Avis de commission | Doc. 13547 | 24 juin 2014
Une justice pénale des mineurs adaptée aux enfants: de la rhétorique à la réalité
Commission des questions juridiques et des droits de l'homme
A. Conclusions de la commission
(open)La commission des questions sociales, de la santé et du développement durable a choisi de consacrer intégralement son rapport à la question du traitement de la délinquance juvénile, en excluant du même coup de son cadre les questions essentielles abordées dans les propositions sous-jacentes.
La conception de la commission principale, qui consiste à promouvoir une approche minimaliste – adepte de la «déjudiciarisation», opposée, autant que possible, à toute intervention des autorités répressives et, dans le cas contraire, favorable à l’application d’une peine aussi minime que possible dès lors qu’elle est inévitable, est trop partiale. Elle ne fait pas une distinction suffisante entre infraction non violente et infraction violente, ni entre les diverses catégories d’âge, et néglige les droits des victimes.
Si un enfant est irresponsable, il doit être acquitté; et lorsque sa responsabilité est atténuée, la peine qui lui est infligée doit s’en trouver diminuée d’autant, par rapport à la peine infligée à un adulte auteur de la même infraction. La difficulté réside dans l’appréciation du degré de responsabilité d’un délinquant mineur donné. Cette tâche incombe au juge; il doit être assisté d’experts compétents et correctement formé pour pouvoir apprécier lui-même la situation, au vu des circonstances de l’affaire. Les généralisations à caractère politique ne sont dans ce domaine d’aucune utilité.
Dans l’optique de la commission des questions juridiques, le projet de résolution nécessite donc quelques amendements visant à rétablir un juste équilibre entre les intérêts des jeunes délinquants et ceux de leurs victimes et à apporter des précisions d’un point de vue juridique.
B. Amendements proposés
(open)Amendement A (au projet de résolution)
Au paragraphe 6.4, après les mots «d’une durée aussi brève que possible», insérer les mots «, mais en rapport avec la gravité de l’infraction et ses conséquences pour la victime et avec le degré de culpabilité du jeune délinquant».
Amendement B (au projet de résolution)
Remplacer le paragraphe 6.4.1 par le paragraphe suivant:
«en veillant à ce que l’exécution d’une peine d’emprisonnement soit adaptée à l’âge du jeune délinquant. Les jeunes placés en détention doivent, notamment, être constamment séparés des délinquants plus âgés et, même dans les centres de détention spéciaux pour mineurs, les jeunes détenus doivent être protégés efficacement contre toute forme de violence commise par des codétenus plus âgés;».
Amendement C (au projet de résolution)
Remplacer le paragraphe 6.4.3 par le paragraphe suivant:
«en supprimant les peines d’emprisonnement à perpétuité pour tout crime commis par une personne de moins de 18 ans au moment des faits;»
Amendement D (au projet de résolution)
Au paragraphe 6.5, à la fin de la phrase, ajouter les mots «quand les circonstances s’y prêtent».
Amendement E (au projet de résolution)
Remplacer le paragraphe 6.6 par le paragraphe suivant:
«à s’abstenir de pénaliser les enfants qui prennent part aux infractions visant à les protéger, comme les fugues;»
C. Exposé des motifs, par Mme Van Vaerenbergh, rapporteure pour avis
(open)1. Amendement A (au projet de résolution)
Note explicative:
L’ajout proposé apporte une précision et rappelle que les «enfants» de moins de 21 ans (voire 25 ans) commettent parfois des crimes extrêmement graves, qui ont de lourdes conséquences pour les victimes, et qu’il serait dans ce cas inadmissible de privilégier exclusivement l’intérêt supérieur du jeune délinquant.
2. Amendement B (au projet de résolution)
Note explicative:
Je partage l’idée que l’âge minimum de la responsabilité pénale soit fixé à 14 ans au moins (comme le précise le paragraphe 6.2). Mais au-delà de ce seuil, le juge doit pouvoir disposer de toutes les formes de sanctions pénales, y compris des peines d’emprisonnement. Le juge doit tenir compte, lorsqu’il fixe la peine infligée, de tous les éléments du dossier, y compris de la gravité de l’infraction, de ses conséquences pour la victime et du degré de culpabilité du jeune délinquant. Par ailleurs, dans sa forme actuelle, le paragraphe 6.4.1 exclurait même toute mesure éducative assortie d’un quelconque degré de privation de liberté pour le mineur, comme son placement dans un établissement de correction ou un établissement pour mineurs, lorsque la famille ne peut se charger de son éducation.
Cela dit, l’exécution d’une peine d’emprisonnement nécessaire – qui, j’en conviens, doit intervenir en dernier ressort – doit être adaptée à l’âge du jeune délinquant, comme le précise le nouveau libellé que je propose. Je suis d’ailleurs étonnée que cette exigence ne figure pas dans le libellé actuel du projet de résolution.
3. Amendement C (au projet de résolution)
Note explicative:
Le terme utilisé dans le libellé original («pour les enfants») est juridiquement imprécis. On ignore s’il englobe les jeunes délinquants de 21 ans, voire de 25 ans, ou proches de cet âge, qui peuvent encore relever du droit pénal applicable aux mineurs. Selon moi, il serait inopportun d’exclure catégoriquement la possibilité de condamner les jeunes délinquants de plus de 18 ans à quelque forme d’emprisonnement à perpétuité que ce soit.
La question de l’opportunité du réexamen d’une peine d’emprisonnement à perpétuité à la lumière de l’évolution de la personnalité du délinquant en prison et, en pareil cas, du nombre d’années écoulées avant qu’un tel réexamen soit envisageable, n’est pas propre aux jeunes délinquants. Mais il est possible que la probabilité d’une évolution plus rapide de la personnalité soit plus importante chez les jeunes délinquants, de sorte que leur libération conditionnelle soit envisageable.
4. Amendement D (au projet de résolution)
Note explicative:
Les programmes de déjudiciarisation, qui visent à éviter une sanction pénale, voire l’engagement d’une procédure devant une juridiction pénale, sont uniquement indiqués pour les infractions de moindre gravité. Les crimes commis avec violence, à commencer par ceux qui ont entraîné la mort ou une invalidité grave ou permanente, ou les viols ne devraient pas faire l’objet de programmes de déjudiciarisation, mais de sanctions pénales adaptées, qui tiennent compte de tous les aspects du dossier, y compris, naturellement, du degré de culpabilité du jeune délinquant.
5. Amendement E (au projet de résolution)
Note explicative:
Le terme employé dans le libellé initial («délits d’état») est trop vague, car il englobe non seulement les infractions liées au fait que le délinquant soit mineur, mais d’autres encore, comme celles qui, en vertu de la législation applicable dans certains Etats des Etats-Unis, permettent d’interdire la détention d’armes à feu à un délinquant condamné.