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Avis de commission | Doc. 13547 | 24 juin 2014

Une justice pénale des mineurs adaptée aux enfants: de la rhétorique à la réalité

Commission des questions juridiques et des droits de l'homme

Rapporteure : Mme Kristien Van VAERENBERGH, Belgique, NI

Origine - Renvoi en commission: Doc. 12672, Renvoi 3795 du 3 octobre 2011 et Doc.12907, Renvoi 3866 du 25 mai 2012. Commission chargée du rapport: Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable. Voir Doc. 13511. Avis approuvé par la commission le 23 juin 2014. 2014 - Troisième partie de session

A. Conclusions de la commission

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La commission des questions sociales, de la santé et du développement durable a choisi de consacrer intégralement son rapport à la question du traitement de la délinquance juvénile, en excluant du même coup de son cadre les questions essentielles abordées dans les propositions sous-jacentes.

La conception de la commission principale, qui consiste à promouvoir une approche minimaliste – adepte de la «déjudiciarisation», opposée, autant que possible, à toute intervention des autorités répressives et, dans le cas contraire, favorable à l’application d’une peine aussi minime que possible dès lors qu’elle est inévitable, est trop partiale. Elle ne fait pas une distinction suffisante entre infraction non violente et infraction violente, ni entre les diverses catégories d’âge, et néglige les droits des victimes.

Si un enfant est irresponsable, il doit être acquitté; et lorsque sa responsabilité est atténuée, la peine qui lui est infligée doit s’en trouver diminuée d’autant, par rapport à la peine infligée à un adulte auteur de la même infraction. La difficulté réside dans l’appréciation du degré de responsabilité d’un délinquant mineur donné. Cette tâche incombe au juge; il doit être assisté d’experts compétents et correctement formé pour pouvoir apprécier lui-même la situation, au vu des circonstances de l’affaire. Les généralisations à caractère politique ne sont dans ce domaine d’aucune utilité.

Dans l’optique de la commission des questions juridiques, le projet de résolution nécessite donc quelques amendements visant à rétablir un juste équilibre entre les intérêts des jeunes délinquants et ceux de leurs victimes et à apporter des précisions d’un point de vue juridique.

B. Amendements proposés

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Amendement A (au projet de résolution)

Au paragraphe 6.4, après les mots «d’une durée aussi brève que possible», insérer les mots «, mais en rapport avec la gravité de l’infraction et ses conséquences pour la victime et avec le degré de culpabilité du jeune délinquant».

Amendement B (au projet de résolution)

Remplacer le paragraphe 6.4.1 par le paragraphe suivant:

«en veillant à ce que l’exécution d’une peine d’emprisonnement soit adaptée à l’âge du jeune délinquant. Les jeunes placés en détention doivent, notamment, être constamment séparés des délinquants plus âgés et, même dans les centres de détention spéciaux pour mineurs, les jeunes détenus doivent être protégés efficacement contre toute forme de violence commise par des codétenus plus âgés;».

Amendement C (au projet de résolution)

Remplacer le paragraphe 6.4.3 par le paragraphe suivant:

«en supprimant les peines d’emprisonnement à perpétuité pour tout crime commis par une personne de moins de 18 ans au moment des faits;»

Amendement D (au projet de résolution)

Au paragraphe 6.5, à la fin de la phrase, ajouter les mots «quand les circonstances s’y prêtent».

Amendement E (au projet de résolution)

Remplacer le paragraphe 6.6 par le paragraphe suivant:

«à s’abstenir de pénaliser les enfants qui prennent part aux infractions visant à les protéger, comme les fugues;»

C. Exposé des motifs, par Mme Van Vaerenbergh, rapporteure pour avis

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1. La commission des questions sociales, de la santé et du développement durable a présenté un rapport consacré à «Une justice pénale des mineurs adaptée aux enfants: de la rhétorique à la réalité». Il repose sur deux propositions de résolution: «Une justice adaptée aux enfants» 
			(1) 
			Doc. 12672. et «Les enfants en détention» 
			(2) 
			Doc. 12907.. La première proposition portait sur un large éventail de questions relatives à la protection de l’enfant dans différents types de procédures judiciaires (juridictions civiles et relatives aux affaires familiales, juridictions administratives et juridictions pénales, que l’enfant soit victime, témoin ou possible auteur d’infraction). Ces questions englobent la protection des données à caractère personnel de l’enfant et les garanties procédurales, qui visent à assurer le respect des droits à l’information, à la représentation, à la participation et à la protection de l’enfant. Le principal objet de cette proposition était de vérifier la mise en œuvre effective par les Etats membres du Conseil de l’Europe des «Lignes directrices sur une justice adaptée aux enfants», adoptées le 17 novembre 2010. La proposition mentionne également la nécessité de veiller à ce que l’âge de la responsabilité pénale ne soit pas trop précoce et que la responsabilité atténuée des jeunes délinquants soit dûment prise en compte dans le choix d’une peine. La deuxième proposition de résolution concerne la protection de l’enfant dans les différentes formes de détention, par exemple pour les mineurs migrants non accompagnés placés en rétention.
2. La commission principale a choisi de consacrer intégralement son rapport à la question du traitement de la délinquance juvénile, en excluant du même coup de son cadre les questions essentielles abordées dans la proposition de résolution. Bien que je déplore ce choix, il ne m’appartient pas, en ma qualité de rapporteure pour avis, de combler ces lacunes en présentant un deuxième rapport.
3. Je me limiterai donc à traiter les questions soulevées dans le projet de résolution dans sa forme présente et à proposer quelques amendements à caractère juridique. Ils visent, de mon point de vue, à apporter des précisions et à rétablir un juste équilibre entre les intérêts des jeunes délinquants et ceux de leurs victimes. N’oublions pas qu’une forte proportion de victimes de jeunes délinquants violents sont également des jeunes, voire des «enfants» au sens habituel du terme. Il s’agit des victimes de viols collectifs, de passages à tabac ou d’actes de torture, qui sont parfois handicapées à vie, voire assassinées par de jeunes voyous contre lesquels elles sont impuissantes sans la protection de services répressifs respectueux de l’Etat de droit.
4. Permettez-moi de préciser d’emblée que je suis résolument opposée à toute politique qui considère les enfants, les adolescents ou les jeunes adultes comme des adultes, surtout lorsqu’ils commettent une infraction grave, à l’image de ce qui se pratique aux Etats-Unis. Il est scientifiquement prouvé que, jusqu’à un certain âge et un certain degré de maturité, les jeunes ne sont en rien responsables, ou seulement en partie, de leurs actes: soit ils sont incapables de comprendre les implications et les conséquences de leurs actes, soit ils ne sont pas en mesure, ou moins en mesure, de se contrôler et de cesser de commettre un acte dont ils mesurent le caractère répréhensible; il arrive que ces deux facettes soient juxtaposées. Ce «degré de responsabilité» doit être pris en compte dans le choix de la peine. Si un enfant est irresponsable, il doit être acquitté; et lorsque sa responsabilité est atténuée, la peine qui lui est infligée doit s’en trouver diminuée d’autant, par rapport à la peine infligée à un adulte auteur de la même infraction. La difficulté réside dans l’appréciation du degré de responsabilité d’un délinquant mineur donné. Cette tâche incombe au juge; il doit être assisté d’experts compétents et correctement formé pour pouvoir apprécier lui-même la situation, au vu des circonstances de l’affaire. Les généralisations à caractère politique ne sont dans ce domaine d’aucune utilité.
5. Par ailleurs, si un délinquant mineur qui représente un véritable danger pour la société doit être acquitté ou être condamné à une peine clémente pour absence de responsabilité pénale, il convient de le placer dans un établissement éducatif adéquat. Ces établissements devraient être dotés de moyens et d’équipements adéquats pour pouvoir combler les lacunes éducatives à l’origine de cette absence de responsabilité pénale et pour protéger la société en attendant que le délinquant ait fait des progrès suffisants.
6. La conception de la commission principale, qui consiste à promouvoir une approche minimaliste – adepte de la «déjudiciarisation», opposée, autant que possible, à toute intervention des autorités répressives et, dans le cas contraire, favorable à l’application d’une peine aussi minime que possible dès lors qu’elle est inévitable, est trop partiale. Elle ne fait pas une distinction suffisante entre infraction non violente et infraction violente, ni entre les diverses catégories d’âge, et néglige les droits des victimes. C’est la raison pour laquelle je chercherai à promouvoir une approche plus nuancée, en proposant quelques amendements au projet de résolution.

1. Amendement A (au projet de résolution)

Note explicative:

L’ajout proposé apporte une précision et rappelle que les «enfants» de moins de 21 ans (voire 25 ans) commettent parfois des crimes extrêmement graves, qui ont de lourdes conséquences pour les victimes, et qu’il serait dans ce cas inadmissible de privilégier exclusivement l’intérêt supérieur du jeune délinquant.

2. Amendement B (au projet de résolution)

Note explicative:

Je partage l’idée que l’âge minimum de la responsabilité pénale soit fixé à 14 ans au moins (comme le précise le paragraphe 6.2). Mais au-delà de ce seuil, le juge doit pouvoir disposer de toutes les formes de sanctions pénales, y compris des peines d’emprisonnement. Le juge doit tenir compte, lorsqu’il fixe la peine infligée, de tous les éléments du dossier, y compris de la gravité de l’infraction, de ses conséquences pour la victime et du degré de culpabilité du jeune délinquant. Par ailleurs, dans sa forme actuelle, le paragraphe 6.4.1 exclurait même toute mesure éducative assortie d’un quelconque degré de privation de liberté pour le mineur, comme son placement dans un établissement de correction ou un établissement pour mineurs, lorsque la famille ne peut se charger de son éducation.

Cela dit, l’exécution d’une peine d’emprisonnement nécessaire – qui, j’en conviens, doit intervenir en dernier ressort – doit être adaptée à l’âge du jeune délinquant, comme le précise le nouveau libellé que je propose. Je suis d’ailleurs étonnée que cette exigence ne figure pas dans le libellé actuel du projet de résolution.

3. Amendement C (au projet de résolution)

Note explicative:

Le terme utilisé dans le libellé original («pour les enfants») est juridiquement imprécis. On ignore s’il englobe les jeunes délinquants de 21 ans, voire de 25 ans, ou proches de cet âge, qui peuvent encore relever du droit pénal applicable aux mineurs. Selon moi, il serait inopportun d’exclure catégoriquement la possibilité de condamner les jeunes délinquants de plus de 18 ans à quelque forme d’emprisonnement à perpétuité que ce soit.

La question de l’opportunité du réexamen d’une peine d’emprisonnement à perpétuité à la lumière de l’évolution de la personnalité du délinquant en prison et, en pareil cas, du nombre d’années écoulées avant qu’un tel réexamen soit envisageable, n’est pas propre aux jeunes délinquants. Mais il est possible que la probabilité d’une évolution plus rapide de la personnalité soit plus importante chez les jeunes délinquants, de sorte que leur libération conditionnelle soit envisageable.

4. Amendement D (au projet de résolution)

Note explicative:

Les programmes de déjudiciarisation, qui visent à éviter une sanction pénale, voire l’engagement d’une procédure devant une juridiction pénale, sont uniquement indiqués pour les infractions de moindre gravité. Les crimes commis avec violence, à commencer par ceux qui ont entraîné la mort ou une invalidité grave ou permanente, ou les viols ne devraient pas faire l’objet de programmes de déjudiciarisation, mais de sanctions pénales adaptées, qui tiennent compte de tous les aspects du dossier, y compris, naturellement, du degré de culpabilité du jeune délinquant.

5. Amendement E (au projet de résolution)

Note explicative:

Le terme employé dans le libellé initial («délits d’état») est trop vague, car il englobe non seulement les infractions liées au fait que le délinquant soit mineur, mais d’autres encore, comme celles qui, en vertu de la législation applicable dans certains Etats des Etats-Unis, permettent d’interdire la détention d’armes à feu à un délinquant condamné.