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Rapport | Doc. 13539 | 17 avril 2014

Mesurer et améliorer le bien-être des citoyens européens

Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable

Rapporteur : Alexander [The Earl of] DUNDEE, Royaume-Uni, GDE

Origine - Renvoi en commission: Doc. 12567, Renvoi 3767 du 15 avril 2011. 2014 - Commission permanente de novembre

Résumé

Partout en Europe, les systèmes économiques, sociaux et politiques génèrent actuellement une grande insatisfaction de la population. Ils sont considérés comme favorisant une forme de croissance artificielle, qui épuise nos ressources naturelles tout en excluant ou marginalisant de nombreuses personnes. L’écart perçu entre les aspirations et les résultats doit être réduit.

Le bien-être (en termes de besoins et de résultats) peut être mieux évalué et favorisé grâce à des indicateurs couvrant non seulement le niveau de vie (se référant au revenu), mais aussi la qualité de vie de façon plus holistique. A cette fin, des indicateurs d’accès à un travail décent, à un logement et aux services publics, l’utilisation des compétences et le niveau d’instruction, l’impact environnemental, l’état de santé, le statut social et les liens avec les autres, ainsi que la liberté et les droits humains au sens large sont primordiaux.

Réduire l’écart entre les attentes et la réalité est une tâche majeure pour les dirigeants politiques. Ils doivent lier les politiques aux outils et aux moyens pour le bénéfice des générations présentes et futures. Les grandes initiatives mondiales telles que l’indicateur du Vivre mieux, l’indicateur de Planète heureuse et «Human Opportunity Index» méritent un soutien fort. Développer des mesures subjectives du bien-être pourrait aider à mesurer le bien-être collectif. Le rapport préconise aussi une action visant à mieux aligner les priorités nationales stratégiques avec les efforts pour relever les défis mondiaux clés, notamment le changement climatique, la pollution, la sécurité alimentaire et l’utilisation responsable des ressources naturelles.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 8 avril
2014.

(open)
1. Partout en Europe, les systèmes économiques, sociaux et politiques génèrent actuellement une grande insatisfaction de la population. Ils sont considérés comme favorisant une forme de croissance artificielle, qui épuise nos ressources naturelles tout en excluant ou marginalisant de nombreuses personnes. L’écart perçu entre les aspirations et les résultats doit être réduit. Il faudrait s’employer bien plus activement à identifier et respecter les différents besoins et, au moyen de politiques publiques, il faudrait consacrer bien plus d’efforts à la satisfaction de ces besoins.
2. L’Assemblée parlementaire recommande l’utilisation de certains indicateurs. S’ils peuvent permettre de mieux mesurer les degrés de bien-être, ils contribuent aussi à favoriser le bien-être, en s’intéressant à des aspects précis. Ces indicateurs analysent la qualité de vie, la nature des disparités et leur évolution prévisible. Les indicateurs clés concernent l’accès à un travail décent, à un logement et aux services publics, l’utilisation des compétences, l’impact environnemental et la santé physique et mentale. Tout aussi importantes sont les mesures qui concernent le niveau d’instruction, le statut social et les rapports avec les autres, ainsi que la liberté et les droits humains.
3. L’Assemblée se réjouit de toutes les tentatives visant à mesurer le bien-être et la satisfaction dans la vie. Parmi celles-ci figurent les travaux existants de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur la mesure du progrès et l’indicateur du Vivre mieux, les recommandations de la Commission Stiglitz-Sen-Fitoussi pour la mesure des performances économiques et du progrès social, les pistes données dans la communication de la Commission européenne intitulée «Le PIB et au-delà: mesurer le progrès dans un monde en mutation», l’indicateur de Planète heureuse et l’indice de la Banque mondiale appelé «Human Opportunity Index». Enfin, l’Organisation internationale du travail a mené récemment, dans certains pays de l’Union européenne, un projet intitulé «Mesure et suivi du travail décent».
4. L’Assemblée considère qu’il incombe aux responsables politiques d’améliorer le bien-être collectif pour le bénéfice des générations présentes et futures. En conséquence, elle invite les parlements et les gouvernements des Etats membres du Conseil de l’Europe:
4.1. à concevoir des cadres et des outils adéquats qui permettent à la fois de mesurer le bien-être et de favoriser son progrès en s’appuyant sur les recherches actuelles, énumérées ci-dessus;
4.2. à définir clairement des objectifs stratégiques à long terme et des politiques permettant de les atteindre;
4.3. à coopérer avec d’autres pays et avec les instances internationales compétentes pour mettre en œuvre les engagements pris et relever les défis planétaires tels que le changement climatique, la pollution, la sécurité alimentaire et l'utilisation responsable des ressources naturelles;
4.4. à identifier les tendances concernant les inégalités de revenus et l’inégalité des chances pour différentes catégories de la population, définies en fonction de facteurs comme le sexe, l’âge, la situation de famille et le handicap;
4.5. à favoriser la mobilité sociale:
4.5.1. en contrôlant les performances des services publics essentiels;
4.5.2. en adaptant et en améliorant le système éducatif, les dispositifs de formation professionnelle et d'apprentissage tout au long de la vie et les soins de santé préventifs;
4.6. à encourager un débat national sur les priorités en matière de bien-être et sur les moyens de les respecter, en utilisant des outils de communication en ligne, des enquêtes, les réseaux sociaux et les médias;
4.7. à permettre des mesures subjectives du bien-être individuel, qui fourniront des informations sur les normes objectives à mettre en œuvre et à faire progresser dans les pays européens;
4.8. à chercher à adapter les politiques au moyen d’indicateurs du bien-être, en s’inspirant de l’exemple d’autres pays;
4.9. à considérer le bien-être comme un droit qui comprend des aspects sociaux, économiques et environnementaux, tout autant que des aspects civils et politiques;
4.10. à rétablir la confiance à l’égard des structures politiques en améliorant la transparence et la participation des citoyens.

B. Exposé des motifs, par Lord Dundee, rapporteur

(open)

«Tout ce qui compte ne se prête pas forcément à la mesure, et tout ce qui se prête à la mesure ne compte pas forcément.» Albert Einstein

1. Introduction: le défi d’une croissance inclusive et qualitative

1. Dans un monde de plus en plus complexe, comment se porte l’Europe? La réponse est loin d’être simple, du moins lorsque l’on souhaite utiliser des critères allant au-delà des aspects purement économiques, comme le produit intérieur brut (PIB), l’étalon de mesure traditionnel de la réussite nationale. Pour obtenir un tableau plus complet de la situation, il faudrait nous baser sur d’autres indicateurs, tels que l’impact de l’activité humaine sur l’environnement. Pour obtenir une représentation de la vie des gens, des informations plus précises sont nécessaires. Les politiques gouvernementales pourront s’en inspirer et, en conséquence, le bien-être national s’améliorera et correspondra mieux aux attentes des citoyens.
2. Nos systèmes économiques, sociaux et démocratiques génèrent actuellement une grande insatisfaction. Ils sont jugés trop rigides, ne servant plus la société comme ils le devraient. Par ailleurs, une croissance mécanique épuise nos ressources humaines et naturelles, tout en excluant ou en marginalisant de nombreuses personnes. Cette inadéquation exige de repenser en profondeur la manière dont la société devrait être organisée afin de parvenir à un meilleur équilibre.
3. Le Conseil de l’Europe, où des valeurs communes sont partagées, couvre aujourd’hui presque l’ensemble du continent. La Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5) permet à un citoyen de mettre en cause un Etat, plaçant ainsi l’Etat et les citoyens sur un pied d’égalité. C’est une réalisation sans précédent et sans équivalent pour la démocratie et les droits humains. Autrefois, l’Etat l’emportait toujours sur le citoyen. Désormais, dans ce nouveau contexte de parité, il devient d’autant plus possible pour les responsables politiques de répondre pleinement aux aspirations des citoyens.
4. Tous les aspects de la vie d’un citoyen peuvent être pris en considération. Il s’agit de prendre en compte sa participation, non seulement à la vie civile et politique, mais aussi à la vie sociale et économique, ainsi qu’en matière d’environnement. La manière dont des citoyens réagissent face à l’ensemble de ces différents aspects peut révéler leur niveau général de satisfaction ou de bien-être. Ce baromètre peut également indiquer quel but ils donnent à leur existence et quelle est leur conception de la dignité. A cet égard, la Convention européenne des droits de l’homme et la Charte sociale européenne (STE nos 35 et 139) sont indissociables. Les responsables politiques se trouvent donc face à un défi: comment répondre aux aspirations présentes des citoyens tout en préparant l’avenir du pays dans le respect des engagements internationaux?
5. Dans un premier temps, le présent rapport cherche à définir ce qu’il faut entendre par bien-être, puis à déterminer comment le faire progresser dans la société. Il met en lumière les politiques qui conjuguent valeurs, droits et responsabilités. S’agissant des trois piliers du développement durable – une économie prospère, une solide cohésion sociale et un environnement sain –, il examine comment les politiques publiques peuvent répondre aux aspirations d’épanouissement personnel, tout en avançant dans leur objectif constant de réaliser l’égalité des chances et la durabilité.

2. La relation entre politiques et qualité de vie: identifier ce qui compte le plus pour notre bien-être

6. Par «bien-être», il y a lieu d’entendre qualité de vie et non «niveau de vie», qui est une mesure économique se référant au revenu. Or la notion de bien-être est beaucoup plus large. Elle ne découle pas uniquement de la richesse, mais englobe également des facteurs très divers tels que l’emploi, l’utilisation des compétences, l’environnement, la santé physique et mentale, l’éducation, le statut social, les rapports avec les autres et, en relation avec la démocratie politique, la liberté et les droits humains.

2.1. Le bien-être est une cible politique mobile difficile à définir

7. Favoriser le bien-être est un objectif politique implicite. Il est cependant difficile à définir en raison de ses multiples aspects, et c’est pourquoi les responsables politiques ont tendance à ne prendre en compte que ceux qui sont faciles à mesurer.
8. L’utilisation persistante du PIB en est un exemple. Cet indicateur, qui fournit d’utiles comparaisons types entre les pays, est pourtant loin de mesurer avec exactitude le bien-être individuel ou collectif. Ce qui n’est pas surprenant. Pour l’essentiel, le PIB se limite avant tout à des quantités relatives de biens et de services et n’analyse pas la manière dont la possession de biens peut contribuer ou nuire, sous des formes diverses, au bien-être. Dans différents Etats, le PIB ne montre pas suffisamment la façon dont les questions sociales et écologiques sont prises en compte, et encore moins si les résultats attendus sont atteints. Il ne montre pas le travail informel accompli, tels que la garde d’enfants ou l’emploi irrégulier et domestique. Il ne montre pas non plus si ou comment les ressources utilisées ont amélioré les conditions de vie. Beaucoup d’aspects du bien-être sont ainsi négligés et non enregistrés. Des estimations de l’Institut national des statistiques du Royaume-Uni indiquent que ces aspects sont quasiment aussi importants que le PIB officiel lui-même.
9. Il apparaît donc nécessaire d’élaborer des critères de mesure supplémentaires et améliorés, pour deux raisons principales: tout d’abord, en vue d’évaluer le bien-être, puisque le PIB n’est pas capable, en tant que tel, de le faire, et ensuite pour améliorer ce qu’il peut, et doit, faire en tant qu’indicateur économique. On a vu en effet que les activités économiques qu’il ne comptabilise pas sont aussi importantes que celles qu’il enregistre.
10. Le travail de révision ne devrait pas être trop difficile, car le problème à résoudre tient plus à un défaut de coordination qu’à un manque d’idées neuves. En effet, depuis les années 1990, d’autres systèmes de mesure sont apparus, notamment l’indicateur du développement humain, l’indicateur de développement social, l’empreinte écologique et l’indicateur du Vivre mieux 
			(2) 
			Discussion
Paper «A “happiness test”
for the new measures of national well-being: how much better than
GDP are they?», Jan Delhey et Christian Kroll, Social Science Research Centre Berlin (WZB),
2012., mais chacun d’entre d’eux est composé d’éléments très dissemblables. Il conviendrait donc d’en faire une synthèse réfléchie. En Europe, ce travail pourrait ensuite déboucher sur un modèle plus simple et amélioré permettant de mesurer ce qui est le plus essentiel pour sa population.

2.2. Pourquoi les inégalités ont-elles leur importance?

11. Si de toute manière de nouvelles mesures sont nécessaires pour évaluer le bien-être, ceci est particulièrement pertinent dans les circonstances adverses que l’Europe subit actuellement. En conséquence, les inégalités sociales ne cessent de se creuser, en termes de richesses, de revenus et de chances. En raison de la crise économique, les écarts de revenus se sont beaucoup accrus et le niveau de satisfaction dans la vie a reculé dans tous les pays. Ces inégalités nourrissent et mettent en évidence le ressentiment de la population; elles révèlent aussi le caractère limité des possibilités de croissance inclusive. Les travaux du Fonds monétaire international (FMI) montrent que les disparités sont également préjudiciables à l’économie: elles ralentissent la croissance, diminuent la résilience face aux crises et entravent les investissements dans les services essentiels, tels que l’éducation, le logement ou la santé.
12. La mesure la plus connue de l’inégalité de revenus est le coefficient de Gini, qui est un nombre variant de 0 (égalité parfaite) à 1 (inégalité totale). Si cette méthode aide à établir des comparaisons entre des pays et des régions, elle ne renseigne cependant guère sur les causes des déséquilibres au sein des pays et entre les différents groupes de la population (définis en fonction de l’âge, du sexe, de la situation de famille ou de l’origine ethnique). Une meilleure analyse est donc nécessaire pour évaluer les forces et les faiblesses du système de protection sociale, de manière à déterminer les possibilités d’adaptation ou de réforme.

2.3. Résumé des principales initiatives nationales et internationales

13. Pour mesurer efficacement un élément, il convient de savoir la raison pour laquelle des mesures sont nécessaires et comment elles seront utilisées à l’appui des politiques. Trois initiatives principales méritent une attention particulière: a) le programme de travail de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur la mesure du progrès et l’indicateur du Vivre mieux 
			(3) 
			Voir <a href='http://www.oecdbetterlifeindex.org/'>www.oecdbetterlifeindex.org</a>.; b) les recommandations de la Commission Stiglitz-Sen-Fitoussi, qui ont récemment inspiré des programmes nationaux pour améliorer les mesures de la qualité de la vie; et c) l’indicateur du «bonheur».

2.3.1. Programmes de l’OCDE

14. L’initiative du Vivre mieux de l’OCDE a pour objectif de fournir aux décideurs politiques un tableau plus large de la vie des sociétés. Elle observe la vie humaine en évaluant les conditions matérielles et des aspects plus immatériels sur la base de 11 critères: revenu et patrimoine, emploi et revenus, conditions de logement, santé, équilibre entre vie privée et professionnelle, éducation et compétences, relations sociales, engagement civique et gouvernance, qualité de l’environnement, sécurité personnelle et bien-être subjectif.
15. Ces 11 mesures peuvent désormais aider les 34 Etats membres de l’OCDE (on espère que le Brésil, la Russie et d’autres Etats en profiteront également), qui peuvent choisir ceux qui leur conviennent en fonction des politiques et préférences nationales. Ensemble, elles constituent l’indicateur du Vivre mieux qui peut être utilisé comme un outil adaptable. Pour l’heure, les indicateurs de l’OCDE ne sont pas loin de constituer une nouvelle approche consensuelle permettant de mesurer ce qui n’est pas pris en compte par le PIB. L’OCDE a également publié des lignes directrices pour les utilisateurs 
			(4) 
			Lignes directrices
de l’OCDE sur la mesure du bien-être subjectif, Publications de
l’OCDE, 2013., et au moment opportun produira un guide pour la mise en place de bonnes pratiques.

2.3.2. Propositions de la Commission Stiglitz-Sen-Fitoussi

16. Mise en place par le Président de la République française, la Commission pour la Mesure des Performances Economiques et du Progrès Social (CMPEPS) était composée de Joseph Stiglitz, Amartya Sen et Jean-Paul Fitoussi, les deux premiers étant prix Nobel d’économie. En 2009, la commission a publié 12 recommandations qui ont été incorporées dans l’indicateur du Vivre mieux de l’OCDE:
  • Dans le cadre de l’évaluation du bien-être matériel, se référer aux revenus et à la consommation plutôt qu’à la production.
  • Mettre l’accent sur la perspective des ménages.
  • Prendre en compte le patrimoine en même temps que les revenus et la consommation.
  • Accorder davantage d’importance à la répartition des revenus, de la consommation et des richesses.
  • Elargir les indicateurs de revenus aux activités non marchandes.
  • La qualité de vie dépend des conditions objectives dans lesquelles se trouvent les personnes et de leurs «capabilités» (capacités dynamiques). Il conviendrait d’améliorer les mesures chiffrées de la santé, de l’éducation, des activités personnelles et des conditions environnementales. Un effort particulier doit porter sur la conception et l’application d’outils solides et fiables de mesure des relations sociales, de la participation à la vie politique et de l’insécurité, ensemble d’éléments dont on peut montrer qu’il constitue un bon prédicteur de la satisfaction que les gens tirent de leur vie.
  • Les indicateurs de la qualité de la vie devraient, dans toutes les dimensions qu’ils recouvrent, fournir une évaluation exhaustive et globale des inégalités.
  • Des enquêtes devront être conçues pour évaluer les liens entre les différents aspects de la qualité de la vie de chacun, et les informations obtenues devront être utilisées lors de la définition de politiques dans différents domaines.
  • Les instituts de statistiques devraient fournir les informations nécessaires pour agréger les différentes dimensions de la qualité de la vie, et permettre ainsi la construction de différents indices.
  • Les mesures du bien-être, tant objectif que subjectif, fournissent des informations essentielles sur la qualité de la vie. Les instituts de statistiques devraient intégrer à leurs enquêtes des questions visant à connaître l’évaluation que chacun fait de sa vie, de ses expériences et priorités.
  • L’évaluation de la soutenabilité nécessite un ensemble d’indicateurs bien défini. Les composantes de ce tableau de bord devront avoir pour trait distinctif de pouvoir être interprétées comme des variations de certains «stocks» sous-jacents. Un indice monétaire de soutenabilité a sa place dans un tel tableau de bord; toutefois, en l’état actuel des connaissances, il devrait demeurer principalement axé sur les aspects économiques de la soutenabilité.
  • Les aspects environnementaux de la soutenabilité méritent un suivi séparé reposant sur une batterie d’indicateurs physiques sélectionnés avec soin. Il est nécessaire, en particulier, que l’un d’eux indique clairement dans quelle mesure nous approchons de niveaux dangereux d’atteinte à l’environnement (du fait, par exemple, du changement climatique ou de l’épuisement des ressources halieutiques).
17. Quinze Etats membres de l’Union européenne ont déjà annoncé leur intention d’adapter les approches et mesures actuelles du bien-être et du développement durable. Ils ont été influencés par les recommandations de l’OCDE et de la Commission Stiglitz-Sen-Fitoussi, mais aussi par la communication de la Commission européenne intitulée «Le PIB et au-delà: mesurer le progrès dans un monde en mutation». Pour réduire les écarts entre les dirigeants politiques et la population, le Royaume-Uni a lancé des initiatives qui donnent davantage de pouvoirs aux communautés locales. L’Allemagne, la Finlande et l’Autriche ont revu leurs systèmes pour mieux évaluer et promouvoir le niveau de bien-être et de développement durable 
			(5) 
			En Allemagne, l’«indicateur
national de bien-être», composé de 21 variables, est élaboré avec
l’appui d’une commission d’enquête parlementaire. La Finlande a
mis au point un service, baptisé Findicator,
qui contient une centaine d’indicateurs décrivant le progrès social,
et envisage d’étoffer ses critères de bien-être dans le cadre d’un
projet sur les nouvelles dimensions de la mesure du bien-être. L’Autriche
évalue la protection sociale et le bien-être national en se fondant
sur les indicateurs du développement durable, qui couvrent les dimensions
économiques, sociales et écologiques ainsi que leurs variations
dans le temps. Voir: «National approaches
to measure wealth and well-being in the context of sustainable development»,
ESDN Case Study No. 4, Nisida
Gjoksi, décembre 2010..

2.3.3. L’«indicateur de bonheur»

18. Ces initiatives nationales découlent d’analyses objectives, mais des indices subjectifs ont aussi été élaborés. La notion de «bonheur national brut», qui a été proposée pour la première fois par le Bhoutan 
			(6) 
			Le
modèle bhoutanais du bien-être et du bonheur utilise 72 indicateurs
pour mesurer les progrès accomplis dans 9 domaines: bien-être psychologique,
écologie, santé, éducation, culture, niveau de vie, utilisation
du temps, solidité de la communauté et bonne gouvernance. Ces indicateurs
sont évalués tous les deux ans dans le cadre d’un questionnaire distribué
dans tout le pays. , a été examinée et approuvée en 2011 par l’Assemblée générale des Nations Unies. Les Etats membres ont donc été invités à mesurer les aspects subjectifs de la satisfaction dans la vie afin que les politiques nationales puissent être mieux orientées et conçues. L’indicateur de Planète heureuse 
			(7) 
			L’indicateur de Planète
heureuse est élaboré par le Centre pour le bien-être de la New Economics
Foundation. Il mesure le sentiment de bien-être au moyen d’enquêtes
d’opinion et utilise, pour l’espérance de vie, les statistiques publiées
par le PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement)
dans ses rapports sur le développement humain. , publié en 2006, compare et classe les pays en fonction de leurs résultats respectifs concernant l’espérance de vie, le bien-être et l’empreinte écologique.
19. Le Rapport de 2013 sur le bonheur dans le monde, rédigé par un groupe d’experts indépendants 
			(8) 
			Rapport sur le bonheur
dans le monde 2013, édité par John F. Helliwell, Vancouver School
of Economics, University of British Columbia, et Canadian Institute
for Advanced Research (CIFAR); Richard Layard, directeur du Programme
sur le bien-être, Centre for Economic Performance, London School
of Economics; et Jeffrey D. Sachs, Directeur, The Earth Institute,
Columbia University., examine les tendances nationales et évalue les avantages objectifs du bien-être subjectif et leurs conséquences sur le plan des politiques. Il souligne en particulier la manière dont le respect des valeurs et des normes débouche sur le bien-être personnel. Ce principe est cher au Conseil de l’Europe, qui crée des normes et critères de référence communs pour 47 Etats européens et leurs partenaires, déploie des programmes de coopération, de suivi et de mesure, et propose aux gouvernements nationaux des projets spécifiques axés sur des résultats concrets.

2.3.4. De nouvelles méthodes d’évaluation des inégalités

20. La Banque mondiale estime que l’inégalité des chances entrave le progrès social. Elle a conçu deux indicateurs. L’un mesure l’inégalité des chances à caractère économique. Il est maintenant utilisé dans une quarantaine de pays. Cet indicateur examine les disparités sous des angles généralement négligés (sexe, race, lieu de naissance, niveau d’instruction et profession des parents). L’autre instrument de mesure est un indice appelé «Human Opportunity Index». Il sert à évaluer les inégalités en matière d’accès aux services de base (éducation, eau courante et installations sanitaires, énergie). En aidant les pays à améliorer leurs politiques de dépenses publiques, ces indicateurs visent à éviter que les inégalités de revenus réduisent les opportunités.

3. Utiliser l’information pour améliorer les politiques et faire participer les citoyens

21. La crise économique récente a joué un rôle déterminant dans la défiance à l’égard des politiques publiques et la demande de changements les concernant. Trois reproches leur sont adressés: elles n’ont pas su prédire et enrayer la crise économique; elles ne sont pas capables de restaurer le niveau de stabilité précédent et elles sont donc encore moins aptes à répondre aux aspirations et aux préoccupations des citoyens européens.
22. L’équipe Stiglitz-Sen-Fitoussi a demandé la mise en place de tables rondes aux niveaux local, national et mondial afin de «définir quels sont les indicateurs qui permettent à tous d’avoir une même vision des modalités du progrès social et de sa durabilité dans le temps». L’objectif est de comparer les analogies et les divergences. Cette approche correspond à la sagesse populaire, selon laquelle il faut «penser globalement et agir localement». Certains estiment également que le bien-être des citoyens pourrait être amélioré davantage par des politiques découlant de vastes changements apportés aux institutions et systèmes actuels, 
			(9) 
			«Shaping a post-crisis world», Klaus
Schwab, fondateur et président en exercice du Forum économique mondial, article
du International Herald Tribune,
28 janvier 2009. ainsi que le consensus européen du 21ème siècle sur les droits humains qui a placé l’Etat et le citoyen sur un pied d’égalité.
23. Le point essentiel est que les nouveaux systèmes et nouvelles mesures doivent d’abord gagner la confiance de la population pour être efficaces. Un vaste débat national pourrait être organisé à cet effet, afin que les individus puissent donner leur avis sur «ce qui compte» pour le bien-être par le biais de discussions en ligne, d’enquêtes, de réseaux sociaux ou de médias traditionnels. Il reviendra aux responsables politiques et aux experts de tirer les enseignements utiles de ce processus en vue de réviser les politiques générales. Ce que nous mesurons et chérissons oriente ce que nous faisons.
24. Différentes approches ont été suggérées et testées au cours des dernières années. Elles peuvent être classées en trois grandes catégories:
  • l’utilisation de mesures subjectives du bien-être individuel (ou du bonheur, au sens personnel et élargi du terme) pour évaluer de manière plus objective les progrès collectifs et la performance d’un gouvernement;
  • la combinaison d’indicateurs existants peut mieux mesurer des aspects auparavant négligés de la vie des individus;
  • les comptes nationaux peuvent être complétés par des «comptes satellites» qui permettent de consigner avec davantage d’exactitude le capital-santé, le capital social et le capital environnemental, et leurs interactions sur la durée.
25. L’empreinte écologique (qui mesure le poids des activités humaines sur les écosystèmes de la planète) illustre ce point. Entre les pays qui surconsomment les ressources naturelles et ceux qui les sous-consomment, l’empreinte écologique totale de l’humanité est estimée à 1,5 planète Terre, ce qui indique que nous épuisons les ressources de la nature 1,5 fois plus rapidement que ce que notre planète peut régénérer. Les pollueurs ne réparent pas les dégâts et ne versent pas d’indemnisation. De nombreux grands pays développés épuisent ces ressources encore plus vite, à un rythme de 5 à 7 planètes Terre. Donc, nous vivons bien au-dessus des moyens de notre planète et, à l’échelle mondiale, les dommages causés aux biens publics s’accumulent.
26. Les pays riches et pauvres sont de plus en plus conscients des disparités et anomalies qui touchent l’environnement, les économies nationales et le bien-être de l’individu dans la société. Il conviendrait donc d’engager une révision constructive à tous les niveaux, tant sur le plan national qu’international. Dans un monde globalisé, tous les acteurs – autorités, entreprises et individus – ont la responsabilité de rééquilibrer le développement.

4. Développer un cadre global pour mesurer le bien-être et promouvoir le progrès

27. Plus on attend, plus le défi sera difficile à relever et plus la réponse devra être globale. Comme il a été indiqué ci-dessus, de nombreux Etats européens, surtout ceux de l’Union européenne, s’efforcent de réduire les risques auxquels nous sommes confrontés et de trouver des réponses adaptées, collectives, si possible, nationales, si nécessaire. Le tableau qui se dégage dans les pays qui ne font pas partie de l’Union européenne est plus contrasté et les données sont plus fragmentées.

4.1. Une Europe bien informée sur la question du bien-être subjectif

28. L’analyse Eurofound publiée en novembre 2013 
			(10) 
			Cette analyse, qui
concerne 34 pays européens, a été réalisée sur la base du rapport
intitulé «Third European Quality of Life
survey – Quality of life in Europe: Impacts of the crisis »
et publié le 29 novembre 2012, et d’une série de brèves synthèses
sur le bien-être subjectif, les inégalités sociales, la qualité
des services publics et l’évolution de la qualité de la vie en Europe
sur la période 2003-2012. Eurofound (Fondation européenne pour l’amélioration
des conditions de vie et de travail) est un organisme tripartite
de l’Union européenne. signale une augmentation des inégalités en matière de bien-être dans un contexte de crise économique. Si la satisfaction dans la vie a légèrement progressé entre 2007 et 2011, les niveaux de bonheur et d’optimisme ont chuté et le sentiment d’exclusion sociale a augmenté. L’étude montre que les niveaux de bien-être subjectif sont les plus faibles parmi les chômeurs. Elle indique qu’ils sont assez bas parmi les Européens touchés par la maladie, l’invalidité, la séparation ou le divorce, et dans le groupe d’âge des 35-49 ans. L’augmentation du bien-être concerne principalement les groupes de personnes à revenu élevé. Les écarts de bien-être les plus importants sont enregistrés en Bulgarie, Hongrie, Slovaquie, Chypre, Roumanie, Autriche ainsi qu’au Royaume-Uni.
29. La deuxième enquête sur la vie dans les pays en transition, réalisée par la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) et la Banque mondiale dans 34 pays principalement de l’ancien «bloc de l’Est» à la fin de 2010, montre la «résilience remarquable dont les populations ont fait preuve face aux énormes sacrifices personnels causés par la crise économique mondiale» et salue l’engagement général envers la démocratie et le libre-échange malgré les privations matérielles. Selon l’étude, 70 % des ménages (des pays en transition) touchés par la crise ont dû réduire leurs achats de produits alimentaires de base et leurs dépenses en soins de santé, ce qui représente un niveau deux fois supérieur à celui des ménages comparables étudiés dans une sélection de pays d’Europe occidentale.
30. L’étude montre également qu’une certaine antipathie règne à l’égard des immigrants et des personnes de races différentes. En outre, malgré les écarts qui se creusent entre les sexes et la diminution du nombre de femmes occupant des emplois rémunérés, les femmes semblent aussi satisfaites de leur vie que les hommes et envisagent même l’avenir avec davantage d’optimisme. Concernant la corruption, le ressentiment du public était particulièrement vif à l’égard de la police de la route, des responsables de la santé et des tribunaux civils. La satisfaction à l’égard des services publics était générale et restait assez élevée, tout en étant nettement inférieure à celle notée en Europe occidentale.
31. Ces études, dont la portée et les méthodes sont très différentes, fournissent néanmoins des informations utiles aux décideurs politiques. Ainsi, on note que ce sont les pays où les individus ont approximativement le même niveau de revenu et qui bénéficient de systèmes de protection sociale renforcés (la Scandinavie et les Pays-Bas) qui affichent les niveaux les plus élevés de satisfaction dans la vie. Des niveaux d’endettement faibles apparaissent comme un facteur de protection important pour la population la plus vulnérable, et les améliorations apportées à la situation des plus désavantagés produisent les gains les plus nets concernant le sentiment de bien-être. En outre, la large satisfaction éprouvée à l’égard des services publics contribue à une perception plus favorable de la qualité de la vie, même si la prévalence de la corruption dans certains services publics érode la confiance dans les institutions et la gouvernance.
32. La dernière édition (2013) du rapport de l’OCDE «Comment va la vie?» sur le bien-être classe la performance de 36 pays dans quatre domaines: le coût humain de la crise financière; le bien-être sur le lieu de travail; les inégalités de qualité de vie entre les sexes; et la mesure de ce qui compte dans la vie personnelle. Un certain nombre de pays d’Europe sont donc comparés à de grands acteurs mondiaux. Le Danemark, la Norvège, la Suède et la Suisse figurent dans les 20 % des pays les plus performants, comme l’Australie, le Canada et les Etats-Unis. L’Estonie, la Grèce, la Hongrie, le Portugal et la Turquie se retrouvent dans les 20 % des pays les moins performants avec le Chili et le Mexique. D’autres pays européens 
			(11) 
			Allemagne, Autriche,
Belgique, Espagne, Finlande, France, Islande, Irlande, Italie, Luxembourg,
Pays-Bas, Pologne, Royaume-Uni, République slovaque, Slovénie et
République tchèque. se situent à un niveau intermédiaire.
33. Les résultats de l’étude montrent un net recul de la satisfaction dans la vie, dû à la montée du chômage de longue durée et à la forte baisse du revenu disponible des ménages de 2008 à 2012. Les conditions de logement se sont dégradées dans les pays de la zone euro: la part des ménages consacrant 40 % ou plus de leur revenu au logement a augmenté considérablement (de 6,5 % à 9 %). Parallèlement, la confiance dans les gouvernements a diminué et, dans certains pays tels que la Grèce et l’Italie, les besoins médicaux non satisfaits ont augmenté en raison des difficultés financières. En outre, le stress au travail s’est accru pour la moitié des Européens qui occupent des emplois très exigeants, car les ressources dont ils disposent pour effectuer leur travail sont inadéquates, une situation qui débouche sur l’apparition de problèmes de santé liés au travail.
34. La pauvreté de la population active est la plus élevée en Turquie (18 %), Espagne, Italie et Grèce (11 %-12 %), ainsi qu’en Pologne, en Estonie et au Portugal (environ 9 %). Tous ces pays se situent au-dessus de la moyenne de l’OCDE. Enfin, les écarts de salaire entre les sexes persistent: malgré une amélioration générale, les écarts se sont creusés au Portugal, en France, en Italie et en Pologne. Dans tous les pays de l’OCDE, les femmes n’occupent que 27 % des sièges dans les parlements, et un quart des femmes ont subi des violences infligées par leur partenaire. Au cours des dernières années, les choix politiques, en particulier l’austérité, ont sérieusement dégradé le sentiment de bien-être. En Europe et au niveau mondial, ce sont les pays nordiques, et notamment la Suède, qui obtiennent les meilleurs résultats en termes d’égalité des revenus (mesurée au moyen du coefficient de Gini) et d’égalité des chances.

4.2. Lier les mesures objectives et subjectives aux politiques

35. Améliorer le moyen de mesurer le bien-être subjectif et utiliser ces informations et des indicateurs objectifs pour étayer des politiques n’est pas une tâche facile. Ce n’est que récemment que les décideurs ont fait des efforts pour mieux répondre aux véritables aspirations de la population, c’est-à-dire aux besoins de la majorité de base. Mesurer les aspects subjectifs, souvent intangibles et complexes, de la vie est devenu essentiel pour la démocratie.
36. Il faudrait réaliser des audits nationaux sur la mise en œuvre des droits sociaux et environnementaux des différents groupes de population (enfants, jeunes, adultes, citoyens seniors). Il s’agirait d’une évaluation générale et d’études spécifiques, concernant notamment la santé, l’emploi décent, l’éducation et la formation, la protection sociale et le logement, ainsi que la qualité des services publics et le milieu de vie (eau, air, bruit, sécurité sanitaire des aliments). A cet égard, la base de référence devrait comprendre les instruments du Conseil de l’Europe, notamment la Charte sociale européenne (pour les droits sociaux) et la Convention européenne des droits de l’homme (concernant le droit à un environnement sain).
37. L’indicateur du Vivre mieux publié par l’OCDE fournit déjà un instrument de gestion aux Etats européens, et il peut être adapté aux besoins et aux contextes nationaux. L’OCDE apportera des améliorations à son modèle, ce qui permettra, dans le cadre de l’analyse et de la promotion du bien-être, de mieux expliquer les interactions entre les éléments objectifs et subjectifs.
38. En utilisant cette approche, les Etats pourront tenir compte d’autres critères que le PIB et le consumérisme pour mesurer les véritables aspirations de la population. Les informations qui en découleront seront examinées par les dirigeants et les responsables politiques, qui pourront ensuite élaborer des politiques visant à satisfaire les besoins exprimés. En procédant ainsi, ils éviteront la mécanique des partis ainsi que les dogmes et doctrines des extrêmes, de gauche comme de droite. La première approche, factuelle, reflète les vrais besoins de la population, tandis que la seconde, incarne les opinions partisanes de la classe politique.

4.3. Etude de cas: l’approche britannique de la mesure du bien-être

39. Pour les citoyens britanniques, les priorités en matière de bien-être sont la santé, les relations personnelles, la satisfaction au travail et la sécurité financière. L’Institut national des statistiques du Royaume-Uni a présenté dix domaines d’intérêt statistique: aspirations individuelles, relations, santé, éducation et compétences, ce que nous faisons, où nous vivons, comment nous gérons nos finances personnelles, ainsi que l’économie et le milieu naturel (voir schéma ci-dessous), qui sont tous deux liés à la gestion nationale. L’étude de cas s’appuie sur les réponses des personnes interrogées sur la manière dont leur propre bien-être est affecté par chacun de ces domaines.
40. Les travaux futurs se concentreront sur le bien-être subjectif ou le bonheur au sens plus large et personnel (voir l’annexe). Il sera également procédé à une évaluation des ressources naturelles et du capital humain. L’évaluation de ce dernier sera menée sur une période de cinq à six ans. Les contributions britanniques à l’analyse du bien-être ont déjà fourni des indications utiles sur le plan international.
Graphic

Source: Institut national de la statistique du Royaume-Uni

5. Conclusions et recommandations

41. Les crises successives et le creusement des écarts entre les niveaux de prospérité mettent en évidence les insuffisances du modèle de développement actuel. En effet, celui-ci ne parvient pas à répondre de manière satisfaisante aux souhaits et aux besoins de la population, notamment en ce qui concerne l’amélioration du bien-être. Les mesures du succès, tant sur le plan local que national, doivent dépasser le cadre du PIB et d’autres critères restreints pour refléter les aspirations et la durabilité. En effet, un trop grand nombre de considérations importantes pour la population ont été mises de côté jusqu’ici et restent absentes des priorités nationales. Le désir de bien-être de l’individu est trop souvent négligé, comme le sont aussi les ressources naturelles, pourtant essentielles pour faire vivre la population aujourd’hui et demain. En Europe et ailleurs, la démocratie et les dirigeants politiques font l’objet d’une défiance croissante. Ainsi, pour rétablir la confiance, le principal défi pour les responsables politiques est de comprendre les besoins de la population et d’y répondre.
42. Il convient donc d’appuyer vigoureusement l’indicateur du Vivre mieux et d’autres initiatives allant dans le même sens. L’indicateur du Vivre mieux a déjà fait ses preuves dans certains pays de l’Europe et au-delà. C’est un instrument de mesure qui peut évaluer à la fois des aspects liés à la performance économique et au bien-être. Il incorpore ainsi les critères de mesure du PIB et beaucoup d’indicateurs du bien-être sans pour autant les remplacer. L’indicateur du Vivre mieux pourrait encore être développé, de manière à tenir compte des inégalités de revenus et de l’inégalité des chances; son utilisation pourrait être encouragée également dans les pays non membres de l’OCDE. Entre-temps, partout en Europe, et dans l’intérêt de tous, il incombe aux Etats et aux organisations de relever le défi consistant à mesurer, augmenter et protéger le bien-être de manière plus équilibrée et plus holistique.

Annexe – Domaines et indicateurs clés proposés pour mesurer le bien-être au Royaume-Uni 
			(12) 
			Institut national de
la statistique du Royaume-Uni, “Measuring National well-being: A
discussion paper on domains and measures”, octobre 2011; et le premier
rapport annuel «Measuring National Well-being: Life in the UK, 2012», novembre
2012.

(open)

Bien-être individuel

  • Satisfaction générale à l’égard de la vie

Relations

  • Satisfaction à l’égard de la vie familiale
  • Satisfaction à l’égard de la vie sociale
  • Proportion de personnes qui font confiance à d’autres personnes dans leur quartier
  • Proportion de personnes qui se sentent très intégrées dans leur quartier

Santé

  • Espérance de vie en bonne santé des hommes et des femmes
  • Personnes qui ne déclarent pas être atteintes d’une longue maladie invalidante ou d’une invalidité
  • Satisfaction à l’égard de sa santé
  • Evaluation (questionnaire GHQ 12) du bien-être mental
  • Satisfaction à l’égard de son bien-être mental

Ce que nous faisons

  • Taux d’emploi et de chômage
  • Population qui occupe un emploi aux horaires prolongés
  • Satisfaction à l’égard de son emploi (personnes employées)
  • Satisfaction à l’égard de l’utilisation du temps de loisirs
  • Proportion de personnes qui accomplissent des activités bénévoles plus d’une fois par an

Où nous vivons

  • Taux de criminalité par habitant
  • Peur de la violence criminelle
  • Mesure de l’accès aux espaces verts locaux et de leur qualité
  • Satisfaction à l’égard du quartier
  • Sentiment d’appartenance au quartier

Finances personnelles

  • Proportion d’individus dans les ménages ayant un revenu inférieur à 60 % du revenu médian
  • Richesse du ménage
  • Satisfaction à l’égard des revenus du ménage
  • Proportion de ménages qui sont sans emploi et/ou qui éprouvent des difficultés financières

Education et compétences

  • Capital humain: valeur des aptitudes, des connaissances et des compétences sur le marché du travail
  • Possession de diplômes et de certificats scolaires ou universitaires
  • Situation nationale au regard du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA)
  • Proportion de la population sans qualifications

Gouvernance

  • Proportion d’électeurs inscrits ayant voté
  • Proportion de ceux qui ont confiance dans le parlement et le gouvernement
  • Proportion de ceux qui font confiance aux assemblées locales

L’économie

  • Revenu réel des ménages par habitant
  • Revenu national net réel par habitant
  • Valeur nette de tous les secteurs de l’économie; endettement public; taux d’inflation
  • Dépenses de recherche et développement

Le milieu naturel

  • Emissions de gaz à effet de serre
  • Polluants atmosphériques
  • Superficies des aires protégées
  • Proportion d’énergie consommée à partir de sources renouvelables