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Résolution 2004 (2014) Version finale

Contribution parlementaire à la résolution du conflit du Sahara occidental

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 25 juin 2014 (24e séance) (voir Doc. 13526, rapport de la commission des questions politiques et de la démocratie, rapporteure: Mme Liliane Maury Pasquier; et Doc. 13544, avis de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, rapporteure: Mme Maria Teresa Bertuzzi). Texte adopté par l’Assemblée le 25 juin 2014 (24e séance).

1. L'Assemblée parlementaire se félicite des progrès effectifs réalisés par le Maroc au sujet de diverses questions relatives aux droits de l'homme et à la démocratie, comme souligné dans la Résolution 1942 (2013) sur l'évaluation du partenariat pour la démocratie concernant le Parlement du Maroc, y compris de la création, en 2011, du Conseil national des droits de l'homme (CNDH) marocain et d'autres organisations de protection des droits de l'homme.
2. En même temps, l'Assemblée rappelle que, selon les termes de sa Résolution 1818 (2011) accordant le statut de partenaire pour la démocratie au Parlement du Maroc le 21 juin 2011, elle attend du Maroc qu'il continue à rechercher des moyens pacifiques de régler les litiges internationaux, conformément à la Charte des Nations Unies. Dans ce contexte, l'Assemblée a spécifiquement appelé le Parlement du Maroc «à contribuer davantage au règlement de la question du Sahara occidental, conformément aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations Unies».
3. Aujourd'hui, trois ans plus tard, l'Assemblée reste préoccupée par la lenteur des progrès dans la recherche d'une solution politique juste et durable au conflit du Sahara occidental, qui reste source d'épreuves et de souffrances depuis presque quarante ans.
4. L'Assemblée note en particulier que le Sahara occidental reste un territoire disputé, considéré comme «territoire non autonome» par les Nations Unies et administré de fait par le Maroc, et qu'une partie de la population sahraouie du territoire et des réfugiés des camps de Tindouf en Algérie, liée au Front Polisario, s'oppose à cette situation. A cet égard, l'Assemblée:
4.1. appuie la Résolution 2152 (2014) du Conseil de sécurité des Nations Unies et demande aux parties de poursuivre les négociations sous les auspices du Secrétaire général des Nations Unies, sans conditions préalables et de bonne foi, en tenant compte des efforts faits depuis 2006 et des faits nouveaux survenus depuis, en vue de parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable qui respecte l'autodétermination du peuple du Sahara occidental dans le contexte d'arrangements conformes aux buts et principes énoncés dans la Charte des Nations Unies;
4.2. prend note de la proposition marocaine et des efforts sérieux et crédibles qui sous-tendent cette proposition, visant à accorder une large autonomie à la population sahraouie, qui serait dotée de ses propres organes législatif, exécutif et judiciaire, ainsi que de ressources financières lui permettant de se développer;
4.3. encourage les parties à renforcer la participation des Sahraouis aux négociations politiques, conformément au «principe de la primauté des intérêts des habitants [des] territoires [non autonomes]» énoncé dans l’article 73 de la Charte des Nations Unies;
4.4. prend note de la proposition du Front Polisario, qui considère que la solution au conflit doit passer par l'exercice, par le peuple sahraoui, de son droit à l'autodétermination à travers un référendum;
4.5. prend note des obstacles à l'organisation d'un référendum et, notamment, à l'identification des électeurs, dont est chargée la Mission des Nations Unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental (MINURSO), qui, à l'heure actuelle, veille au respect du cessez-le-feu, et soutient les mesures de confiance visant à répondre aux besoins des familles sahraouies déplacées ainsi que les programmes de déminage de la région;
4.6. souligne que le statu quo engendre, en particulier chez les jeunes, une frustration croissante qui risque de générer de la violence dans toute la région sahélo-saharienne;
4.7. encourage les parties à maintenir le dialogue, à rester en contact de manière constructive avec l'envoyé personnel du Secrétaire général des Nations Unies pour le Sahara occidental, et à faire preuve de réalisme et d'un esprit de compromis pour progresser dans les négociations;
4.8. rappelle que la question des droits de l'homme reste un élément essentiel de tout règlement global du conflit et souligne que leur respect doit être immédiatement assuré au Sahara occidental ainsi que dans les camps de réfugiés de Tindouf, sans préjuger d’un règlement politique du conflit à propos du statut du territoire;
4.9. se félicite du récent projet de loi approuvé par le Conseil des ministres du Maroc le 14 mars 2014 relatif à la réforme de la justice militaire, visant à mettre fin à la pratique de juger des civils devant un tribunal militaire, quels que soient les crimes commis, ainsi que de la création d'un réseau de parlementaires contre la peine de mort au sein du Parlement du Maroc;
4.10. prend note, avec satisfaction, des efforts consentis par le Maroc pour la promotion et la protection des droits de l'homme à travers, notamment, le renforcement de ses institutions nationales des droits de l'homme, et pour la poursuite de son interaction positive avec les mécanismes de procédures spéciales des Nations Unies, conformément à ses obligations internationales. Il s'agit notamment du renforcement du rôle du CNDH et de la nomination de personnes de contact au niveau ministériel pour donner suite aux recommandations du CNDH, en particulier aux bureaux de Laâyoune et de Dakhla;
4.11. s'inquiète néanmoins d'un certain nombre d'allégations de violations des droits de l'homme au Sahara occidental, en particulier en matière de libertés d'expression, de réunion et d'association, ainsi que des allégations de torture, de traitements inhumains ou dégradants, ou de violation du droit à un procès équitable;
4.12. s'inquiète également des allégations de violations des droits de l'homme dans les camps de réfugiés sahraouis de Tindouf, notamment en matière de libertés d'expression, de réunion, d'association et de circulation, ainsi que de la situation humanitaire dans les camps, aggravée par la crise économique mondiale, le chômage, l'absence de perspectives et une situation extrêmement préoccupante et instable au Sahel;
4.13. constate avec satisfaction que, depuis mars 2004, les visites des familles se déroulent de manière satisfaisante entre les camps de réfugiés et les territoires du Sahara occidental, et invite les deux parties à continuer de coopérer avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et la MINURSO pour le bon déroulement de ces visites des familles.
5. Plus particulièrement, l'Assemblée appelle les autorités marocaines:
5.1. à intensifier les efforts et la coopération avec le CNDH et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) afin de retrouver les personnes qui restent portées disparues dans le cadre du conflit, et à procéder à l'exhumation et à la restitution des dépouilles aux familles;
5.2. à mettre en œuvre les recommandations issues des Procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, avec lequel le CNDH, l'Institut du médiateur et la Délégation interministérielle aux droits de l'homme coopèrent activement;
5.3. à garantir la liberté d'expression et à réviser certains articles du Code de la presse, la loi sur les associations ainsi que les autres lois qui rendent illégaux les discours et les activités politiques et de la société civile considérés comme portant atteinte à «l'intégrité territoriale» du Maroc, et à garantir la liberté de mouvement des journalistes et des visiteurs étrangers qui se rendent au Sahara occidental;
5.4. à respecter le droit des personnes à se réunir pacifiquement, y compris celui des défenseurs de l'autodétermination du peuple sahraoui, et à s'assurer que toute restriction est temporaire et limitée au strict nécessaire;
5.5. à assurer le respect de la loi marocaine sur les associations en mettant fin à la pratique qui consiste à refuser, pour des raisons formelles, les documents de constitution déposés par des associations de la société civile sahraouie non enregistrées;
5.6. à veiller à ce que l'action de la police reste mesurée et à renforcer les programmes de formation aux droits de l'homme à l’intention des membres des forces de l'ordre ainsi que des juges et des procureurs, en partenariat avec le Conseil de l'Europe;
5.7. à organiser des enquêtes indépendantes pour déterminer la responsabilité de la police marocaine à la suite des plaintes de civils concernant des violations des droits de l'homme au Sahara occidental, à examiner toutes les allégations de torture et à s'assurer qu'aucune déclaration obtenue par la force n’est admise comme preuve;
5.8. à accorder aux accusés du procès des événements de Gdeim Izik de décembre 2010 le droit d'être jugés de nouveau par un tribunal civil, en accord avec la proposition d’un projet de loi stipulant que les civils ne devront plus répondre de leurs actes, quels que soient les crimes commis, devant un tribunal militaire;
5.9. à poursuivre les efforts accomplis au sujet de l'abolition de la peine de mort et à déclarer entre-temps un moratoire de jure sur les exécutions;
5.10. à renforcer le rôle des institutions marocaines de protection des droits de l'homme, en particulier le CNDH, par rapport à la situation des droits de l'homme au Sahara occidental;
5.11. à signer l’Acte d’engagement de l'Appel de Genève pour l’adhésion à l'interdiction totale des mines antipersonnel et à une coopération dans l’action contre les mines, et à adhérer à la Convention des Nations Unies sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel, et sur leur destruction.
6. L'Assemblée invite également les représentants du Front Polisario et l'Algérie:
6.1. à permettre au HCR de conduire un recensement et de procéder à l'enregistrement et à l'identification des populations des camps de Tindouf pour établir le nombre effectif de réfugiés dans ces camps;
6.2. à inviter les experts indépendants des droits de l’homme («procédures spéciales») du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies à se rendre dans toutes les parties de la région;
6.3. à veiller à l'amélioration de la situation humanitaire des réfugiés dans les camps de Tindouf et à s'acquitter de leurs obligations au regard du droit humanitaire;
6.4. à coopérer avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et les mécanismes de procédures spéciales des Nations Unies pour élucider la situation des cas des disparus marocains dans les camps de Tindouf sur le territoire algérien;
6.5. à coopérer avec les Nations Unies pour un règlement juste et définitif de ce conflit, à faire preuve de réalisme et d'une attitude constructive dans les négociations, et à intensifier le dialogue sur toute question concernant les droits de l'homme dans les camps de réfugiés;
6.6. à garantir le respect des droits d'expression, de réunion et d'association pour tous les résidents des camps, y compris en s'assurant qu'ils sont libres de prôner des options pour le Sahara occidental autres que l'indépendance;
6.7. à garantir aux résidents des camps le respect de leur liberté de circulation, y compris, si tel est leur souhait, de quitter les camps et de s'installer sur le territoire du Sahara occidental;
6.8. à développer une culture des droits de l'homme dans les camps de réfugiés et à organiser des programmes de formation aux droits de l'homme à l’intention des membres des forces de l'ordre ainsi que des juges et des procureurs, des membres des institutions et des représentants de la société civile.
7. L'Assemblée encourage toutes les institutions parlementaires de la région à prendre une part plus active et à s'impliquer davantage dans la recherche de solutions qui facilitent les négociations et consolident la confiance mutuelle entre les parties au conflit, y compris en facilitant des échanges directs.
8. En particulier, l'Assemblée invite le Parlement du Maroc, conformément aux engagements pris dans le cadre de la Résolution 1818 (2011) lui accordant le statut de partenaire pour la démocratie:
8.1. à encourager le Gouvernement marocain à mettre en œuvre toutes les recommandations formulées dans le cadre des Nations Unies et du CNDH, et à continuer à développer une véritable culture des droits de l'homme au Sahara occidental;
8.2. à s'ouvrir au dialogue avec les associations de la société civile sahraouie non enregistrées et les défenseurs des droits de l'homme, avec les autorités du Front Polisario basées dans les camps de Tindouf, tel le Conseil national sahraoui, ainsi qu'avec les parlementaires algériens, afin de développer la confiance mutuelle et de faciliter les négociations.
9. L'Assemblée appelle également tous les Etats membres du Conseil de l'Europe:
9.1. à intensifier et conjuguer leurs efforts dans la recherche d'une solution politique juste et définitive au conflit, qui permette l'instauration d’une sécurité et d'une stabilité durables dans la région sahélo-saharienne;
9.2. à fournir des fonds d'urgence au programme visant à renforcer la confiance et au programme d'exécution du mandat du HCR dans les camps de réfugiés de Tindouf.
10. Enfin, l'Assemblée estime que les avancées réalisées par le Maroc en matière de droits de l'homme au Sahara occidental, ainsi que la mise en œuvre de la présente résolution, devraient désormais être prises en compte dans le prochain rapport d'évaluation du partenariat pour la démocratie concernant le Parlement du Maroc, prévu en 2015. Dans ce contexte, l'Assemblée reste prête à faciliter les échanges directs entre les parties concernées.