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Rapport | Doc. 13429 | 18 février 2014

La Convention européenne des droits de l’homme: le besoin de renforcer la formation des professionnels du droit

Commission des questions juridiques et des droits de l'homme

Rapporteur : M. Jean-Pierre MICHEL, France, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 12843, Renvoi 3838 du 9 mars 2012. 2014 - Commission permanente de mars

Résumé

La commission des questions juridiques et des droits de l’homme souligne l’importance d’une solide formation des professionnels du droit à la Convention européenne des droits de l’homme, telle qu’interprétée par la Cour européenne des droits de l’homme. Cette formation exige que la jurisprudence de la Cour soit accessible dans une langue que les professionnels du droit de chaque Etat Partie soient en mesure de comprendre.

La commission juge le Programme européen de formation aux droits de l’homme pour les professionnels du droit, le «Programme HELP», est bien placé pour dispenser une assistance dans le domaine de la formation à la Convention. Ce programme n’a pas pour but de remplacer les initiatives prises par les organismes de formation spécialisés de chaque Etat membre; mais il peut faciliter et facilite réellement cette tâche, par exemple en élaborant du matériel pédagogique ou la «formation des formateurs». Cette formation doit être améliorée dans bon nombre d’Etats membres, et ces derniers sont invités à veiller à ce que la Convention et la jurisprudence de la Cour soient partie intégrante de la formation élémentaire et complémentaire des professionnels du droit.

La commission invite instamment le Comité des Ministres à veiller à ce que des fonds suffisants soient alloués au Programme HELP pour qu’il puisse accomplir efficacement sa mission, et lui recommande de mettre à jour sa Recommandation Rec(2004)4 sur la Convention européenne des droits de l'homme dans l'enseignement universitaire et la formation professionnelle, ainsi que d’assurer un suivi de sa mise en œuvre.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 30 janvier
2014.

(open)
1. La Cour européenne des droits de l’homme («la Cour»), qui est chargée de veiller à la bonne application de la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5, «la Convention») par les Etats membres du Conseil de l’Europe, joue un rôle fondamental dans le renforcement de la démocratie, de l’Etat de droit et des droits de l’homme dans ces pays.
2. Afin d’améliorer l’application de la Convention européenne des droits de l’homme telle qu’interprétée par la Cour européenne des droits de l’homme, les professionnels du droit doivent mieux y être formés. Une telle connaissance nécessite l’accessibilité de la jurisprudence de la Cour dans une langue que les professionnels du droit de chaque Etat Partie comprennent.
3. L’Assemblée parlementaire note la grande diversité qui existe dans les systèmes de formation des professionnels du droit dans les Etats membres, y compris dans le domaine des droits de l’homme. Certains pays offrent déjà une formation initiale et continue à la Convention et la jurisprudence de la Cour tandis que d’autres dépendent du Conseil de l’Europe pour mettre en place des formations adaptées et même pour fournir une telle formation directement à des professionnels. Compte tenu de la diversité des ordres juridiques et des formations offertes, il ne serait pas judicieux de proposer une formation uniformisée pour tous les Etats membres.
4. L’Assemblée rappelle les travaux déjà menés par le Conseil de l’Europe en matière de formation, parmi lesquels la Recommandation Rec(2004)4 du Comité des Ministres sur la Convention européenne des Droits de l'Homme dans l'enseignement universitaire et la formation professionnelle, qu’elle invite ses Etats membres à mettre en œuvre.
5. L’Assemblée estime que le Programme européen de formation aux droits de l’homme pour les professionnels du droit («Programme HELP») du Conseil de l’Europe est bien placé pour fournir une assistance à la formation à la Convention telle qu’interprétée par la Cour dans tous les Etats membres qui en font la demande.
6. Il est entendu que le Programme HELP n’a pas vocation à se substituer aux efforts des divers organismes de formation de juristes dans chaque Etat membre visant à intégrer la formation à la Convention dans leurs programmes de formation de juristes. Il doit se limiter à aider les Etats membres à mettre en place de telles formations, en mettant à leur disposition des outils qui facilitent cette tâche.
7. La coopération avec le Programme HELP peut prendre par exemple la forme d’une «formation de formateurs», de l’aide à l’élaboration de programmes de formation en matière de droits de l’homme faisant partie de la formation initiale ou continue des professionnels juridiques, ou de recueils de la jurisprudence de la Cour mis à jour régulièrement selon des priorités à définir avec les instances compétentes dans chaque pays intéressé. A travers le Programme HELP, les Etats membres peuvent aussi échanger leurs expériences en la matière et promouvoir des bonnes pratiques.
8. Dans un souci de subsidiarité et d’efficacité, le Programme HELP devra s’appuyer sur une coopération régulière avec les différents acteurs de la formation de juristes (ministères de justice, universités, écoles de formation professionnelle spécialisées, barreaux) et avec la société civile dans les Etats membres intéressés.
9. L’expertise disponible au sein de la Cour pourra utilement être mise à contribution de manière ponctuelle, sans pour autant détourner trop de ressources de la tâche principale de la Cour, l’adjudication des requêtes.
10. L’Assemblée invite donc les Etats membres à améliorer la formation à la Convention offerte aux professionnels du droit:
10.1. en veillant à ce que la Convention et la jurisprudence de la Cour fassent partie intégrante de la formation initiale et continue qu’ils reçoivent;
10.2. en assurant, dans la mesure du possible, une traduction de la jurisprudence de la Cour dans leur(s) langue(s) nationale(s);
10.3. en faisant appel au Programme HELP pour leurs besoins de coopération en matière de formation des professionnels juridiques à la Convention.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet
de recommandation adopté à l’unanimité par la commission le 30 janvier
2014.

(open)
1. L’Assemblée Parlementaire, se référant à sa Résolution … (2014) «La Convention européenne des droits de l’homme: le besoin de renforcer la formation des professionnels du droit», souligne l’importance capitale d’une bonne formation des professionnels du droit à la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5) et à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.
2. L’Assemblée recommande au Comité des Ministres:
2.1. de veiller à ce que le budget octroyé au Programme HELP soit conforme à la tâche qui lui incombe, à savoir offrir différents types de coopération en matière de formation des professionnels du droit dans tous les Etats membres qui en font la demande;
2.2. de mettre à jour sa Recommandation Rec(2004)4 sur la Convention européenne des Droits de l'Homme dans l'enseignement universitaire et la formation professionnelle, et d’assurer un suivi de sa mise en œuvre.

C. Exposé des motifs, par M. Michel, rapporteur

(open)

1. Introduction

1.1. Procédure

1. La proposition de recommandation intitulée «La Convention européenne des droits de l’homme: renforcement et refonte de la formation des juges, des forces de l’ordre et des avocats» (Doc. 12843) a été renvoyée à la commission des questions juridiques et des droits de l’homme le 13 mars 2012. Le 24 avril 2012, la commission m’a nommé rapporteur.
2. Le 25 juin 2013, la commission a déclassifié une note introductive et l’a transmise à divers organisations et experts pour leurs commentaires 
			(3) 
			Le Secrétariat a reçu
des contributions de la part de Mme Galina Arapova, M. Leif Berg
(<a href='http://www.echr.coe.int/Pages/home.aspx?p=home&c=fra'>Cour
européenne des droits de l’homme)</a>, M. Grzegorz Borkowski, M. Anton Burkov, <a href='http://sutyajnik.org/'>(ONG Sutyajnik)</a>, M. Jean-Paul Costa (<a href='http://www.iidh.org/index.php'>Institut international
des droits de l’homme)</a>, Mme Françoise Hampson, Mme Hanna Machińska, Mme Aude
Magen (<a href='http://www.ejtn.eu/fr/'>Réseau
européen de formation</a>), M. Jim Murdoch, Mme Ivana Roagna, M. Xavier Rosin
(<a href='http://www.enm-justice.fr/'>Ecole
nationale de la magistrature</a>), Mme Christiane Schmaltz, Mme Ana-Maria Telbis (<a href='http://www.ehra.fr/Introduction.html'>European
Human Rights Association)</a>, Mme Tatiana Termacic (<a href='http://help.ppa.coe.int/?lang=fr'>Programme HELP)</a> et M. Patrick Titiun (<a href='http://www.echr.coe.int/Pages/home.aspx?p=home&c=fra'>Cour
européenne des droits de l’homme</a>). Ces contributions ont été envoyées en réponse à la <a href='http://www.assembly.coe.int/CommitteeDocs/2013/fjdoc22_2013.pdf'>note introductive</a> que le rapporteur a rendu publique le 18 juin 2013.. Le 4 septembre 2013, la commission a auditionné quatre experts:
  • Mme Christiane Schmaltz, spécialiste de la formation à la Convention européenne des droits de l’homme, ancienne juge ad hoc à la Cour européenne des droits de l’homme, juge à la Cour d’appel du Schleswig-Holstein, Kiel, Allemagne;
  • Mme Galina Arapova, spécialiste de la formation à la Convention européenne des droits de l’homme, Directrice de l’ONG «Mass Media Defence Centre», Fédération de Russie;
  • Mme Ivana Roagna, Avocate, spécialiste de la formation à la Convention européenne des droits de l’homme, Italie;
  • M. Laurent Pettiti, Avocat, Président du Comité des relations entre le Conseil des Barreaux européens et la Cour européenne des droits de l’homme, France.

1.2. Les questions qui se posent en matière de formation des professionnels du droit

3. La proposition de recommandation susmentionnée note que la Cour européenne des droits de l’homme («la Cour») avait proposé d’élaborer son propre programme de formation des professionnels du droit et elle conclut que «ce n’est pas là une question dont devrait se charger un organe judiciaire, notamment lorsqu’il a du mal à faire face à sa lourde charge de travail». La proposition de recommandation précise en outre que «c’est avant tout à l’échelon intergouvernemental de l’Organisation qu’il appartient de se charger de la formation des professionnels du droit, le cas échéant en partenariat avec d’autres instances». Je partage le point de vue des auteurs de la proposition de recommandation qui écartent l’éventualité d’une formation des professionnels du droit par la Cour elle-même. Il convient donc d’examiner dans quel cadre une telle formation devrait être fournie: est-ce que l’on devrait conférer au Conseil de l’Europe un rôle essentiel dans ce domaine ou l’Organisation devrait-elle se contenter de servir de simple coordinateur ou de centre d’échange d’informations pour les activités de formation dont la responsabilité devrait être laissée aux instances nationales? Je vais donc m’appliquer à répondre à cette question afin de proposer les meilleures solutions pour une formation plus structurée, tout en respectant les caractéristiques de chaque pays, en ce qui concerne la formation des professionnels du droit et plus généralement des systèmes juridiques respectifs, nécessitant des priorités différentes.
4. Idéalement, une meilleure formation des professionnels du droit entraînera, sur le long terme, un renforcement de l’application de la jurisprudence de la Cour par les juridictions des Etats membres ainsi qu’une diminution du nombre de saisines de la Cour. Limiter le nombre de recours devant la Cour est d’une importance capitale. Lors de plusieurs conférences intergouvernementales qui se sont tenues au cours de ces dernières années et dans les déclarations qui s’en sont suivies (Interlaken 
			(4) 
			Conférence de haut
niveau sur l’avenir de la Cour européenne des droits de l’homme, <a href='http://www.echr.coe.int/Documents/2010_Interlaken_FinalDeclaration_FRA.pdf'>Déclaration
d’Interlaken</a>. , Izmir 
			(5) 
			Ibid., <a href='https://wcd.coe.int/com.instranet.InstraServlet?command=com.instranet.CmdBlobGet&InstranetImage=1834558&SecMode=1&DocId=1733576&Usage=2'>Déclaration
d’Izmir</a>. et Brighton 
			(6) 
			Ibid., <a href='http://hub.coe.int/fr/20120419-brighton-declaration/'>Déclaration
de Brighton</a>.), les Etats membres ont signifié à la Cour qu’il n’y aurait pas un renforcement de ses moyens, mais qu’elle devait utiliser les outils procéduraux dont elle dispose (critères de recevabilité restrictifs, procédure d’arrêts pilotes 
			(7) 
			Devant la Cour, la
procédure de l’arrêt pilote a pour but de traiter de grands groupes
d’affaires identiques tirant leur origine d’un même problème. La
Cour rend une solution qui va au-delà d’un cas particulier et qui
s’applique à toutes les affaires similaires soulevant la même question.
L’arrêt qui est alors rendu est <a href='http://echr.coe.int/Documents/Pilot_judgment_procedure_FRA.pdf'>un
arrêt dit «pilote».</a> Cette procédure vise à aider les autorités nationales
à éliminer le problème systématique ou structurel mis en évidence
par la Cour comme étant celui qui donne lieu à des affaires répétitives., etc.) pour gérer les requêtes qu’elle reçoit et sur lesquelles elle doit statuer.

2. Contexte

2.1. L’autorité de la jurisprudence de la Cour

5. La jurisprudence de la Cour – en particulier les arrêts de principe de la Grande Chambre – fournit une interprétation autorisée de la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5, «la Convention») à laquelle tous les Etats membres du Conseil de l’Europe sont liés. Les arrêts de la Cour, qui selon l’article 46 de la Convention ont force obligatoire, constituent une supervision européenne de l’application de la Convention qui incombe en premier lieu aux instances nationales.
6. Tandis que la force obligatoire des arrêts de la Cour ne vaut en principe qu’entre les parties au litige, il est fortement souhaitable que d’autres Etats – le législateur, l’exécutif et les tribunaux – s’inspirent des arrêts visant des problèmes similaires dans d’autres Etats. Fort heureusement, il existe de plus en plus d’exemples montrant que les organes judiciaires suprêmes, ainsi que les pouvoirs législatif et exécutif, tiennent compte de l’autorité interprétative (res interpretata) des arrêts de la Cour 
			(8) 
			Pour de
plus amples informations sur l’autorité interprétative (res interpretata)
de la jurisprudence de la Cour, voir document <a href='http://assembly.coe.int/CommitteeDocs/2010/20101125_skopje.pdf'>AS/Jur/Inf
(2010) 04</a><a href=''> (disponible uniquement en anglais)</a>.. La montée en puissance de cette «bonne pratique» éviterait bon nombre de requêtes, mais nécessiterait une bonne connaissance de la jurisprudence de la Cour au sein des instances décisionnelles de chaque Etat Partie.

2.2. Accès à la jurisprudence de la Cour

7. La traduction, la publication et la diffusion de la jurisprudence de la Cour sont aussi des questions d’importance cruciale en matière de formation des professionnels du droit. Il est intéressant de noter dans ce contexte que la jurisprudence de la Cour est disponible via la base de données HUDOC du site web de la Cour que je vais présenter dans plus de détails ci-dessous. Elle est également publiée dans toute une série de publications extérieures, en plusieurs langues, qui vont du bulletin ministériel et autres publications officielles des Etats, aux documents publiés par des ONG et une multitude de sources universitaires et commerciales, en passant par un ensemble croissant de sites web et blogs de qualité variable 
			(9) 
			Voir
sur ce point et des sujets connexes, une compilation des réponses
d’Etats membres dans le document CM(2008)52 du Comité des Ministres:
CDDH – Rapport d’activité «Action soutenue afin d’assurer l’efficacité
de la mise en œuvre de la Convention européenne des droits de l’homme
aux niveaux national et européen» passim (dans le contexte des suites
données au «paquet de réforme 2004» et à la Recommandation Rec(2002)13
du Comité des Ministres sur la publication et la diffusion dans
les Etats membres du texte de la Convention et de la jurisprudence
de la Cour européenne des droits de l’homme).. Mais, dans la plupart des cas, ce n’est pas fait de manière systématique ou détaillée. Et bien que l’usage de seulement deux langues officielles, l’anglais et le français, puisse faciliter le travail à Strasbourg, pour ceux qui n’ont une bonne connaissance que de l’une des deux langues, la réception de la jurisprudence de la Cour au niveau interne est loin d’être satisfaisante car, si les arrêts de la Grande Chambre sont publiés en français et en anglais, ceux des chambres n’existent souvent que dans une de ces langues. Il faut que dans tous les pays, les institutions judiciaires et administratives, les praticiens du droit, les universitaires et le grand public puissent tous avoir (davantage) accès à la jurisprudence essentielle de la Cour dans leurs langues respectives 
			(10) 
			Voir
pour commentaires supplémentaires sur ce sujet le rapport «Garantir
l’autorité et l’efficacité de la Convention européenne des droits
de l’homme», <a href='http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/X2H-Xref-ViewPDF.asp?FileID=12914&lang=fr'>Doc.
12811</a>, paragraphes 38-39 (Rapporteure: Mme Marie-Louise Bemelmans-Videc).. Il va sans dire que si un Etat est tenu de traduire un arrêt de la Cour dans le cadre des «mesures générales» prévues dans le contexte de l’exécution des arrêts de la Cour, en application de l’article 46.2 de la Convention, c’est l’Etat défendeur lui‑même qui doit prendre à sa charge le coût de la traduction et veiller à la diffusion appropriée du texte. La question de la traduction de la jurisprudence de la Cour, qui est d’une importance capitale, est examinée dans plus de détails ci-dessous.

3. Les questions qui méritent d’être prises en compte

3.1. Les raisons de la nécessité d’une formation aux droits de l’homme pour les professionnels du droit

8. La formation des professionnels du droit est d’une importance cruciale pour garantir que les normes de la Convention soient fermement ancrées dans le droit interne des Etats membres. La réalisation de cet objectif passe souvent par une formation standardisée des juges, des procureurs et des avocats aux normes de la Convention, telles qu’interprétées par la Cour, qui tienne compte des besoins spécifiques de chaque Etat. Il arrive souvent que, faute de formation appropriée des professionnels susmentionnés, les Etats soient mal préparés et dans l’incapacité d’appliquer correctement et d’intégrer les normes de la Convention. La mise en œuvre appropriée de la Convention au niveau national est indispensable pour réduire le nombre de requêtes devant la Cour et l’arriéré auquel elle doit faire face aujourd’hui 
			(11) 
			La Cour indique qu’en
raison de l’arriéré actuel chaque affaire risque de devoir attendre
au moins un an avant un examen initial. «<a href='http://www.echr.coe.int/Documents/Questions_Answers_FRA.pdf'>Cour
européenne des droits de l'homme – Questions et réponses</a>» (page 10). Voir aussi les statistiques: <a href='http://www.echr.coe.int/Documents/Stats_month_2013_FRA.pdf'>Cour
européenne des droits de l’homme, Statistiques 1/1-31/10/2013 .</a>, sans même mentionner la nécessité d’améliorer la rapidité et l’efficacité de la justice au sein des Etats.
9. Cela étant, la plupart des experts et institutions que nous avons consultés s’accordent pour dire que la formation des professionnels du droit est la responsabilité première des Etats membres et doit être fournie par des juristes qualifiés dans le système juridique de l’Etat membre concerné et qui ont en plus une bonne connaissance de la Convention telle qu’interprétée par la Cour. Les formations doivent être adaptées aux systèmes juridiques de chaque Etat et doivent s’insérer dans les systèmes de formation professionnelle dans chaque pays et pour chaque profession juridique (juges, procureurs, avocats). On peut recourir à des experts internationaux, mais seulement quand ils connaissent le système juridique national. Cependant, les institutions nationales compétentes doivent elles-mêmes développer les outils nécessaires pour offrir une telle formation, le cas échéant en coopération avec le programme HELP du Conseil de l’Europe 
			(12) 
			Le Programme européen
de formation aux droits de l’homme pour les professionnels du droit,
financé par le Fonds fiduciaire pour les droits de l’homme (HRTF).. J’examinerai ci-dessous, la manière dont de telles formations, qui sont en principe internes, peuvent bénéficier d’une coopération avec le programme HELP.

3.1.1. Ce que le Conseil de l’Europe a dit concernant la formation aux droits de l’homme pour les professionnels du droit

10. Le 12 mai 2004, le Comité des Ministres a adopté la Recommandation Rec(2004)4 aux Etats membres sur la Convention européenne des droits de l’homme dans l’enseignement universitaire et la formation professionnelle 
			(13) 
			<a href='https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?Ref=Rec(2004)4&Language=lanFrench&Ver=original&Site=CM&BackColorInternet=DBDCF2&BackColorIntranet=FDC864&BackColorLogged=FDC864'>https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?Ref=Rec(2004)4&Language=lanFrench&Ver=original&Site=CM&BackColorInternet=DBDCF2&BackColorIntranet=FDC864&BackColorLogged=FDC864</a>., dans laquelle il reconnaît l’importance des mesures visant à publier et diffuser le texte de la Convention et la jurisprudence de la Cour dans les Etats membres, mais rappelle cependant qu’«il est indispensable que ces mesures soient complétées par d’autres, dans le domaine de l’enseignement et de la formation, afin qu’elles puissent atteindre leur but». La recommandation réaffirme la nécessité de veiller à dispenser aux professionnels chargés de l’application de la loi un enseignement adéquat sur la Convention qui pourrait contribuer à réduire, d'une part, le nombre de violations des droits garantis par la Convention, lorsque celles-ci résultent d'une connaissance insuffisante de la Convention, et, d'autre part, à limiter l'introduction de requêtes qui ne répondent manifestement pas aux critères de recevabilité 
			(14) 
			Ibid.,
paragraphe 3.. La recommandation précise que la formation professionnelle faciliterait en particulier une meilleure intégration des normes de la Convention et de la jurisprudence de la Cour dans les raisonnements tenus par les juridictions internes dans les décisions qu’elles rendent; les conseils juridiques que dispenseraient aux requérants potentiels des avocats ayant une connaissance adéquate de la Convention permettraient de prévenir l’introduction devant la Cour de requêtes qui ne répondent manifestement pas aux critères de recevabilité. Une meilleure connaissance de la Convention par les professionnels du droit contribuerait donc à réduire le nombre de requêtes dont est saisie la Cour 
			(15) 
			Recommandation Rec(2004)4,
Annexe, paragraphe 9. .
11. En ce qui concerne la mise à jour de la Recommandation Rec(2004)4, le Comité d’experts sur la réforme de la Cour (DH-GDR) a exprimé son intérêt et le Comité directeur pour les droits de l’homme (CDDH) a exprimé sa volonté de mener ces travaux si le Comité des Ministres le demande. Cependant, il est regrettable que le CDDH estime que de tels travaux ne sont pas prioritaires par rapport à d’autres activités 
			(16) 
			CDDH, <a href='http://www.coe.int/t/dghl/standardsetting/cddh/CDDH-DOCUMENTS/CDDH(2013)R78_F_Rapport final.pdf'>Rapport
de la 78e réunion, Strasbourg, 25-28 juin 2013</a>, paragraphe 15..
12. Dans la Déclaration de Brighton d’avril 2012, les Etats membres ont exprimé leur ferme volonté de garantir la mise en œuvre effective de la Convention européenne des droits de l’homme au niveau national en veillant «à ce que des informations et une formation appropriées sur la Convention soient intégrées dans la formation théorique et pratique et dans le développement professionnel des juges, des avocats et des procureurs» (paragraphe 9.vi) 
			(17) 
			<a href='http://hub.coe.int/fr/20120419-brighton-declaration/'>http://hub.coe.int/fr/20120419-brighton-declaration/</a>. .

4. La formation des professionnels du droit offerte au niveau national

4.1. Quelques remarques d’ordre général

13. Dans le cadre de la mise en œuvre de la Recommandation Rec(2004)4, les Etats membres ont transmis au Comité des Ministres des informations sur le type de formation proposé aux juges, avocats, procureurs et forces de l’ordre entre 2001 et 2005 
			(18) 
			CDDH, <a href='http://www.coe.int/t/dghl/standardsetting/cddh/Meeting reports committee/62ndAddIII_en.pdf'>informations
soumises par les Etats membres concernant la mise en œuvre des cinq
recommandations mentionnées dans la déclaration adoptée par le Comité
des Ministres à sa 114e session (12 mai 2004)</a>, p. 169-240.. Cette formation a revêtu des formes différentes d’un pays à l’autre et à l’intérieur d’un même Etat, mais quelques tendances générales ont été relevées. Depuis l’adoption de la recommandation, la majorité des Etats membres semblent s’être dotés de structures de formation permanente pour les juges et les procureurs. Les défis encore à relever tiennent notamment à l’absence de formation continue obligatoire pour les avocats. A noter également, la mise au point de nouvelles méthodes d’apprentissage pour adultes fondées en particulier sur le principe de l’enseignement ouvert qui offre la possibilité aux professionnels du droit d’apprendre ce qu’ils jugent utile d’apprendre. Cela leur donne aussi le sentiment d’être responsables de leur formation, laquelle est facilitée par l’accès à des outils d’auto-apprentissage.
14. La plupart des Etats ont indiqué également qu’une formation sur la Convention est proposée par les universités (niveau licence et/ou master) dans le cadre des programmes de cours sur les droits de l’homme, le droit international public, le droit constitutionnel, le droit pénal, etc. Certains Etats ont précisé que les écoles de magistrature et d’avocats proposaient dans une certaine mesure aux avocats, juges et procureurs, une formation initiale et continue portant sur la Convention et la jurisprudence de la Cour, sans toutefois que cela soit fait de manière uniforme. Selon les informations communiquées, étonnamment, la Convention et la jurisprudence de la Cour faisaient rarement l’objet de cours à part entière, mais étaient le plus fréquemment traitées dans un contexte plus général. Il importe de souligner ici que, souvent, l’étude de la jurisprudence n’est guère approfondie, même dans les cours portant sur des domaines du droit pour lesquels elle est extrêmement importante (droit constitutionnel, procédure civile et pénale, droit de la famille, etc.).
15. L’une de nos expertes, Mme Roagna, qui a une longue expérience en tant que formatrice du Conseil de l’Europe, a indiqué que dans les «nouveaux» Etats membres, la formation fournie par le Conseil de l’Europe offre à beaucoup de professionnels du droit leur premier aperçu des normes de la Convention. Mme Roagna a en outre indiqué que dans beaucoup de pays d’Europe, l’enseignement du droit à l’université n’offre qu’une connaissance très limitée de la Convention, souvent sous forme de cours facultatifs. De même, lors de la formation professionnelle pour les professionnels du droit dans la plupart des pays, on ne porte que très peu d’attention à la Convention. Mme Roagna a constaté que même des professionnels chevronnés n’ont qu’une connaissance et compréhension de la Convention très limitées.

4.2. Exemples de formations à la Convention au niveau national

16. Je compte présenter également quelques exemples de formations offertes au niveau national dans deux «anciens» Etats membres (l’Allemagne et la France) et deux «nouveaux» Etats, à savoir la Russie – pays contre lequel existe le plus grand nombre de requêtes devant la Cour 
			(19) 
			Voir
page 6: <a href='http://www.echr.coe.int/Documents/Stats_analysis_2012_FRA.pdf'>www.echr.coe.int/Documents/Stats_analysis_2012_FRA.pdf</a>. – et la Pologne, afin d’illustrer le genre de formations reçues par les professionnels du droit au niveau national. Ces exemples montrent que la formation à la Convention et à la jurisprudence de la Cour fournie dans les Etats membres varie selon le pays, et demeure généralement insuffisante.

4.2.1. Allemagne

17. L’une de nos expertes, Mme Schmaltz, a indiqué que la formation aux droits de l’homme offerte à l’université en Allemagne devrait être plus développée. Pour le moment, les cours obligatoires à l’université ne comprennent aucun module spécialement consacré à la Convention ou à la jurisprudence de la Cour. Ainsi, les cours obligatoires comprennent «des liens avec le droit européen» en vertu de la loi sur le pouvoir judiciaire. Cependant, les lois des Länder (les Etats fédéraux) qui définissent les sujets des examens révèlent que dans ce contexte, le «droit européen» couvre en général surtout le droit de l’Union européenne. Après l’université et le 1er Examen d’Etat, tous les futurs professionnels du droit doivent suivre une formation pratique («reférendariat») de deux à trois ans. Mais la Convention ne joue qu’un rôle très réduit dans cette formation, et seulement pour ceux des candidats qui choisissent, pour le 2ème Examen d’Etat validant la formation pratique, le droit européen ou international comme «groupe de matières au choix», en plus de la gamme des matières de base obligatoires qui constituent de toute façon la très grande majorité des matières examinées. Après le 2ème Examen d’Etat, obligatoire pour tous les futurs professionnels du droit, seuls les avocats ont l’obligation de suivre une formation continue, ce qui n’est donc pas le cas des juges et des procureurs. Cela étant, il existe une institution de formation suprarégionale des juges et des procureurs qui offre des cours de formation continue sur une base volontaire.

4.2.2. France

18. Un autre de nos experts, M. Pettiti, nous a informés que dès 1978, une formation aux droits de l’homme a été offerte aux avocats en France. Il existe des programmes de formation dans certaines universités où la Convention est enseignée. Cependant, il considère que la qualité de la formation offerte aux avocats français manque de constance. L’école parisienne du barreau a incorporé un programme de formation aux droits de l’homme. Celui-ci a été abandonné pendant plusieurs années, mais depuis deux ans il existe un nouveau programme qui forme 1 700 avocats par an à Paris avec l’aide du programme HELP 
			(20) 
			Pour
plus d’informations sur ce programme, voir ci-dessous. et le greffe de la Cour. Ce cours – obligatoire pour les avocats en formation – comprend deux modules sur la Convention et la jurisprudence de la Cour ainsi que sur la structure et le fonctionnement de celle-ci. Pour ce qui est des avocats en exercice, la Délégation des Barreaux de France organise des cours portant sur la Convention. Plusieurs formations sont organisées chaque année et chacune de ces formations réunit entre 80 et 150 avocats venant de toute la France. Cependant, M. Pettiti a indiqué que la formation offerte aux avocats en France sur la Convention n’est pas aussi forte que celle qu’ils reçoivent au sujet du droit de l’Union européenne.
19. Les magistrats français bénéficient de nombreuses formations sur la Convention et la jurisprudence de la Cour. En ce qui concerne la formation initiale, des membres de la Cour se rendent à l’Ecole nationale de la magistrature 
			(21) 
			<a href='http://www.enm-justice.fr/'>www.enm-justice.fr/.</a> à Bordeaux et dispensent une formation tant théorique que pratique (avec des ateliers) qui dure plusieurs jours. En formation continue, il existe plusieurs formations spécialisées dont un stage d’une semaine intitulé «La CEDH: mode d’emploi» qui fournit des outils théoriques permettant aux magistrats d’appliquer la Convention. Il est suivi par plusieurs dizaines de magistrats chaque année. Ce stage est renforcé par des stages collectifs au Conseil de l’Europe et à la Cour, organisés chaque année.

4.2.3. Pologne

20. Depuis 2012, est dispensée une formation initiale aux droits de l’homme d’une journée, pour des groupes de 50 juges et procureurs à la fois. Le ministère de la Justice est tenu de faire régulièrement, à l’Ecole nationale de la magistrature et des procureurs, des propositions de cours sur la jurisprudence de le Cour la plus récente, en particulier celle concernant la Pologne. Grâce à la coopération entre l’Ecole nationale de la magistrature et des procureurs et le Programme HELP, des manuels sur le droit à un procès équitable, le droit au respect de la vie privée et familiale ainsi que la liberté de pensée, de conscience et de religion au titre de la Convention européenne des droits de l’homme sont offerts à chaque juge et procureur qui participe à cette formation. Outre cette formation initiale, il est prévu d’offrir une formation plus approfondie à des juges pour qu’ils aient une bonne connaissance de la Convention et de la jurisprudence de la Cour. Il est donc prévu que chaque tribunal polonais compte deux juges ayant une connaissance approfondie du droit européen (du droit de l’Union européenne et de la jurisprudence de la Cour), et pouvant impartir leurs connaissances à leurs collègues.

4.2.4. Russie

21. Une autre experte, Mme Arapova, a indiqué qu’en Russie, très peu de juges et de procureurs peuvent lire et travailler avec des textes juridiques dans une langue étrangère, en l’occurrence l’anglais ou le français. De plus, seuls certains d’entre eux utilisent internet (tous les tribunaux y ont accès en principe, mais les ordinateurs des juges n’y sont pas connectés). Cela limite la possibilité d’utiliser des ressources en ligne telles que HUDOC et le matériel mis à disposition par le programme HELP. La taille du pays et donc le nombre de professionnels du droit qui doit être formé exige des ressources considérables pour avoir un vrai impact. Il n’existe pas en Russie d’école nationale de formation pour les procureurs. Il existe cependant l’Académie russe de justice, un institut de formation pour les avocats et pour la formation continue des juges. Cependant, vu que très peu de juges russes appliquent la Convention et la jurisprudence de la Cour dans les affaires dont ils traitent, il semble que la formation offerte aux juges par cette académie ne soit pas adéquate en ce qui concerne la Convention. Quelques initiatives ont été prises localement par les tribunaux régionaux qui organisent, de leur propre chef, des séminaires pour les juges, leurs assistants et les juges de paix. Des universitaires, des experts d’ONG et des avocats qui sont invités fournissent une formation qui comprend une variété de questions soulevées par la jurisprudence de la Cour.
22. En ce qui concerne les avocats, ceux-ci manquent également de formation initiale complète et uniformisée s’agissant de la Convention. Il existe plus de 1 200 écoles de droit et universités qui offrent une formation professionnelle initiale. Très peu d’universités offrent des cours sur les droits de l’homme et la Convention, et la plupart d’entre elles se trouvent à Moscou. Dans la plupart des universités, les étudiants en droit reçoivent quelques cours d’une courte durée sur la Convention et le fonctionnement de la Cour dans le cadre d’un cours de droit international. Selon l’experte, cela ne leur permet pas de comprendre pleinement le rôle de la Convention et de la jurisprudence de la Cour dans le système juridique national. De plus, ils n’apprennent ni à appliquer la Convention dans la pratique ni à lire les arrêts de la Cour ni à comprendre les critères de recevabilité. Très peu d’informations sur ces questions sont incluses dans les autres cours (tels que les cours de droit civil, de droit de la famille ou de droit pénal). Il serait souhaitable, à plus long terme, de parvenir à inclure de manière transversale les principes de la Convention dans tous les domaines du droit, et en priorité dans le droit pénal et la procédure pénale.

5. Les offres de formation les plus pertinentes au sein du Conseil de l’Europe

5.1. La formation offerte par la Cour européenne des droits de l’homme

23. La Cour accueille régulièrement des délégations de juges, de procureurs et d’avocats en provenance des Etats membres du Conseil de l’Europe. Elle organise des sessions de formation qui comportent des programmes d’une à quatre journées, comprenant un minimum de trois présentations avec des intervenants de la Cour et d’autres secteurs du Conseil de l’Europe. Les sessions de formation sont organisées à l’initiative de partenaires dans les Etats membres, tels que les cours suprêmes et les ministères de la Justice ainsi que les représentations permanentes d’Etats membres du Conseil de l’Europe. Afin d’apporter une formation aussi complète que possible sur la Convention, les modules comprennent l’assistance à une audience, une rencontre avec le juge élu au titre de l’Etat membre des participants, une information sur le système informatique de la Cour et des présentations sur les principales dispositions de la Convention ainsi que sur les grandes tendances de la jurisprudence. En 2012, la Cour a organisé 47 formations dans le cadre susmentionné avec des délégations provenant de 21 Etats. De plus, la Cour a organisé 463 visites d’informations pour des professionnels et des étudiants en droit.
24. En 2012, avec l’appui du Fonds fiduciaire pour les droits de l’homme 
			(22) 
			<a href='http://www.coe.int/t/dghl/humanrightstrustfund/default_FR.asp'>www.coe.int/t/dghl/humanrightstrustfund/default_FR.asp</a>. , le greffe de la Cour a établi une Unité de formation dont le but est d’offrir aux professionnels du droit une formation à la jurisprudence de la Cour et de contribuer à sa dissémination. Cette unité forme actuellement des professionnels du droit provenant d’Albanie, d’Arménie, d’Azerbaïdjan, de la Géorgie, de la République de Moldova, du Monténégro, de la Serbie et de l’Ukraine. Les formateurs travaillant dans cette unité sont choisis parmi les juges de la Cour, les juristes du greffe et des juges à la retraite. Des visites de formation de deux jours ont lieu à la Cour et comprennent la participation à une audience et une présentation des dispositions principales de la Convention. Des sessions de formations ont été organisées avec des participants albanais, arméniens, azerbaïdjanais et serbes en 2012, et avec des participants géorgiens, moldoves, monténégrins et ukrainiens en 2013.
25. La Cour a également instauré un partenariat avec le Réseau européen de formation judiciaire (REFJ) 
			(23) 
			<a href='http://www.ejtn.net/fr/'>www.ejtn.net/fr/</a>. , une organisation qui élabore des normes et des programmes de formation, coordonne les échanges et les programmes de formation judiciaire et renforce la coopération entre les organismes de formation nationaux de l’Union européenne. Le REFJ propose une formation d’une année et des courtes visites d’études de quatre jours à la Cour, à des juges et des procureurs. La formation d’une année a pour objectif d’approfondir la formation reçue à différents niveaux. Durant leur formation, les juges et procureurs sont rattachés au greffe de la Cour et ils ont comme tâche principale d’analyser et de préparer les requêtes relatives à leur juridiction. Ils aident les avocats dans la préparation d’affaires plus complexes qui sont portées devant la Grande Chambre. Ils participent aux audiences devant la Cour et peuvent présenter des requêtes. Ils prennent part également à des projets de recherche. En 2010, le REFJ a commencé à proposer des visites d’études à la Cour pour les juges et les procureurs afin de les aider à développer une meilleure connaissance du fonctionnement et de la jurisprudence de la Cour en participant à des séances théoriques et à des activités pratiques. Depuis 2007, 22 juges et procureurs originaires de huit Etats membres de l’Union européenne (Allemagne, Autriche, Estonie, Hongrie, Italie, Pays-Bas, Pologne et Royaume-Uni) ont bénéficié de la formation d’une année à la Cour. De plus, depuis 2010, 291 juges et procureurs provenant de 22 pays de l’Union européenne ont participé à l’étude de visite de quatre jours.
26. Il convient de mentionner aussi deux programmes qui contribuent aussi bien à aider la Cour à combler son manque chronique de personnel qu’à former des professionnels «nationaux»: le premier est le programme des «juristes junior», des jeunes juristes fraîchement sortis de leurs systèmes de formation nationaux et qui sont employés comme juristes au Greffe de la Cour pendant une période déterminée (jusqu’à quatre ans). Le deuxième est le programme des «mises à disposition» de juristes par certains Etats membres pour une période limitée; ces juristes, souvent des juges ou procureurs, travaillent au sein du Greffe de la Cour tout en étant payés par leur pays d’origine. Les bénéficiaires des deux programmes acquièrent une connaissance approfondie des méthodes de travail de la Cour et de sa jurisprudence qu’ils pourront utiliser après le retour dans leur pays 
			(24) 
			La question, parfois
délicate, de l’influence de ces personnes sur les décisions concernant
leurs pays, dans lesquels elles ont vocation à retourner, est examinée
par mon collègue Boriss Cilevičs dans le rapport qu’il prépare sur l’indépendance
de la Cour (voir document <a href='http://www.assembly.coe.int/CommitteeDocs/2013/fjdoc34_2013.pdf'>AS/Jur
(2013) 34</a>, note introductive déclassifiée le 6 Novembre 2013). .
27. Outre les questions de formation à proprement parler, se pose celle, connexe, de l’accès à la jurisprudence de la Cour par les professionnels du droit dans une langue qu’ils comprennent. Il y a un besoin particulièrement urgent d’améliorer un tel accès dans les Etats membres du Conseil de l’Europe dans lesquels les deux langues officielles (français et anglais) de la Cour ne sont pas comprises par les professionnels du droit. Cet objectif est également en accord avec la Déclaration de Brighton (articles 9.c.ii, d, e et h), ainsi que les déclarations précédentes d’Interlaken et d’Izmir. Quelques mesures ont été prises par la Cour pour améliorer l’accès à sa jurisprudence. En juin 2012, la base de données HUDOC a été améliorée afin de la rendre plus accessible. De plus, le 9 septembre 2013, la Cour a lancé les nouvelles versions imprimées et électroniques des recueils rassemblant ses principaux arrêts et décisions sélectionnés en raison de leur intérêt jurisprudentiel. Cependant, ces recueils ne seront produits qu’en français et en anglais.
28. Des efforts sont également fournis par la Cour pour traduire sa jurisprudence. A ce jour, 5 000 textes ont été traduits dans 25 langues autres que le français et l’anglais et se trouvent dans la base de données HUDOC. En 2012, le greffe a commandé un nombre important de traductions en russe et, au cours de 2013, elle a fait traduire ses textes en bulgare, espagnol, grec et hongrois. Les gouvernements, les centres de formation juridique, les associations de professionnels du droit, les ONG et autres personnes intéressées sont invités à offrir pour inclusion dans la base de données HUDOC, toute traduction de la jurisprudence dont ils détiennent les droits. De plus, en avril 2012, le greffe a commencé un projet de trois ans avec le soutien du Fonds fiduciaire pour les droits de l’homme qui vise à faire traduire des arrêts clés de la Cour et à assurer leur distribution aux professionnels du droit en Albanie, Arménie, Azerbaïdjan, Bosnie et Herzégovine, Géorgie, République de Moldova, Monténégro, Serbie, «l’ex-République yougoslave de Macédoine», Turquie et Ukraine.
29. La Cour a donc fourni des efforts non négligeables pour traduire sa jurisprudence dans d’autres langues que le français et l’anglais, mais il reste beaucoup à faire. Pour le moment, le fait est que nombre de professionnels du droit ne connaissent pas suffisamment le français et l’anglais pour tirer profit de la base de données HUDOC. Si certains Etats membres traduisent dans leur langue certains arrêts, ils se limitent le plus souvent à ceux qui les concernent directement. Par conséquent, un grand nombre d’arrêts de la Cour n’est pas accessible aux professionnels dans de nombreux Etats membres.
30. Afin de résoudre ce problème, on pourrait établir une base de données avec les arrêts que la Cour considère comme étant les plus importants. Cette base de données aurait deux sections pour chaque Etat membre. La première section contiendrait les arrêts les plus importants concernant toute l’Europe et serait accessible dans toutes les bases de données de tous les Etats. La deuxième section contiendrait les arrêts les plus importants pour un pays donné. Le Conseil de l’Europe pourrait demander aux Etats membres de traduire dans leur(s) langue(s) nationale(s) tous les arrêts dans la base de données les concernant. Il leur serait également demandé de s’assurer que ces traductions soient disponibles pour tous les professionnels du droit. La création d’une telle base de données impliquerait un engagement sérieux de la part des Etats membres et qu’ils soient disposés à y accorder les ressources humaines et financières nécessaires.
31. Bien que les formations organisées par la Cour pour les professionnels du droit permettent aux participants d’acquérir une connaissance de sa jurisprudence et de son mode de fonctionnement dont ils se servent ensuite dans leurs pays, il est clair qu’elle ne peut offrir une telle formation sur une échelle suffisamment grande en raison du manque de ressources. La Cour a une charge de travail très importante en termes de requêtes à traiter, et son rôle premier est d’assurer le respect de la Convention à travers l’adjudication des requêtes dans un laps de temps raisonnable. Les ressources disponibles à la Cour étant limitées, il convient de donner une priorité à l’activité juridictionnelle proprement dite. Cela étant, les juges et juristes de la Cour jouent un rôle légitime dans le «dialogue» – un terme que je préfère à celui de la «formation» – avec leurs homologues dans les institutions judiciaires nationales, y compris au plus haut niveau des cours de justice nationales. En effet, les activités susmentionnées dans ce domaine offrent aux membres du pouvoir judiciaire la possibilité de découvrir l’organe de contrôle de la Convention de l’intérieur et de rencontrer et dialoguer avec les principaux acteurs du système. Les deux programmes au sein du Greffe de la Cour mentionnés ci-dessus devraient donc être continués, à une échelle raisonnable, pour permettre en même temps à la Cour de combler son manque chronique de personnel et aux Etats membres de bénéficier de professionnels qui connaissent bien les méthodes de travail de la Cour et sa jurisprudence.

5.2. Des activités de coopération et de formation offerte par le Programme HELP

32. Le programme européen de formation aux droits de l’homme pour les professionnels du droit (le Programme HELP) a été lancé en 2006 à la suite du Troisième Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement du Conseil de l'Europe qui s’est tenu à Varsovie en 2005, en réponse à la Recommandation Rec(2004)4 du Comité des Ministres susmentionnée. Le Programme HELP est chargé de répondre aux besoins prioritaires de formation à la Convention pour les professionnels du droit des 47 Etats membres en développant des outils de formation et des cours qui adoptent une approche pluridisciplinaire.
33. Le Programme HELP est basé sur le principe de l’éducation ouverte qui donne aux professionnels du droit l’opportunité d’apprendre ce qu’ils veulent et quand ils le veulent, en leur donnant le sentiment de responsabilité quant à leur formation et un accès facile aux outils d’apprentissage.
34. Depuis sa création, le Programme HELP a accompagné les institutions nationales de formation pour les aider à intégrer les normes de la Convention dans les programmes de formation initiale et continue des juges, procureurs et avocats.
35. Des outils de formation et des ressources ont été mis à la disposition des institutions nationales de formation. Cela inclut des manuels de formation, des livres thématiques, des glossaires de la Convention, un cursus standard, des exposés et cas pratiques et des cours thématiques sur certains articles de la Convention. Ces outils ont été traduits dans de nombreuses langues et sont accessibles gratuitement en ligne sur le site du Programme HELP 
			(25) 
			<a href='http://help.ppa.coe.int/?lang=fr'>http://help.ppa.coe.int/?lang=fr</a>.. Ce site peut aussi être utilisé pour la formation autonome des professionnels du droit, afin de les aider dans leur propre développement professionnel. Il contient également des outils pour les formateurs nationaux que ceux-ci peuvent utiliser pour former leurs collègues. Pour assurer la qualité et la mise à jour des outils développés, un Comité de rédaction HELP a été créé.
36. Le Programme HELP a établi un réseau de pair-à-pair de formation aux droits de l’homme entre les institutions nationales de formation, les barreaux, les associations professionnelles internationales pertinentes, le Conseil consultatif des barreaux européens 
			(26) 
			<a href='http://www.avocatparis.org/europe/conseil-consultatif-des-barreaux-europeens.html'>www.avocatparis.org/europe/conseil-consultatif-des-barreaux-europeens.html</a>. et le Réseau européen de formation judiciaire 
			(27) 
			<a href='http://www.ejtn.net/fr/'>www.ejtn.net/fr/</a>.. Le Réseau HELP a pour but d’échanger les bonnes pratiques et expériences entre les responsables des formations initiales et continues des professionnels du droit. De plus, le Comité consultatif HELP, composé de six représentants de différents Etats, a été élu par le Réseau HELP pour la première fois en juin 2013 dans le but de conseiller le Secrétariat du Programme HELP.
37. Le Programme HELP s’est sensiblement développé en 2012 puisqu’il est passé de 12 à 47 pays partenaires (à savoir tous les Etats membres du Conseil de l’Europe) et cible les avocats en sus des juges et des procureurs. Le site web HELP propose un accès en ligne gratuit aux matériels et aux outils de formation à la Convention. Ceux-ci englobent une base de données sur les matériels de formation, un manuel de méthodologie pour la formation à la Convention, des glossaires relatifs à la Convention, des manuels et des cours d’apprentissage en ligne sur la Convention. Le matériel est actuellement disponible dans un certain nombre de langues et les ressources de formation dans une langue donnée peuvent être trouvées sur les pages web nationales correspondantes 
			(28) 
			<a href='http://www.helpcoe.org/'>www.helpcoe.org/</a><a href=''>(disponible uniquement en anglais)</a>..
38. Le Programme HELP a été principalement conçu pour traiter les sujets couverts par la Convention. D’autres thèmes examinés par le Conseil de l’Europe qui complètent la jurisprudence de la Cour, tels que la justice adaptée aux enfants, les droits sociaux, le droit de la famille, les mesures alternatives à la détention, la non-discrimination et la liberté d’expression sur internet, sont également couverts par le Programme HELP.
39. En 2012, grâce au financement du Fonds fiduciaire pour les droits de l’homme, 20 pages nationales ont été créées. Celles-ci offrent, dans les langues nationales respectives, des outils de formation et des informations sur les diverses initiatives de formation aux droits de l’homme. De plus, des personnes de contact ont été nommées dans 15 pays, dont le rôle est de fournir aux professionnels du droit de leur pays des informations détaillées et d’actualité sur les outils de formation HELP qui sont disponibles. Ces personnes de contact sont également le lien entre le Conseil de l’Europe et les institutions de formation et les barreaux. En 2012 des cours à distance sur, entre autres, le droit de la famille et les droits de l’homme, les critères de recevabilité devant la Cour et les mesures alternatives à la détention ont été donnés dans 10 pays. En 2013, ces cours ainsi que d’autres sur la justice adaptée aux enfants et la poursuite des personnes accusées de harcèlement sexuel envers les enfants ont été lancés dans d’autres pays. Au total 30 institutions nationales de formation pour juges et procureurs et 15 barreaux ont bénéficié directement du Programme HELP.
40. Bien que pour l’année 2014-2015, le Programme HELP ait été inclus dans les priorités du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, ce programme continue de rencontrer des problèmes de financement. Les activités principales du Programme HELP sont financées, à hauteur de 60 % à 65 %, par le Fonds fiduciaire pour les droits de l’homme et le reste par le budget ordinaire du Conseil de l’Europe. En 2013, le Fonds fiduciaire pour les droits de l’homme a octroyé € 1 million au Programme HELP. La somme de € 1 200 000 visée pour 2014-2015 semblerait poser problème au Fonds. En outre, le Secrétariat du Programme HELP n’est composé que de quatre personnes travaillant à temps plein. Etant donné la mission dont il est chargé, les ressources disponibles pour ce programme sont largement insuffisantes. Il conviendrait d’inclure des ressources adéquates, et ce dans le budget ordinaire de l’Organisation, afin d’en assurer la pérennité nécessaire.

5.3. L’intérêt de renforcer le Programme HELP plutôt que de créer un nouveau centre de formation du Conseil de l’Europe

41. Le Programme HELP mériterait d’être renforcé puisqu’il a déjà fait ses preuves. En effet, le Programme HELP, depuis ses débuts en 2006, n’a cessé d’étendre son champ d’intervention et de renforcer la formation proposée aux organismes de formation des professionnels du droit en matière de formation à la Convention. Certains aspects de ce Programme tels que la nomination de personnes de contact sont très récents et il conviendrait de leur donner le temps et les moyens de faire leurs preuves dans tous les Etats membres. Le Programme HELP devrait en outre être mieux équipé pour mieux faire connaître les formations et outils de formation proposés, qui sont encore méconnus de beaucoup d’organisations partenaires potentiels et de praticiens du droit.
42. La création d’un nouveau centre de formation au Conseil de l’Europe n’apporterait pas de valeur ajoutée. La Convention n’a vocation à s’appliquer en droit interne qu’à titre subsidiaire, les juges et procureurs nationaux devant en premier lieu interpréter et appliquer les dispositions de droit interne en accord avec les exigences européennes. Les difficultés apparaissent lorsqu’une disposition et/ou une pratique interne entre en contradiction avec les dispositions de la Convention telle qu’interprétée par la Cour. Dès lors, une formation à l’échelon national est mieux à même de mettre fin à ces points de friction qu’une formation à l’échelle du Conseil de l’Europe, puisqu’il s’agit de concilier la Convention et le droit national. En outre, la mise en place d’un centre de formation à Strasbourg serait particulièrement onéreuse: outre des frais de fonctionnement importants, les formations y seraient très coûteuses. Il serait nécessaire, pour former les professionnels du droit, de financer leur déplacement à Strasbourg ainsi que leurs frais de séjour, nécessairement réduits lorsque ces personnes sont formées dans leur pays d’origine. Par contre, le Programme HELP correspond le mieux à la philosophie de subsidiarité de la Convention. Il permet de créer un réseau d’organismes nationaux de formation professionnelle et met à leur disposition, ainsi qu’aux professionnels individuels intéressés, des outils de formation à la Convention accessibles en ligne de manière aisée.

6. Conclusion

43. La Cour a continué ces dernières années à développer une jurisprudence importante et très attendue. Si cette production importante permet de faire vivre la Convention en l’adaptant aux sociétés européennes en évolution, la multiplication de ses décisions fait du droit européen des droits de l’homme une matière technique et parfois malaisée à mettre en œuvre. Cela justifie que l’on poursuive activement les actions de formation à la Convention engagées et que l’on permette aux professionnels, une fois formés, de mettre à jour régulièrement leurs connaissances.
44. La formation des professionnels du droit relève clairement de la responsabilité des Etats membres, qui ont établi des structures et cursus très différents adaptés à leurs systèmes juridiques. Dans l’esprit de subsidiarité sur laquelle la Convention est basée, il appartient aussi en premier lieu aux Etats membres d’assurer que les professionnels du droit en formation ou déjà en activité bénéficient d’un niveau de connaissances suffisant au sujet de la Convention, telle qu’interprétée par la Cour. Nous avons vu que les méthodes et la qualité de ce cette formation varient fortement entre les pays, et les exemples que j’ai donnés montrent que des possibilités d’amélioration existent. Les organismes compétents pourraient bénéficier davantage des outils déjà créés et encore à développer par le Conseil de l’Europe, notamment à travers le Programme HELP.
45. Le Programme HELP mériterait d’être renforcé, notamment en incluant l’octroi des ressources dans le budget ordinaire du Conseil de l’Europe qui sont adaptées à la tâche qui lui incombe. Vu sa charge de travail importante, la Cour devrait continuer à utiliser ses ressources limitées prioritairement pour l’accomplissement de ses tâches juridictionnelles telles que définies par la Convention. En même temps, la poursuite d’un «dialogue entre juges», notamment avec les pairs des juges de Strasbourg dans les plus hautes juridictions nationales, pourrait servir à améliorer encore l’application des principes de la Convention par les juges nationaux sur la base d’une meilleure compréhension mutuelle.
46. Dans cette perspective, la Recommandation Rec(2004)4 du Comité des Ministres devrait être mise à jour dès que possible afin de l’adapter aux nouveaux développements survenus depuis son adoption.