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Résolution 2005 (2014) Version finale
Identités et diversité au sein de sociétés interculturelles
1. L’Assemblée parlementaire est fermement
convaincue que la diversité culturelle est un état de fait inhérent
à la société humaine en raison non seulement de la migration transfrontalière,
mais aussi des effets culturels de la mondialisation, ainsi que
de l’utilisation répandue des nouvelles technologies et des nouveaux médias
qui nous facilitent l’accès à l’information et aux plates-formes
de communication.
2. L’Assemblée observe que les relations avec des personnes d’origines
culturelles différentes sont devenues pour une majorité de personnes
une expérience courante à l’école, sur le lieu de travail ou d’habitation
et dans les espaces publics, notamment en milieu urbain. De plus
en plus d’individus, en particulier parmi les jeunes générations,
ont plusieurs affiliations culturelles à exploiter, mais aussi à
gérer, au quotidien. Leur «identité composite» ne peut plus être
limitée à une «identité collective» liée à un groupe ethnique ou religieux
particulier.
3. Quoi qu’il en soit, l’incompréhension et la peur de l’autre
font obstacle aux échanges et interactions interculturels. Si elles
ne sont pas gérées de façon positive, les différences culturelles
conduisent à la radicalisation, à des formes de conflits paralysantes,
et même à la violence. L’Assemblée s’inquiète de la montée des partis
politiques antidémocratiques et xénophobes en Europe, et appelle
à une évolution radicale du discours et de l’action politiques:
il faut reconnaître le rôle des différentes cultures dans le développement d’identités
nationales et d’une identité européenne caractérisée par la diversité,
le pluralisme et le respect des droits de l’homme et de la dignité
humaine.
4. L’Assemblée estime que ce profond changement sociétal exige
de reconsidérer en urgence les processus, mécanismes et relations
nécessaires à la lutte contre le racisme et l’intolérance, et au
renforcement du pluralisme et de la démocratie au sein des sociétés
européennes. L’Assemblée reconnaît à cet égard les circonstances
très diverses qui ont présidé à l’émergence et au développement
de sociétés nationales dans l’Europe occidentale, orientale, septentrionale
et méridionale, et insiste sur le besoin de tenir compte de ces différences
historiques en examinant ce que signifie la diversité culturelle
dans différentes parties de l’Europe et ce qu’elle implique pour
la société.
5. L’Assemblée souligne également l’importance d’un renforcement
des politiques culturelles et éducatives pour valoriser le potentiel
des jeunes générations aux identités composites et en tirer parti.
Cela appelle un examen approfondi des politiques nationales (non
seulement limité à la culture, à la jeunesse et aux politiques d'éducation,
mais en adoptant une démarche plus large pour couvrir en particulier
les politiques de l’emploi, de cohésion sociale, de logement et
de sécurité), souvent caractérisées par des approches «défensives»,
et invite à l’élaboration d’outils innovants. D’une part, ces politiques
devraient non seulement reconnaître la diversité et promouvoir la
tolérance, mais admettre également l’originalité de chaque identité,
et encourager les échanges et interactions positifs. Elles devraient
d’autre part prendre en compte la nature européenne et même mondiale
du phénomène et, ainsi, la nécessité de travailler ensemble comme
condition préalable à des résultats probants et durables.
6. Se fondant aussi sur ses travaux antérieurs, en lien notamment
avec la gouvernance participative, l’égalité des droits, la non-discrimination,
les droits culturels, l’éducation, la jeunesse et les médias, l’Assemblée
recommande aux parlements et gouvernements des Etats membres du
Conseil de l’Europe:
6.1. concernant
l’élaboration des stratégies et des politiques:
6.1.1. de
reconnaître la diversité culturelle en tant que facteur d’innovation
et de développement, et d’en faire un objectif stratégique à long
terme, en prenant les rênes politiques et en établissant entre les
parties un consensus permettant de concrétiser l’agenda interculturel au
niveau national;
6.1.2. de mettre au point une stratégie interculturelle globale
notamment axée sur la sensibilisation et l’engagement public (campagnes,
ambassadeurs du dialogue interculturel, etc.), la cohésion entre
les diverses parties concernées (dialogue, enrichissement mutuel
et développement de projets collaboratifs), la lutte contre le racisme
(surveillance et prévention), la planification de la diversité (logement,
urbanisme) et l’instauration d’une économie interculturelle (la
diversité en tant qu’atout pour l’innovation et la compétitivité);
6.1.3. d’intégrer les questions relatives à la diversité et au
dialogue interculturel dans tous les domaines d’action pertinents
et en particulier dans les politiques en matière de culture, d’éducation,
de jeunesse et de médias, et d’imaginer des moyens innovants de
les intégrer d’un point de vue interculturel;
6.2. concernant la mise en œuvre des politiques:
6.2.1. de
respecter l’égalité des droits et, en particulier, d’harmoniser
la législation en matière de droits civils pour tous les citoyens,
quelles que soient leurs origines ethniques ou culturelles; de garantir
la liberté de chaque personne de déterminer ses appartenances culturelles
et son identité; d’assurer l’égalité d’accès à l’éducation, à la
culture et aux expressions culturelles;
6.2.2. de créer un climat favorisant durablement le dialogue
et la compréhension grâce à l’instauration de rapports de force
plus égalitaires, de processus de communication interactive et de
conditions propices à l’émancipation par le développement de la
confiance en soi, accompagnés d’un sens de la responsabilité collective;
6.2.3. de revoir le système éducatif pour renforcer sa capacité
à favoriser la compréhension de la diversité et le développement
de compétences interculturelles dès le plus jeune âge; à cet égard,
d’encourager l’application de la Charte du Conseil de l’Europe sur
l’éducation à la citoyenneté démocratique et l’éducation aux droits
de l’homme, et avoir recours à des outils et manuels appropriés,
y compris aux résultats du projet sur l’éducation interculturelle (programmes,
enseignement et matériels scolaires);
6.2.4. de promouvoir le plurilinguisme dans l’éducation formelle
et non formelle, et d’élaborer des politiques et programmes encourageant
le partage des expériences internationales, ainsi que la mobilité
des jeunes et des jeunes adultes, pour renforcer les compétences
interculturelles;
6.2.5. de promouvoir le rôle des médiateurs interculturels et
de mettre au point une formation ciblée pour les fonctionnaires
et les éducateurs, dans le but de renforcer leurs compétences interculturelles;
6.2.6. d’exiger des institutions financées par les pouvoirs publics
qu’elles reflètent plus concrètement la diversité – que ce soit
parmi leurs dirigeants, au sein des conseils d’administration, parmi
leur personnel, chez les usagers ou dans la programmation (artistes
et public); et de concevoir des «règles interculturelles» en tant
que principe de bonne gouvernance et critère d’attribution de subventions;
6.2.7. d’utiliser les espaces publics (musées, bibliothèques,
centres culturels et d’art, etc.), les événements culturels et autres
(festivals de musique et de cinéma, manifestations sportives, etc.),
ainsi que des plates-formes virtuelles, pour cultiver l’interculturalité
et partager une même vision d’une société solidaire et plurielle;
6.3. concernant les partenariats et la coopération:
6.3.1. de conclure des partenariats avec un vaste réseau d’organisations,
dont des organisations de jeunesse, des associations non gouvernementales,
des entreprises, des syndicats, des médias, des élus locaux, des
acteurs culturels, des éducateurs et des «innovateurs» interculturels,
et tirer parti de l’expérience acquise grâce à des initiatives pilotes concluantes;
6.3.2. d’encourager les médias publics à contribuer à ce processus
en instaurant à l’échelle nationale des partenariats et des programmes
visant une diversité équilibrée dans l’information, en utilisant
des récits pour dépeindre la diversité culturelle comme un atout
plutôt que comme une menace pour la société;
6.3.3. de reconnaître le rôle de plus en plus important des pouvoirs
locaux dans la promotion et la mise en œuvre de la politique interculturelle
et des actions pilotes, et, dans ce contexte, de faire le point
sur les mécanismes actuels (délégation de compétences, structure
juridique, cofinancement, etc.) afin de faciliter ce processus;
6.3.4. en collaboration avec le Conseil de l’Europe et l’Union
européenne, de rechercher des partenariats dans le but de développer
une coopération transfrontalière pour prendre en compte les spécificités
régionales, de concevoir des stratégies communes en faveur de la
diversité et des projets pilotes qui encouragent les échanges culturels
et façonnent des identités plus composites et nuancées, notamment
dans les zones géographiques d’Europe centrale, orientale et du
Sud-Est, qui comptent de nombreuses minorités et entretiennent des
liens culturels et historiques par-delà les frontières.