modernité, se solde par la perte de bâtiments anciens. C’est ce qu’ont subi des sites datant du XIXe siècle à Bakou, en Azerbaïdjan: une attention particulière a été apportée à la ville fortifiée d’Icherisheher, mais d’autres sites historiques plus récents ont vu la démolition d’édifices de caractère qui constituaient le cadre de vie quotidien des habitants.
35. De plus, la formation d’une nation présente un véritable danger lorsqu’au sein de partis politiques traditionnels, un nationalisme modéré conduit accidentellement à l’extrémisme. Lorsque des édifices à forte connotation historique deviennent des foyers de tension, et que des vestiges sont ainsi mis en péril (rappelons-nous la récente profanation de monuments commémoratifs de l’Holocauste en Ukraine), le risque d’une explosion de haine est toujours présent. De tels actes ne sont rien de moins qu’un déni de l’histoire.

3.8. Catastrophes naturelles

36. Les catastrophes naturelles amènent à se poser des questions sur ce qui est fait après le sinistre, les pires exemples en Europe démontrant le développement effréné de la spéculation immobilière qui empêche la reconstruction et détruit les communautés. Des mesures peuvent être prises pour atténuer les pires effets des catastrophes naturelles mais leur mise en œuvre est rarement bon marché.
37. L’Italie, la Géorgie 
			(23) 
			Séisme
de 2002 à Tbilissi. et l’Espagne 
			(24) 
			Séisme de 2011 à Lorca. se situent dans des zones d’activité sismique fréquente, ce qui a un impact considérable sur le patrimoine culturel. La priorité absolue est de sauver des vies, et assurer une protection adéquate des bâtiments historiques serait très onéreux. En conséquence, la meilleure ligne de conduite après un tremblement de terre ou toute autre catastrophe naturelle consiste à reconstruire aussi rapidement que possible les infrastructures, afin d’aider les communautés brisées à se reconstruire. Cela ne s’est pas produit à L’Aquila (Italie) après le tremblement de terre de 2009 qui a fait près de 300 morts, endommagé des milliers de bâtiments et déplacé quelque 65 000 personnes. Malgré les pressions nationales et internationales, le centre-ville est resté abandonné pendant quatre ans, les habitants étant de fait empêchés de regagner leurs foyers, de refaire leur vie et de rebâtir leur communauté.

3.9. Politiques contradictoires

38. Les pouvoirs publics concernés sont souvent dépourvus de l’expérience, de l’assurance ou des fonds nécessaires pour agir avec efficacité. Parfois, ils en sont empêchés à cause de leur propre politique intérieure. Si excellentes que soient certaines politiques de conservation, d’autres politiques gouvernementales, comme celles relatives à l’économie, à la défense ou à la santé, peuvent les battre en brèche et souvent les reléguer au second plan. Il est difficile pour le législateur et les experts de l’élaboration des politiques de prédire les conséquences d’une politique sur une autre.
39. La compression actuelle des dépenses publiques a touché de plein fouet le budget de l’Etat, soucieux avant tout de protéger des secteurs de dépenses névralgiques, tels l’éducation et les soins de santé. Aussi les coupes ont-elles été d’autant plus drastiques dans le financement du patrimoine, avec par exemple plus de € 280 millions en moins pour le budget italien destiné aux musées, galeries et sites patrimoniaux pour la période 2011-14. S’ajoute à cela la crise immobilière qui s’est soldée par une diminution considérable des contributions des promoteurs à la conservation et à la restauration. L’exemple de l’Irlande est également frappant, avec une diminution des fonds destinés à la sauvegarde du patrimoine de € 23 à € 2 millions.
40. On retrouve un peu partout en Europe des exemples de politiques contradictoires, généralement dans le domaine du développement économique, notamment lorsque celles-ci sont d’inspiration keynésienne; elles tablent alors sur le secteur de la construction qu’elles encouragent au plan politique afin de favoriser la croissance du produit intérieur brut (PIB), sans guère se soucier de la perte de valeur occasionnée dans d’autres domaines, dont en particulier l’environnement historique. Ce conflit apparent est à l’origine de nombre d’exemples mis en avant dans le présent rapport. Les constructions nouvelles constituent également un héritage politique très apparent, même si ce n’est qu’à court terme. Une meilleure harmonisation de ces politiques consisterait à comprendre l’impact exercé sur le système économique de l’entretien et des réparations (pour lequel de véritables statistiques sont actuellement difficiles à trouver: en Ecosse, par exemple, on estime qu’il représente globalement 40 % du secteur de la construction) et à le reconnaître comme un facteur économique essentiel.

4. Bonnes pratiques au niveau national

4.1. Examen et entretien régulier

41. Un certain nombre d’institutions nationales et d’organismes tiers effectuent sur place un examen de l’état du patrimoine légalement protégé et, en conséquence, affectent les ressources aux opérations les plus urgentes, tout en menant des actions de sensibilisation auprès du public et du gouvernement. Les activités de sensibilisation peuvent être, pour les pouvoirs publics, une incitation à agir extrêmement forte, notamment lorsque la pression locale s’exprime en des termes auxquels les responsables gouvernementaux sont réceptifs.
42. Ce sont souvent des tierces parties qui se chargent de la surveillance du patrimoine en péril. L’Association suédoise pour la préservation des bâtiments publie la Gulalisten (Liste jaune) dans le but de sensibiliser l’opinion aux lieux et édifices en danger et d’inciter à l’action citoyenne et gouvernementale. Au Royaume-Uni, le groupe de campagne SAVE Britain’s Heritage publie depuis sa création, en 1975, des listes de bâtiments menacés afin de favoriser les initiatives de défense du patrimoine. De plus, il encourage depuis peu les particuliers à relever le défi que représentent certains de ces édifices. C’est maintenant au gouvernement de prendre la relève et de contribuer à trouver des solutions. Retirer des bâtiments de la liste – moyen employé par l’Ecosse pour mesurer les résultats de l’Agence nationale du patrimoine, Historic Scotland – est un outil de mesure efficace.
43. Un entretien systématique et régulier est essentiel pour empêcher que les bâtiments ne soient laissés à l’abandon et tombent en ruine. D’un pays européen à l’autre, les approches varient en la matière, allant de l’absence totale de mesures à des mesures très efficaces. A cela s’ajoute la notion de conservation éclairée, reposant sur la compréhension du degré d’importance à accorder aux différents éléments patrimoniaux d’un bâtiment, d’un site ou d’une zone avant toute intervention, afin de s’assurer que les priorités sont fermement établies.
44. L’organisation Monumentenwacht (Surveillance des monuments), qui s’occupe de l’entretien régulier et systématique du patrimoine bâti aux Pays-Bas, est sans doute la plus ancienne et la plus étudiée. Elle offre aux propriétaires d’immeubles protégés par la loi un service d’inspections régulières destinées à suivre l’évolution des bâtiments et à détecter les problèmes avant qu’ils prennent de l’ampleur. Les petites réparations peuvent être effectuées sur place et les propriétaires sont tenus informés des travaux requis. Ajoutée à un régime fiscal favorable, cette méthode paraît généralement très efficace pour prévenir les dégradations et a été reprise avec succès dans d’autres pays.
45. L’Association Patrimoine culturel sans frontières au Kosovo, qui travaille sur le style traditionnel Kula aux alentours de Peć, a adopté une tactique plus extrême mais non moins probante pour empêcher la détérioration du patrimoine menacé. Les architectes participant au programme ont souhaité s’atteler à la préservation du plus grand nombre possible de ces bâtiments vernaculaires mais, ayant des moyens limités, ils ont entrepris de fermer provisoirement certaines structures. Ils assurent la stabilisation des bâtiments, les mettant ainsi à l’abri des intempéries pour résister à la rigueur des hivers. Les réparations pourront débuter dès que les financements et la capacité organisationnelle le permettront.

4.2. Intégration et engagement communautaire

46. Au sein du gouvernement, la protection du patrimoine est souvent confiée à un seul département, comme le ministère de la Culture qui n’a pas forcément d’influence sur d’autres ministères plus puissants. Il y a de bons exemples d’initiatives qui visent à faire prendre conscience à d’autres secteurs de l’incidence de leur action sur l’environnement bâti, en s’appuyant fermement sur les exigences des études d’impact sur l’environnement. Au niveau des collectivités locales, l’importance accordée à cette question est variable; elle peut être nulle ou, au contraire, très grande, en fonction des priorités politiques locales plutôt que de l’ampleur du patrimoine de la localité concernée. La compréhension de la contribution que le patrimoine peut apporter à l’économie et à la société dans une région donnée ainsi qu’aux relations internationales entre les pays, est la clé de l’adoption d’une position équilibrée. A cette fin, il est essentiel de s’assurer que le processus décisionnel concernant la planification et l’élaboration des politiques intègre pleinement le patrimoine, en évitant les problèmes et polémiques en aval.
47. La perte d’éléments du patrimoine à cause de mauvaises décisions d’aménagement peut souvent être évitée grâce à une concertation précoce avec les pouvoirs publics et les communautés concernées, en nouant un dialogue positif. Bien qu’en apparence, cette procédure ralentisse le processus d’investissement et d’aménagement, elle donne aux investisseurs davantage de garanties et engendre, in fine, des changements plus durables, avec le soutien de la population intéressée.
48. Il est difficile d’adopter une approche transparente et démocratique de l’aménagement du territoire, en particulier dans des pays habitués à une planification centralisée. Certains pays pratiquent depuis longtemps des réunions d’information et de concertation au niveau des collectivités, notamment dans le nord de l’Europe. Au Danemark, les pouvoirs locaux sont tenus de concevoir pour toute modification à l’échelle locale un plan qui fera l’objet d’un débat local entre les citoyens avant la prise de décision finale. Ce système garantit qu’un aménagement global synthétisera les intérêts de l’ensemble des citoyens concernant l’occupation des sols et contribuera à protéger la nature et l’environnement.
49. L’engagement communautaire au stade de la planification assure une durabilité sur le long terme, au moyen du patrimoine et de la culture d’un lieu pour établir une base solide pour la société, le patrimoine (tangible et intangible) offrant un point de référence pour la société. Il offre aussi la possibilité de se concentrer sur les besoins locaux plutôt que sur les politiques nationales.

4.3. Education et sensibilisation

50. La sensibilisation de la population au passé national et à son histoire ainsi que sa mobilisation sont essentielles pour garantir la durabilité des activités de conservation. La valorisation doit porter non seulement sur le patrimoine historique et architectural mais aussi social, reconnaissant le rôle que le patrimoine doit jouer en tant que facteur de cohésion de la société.
51. Ce point trouve sa plus forte expression dans l’article 27 de la Convention du patrimoine mondial, qui stipule: «Les Etats parties à la présente Convention s’efforcent par tous les moyens appropriés, notamment par des programmes d’éducation et d’information, de renforcer le respect et l’attachement de leurs peuples au patrimoine culturel et naturel.»
52. Concernant cet article de la convention, on reconnaît implicitement que la reconnaissance par les différents peuples de la valeur universelle exceptionnelle d’un site inscrit au patrimoine mondial est un moyen de créer une bonne entente internationale. Ceci vaut également au niveau local, en attestant du rôle que doit jouer le patrimoine dans l’objectif européen plus large de renforcer les liens entre les peuples de notre continent.
53. La valorisation du patrimoine par des associations locales inscrit de fait le patrimoine dans le processus démocratique, créant les conditions nécessaires pour que les responsables politiques prennent des décisions positives dans ce domaine, avec le soutien de la population. A cet égard, la Convention‑cadre du Conseil de l'Europe sur la valeur du patrimoine culturel pour la société 
			(25) 
			<a href='http://conventions.coe.int/Treaty/Commun/QueVoulezVous.asp?NT=199&CM=8&CL=FRE'>http://conventions.coe.int/Treaty/Commun/QueVoulezVous.asp?NT=199&CM=8&CL=FRE.</a> est particulièrement utile pour orienter la politique des autorités nationales, régionales et locales.
54. Au niveau national, Fondo Ambiente Italiano exécute un certain nombre de programmes de sensibilisation aux bâtiments, aux sites et aux enjeux liés au patrimoine historique, plus particulièrement par le biais de son programme «I luoghi del cuore» (Les lieux du cœur) 
			(26) 
			<a href='http://www.fondoambiente.it/Index.aspx'>www.fondoambiente.it/Index.aspx.</a>. Les antennes nationales d’Europa Nostra jouent un rôle important en sensibilisant la population au sein même des pays. Elles sont particulièrement utiles dans les pays où la société civile continue de se développer. Le National Trust en Angleterre est actif au niveau national en termes d’éducation au patrimoine, mais il laisse une grande liberté d’action aux sites eux-mêmes pour adapter l’expérience de l’apprentissage à chaque bâtiment et aux besoins locaux.

4.4. Incitations financières

55. Il est de plus en plus difficile de localiser les fonds nécessaires à la réparation et à la réutilisation du patrimoine menacé; les réponses apportées se complexifient avec la mise en place de partenariats destinés à remédier à la situation problématique de certains sites et l’accès aux fonds à partir d’une grande diversité de sources (voir les lignes directrices publiées par le Conseil de l’Europe en 2009, «Financement du patrimoine architectural: Politiques et pratiques» 
			(27) 
			<a href='https://book.coe.int/eur/fr/patrimoine-culturel/4541-financement-du-patrimoine-architectural-politiques-et-pratiques.html'>https://book.coe.int/eur/fr/patrimoine-culturel/4541-financement-du-patrimoine-architectural-politiques-et-pratiques.html.</a>).
56. L’approche traditionnellement adoptée par les gouvernements, qui consiste à allouer des subventions pour la réparation des bâtiments, n’est pas viable à long terme et d’aucuns prétendent qu’elle récompense de fait une mauvaise gestion des bâtiments et lieux historiques. Le Nationaal Restauratiefonds (Fonds national de restauration), aux Pays-Bas, donne un exemple de la manière dont un financement public modeste pourrait être utilisé à meilleur escient. Le fonds n’offre pas de financements aux propriétaires, mais plutôt des prêts à taux réduit, ainsi que des allègements fiscaux, pour leur permettre de restaurer leurs biens. Une version plus ciblée de ce système s’applique à la vieille ville et la nouvelle ville d’Edimbourg, site inscrit au patrimoine mondial sous les auspices de l’Edinburgh World Heritage. Les financements sont remboursables à la cession d’un bien résidentiel privé ou à l’issue de dix ans d’exploitation d’un immeuble commercial, ce qui encourage la propriété à long terme ainsi qu’une intendance avisée. Dans le cadre plus large des financements de l’Union européenne, divers régimes – bien que non spécifiques à la culture ou au patrimoine – peuvent aisément s’appliquer au patrimoine en danger. La source de financement JESSICA pourrait par exemple être employée pour fournir des fonds de roulement (sous forme de prêts bon marché) pour la réparation de bâtiments dont la rentabilité commerciale serait sinon faible.
57. En Europe, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) s’applique inégalement en matière de rénovation des bâtiments historiques. Dans certains pays, comme le Royaume-Uni, ceci se traduit par un impôt de 20 % sur la rénovation des bâtiments historiques qui, dans d’autres Etats comme la France, bénéficie d’une certaine exonération. A bien des égards, l’Europe accuse un certain retard par rapport aux Etats-Unis, où les réductions d’impôt pour la restauration de bâtiments historiques se sont soldées par un investissement massif dans des bâtiments qui, dans le cas contraire, n’auraient pas été considérés comme économiquement viables et auraient été laissés à l’abandon. Ces réductions fiscales peuvent prendre diverses formes – d’un allègement fiscal à durée limitée des impôts fonciers locaux pour la réhabilitation d’un immeuble inoccupé à un allègement de l’impôt sur le revenu des particuliers pour des fonds consacrés à la restauration. Si ce type de systèmes se généralisait en Europe, l’écart ressenti entre le monde des organisations de défense du patrimoine et celui du développement se réduirait considérablement, les promoteurs commerciaux devenant des promoteurs du patrimoine commercial.

4.5. Cadre juridique et application des règles

58. Les points soulignés ci‑dessus concernent des mesures proactives destinées à éviter que le patrimoine soit mis en danger. Ces mesures doivent toutefois être étayées par de solides cadres juridiques pour réglementer le patrimoine légalement reconnu, en instaurant des mécanismes composés d’experts et respectés au sein des gouvernements. Les systèmes réglementaires employés dépendent grandement de la priorité accordée au patrimoine, ainsi que du degré de compréhension du rôle transformationnel de l’environnement historique. Il est regrettable que les coupes drastiques dans les dépenses publiques aient affaibli ces systèmes réglementaires dans un certain nombre de pays européens. Par exemple, en Hongrie, le bureau gouvernemental chargé des monuments historiques a été dissous en 2010, et en Irlande et en Grèce les effectifs d’experts ont été réduits de plus de 50 %.
59. Des problèmes se posent au niveau national dans les Etats décentralisés où les règles peuvent être appliquées différemment selon les échelons administratifs, créant dans le système des failles qui peuvent être exploitées. A l’autre extrémité de l’échelle des pouvoirs, le contrepoids est assuré par l’obligation européenne de procéder à des études d’impact des aménagements majeurs sur l’environnement, ce qui garantit que le processus de prise de décision publique repose sur des informations fiables concernant la perte potentielle d’éléments du patrimoine.
60. Trop souvent, si brillants que soient leurs structures ou leur personnel, les mécanismes mis en place s’effondrent lorsqu’il y a un constat d’échec en matière d’application des règles. Les raisons d’un tel échec sont complexes et peuvent être liées à des questions de coût, d’expérience, de compétence juridique, d’ingérence politique etc. Là où l’application des règles est assurée, les sanctions infligées peuvent être des amendes et aller jusqu’à des peines de prison en passant par la confiscation d’un bien et la suppression de toute aide antérieure de l’Etat.
61. English Heritage, qui est intervenu contre la démolition de Greenside, un immeuble moderniste de 1937 conçu par Connell, Ward et Lucas et protégé par la loi, est un cas intéressant d’organisme public agissant en faveur du patrimoine menacé. L’administration locale avait délivré – contre l’avis de ses propres experts – un permis de démolition pour remplacer ce bâtiment par une construction plus imposante. Avant même la validation de ce permis par le gouvernement, le propriétaire avait illégalement procédé à la démolition du bâtiment. Sur ces entrefaites, le gouvernement a refusé la demande de permis de démolition, exposant ainsi le propriétaire à des poursuites judiciaires. English Heritage a effectivement poursuivi le propriétaire, qui a été condamné à une amende totale de £ 25 000 au titre de la démolition. Bien que ce jugement ait envoyé un signal clair, on peut estimer que le propriétaire s’en est sorti à bon compte – la loi anglaise autorisant des amendes pouvant se monter à £ 200 000 et à une peine d’emprisonnement.

5. Coopération internationale

5.1. Coopération européenne

62. Des efforts sont déployés dans toute l’Europe pour s’assurer que ceux qui participent à l’action des autorités publiques pour conserver et revitaliser certains lieux sont dotés des outils techniques permettant aux investissements de grande ampleur de tirer parti de tout ce que la patrimoine dudit lieu peut offrir, renforçant les notions de revitalisation induite par la conservation.
63. Sous l’égide du Conseil de l’Europe, plusieurs activités intéressantes sont menées à bien, parmi lesquelles: le Processus de Ljubljana – Réhabiliter notre patrimoine commun, mis en œuvre conjointement avec la Commission européenne (DG-EAC et ultérieurement DG-ELARG) depuis 2003 
			(28) 
			<a href='http://www.coe.int/irppsaah'>www.coe.int/irppsaah.</a>, qui rassemble les organisations intersectorielles et les partenaires sociaux et les aide à définir des projets de réhabilitation des monuments et des sites afin qu’ils soient en étroite corrélation avec leurs environnements sociaux et économiques et qu’ils obtiennent des investissements et des financements extérieurs; les «projets pilotes sur la réhabilitation des villes historiques», également mis en œuvre avec le soutien de la Commission européenne dans le Caucase du Sud et les pays de la mer Noire (et qui devraient se poursuivre à compter de 2014 dans le cadre des Stratégies urbaines menées par les communautés dans les villes historiques au sein du programme de Partenariat oriental) 
			(29) 
			<a href='http://www.coe.int/t/dg4/cultureheritage/cooperation/Kyiv/urbanrehab_en.asp'>www.coe.int/t/dg4/cultureheritage/cooperation/Kyiv/urbanrehab_en.asp.</a>, qui visent à recenser les projets urbains axés sur le patrimoine capables de relancer les stratégies de revitalisation; les projets pilotes de développement local 
			(30) 
			<a href='http://www.coe.int/ldpp'>www.coe.int/ldpp.</a> qui proposent un cadre politique de consultation associant une grande diversité d’acteurs publics et privés aux discussions sur l’avenir des zones rurales d’exception, où le patrimoine est envisagé comme une ressource locale durable pour le développement; le «Soutien de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe à la promotion de la diversité culturelle au Kosovo» (PCDK) 
			(31) 
			<a href='http://www.coe.int/pcdk'>www.coe.int/pcdk. </a>, qui suit une approche intersectorielle et transversale axée sur quatre éléments principaux: le renforcement des capacités, l’éducation et la sensibilisation de la population, le développement économique local et le bien-être de la population, et qui rassemble tous ces éléments dans des projets pilotes novateurs fondés sur le patrimoine commun; et le Réseau européen du patrimoine (HEREIN) 
			(32) 
			<a href='http://www.coe.int/herein'>www.coe.int/herein.</a>, créé en 1999, qui regroupe 44 services gouvernementaux chargés du patrimoine culturel et qui sert de référence aux organismes d’Etat, aux professionnels, aux chercheurs, aux organisations non gouvernementales actives dans ce domaine et à tous les citoyens intéressés. Sa base de données offre une vue synthétique des politiques mises en œuvre en faveur du patrimoine culturel, encourage les bonnes pratiques et aide les pouvoirs publics à adapter leurs politiques et à améliorer les modes de gouvernance en matière de patrimoine culturel.
64. De nombreux programmes mis en œuvre grâce à des financements de l’Union européenne veillent au partage d’informations et d’expériences. Le réseau HERO, coordonné par la ville de Regensburg dans le cadre du programme URBACT, s’est efforcé de promouvoir l’idée du patrimoine comme une chance à saisir. Collaborant étroitement avec l’Association européenne des villes et régions historiques (EAHTR), formée en 1999 par le Conseil de l’Europe, ce réseau avait pour but de concevoir des stratégies de gestion intégrées et novatrices dans le domaine des paysages urbains historiques, en assurant un équilibre entre la conservation du patrimoine culturel et un développement socio-économique durable des villes historiques, afin d’en renforcer l’attractivité et la compétitivité. L’accent a été mis sur la gestion des conflits d’intérêt et le pari sur les atouts du patrimoine culturel pour les activités économiques, sociales et culturelles.
65. Le projet HERMAN de l’Union européenne a pris la mesure du potentiel offert par l’exploitation durable du patrimoine culturel pour favoriser le développement de villes petites et moyennes d’Europe centrale, en s’inspirant d’approches mieux coordonnées, intégrées et systématiques de la gouvernance. Le projet réunit 10 villes 
			(33) 
			Pour plus d’informations: <a href='www.central2013.eu/nc/central-projets/approved-projets/funded-projets/?tx_fundedprojets_pi1%5Bprojet%5D=126'>www.central2013.eu/nc/central-projets/approved-projets/funded-projets/?tx_fundedprojets_pi1%5Bprojet%5D=126</a>, dans l’objectif de comprendre et mettre en œuvre les meilleures pratiques de villes ayant déjà appliqué avec succès ce type de solutions.
66. En termes de formation, il existe des programmes financés par l’Union européenne, tel SATURN, qui vise à créer à l’intention des personnes enseignant dans le domaine de la régénération urbaine une série de publications donnant des exemples de bonnes pratiques en matière d’engagement communautaire dans les processus de développement et énumérant les outils économiques disponibles pour assurer des résultats respectueux de l’environnement historique bâti.
67. Des conférences annuelles telles que celle intitulée Le meilleur du patrimoine, une enquête internationale sur les musées et les projets en matière de patrimoine et de conservation primés, lancée en 2003 par l’Association européenne du patrimoine, sont d’autres excellentes occasions de répandre les bonnes pratiques en Europe. Le meilleur du patrimoine, qui se tient chaque année à Dubrovnik, donne aux professionnels la possibilité d’échanger expériences, contacts et informations.
68. Les normes et lignes directrices pour la conservation varient d’un pays européen à l’autre, certains d’entre eux adoptant une approche très technique, d’autres une approche un peu plus pragmatique. Les stratégies les plus efficaces sont apparemment celles qui, au lieu de faire obstacle aux changements, s’efforcent de les gérer grâce à un aménagement prospectif du territoire. Le cadre théorique de la gestion durable de l’environnement bâti a été grandement renforcé par l’Initiative de l’UNESCO concernant le paysage urbain historique 
			(34) 
			<a href='http://whc.unesco.org/en/activities/638'>http://whc.unesco.org/en/activities/638</a>., bien que cette initiative soit axée sur la gestion des zones urbaines.
69. L’Initiative pour la sauvegarde des paysages urbains historiques est une démarche bienvenue visant à intégrer en amont les aspects patrimoniaux dans le processus décisionnel relatif à la gestion urbaine. Ceci pour éviter la situation trop fréquente dans laquelle certains groupes d’intérêts ne sont avertis des plans d’aménagement et des menaces pesant sur les lieux historiques qu’une fois les décisions arrêtées.
70. Un examen des projets de conservation et de restauration ayant remporté le Prix du patrimoine culturel de l’Union européenne/Concours Europa Nostra révèle la grande diversité des enveloppes financières et des innovations destinées à promouvoir les projets, ainsi que des méthodes d’obtention des aides gouvernementales caritatives et institutionnelles, et des financements issus des produits du loto ou accordés par des promoteurs immobiliers privés. Il reste cependant beaucoup à faire pour partager à l’échelle européenne les exemples de dispositifs de financement novateurs dont divers groupes font la synthèse pour appuyer leurs projets.

5.2. UNESCO

71. La coopération entre les Etats Parties à la Convention du patrimoine mondial et le Centre du patrimoine mondial est un moyen important d’éviter les difficultés et de renforcer de fait la valeur universelle remarquable des sites du patrimoine mondial grâce à des changements judicieux.
72. Un certain nombre de mécanismes ont pour but d’assister les Etats Parties dans la gestion de leurs sites inscrits au patrimoine mondial, comme le Bureau régional de l’UNESCO à Venise, qui soutient la coopération internationale en Europe du Sud-Est, ou les réseaux informels qui se constituent entre les villes grâce à un dialogue et une coopération spontanés. Les nations disposant de niveaux de compétences extrêmement variés, il est toutefois difficile de leur faire appliquer la convention, et plus difficile encore de les amener à toutes respecter les mêmes normes. L’une des missions les plus importantes du Centre du patrimoine mondial de l’UNESCO pourrait consister à réunir les responsables des sites pour qu’ils partagent leurs expériences.
73. Le concept de patrimoine mondial notamment (mais pas exclusivement) donne lieu à un réseau puissant d’échanges transnationaux d’expérience, montrant ce qui peut être réalisé dans ce domaine. Il y a également de nombreuses initiatives liées à la valorisation internationale comme le Programme d’Europa Nostra concernant le patrimoine en danger qui vise à alerter sur les exemples de mauvaises pratiques.
74. L’Organisation des villes du patrimoine mondial, dont le secrétariat régional pour le nord-ouest est basé sur le site du patrimoine mondial de Regensburg, est un précieux outil d’échange des expériences qui s’emploie à mettre en contact les directeurs de sites urbains du patrimoine mondial pour les aider à recenser leurs problèmes communs et à analyser les bonnes pratiques, tout en développant un sens de la solidarité entre ses membres.
75. Le concept de patrimoine mondial encourage la compréhension des valeurs communes, l'accent étant mis sur l'éducation guidant les Etats Parties vers l'importance d’une sensibilisation de leurs populations, surtout les jeunes, à leur histoire et leur culture. Au-delà du renforcement de la compréhension culturelle, l'apprentissage dans ce domaine élargit la capacité des enfants à acquérir une réflexion créatrice, abstraite et innovante, et devrait s’appliquer à tous les niveaux du patrimoine culturel, et pas seulement au patrimoine mondial.

5.3. Organisations non gouvernementales

76. Les associations locales de défense du patrimoine se comptent par milliers en Europe, chacune s’exprimant sur ses préoccupations particulières. Les pays d’Europe de l’Ouest et du Nord ont une grande et longue expérience de la participation citoyenne, grâce à des organisations établies de longue date telles que la Société pour la protection des bâtiments anciens, fondée en 1877 au Royaume-Uni, qui mène campagne à l’échelle nationale, ainsi qu’à des groupes plus modestes œuvrant au niveau local.
77. Dans les Etats d’Europe centrale et orientale, la société civile ne cesse de se renforcer depuis les bouleversements politiques survenus au début des années 1990. Certaines difficultés persistent néanmoins dans des pays comme la Russie, où les lois relatives aux organisations de la société civile, dont le rôle est primordial dans la lutte en faveur du patrimoine en danger, sont très strictes 
			(35) 
			En avril 2013, Human
Rights Watch et Amnesty International ont publié un rapport constatant
que les lois cherchent clairement à limiter, voire à mettre un terme
à une défense indépendante et aux travaux d’autres ONG.
78. Au niveau européen, plusieurs initiatives – de la campagne «We Are More» qui demande à l’Union européenne d’allouer davantage de financements à la culture par l’intermédiaire de Culture Action Europe, à Europa Nostra, porte-parole du patrimoine culturel en Europe – coordonnent le très large éventail d’organisations existantes afin qu’elles s’expriment enfin d’une seule voix claire en faveur du patrimoine.
79. Le nouveau programme d’Europa Nostra, intitulé Les 7 sites les plus menacés, vise non seulement à identifier les sites les plus menacés en Europe, mais aussi à contribuer à trouver des solutions grâce à son réseau d’experts et ses partenaires dans le programme, la Banque européenne d’investissement et la Banque de développement du Conseil de l’Europe. Bien que ce programme n’en soit qu’à ses débuts, il a déjà prouvé que réunir des experts issus de différents pays, cultures et compétences était un moyen efficace pour définir des solutions, encourager la participation d’acteurs du gouvernement et de la société civile à faire de même, et intégrer des Etats non membres de l’Union européenne. L’un des aspects les plus intéressants de sa présélection de 14 sites pour la liste 2013 est que celle-ci inclut délibérément et concrètement des sites objets de conflits ou lieux de tensions internationales, comme la zone tampon du centre historique de Nicosie, à Chypre, ou s’attaque à des problèmes a priori lointains, comme celui du remarquable patrimoine de l’Arménie 
			(36) 
			Voir page internet
d’Europa Nostra: <a href='http://www.europanostra.org/7-most-endangered/'>www.europanostra.org/7-most-endangered/</a><a href='http://www.europanostra.org/7-most-endangered/'>.</a>.
80. L’une des principales sources paneuropéennes d’informations et d’avis techniques est le Comité scientifique d’Europa Nostra, dont le bulletin offre des conseils détaillés. S’occupant essentiellement du remarquable patrimoine militaire européen, son intérêt ne se limite pourtant pas aux châteaux et forteresses, mais s’étend à des quartiers entiers, des zones rurales, des ouvrages et des paysages culturels qui représentent notre patrimoine commun.
81. Bien que les différents pays d’Europe abordent diversement le problème des églises désaffectées, on observe néanmoins une tentative concertée visant à partager les compétences par le biais d’Avenir du patrimoine religieux, le réseau européen de défense des lieux de culte historiques. Ce groupe collabore avec divers courants religieux, ainsi qu’avec le secteur bénévole, les gouvernements et les milieux universitaires, échangeant savoir-faire, idées et projets. Au Royaume-Uni, par exemple, certains organismes – comme le Fonds pour la conservation des églises et le Fonds pour les chapelles historiques – sont à même de prendre en charge les édifices religieux désaffectés les plus précieux. Grâce à leurs soins, ces bâtiments échappent à l’abandon ou à une reconversion irréfléchie. L’action menée par ces deux organisations peut avoir valeur d’exemple pour d’autres pays.
82. Ces mouvements et initiatives montrent tous à quel point il importe d'investir dans la culture en ces temps de défis économiques et politiques comme un moyen visant à défendre la tolérance, l'identité, la diversité et le respect d'autrui. Le patrimoine et l'histoire qu’il reflète ont une base positive vers un terrain d’entente commun et sont un moyen permettant de renforcer la société: la culture et le patrimoine sont les résultats tangibles de la société. Divers programmes et activités peuvent utiliser le patrimoine pour soutenir cet objectif, du tourisme à l'éducation et au développement économique.

6. Conclusions

83. La question du patrimoine menacé soulève non seulement des problèmes d’ordre technique, mais aussi politiques, notamment lorsqu’il s’agit de décider ce qui doit être protégé en priorité, ce qui devient particulièrement complexe dans le contexte actuel de coupes claires dans les dépenses publiques. Par ailleurs, il faut déterminer à quel niveau doit s’effectuer la prise de décision et assurer une cohérence entre les niveaux national, régional et local, en particulier dans les Etats décentralisés. Se pose également la question de la priorité et de la cohérence entre des politiques très diverses et parfois contradictoires.
84. Des défis demeurent, notamment concernant les financements requis pour résoudre de nombreux problèmes. Je crois que le développement économique et la protection du patrimoine ne sont pas nécessairement en contradiction, mais peuvent être plutôt complémentaires. De nombreux exemples montrent que les investissements réalisés dans la conservation du patrimoine peuvent apporter une contribution significative au développement économique et social. Toutefois, quand cela est possible, les gouvernements devraient jouer un rôle actif pour proposer des mesures incitatives afin que la conservation et la restauration des lieux historiques exceptionnels d’Europe deviennent une activité économique rentable. Je souhaite souligner l’importance d’investir dans la sauvegarde du patrimoine en danger, même quand cela n’a pas de retombées économiques. De plus, de nouveaux mécanismes et partenariats innovants sont également nécessaires pour utiliser pleinement le potentiel de conservation du patrimoine dans les projets de régénération socio-économique.
85. En outre, je crois fermement que l'investissement dans le patrimoine est un investissement vital pour une société meilleure, et il ne devrait pas être considéré comme un produit de luxe à réduire en temps de crise. La culture et le patrimoine contribuent non seulement au développement économique et social, mais plus important encore, ils intègrent l'identité culturelle et défendent les valeurs démocratiques de tolérance, ils approfondissent la compréhension et le respect des autres et cultivent le respect de la diversité culturelle. Je considère donc que le patrimoine a un rôle fondamental à jouer dans l’instauration d’une citoyenneté, ce qui est aujourd’hui essentiel si l’on veut apaiser les nombreuses angoisses sociales, en particulier pour les jeunes générations.
86. Il existe en Europe autant de solutions aux problèmes du patrimoine menacé qu’il y a de bâtiments, lieux et paysages menacés. Bien que les mêmes solutions ne puissent s’appliquer à tous les types de bâtiments ou à tous les pays, des enseignements sont à tirer à divers niveaux, qu’il s’agisse de textes de loi, de compétences ou de valorisation, et il est possible de proposer des lignes directrices sur les normes et méthodes permettant de résoudre ces difficultés à l’échelle européenne. Les méthodes permettant le partage des compétences sont très variées mais non accessibles à tous, en particulier au secteur du bénévolat.
87. Il importe donc de créer les mécanismes adéquats pour échanger les expériences et bonnes pratiques au niveau européen. Je considère qu'il est particulièrement important de faire participer à ce processus les autorités, les experts et le secteur bénévole des pays de l'Europe centrale, de l’Est et du Sud-Est et la région du Caucase du Sud afin qu'ils puissent profiter pleinement de ce transfert d'expériences et de compétences. En outre, la Convention-cadre du Conseil de l'Europe sur la valeur du patrimoine culturel pour la société et la Convention européenne du paysage pourraient être utilisés comme instruments de politiques novatrices pour aider les Etats membres à s’assurer que le processus décisionnel concernant la planification et l’élaboration des politiques intègre pleinement le patrimoine, aux niveaux national, régional et local, et d'impliquer le public et les groupes de conservation du patrimoine dans les premiers stades du processus décisionnel. En outre, par des rapports réguliers et un débat public, les parlements nationaux pourraient jouer un rôle important dans le suivi de l'action des pouvoirs publics en matière de sauvegarde du patrimoine menacé au niveau national.
88. Enfin, je tiens à souligner que le patrimoine culturel au niveau européen devrait faire l’objet d’une plus grande cohérence et coopération, entre le Conseil de l'Europe, l'Union européenne et l'UNESCO afin que des lignes directrices cohérentes soient mises en œuvre par des projets de patrimoine financés par l'Union européenne.

Annexe – Liste des textes pertinents de l’Assemblée sur la protection du patrimoine culturel et du paysage

(open)

Résolution 1924 (2013) Le patrimoine industriel en Europe

Recommandation 2001 (2012) La protection et la mise à disposition du patrimoine culturel audiovisuel

Résolution 1883 (2012) Les cimetières juifs

Recommandation 1942 (2010) La recherche d’un équilibre entre le sauvetage des découvertes archéologiques et les projets d’aménagement

Recommandation 1884 (2009) L’éducation culturelle: promotion de la culture, de la créativité et de la compréhension interculturelle par l’éducation

Résolution 1638 (2008) et Recommandation 1851 (2008) Les métiers artisanaux et le savoir-faire de la conservation du patrimoine culturel

Recommandation 1835 (2008) Développement durable et tourisme: vers une croissance qualitative (Avis de la commission, Doc. 11580)

Résolution 1487 (2006) L’avenir et la reconversion des zones charbonnières en Europe

Recommandation 1730 (2005) La gestion privée des biens culturels

Recommandation 1651 (2004) Mettre un terme au pillage des biens culturels africains

Recommandation 1660 et Résolution 1375 (2004) Situation au Kosovo (Avis de la commission, Doc. 10170)

Résolution 1355 (2003) Mesures fiscales visant à encourager la conservation du patrimoine culturel

Recommandation 1599 (2003) Situation culturelle dans le Caucase du sud

Recommandation 1486 (2000) Patrimoine culturel maritime et fluvial

Recommandation 1465 (2000) «L'Europe, un patrimoine commun» – une campagne du Conseil de l'Europe

Résolution 1205 (1999) Biens culturels des Juifs spoliés

Recommandation 1372 (1998) Convention d’Unidroit sur les biens culturels volés ou illicitement exportés

Recommandation 1173 (1992) Conservation des bibliothèques et archives scientifiques dans les pays d'Europe centrale et orientale

Recommandation 1172 (1992) Situation du patrimoine culturel en Europe centrale et orientale

Résolution 916 (1989) Edifices religieux désaffectés

Recommandation 1043 (1986) Patrimoine linguistique et littéraire de l'Europe

Recommandation 1042 (1986) Protection du patrimoine culturel contre les catastrophes

Recommandation 987 (1984) Itinéraires européens de pèlerinage

Directive 421 (1983) Circulation des œuvres d'art

Recommandation 921 (1981) Détecteurs de métaux et archéologie

Recommandation 898 (1980) Monuments commémoratifs

Recommandation 881 (1979) Patrimoine architectural rural

Recommandation 880 (1979) Conservation du patrimoine architectural européen; Résolution 707 (1979) Rôle des parlements nationaux dans la conservation du patrimoine architectural; Résolution 708 (1979) Rôle des collectivités locales et régionales dans la conservation du patrimoine architectural; Résolution 709 (1979) Rôle des associations indépendantes dans la conservation du patrimoine architectural

Recommandation 872 (1979) Archéologie industrielle

Recommandation 848 (1978) Patrimoine culturel subaquatique

Résolution 667 (1977) Constitution de groupes parlementaires pour la sauvegarde du patrimoine

Recommandation 788 (1976) Moyens de faire le point sur l’état de conservation du patrimoine architectural

Recommandation 750 (1975) Conservation du patrimoine architectural de l’Europe

Rapports d’information de la commission:

Rapport d’information sur «Rosia Montana» (décembre 2004; rapporteur général sur le patrimoine culturel: M. O’Hara; Doc. 10384)

Rapport d’information «Protection du patrimoine culturel au Kosovo» (avril 2004; rapporteur général sur le patrimoine culturel: M. O’Hara; Doc. 10127)

Rapport d’information «Le patrimoine culturel de Chypre» (mai 2002; rapporteur général sur le patrimoine culturel: Mme Štěpová; Doc. 9460)

Rapport d’information «Aspects culturels du projet relatif au barrage d’Ilisu, Turquie» (janvier 2002; rapporteur général sur le patrimoine culturel: Mme Štěpová; Doc. 9301)