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Rapport | Doc. 13460 | 21 mars 2014

La réinstallation des réfugiés: promouvoir une plus grande solidarité

Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées

Rapporteur : M. Eric VORUZ, Suisse, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 13001, Renvoi 3894 du 1er octobre 2012. 2014 - Commission permanente de novembre

Résumé

On estime en 2014 à environ 691 000 le nombre de réfugiés ayant besoin d’être réinstallés, alors que le nombre de places disponibles n’est que de 80 000. En 2013, l’Europe a réinstallé seulement 5 500 personnes avec la participation de 20 Etats membres. Ces chiffres ne tiennent pas compte du besoin croissant de réinstaller des réfugiés syriens.

Malgré les efforts déployés par les Etats d’accueil, il est clair que l’Europe reste en retrait et devrait en faire davantage. Il est par conséquent urgent d’accroître et de gérer plus efficacement les programmes de réinstallation, de relocalisation et d’admission pour motifs humanitaires en Europe.

Les Etats membres sont priés instamment de coordonner leurs activités et d’instaurer un dialogue avec des partenaires internationaux et nationaux afin de trouver des solutions durables et en veillant au succès de l’intégration des réfugiés réinstallés. Le Comité des Ministres est invité à veiller à ce que les Etats membres et non-membres de l’Union européenne puissent œuvrer de concert sur la question de la réinstallation.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 13 mars
2014.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire constate que, dans certaines circonstances, il est indispensable de réinstaller des réfugiés du pays d’asile dans un Etat d’accueil.
2. De nombreuses raisons expliquent cette nécessité, notamment les capacités limitées du pays de premier asile à proposer une solution durable, ou la crainte que les réfugiés puissent être encore dans une situation à risque et menacés de refoulement, ou qu’ils puissent avoir une vulnérabilité particulière ou certains besoins humanitaires.
3. L’Assemblée considère que la réinstallation a trois objectifs principaux, à savoir donner accès à une protection, assurer une solution durable et renforcer la solidarité et le partage des responsabilités entre Etats.
4. La réinstallation se fait selon des catégories qui ont été établies par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). Elle est organisée, en coopération avec les pays d’accueil, essentiellement par le HCR, avec le soutien de l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) et souvent en coopération avec des organisations non-gouvernementales (ONG) telles que la Commission internationale catholique pour les migrations (CICM).
5. La réinstallation n’est pas un instrument nouveau car elle a déjà été utilisée massivement après la seconde guerre mondiale, par exemple dans le cas des réfugiés hongrois qui avaient fui vers l’Autriche et la Yougoslavie suite à l’invasion de la Hongrie par l’Union soviétique. Elle a aussi servi à la réinstallation à grande échelle des boat people qui avaient fui le Vietnam dans les années 1980, et elle continue aujourd’hui d’être employée de par le monde dans tout un éventail de situations pour des individus, des familles et des groupes ayant des vulnérabilités particulières.
6. Pour 2014, le HCR a estimé à 691 000 le nombre de personnes dans le monde qui ont besoin d’être réinstallées, alors même que le nombre de places disponibles à présent n’est que de 80 000. En outre, ces chiffres ne tiennent pas compte des 30 000 places supplémentaires dont on a besoin d’urgence compte tenu, d’une part, de l’arrivée massive dans les pays voisins de réfugiés en provenance de la Syrie et, d’autre part, de la situation qui se dégrade tant en Syrie que dans ses pays voisins.
7. L’Assemblée constate avec préoccupation que, sur les 47 Etats membres du Conseil de l’Europe, 20 seulement se sont engagés en 2013 dans des programmes de réinstallation. Ils fournissent au total 5 500 seulement des près de 80 000 places de réinstallation disponibles dans le monde. Il est clair que l’Europe peut et devrait faire davantage.
8. En ce qui concerne la Syrie, des efforts louables ont été déployés par les Etats membres pour offrir à des demandeurs d’asile syriens l’asile ou une protection humanitaire ainsi que pour admettre des réfugiés syriens dans le cadre de programmes de réinstallation ou d’admission pour motifs humanitaires ou autres. Néanmoins, 16 Etats membres seulement ont répondu à l’appel lancé par le HCR pour admettre 30 000 réfugiés syriens en 2014, et plus de 11 000 places sont encore nécessaires.
9. L’Assemblée constate que, malgré le soutien apporté par le projet pilote financé par l’Union européenne (EUREMA), qui est destiné à relocaliser, avec le soutien de l’OIM, de Malte vers d’autres Etats membres de l’Union européenne les bénéficiaires d’une protection internationale, le nombre des demandeurs d’asile, des réfugiés et des bénéficiaires d’une protection internationale que Malte reçoit constitue encore une lourde charge pour ce pays.
10. Malte n’est pas le seul pays concerné, et l’Assemblée reste préoccupée par les pressions considérables qui pèsent sur certains Etats membres, surtout aux frontières de l’Union européenne, pour accueillir un grand nombre de personnes qui ont besoin d’une protection internationale.
11. L’Assemblée souligne que la réinstallation n’est pas une question de gestion des migrations mais qu’il s’agit d’une décision humanitaire découlant de l’obligation de droit international qui incombe aux Etats membres de protéger toute personne réunissant les conditions requises pour être une personne relevant de la compétence du HCR conformément au mandat de l’agence.
12. L’Assemblée invite par conséquent les Etats membres du Conseil de l’Europe:
12.1. à augmenter de manière significative le nombre de places disponibles pour la réinstallation et la relocalisation des bénéficiaires d’une protection internationale;
12.2. à accroître la rapidité et la souplesse des programmes de réinstallation/relocalisation:
12.2.1. en s’abstenant d’appliquer des procédures et critères complexes qui retarderaient la réinstallation des personnes ayant besoin d’urgence d’une protection et de solutions;
12.2.2. en adoptant des procédures simplifiées et des mesures novatrices pour accorder une protection véritablement immédiate aux personnes les plus vulnérables à une époque de déplacements forcés à grande échelle;
12.2.3. en adoptant une approche souple et inclusive pour l’examen des dossiers de réinstallation;
12.3. à améliorer la coordination et l’affectation des fonds lorsqu’ils mettent en œuvre des programmes de réinstallation/relocalisation:
12.3.1. en améliorant la coordination des intervenants, tant au niveau international qu’aux niveaux national, régional et local;
12.3.2. en fournissant des ressources matérielles et humaines suffisantes pour mener à bien les programmes;
12.3.3. en soutenant la société civile et les collectivités locales et en travaillant avec elles;
12.3.4. en apportant leur soutien à l’échange des meilleures pratiques dans le cadre des différentes instances de discussion qui existent actuellement;
12.4. à garantir le caractère durable de tout programme de réinstallation et de relocalisation en renforçant la capacité nationale à intégrer les personnes réinstallées/relocalisées:
12.4.1. en mettant en œuvre des programmes d’orientation et d’évaluation de l’état de santé avant le départ;
12.4.2. en accordant aux personnes réinstallées/relocalisées ainsi qu’à leurs familles ou les personnes à charge l’accès aux droits comparables à ceux dont jouissent les ressortissants du pays d’accueil, y compris des services d’intégration, des informations quant à leurs droits et obligations relatifs à leur statut de protection dans une langue qu'ils comprennent, un logement adéquat, un accès à l’emploi et à la formation, une protection sociale et des soins de santé;
12.4.3. en sensibilisant la population aux programmes de réinstallation, et en instaurant le dialogue entre la société d’accueil et les réfugiés réinstallés/relocalisés;
12.4.4. en renforçant la coopération avec la société civile et les médias;
12.5. à mettre en place des mesures anti-fraude afin de veiller à ce que seules les personnes qui en ont le plus véritablement besoin bénéficient des procédures officielles en vigueur pour toutes les opérations de réinstallation.
13. En ce qui concerne la situation humanitaire d’urgence créée par la crise syrienne, l’Assemblée exhorte les Etats membres:
13.1. à renforcer leurs engagements à accueillir des réfugiés syriens ainsi que toute autre personne cherchant refuge ailleurs en raison de la crise syrienne pour réinstallation ou admission pour motifs humanitaires ou autres, afin d’assurer la protection internationale de 30 000 Syriens avant la fin de l’année 2014, ainsi que les 100 000 places nécessaires entre 2015 et 2016;
13.2. à étudier attentivement des solutions novatrices comme le regroupement familial simplifié et accéléré, tant pour les réfugiés que pour les bénéficiaires d’une protection subsidiaire, et la prorogation des visas d’étudiant ou de travailleur.
14. L’Assemblée encourage les Etats membres à continuer de soutenir Malte pour lui permettre de faire face aux flux migratoires mixtes importants et à élargir leur soutien aux autres pays en difficulté en Europe.
15. L’Assemblée invite les Etats membres à utiliser au maximum les possibilités d’emprunts auprès de la Banque de développement du Conseil de l’Europe (CEB) et encourage la CEB à accueillir favorablement des demandes en ce sens.
16. L’Assemblée invite les Etats membres de l’Union européenne à faire appel au Fonds en matière d’asile, de migration et d’intégration (AMIF) pour soutenir leurs programmes de réinstallation.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet
de recommandation adopté à l’unanimité par la commission le 13 mars
2014.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire, faisant référence à sa Résolution … (2014) «La réinstallation des réfugiés: promouvoir une plus grande solidarité», considère que l’Europe a juridiquement la responsabilité de protéger les personnes qui demandent une protection internationale, et qu’elle a une longue tradition en la matière.
2. Compte tenu des pressions croissantes qui pèsent de manière inégale sur les Etats membres du Conseil de l’Europe en ce qui concerne les migrants en situation irrégulière, les demandeurs d’asile et les réfugiés, il est important d’examiner des méthodes de solidarité et de partage des responsabilités. La réinstallation et les autres solutions novatrices permettant de procéder à une admission d’urgence pour motifs humanitaires de pays tiers ainsi que la relocalisation en vertu du projet pilote financé par l’Union européenne (EUREMA) sont des moyens propices à un meilleur partage des responsabilités.
3. En conséquence, l’Assemblée invite instamment le Comité des Ministres à envisager l’organisation d’un débat thématique sur la question de la réinstallation des réfugiés dans les Etats membres afin:
3.1. de sensibiliser l’opinion publique aux mesures prises actuellement par les Etats membres et aux meilleures pratiques existantes;
3.2. d’encourager un plus grand nombre d’Etats à s’engager à répondre aux besoins de réinstallation et d’admission pour motifs humanitaires eu égard aux déplacements forcés à grande échelle provoqués par la crise syrienne, en plus des besoins de réinstallation de 691 000 personnes au niveau mondial;
3.3. d’aider Malte à faire face aux importants flux migratoires mixtes, et d’élargir le soutien, en tant que de besoin, aux autres pays en difficulté en Europe tels que la Bulgarie, la Grèce, l’Italie et la Turquie;
3.4. de fournir aux Etats non-membres de l’Union européenne un forum leur permettant de participer avec les Etats membres de l’Union européenne au débat relatif à la réinstallation et à la relocalisation;
3.5. de réfléchir aux moyens d’associer davantage la Banque de développement du Conseil de l’Europe aux actions de réinstallation.

C. Exposé des motifs, par M. Voruz, rapporteur

(open)

1. Introduction

«Un outil indispensable pour une solution indispensable.» Antonio Guterres

1. Les populations se déplacent depuis la nuit des temps. Malheureusement, les migrations ne sont pas toujours volontaires et revêtent parfois la forme d’une fuite pour quitter des zones de conflit ou échapper à des persécutions.
2. Il faut rappeler que l’Europe a toujours été une terre d’accueil pour qui cherche refuge. Mais si cette tradition est bien ancrée, tant dans la coutume que dans le droit international et les législations nationales des Etats membres du Conseil de l’Europe, elle est pourtant mise à rude épreuve.
3. En ces temps de crise, assumer leurs obligations internationales en accordant asile et protection et en faisant preuve d’un esprit de générosité – alors que la population locale souffre d’un fort taux de chômage, de restrictions budgétaires, voire d’un accroissement des conflits ethniques – peut constituer un véritable défi pour les Etats.
4. On assiste dans toute l’Europe à une montée en puissance du discours xénophobe et, malheureusement, certains dirigeants politiques contribuent à cette évolution et refusent de reconnaître le besoin de protection de bon nombre de personnes recherchant l’asile, ainsi que d’adopter une approche pertinente en matière de politique nationale d’immigration.
5. Mais ne nous y trompons pas, l’accueil des réfugiés ne relève pas de la simple bonne volonté des Etats, ni de politiques migratoires encadrées et quantifiables: il s’agit d’une obligation en vertu du droit international. Les réfugiés ne viennent pas de leur plein gré; des guerres, des troubles civils et autres évènements imprévisibles les arrachent à leur pays d’origine. Ces personnes ont des droits que nous ne saurions bafouer impunément.
6. Bien que des efforts louables en vue d’améliorer les systèmes d’asile aient été déployés en Europe – notamment au sein de l’Union européenne dans le cadre du Régime d’asile européen commun (RAEC) –, force est de constater que le système européen est désormais confronté à des défis de taille.
7. L’un des écueils du système européen d’asile tient au fardeau disproportionné pesant sur certains Etats, notamment ceux dont les frontières constituent les limites extérieures de l’Union européenne et plus spécialement les pays riverains de la Méditerranée.
8. Malte, un petit pays, doit faire face de manière disproportionnée à l’arrivée de migrants, réfugiés et demandeurs d’asile. D’autres pays plus grands – comme la Grèce, l’Italie et l’Espagne – sont également affectés en raison de leur situation géographique.
9. La question de la solidarité européenne à l’égard des réfugiés et des demandeurs d’asile ne saurait par conséquent être traitée à la légère et il s’agit d’un problème sur lequel l’Assemblée parlementaire s’est déjà penchée dans le cadre de sa Résolution (1820) 2011 «Demandeurs d’asile et réfugiés: pour un partage des responsabilités en Europe». Dans ce texte, l’Assemblée a identifié la réinstallation et la relocalisation comme des instruments pertinents pour renforcer la solidarité en Europe.
10. Le présent rapport entend apporter un éclairage sur ces mécanismes, évaluer en quoi ces outils peuvent s’avérer efficaces pour renforcer la solidarité en Europe, et proposer des mesures visant à les promouvoir.
11. Dans le cadre de la préparation du présent rapport, une audition a été organisée par la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées et j’ai moi-même effectué une mission d’enquête en novembre 2013 à Berne et à Genève pour rencontrer une partie des principaux acteurs internationaux et nationaux compétents. J’aimerais remercier la délégation parlementaire suisse pour son aide, ainsi que divers partenaires, dont le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), la Commission internationale catholique pour les migrations (CICM) et d’autres organisations et institutions nationales rencontrées pendant ma visite pour les précieuses informations qu’ils m’ont communiquées.

2. Réinstallation et relocalisation: deux outils pour un même but de solidarité

12. Je mentionne dans le présent rapport deux outils dont les caractéristiques diffèrent, mais dont les finalités sont les mêmes: renforcer la solidarité entre les Etats tout en offrant une solution durable à des personnes qui ont besoin d’une protection internationale.

2.1. Définitions et distinction entre les deux outils

13. La réinstallation est un outil visant à réinstaller de manière durable des réfugiés qui ne peuvent ni rentrer chez eux ni rester dans le pays de premier asile. Le manuel de réinstallation du HCR en donne la définition suivante:
«[L]a réinstallation implique la sélection et le transfert de réfugiés d’un Etat dans lequel ils ont cherché une protection vers un autre Etat qui accepte de les accueillir comme réfugiés avec un statut de résident permanent. Ce statut garantit une protection contre le refoulement et confère au réfugié réinstallé, à sa famille et aux autres personnes à sa charge, les mêmes droits que ceux dont bénéficient les ressortissants nationaux. La réinstallation offre également l’opportunité d’accéder ultérieurement à la naturalisation dans les pays de réinstallation.»
14. La réinstallation est un instrument historique de protection internationale. Utilisé dès 1920 (concernant environ 45 000 «Russes blancs» ayant fui en Chine), il a connu une grande vogue après la seconde guerre mondiale. Parmi les réinstallations marquantes, on note celle de Hongrois dans les années 1950 après l’invasion soviétique de leur pays, celles de membres de la minorité asiatique expulsés d’Ouganda en 1972 et celle de Chiliens ayant fui leur pays après le coup d’Etat de 1973. La plus grande opération de réinstallation jamais réalisée visait les «boat-people» ayant fui le Vietnam dans les années 1980 et a concerné près de 700 000 personnes.
15. La relocalisation est une mesure récente, régionale et strictement limitée à l’Union européenne qui permet de transférer une personne bénéficiant de la protection internationale d’un Etat membre de l’Union européenne à un autre. On en trouve la définition suivante dans des documents émanant de l’Union européenne:
«Le transfert de personnes bénéficiant du statut défini par la Convention de Genève ou bénéficiant d’une forme de protection subsidiaire au sens de la directive 2004/83/CE [concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts] de l’Etat membre leur ayant accordé la protection internationale vers un autre Etat membre qui leur accordera une protection similaire ou de personnes ayant demandé à bénéficier de la protection internationale auprès de l’Etat membre responsable d’examiner cette demande vers un autre Etat membre dans lequel la demande de protection internationale sera examinée. 
			(3) 
			«Etude de faisabilité
de la mise en place d’un mécanisme de relocalisation des bénéficiaires
d’une protection internationale», étude de la Commission européenne
(JLS/2009/ERFX/PR/1005 – 70092056), juin 2010, document pouvant
être consulté à l’adresse: 
			(3) 
			<a href='http://ec.europa.eu/home-affairs/doc_centre/asylum/docs/final_report_relocation_of_refugees.pdf'>http://ec.europa.eu/home-affairs/doc_centre/asylum/docs/final_report_relocation_of_refugees.pdf</a>. » [Traduction non officielle: se référer au texte anglais]
16. La relocalisation n’existe jusqu’à présent qu’au stade du projet pilote appliqué dans le seul cas de Malte (c’est-à-dire que les réfugiés sont transférés depuis Malte vers d’autres Etats membres de l’Union européenne). En l’occurrence, les Etats ayant participé à ce projet dit «EUREMA» ont indiqué que cette démarche est le résultat d’une décision politique visant à attester de leur solidarité avec Malte.
17. La réinstallation comme la relocalisation dépendent entièrement de la bonne volonté et de la participation volontaire des Etats d’accueil.

2.2. Objectifs 

18. La réinstallation, comme la relocalisation, permet de poursuivre trois objectifs: donner accès à une protection; assurer une solution durable; et renforcer la solidarité et le partage des responsabilités entre Etats.
19. Le caractère durable et le succès de tous les programmes de réinstallation ou de relocalisation dépendent de la capacité du pays d’accueil et leurs communautés locales à intégrer les personnes concernées.

2.3. Chiffres: un gouffre entre les besoins et le nombre de places disponibles

20. Le HCR estime à environ 691 000 le nombre de personnes ayant actuellement besoin d’être réinstallées, alors que le nombre de places disponibles par année se situe autour de 80 000. Et encore, ce chiffre ne tient pas compte des besoins supplémentaires créés par l’arrivée massive de réfugiés en provenance de la Syrie dans les pays voisins.
21. Le HCR a identifié les situations prioritaires suivantes pour le recours stratégique à la réinstallation: celle des Afghans en Iran; celle des Afghans au Pakistan; celle des Somaliens au Kenya et en Ethiopie; celle des réfugiés en Turquie; celle des Irakiens en Syrie, en Jordanie et au Liban; celle des réfugiés colombiens; celle des réfugiés congolais (ayant fui la République démocratique du Congo), et celle des réfugiés syriens dans la région Moyen-Orient/Afrique du Nord (MOAN) et la Turquie. Il convient en outre de traiter en priorité trois situations identifiées comme visant des personnes réfugiées dont la situation s’éternise: celle des Erythréens au Soudan; celle des Bhoutanais au Népal; et celle des réfugiés du Myanmar en Thaïlande et en Malaisie 
			(4) 
			Source: document du
HCR intitulé «HCR Projected Global Resettlement Needs 2014» [La
projection des besoins mondiaux en réinstallation 2014], juillet
2013: <a href='http://www.unhcr.org/51e3eabf9.html'>www.HCR.org/51e3eabf9.html
 .</a>.
22. En 2012, le HCR a identifié plus de 74 800 candidats à la réinstallation et il a aidé plus de 69 200 d’entre eux à partir vers les pays d’accueil 
			(5) 
			Les
statistiques du HCR pour l’année 2013 relatives à la réinstallation
seront officiellement rendues publiques au printemps 2014..
23. Bien que le nombre de pays de réinstallation ait augmenté depuis les années 1980, on compte seulement 27 Etats dans le monde dotés d’un programme régulier de réinstallation 
			(6) 
			Allemagne, Argentine,
Australie, Belgique, Brésil, Bulgarie, Canada, Chili, Danemark,
Espagne, Etats-Unis, Finlande, France, Hongrie, Islande, Irlande,
Japon, Nouvelle-Zélande, Norvège, Pays-Bas, Portugal, République
tchèque, Roumanie, Suède, Suisse, Royaume-Uni et Uruguay..
24. Compte tenu du fossé entre les besoins annuels en matière de réinstallation au niveau mondial et du nombre de places actuellement disponibles, on est en droit de se poser la question de savoir si l’élan actuel de solidarité permet réellement de relever les défis auxquels nous sommes confrontés afin de fournir une protection à ceux qui en ont le plus besoin.

3. La réinstallation: un outil à l’échelle mondiale

3.1. La réinstallation: comment ça marche?

25. Le HCR joue un rôle majeur pour identifier les réfugiés ayant besoin d’être réinstallés et pour veiller à réunir les conditions préalables à toute réinstallation.
26. La première condition préalable est que les candidats soient considérés comme des réfugiés par le HCR 
			(7) 
			A savoir les personnes
répondant à la définition du réfugié tel qu'elle figure dans la
Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés., même si des exceptions peuvent être tolérées au profit d’apatrides n’étant pas des réfugiés, mais pour lesquels la réinstallation constitue la solution durable la plus appropriée, ainsi qu’au profit de certaines personnes à charge n’étant pas des réfugiés au nom du regroupement familial.
27. La deuxième condition préalable vise la nécessité que toutes les autres solutions durables – qu’il s’agisse notamment d’un rapatriement volontaire ou d’une intégration dans le premier pays d’asile – soient évaluées avant que la réinstallation ne soit considérée comme la solution la plus appropriée.
28. Les réfugiés sont ensuite considérés comme ayant besoin d’être réinstallés s’ils courent des risques dans le pays où ils ont trouvé asile ou bien présentent des besoins ou des vulnérabilités spécifiques, qui répondent au moins à l’un des critères répertoriés ci-dessous 
			(8) 
			Voir le Manuel de la
réinstallation publié en juillet 2011 par le HCR: <a href='http://www.unhcr.fr/5162d56c9.pdf'>www.unhcr.fr/5162d56c9.pdf</a>.:
  • besoin d’une protection juridique et/ou physique;
  • vulnérabilité caractéristique des personnes ayant subi des violences et/ou des tortures;
  • besoins médicaux;
  • femmes ou jeunes filles en situation de risque;
  • regroupement familial;
  • enfants et adolescents en situation de risque;
  • absence de toute autre solution durable envisageable.
29. Le HCR se concentre sur la réinstallation en tant que partie importante d’une approche complète en matière d’élaboration de solutions à la fois individuelles et collectives. Dans certains cas, la réinstallation peut servir à résoudre la situation de personnes réfugiées résidant depuis longtemps dans un pays de premier asile sans pouvoir bénéficier d’une solution durable.
30. Le HCR classe les candidats à la réinstallation selon un critère de priorité et distingue ainsi entre les situations normales, urgentes ou extrêmement urgentes en fonction des besoins des intéressés. Il est donc essentiel que les Etats usent des mécanismes – telles que le recours à des centres de transit d’urgence et à des programmes spécialisés comme la Soumission de Dossiers en Urgence – permettant de réagir rapidement aux demandes urgentes ou extrêmement urgentes de réinstallation. Actuellement, seuls 10 % environ des quelque 8 000 personnes identifiées comme ayant des situations où une réinstallation s’impose d’urgence ou d’extrême urgence peuvent être traités dans le cadre de programmes spécialisés conçus pour accélérer la procédure.
31. On constate que la réinstallation d’urgence n’est pas évidente, et la capacité des Etats à réagir rapidement varie. La Suède et la Norvège, par exemple, sont généralement en mesure de traiter les affaires urgentes dans le délai idéal d’une semaine. Les autres pays ont souvent besoin de plus de temps.

Le cas particulier des femmes et des jeunes filles en situation de risque

Beaucoup de femmes réfugiées, en plus de connaître les difficultés communes à tous les réfugiés, se retrouvent souvent dans une situation encore plus vulnérable.

Comme les hommes, elles ont fui la persécution, mais leur exode les a rendues encore plus vulnérables. Bien des familles sont séparées pendant la fuite et beaucoup de femmes se retrouvent privées de leurs soutiens traditionnels (familiaux). Elles sont alors confrontées à de nouvelles responsabilités qu’elles n’ont jusqu’alors jamais assumées. De nombreuses femmes ont fui seules avec les enfants et les membres plus âgés de la famille, alors que les hommes sont restés (pour continuer de s’occuper du bétail par exemple). Elles sont également exposées à des problèmes de protection supplémentaires, spécifiques à leur sexe (viols, abus sexuels, exploitation, voire mariage forcé, entre autres). Ce type d’abus est largement rapporté, notamment en ce qui concerne les réfugiées syriennes en Jordanie, comme l’a confirmé M. Stefan Schennach (Autriche, SOC) qui a rendu compte (le 20 novembre 2013, Paris) à la commission des migrations de sa visite effectuée dans les camps situés en Jordanie en juillet 2013. Dans lesdits camps, un véritable commerce de jeunes filles vendues pour être mariées (dès l’âge de 10 ou 11 ans) aurait été mis en place.

Certains pays, comme la Norvège (où 60 % de son quota de réinstallation sont réservés aux femmes et aux jeunes filles vulnérables), ont introduit des programmes conçus spécialement pour les personnes de sexe féminin en situation de risque 
			(9) 
			Voir, notamment, l'exemple
des Etats-Unis, Rapport du HCR intitulé «Resettlement and Women
at Risk: Can the Risk Be Reduced?»: 
			(9) 
			<a href='http://www.unhcrwashington.org/sites/default/files/2013%20Jan%2007%20US%20Resettlement%20of%20Women%20at%20Risk.pdf'>www.unhcrwashington.org/sites/default/files/2013%20Jan%2007%20US%20Resettlement%20of%20Women%20at%20Risk.pdf</a>.. Ces programmes permettent aux intéressées d’être admises en priorité après avoir bénéficié d’un départ dans les plus brefs délais.

32. Les personnes identifiées par le HCR comme ayant besoin d’être réinstallées sont signalées aux Etats d’accueil potentiels, lesquels examinent chaque cas sur la base d’un dossier (constitué autour du formulaire de l’organisation intitulé «Resettlement Registration Form (RRF)» [formulaire d’enregistrement d’un candidat à la réinstallation]» et de la documentation connexe) ou d’un entretien entre l’intéressé et des missions de sélection dans le pays de premier asile. Même si le traitement des dossiers s’avère moins onéreux, permet d’accélérer les décisions/départs et constitue une bonne solution pour les réfugiés avec lesquels il est difficile d’entrer en contact en raison de l’insécurité régnant dans l’Etat hôte, les Etats d’accueil préfèrent généralement recourir à des missions de sélection.
33. Dans la plupart des cas, l’OIM organise la logistique du transfert (autorisations de sortie, préparatifs avant le départ et modalités de transport, assistance durant le transfert et à l’arrivée, escortes opérationnelles et médicales, en cas de besoin) vers le pays de réinstallation et prend les dispositions en vue du départ (y compris évaluation de l’état de santé et sessions d’information/orientation destinées à se familiariser avec la culture du pays en question, en amont du départ), à la demande du pays de destination.
34. Il est indispensable d’instaurer une bonne coordination entre toutes les parties prenantes pendant l’intégralité du processus. Les consultations annuelles tripartites sur la réinstallation (ATCR) et le groupe de travail sur la réinstallation (WGR) du HCR sont les principaux forums permettant de faire progresser la question de la réinstallation en présence de représentants des Etats de réinstallation, du HCR, de l’OIM, d’organisations internationales et d’ONG.
35. Depuis 2012, des Groupes de Contact/Restreint ont été établis dans le cadre du processus ATCR/WGR, afin de se concentrer sur une approche stratégique et collaborative en matière de réinstallation de personnes dont la situation a été identifiée comme devant faire l’objet d’un traitement urgent par le HCR (voir le paragraphe 21). Les groupes de contact se composent généralement de représentants du HCR, de l’OIM et de pays de réinstallation sélectionnés et sont présidés par un pays membre. La Suède, par exemple, préside le groupe de contact pour la réinstallation des Afghans d’Iran ainsi que le groupe de contact pour les réfugiés syriens, récemment formé.
36. En effet, un groupe restreint sur la réinstallation des réfugiés syriens – présidé par la Suède – a récemment été mis sur pied le 12 décembre 2013 à Genève. Le HCR coordonne également un groupe de travail sur la réinstallation composé des pays hôtes limitrophes de la Syrie ou situés dans la région afin d’échanger les informations et d’identifier les domaines de coopération en matière de réinstallation et d’admission de réfugiés syriens pour des raisons humanitaires.
37. Le projet intitulé «Linking-In EU Resettlement» financé par la Commission européenne et coordonné conjointement par l’OIM, le HCR et la CICM, favorise grandement la coopération entre tous les décideurs et les praticiens impliqués dans la réinstallation et l’intégration dans le cadre du «Réseau européen de réinstallation» (le plus souvent désigné par son sigle anglais ERN [European Resettlement Network]). L’ERN est un réseau complet qui soutient l’expansion de la réinstallation en Europe en liant les divers acteurs impliqués dans la réinstallation des réfugiés. Les membres du réseau sont engagés ensemble pour la réinstallation des réfugiés et la protection des réfugiés, pour permettre de trouver des solutions durables pour les réfugiés, et pour apporter le soutien nécessaire en matière d’intégration des réfugiés réinstallés en Europe et de leur fournir les moyens de devenir des citoyens aptes à participer à part entière. L’outil central de l’ERN est son site internet 
			(10) 
			<a href='http://www.resettlement.eu/'>www.resettlement.eu.</a> qui fonctionne telle une plateforme d’échanges d’information et d’expertise sur les priorités, les processus et les pratiques en matière de réinstallation. L'ERN gère également la campagne «La réinstallation sauve des vies» mobilisant ainsi du soutien pour la réinstallation en Europe et faisant la promotion d’une Europe prête à réinstaller 20 000 réfugiés chaque année d'ici 2020.
38. Comme un expert l’a déclaré lors de l’audition organisée par la commission des migrations, la coordination au niveau domestique dans les pays de réinstallation est indispensable pour parvenir à accueillir et intégrer les réfugiés 
			(11) 
			Voir HCR (2013), «The
Integration of Resettled Refugees: Essentials for Establishing a
Resettlement Programme and Fundamentals for Sustainable Resettlement
Programmes»: <a href='http://www.refworld.org/docid/51b81d9f4.html'>www.refworld.org/docid/51b81d9f4.html.</a>. Compte tenu de l’importance cruciale de la collaboration au niveau local, le projet «SHARE» fut initié en mars 2012. Ce projet tend à créer un réseau comprenant des autorités régionales et locales (villes, municipalités, régions), ainsi que des partenaires issus de la société civile, et ayant vocation à favoriser la coopération en matière de réinstallation, de protection et d’intégration. Coordonné par la CICM, en partenariat avec le HCR, la Ville de Sheffield et d’autres acteurs, SHARE est cofinancé par la Commission européenne dans le cadre du projet ERN plus large. Ce forum permet d’installer un dialogue durable, de renforcer les moyens d’action et de partager les meilleures pratiques en matière d’accueil et d’intégration 
			(12) 
			Pour plus d’ informations
sur le SHARE Project, voir <a href='http://www.resettlement.eu/page/welcome-share-network'>www.resettlement.eu/page/welcome-share-network.</a>.
39. En 2013 et tout au long de l’année 2014 également, l’ERN est entré dans une nouvelle phase de développement grâce à un projet conjoint de l’OIM, du HCR et de la CICM intitulé «Strengthening the response to emergency resettlement needs» (renforcement de la réponse aux besoins de réinstallation d'urgence). Ce projet appuie l’ERN et, permet ainsi de soutenir la coopération entre les divers acteurs et de renforcer leurs capacités à accroître et améliorer l’effort de réinstallation. Il met également l’accent sur la sensibilisation à la réinstallation d’urgence.

3.2. La pratique dans les Etats membres du Conseil de l'Europe: l’Europe mauvais élève de la réinstallation

40. L’Europe a une vraie occasion de renforcer ses efforts de solidarité et de prendre des mesures en vue d’accroître sa capacité à accueillir dans la dignité un nombre plus important de réfugiés réinstallés. En effet, les capacités de réception de l’Europe via la réinstallation sont loin d’être saturées. Pour prendre l’exemple de la Suisse, je suis convaincu – après en avoir discuté avec les autorités, la société civile et les organisations internationales – que ce pays pourrait accueillir davantage de candidats à la réinstallation.
41. Sur les 27 pays ayant participé à des programmes de réinstallation de réfugiés en 2013,20 sont situés en Europe. Bien que les Etats européens constituent près des deux tiers des pays disposés à accueillir des réfugiés désireux de se réinstaller chaque année, les Etats concernés ne fournissent que 5 500 places sur les quelque 80 000 disponibles dans le monde entier en 2013. A eux seuls, les Etats-Unis fournissent les deux tiers des places de réinstallation dans le monde chaque année.
42. Néanmoins, les choses évoluent dans le bon sens, puisque ces quinze dernières années de nouveaux pays européens ont élaboré des programmes de réinstallation alors que d’autres se sont montrés disposés à accueillir des demandes de réinstallation du HCR. Certains Etats ont mis au point des programmes de réinstallation, tandis que d’autres proposent des places sur une base ad hoc ou dans le cadre de programmes spécialisés 
			(13) 
			Voir document du HCR
intitulé «HCR Projected Global Resettlement Needs 2014» [La projection
des besoins mondiaux en matière de réinstallation en 2014], Tableau
sur les départs en vue d’une réinstallation en 2008-2012, p. 82 (disponible
en anglais uniquement).. Certains pays, comme la Hongrie, la Roumanie et l’Espagne se sont dotés récemment d’un cadre juridique permettant la réinstallation. Plusieurs autres pays ont également répondu favorablement à des demandes de réinstallation d’urgence et d’extrême urgence du HCR. Mais les chiffres restent modestes et une marge de progression non négligeable existe.
43. Au titre des évolutions positives, on note la mise en place en 2013 par l’Union européenne d’un Programme Commun de Réinstallation qui encourage financièrement les Etats membres à accueillir des réfugiés. Sous réserve d’adoption, le Fonds en matière d'asile, de migration et d’intégration (AMIF) mettra en œuvre de nouvelles dispositions pour un Programme de Réinstallation Européen qui continuera d’inciter financièrement les Etats membres à réinstaller des réfugiés en 2014-2020 
			(14) 
			Communiqué de presse
de LIBE, «Fonds pour l’asile, la migration et la sécurité intérieure:
la commission des libertés civiles donne son feu vert», 10 janvier
2014: <a href='http://www.europarl.europa.eu/news/fr/news-room/content/20140106IPR31906/html/Fonds-pour-l%27asile-la-migration-et-la-s%C3%A9curit%C3%A9-int%C3%A9rieure'>www.europarl.europa.eu/news/fr/news-room/content/20140106IPR31906/html/Fonds-pour-l%27asile-la-migration-et-la-s%C3%A9curit%C3%A9-int%C3%A9rieure.</a>.
44. Plus récemment, le Conseil européen a pu souligner dans ses Conclusions des 19/20 décembre 2013 
			(15) 
			Conclusions du Conseil
Européen (19/20 décembre): <a href='http://consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/fr/ec/140267.pdf'>http://consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/fr/ec/140267.pdf.</a> «l'importance qu'il attache à la réinstallation des personnes ayant besoin d'une protection et à la contribution aux efforts déployés au niveau mondial dans ce domaine». Cela faisait suite à la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur les travaux de la «Task Force Méditerranée» du 4 décembre 2013 
			(16) 
			Communication
sur les travaux de la «Task Force Mediterranean» (disponible en
anglais seulement): <a href='http://ec.europa.eu/dgs/home-affairs/what-is-new/news/news/docs/20131204_communication_on_the_work_of_the_task_force_mediterranean_en.pdf'>http://ec.europa.eu/dgs/home-affairs/what-is-new/news/news/docs/20131204_communication_on_the_work_of_the_task_force_mediterranean_en.pdf.</a> qui ont identifié l’utilisation de la réinstallation comme une action prioritaire afin de trouver des solutions durables pour ceux qui tentent d’accéder à l’asile en Europe en traversant la Méditerranée.

4. La relocalisation: un outil au sein de l’Union européenne

45. Le Pacte européen sur l’immigration et l’asile de 2008 dispose que «[p]our les Etats membres dont le régime d’asile national est soumis à des pressions spécifiques et disproportionnées, dues en particulier à leur situation géographique ou démographique, la solidarité doit également viser à favoriser, sur une base volontaire et coordonnée, une meilleure répartition des bénéficiaires d’une protection internationale de ces Etats membres vers d’autres, tout en veillant à ce que les systèmes d’asile ne fassent pas l’objet d’abus. Conformément à ces principes, la Commission, en consultation avec le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés le cas échéant, facilitera une telle répartition volontaire et coordonnée. Des crédits spécifiques devraient être mis à disposition pour cette répartition, au titre des instruments financiers communautaires existants, conformément aux procédures budgétaires» 
			(17) 
			Le Pacte européen sur
l’immigration et l’asile du 24 décembre 2008 est disponible à l’adresse
suivante: <a href=''>http://europa.eu/legislation_summaries/justice_freedom_security/free_movement_of_persons_asylum_immigration/jl0038_fr.htm.</a>.
46. En 2009, un projet pilote (EUREMA) visant à aider Malte – confrontée à une pression migratoire disproportionnée en raison de sa situation géographique – a été lancé par l’Union européenne et mis en œuvre – en étroite collaboration avec les autorités maltaises – par l’OIM. De 2002 à 2011, 12 874 demandes d’asile ont été déposées à Malte. Parmi celles-ci, 346 personnes ont obtenu le statut de réfugiés, une protection subsidiaire a été accordée à 6 655 personnes et 5 290 ont été déboutées. Jusqu’en octobre 2013, 2 026 demandes d’asile avaient été déposées à Malte 
			(18) 
			Des
statistiques peuvent être consultées à l'adresse suivante: <a href='http://www.unhcr.org.mt/statistics'>www.unhcr.org.mt/statistics</a>.
47. Des relocalisations ont été opérées dans le cadre des phases I et II du projet EUREMA avec la participation de 12 Etats membres, ainsi que dans le cadre d’accords bilatéraux passés entre Malte et certains autres Etats membres (huit en tout) 
			(19) 
			Chiffres clés du projet
pilote EUREMA de réinstallation, Bureau européen d’appui en matière
d’asile, «Fact Finding report on intra-EU relocation activities
from Malta», juillet 2012, p. 4 (en anglais uniquement): <a href='http://www.refworld.org/pdfid/52aef8094.pdf'>www.refworld.org/pdfid/52aef8094.pdf</a>.. En 2011, 227 personnes ont été relocalisées dans le cadre du projet EUREMA et, selon un rapport publié par le Bureau européen d'appui en matière d’asile (EASO) 
			(20) 
			Le rapport d’enquête
rédigé par le Bureau européen d’appui en matière d’asile sur les
activités menées par l’Union européenne dans le domaine de la réinstallation
de réfugiés installés à Malte peut être consulté (en version anglaise)
à: <a href='http://easo.europa.eu/wp-content/uploads/EUREMA-fact-finding-report-EASO1.pdf'>http://easo.europa.eu/wp-content/uploads/EUREMA-fact-finding-report-EASO1.pdf.</a>, 356 places ont été promises en 2012 (y compris dans le cadre d’accords bilatéraux). Selon le HCR, 350 bénéficiaires d’une protection internationale à Malte ont été réinstallés/relocalisés dans un autre pays en 2013 (situation au 20 novembre 2013), alors que le chiffre total de réfugiés ayant quitté ce pays dans le cadre d’un arrangement de ce type depuis 2005 s’élève à 2 052 
			(21) 
			Des statistiques peuvent
être consultées à l'adresse suivante: <a href='http://www.unhcr.org.mt/statistics'>www.unhcr.org.mt/statistics</a>..
48. EUREMA est un exemple concret de solidarité pratique. Même si les autorités maltaises nourrissaient des espoirs plus grands, il faut tout de même saluer l’effort de partage des responsabilités consenti par les Etats d’accueil. Il faut cependant reconnaître aussi que les Etats-Unis ont réinstallé 1 118 bénéficiaires d’une protection internationale depuis Malte entre 2007 et 2012 
			(22) 
			Réseau Européen des
Migrations, Rapport Annuel 2012 sur les politiques migratoires et
d’asile à Malte (en anglais uniquement): <a href='http://ec.europa.eu/dgs/home-affairs/what-we-do/networks/european_migration_network/reports/docs/annual-policy/2012/18._malta_national_report_final_may2013_en.pdf'>http://ec.europa.eu/dgs/home-affairs/what-we-do/networks/european_migration_network/reports/docs/annual-policy/2012/18._malta_national_report_final_may2013_en.pdf.</a>.
49. Bien qu’il ne puisse pas remplacer les programmes de réinstallation, ce projet pilote de relocalisation constitue un exemple embryonnaire de solidarité européenne. Il est le résultat d’une volonté politique qui pourrait inspirer d’autres initiatives.

5. Quels sont les obstacles à la réinstallation et à la relocalisation?

5.1. Réticence des Etats

50. Dans les années 1970 et 1980, un programme à grande échelle avait été appliqué pour réinstaller des dizaines de milliers de «boat people» fuyant le Vietnam, mais la désillusion fut grande lorsque le nombre de personnes dans les camps de réfugiés grimpa de 31 694 à 65 349 entre 1986 et 1989 (alors que la situation au Vietnam ne s’était pas sensiblement détériorée au cours de la même période). Il ne s’agissait alors plus uniquement de réfugiés, mais aussi d’un nombre croissant de migrants économiques. Les Etats, y voyant une forme cachée de programme de migration, se désengagèrent du processus et la réinstallation fut marginalisée.
51. Il ne faut pas nier le risque de créer un facteur d’attraction et, même si le HCR prend toutes les précautions nécessaires pour l’éviter, cette hypothèse préoccupe légitimement les Etats.
52. Le facteur d’attraction a également pu être observé dans le cas récent des réfugiés fuyant la Libye pour les camps de Choucha (Tunisie) et Salloum (Egypte). Le nombre de réfugiés ayant gagné ces deux pays – en pleine transition politique eux-mêmes à l’époque – atteignit un tel niveau que, entre mars et décembre 2011, le HCR déposa systématiquement des demandes de réinstallation éventuelle en faveur des résidents de Choucha et Salloum. Un total de 3 500 réfugiés purent ainsi bénéficier d’une réinstallation en 2013 pour la seule Tunisie. Le succès de ce programme finit cependant par attirer davantage de réfugiés et de migrants, ce qui obligea le HCR à imposer une date limite pour la soumission automatique des dossiers de réinstallation, de manière à éviter tout effet d’incitation supplémentaire.
53. En ce qui concerne le Vietnam, l’introduction d’un processus de tri afin d’identifier et de réinstaller uniquement les personnes ayant des besoins en matière de protection internationale finit par dissuader les nouveaux candidats, de sorte que le nombre des nouvelles arrivées se tarit ensuite rapidement.
54. Afin d’éviter de créer des facteurs d’incitation et d’influencer indûment les flux migratoires, le HCR privilégie, autant que possible, une approche régionale 
			(23) 
			L’approche
régionale est différente des bureaux régionaux lesquels se contentent
de coordonner l'envoi de demandes de chaque pays. en matière de réinstallation, de manière à dissuader les mouvements secondaires. Par exemple, la réinstallation d’Irakiens et de Syriens à partir du MOAN dans son ensemble contribue à dissuader les réfugiés de courir des risques en passant d’un pays de la région à l’autre dans l’espoir d’une réinstallation.

5.2. Questions de sécurité et risque de fraude

55. La réinstallation peut attiser les convoitises et il est primordial de lutter contre la fraude et la corruption dans le processus. Comme indiqué dans le Manuel de réinstallation du HCR, la fraude peut avoir lieu pratiquement à tous les stades du processus (notamment au moment de l’enregistrement, de la détermination du statut de réfugié et pendant les évaluations en vue de solutions durables).
56. La fraude peut consister en de fausses déclarations, une fraude à l’identité, ou encore une fraude à la composition familiale (en invoquant une situation familiale plus favorable à la réinstallation), la falsification de documents, une exploitation, etc. Il est évident que de telles pratiques, si elles ne sont pas détectées, si elles sont tolérées (par exemple, encouragées par des agents corrompus) ou non sanctionnées, nuisent à la réinstallation dans son ensemble en jetant le discrédit sur son principe même. Pour garantir la crédibilité du système, le HCR a élaboré en 2004 un plan d’action antifraude à la réinstallation.
57. Des mesures antifraude sont désormais incluses dans les procédures standards régissant l’ensemble des opérations de réinstallation. Ces garanties réduisent le risque, défendent les réfugiés contre la victimisation, protègent le personnel innocent contre les fausses allégations et contribuent à la crédibilité et l’efficacité globales des activités de réinstallation déployées par le HCR.

5.3. Capacités logistiques limitées

58. Il est évident que la priorité est de disposer de suffisamment de places disponibles pour les cas nécessitant une réinstallation. Mais pour que la réinstallation soit un instrument efficace, il faut aussi que la logistique suive. Les procédures et les critères fixés par les Etats d’accueil devraient par conséquent être suffisamment simples pour ne pas retarder le processus de réinstallation concernant les personnes ayant un besoin urgent de protection et de solutions.
59. La rapidité de la réaction peut revêtir une importance capitale comme on peut le voir aujourd’hui avec les réfugiés syriens. A cet égard, le groupe restreint pour la réinstallation des réfugiés syriens – composé des Etats d’accueil et présidé par la Suède – a été constitué afin d’examiner les stratégies visant à accroître le nombre d’engagements et à accélérer le processus. Ce travail répond à un véritable besoin de rationaliser et de simplifier les procédures, et vient en temps utile dans la mesure où la réinstallation doit être intégrer à la l’intervention d’urgence au sens large.
60. Comme indiqué précédemment, le projet «Strengthening the response to emergency resettlement needs» (renforcement de la réponse aux besoins de réinstallation d'urgence), qui continue de soutenir les travaux du Réseau européen de réinstallation, contribue également au besoin des Etats de mieux répondre aux situations d’urgence telles que la crise des réfugiés syriens et vise à améliorer le temps de réaction.

5.4. Critères restrictifs définis par les Etats

61. Certains Etats d’accueil ont adopté des critères restrictifs applicables en cas d’examen d’une demande de réinstallation. Par exemple, une partie d’entre eux sélectionne les réfugiés sur la base du critère dit «du potentiel d’intégration». Dans ce cas, les Etats ne sélectionne pas des personnes souffrant de troubles mentaux ou ayant le Sida ou des antécédents de dépendance à la drogue, des illettrés ou des personnes âgées, ou encore des réfugiés de certaines nationalités. Cette attitude limite indéniablement l’accès à la réinstallation, notamment pour les réfugiés les plus vulnérables.
62. Compte tenu du caractère souvent urgent des situations ainsi que de la procédure compliquée de préparation et de traitement des dossiers des candidats à la réinstallation, il est important pour les Etats de faire preuve d’une approche inclusive et souple et de se rappeler que le besoin de protection et une attention particulière à la vulnérabilité sont les critères essentiels pour décider d’une réinstallation ou d’une relocalisation.
63. Selon le HCR, la réinstallation se fonde sur une approche humanitaire et les Etats devraient s’abstenir de limiter le taux d’acceptation de réfugiés ayant des «besoins pressants» et de se concentrer uniquement sur ceux possédant un «potentiel d’intégration» avant toute considération des besoins de protection.

5.5. Capacité d’intégration

64. Les Etats d’accueil attachent une importance considérable à la capacité d’intégration des personnes réinstallées. Pour reprendre les propos récurrents du Directeur Général de l’OIM, la réinstallation comporte la responsabilité d’assurer un meilleur avenir aux réfugiés ainsi que l’espoir d’atteindre leurs pleins potentiels. Il va de soi qu’une réinstallation ne peut être considérée comme entièrement réussie si elle ne s’accompagne pas d’une intégration réussie dans la nouvelle société d’accueil. Les premiers mois et les premiers jours de la vie d’un réfugié réinstallé dans son nouveau pays peuvent être déterminants pour le succès de leur intégration.
65. Toutefois, toute intégration réussie suppose un processus bidirectionnel. Les réfugiés sont plus à même de s’intégrer dès lors que les Etats d’accueil mettent en place des mesures garantissant un soutien suffisant à leur effort d’intégration. Pour faciliter cette intégration, le HCR a lancé des programmes de réinstallation durable (dénommés «The Integration of Resettled Refugees: Essentials for Establishing a Resettlement Programme and Fundamentals for Sustainable Resettlement Programmes» [L’intégration des réfugiés réinstallés: Principes essentiels pour l’élaboration d’un programme de réinstallation et fondements pour la mise en œuvre de programmes de réinstallation durables] 
			(24) 
			<a href='http://www.refworld.org/docid/51b81d9f4.htm'>www.refworld.org/docid/51b81d9f4.htm</a>. ) à l’occasion des Consultations annuelles tripartites 2013 sur la réinstallation.
66. En vue de faciliter leur intégration dans leur nouveau pays d’accueil, les personnes réinstallées bénéficient d’une formation préparatoire d’orientation culturelle au départ, dispensée par les autorités nationales, souvent avec la coopération de l’OIM et de la CICM. Les formateurs sont généralement biculturels et partagent une connaissance linguistique et/ou culturelle des pays d’origine des réfugiés et de la société d’accueil. Le contenu de l’orientation varie, selon les réalités de la réinstallation dans le pays de destination, mais comporte le plus souvent des informations générales sur le voyage, sur le nouveau pays d’accueil (système juridique, participation civique) et sur les principaux défis inhérents à l’intégration (attitudes et valeurs), ainsi que des cours de conversation usuelle. En outre, des efforts sont déployés afin de modérer les attentes des réfugiés concernés. L’importance consacrée à cette tâche dépend du délai séparant l’acceptation d’un dossier du départ du réfugié réinstallé (lequel peut être de plusieurs mois) 
			(25) 
			Voir également le guide
complet de la réinstallation intitulé «Welcome to Europe», CICM,
juillet 2013, <a href='http://www.resettlement.eu/sites/icmc.tttp.eu/files/ICMC%20Europe-Welcome%20to%20Europe_0.pdf '>www.resettlement.eu/sites/icmc.tttp.eu/files/ICMC%20Europe-Welcome%20to%20Europe_0.pdf. </a>.
67. L’on trouve également au sein des Etats membres des exemples de bonnes pratiques en matière de programmes d’orientation culturelle. La Norvège 
			(26) 
			Le
Programme d’Orientation Culturelle en Norvège est disponible (en
anglais seulement)  à: <a href='http://www.iom.int/cms/en/sites/iom/home/what-we-do/resettlement-assistance/norwegian-cultural-orientation-programme.html'>www.iom.int/cms/en/sites/iom/home/what-we-do/resettlement-assistance/norwegian-cultural-orientation-programme.html.</a>, par exemple, a utilisé uniquement depuis 2003 des formateurs biculturels ou multiculturels pour réaliser ces programmes. D’autres pays comme les Pays-Bas ont élaboré un matériel didactique et des programmes officiels d’orientation culturelle 
			(27) 
			Le programme néerlandais
d'orientation culturelle (NLCO) conçu pour les cas repris dans un
dossier peut être consulté à l'adresse: <a href='https://www.nlco.iom.int/'>https://www.nlco.iom.int/.</a>.

5.6. Capacité à coordonner et à informer

68. Une bonne coordination et une bonne information des autorités nationales responsables permettent d’intégrer avec succès les réfugiés réinstallés.
69. La décision d’accepter les demandes de réinstallation se prend au niveau national en coordination avec les organisations internationales. Pourtant, nombreux sont les autres acteurs qui peuvent contribuer au succès des programmes de réinstallation, principalement sous l’angle de la réception et de l’intégration des réfugiés. Il arrive trop souvent que la société civile, les collectivités locales et les médias soient tenus à l’écart ou non informés du processus et de la prise de décision ou bien que la communication se limite au minimum. Par contre, dès lors que l’on fait participer toutes les parties prenantes, il est possible de faire naître un sentiment d’appropriation du programme et de développer de nouveaux liens de nature à optimiser le processus (par exemple entre les services médicaux, les établissements scolaires et les collectivités locales).
70. La société civile et les collectivités locales ont la capacité d’accueillir et d’accompagner les réfugiés réinstallés en leur proposant des cours de langue, des services médicaux, une aide sociale, un logement, des formations académique et professionnelle, etc. La société civile dispose de l’expérience et du savoir requis pour trouver des solutions innovantes afin de créer un environnement positif et bienveillant pour le plus grand profit des collectivités locales, cela en complémentarité avec leurs efforts. Encore faut-il qu’un dialogue soit instauré.
71. Les budgets convenus doivent être versés aux collectivités locales avec des consignes concernant leur utilisation adéquate. La mise en place d’un système transparent et contrôlé encourage les dirigeants politiques, l’administration et les habitants à considérer la réinstallation comme un outil valable de solidarité, tout en incitant le grand public à soutenir en toute connaissance de cause le respect des engagements souscrits au niveau national. Elle contribue également à éviter les sentiments d’animosité et de crainte infondée au sein de la population locale.
72. Les organisations internationales comme l’OIM, le HCR et les ONGs internationales comme la CICM continuent par le biais de la création et la coordination de l’ERN et le Projet SHARE de soutenir des programmes nationaux en favorisant la sensibilisation à la réinstallation et le partage des meilleures pratiques.
73. L’indépendance et l’autonomisation des réfugiés réinstallés ne peuvent être obtenues qu’au prix d’un dialogue de ce type et du soutien apporté par l’ensemble des parties prenantes.

6. Situations de crise et recours à des mesures renforcées et temporaires

74. Alors que le HCR met l’accent sur une planification anticipée en vue d’évaluer les besoins en réinstallation de façon exhaustive, les crises resteront toujours des inconnues dans l’équation. Le HCR est fréquemment confronté à cette réalité et, par conséquent, doit envisager l’éventualité d’une réinstallation améliorée ou urgente, ainsi que d’autres mesures pouvant conférer une protection plus immédiate aux personnes les plus vulnérables en cas de déplacement forcé à grande échelle.
75. Face à ces défis, il est indispensable de déployer sans délai davantage d’efforts pour trouver des méthodes innovantes permettant de mieux répondre aux urgences – y compris une réinstallation améliorée ou de groupe, l’admission pour des motifs humanitaires et le regroupement familial ou l’admission de parents proches –, ainsi que de recourir à des installations de transit d’urgence, à la vidéoconférence pour interroger les candidats et des mécanismes de transfert (au sein du pays de premier accueil ou d’un pays tiers), de manière à permettre aux pays de réinstallation de pouvoir entrer en contact avec les réfugiés situés dans des zones où règne l’insécurité.
76. Le HCR et l’OIM ont signé des accords tripartites avec les Gouvernements de Roumanie (2008) et de Slovaquie (2009) afin d’établir des centres de transit d’urgence (CTU). Ces installations permettent d’évacuer les réfugiés vers des zones sûres le temps que leur cas soit examiné en vue d’une réinstallation dans un autre pays, notamment lorsque ce dernier a du mal à entrer en contact avec les intéressés pour des raisons de sécurité ou autres.
77. Le CTU de Roumanie (Timisoara) peut accueillir 200 réfugiés et celui de Slovaquie (Humenné) 150. La durée moyenne du séjour dans ces centres est de six mois. En 2012, les deux CTU ont facilité l’évacuation de 150 et 168 réfugiés, respectivement, vers un pays tiers et ont été utilisés à cette fin par les Pays-Bas, la Suède, la Finlande, l’Allemagne et le Royaume-Uni.
78. Ne serait-il pas possible d’envisager le recours à diverses mesures afin de réinstaller les réfugiés syriens en situation de risque dans des pays tiers sûrs ou bien de lancer une opération de réinstallation à grande échelle sur la base d’une procédure simplifiée? Il existe en effet un précédent: pendant la guerre dans l’ex-Yougoslavie, des pays européens avaient accepté la réinstallation de réfugiés (même si c’était sur la base d’une protection provisoire).
79. Dans la mesure où les pays voisins de la Syrie accueillent déjà plus de 2 millions de réfugiés syriens, le HCR s’est déjà fixé comme objectif d’obtenir pour 30 000 Syriens une réinstallation ou bien une admission pour des raisons humanitaires ou d’autres motifs (comme le regroupement familial) d’ici la fin 2014, en tant qu’expression de solidarité avec ces pays d’accueil. Une telle initiative, dès lors qu’elle viendrait s’ajouter aux quotas actuels de réinstallation acceptés par les Etats, permettrait de conserver aux personnes vulnérables d’autres régions du monde une chance de réinstallation.
80. Le HCR a également indiqué que, à ce jour, le total des engagements officiels et officieux se situe autour de 18 879 places et concerne 20 pays pour 2013/2014. Parmi les Etats concernés, les pays européens constituent une majorité sans précédent 
			(28) 
			Engagements
souscrits en matière de réinstallation, ou bien d’admission pour
des raisons humanitaires ou autres de réfugiés syriens pour la période
2013/2014, données du HCR (en anglais uniquement), 11 février 2014: <a href='http://www.unhcr.org/52d565699.html'>www.unhcr.org/52d565699.html</a>.. Le HCR a déclaré qu'il reste confiant que l'objectif de 30 000 places sera atteint à la fin de l'année grâce un nombre important de candidatures aux Etats-Unis.
81. Il convient de relever que l’Allemagne a proposé d’accueillir 10 000 réfugiés syriens dans le cadre d’un programme d’admission humanitaire provisoire. Parmi les autres pays ayant souscrit des engagements, on peut noter la Suède (1 200 réfugiés) et la Norvège (1 000 réfugiés), ainsi que l’Autriche et la France (500 réfugiés chacun). Il est capital que les Etats européens continuent à promouvoir ces actions et envisagent même de souscrire des engagements supplémentaires concernant l’acceptation de réfugiés syriens sur une base pluriannuelle, dans le cadre des objectifs du HCR d’assurer des places de réinstallation ou d’autres formes de programmes pour 100 000 réfugiés syriens supplémentaires pour la période 2015-2016.
82. Parmi les autres solutions innovantes envisageables pour répondre aux besoins humanitaires urgents créés par la crise syrienne, on peut citer le regroupement familial et notamment l’accueil de parents proches non-éligibles dans les programmes traditionnels de regroupement familial. Quinze Etats fédéraux en Allemagne ont, par exemple, mis en place leurs propres programmes d’accueil des nationaux syriens ayant de la famille en Allemagne. La Suisse a également récemment permis l’octroi de visas temporaires pour permettre aux Syriens de retrouver leurs familles. Je regrette que ce programme ait été malheureusement de court terme (septembre à novembre 2013) 
			(29) 
			Pour de plus amples
informations, voir le communiqué de presse du Département Fédéral
Suisse de Justice et de Police: <a href='https://www.bfm.admin.ch/content/bfm/fr/home/dokumentation/medienmitteilungen/2013/ref_2013-11-297.html'>https://www.bfm.admin.ch/content/bfm/fr/home/dokumentation/medienmitteilungen/2013/ref_2013-11-297.html.</a>.
83. En parallèle à son programme régulier de réinstallation qui accepte d’accueillir près de 750 réfugiés par année, le Royaume-Uni a créé, en étroite consultation avec le HCR, un programme de réinstallation pour les personnes vulnérables consacré aux réfugiés syriens 
			(30) 
			Discours du ministre
de l’Intérieur du Royaume-Uni, 29 janvier 2014: <a href='https://www.gov.uk/government/speeches/oral-statement-by-the-home-secretary-on-syrian-refugees'>https://www.gov.uk/government/speeches/oral-statement-by-the-home-secretary-on-syrian-refugees.</a>.

7. Conclusions et voie à suivre pour renforcer l’effort de solidarité

84. La réinstallation et la relocalisation ne devraient jamais être perçues comme des outils de gestion des migrations. Il s’agit de mesures humanitaires dont le but principal est d’améliorer durablement la protection des réfugiés. Les candidats à la réinstallation sont des personnes relevant du mandat du HCR et remplissant un ou plusieurs des critères fixés par cette organisation.
85. Tant au niveau mondial qu’au sein de l’Union européenne, la participation des Etats à des programmes de réinstallation ou de relocalisation apporte un important soutien aux pays de premier asile et transmet le message qu’ils ne sont pas abandonnés face à la responsabilité de protéger les réfugiés. Ce message est également de nature à inciter lesdits pays à maintenir une politique ouverte d’admissions et d’éviter le risque de renvois arbitraires.
86. Si les Etats européens renforçaient leur engagement en matière de réinstallation, ils pourraient contribuer sensiblement à améliorer la protection internationale et la solidarité à l’égard des pays abritant la grande majorité (80 %) des réfugiés dans le monde.
87. Comme je l’ai souligné, sur les quelque 80 000 places de réinstallation proposées en moyenne chaque année, un peu plus de 5 500 seulement correspondent à des engagements de pays européens. Le reste, pour l’essentiel, est couvert par les Etats-Unis, le Canada et l’Australie. Les capacités d’accueil européennes doivent être renforcées afin de pouvoir absorber un nombre accru de réfugiés.
88. Des évolutions encourageantes peuvent être observées. De plus en plus de pays européens ont pris l’engagement d’offrir quelques places de réinstallation chaque année et le programme pilote de relocalisation de l’Union européenne – tout comme son programme commun de réinstallation – est un pas (certes un peu timide) dans la bonne direction.
89. La crise syrienne constitue une occasion et impose le devoir à l’Europe de dépasser les discours et de faire preuve de solidarité en pratique. Les outils et les mécanismes existent, utilisons-les! Je demande instamment à tous les Etats européens individuellement d’accorder des places – dans le cadre d’un programme de réinstallation ou d’admission pour des raisons humanitaires – aux réfugiés syriens et d’envisager ensemble des mesures à effet immédiat qui permettraient à un plus grand nombre de ces réfugiés d’obtenir une protection en Europe.