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Rapport | Doc. 13507 | 05 mai 2014

Alternatives à l’hébergement des PDI et des réfugiés en Europe dans des centres collectifs ne répondant pas aux normes

Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées

Rapporteur : M. René ROUQUET, France, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 12676, Renvoi 3798 du 3 octobre 2011. 2014 - Commission permanente de mai

Résumé

A l’heure actuelle en Europe, environ 2,5 millions de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDI) et de réfugiés vivent pour la plupart dans des logements provisoires et dans des conditions contraires à la dignité humaine et aux valeurs prônées par le Conseil de l’Europe et ce, malgré les initiatives prises notamment par la Banque de Développement du Conseil de l’Europe.

Ces centres présentent en outre des risques sérieux pour les personnes hébergées en matière de sécurité et de santé publique.

La situation des groupes vulnérables et notamment celle des personnes âgées, des personnes handicapées, des femmes et des enfants est particulièrement difficile. Les femmes sont très souvent victimes de violences sexuelles et domestiques alors que les enfants n’ont pas toujours accès à l’éducation et ne bénéficient pas toujours de soins de santé.

Les Etats membres devraient dresser un bilan précis de la situation et du nombre de PDI et de réfugiés dans les centres collectifs et trouver, dans la mesure du possible, des solutions alternatives et faciliter l’accès à la propriété.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 13 mars
2014.

(open)
1. Les centres collectifs créés en tant que logements provisoires dans les années 90 suite aux conflits dans les Balkans et le Caucase, continuent à héberger des réfugiés et des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDI) dans des conditions de vie contraires à la dignité humaine et où les droits fondamentaux des individus, tels que le droit à un logement décent, sont souvent bafoués.
2. On estime à environ 2,5 millions le nombre de PDI dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, dont un grand nombre vit dans des centres collectifs. Toutefois ce chiffre ne reflète pas la réalité compte tenu de la nature intrinsèque des déplacements internes et de la difficulté à répertorier le nombre exact de ces centres.
3. L’Assemblée parlementaire souligne, dans ce contexte, l’importance d’établir une gestion des données démographiques pour se faire une idée du nombre, de l’emplacement et des conditions de vie des PDI, en particulier les personnes vivant dans les centres collectifs afin de pouvoir répondre à leurs besoins et protéger leurs droits.
4. L’Assemblée est également préoccupée par l’augmentation croissante du nombre de réfugiés dont beaucoup se voient contraints de loger dans des centres collectifs, nombre qui s’accroît encore suite au conflit en Syrie.
5. L’Assemblée rappelle la Recommandation Rec(2006)6 du Comité des Ministres relative aux personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, par laquelle le Comité des Ministres soulignait «son attachement à l’esprit et aux dispositions des principes directeurs des Nations Unies [Directives sur les centres collectifs, HCR-OIM, 2010] et sa volonté de mettre en œuvre ces principes dans la législation et la politique nationales des Etats membres».
6. L’Assemblée salue également les initiatives prises par la Banque de développement du Conseil de l’Europe et, en particulier, le Processus de Sarajevo sur les réfugiés et les personnes déplacées. Elle rappelle également la conférence des donateurs qui s’est tenue en avril 2012 à Sarajevo afin d’examiner la situation des réfugiés et des PDI dans les Balkans, au cours de laquelle la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, le Monténégro et la Serbie ont réaffirmé leur engagement à trouver des solutions durables pour les réfugiés et les PDI.
7. Toutefois, l’Assemblée regrette que, malgré toutes les initiatives prises, les conditions d’hébergement restent souvent déplorables dans beaucoup de centres collectifs et que ces centres présentent des risques sérieux pour les personnes hébergées en matière de sécurité et de santé publique. En outre, tous les pays n’offrent pas toujours des garanties de sécurité d’occupation ni de protection juridique contre les expulsions de ces centres, ce qui représente une atteinte au droit à un logement décent et crée une précarité préjudiciable à la concrétisation de solutions durables pour les personnes déplacées.
8. L’Assemblée souhaite également attirer l’attention sur les groupes vulnérables et notamment sur la situation particulière des personnes âgées ainsi que des femmes, des enfants, des groupes minoritaires et des personnes handicapées dans les centres collectifs, qui ont besoin d’une plus grande assistance. En effet, les femmes sont souvent victimes de violences sexuelles et domestiques, tandis que les enfants n’ont pas toujours accès à l’éducation.
9. L’Assemblée estime que, suite à ce constat, il est urgent que les gouvernements prennent les mesures nécessaires afin de résoudre les problèmes qui se posent dans ces centres, notamment en ce qui concerne la qualité des logements.
10. En conséquence, l’Assemblée invite les Etats membres du Conseil de l’Europe:
10.1. en ce qui concerne les centres collectifs:
10.1.1. à dresser un bilan précis de la situation et du nombre de PDI et de réfugiés dans les centres collectifs formels et informels, et mettre en place une stratégie vis-à-vis des centres et de leurs occupants;
10.1.2. à identifier des solutions alternatives et faciliter la fermeture des centres ne répondant pas aux normes minimales en termes de sécurité et de qualité de vie, en assurant une participation concrète et utile des PDI à la prise de décisions;
10.1.3. leur faciliter, dans la mesure du possible, l’accès à la propriété de ces centres collectifs et veiller à ce que ceux-ci remplissent les normes de sécurité minimales;
10.1.4. à régulariser les centres collectifs informels et veiller à ce que les résidents bénéficient d’une protection adéquate contre toute expulsion;
10.1.5. à prévoir des mesures alternatives de logement portant sur les différentes options d’installation choisies par les déplacés, qu’il s’agisse d’intégration locale ou de retour volontaire et sécurisé, par la mise à disposition de logements neufs, de logements sociaux ou, dans des circonstances exceptionnelles, par l’attribution de logements abandonnés;
10.1.6. à informer les personnes vivant dans ces centres de leurs droits ainsi que des alternatives possibles dans une langue qu’ils comprennent;
10.1.7. à prévoir une assistance juridique et des ressources financières en cas de plaintes déposées par les PDI en matière de restitution de leur propriété ou de compensation pour des pertes subies;
10.1.8. à prendre des mesures spécifiques pour aider les personnes âgées, les femmes, les enfants, les personnes handicapées, les groupes minoritaires et autres avec des besoins spécifiques.
10.2. en ce qui concerne l’approche globale:
10.2.1. à élaborer une stratégie globale portant notamment sur des solutions durables de relogement et de réinsertion pour les personnes déplacées, conformément aux Principes directeurs des Nations Unies, et en consultation avec les organisations internationales pertinentes;
10.2.2. à mettre en place un centre national de coordination pour les PDI et les réfugiés et veiller à ce qu’il dispose des ressources administratives et financières suffisantes pour aider les PDI dans les pays concernés;
10.2.3. à mettre en œuvre une stratégie durable, en coopération avec les acteurs pertinents, y compris le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), afin d’encourager leur capacité à subvenir aux moyens de subsistance et à être indépendants afin que les réfugiés et les PDI ne dépendent plus des aides publiques, ainsi qu’améliorer les perspectives d’emploi, en mettant en place, par exemple, des formations spécialisées, des microcrédits et des exonérations d’impôts.
11. L’Assemblée recommande également à la Banque de Développement du Conseil de l’Europe ainsi qu’aux Etats membres du Conseil de l’Europe de verser, dans la mesure du possible, des aides financières, sous la forme de dons ou de prêts, comme ce fut le cas dans le cadre du Processus de Sarajevo.

B. Exposé des motifs, par M. Rouquet, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Les centres collectifs sont définis comme des «bâtiments et des structures préexistants à l'usage de l'installation collective et communale de personnes déplacées en cas de guerre et de catastrophes naturelles» 
			(2) 
			Directives sur les
centres collectifs, HCR-OIM, 2010.. Il n’existe pas de définition admise des «centres collectifs», mais celle qui précède s’applique dans presque tous les cas. Les bâtiments et structures utilisés comme centres d’évacuation sont de divers types: par exemple, écoles, hôtels, centres communautaires, mairies, infrastructures sportives, hôpitaux, monuments religieux, postes de police, casernes, entrepôts, usines désaffectées et bâtiments inachevés.
2. Les centres collectifs ont été créés dans les années 1990 à la suite des conflits dans les Balkans et le Caucase. Ils étaient censés offrir un hébergement provisoire aux populations déplacées, mais malheureusement, plus de 15 ans après ces conflits, un grand nombre de réfugiés et de personnes déplacées dans leur propre pays (PDI) vivent encore dans ces logements temporaires.
3. Le droit international ne prévoit qu’un cadre limité en la matière. Contrairement aux réfugiés, aucun traité international ne s’applique spécifiquement aux PDI. Aucune entité institutionnelle n’a été chargée d’assumer la responsabilité exclusive de protéger et d’aider les PDI. Pour combler ce vide normatif et institutionnel, la fonction de Représentant du Secrétaire Général des Nations Unies chargé de la question des personnes déplacées dans leur propre pays a été créée en 1992 
			(3) 
			En
2010, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a remplacé
le Représentant par un rapporteur spécial sur les droits de l’homme
des personnes déplacées dans leur propre pays. Le titre du titulaire
du mandat a changé mais ses fonctions, ainsi que le mandat lui-même,
sont restés quasiment les mêmes. , et un ensemble de principes directeurs sur les déplacements internes a été adopté en 1998. Malgré leur nature non contraignante, ces principes sont devenus le texte de référence concernant les droits humains des PDI 
			(4) 
			Les chefs d’Etat et
de gouvernement réunis à New York pour le Sommet mondial de 2005
ont unanimement reconnu qu’ils constituaient «un cadre international
important pour la protection des personnes déplacées» (Assemblée
générale des Nations Unies, Résolution A/60/L.1, paragraphe 132)..
4. Le Comité des Ministres, sous l’impulsion de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées de l’Assemblée parlementaire, a également souligné, dans sa Recommandation Rec(2006)6 relative aux personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, «son attachement à l’esprit et aux dispositions des Principes directeurs des Nations Unies et sa volonté de mettre en œuvre ces principes dans la législation et la politique nationales des Etats membres».
5. Depuis 2010, la Banque de développement du Conseil de l’Europe participe à une initiative régionale visant à fournir aux réfugiés et aux PDI les plus vulnérables des solutions de logement durables. Cette initiative, intitulée «Programme régional de logement», couvre la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, le Monténégro et la Serbie, et devrait bénéficier à quelque 74 000 personnes 
			(5) 
			Les réfugiés de Croatie
et de Bosnie-Herzégovine au Kosovo* et les personnes déplacées suite
au conflit du Kosovo ne bénéficient pas du Programme régional de
logement (à l’exception de quelques PDI hébergées dans des centres collectifs
dont la fermeture est prévue), car ce programme cible les réfugiés
déplacés entre 1991 et 1995. Toutefois, en ce qui concerne le Monténégro,
les réfugiés du Kosovo détenteurs du statut de PDI au Monténégro,
bénéficient du Programme régional de logement. Pour les PDI vivant
dans des centres collectifs en Bosnie-Herzégovine, des arrangements
séparés sont en place et décrits ci-dessous. 
			(5) 
			* Toute
référence au Kosovo mentionnée dans ce rapport, que ce soit le territoire,
les institutions ou la population, doit se comprendre en pleine
conformité avec la Résolution 1244 du Conseil de Sécurité des Nations
Unies et sans préjuger du statut du Kosovo..
6. Ce programme fait partie intégrante du «Processus de Sarajevo sur les réfugiés et les personnes déplacées», initié en 2005 et relancé en mars 2010 à la Conférence de Belgrade. Une conférence des donateurs s’est tenue en avril 2012 à Sarajevo afin de réunir des fonds, et près de € 230 millions ont été promis par la Commission européenne et $US 10 millions par les Etats-Unis.
7. Le présent rapport vise à examiner la situation des centres collectifs en Europe, afin de dresser un bilan clair et précis des conditions de vie des PDI et des réfugiés, puis de proposer des solutions acceptables. Outre les alternatives éventuelles, le rapport étudiera les possibilités de financement et de suivi ultérieur des mesures prises.
8. Tout en étant conscient que de nombreuses PDI vivent également dans des logements privés (en tant que locataires ou propriétaires), où les conditions de vie peuvent être aussi mauvaises, voire pires, que dans les centres collectifs, cette question n’est pas abordée dans le présent rapport. Je reconnais, par conséquent, que la résolution du problème des centres collectifs ne réglera pas celui des mauvaises conditions de logement des PDI. J’espère, néanmoins, que l’examen ciblé des centres collectifs renforcera l’efficacité des recommandations faites aux Etats membres pour améliorer leur situation.

2. Situation en Europe

9. On estime à environ 2,5 millions le nombre de PDI dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, dont un grand nombre vit dans des centres collectifs. Les principaux pays et régions concernés sont l’Azerbaïdjan, la Bosnie-Herzégovine, la Serbie, la Géorgie, le Kosovo et la Fédération de Russie. L’augmentation du nombre de réfugiés dans les Etats membres du Conseil de l’Europe est également préoccupante, beaucoup d’entre eux vivant dans des centres collectifs. En Europe de l’Est et du Sud-est, par exemple, on dénombrait 364 872 réfugiés en janvier 2013 
			(6) 
			Ce chiffre correspond
au nombre officiel de réfugiés en Arménie, en Azerbaïdjan, au Bélarus,
en Bosnie-Herzégovine, en Croatie, en Géorgie, en République de
Moldova, au Monténégro, en Fédération de Russie, en Serbie (et au
Kosovo), dans «l’ex-République yougoslave de Macédoine», en Turquie
et en Ukraine. HCR, 2013. Eastern Europe and Southern Europe (<a href='http://www.unhcr.org/pages/49e45b7b6.html'>www.unhcr.org/pages/49e45b7b6.html; </a><a href='http://www.unhcr.org/pages/49e45b906.html'>www.unhcr.org/pages/49e45b906.html).</a>, chiffre qui devrait augmenter en raison du conflit en Syrie.
10. Ces chiffres ne donnent qu’une vague estimation du phénomène. Vu la nature des migrations intérieures et le manque de mécanismes de collecte de données et d’établissement de profils conformes aux Principes directeurs des Nations Unies, il est extrêmement difficile pour les autorités et les organisations internationales ou locales de recenser et de consigner le nombre de personnes concernées.
11. Il semble qu’il soit encore plus difficile d’établir la cartographie des centres collectifs. Ils sont pour la plupart officiellement reconnus, mais il reste de nombreux centres «irréguliers» qui, en général, ont été créés par les personnes déplacées elles-mêmes, sans aucune autorisation officielle.
12. Indépendamment du statut des centres, dans bon nombre de cas, les individus sont contraints de vivre dans des conditions déplorables et sont souvent victimes de violations de leurs droits fondamentaux. Il est rare, en effet, que la législation nationale réponde aux besoins spécifiques des personnes déplacées et tienne compte de leur vulnérabilité. En Azerbaïdjan, en Bosnie-Herzégovine, en Géorgie, au Kosovo et en Serbie, les autorités ont pris des mesures pour améliorer les conditions d’hébergement de certains PDI dans les centres collectifs. La Bosnie-Herzégovine a élaboré une législation conforme à la Stratégie révisée pour la mise en œuvre de l'annexe VII de l'Accord de paix de Dayton qui, après avoir encouragé pendant des années le retour des PDI dans leurs localités d’origine, élargit désormais le soutien qu’elle leur apporte en incluant des régions qui ne sont pas les leurs. Au Kirghizistan, les concertations relatives à un nouveau plan de développement durable sur quatre ans et à un nouveau concept d’unité nationale ont permis d’améliorer l’Etat de droit et de s’engager sur la voie de la réconciliation. En Géorgie, les autorités révisent également leur législation nationale relative au déplacement interne.

2.1. Des conditions de vie contraires à la dignité humaine – les risques encourus

13. Les personnes concernées vivent dans des conditions incompatibles avec la dignité humaine et en violation des droits de l’homme, notamment du droit à un logement décent tel que garanti aux termes de l’article 31 de la Charte sociale européenne (révisée) (STE n° 163) et de l’article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) 
			(7) 
			Voir aussi les principes
18.2.b des Principes directeurs
des Nations Unies. . Elles occupent essentiellement des anciens hôtels, hôpitaux ou établissements scolaires ou industriels qui ne sont généralement pas équipés de toutes les commodités nécessaires. La situation devient intolérable lorsque la solution initiale de courte durée devient de fait permanente. En effet, un grand nombre de personnes déplacées vivent dans ce type de centres depuis plus de 15 ans.
14. Souvent, les hébergements ne sont pas approvisionnés en eau et en électricité ni équipés des installations sanitaires de base, et offrent un niveau de sécurité insuffisant. En outre, ils sont souvent trop petits pour le nombre de personnes à loger, et en très mauvais état. Les occupants vivent donc en surnombre dans des conditions insalubres et dangereuses, ces logements présentant des risques graves pour la santé publique. Enfin, ces hébergements n’offrent à leurs occupants aucune garantie de maintien dans les lieux susceptibles de leur offrir une protection juridique contre les expulsions. En Serbie, par exemple, l’on a constaté que des personnes devaient repartir pour trouver d’autres centres collectifs en raison de la fermeture de leur centre d’hébergement.
15. Les centres sont parfois situés dans des zones rurales et écartées, excluant ainsi tout contact humain avec d’autres populations et empêchant les habitants de mener des activités à l’extérieur. Et, lorsque les centres se situent en banlieue de grandes agglomérations, l’on constate qu’aucune stratégie appropriée d’intégration n’est mise en œuvre.
16. Certains groupes vulnérables, comme les personnes âgées, les personnes handicapées, les femmes et les enfants, qui, d’après les informations reçues, représentent environ 80 % des personnes déplacées en Europe, connaissent d’autres types de problèmes. Bien souvent, les enfants n’ont pas accès à l’éducation, ce qui met leur avenir en sérieux danger. Les femmes sont généralement contraintes d’assumer des rôles en contradiction avec les traditions, et risquent aussi davantage d’être victimes de violences sexuelles et domestiques. Il arrive aussi que les personnes âgées et les personnes handicapées souffrent de handicaps à la fois physiques et mentaux.
17. Tous les aspects susmentionnés sont exacerbés dans les centres collectifs dits irréguliers, où la situation est aggravée par une insécurité quotidienne dans un environnement dangereux et exposé.

2.2. Situation dans quelques Etats membres du Conseil de l’Europe

2.2.1. Azerbaïdjan

18. Après le conflit du Haut-Karabagh, jusqu’à 586 000 personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays. Sans règlement définitif du conflit, elles ne sont pas en mesure de rentrer dans leurs régions d’origine et restent dans une situation de déplacement prolongé. D’autres personnes sont déplacées en raison de catastrophes naturelles. A la fin de 2012, on dénombrait au total jusqu’à 600 000 PDI dans ce pays.
19. La stratégie globale nationale consiste à ne fournir qu’un logement provisoire aux PDI, puisque le retour dans leurs villages reste la solution privilégiée. Malgré de substantiels investissements dans des programmes de reconstruction visant à améliorer les conditions de vie, un nombre important des personnes déplacées continue d’occuper dans des conditions déplorables des centres collectifs 20 ans après le déplacement initial. En zone rurale, certains des nouveaux logements sont situés à l’écart des villes voisines, ce qui limite les possibilités d’autonomie et de subsistance des résidents.
20. Le gouvernement a adopté plusieurs mesures d’assistance à l’intention des PDI. Par exemple, les PDI bénéficient de subventions pour payer les services collectifs, d’un accès gratuit aux soins de santé, de quotas sur le marché du travail et de transferts mensuels directs d’espèces, et elles sont exonérées des droits d’inscription dans l’enseignement universitaire. Toutefois, avec cette stratégie, un grand nombre d’individus dépendent de ces aides, et le taux actuel de chômage des PDI est bien supérieur à celui de l’ensemble de la population. Sans compter que certains camps de PDI sont situés dans des endroits écartés où l’accès aux services sociaux, aux moyens de subsistance et au transport est considérablement limité. Les PDI sont également confrontées à l’insécurité due au manque de garantie de maintien dans les lieux et au risque d’expulsion.
21. La situation générale des PDI en Azerbaïdjan demeure intolérable. Dans son rapport de suivi sur l’Azerbaïdjan, l’ancien Représentant du Secrétaire général a recensé plusieurs problèmes, notamment une insuffisance des niveaux de couverture des programmes gouvernementaux 
			(8) 
			A/HRC/16/43/Add.2. . La vaste majorité des personnes déplacées continuent de vivre dans des centres collectifs et, lorsqu’une solution de remplacement est proposée, elle n’est pas toujours conforme aux critères établis par les normes des droits de l’homme. Par ailleurs, d’autres questions restent préoccupantes; ainsi le niveau de dépendance des PDI vis-à-vis des aides de l’Etat, et l’absence de stratégie globale visant à intégrer les PDI sur le marché du travail et à veiller à ce qu’elles gagnent des revenus plus élevés.

2.2.2. Bosnie-Herzégovine

22. Selon les statistiques et les données opérationnelles du HCR, la politique de nettoyage ethnique pendant la guerre de 1992-95 en Bosnie-Herzégovine a entraîné le déplacement de 2,2 millions de personnes 
			(9) 
			Site
«Statistics & Operational Data», HCR. Consulté en ligne.. Le pays abrite aujourd’hui 103 000 PDI, dont 8 600 vivent dans des conditions déplorables dans des centres collectifs 
			(10) 
			IDMC, <a href='http://www.internal-displacement.org/'>www.internal-displacement.org/</a>..
23. Les autorités de Bosnie-Herzégovine ont cherché à annuler les effets du nettoyage ethnique et à revenir à la position d’avant-guerre en privilégiant les retours et les restitutions de biens. Les personnes déplacées restent pourtant nombreuses à craindre un retour dans leurs foyers d’origine, puisqu’il existe toujours des enclaves ethniques et que les multiples amnisties accordées aux auteurs de crimes commis pendant la guerre alimentent leur sentiment d’insécurité.
24. D’après les statistiques officielles, plus d’un million de retours avaient été enregistrés en 2010, parmi lesquels environ 450 000 concernaient des réfugiés et 580 000 des PDI 
			(11) 
			Stratégie révisée pour
la mise en œuvre de l'annexe VII de l'Accord de paix de Dayton,
2010.. Pourtant un grand nombre de ces retours ne peuvent être considérés comme des solutions durables, puisque des problèmes persistent en termes de sécurité, d’approvisionnement en eau et en électricité, de soins de santé, d’emploi, d’éducation et de protection sociale.
25. Des efforts pour rechercher des solutions sont déployés au titre de la Stratégie révisée de l’annexe VII, adoptée par les deux chambres du parlement en juin 2010. Dans ce cadre, une nouvelle législation a été élaborée pour proposer aux PDI d’autres solutions que leur réinstallation dans leurs localités d’origine. Le Parlement bosnien a refusé d’adopter un nouveau projet de loi sur les réfugiés de Bosnie-Herzégovine, les personnes déplacées et les personnes rapatriées en avril 2013; la loi actuelle reste donc en vigueur. Dans son programme, le conseil des ministres de Bosnie-Herzégovine envisage d’examiner un projet de loi à la mi-2014. Un large soutien a néanmoins été apporté par la communauté internationale. Parmi d’autres donateurs, la Banque de développement du Conseil de l’Europe a financé un programme régional dans le cadre du Processus de Sarajevo de 2005, en vue de fournir un logement aux réfugiés et aux personnes déplacées dans le pays.
26. Le 5 juillet 2013, une Déclaration conjointe visant à mettre un terme aux déplacements prolongés en Bosnie-Herzégovine, qui portait sur la question des réfugiés, des PDI et des résidents des centres collectifs en Bosnie-Herzégovine, a été signée par des représentants de l’Union européenne, des Nations Unies, du HCR, de la Republika Srpska et de la Fédération de Bosnie-Herzégovine, lesquels ont fait part de leur volonté commune de résoudre le problème des déplacements prolongés en Bosnie-Herzégovine, ouvrant la voie à l’utilisation d’un financement IAP (Instrument d’aide de préadhésion) de l’Union européenne pour mobiliser les autorités et les partenaires de la société civile, à tous les niveaux, afin de mieux évaluer et prendre en compte les besoins des familles déplacées et de leurs communautés, sur la base de la Stratégie révisée et en complément du Programme régional de logement. Dans le cadre du programme IAP 2012, un projet de 7 millions d’euros appliquant les principes adoptés dans la Déclaration conjointe a débuté en 2014. Mis en œuvre par le HCR en coopération avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), l’Unicef, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et des organes de la société civile, le projet aide 800 familles supplémentaires, dont 125 sous la forme de logements et les autres sous la forme de moyens de subsistance et d’accès aux droits.
27. Grâce à une autre initiative connexe mais distincte, également rendue possible par la Stratégie révisée et s’inscrivant dans son prolongement, les résidents des centres collectifs vont être relogés dans des habitats sociaux dans le cadre du projet de prêt CEBII, mis sur pied avec le soutien actif du HCR en 2011-2013. Le Conseil des ministres a approuvé le projet. Dès que le Conseil des ministres aura achevé la seconde phase d’adoption des accords internationaux conformément à la législation bosnienne, ce qui ne saurait tarder, le document sera soumis à la Présidence, puis à l’Assemblée parlementaire du pays pour ratification. Ensuite interviendra la signature d’accords techniques et d’autres accords subsidiaires entre la Bosnie-Herzégovine et les Entités. Selon ce projet, 121 des 155 centres collectifs subsistant en Bosnie-Herzégovine devront être fermés d’ici à 2017 et les résidents vulnérables bénéficieront de conditions de vie améliorées dans des logements sociaux construits spécialement à cet effet et gérés par les municipalités. Des dispositions sont prises pour que d’autres municipalités – s’il est possible de les en convaincre – se joignent au programme, ce qui leur permettra de soumettre des plans en vue de la fermeture des centres collectifs encore actifs. La prochaine étape est donc l’approbation du projet par la Présidence de la Bosnie-Herzégovine, qui devrait intervenir lors de la prochaine session, après quoi le projet sera signé par le ministère responsable et, enfin, suivra la procédure de ratification accélérée.
28. Malgré ces récents développements, à côté des besoins de logement de graves difficultés demeurent: les PDI qui ne sont pas en mesure de rentrer chez elles ou qui ne le souhaitent pas continuent de rencontrer des obstacles majeurs à leur intégration locale, notamment dans l’accès au marché du travail, où le taux de chômage des populations déplacées atteint des niveaux inquiétants.

2.2.3. Monténégro

29. Il reste encore quelque 11 000 personnes du Kosovo au Monténégro. Elles ont fui le Kosovo durant la campagne aérienne menée par l’OTAN en 1999 sur la République fédérale de Yougoslavie, s’étant vu octroyer le statut de PID du fait que le Monténégro faisait alors partie de la République fédérale de Yougoslavie. En 2006, lorsque le Monténégro est devenu un pays indépendant, le gouvernement a maintenu le statut de PID de ce groupe, essentiellement composé de ressortissants de la Serbie/Kosovo.
30. En 2009, le gouvernement a modifié la loi sur les étrangers afin de permettre aux PID de demander le statut de résident permanent et, ainsi, de pouvoir accéder à tous les droits fondamentaux et, au final, à une pleine intégration. Reste qu’il s’agit d’une procédure difficile, longue et onéreuse. Le problème est particulièrement grave pour les Roms, car tous ne possèdent pas les papiers d’identité requis pour demander le statut prévu par la loi de 2009.
31. Parmi les PID, on compte 3 200 Roms et Egyptiens, dont 1 500 vivent dans des conditions misérables dans les camps de Konik, situés dans la banlieue de Podgorica. Puisque la grande majorité d’entre eux a opté pour une intégration locale, le Monténégro a exceptionnellement inclus des projets de logement pour apporter des solutions durables à ces personnes dans le cadre du processus de Sarajevo, réservé aux personnes déplacées en raison des conflits survenus entre 1991 et 1995. Ainsi, 120 appartements seront construits grâce au Programme régional de logement, à quoi s’ajouteront 50 appartements financés par les fonds IPA nationaux pour les résidents de Konik, tandis que 40 familles sont en attente d’un retour volontaire au Kosovo, sous réserve de l’attribution de terrains pour la construction de maisons.
32. Comme déjà indiqué, beaucoup de ces personnes ont besoin d’aide pour obtenir des papiers d’identité du pays d’origine afin de pouvoir demander le statut de résident permanent; le HCR et ses partenaires s’y emploient activement, compte tenu de la proximité de l’échéance du 31 décembre 2014. En effet, il est important de respecter ce délai car le gouvernement a annoncé que les personnes qui ne feraient pas leur demande à temps tout en restant dans le pays seraient considérées comme résidant illégalement au Monténégro et risqueraient de faire l’objet de mesures d’éloignement.

2.2.4. Serbie

33. Un grand nombre de PDI continuent de vivre dans des conditions dégradantes. En 2011, le Commissariat serbe aux réfugiés, conjointement avec le HCR, a lancé une enquête. Il en est ressorti qu’environ 97 000 PDI avaient encore besoin d’une assistance spécifique, avec plus de 39 % personnes au chômage et 74 % de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté. «Depuis novembre 2012, 1 725 PDI vivaient dans 20 centres collectifs officiels…, dont beaucoup ne disposaient pas d’un approvisionnement suffisant en électricité et en eau potable, ni de dispositifs de traitement des eaux usées». L’évaluation des besoins des PDI réalisée en 2011 indique également que 74 % des Roms déplacés ont besoin d’une assistance spéciale et sont dépourvus de solution durable, vivant dans des conditions extrêmement difficiles.
34. Au départ, le gouvernement a encouragé le retour des PDI dans leurs localités d’origine, mais depuis quelques années, il favorise de plus en plus leur intégration locale. Plusieurs projets visant à leur offrir des solutions d’hébergement durables ont été mis en œuvre, ainsi qu’une stratégie nationale globale sur les déplacements. Ces mesures ont contribué à inverser la courbe du chômage (49,5 % des PDI sont au chômage et l’on estime à 29,5 % la part de celles qui occupent un emploi informel sans contrat de travail) et ont renforcé l’accès des PDI aux soins de santé, à l’éducation et à la protection sociale. Reste que pour le moment, ces mesures n’ont eu qu’un modeste impact.
35. Certes, le gouvernement a élaboré la Stratégie nationale 2011-2014 de résolution des problèmes des personnes réfugiées et déplacées à l’intérieur du territoire, mais elle n’est pas mise en œuvre par manque de fonds et de capacité des pouvoirs publics. La situation des Roms, des Ashkalis et des Egyptiens déplacés reste extrêmement préoccupante: jusqu’à 18 % d’entre eux n’ont ni papiers d’identité ni certificats de naissance 
			(12) 
			Observatoire
des situations de déplacements internes, <a href='http://www.internal-displacement.org'>www.internal-displacement.org</a>.. Sans aide adéquate, ces groupes sont condamnés à rester marginalisés. Etant donné cette situation, les PDI n’ont pas été enregistrées, n’ont bénéficié d’aucune aide au logement et, ainsi, ont été contraintes de vivre dans des centres informels aux conditions plus que précaires. Durant sa visite en Serbie en octobre 2013, le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des personnes déplacées dans leur propre pays a encouragé les autorités à classer les solutions durables par ordre de priorité, à garantir la fourniture de services essentiels et à faciliter le règlement des litiges concernant les biens des PDI. La plupart des Roms déplacés vivent dans des conditions extrêmement difficiles, sont marginalisés et subissent une double discrimination en raison de leur appartenance ethnique et de leur déplacement. Ils se voient donc confrontés à de nombreux obstacles pour accéder à leurs droits.

2.2.5. Kosovo

36. Fin 2013, le Kosovo comptait 17 349 PDI. Cette situation est le résultat du conflit de 1999, qui a contraint plus d’un million de personnes à fuir le Kosovo. L’on dénombrait également 37 centres collectifs, qui hébergeaient 800 personnes (321 familles). Sur ces 800 personnes, 56 (34 familles) étaient des réfugiés et les autres des PDI.
37. Le Kosovo, malgré l’accord conclu le 19 avril 2013 par lequel la Serbie a reconnu au Kosovo une autonomie limitée, nuit considérablement à la situation des PDI, puisqu’il empêche les autorités de Serbie et du Kosovo d’exécuter des projets coordonnés et rend dans certains cas les retours non viables en raison des violences continues 
			(13) 
			Ces faits se produisent
essentiellement dans le nord du Kosovo.. La non-durabilité des retours est le plus souvent liée à des problèmes de sécurité, à des difficultés pour trouver un logement, un emploi ou des crédits pour la reconstruction des biens détruits, et à des questions liées à la non-restitution des biens.
38. Un manque d’informations persiste quant à la situation et au nombre des PDI au Kosovo, et la réaction des autorités est lente. Toutefois, le ministère des Communautés et des Rapatriements a récemment pris la responsabilité de cette question et élabore actuellement une stratégie visant à mettre en place des solutions durables. Le Gouvernement du Kosovo a également chargé le service conjoint d’établissement du profil des PDI 
			(14) 
			Le
Service conjoint d’établissement du profil des PDI (JIPS) est un
service inter-institutions créé en 2009 et dont le siège est à Genève.
Il fournit sur demande des renseignements sur la situation des PDI, <a href='http://www.jips.org'>www.jips.org</a>. d’examiner la situation des PDI au Kosovo afin de fournir des informations plus précises à ce sujet et de définir en conséquence des solutions et des réponses. Les autorités du Kosovo ont demandé l’aide du HCR pour élaborer une législation en 2014 qui donnerait une définition précise des PDI et établirait des régimes d’indemnisation possibles. Le HCR possède des informations détaillées sur les 800 PDI hébergées dans des centres collectifs. Il recueille et publie également des chiffres mensuels sur ces personnes. Malgré ces avancées, beaucoup de PDI n’ont toujours pas accès aux services de base et à des solutions d’hébergement durables.
39. Les mesures prises par le Kosovo pour faire face aux déplacements s’améliorent, mais la situation globale des PDI reste critique. Des mesures spéciales ont été adoptées, comme les projets visant à faciliter le retour et l’intégration, les attributions de logements sociaux et les initiatives d’intégration locale, mais aucune stratégie nationale globale n’a encore été mise en œuvre pour répondre aux besoins des PDI, bien que le gouvernement se soit récemment engagé à en définir une.
40. Pour conclure sur une note positive, on notera que le dernier camp rom «irrégulier» à Mitrovica a été fermé en 2013 et que des solutions durables ont été trouvées pour reloger les familles qui habitaient dans des camps insalubres.

2.2.6. Fédération de Russie 
			(15) 
			Pour de plus amples
informations, voir le rapport de la commission des migrations, des
réfugiés et des personnes déplacées sur «La situation des personnes
déplacées dans le Caucase du Nord et retournées dans la région», <a href='http://assembly.coe.int/ASP/Doc/XrefViewPDF.asp?FileID=12950&Language=EN'>Doc. 12882</a> et <a href='http://assembly.coe.int/ASP/Doc/XrefViewPDF.asp?FileID=18343&Language=EN'>Résolution
1879 (2012)</a>.

41. Les déplacements à l’intérieur de la Russie sont en grande partie le résultat des conflits armés en Tchétchénie et en Ossétie du Nord. Ceux qui sont dus à des catastrophes naturelles telles que les inondations ou les incendies de forêt sont également nombreux dans le pays. On ne dispose cependant pas de chiffres officiels sur le nombre de personnes actuellement déplacées, ce qui limite la capacité du gouvernement à défendre efficacement les droits des PDI.
42. Le Gouvernement de la Fédération de Russie recense les «migrants forcés» plutôt que les personnes déplacées à l’intérieur de ses frontières, car les autorités n’appliquent pas les Principes directeurs des Nations Unies. Selon cette définition restrictive, beaucoup de PDI, sauf si leur déplacement résulte de catastrophes causées par l’homme, relèvent de la catégorie des migrants forcés. Néanmoins, les personnes déplacées dans leur région (par exemple, celles qui ont été contraintes de quitter leur foyer mais sont restées en Tchétchénie) n’ont pas pu obtenir ce statut. Beaucoup de PDI déplacées durant le second (1999-2001) conflit en Tchétchénie n’ont pas pu, elles non plus, obtenir le statut de migrant forcé. Pourtant, ce statut est également ouvert aux migrants involontaires des anciennes républiques soviétiques dotés de la citoyenneté russe, qui détenaient auparavant le statut de réfugiés. Il est donc impossible de déterminer le nombre de PDI conformément aux Principes directeurs des Nations Unies 
			(16) 
			IDMC, <a href='http://www.internal-displacement.org'>www.internal-displacement.org</a>..
43. Plusieurs obstacles au retour et à l’intégration en Tchétchénie persistent, bien que 300 000 personnes environ y soient retournées avant 1999. D’autre part, plus de 25 000 PDI sont rentrées en Ossétie du Nord depuis 1994.
44. Les autorités russes se sont employées à aider les personnes déplacées de force dans le Caucase du Nord. Leurs interventions ont amélioré la vie de nombreuses PDI, mais beaucoup ne peuvent toujours pas jouir pleinement de leurs droits – certaines, dans le pire des cas, 20 ans après leur déplacement. Le chômage (environ 60 %) et les mauvaises conditions de vie restent les problèmes les plus graves pour les PDI dans le pays.

2.3. Observations

45. La situation de longue durée des populations déplacées à l’intérieur des pays européens reste critique, certains déplacements datant de plus de 20 ans. Malgré les efforts déployés et les avancées réalisées dans les pays, de nombreuses PDI continuent de vivre dans des centres collectifs aux conditions déplorables, sans grandes perspectives d’amélioration.
46. Les données recueillies montrent que l’on ne connaît pas bien le nombre des personnes déplacées, ni leurs conditions de vie et leurs besoins. Pire encore, beaucoup de pays n’envisagent pas une définition globale des «personnes déplacées dans leur propre pays» conformément aux principes directeurs des Nations Unies, laissant ainsi de côté une grande partie de la population concernée.
47. Il est important de rappeler que la collecte de renseignements complets sur le nombre, l’emplacement et les conditions de vie des PDI est essentielle pour définir des politiques et des programmes efficaces pour répondre à leurs besoins et protéger leurs droits. Je salue le rôle que les acteurs de l’aide humanitaire et le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des personnes déplacées dans leur propre pays jouent dans l’aide apportée aux autorités dans un certain nombre de domaines, notamment l’élaboration et la mise en œuvre de lois et politiques nationales relatives au déplacement interne, de solutions durables pour les PDI et de mesures de protection et d’assistance pour ces personnes. Je me félicite également des travaux réalisés par le service conjoint d’établissement du profil des PDI, qui étudie le nombre et la localisation des PDI. Ces travaux sont toutefois uniquement réalisés à la demande du gouvernement concerné, lequel doit payer au moins une partie des frais liés à leur exécution. La Serbie a mené à bien ce processus. Par conséquent, je souhaite appeler les Etats membres à suivre ces exemples de bonne pratique qui permettent de disposer de données fiables conformément aux normes internationales.
48. Un autre élément préoccupant est que les pays n’encouragent pas ces personnes à devenir indépendantes. En réalité, elles dépendent pour la plupart des aides de l’Etat et n’ont aucune perspective d’emploi ou de viabilité économique.
49. Les populations déplacées souffrent aussi en général de la discrimination et de la marginalisation. Dans presque tous les cas, les mesures nécessaires à leur intégration n’ont pas été mises en œuvre.

3. Autres solutions possibles

50. Les observations ci-dessus soulignent la nécessité de prendre des mesures de substitution, en particulier lorsque les conditions de vie et de logement sont contraires à la dignité humaine et aux normes des droits de l’homme que les Etats membres sont tenus de respecter.
51. Le but ultime à atteindre devrait consister à offrir un logement décent à toutes les PDI. Pour ce faire, les gouvernements doivent prendre les mesures nécessaires, et une stratégie à long terme doit être élaborée et mise en œuvre.
52. Chaque stratégie devrait se fonder sur un bilan précis des conditions de vie, des besoins en hébergement et du nombre de PDI. Des exercices visant à établir le profil des PDI serviront de base à l’analyse des défaillances, des difficultés et des possibilités des gouvernements dans ce domaine. Malheureusement, jusqu’à présent un nombre très limité de pays ont mené à bien de telles initiatives.
53. Une fois effectuées ces études de fond, les gouvernements devraient consulter directement les PDI, les organisations non gouvernementales (ONG) et les organisations internationales afin de recenser les meilleures solutions de logement disponibles et de déterminer les quantités nécessaires. Ils devraient en outre favoriser le lancement de campagnes d’information axées sur les PDI, par exemple en ouvrant des bureaux d’information au niveau local.
54. Aucune solution de remplacement ne peut être durable sans l’aide financière des gouvernements et des autorités locales. Le rapporteur croit fermement que le Conseil de l’Europe, notamment par le biais de sa Banque de Développement, est en mesure de réaliser des progrès considérables dans ce domaine.

3.1. Solutions de remplacement fondées sur des pratiques existantes

55. Les solutions de remplacement proposées ci-dessous ont été efficaces et utiles dans quelques pays, mais ne devraient pas être considérées comme des règles générales. Chaque pays a ses propres caractéristiques et les solutions les plus appropriées devraient être recherchées au cas par cas à partir des initiatives existantes. Les principes suivants devraient être toutefois respectés: a) respect du droit des PDI à un hébergement de base et un logement décent; b) participation concrète et utile des PDI à la prise de décisions; c) classement par ordre de priorité en fonction des besoins et des vulnérabilités particulières; d) suppression des obstacles juridiques dans les localités de retour; e) protection des PDI contre les expulsions forcées lorsque les garanties générales sont insuffisantes; f) mise en place de solutions durables et accès des PDI aux services sociaux et à des moyens de subsistance dans les localités où elles ont été installées.

3.1.1. Aide au logement sur le lieu d’origine

56. Les autorités ont la responsabilité de garantir l’accès des PDI à des logements décents. Quand cela est possible, il faudrait favoriser l’accès à des logements situés sur leur lieu d’origine.
57. Les stratégies pour les PDI en Serbie et en Bosnie-Herzégovine sont clairement axées sur les retours. Dans ce contexte, les gouvernements ont également pour responsabilité de faciliter l’intégration des PDI et de créer les conditions propices à un retour volontaire en toute sécurité, pour leur permettre de reconstruire leur vie.

3.1.2. Logements neufs

58. Quand les retours sur le lieu d’origine sont impossibles, la construction de logements dans d’autres régions du pays est une solution valable. Il s’agit cependant d’une solution qui doit être volontaire, ainsi que sa mise en œuvre. Cette stratégie a été largement suivie par la Géorgie et l’Azerbaïdjan. Elle devrait s’accompagner d’initiatives en faveur de l’intégration locale et de l’accès aux services et à des moyens de subsistance.

3.1.3. Attribution de logements abandonnés

59. Exceptionnellement, des logements abandonnés peuvent être redistribués aux PDI. Cette solution a souvent été utilisée dans la Fédération de Russie.
60. Cette solution devrait toutefois être uniquement envisagée dans des cas critiques ou limités, et appliquée avec beaucoup de sensibilité. Les propriétaires légitimes doivent avoir renoncé à leurs droits sur le logement et avoir reçu en échange une compensation de la part de l’Etat. Ces logements doivent ensuite être inscrits au registre des propriétés de l’Etat en vue de leur attribution aux familles en difficulté, notamment les PDI. Il est primordial d’éviter toute expulsion ultérieure des PDI dans le cas où d’anciens propriétaires souhaiteraient reprendre possession de leurs biens, ce qui provoquerait une autre vague de déplacement. En réalité, ce cas de figure est rare, puisque les droits des propriétaires sont mis en balance avec ceux des occupants (par exemple à Chypre).

3.1.4. Logements sociaux

61. La Bosnie-Herzégovine est un exemple prometteur car, grâce à un projet partiellement financé par le Conseil de l’Europe, 72 % des centres collectifs seront transformés en logements sociaux dans le cadre du projet de prêt «CEBII», mis sur pied avec le soutien actif du HCR en 2011-2013, prêt à démarrer en 2014 et qui devrait être achevé en 2017.

3.1.5. Aide financière au logement

62. Les PDI peuvent également recevoir une aide financière au logement pour louer ou acheter leur propre logement. La Serbie illustre parfaitement cette solution de remplacement. Un programme de bons au logement a été mis en place à Koutaïssi en 2006, et des PDI ont reçu une aide financière. Ce programme a été interrompu en 2009. Au lendemain du conflit de 2008, les PDI ont reçu une aide financière au logement pour acheter leurs propres biens, mais beaucoup ne l’ont pas fait; cette aide a été suspendue en 2012. En Bosnie-Herzégovine, beaucoup de PID continuent de bénéficier d'une aide financière des ministères compétents afin de payer leur hébergement de remplacement. Certains de ces ménages seront aidés par le Programme régional de logement, d’autres par le projet de prêt CEBII.
63. Les autorités devraient toutefois veiller à ce que ces aides permettent véritablement aux PDI de trouver une solution appropriée et de choisir librement leur logement.

3.1.6. Rénovation et privatisation des centres collectifs

64. Quand un centre collectif est privatisé, les résidents deviennent propriétaires de l’ensemble du centre ou de leur appartement. Il leur est également possible de bénéficier de contrats de location de longue durée aux modalités favorables. Dans tous les cas, le centre collectif perd son statut.
65. Néanmoins, dans la plupart des cas, ces bâtiments mériteraient d’être rénovés et modernisés afin de répondre aux normes minimales en termes de qualité de vie. Outre la rénovation, les habitants pourraient également recevoir une formation de base à la plomberie, à la gestion de l’eau, à la petite réparation mécanique ainsi qu’à l’établissement d’un syndic de copropriété.
66. La privatisation est l’une des pratiques utilisées en Géorgie qui a donné les meilleurs résultats. Des problèmes majeurs continuent cependant de se poser, concernant la qualité de la rénovation des logements et la lenteur du processus.

3.1.7. Régularisation des centres collectifs informels

67. La régularisation ou l’officialisation du statut des centres collectifs est une mesure visant à instaurer une solution durable et à prévenir de nouveaux déplacements en cas d’évacuation du centre. Elle permet aux PDI d’améliorer leurs conditions de vie et de moderniser l’infrastructure existante. Cette solution de remplacement a été largement utilisée au Kosovo.

3.2. Conditions applicables aux mesures de remplacement

68. Toute solution de relogement proposée aux PDI doit répondre à certains critères relatifs aux conditions d’hébergement, lesquelles doivent être équivalentes ou supérieures à celles offertes par les centres collectifs, et respecter les normes énoncées à l’article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, à l’article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et à l’article 31 de la Charte sociale européenne (révisée).
69. Toutes ces initiatives devraient être mises en œuvre en tenant compte des Principes directeurs des Nations Unies relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays (1998) ainsi que des meilleures pratiques disponibles.
70. Il est important pour les individus concernés, notamment aux fins de la cohésion sociale, que les pays mettent en place une politique spéciale en faveur de l’intégration des PDI afin de prévenir leur isolement.
71. Les pays concernés doivent en outre veiller à ce que les PDI soient libres de choisir leur nouveau logement et soient informées le plus tôt possible de la fermeture éventuelle du centre dans lequel elles vivent.

4. Conclusions et recommandations

72. Le présent rapport a exposé les principales difficultés concernant les conditions de vie des PDI et des réfugiés dans les centres collectifs en Europe. Malheureusement, comme je l’ai déjà dit, il a été très difficile de dresser un bilan précis en raison de la difficulté à obtenir des données exhaustives sur les populations déplacées et sur leurs conditions de vie.
73. Il est par conséquent important que quelle que soit l’approche suivie, toute législation, politique ou stratégie nationale sur le déplacement de personnes dans leur propre pays devrait être conforme aux normes internationales et par conséquent couvrir toutes les étapes du déplacement et tous ses aspects. Une stratégie nationale sera en outre très efficace si elle est définie en consultation étroite avec les groupes de PDI.
74. Il serait également utile de mettre en place un centre national de coordination pour les PDI afin de prendre des mesures efficaces dans ce domaine, mais aussi de créer des bureaux locaux dans le but de mieux faire connaître la situation et les droits des PDI.
75. Ces mesures devraient toutefois être accompagnées de mesures visant à intégrer le mieux possible les PDI avec la population d’accueil et de mettre en place une stratégie d’autonomisation.
76. Toutes ces mesures devront être mises en œuvre dans le plein respect des droits de l’homme en accordant une attention particulière aux femmes, aux enfants, aux personnes handicapées, aux groupes minoritaires et aux groupes vulnérables.

Annexe – Etude de cas: Géorgie

(open)
1. Parmi les principaux pays concernés par les déplacements internes, la Géorgie a été choisie pour faire l’objet d’une étude de cas. En ma qualité de rapporteur, j’ai participé à une mission d’information dans le pays en novembre 2013; ses résultats me permettent de vous présenter dans le détail les difficultés, les possibilités et les bonnes pratiques actuelles de la Géorgie dans ce domaine.

Chiffres

2. A la fin 2012, la Géorgie comptait jusqu’à 280 000 PDI, parmi lesquelles beaucoup se sont déplacées depuis le début du conflit en Abkhazie et en Ossétie du Sud dans les années 1990, tandis qu’une autre vague importante de déplacements a découlé de la guerre contre la Russie en 2008.
3. L’on estime à environ 100 000 le nombre de personnes déplacées en raison de catastrophes naturelles. Il est malheureusement difficile de déterminer leur nombre exact par manque de données disponibles.
4. Environ 39 % des personnes déplacées vivent actuellement dans des centres collectifs. Les 61 % restants louent des logements privés, sont hébergées par des amis ou des membres de leur famille ou sont devenues propriétaires. En 2012, quelque 1 500 familles déplacées occupaient encore illégalement environ 50 bâtiments sur l’ensemble du territoire.
5. En 2012, les mauvaises conditions de logement restaient l’un des principaux problèmes pour les PDI et les réfugiés en Géorgie.

Contexte juridique et législation en vigueur

6. Jusqu’en 2007, aucune stratégie globale pour les PDI n’avait été mise en œuvre en Géorgie, et cette absence d’approche structurée a empêché l’obtention de résultats valables. Le gouvernement a en outre axé sa politique sur les retours en tant qu’unique solution viable pour les PDI.
7. Le gouvernement a reconnu la nécessité d’adopter une approche globale et a adopté en février 2007 une stratégie nationale pour les PDI. Ce changement d’orientation politique visait principalement, d’une part, à promouvoir le retour des PDI dans leur lieu de résidence permanent et à créer les conditions propices à un retour en toute sécurité et, d’autre part, à intégrer les PDI dans la société et à améliorer leurs conditions de vie.
8. Après l’adoption de cette stratégie, des résultats significatifs ont été obtenus: de nombreux centres collectifs ont été réhabilités et sont devenus la propriété légale des PDI, des immeubles d’habitation neufs ont été construits, et beaucoup de PDI ont reçu une importante aide financière. En conséquence, 28 861 familles déplacées ont été relogées, parmi lesquelles 14 000 sont devenues propriétaires de leur logement et ont donc bénéficié d’une solution durable.
9. La stratégie nationale de 2007 reste principalement inchangée mais les plans d’action ont été modifiés tous les ans, ce qui a contribué à améliorer la situation et à faire avancer l’intégration et la réinsertion des PDI. Toutefois, malgré ces évolutions importantes, certaines ne bénéficiaient toujours pas de solutions de logement durables et continuaient de vivre dans des conditions déplorables.

Eléments nouveaux

10. La situation des PDI continue de s’améliorer progressivement après le changement de gouvernement. La plupart des PDI que j’ai eu l’occasion de rencontrer pendant ma mission se sont déclarées confiantes et sereines, et un grand nombre nous ont montré, non sans fierté, leur titre de propriété. Certains progrès sont faits concernant l’accès à la propriété comme prévu ces quelques dernières années.
11. Nous avons pu visiter trois types de logements. Le premier type d’habitation était constitué par des immeubles insalubres mais pour lesquels les autorités géorgiennes sont en train d’améliorer les conditions en fournissant du bois de chauffage, en procédant à des travaux sanitaires, de réfection de la toiture. Le grand problème qui restait encore à résoudre était celui des canalisations.
12. Le deuxième type d’habitation était constitué de nouveaux logements dont le seul défaut était le manque de chauffage.
13. Le troisième type d’habitation, quant à lui, était en fait la construction de 2 000 maisons autour de Tbilissi. Ces maisons, construites en quatre mois, n’avaient qu’un défaut majeur: une très mauvaise isolation car elles étaient bâties à même le sol.
14. Au cours des différentes visites dans les centres collectifs, j’ai pu constater que les PDI avaient accès au travail, aux soins et les enfants pouvaient aller à l’école sans problème. Cela est d’autant plus facile que la plupart des centres collectifs sont situés autour de la capitale, la grande majorité des PDI préférant résider autour de Tbilissi plutôt que dans le reste du pays. Ainsi, près de deux tiers d’entre eux sont concentrés près de la capitale.
15. Le 15 octobre 2013, le ministre géorgien des PDI a annoncé que son gouvernement avait signé le 8 octobre un accord avec un donateur international anonyme portant sur 487 millions GEL qui serviront à construire au total 6 783 appartements à Tbilissi et à Batoumi pour les PDI.
16. A l’issue de ma visite, je peux dire que le constat est plus que positif, même s’il reste encore beaucoup à faire pour améliorer les conditions de vie des PDI. En fait, lors des échanges de vues avec les PDI, la grande majorité est consciente qu’elle ne rentrera plus chez elle et c’est la raison pour laquelle les PDI attachent une importance particulière à l’accession à la propriété.
17. Enfin, ajoutons que la Géorgie se trouve également confrontée à un nouveau problème: l’arrivée de réfugiés syriens. Pour l’heure, elle a déjà accueilli environ 500 réfugiés et il est fort à craindre que cela ne soit qu’un début.