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Rapport | Doc. 13505 | 23 avril 2014

Enfants migrants: quels droits à 18 ans?

Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées

Rapporteure : Mme Mailis REPS, Estonie, ADLE

Origine - Renvoi en commission: Doc. 12678, Renvoi 3800 du 3 octobre 2011. 2014 - Commission permanente de mai

Résumé

Atteindre la majorité signifie liberté et indépendance mais pas pour les enfants migrants pour qui cela équivaut à un début de cauchemar. En effet, ces enfants perdent d’un seul coup tous leurs droits, tous les avantages, que ce soit sur le plan des aides sociales, de l’éducation, du logement ou de l’accès aux soins.

Ces enfants se retrouvent devant plusieurs possibilités: rentrer dans leur pays d’origine, vivre dans la clandestinité, les exposant au risque de devenir la proie des réseaux de prostitution ou des réseaux de terroristes, ou, selon le pays d’accueil, bénéficier pour une durée limitée d’une protection et d’une extension de certains de leurs droits.

Par conséquent, il est proposé de créer une catégorie de transition et de prendre des mesures portant notamment sur l’aide sociale, sur l’éducation, les soins de santé, le logement et de mettre en place des programmes de formation spécifiques.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 13 mars
2014.

(open)
1. Atteindre la majorité c’est une fête pour la plupart des jeunes gens, mais pour les enfants migrants non accompagnés cette étape signifie une perte de leurs droits et pour une grande partie d’entre eux c’est l’obligation de quitter le pays où ils ont vécu et tissé des liens.
2. Il est par conséquent nécessaire de combler ce vide juridique afin d’aider ces jeunes à réussir le passage de l’enfance à l’âge adulte, y compris pour les jeunes réfugiés ou demandeurs d’asile.
3. L’Assemblée parlementaire constate qu’il n’existe pas d’instrument juridique voire de consensus quant aux procédures portant sur la détermination de l’âge et souligne la nécessité d’appliquer le bénéfice du doute, en gardant à l’esprit l’intérêt supérieur de l’enfant.
4. L’Assemblée souligne les aspects positifs des initiatives prises par certains Etats membres du Conseil de l’Europe, comme l’Espagne, la France, la Hongrie, l’Irlande et le Royaume-Uni, pour proposer des solutions alternatives de prise en charge et d’aide.
5. L’Assemblée constate toutefois que le manque d’harmonisation des procédures administratives entraîne un grand nombre d’incohérences, obligeant la plupart du temps les jeunes migrants à travailler au noir, dans de mauvaises conditions, puisqu’ils se retrouvent sans aide financière.
6. L’impossibilité d’avoir accès à la justice, à un travail décent ou à un logement rend ces jeunes migrants encore plus vulnérables les empêchant d’arriver à une autonomie économique et les exposant au risque d’être pris dans les filets des réseaux de trafiquants de drogues, de prostitution ou de traite des êtres humains.
7. L’Assemblée rappelle la Recommandation CM/Rec(2007)9 du Comité des Ministres portant sur les projets de vie pour des mineurs migrants non accompagnés ainsi que le Programme de Stockholm 2010-2013 de l’Union européenne qui ont pour but d’aider les jeunes migrants à s’assumer pleinement et à arriver à un bon niveau d’autonomie. 
8. L’Assemblée est convaincue que l’établissement d’un projet de vie tenant compte du passé du jeune migrant et de son identité culturelle constitue une base importante pour le développement de son autonomie et de son sens de la responsabilité.
9. Dans ce contexte, la création d’une catégorie de transition faciliterait une intégration économique, sociale et culturelle réussie tout en garantissant des mesures de soutien et d’assistance.
10. Compte tenu de ce qui précède, l’Assemblée appelle les Etats membres du Conseil de l’Europe:
10.1. à tenir dûment compte de la situation particulière des jeunes migrants non accompagnés passant à l’âge adulte, en gardant à l’esprit l’intérêt supérieur de l’enfant;
10.2. à privilégier le bénéfice du doute au moment de la détermination de l’âge du jeune migrant et à veiller que cette opération soit effectuée avec son consentement éclairé;
10.3. à garder à l’esprit que le regroupement familial reste une partie intégrante du projet de vie, notamment dans le cadre d’un retour volontaire;
10.4. à créer une catégorie de transition, se situant entre 18 et 25 ans, afin d’aider les jeunes migrants et prendre des mesures politiques portant sur:
10.4.1. l’aide sociale et l’éducation;
10.4.2. l’accès à l’information sur les procédures administratives à suivre;
10.4.3. la prolongation de l’aide au logement;
10.4.4. l’accès aux soins de santé;
10.5. à prévoir des mesures de formation spécifique pour les travailleurs sociaux et toutes les personnes, qui de près ou de loin, ont des relations avec les jeunes migrants;
10.6. à sensibiliser la société civile, en tant qu’intermédiaire entre l’administration publique, les autorités et le jeune migrant;
10.7. à instaurer un programme scolaire inspiré sur celui de l’Union Européenne Leonardo da Vinci permettant au jeune migrant d’avoir un document de voyage spécifique.
11. L’Assemblée recommande également aux collectivités locales de faire preuve d’écoute et de créativité afin d’élaborer une politique d’intégration et de participation des jeunes migrants à la vie publique locale.

B. Exposé des motifs, par Mme Reps, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. Pour la plupart des adolescents, atteindre la majorité équivaut à liberté et indépendance. Mais pour de nombreux enfants migrants non accompagnés, cette étape représente souvent un cauchemar. Pour ces enfants, l'âge de la majorité c'est aussi devenir un migrant adulte sans papiers et perdre tout un ensemble de droits et une protection qui leur étaient accordés en tant qu'enfant. Les enfants non accompagnés qui étaient placés ne sont plus pris en charge et doivent faire face à une dégradation de leurs conditions de vie. La grande majorité d’entre eux sont obligés de quitter le pays où ils ont tissé des liens et risquent d’être placés en rétention.
2. A l'heure actuelle, il n'existe aucun instrument juridique visant à protéger et à encadrer ce passage à l'âge adulte qui devrait être une fête, une étape importante dans la vie d'un enfant.
3. Le présent rapport vise tout d'abord à faire un état des lieux des problèmes rencontrés par les enfants migrants non accompagnés pendant leur passage à l’âge adulte et de demander aux Etats et aux autorités concernées de mettre en place des mesures visant à assurer un passage réussi de l'enfance à l'âge adulte, que ces jeunes soient réfugiés ou demandeurs d'asile, et qu’ils aient immigré ou qu’ils séjournent de manière indépendante, avec des membres de leur famille ou dans le cadre d'accords de prise en charge par l’Etat, gardant à l'esprit que l'objectif premier est de les rendre autonomes et indépendants.
4. Dans ce contexte, il est bon de rappeler la Recommandation CM/Rec(2007)9 du Comité des Ministres portant sur les projets de vie pour des mineurs migrants non accompagnés ainsi que la décision de l'Union européenne par son Programme de Stockholm 2010-2014 de faire des mineurs non accompagnés une question politique prioritaire.
5. Le présent rapport tient compte des conclusions de la Réunion consultative portant sur les « Difficultés rencontrées par les jeunes réfugiés et demandeurs d'asile concernant l'accès aux droits sociaux et leur intégration durant leur passage à l'âge adulte », organisée par le Centre européen de la jeunesse à Strasbourg les 17 et 18 novembre 2011 (DJS/CM Refugees (2011) 7) et des échanges de vues tenus lors de la Table ronde avec la participation de jeunes migrants, qui a été organisée en coopération avec le Centre européen de la Jeunesse à Budapest et le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), les 14 et 15 janvier 2013.

2. Etat des lieux

6. Les enfants migrants en situation irrégulière sont protégés par le droit international relatif aux droits de l'enfant et en particulier par la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant, qui s’applique de la même manière à tous les enfants, quel que soit leur lieu de résidence ou leur statut de migrant. S’il existe encore un grand écart entre les droits accordés aux enfants migrants par la convention des Nations Unies et leur accès à ces droits en droit et en pratique au niveau national et local, les enfants migrants bénéficient de certaines mesures de protection supplémentaires en raison de leur statut d’enfant, plus particulièrement s’ils sont non accompagnés.
7. Dans la plupart des Etats membres du Conseil de l'Europe, les enfants non accompagnés bénéficient de solutions alternatives de prise en charge et d’aides de l’Etat. Les enfants qui vivent avec leur famille en situation irrégulière – enfants de migrants sans papiers 
			(2) 
			Dans
certains Etats membres du Conseil de l'Europe, il n’existe pas de
catégorie juridique d’«enfant sans papiers» car les enfants ne sont
pas obligés de posséder de documents de séjour. Ainsi, en France
jusqu'à l’âge de 18 ans et en Irlande jusqu’à l’âge de 16 ans, aucun
document de séjour ou d’immigration n’est requis. Dans ces pays,
les enfants sont toutefois confrontés à un accès limité à certains
services, en droit et en pratique, et sont affectés par le statut
de migrants en situation irrégulière de leurs parents, mais techniquement
ils ne sont pas des migrants sans papiers. Il convient de noter
que la situation au regard du droit de séjour d’enfants dont les
parents sont sans papiers peut être légale, et ils peuvent même
avoir la nationalité du pays, mais être néanmoins affectés par le
statut de leurs parents; toutefois, comme ces enfants n’auront pas
les mêmes problèmes à surmonter au moment de leur passage à l’âge
adulte, ils ne font pas l’objet du présent rapport. ou eux-mêmes sans papiers – bénéficient d’une protection supplémentaire dans certains Etats membres, par exemple en ce qui concerne l’accès à l’éducation, aux soins de santé et à un centre d’hébergement, et parfois à une protection contre la rétention et l’expulsion. Toutefois, lorsque les enfants migrants deviennent adultes, ils entrent dans une nouvelle phase de leur vie et perdent ces droits et cette protection supplémentaires, bien souvent du jour au lendemain.

2.1. Les conséquences juridiques

8. Dans la plupart des Etats membres du Conseil de l'Europe, dès que les enfants migrants non accompagnés ou sans papiers ont atteint la majorité, ils se retrouvent devant plusieurs situations possibles: demander une protection internationale; être renvoyés dans leur pays d'origine; ou rester dans une situation irrégulière. Ces enfants devront, par conséquent, dès leur arrivée, déposer une demande afin de ne pas être déboutés ou non crédibles.
9. Au Royaume-Uni, par exemple, où la plupart des enfants migrants non accompagnés en situation irrégulière sont originaires d'Afghanistan, d'Irak, d'Iran, de l'Erythrée, de Chine et de Taïwan, plusieurs possibilités leur sont offertes. Une possibilité est l'octroi d'un statut de résidence pour leur permettre de rester plus longtemps et avoir la possibilité de demander l'asile, ce qui suppose un droit à l'hébergement mais pas le droit de travailler et aucune aide pour l'éducation. Ces autorisations sont accordées de façon discrétionnaire et au cas par cas.
10. Une autre possibilité est celle du retour dans le pays d'origine. Si ce retour est volontaire, l’enfant migrant recevra une aide; dans le cas contraire, il risque d’être placé en rétention. Cependant, les enfants migrants en situation irrégulière ne sont pas renvoyés dans leur pays d'origine s’ils ne possèdent aucun document permettant de déterminer quel est leur pays d’origine ou si l’expulsion risque de violer les droits fondamentaux du jeune migrant.
11. En Hongrie, des projets ont été menés pour permettre aux enfants migrants non accompagnés de poursuivre leurs études, une fois qu'ils ont atteint l'âge adulte. Ainsi, en fonction du degré d'intérêt, d'assiduité et de réussite, les études de ces jeunes migrants pourront être prises en charge par les autorités. Dans ce contexte, il est bon de rappeler que la Hongrie a modifié son système d'accueil des enfants non accompagnés et les structures de protection de l'enfance ont maintenant un rôle plus important à jouer.
12. En Espagne, les enfants migrants non accompagnés sont le plus souvent originaires d'Algérie, du Maroc, de Roumanie et d'Afrique subsaharienne et sont âgés de 14 à 18 ans. Leur objectif est d'obtenir des papiers pour pouvoir travailler.
13. L'Espagne a mis en place des programmes dits d'éducation de rue à Madrid et à Barcelone afin d'aider les enfants vivant dans la rue à accéder au système de protection de l'enfance par le biais d'une éducation non scolaire. La plupart refuse, en effet, la scolarisation pour privilégier les cours de formation professionnelle. Il faut souligner que les enfants sous tutelle peuvent acquérir la nationalité espagnole après deux ans de tutelle et si le mineur a un permis de travail, ce permis ne sera pas périmé si la tutelle légale cesse.
14. En Espagne, un programme a été mis en place pour aider les jeunes migrants à devenir autonomes et lorsque ces jeunes migrants atteignent la majorité, il est prévu un programme spécifique d'appui à l'émancipation, qui inclut également un hébergement de transition avec des programmes visant à les aider et à les prendre en charge jusqu'à ce qu'ils soient complètement autonomes.
15. En Irlande, les autorités responsables des enfants séparés continuent d’apporter un soutien aux jeunes migrants placés quand ils atteignent leurs 18 ans, et pendant quelques années encore. Ainsi, le travailleur social désigné assiste à tous les entretiens et à toutes les audiences en appel ainsi qu’à toutes les comparutions devant les tribunaux liées à l’asile ou au statut de migrant dans le pays, et soutient leurs requêtes. Une politique commune interministérielle a également été développée pour placer les jeunes migrants qui ne bénéficient plus de la prise en charge, et qui demandent l’asile, dans des centres familiaux spécifiques, au sein du système d’hébergement pour adultes, qui proposent une prise en charge répondant à leurs besoins.
16. En France, les jeunes migrants sans papiers qui ont terminé leur scolarité et ont obtenu leur baccalauréat ont le droit de s’inscrire à l’université au même prix que les étudiants français. Ils restent toujours confrontés à des obstacles administratifs et financiers, et risquent toujours d’être placés en rétention et expulsés, mais le droit de poursuivre des études est protégé par la loi et offre de nouvelles perspectives d’avenir aux jeunes migrants sans papiers.

2.2. La stratégie envisagée

17. Gardant à l'esprit la nécessité de considérer ces jeunes migrants comme étant des enfants avant tout, et gardant à l'esprit l'arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme dans l'affaire Rahimi c. Grèce 
			(3) 
			Requête
n° 8687/08, arrêt du 5 avril 2011. L’affaire concernait les conditions
dans lesquelles un mineur ayant pénétré illégalement sur le territoire
grec a été placé au centre de détention de Pagani puis relâché en
vue de son expulsion. La Cour a condamné la Grèce pour omission
de prise en charge et détention illégale d’un mineur non accompagné demandant
l’asile., tout jeune migrant, en tant qu'enfant, a un droit inaliénable à une prise en charge adéquate et à un tuteur légal s’il est non accompagné, et l'Etat a l'obligation de lui fournir toute l'assistance nécessaire.

2.2.1. Reconnaissance de la phase de transition

18. Comme je l'ai déjà mentionné ci-dessus, passer à l'âge adulte entraîne un changement important pour les jeunes migrants qui voient disparaître d'un seul coup les droits sociaux, économiques, éducatifs dont ils pouvaient bénéficier en tant qu’enfants. Les enfants non accompagnés perdent notamment le droit d'être hébergés dans un foyer ou d’être placés dans une famille d’accueil, de bénéficier d’un soutien économique et perdent aussi leur tuteur légal. Lorsque des familles sans papiers se trouvent dans des foyers de l’Etat en raison des besoins de leur enfant, comme cela peut être par exemple le cas en Belgique, elles peuvent aussi être expulsées lorsque le plus jeune enfant atteint ses 18 ans. Les jeunes migrants sans papiers sont souvent placés en rétention et renvoyés dans leur pays d'origine, pays dont ils n'ont probablement plus de souvenirs et avec lequel ils n’ont plus aucun lien.
19. Un autre aspect qui est souvent méconnu est celui du manque d'harmonisation des procédures administratives. Au cours des échanges de vues que j'ai pu avoir avec certains jeunes migrants, ces derniers m'ont fait part du parcours du combattant qu'ils devaient surmonter, face à certaines incohérences administratives.
20. C'est ainsi qu'au regard des services d'aide sociale, le jeune migrant devenu adulte voit cesser le versement de ses allocations, tandis que l'agence pour l'emploi ou l’Etat le considèrent encore comme mineur et ne lui versent aucune des prestations habituellement versées aux adultes. Le jeune migrant se retrouve ainsi sans aide financière et contraint de travailler au noir, souvent dans de mauvaises conditions, pour survivre. Il doit aussi relever le défi d’arriver à louer un logement décent sur le marché privé, en raison de la discrimination, en droit et en pratique, d’un revenu faible et irrégulier et de l’incapacité à conclure des contrats ou à les faire appliquer. Sur les marchés du travail et du logement, l'impossibilité d'avoir accès à la justice ou de demander réparation pour des violations de leurs droits rend les jeunes migrants vulnérables et ils se retrouvent dans des conditions de vie et de travail où ils sont exploités. Ils ne peuvent pas non plus ouvrir de compte en banque, ce qui limite davantage encore leur autonomie économique et signifie qu’ils doivent avoir recours à des services financiers informels.
21. Dans ce contexte, de nombreux jeunes migrants finissent par vivre dans la rue, où ils sont exposés à de très grands risques d’être pris dans les filets des réseaux de trafiquants de drogues, de prostitution ou de traite des êtres humains.
22. Mais arriver à cette phase de transition nécessite également que les autorités aient déterminé l'âge du jeune migrant. A la lumière de ce qui a été dit ci-dessus, une détermination erronée de l’âge peut jouer un rôle aggravant. Ceci peut être encore plus grave si l’âge de l’enfant concerné a été mal défini et qu’on trouve qu’il/elle est plus vieux (vieille) qu’en réalité.

2.2.2. Les procédures de détermination de l'âge ou la présomption de minorité

23. Lors des échanges de vues mais également lors de ma visite au centre de rétention de Fot (Hongrie), l'une des questions qui est revenue le plus fréquemment est celle de la détermination de l'âge.
24. Il est bon de rappeler, dans ce contexte, que le Comité des droits de l'enfant des Nations Unies avait indiqué, en 2006, que l'évaluation de l'âge d'un jeune migrant ne devait pas se limiter à la seule apparence physique mais également à sa maturité psychologique.
25. A l'heure actuelle, il n'existe aucun instrument juridique, ni aucune norme européenne, pour la détermination de l'âge et de ce fait, le bénéfice du doute doit être appliqué impérativement.
26. Il est vrai que nous disposons à l'heure actuelle d'appareils performants et que les radiographies des os ou autres examens radiologiques ou dentaires permettent de pouvoir estimer l'âge biologique approximatif de la personne. Toutefois, la fiabilité de ces examens a été remise en question et certaines techniques, comme les rayons X, restent discutables du point de vue médical ou éthique et sont contestées par les organisations internationales.
27. L'Assemblée parlementaire, par sa Résolution 1810 (2011) sur les problèmes liés à l'arrivée, au séjour et au retour d'enfants non accompagnés en Europe, avait déjà attiré l'attention des autorités compétentes et souligné le manque de consensus sur les procédures portant sur l'estimation de l'âge et avait recommandé, entre autres, que «la détermination de l'âge devrait être uniquement entreprise en cas de doutes raisonnables sur le fait que la personne est mineure» et que «cette démarche devrait être fondée sur la présomption de minorité par une autorité indépendante (...) Si la minorité de l'intéressé reste incertaine, celui-ci devrait avoir le bénéfice du doute».
28. J'aimerais également souligner l'importance et la nécessité d'entreprendre ces tests avec l'accord de l'enfant ou de son tuteur et l'assistance d'experts de différentes disciplines.

3. Un seul objectif: l'autonomie

29. A la lumière de ce qui précède, il va sans dire que l'objectif à atteindre est celui d'aider au mieux les jeunes migrants à passer à l'âge adulte afin qu'ils puissent s'assumer pleinement et arriver à un bon niveau d'autonomie.
30. Le présent rapport n’a pas pour but de créer une dépendance à travers une aide et une assistance permanentes, mais de veiller à ce qu'ils puissent agir tout seuls, en tant qu'adultes responsables.
31. Dans ce contexte, il est bon de rappeler les travaux d'ores et déjà réalisés au sein du Conseil de l'Europe portant sur les projets de vie pour des mineurs migrants non accompagnés (Recommandation CM/Rec(2007)9).

3.1. L'importance d'un projet de vie

32. Le projet de vie est un plan élaboré et négocié entre l’enfant et les autorités du pays de destination. Il s'agit d'un plan personnel puisqu'il tient compte du passé de l’enfant, de son identité culturelle et vise ainsi à lui dresser des perspectives d'avenir, tout en gardant à l'esprit l'intérêt supérieur de l'enfant. Le projet de vie constitue une base importante pour donner au jeune migrant la possibilité de développer son autonomie et son sens de la responsabilité afin qu'il puisse le plus rapidement possible devenir un membre actif de la société, qu'il reste ou non dans le pays de destination.
33. Il va sans dire que les personnes qui entoureront le jeune migrant, que ce soit dans le cadre du projet de vie ou dans la vie de tous les jours (école, amis, etc.) ont un rôle prépondérant pour aider le jeune migrant à assumer son indépendance le moment venu.
34. Dans ce contexte, il est apparu primordial, pour les jeunes migrants non accompagnés, surtout pour les migrants économiques, que leur famille dans leur pays d’origine reste très importante pour les jeunes, car elle leur fournit le soutien aussi bien sur le plan émotionnel que financier et éducatif, et les protège.
35. Le regroupement familial doit rester une partie intégrante du projet de vie, soit grâce à un retour volontaire dans leur pays d’origine, soit grâce à un regroupement familial dans le pays de destination.
36. Lors des échanges de vues que j'ai eus avec ces jeunes migrants non accompagnés, il a été souligné que les assistants sociaux jouent, dans ce contexte, un rôle important, voire le plus important.
37. Ce sont les assistants sociaux qui devraient guider, informer, suivre et conseiller le jeune migrant. Malheureusement, un grand nombre de facteurs (manque de personnel, crise de l'enseignement, manque de formation) montrent que la plupart du temps ces assistants sociaux n'ont pas la formation nécessaire. Cette constatation vaut d'ailleurs pour pratiquement tous les Etats membres du Conseil de l'Europe.
38. Donner aux jeunes la possibilité d'arriver à une certaine indépendance ne suffit pas. A la lumière des attentes, il est apparu plus que nécessaire de mettre en place un statut de transition à l'attention des migrants qui atteignent l’âge de la majorité et de continuer à leur accorder, pour la période nécessaire, les droits les plus élémentaires, condition sine qua non de l’autonomie et d'une intégration réussie.

3.2. Créer une catégorie de transition

39. A la lumière des différents échanges de vues, il est apparu clairement que les jeunes migrants se retrouvent souvent démunis face au manque d'information concernant leurs droits, les procédures à suivre, les documents à présenter voire les différents formulaires à remplir.
40. Ceci est d'autant plus important au moment de cette phase de transition pour leur assurer une intégration économique, sociale et culturelle réussie. Mais pour ce faire, il est primordial de leur garantir des mesures de soutien et d'assistance.
41. Compte tenu de ce qui précède, si ces jeunes migrants pouvaient être considérés comme un groupe à part, ils pourraient bénéficier, à leur entrée dans l'âge adulte, de politiques et de pratiques répondant à leurs besoins propres.

4. Conclusions et recommandations

  • Les décideurs politiques doivent prendre en compte la situation particulière des jeunes migrants non accompagnés passant à l'âge adulte.
  • Un statut spécifique de transition devrait être mis en place, qui pourrait se situer entre l'âge de 18 ans et de 25 ans, afin de faire en sorte de pouvoir aider les jeunes migrants jusqu'à ce qu'ils puissent agir tout seuls, en prenant des mesures politiques concernant:
    • l’aide sociale et l’éducation;
    • l’accès à l'information sur les procédures administratives à suivre;
    • la prorogation de l'aide au logement jusqu'à ce que des solutions soient trouvées;
    • l’accès aux soins de santé;
    • la mise en place de mesures de formation spécifique pour les travailleurs sociaux.

En outre, il conviendra également:

  • de sensibiliser la société civile, en tant qu'intermédiaire entre l'administration publique, les autorités et le jeune migrant;
  • de demander aux autorités concernées de laisser le bénéfice du doute en matière de détermination de l'âge et que la détermination de l'âge ne soit pas effectuée sans le consentement éclairé de l'intéressé;
  • d’instaurer un programme scolaire basé sur celui de l'Union européenne Leonardo da Vinci permettant ainsi au jeune migrant d’avoir un document de voyage spécifique.