Imprimer
Autres documents liés

Rapport | Doc. 13586 | 02 septembre 2014

Le respect des obligations et engagements de l’Albanie

Commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l'Europe (Commission de suivi)

Corapporteur : M. Grigore PETRENCO, République de Moldova, GUE

Corapporteur : M. Jonathan EVANS, Royaume-Uni, GDE

Origine - Renvoi en commission: Résolution 1115 (1997). 2014 - Quatrième partie de session

Résumé

La commission de suivi se félicite des progrès substantiels accomplis par les autorités albanaises pour honorer leurs obligations et engagements à l’égard du Conseil de l’Europe malgré le retard pris dans la mise en œuvre de nombreuses réformes en raison de la profonde crise politique qu’a connue le pays suite aux élections législatives de 2009.

Toutefois, en dépit des progrès réalisés, de nombreux problèmes graves subsistent en Albanie concernant, en particulier, l’impartialité des institutions démocratiques et de la fonction publique, l’indépendance de la justice et la lutte contre la corruption endémique.

Toutes les parties prenantes, les autorités comme l’opposition, doivent adopter des mesures concrètes cohérentes pour s’assurer que les obligations de membre et les engagements contractés lors de l’adhésion du pays au Conseil de l’Europe sont pleinement respectés. A cet égard, la commission souligne qu’il est capital que les nombreuses réformes et dispositions législatives adoptées soient bel et bien appliquées pour remédier efficacement aux problèmes constatés, notamment par l’Assemblée.

En conséquence, la commission recommande à l’Assemblée de poursuivre le suivi du respect des obligations et engagements contractés par l’Albanie.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 24 juin
2014.

(open)
1. L’Albanie a adhéré au Conseil de l’Europe le 29 juin 1995. Lors de son adhésion, l’Albanie s’est engagée à respecter les obligations que l’article 3 du Statut du Conseil de l’Europe (STE n° 1) impose à chaque Etat membre concernant le pluralisme démocratique, la prééminence du droit et les droits de l’homme. Elle a également pris un certain nombre d’engagements spécifiques dont la liste figure dans l’Avis 189 (1995) sur la demande d’adhésion de l’Albanie au Conseil de l’Europe, adopté par l’Assemblée parlementaire le 29 juin 1995. Conformément à la procédure de suivi établie dans la Résolution 1115 (1997), l’Assemblée a régulièrement évalué les progrès accomplis par l’Albanie dans l’exécution de ses obligations et de ses engagements.
2. L’Assemblée se félicite des progrès substantiels que l’Albanie a réalisés récemment pour honorer ses obligations et ses engagements à l’égard du Conseil de l’Europe. Dans ce contexte, elle regrette toutefois que de nombreuses réformes importantes aient été retardées ou altérées par la profonde crise politique qui a frappé le pays au lendemain des élections législatives de 2009 et qui a amené l’opposition à boycotter de fait les travaux du parlement pendant deux ans.
3. Les élections législatives de 2009, et dans une moindre mesure celles de 2013, ainsi que les élections locales de 2011, ont souligné les tensions et la polarisation politiques qui règnent en permanence en Albanie, en particulier entre les deux grands partis qui dominent le paysage politique. L’Assemblée salue donc les réformes électorales qui ont été mises en œuvre, de façon globalement consensuelle, pour renforcer le processus électoral et remédier aux insuffisances constatées durant les élections précédentes. En ce qui concerne la réforme électorale, l’Assemblée:
3.1. invite toutes les forces politiques à convenir de nouvelles réformes électorales pour répondre aux préoccupations et lever les ambiguïtés restantes qui rendent le processus électoral vulnérable à d’éventuels détournements ou obstacles, conformément aux recommandations de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise);
3.2. note que la création de centres de dépouillement centralisés a engendré des retards conséquents dans le décompte des voix, ce qui peut avoir des conséquences négatives sur l’opinion publique quant à la légitimité des résultats des élections. L’Assemblée recommande donc d’augmenter considérablement le nombre de ces centres pour les élections à venir;
3.3. constate que l’administration électorale reste en réalité divisée par des logiques partisanes, qui entravent le déroulement efficace et impartial des élections. Elle recommande l’application de nouvelles réformes pour garantir une véritable indépendance de l’administration électorale vis-à-vis des partis;
3.4. souligne que les changements apportés au Code électoral ne suffisent pas, à eux seuls, à corriger les dysfonctionnements récurrents dans le déroulement des élections. Cela ne sera possible que si les réformes électorales s’accompagnent d’un changement dans l’attitude et les pratiques des principaux acteurs de la scène politique.
4. L’Assemblée prend note des réformes parlementaires qui ont été adoptées par consensus entre la majorité au pouvoir et l’opposition en vue de garantir le bon fonctionnement du parlement et d’encourager le dialogue politique. L’Assemblée souligne toutefois qu’une coopération constructive entre la majorité et l’opposition, fondée sur un respect mutuel du rôle constitutionnel et de la place de chacun dans un système démocratique, ne peut pas être imposée uniquement par des règles de procédure. Elle passe également par un changement d’attitude, le développement d’une culture de la coopération et le renforcement des valeurs démocratiques par toutes les parties concernées. A cet égard, l’Assemblée regrette la rhétorique et les interactions agressives permanentes entre l’opposition et les partis au pouvoir. Elle exhorte donc l’opposition à ne plus recourir au boycott des travaux du parlement et de ses commissions, et engage le pouvoir à ne pas profiter de sa majorité constitutionnelle pour contourner l’opposition, ainsi qu’à rechercher autant que possible un consensus sur les réformes importantes.
5. L’Assemblée se réjouit de l’environnement médiatique pluraliste et diversifié qui existe en Albanie. Toutefois, elle déplore qu’il soit extrêmement politisé, y compris sur les chaînes publiques. En ce qui concerne les médias, l’Assemblée:
5.1. appelle toutes les forces politiques à poursuivre la réforme de l’opérateur public de radiodiffusion en vue de garantir son indépendance et son impartialité et à adopter une nouvelle procédure de nomination des membres du Conseil national de la radio et de la télévision qui favorisera l’apparition d’un environnement médiatique pluraliste et indépendant;
5.2. exhorte les pouvoirs publics à veiller à ce que les campagnes de publicité du gouvernement ne soient pas attribuées aux médias en fonction de leur appartenance politique;
5.3. se félicite de la plus grande transparence de la propriété des médias en Albanie à la suite de la création du Centre national d’enregistrement des entreprises;
5.4. salue la suppression des peines d’emprisonnement pour diffamation ainsi que de la protection spéciale contre la diffamation dont jouissaient certaines catégories de personnes. Elle regrette cependant que la diffamation ne soit pas complètement dépénalisée, ce qui peut encore avoir un effet dissuasif sur les journalistes et les inciter à pratiquer l’autocensure. L’Assemblée invite donc le parlement à dépénaliser complètement la diffamation, conformément aux normes du Conseil de l’Europe en la matière.
6. Du point de vue de l’Assemblée, une fonction publique impartiale et non partisane est essentielle au fonctionnement des institutions démocratiques albanaises. L’Assemblée prend note du retard pris dans l’application de la loi sur la fonction publique qui prévoit, entre autres, des règles strictes de nomination et de révocation des fonctionnaires sur la base du mérite. Ce retard controversé, associé aux changements à grande échelle de personnel à tous les niveaux de la fonction publique depuis l’arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement, témoigne de la politisation de la fonction publique et des tentatives visant à la placer sous le contrôle du parti. L’Assemblée déplore cette politisation à tous les niveaux de la fonction publique et invite tous les partis à s’abstenir de toute action nuisible au bon fonctionnement des institutions publiques et à la confiance du public en leur impartialité.
7. L’Assemblée se réjouit de la priorité accordée par les nouvelles autorités à la réforme administrative et territoriale et au renforcement des collectivités locales, qui forment le pilier central de la consolidation démocratique de la société albanaise. Elle salue la création d’une commission parlementaire ad hoc, fondée sur la participation équitable de la majorité au pouvoir et de l’opposition, pour préparer cette réforme. Aux yeux de l’Assemblée, il faut y voir un signe de l’intention des autorités d’élaborer ces réformes importantes en s’appuyant sur un large consensus entre les différentes forces politiques du pays. A cet égard, l’Assemblée regrette la décision de l’opposition de boycotter les travaux de cette commission et lui demande instamment de revoir sa position. En ce qui concerne la réforme administrative et territoriale envisagée, l’Assemblée:
7.1. se félicite de la proposition des pouvoirs publics de réduire le nombre de collectivités locales, en vue de créer des communes plus fortes et plus efficaces qui puissent être des unités territoriales autonomes viables;
7.2. encourage les autorités à poursuivre le développement d’une stratégie globale pour améliorer l’efficacité du fonctionnement des collectivités locales, notamment le financement des services qu’elles sont censées fournir, en vue de réduire leur dépendance vis-à-vis du pouvoir central;
7.3. recommande que la loi sur l’organisation et le fonctionnement des collectivités locales soit modifiée pour garantir la pleine responsabilité des maires devant leur conseil municipal;
7.4. salue les initiatives des pouvoirs publics et les encourage à poursuivre leur action pour faire en sorte que la réforme administrative et territoriale soit ouverte à tous les acteurs et fasse l’objet d’un consensus, non seulement entre la majorité au pouvoir et l’opposition, mais aussi entre le gouvernement central et les collectivités locales concernées. Dans ce contexte, l’Assemblée invite l’opposition à participer pleinement aux travaux de la commission ad hoc du parlement sur la réforme administrative et territoriale.
8. L’Assemblée craint que, malgré de nombreuses réformes, l’indépendance et l’impartialité de la justice ne soient pas suffisamment garanties et que celle-ci continue de subir des pressions et des ingérences politiques. Il est urgent de mettre en œuvre d’autres réformes d’ensemble, notamment des modifications de la Constitution, pour garantir l’indépendance du système judiciaire et l’administration efficace de la justice, ce qui devrait être une priorité pour les autorités. En ce qui concerne la réforme du système judiciaire et de la justice, l’Assemblée notamment:
8.1. se déclare préoccupée par la corruption systémique et généralisée à tous les niveaux du système judiciaire, qui compromet l’efficacité et l’impartialité de cette institution;
8.2. encourage les autorités à réformer la Cour suprême et le Haut Conseil de la justice conformément aux recommandations de la Commission de Venise, en particulier concernant les procédures disciplinaires et de nomination de leurs membres;
8.3. demande instamment aux pouvoirs publics de réviser les procédures disciplinaires et de nomination des juges en vue de les rendre moins vulnérables à la politisation et à l’ingérence politique qui ébranlent l’impartialité du système judiciaire;
8.4. se félicite de l’étroite coopération que les autorités cherchent à établir avec la Commission de Venise pour réformer la justice et le système judiciaire du pays et les engage à mettre en œuvre rapidement ses recommandations.
9. La corruption persistante et endémique qui règne à tous les niveaux de la société albanaise entrave le développement démocratique et socio-économique du pays et constitue un réel motif d’inquiétude pour l’Assemblée. A cet égard, l’Assemblée regrette que, malgré une récente augmentation des poursuites, la plupart des indicateurs montrent que la corruption a en fait progressé au lieu de reculer ces dernières années, ce qui révèle que les mesures et les stratégies de lutte contre la corruption n’ont obtenu pour l’instant que des résultats limités. En ce qui concerne la lutte contre la corruption, l’Assemblée:
9.1. salue la révision de la Constitution et la modification du Code de procédure pénale qui limitent l’immunité des membres du gouvernement, des parlementaires, des juges et des hauts fonctionnaires, et permettent d’enquêter sur ces personnes et de les poursuivre sans autorisation préalable. Elle exhorte les pouvoirs publics à adopter rapidement les textes d’application nécessaires à l’entrée en vigueur effective des modifications de la Constitution;
9.2. appelle toutes les forces politiques d’Albanie à démontrer qu’elles ont la volonté politique nécessaire pour mettre en œuvre intégralement et efficacement une stratégie cohérente et performante de lutte contre la corruption, et pour allouer des ressources suffisantes à son application;
9.3. déplore les évènements récents qui mettent en cause l’indépendance de la Haute inspection pour la déclaration et la vérification du patrimoine. L’Assemblée invite les autorités à veiller à ce que cette institution bénéficie de ressources suffisantes, car il s’agit d’un instrument important dans la lutte contre la corruption. En outre, elle exhorte les pouvoirs publics à garantir que le parquet assure un suivi rapide de tous les cas d’infraction à la loi sur la déclaration du patrimoine;
9.4. se réjouit des progrès signalés par le Groupe d'Etats contre la corruption (GRECO) s’agissant de l’adoption d’une législation anticorruption et appelle instamment les pouvoirs publics à faire en sorte qu’elle soit désormais appliquée dans son intégralité et avec efficacité.
10. L’Assemblée prend note du grand nombre d’affaires en instance contre l’Albanie devant la Cour européenne des droits de l’homme. Celles-ci révèlent un dysfonctionnement structurel persistant dans l’application des décisions prononcées par les juridictions nationales et l’absence de recours effectif. A cet égard, l’Assemblée salue l’adoption récente d’un plan d’action pour appliquer les mesures générales ordonnées dans l’arrêt pilote Manushaqe Puto et autres c. Albanie. Elle engage les autorités à examiner toutes les possibilités pour réduire autant que possible le retard dans la mise en œuvre de ce plan d’action, comme l’a également demandé le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe.
11. L’Assemblée se félicite des progrès significatifs accomplis dans le renforcement des mécanismes de protection des droits de l’homme en Albanie, ainsi que de la signature et la ratification de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE n° 210). Elle demande aux autorités compétentes de prendre toutes les mesures nécessaires pour enrayer la récente augmentation des crimes d’honneur et des vendettas, qui est une source de préoccupation.
12. L’Assemblée salue les efforts des pouvoirs publics pour améliorer les conditions de détention et réduire la surpopulation carcérale. Toutefois, elle se déclare très préoccupée par les allégations de mauvais traitements de détenus par la police au cours des interrogatoires et par les conditions de détention déplorables dans les postes de police. Elle appelle donc les autorités albanaises à remédier au plus vite à cette situation.
13. S’agissant de la protection des droits des minorités et de la lutte contre la discrimination, tout en reconnaissant les progrès globalement réalisés à cet égard, l’Assemblée:
13.1. recommande au Parlement albanais d’adopter un système de reconnaissance des minorités nationales et ethniques plus souple et plus adapté;
13.2. exhorte le parlement à adopter une législation globale sur les minorités;
13.3. salue l’adoption d’une loi globale contre les discriminations et encourage les pouvoirs publics à en appliquer les dispositions de façon systématique et cohérente;
13.4. regrette que l’Albanie n’ait ni signé ni ratifié la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (STE n° 148), bien que cela fasse explicitement partie des engagements d’adhésion. L’Assemblée invite les autorités à honorer cet engagement dans les plus brefs délais.
14. L’Assemblée se félicite du rôle actif et efficace joué par le médiateur national en Albanie. Elle prie en outre les autorités de s’assurer qu’il dispose de ressources suffisantes pour mener à bien sa mission et demande au Parlement albanais d’inscrire systématiquement à son ordre du jour les rapports statutaires et spéciaux du médiateur pour débat.
15. En dépit des progrès réalisés par l’Albanie pour honorer ses obligations de membre et les engagements pris lors de son adhésion, de graves préoccupations subsistent, en particulier concernant l’impartialité des institutions démocratiques et de la fonction publique, l’indépendance de la justice et la lutte contre la corruption endémique dans le pays. Des mesures concrètes doivent être prises par toutes les parties prenantes, les autorités et l’opposition, afin de garantir que ces engagements et obligations sont intégralement respectés. A cet égard, l’Assemblée insiste sur le fait qu’il est capital que les nombreuses réformes et dispositions législatives adoptées soient appliquées pour apporter une réponse effective aux problèmes qu’elle n’est pas seule à avoir soulevés. En conséquence, l’Assemblée décide de continuer à suivre le respect des obligations et engagements contractés par l’Albanie.

B. Exposé des motifs, par M. Petrenco et M. Evans, corapporteurs

(open)

1. Introduction

1. L’Albanie a adhéré au Conseil de l’Europe le 29 juin 1995. Lors de son adhésion, elle s’est engagée à respecter les obligations que l’article 3 du Statut du Conseil de l’Europe impose à chaque Etat membre concernant la démocratie pluraliste, la prééminence du droit et les droits de l’homme. Elle a également pris un certain nombre d’engagements spécifiques dont la liste figure dans l’Avis 189 (1995) sur la demande d’adhésion de l’Albanie au Conseil de l’Europe, adopté par l’Assemblée parlementaire le 29 juin 1995.
2. Conformément à la procédure de suivi établie dans la Résolution 1115 (1997), l’Assemblée a régulièrement évalué les progrès accomplis par l’Albanie dans l’exécution de ses obligations et de ses engagements. Le précédent rapport sur le respect des obligations et engagements de l’Albanie 
			(2) 
			Doc. 11115. a été examiné par l’Assemblée le 27 janvier 2007 et a conduit à l’adoption de la Résolution 1538 (2007). Un autre rapport sur le respect des obligations et engagements de l’Albanie devait être examiné lors de la partie de session de l’Assemblée de janvier 2010. La commission de suivi avait donc examiné un avant-projet de rapport, ainsi que les observations des autorités albanaises sur ce texte. Toutefois, en raison de la crise politique qui a éclaté après les élections de juin 2009, et notamment du boycott du parlement par l’opposition – qui a paralysé les principales réformes et bloqué le fonctionnement global du parlement –, ce rapport a été remplacé par un rapport sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Albanie 
			(3) 
			Doc. 12113, Résolution
1709 (2010) et Recommandation
1902 (2010).. Ce rapport a été examiné à l’Assemblée le 28 janvier 2010 et a abouti à l’adoption de la Résolution 1709 (2010). Ensuite, le Comité des Présidents et les corapporteurs se sont rendus en Albanie les 22 et 23 février 2010 pour rechercher une solution, avec les parties concernées, à la crise politique que traversait le pays.
3. Cette crise politique se doublait d’une nouvelle impasse politique résultant d’une polémique sur le résultat des élections municipales ayant eu lieu à Tirana le 8 mai 2011. La situation a fini par se débloquer en septembre 2011 lorsque le Parti socialiste (PS) a mis fin à son boycott de facto des travaux du parlement après avoir conclu un accord avec le Parti démocrate (PD) au pouvoir. Le contexte politique est resté néanmoins polarisé et agressif. La situation politique a radicalement changé après les élections législatives qui ont débouché sur un changement de gouvernement en Albanie 
			(4) 
			Ces
événements seront décrits plus en détail dans les sections ci-dessous. . Nous considérons donc que le moment est opportun pour dresser le bilan des progrès accomplis par l’Albanie dans l’exécution des obligations et engagements qu’elle a souscrits lors de son adhésion au Conseil de l’Europe.
4. Depuis la mission menée conjointement avec le Comité des Présidents après les élections de 2009, les corapporteurs ont effectué cinq visites d’information 
			(5) 
			Les
30 juin et 1er juillet 2011, du 2 au
4 avril 2012, du 17 au 19 avril 2013, du 1er au
5 décembre 2013, et les 2 et 3 juin 2014. dans le pays et participé aux missions d’observation et préélectorales de l’Assemblée pour les élections législatives de 2013. Les notes d’information 
			(6) 
			AS/Mon
(2011) 21 rev, AS/Mon (2012) 11 rev, AS/Mon (2013) 13 rev. rédigées sur la base de ces visites d’information ont été déclassifiées par la commission.
5. Le 24 janvier 2011, M. Tomas Jirsa (République tchèque, GDE) a été désigné corapporteur pour remplacer M. David Wilshire (Royaume-Uni, GDE). Le 30 mai 2011, M. Grigore Petrenco a remplacé M. Jaakko Laakso en tant que corapporteur. Par la suite, M. Jirsa a été remplacé par M. Jonathan Evans (Royaume-Uni, GDE) le 23 janvier 2013.

2. Principaux événements politiques

2.1. Répercussions des élections législatives de 2009

6. Comme il a été indiqué dans le dernier rapport de la commission à l’Assemblée (Doc. 12113), les élections législatives de juin 2009 ont débouché sur une impasse politique entre les principaux partis albanais, le Parti démocrate, qui était encore récemment dirigé par l’ancien premier ministre Sali Berisha, et le Parti socialiste, conduit par M. Edi Rama, qui était à l’époque maire de Tirana. Cette impasse a plongé le pays dans une crise politique profonde. L’animosité ouverte entre M. Berisha et M. Rama a eu une influence considérable sur les relations entre les partis et leurs stratégies, et a nui aux efforts déployés par la communauté internationale pour dénouer la crise.
7. Les élections législatives de 2009 se sont déroulées sur la base d’un nouveau Code électoral dont l’élaboration et l’adoption ont fait l’objet d’un consensus entre les principaux partis politiques. Le Code introduit une variante de système électoral proportionnel régional. Ces élections ont été remportées par le Parti démocrate qui a gagné 70 sièges de députés sur 140. Le Parti socialiste obtenu 66 sièges et le Mouvement socialiste pour l’intégration (MSI), de l’ancien Premier ministre Ilir Meta, les quatre sièges restants. Une coalition a été formée entre le PD et le MSI et M. Berisha a été nommé Premier ministre de l’Albanie pour la deuxième fois.
8. Le PS, alléguant que des fraudes avaient été commises dans un certain nombre de circonscriptions, a contesté les résultats des élections législatives de 2009 devant la Commission électorale centrale (CEC), puis devant le Collège électoral 
			(7) 
			Le Collège électoral
est la plus haute juridiction électorale du pays.. Dans les deux cas, les recours du PS ont été rejetés. Pour protester contre l’issue des élections, le PS a donc décidé de boycotter les travaux du parlement et d’un certain nombre d’institutions publiques. La majorité au pouvoir n’ayant pas la majorité qualifiée des deux tiers nécessaire pour procéder à des modifications constitutionnelles, ce boycott a eu des effets négatifs sur la mise en œuvre d’un certain nombre de réformes importantes et nécessaires pour obtenir le statut de candidat à l’adhésion à l’Union européenne, qui est la priorité politique affichée de tous les partis.
9. Le PS a ensuite annoncé qu’il reviendrait au parlement si un certain nombre de conditions étaient remplies, à savoir, principalement, la création d’une commission d’enquête spéciale sur les manquements électoraux présumés et l’ouverture des urnes pour établir la preuve d’éventuelles fraudes électorales. Dans les réunions tenues ensuite avec les rapporteurs de l’époque, des responsables du PS ont expliqué que, s’ils acceptaient officiellement les résultats des élections, ils souhaitaient néanmoins faire ouvrir les urnes afin d’enquêter et de collecter des preuves de la fraude électorale qui, selon eux, avait eu lieu. Les autorités étaient prêtes à créer une commission d’enquête spéciale mais elles ont refusé fermement, avec le soutien des tribunaux, d’autoriser la réouverture des urnes au motif que les résultats définitifs avaient été annoncés conformément à la législation en vigueur et qu’ils avaient été homologués par les tribunaux. Le processus électoral avait dont légalement pris fin et par conséquent les urnes ne pouvaient légalement être rouvertes.
10. La plupart des observateurs sont d’avis que la politique intérieure et les relations de pouvoir au sein du PS ont joué un rôle important dans l’impasse de 2009. Selon les statuts du PS, introduits par M. Rama, le chef du parti doit démissionner en cas d’échec électoral sous sa présidence. Toutefois, sur la proposition de M. Rama, le PS a adopté une résolution indiquant que le parti n’avait pas perdu l’élection mais que celle-ci lui avait été volée. M. Rama n’était donc pas obligé de démissionner de son poste de chef de son parti. Notons que cette décision ainsi que la stratégie de boycott n’ont pas fait l’unanimité des membres du parti, comme en témoigne la décision d’un certain nombre de députés du PS qui se sont rendus au parlement malgré le boycott.
11. Au milieu de 2010, le PS a mis fin à son boycott officiel du parlement et l’a remplacé par une «relation conditionnelle avec le parlement». Cette décision était essentiellement dictée par le souhait de ne pas perdre ses mandats parlementaires, ce qui aurait été le cas si ses membres n’avaient pas prêté serment dans un délai de six mois après la convocation du nouveau parlement. Le PS était certes revenu officiellement au parlement mais son boycott de facto s’est poursuivi jusqu’au 5 septembre 2011, date à laquelle un accord a été conclu entre le PS et le PD sur l’orientation des réformes essentielles pour le pays, notamment une réforme électorale et une réforme des méthodes de travail du parlement.

2.2. Elections locales

12. Le 8 mai 2011, des élections locales ont eu lieu en Albanie pour les conseillers municipaux et les maires. Etant donné que M. Rama briguait un nouveau mandat de maire de Tirana, beaucoup considéraient que ces élections étaient un référendum sur la décision politique du PS de boycotter les travaux du parlement.
13. Les élections locales albanaises de 2011 ont été observées par des observateurs internationaux issus notamment du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE/BIDDH) et du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe. Le Congrès et l’OSCE/BIDDH ont conclu que ces élections, malgré le climat politique polarisé et antagoniste, s’étaient déroulées globalement de manière démocratique, même si des problèmes de procédure avaient été constatés 
			(8) 
			Rapport
du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux CPL(21)3, et rapport
final de la mission d’observation de l’OSCE/BIDDH sur les élections
locales qui ont eu lieu le 8 mai 2011 en Albanie. .
14. Nombreux étaient ceux qui espéraient que les élections locales apaiseraient le climat politique en Albanie. Malheureusement, elles n’ont fait qu’attiser les tensions et l’animosité entre le PD et le PS. Lorsque les résultats préliminaires ont été annoncés, le maire sortant de Tirana, M. Rama (PS), semblait avoir remporté les élections avec un écart de dix voix sur son adversaire, M. Basha (PD). Cependant, la Commission électorale centrale a été saisie de plaintes d’un certain nombre de bureaux de vote de Tirana.
15. Pour chaque élection 
			(9) 
			Légalement,
ces élections distinctes relèvent de la même élection. (maires, conseillers municipaux, responsables communaux), les bulletins devaient être placés dans des urnes distinctes. Selon les plaintes déposées, un nombre considérable de suffrages auraient été déclarés invalides au simple prétexte que les bulletins avaient été placés dans la mauvaise urne. Dans une circonscription, la commission électorale de la circonscription n’a donc pas pu se mettre d’accord sur les résultats. La CEC a statué sur ces plaintes en estimant qu’il fallait considérer comme valides les bulletins valides placés dans les mauvaises urnes. La CEC a donc ordonné de procéder au décompte de ces suffrages dans les bureaux électoraux concernés par les plaintes. Après le décompte de ces voix, le gagnant des élections s’est avéré être M. Basha, avec 80 voix de plus que M. Rama.
16. Les décisions de la CEC ont été vivement contestées, les membres de la commission étant divisés sur cette question selon leur obédience partisane. Le PS a contesté les résultats devant le Collège électoral, qui a estimé que les bulletins valides placés dans les mauvaises urnes devaient être considérés comme valides, et ordonné à la CEC de rouvrir toutes les urnes de Tirana – et pas uniquement celles des bureaux de vote concernés par les plaintes – pour compter tous les bulletins placés dans les mauvaises urnes. Le 23 juin 2011, M. Basha a été officiellement déclaré vainqueur de l’élection municipale de Tirana de 2011 avec un écart de 93 voix sur son adversaire, le maire sortant M. Rama. Les recours du PS contre ces résultats ont été rejetés par le Collège électoral et, le 1er août 2011, M. Basha a été investi nouveau maire de Tirana.
17. L’issue de ces élections a aggravé les tensions entre le PD et le PS, mais elle a été généralement bien acceptée par la population albanaise. Un climat d’apaisement a fini par s’instaurer rapidement après l’accord conclu entre les deux partis, et les députés du PS ont tous repris leurs travaux au parlement.

2.3. Election présidentielle

18. En Albanie, le président est élu par le parlement dans le cadre d’un scrutin de type indirect. Le président sortant, M. Bamir Topi, était un candidat du PD. Cependant, les relations entre M. Topi et M. Berisha se sont envenimées et le PD a annoncé qu’il ne soutiendrait pas la candidature de M. Topi à un second mandat. Les élections du nouveau président ont eu lieu au parlement le 30 mai, ainsi que les 4, 8 et 11 juin 2012. Pour être élu, un candidat à la présidentielle doit recueillir les trois cinquièmes des suffrages au cours des trois premiers tours de scrutin. Si aucun candidat n’est élu après trois tours, une majorité simple suffit lors des tours suivants. Le PS ayant boycotté le vote, aucun candidat n’a reçu la majorité qualifiée des trois cinquièmes lors des trois premiers tours. Finalement, c’est M. Bujar Nishani, proposé par le PD, qui a été élu Président de l’Albanie à la majorité simple au quatrième tour de scrutin par 73 voix sur 76.

2.4. Evénements du 21 janvier 2011

19. Le 21 janvier 2011, quatre manifestants ont été tués par balle lors d’une manifestation organisée par l’opposition devant le parlement et les bureaux du Premier ministre, et qui a dégénéré. Les policiers qui ont tiré les coups de feu gardaient les bureaux du Premier ministre. De nombreuses questions se sont posées alors sur le caractère éventuellement disproportionné de l’usage de la force par la police 
			(10) 
			Voir
aussi le rapport du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil
de l’Europe, Thomas Hammarberg (CommDH(2011)9)., et sur l’incapacité apparente des organisateurs de contrôler les manifestants. Chaque camp a donc accusé l’autre d’avoir fait preuve d’intentions malveillantes. Dans un tel contexte de tensions politiques, les enquêtes concernant les événements susmentionnés ont été très politisées. A cela s’ajoute le fait que M. Basha, ministre de l’Intérieur de l’époque et candidat démocrate, est sorti vainqueur de l’élection à la mairie de Tirana.
20. La politisation des événements a eu des conséquences néfastes sur l’indépendance institutionnelle de la magistrature et du parquet. La Procureure générale a été accusée d’être partisane lorsqu’elle a engagé une enquête pénale sur les événements de janvier et le Premier ministre a demandé à la police de ne pas coopérer à son enquête. Autre élément inquiétant, des éléments de preuve enregistrés par des caméras de surveillance avaient été effacés illégalement par le service de sécurité du Premier ministre Berisha. La commission parlementaire spéciale chargée d’enquêter sur ces événements n’a pu tirer aucune conclusion en raison des joutes politiques continuelles entre les membres du Parti socialiste et du Parti démocrate sur ces questions. La politisation de l’enquête a été condamnée par la communauté internationale, qui a demandé à tous les partis de s’abstenir de nuire à l’indépendance de la magistrature et des institutions chargées de l’ordre public.
21. A la suite de son enquête sur les événements, la Procureure générale a engagé des poursuites pénales contre le garde républicain qui aurait ouvert le feu sur les manifestants, et contre son supérieur hiérarchique. Une action pénale a également été engagée contre un garde républicain qui aurait effacé le disque dur contenant les séquences vidéo des événements du 21 janvier enregistrées par les caméras de surveillance situées à l’extérieur des bureaux du Premier ministre. Le 17 juillet 2012, le tribunal de district de Tirana a acquitté ce policier, qui était accusé de dissimulation de preuves et d’entrave à la justice. Le 7 février 2013, ce même tribunal a estimé que les deux autres policiers n’avaient pas de responsabilité ou commis d’actes répréhensibles dans le décès des quatre manifestants le 21 janvier 2011 et les a acquittés. Cette décision du tribunal de district de Tirana a été largement condamnée dans la société albanaise et par certains acteurs internationaux, notamment l’ambassadeur des Etats-Unis à Tirana. Le bureau de la Procureure générale a fait appel de cette décision. En septembre 2013, la Cour d’appel de Tirana a annulé l’acquittement et condamné deux des trois accusés à des peines de prison respectives d’un an et trois ans pour homicide volontaire.

2.5. Statut de candidat à l’Union européenne

22. L’Albanie a présenté sa demande d’adhésion à l’Union européenne le 28 avril 2009. Suite à une demande du Conseil européen, la Commission européenne a élaboré un avis sur la demande d’adhésion de l’Albanie, qui a été remis au Conseil en novembre 2010 et approuvé par celui-ci en décembre 2010. Dans ce document, la Commission a conclu que les autorités albanaises devront déployer des efforts considérables avant que le statut de candidat puisse être examiné, notamment dans les domaines de la stabilité des institutions, de la gouvernance démocratique et de la prééminence du droit. La Commission a donc estimé que les négociations en vue de l’adhésion de l’Albanie à l’Union européenne devraient débuter dès que le pays aura atteint le niveau nécessaire de conformité aux critères politiques de Copenhague, notamment ceux qui sont liés au fonctionnement des institutions démocratiques, à l’indépendance du système judiciaire et à la primauté du droit. A cet égard, l’Albanie devra répondre à 12 priorités essentielles avant que son statut de candidat soit accepté 
			(11) 
			Voir «Avis de la Commission
sur la demande d’adhésion de l’Albanie à l’Union européenne», COM(2010)680..
23. Le 8 novembre 2010, le Conseil européen a adopté une proposition concernant un régime d’exemption de visas pour les détenteurs de passeports albanais. Cette décision a été mise en œuvre le 16 décembre 2010.
24. En raison de la crise politique, le gouvernement ne disposait pas de la majorité des deux tiers qui lui était nécessaire pour adopter la législation cruciale requise pour répondre aux 12 priorités fixées par l’Union européenne. En outre, l’impasse politique montrait clairement que le Parlement albanais ne fonctionnait pas «sur la base d’un dialogue constructif et soutenu entre tous les partis politiques», qui était une des 12 priorités énoncées par la Commission européenne. Il n’est donc pas surprenant que, le 12 octobre 2011, le Conseil européen, sur recommandation de la Commission européenne, ait refusé d’accorder le statut d’Etat candidat à l’Albanie et de débuter les négociations en vue de l’adhésion.
25. Après le retour au parlement du Parti socialiste, les députés ont adopté un certain nombre de réformes et de lois qui étaient nécessaires pour répondre aux 12 priorités fixées par l’Union européenne. Cependant, des questions subsistaient concernant le fonctionnement des institutions démocratiques et un certain nombre de réformes essentielles n’avaient pas été mises en œuvre à la fin de 2012. Le 10 octobre 2012, la Commission européenne, prenant note des progrès considérables accomplis par l’Albanie dans la mise en œuvre des réformes de fond qu’elle avait identifiées, a décidé que le statut de candidat pourrait être accordé dès que l’Albanie adopterait la loi sur la fonction publique, la loi sur la Cour suprême ainsi que des nouvelles règles de procédure parlementaire. La Commission a également déclaré que l’Albanie devait organiser en 2013 des élections législatives pleinement conformes aux normes internationales avant que les négociations en vue de l’adhésion puissent commencer.
26. Le 31 mai 2013, au cours d’une session extraordinaire, le Parlement albanais a adopté la loi sur la fonction publique, la loi sur la Cour suprême ainsi que les nouvelles règles de procédure parlementaire avec le consensus de la majorité et de l’opposition. Ces lois ayant été adoptées, l’Albanie n’avait plus qu’à remplir la dernière condition exigée par la Commission européenne pour obtenir le statut de candidat: l’organisation d’élections véritablement démocratiques conformes aux normes internationales.
27. Le 16 octobre 2013, la Commission européenne a adopté son rapport 2013 concernant les progrès accomplis par l’Albanie. Dans ce rapport, elle notait que les élections législatives du 23 juin 2013 s’étaient déroulées avec succès et que l’Albanie avait ainsi réalisé les priorités fixées par la Commission européenne dans sa décision de 2012. Elle recommandait donc de lui octroyer le statut de pays candidat. Cependant, la Commission soulignait également que des mesures supplémentaires devraient être prises et les efforts se poursuivre pour assurer l’indépendance et la responsabilité du système judiciaire, mener à bien des enquêtes efficaces et les poursuites dans les affaires de corruption, et favoriser l’instauration d’un dialogue inclusif entre la majorité au pouvoir et l’opposition. La Commission a donc recommandé que des négociations d’adhésion soient ouvertes lorsque l’Albanie aura mis en œuvre les cinq priorités suivantes 
			(12) 
			Commission
européenne: Communication de la Commission au Parlement européen
et Conseil relative à la stratégie d’élargissement et aux principaux
défis 2013-2014 (COM(2013)700 final) et rapport 2013 concernant
les progrès accomplis par l’Albanie (SWD(2013)414 final).. L’Albanie devra:
  • poursuivre la mise en œuvre de la réforme de l’administration publique afin de renforcer le professionnalisme et la dépolitisation de cette dernière;
  • prendre de nouvelles mesures visant à renforcer l’indépendance, l’efficacité et la responsabilité des institutions judiciaires;
  • être déterminée à fournir de nouveaux efforts dans la lutte contre la corruption, visant notamment à obtenir des résultats probants grâce à une approche proactive en matière d’enquêtes, de poursuites et de condamnations;
  • être déterminée à fournir de nouveaux efforts dans la lutte contre la criminalité organisée, visant notamment à obtenir des résultats probants grâce à une approche proactive en matière d’enquêtes, de poursuites et de condamnations;
  • prendre des mesures efficaces pour renforcer la protection des droits de l’homme, notamment les droits des Roms, et les politiques de lutte contre la discrimination, et mettre en œuvre les droits de propriété.
28. Malgré ces conditions préalables, exposées dans les recommandations de la Commission européenne, plusieurs Etats membres de l’Union européenne ont annoncé qu’ils avaient des doutes sur la capacité de l’Albanie à être prête à s’acquitter des obligations d’un pays candidat. D’aucuns ont estimé également qu’il fallait donner davantage de temps au nouveau gouvernement élu pour démontrer qu’il avait la capacité et la volonté politique de mettre en œuvre les réformes nécessaires pour démarrer les négociations d’adhésion, notamment en ce qui concerne la lutte contre la corruption et la criminalité organisée ainsi que l’indépendance du système judiciaire. Le 17 décembre 2013, le Conseil européen a donc décidé de reporter sa décision concernant l’octroi du statut de candidat à l’Albanie jusqu’en juin 2014, en attendant que la Commission européenne publie un nouveau rapport sur les progrès accomplis par les autorités dans la mise en œuvre des stratégies concernant la lutte contre la corruption et la réforme du système judiciaire, et de la législation ayant été adoptée à cette fin. Le 4 juin 2014 a été publié le Rapport de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur les progrès réalisés par l’Albanie dans les domaines de la lutte contre la corruption et la criminalité organisée et de la réforme judiciaire 
			(13) 
			COM(2014)331 final.. Dans ce rapport, la Commission confirme sa recommandation précédente d’accorder le statut de candidat à l’Albanie, et lui demande instamment de centrer ses efforts sur la mise en œuvre d’une législation de lutte contre la corruption, comprenant une profonde réforme judiciaire et d’accroître la coopération interagences et internationale en vue de combattre la criminalité organisée et de renforcer l’efficacité de ses enquêtes proactives. En outre, la Commission souligne que les autorités devraient «poursuivre [leur] réforme judiciaire de manière rigoureuse», en particulier dans l’optique de garantir l’indépendance et la responsabilité du pouvoir judiciaire 
			(14) 
			Ibid.,
p. 13..
29. Nous appuyons sans réserve le principe d’une adhésion de l’Albanie à l’Union européenne et considérons que la mise en œuvre des réformes nécessaires pour être membre de l’Union européenne – notamment celles qui ont été soulignées par la Commission européenne dans les cinq priorités susmentionnées – permettra à ce pays de respecter tous les engagements et obligations restants en vue d’obtenir le statut de pays candidat. Nous comprenons que les autorités soient déçues que le Conseil européen ait décidé de reporter la décision relative à l’octroi de ce statut en décembre 2013. Tant les autorités que l’opposition ont déployé tardivement de gros efforts pour répondre aux conditions fixées par la Commission européenne pour accorder le statut de candidat, et ces efforts doivent être salués et reconnus. Cela étant, nous tenons aussi à souligner que nous sommes préoccupés par le fait que la mise en œuvre des lois continue d’être insuffisante ou inexistante, bien que l’Albanie ait adopté de nombreuses lois et stratégies pour régler les problèmes concernant ses obligations en matière de droits de l’homme, de démocratie et de prééminence du droit. Nous exhortons donc les autorités à faire tout leur possible pour que les stratégies et les réformes juridiques qui ont déjà été adoptées soient mises en œuvre de manière rapide et complète.

2.6. Elections législatives de 2013

30. Les élections législatives qui ont eu lieu en Albanie le 23 juin 2013 étaient d’autant plus cruciales pour le pays que leur déroulement démocratique, conforme aux normes internationales, était un des principaux critères fixés pour obtenir le statut de candidat à l’adhésion à l’Union européenne. Après l’accord conclu entre le PD et le PS sur les priorités politiques du pays, un groupe de travail sur la réforme électorale a été créé par le parlement. Ce groupe de travail a soumis une série de propositions d’amendement au Code électoral, qui ont été adoptées par le parlement le 19 juillet 2012. Les amendements portaient notamment sur des questions telles que l’inscription des électeurs et des candidats, le financement des campagnes électorales, les procédures de dépôt de plainte et de recours, la composition de la Commission électorale centrale et des commissions de niveau inférieur ainsi que les procédures de nomination de leurs membres, ainsi que des mesures pour renforcer l’indépendance du Collège électoral.
31. Aux termes du Code électoral albanais, les commissions électorales sont composées en fonction des propositions soumises par les partis politiques et du principe de juste équilibre entre l’opposition et la majorité au pouvoir. Il spécifie également que les membres des commissions électorales sont institutionnellement indépendants et impartiaux et doivent agir en tant que tels.
32. Quelques mois avant le jour du scrutin, la coalition gouvernementale formée par le PD et le MSI était considérée comme très stable car le groupe MSI soutenait loyalement son partenaire de coalition dans tous les votes importants au parlement. Pourtant, le 1er avril 2013, le MSI et le PS ont annoncé qu’ils formeraient une coalition électorale pour les prochaines élections législatives. Le 3 avril, le MSI quittait la coalition majoritaire et formait avec le PS une nouvelle coalition baptisée «Alliance pour une Albanie européenne». Trente-cinq partis plus petits ont ensuite rejoint cette Alliance.
33. Le changement d’allégeance du MSI s’est produit après la formation des commissions électorales dans lesquelles ce parti avait obtenu des sièges dans le cadre du quota réservé à la coalition au pouvoir. Suite au revirement politique, l’opposition, composée désormais du MSI et du PS, obtint le contrôle de facto 
			(15) 
			Seuls
les instruments normatifs et certaines décisions concernant principalement
les résultats des élections nécessitent une majorité qualifiée de
cinq voix. Toutes les autres décisions sont prises à la majorité
simple. de l’administration des élections, notamment la Commission électorale centrale. Cette situation fut considérée comme inacceptable par le PD, qui utilisa, de manière contestable 
			(16) 
			Selon plusieurs experts
juridiques, le fondement légal de cette révocation est contestable., sa majorité parlementaire pour révoquer le membre de la CEC désigné par le MSI et nommer un nouveau membre désigné par un autre parti de la coalition au pouvoir. En réponse, les membres de la CEC nommés par les partis d’opposition démissionnèrent et les partis d’opposition refusèrent de désigner leurs remplaçants. La CEC fut dès lors contrainte d’exercer ses activités avec les quatre membres restants, ce qui ne manqua pas de susciter des interrogations quant à la légalité d’un certain nombre de ses décisions. Il est clair que le remplacement d’un membre de la CEC par le parlement, ainsi que la démission et le non-remplacement qui ont suivi des membres désignés par l’opposition, sont des agissements contestables du point de vue du Code électoral, qui contredisent et affaiblissent gravement le principe d’une administration électorale impartiale et indépendante institutionnellement.
34. Les élections législatives ont été observées par une commission ad hoc du Bureau de l’Assemblée parlementaire dans le cadre d’une mission internationale d’observation électorale (MIOE) qui comprenait également la mission d’observation électorale de l’OSCE/BIDDH et une délégation de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE. Les deux corapporteurs de la commission de suivi sur l’Albanie étaient des membres de droit de la commission ad hoc.
35. La MIOE a conclu que les élections s’étaient déroulées conformément aux normes internationales et avaient été «véritablement pluralistes, avec la participation active des citoyens pendant toute la campagne et le respect réel des libertés fondamentales 
			(17) 
			MIOE, Enoncé des observations
et conclusions préliminaires. ». Mais la commission ad hoc de l’Assemblée, ainsi que la MIOE, ont également souligné que les divergences et la défiance réciproque entre les deux principaux partis avaient dégradé le climat électoral et compliqué l’administration de l’ensemble du processus électoral 
			(18) 
			Rapport d’observation
d’élection de la commission ad hoc (Doc. 13296)..
36. Le 26 juin 2013, avec 98 % des votes décomptés, le Premier ministre Berisha a reconnu la défaite de sa coalition «Alliance pour l’emploi, la prospérité et l’intégration» et la victoire de la coalition PS/MSI «Alliance pour une Albanie européenne» conduite par M. Rama. Les résultats définitifs ont été annoncés par la CEC le 6 août 2012. L’Alliance pour une Albanie européenne a obtenu 57,6 % des votes et 83 sièges au nouveau parlement. L’Alliance pour l’emploi, la prospérité et l’intégration a rassemblé 39,5 % des votes et obtenu 57 sièges. Il est important de noter que, sur les 83 sièges de l’Alliance pour une Albanie européenne, 16 ont été gagnés par le MSI, qui confirme son rôle de «faiseur de roi» dans ces élections, comme c’était le cas en 2009.
37. Le 10 septembre 2013, à la séance d’ouverture du nouveau parlement, le Premier ministre Berisha a remis la démission de son cabinet au président Nishani, qui a nommé M. Rama nouveau Premier ministre sur proposition du PS et des partis alliés. M. Ilir Meta, dirigeant du MSI, a été élu Président du parlement.
38. Après les élections, un membre de l’opposition a changé de camp et rejoint la coalition au pouvoir. La majorité a donc disposé des 84 sièges nécessaires à l’adoption de lois exigeant une majorité qualifiée des trois cinquièmes des députés, sans le consentement de l’opposition. Ce point peut être utile pour empêcher un éventuel blocage des lois et des réformes mais ne doit nuire ni au dialogue ni à la concertation entre l’opposition et la majorité au pouvoir concernant la gouvernance du pays. C’est pourquoi nous invitons la coalition au pouvoir à rechercher, dans la mesure du possible, le consensus sur les réformes nécessaires et à ne pas utiliser sa majorité qualifiée pour contourner l’opposition.
39. Après l’arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement, des changements considérables de personnel ont eu lieu dans la fonction publique, notamment dans les services de police. En effet, le directeur national de la police et son adjoint ont été remplacés, ainsi que les directeurs et les directeurs adjoints des 12 districts de police. Des informations analogues ont été rapportées concernant le personnel de l’administration pénitentiaire et celui de l’administration des douanes. Les profonds changements de personnel dans l’administration pénitentiaire ont suscité de nombreuses inquiétudes. La mission de l’OSCE à Tirana, par exemple, a fait part de ses craintes concernant la poursuite de son programme de réforme des prisons, notamment les programmes de formation du personnel carcéral organisés dans ce cadre. Ces réorganisations montrent à quel point la fonction publique est politisée à tous les niveaux par les principaux partis lorsqu’ils sont au pouvoir, et sapent la confiance du public dans ses institutions publiques, ce qui est un sujet de préoccupation constant.

3. Institutions démocratiques

3.1. Réforme électorale

40. Le déroulement des élections a continué d’être un grand motif de discorde entre les principaux partis politiques. Un nouveau Code électoral, qui a introduit un nouveau système proportionnel régional, a été adopté en décembre 2008 grâce au consensus obtenu entre le PD et le PS. Les dispositions du Code concernant le système électoral et l’administration des élections sont considérées par beaucoup comme favorables aux deux grands partis et défavorables aux partis plus petits et aux nouveaux entrants dans l’arène politique.
41. Dans son avis sur le Code électoral de 2008 
			(19) 
			Document CDL-AD(2009)005., la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) concluait qu’il offrait «une solide base technique pour l’organisation d’élections» s’il était mis en œuvre intégralement, correctement et de bonne foi par toutes les parties prenantes. Elle notait également que le Code présentait des lacunes à combler, des ambiguïtés à lever et des dispositions à améliorer afin que le texte soit pleinement conforme aux normes internationales. A cet égard, nous tenons à ajouter que les ambiguïtés et les lacunes peuvent donner lieu à des abus et des litiges possibles, compte tenu notamment du climat politique polarisé qui règne en Albanie. Cette vulnérabilité a été confirmée durant les élections locales de 2011.
42. Le Code électoral de 2008 donne au plus grand parti d’opposition et au principal parti au pouvoir – c’est-à-dire le PD et le PS dans le contexte politique de l’Albanie – des responsabilités considérables à chaque étape du processus électoral. La Commission de Venise a noté que, de ce fait, le Code était excessivement détaillé et complexe et que cela «pouvait poser des problèmes dans l’administration des élections et donner la possibilité aux représentants des deux plus grands partis d’entraver le processus électoral» 
			(20) 
			Document CDL-AD(2011)042..
43. A la suite des élections locales contestées, notamment à Tirana, et de l’impasse politique entre la majorité et l’opposition, le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, M. Thorbjørn Jagland, a demandé, le 24 août 2011, l’avis de la Commission de Venise sur des améliorations possibles de la législation et des pratiques électorales à la lumière des enseignements tirés des élections législatives de 2009 et des élections locales de 2011.
44. Dans son avis conjoint avec l’OSCE/BIDDH 
			(21) 
			Ibid., adopté les 16 et 17 décembre 2011, la Commission de Venise a rappelé son avis précédent sur la législation, qui énonçait que le cadre légal offrait une base solide pour l’organisation d’élections s’il était mis en œuvre intégralement et de bonne foi. Elle notait également que plusieurs incohérences et ambiguïtés n’avaient pas été levées et pourraient donner lieu à des abus ou des obstructions si l’un des deux principaux partis souhaitait les exploiter. Dans ce contexte, la Commission de Venise a indiqué que les membres de l’administration chargée de l’organisation des élections, à tous les niveaux, étaient nommés conformément aux propositions soumises par le plus grand parti de l’opposition et le plus grand parti de la majorité au pouvoir. Bien que ce mode de désignation équilibré ait pour but de renforcer la confiance dans l’administration des élections, celle-ci reste néanmoins divisée par des logiques partisanes qui entravent le déroulement efficace et impartial des élections et permettent à l’un des deux principaux partis de bloquer les travaux de la CEC – ou des commissions électorales de base – en se retirant de l’administration des élections ou en boycottant le processus de prise de décision. C’est exactement ce qui s’est produit lors des élections législatives de juin 2013.
45. Le Code électoral de 2008 prévoyait la création de centres spécialisés de dépouillement des bulletins de vote, à raison d’un centre dans chaque zone d’administration des élections 
			(22) 
			Ces zones d’administration
des élections ne coïncident pas nécessairement avec une circonscription
électorale. . L’utilisation de ce système a entraîné des retards importants dans le décompte des bulletins de vote. L’administration des élections pourrait ainsi exercer une influence politique sur le processus de décompte des votes et le processus de prise de décision, et cette influence peut avoir, aux yeux du public, une incidence négative sur la légitimité globale du résultat des élections.
46. Après le retour du PS au parlement, un groupe de travail parlementaire spécial sur la réforme électorale a été créé pour préparer des amendements au Code électoral afin de répondre aux recommandations de la Commission de Venise et de l’OSCE/BIDDH, ainsi qu’à diverses insuffisances relevées lors des élections précédentes. Il a de plus rédigé des amendements au Code pénal, établissant un certain nombre d’infractions électorales. Les amendements formulés par ce groupe de travail ont été adoptés à l’unanimité par le parlement. Ceux apportés au Code électoral portaient notamment sur les questions suivantes: le processus de sélection des membres des commissions électorales; la suppression du droit des partis de retirer leurs membres des commissions électorales après que ceux-ci ont été nommés; l’amélioration de la procédure de vérification des listes électorales; le renforcement des conditions concernant l’égalité d’accès de tous les partis aux médias; la clarification de certaines questions relatives aux réclamations électorales; et une procédure simplifiée d’inscription des candidats. Ces amendements sont généralement considérés comme une amélioration de la législation électorale. Cependant, un certain nombre de recommandations importantes de la Commission de Venise portant sur des aspects cruciaux n’ont pas été prises en compte, notamment les droits des candidats indépendants, le financement des campagnes électorales, le processus de dépôt de plaintes en matière électorale et l’usage abusif éventuel de ressources administratives.
47. Nous nous félicitons des améliorations apportées au Code électoral, mais nous tenons à souligner que les versions précédentes de ce Code ont été considérées comme une base adéquate, voire solide, pour l’organisation d’élections en Albanie, à condition que le Code soit appliqué dans son intégralité, de bonne foi, et pas uniquement à la lettre, mais aussi dans l’esprit. Malheureusement, les précédentes élections ont montré que c’est le manque de volonté des principaux acteurs politiques de mettre en œuvre le Code électoral de bonne foi et de s’abstenir de toute ingérence dans le processus électoral qui est à l’origine des dysfonctionnements notés durant les élections. A eux seuls, les changements apportés au Code électoral ne suffisent pas à corriger les dysfonctionnements récurrents et à assurer un déroulement des élections démocratiques qui soit conforme aux normes internationales. Il faut également que tous les acteurs du jeu politique changent d’attitude et de pratiques et fassent preuve d’une véritable volonté pour qu’un processus électoral solide et authentiquement démocratique puisse être mis en place durablement en Albanie.
48. Nous invitons le Parlement albanais à rechercher le consensus entre toutes les parties sur les amendements au Code électoral qui tiendront compte des recommandations restantes de la Commission de Venise, et réduiront la vulnérabilité de l’administration des élections et du processus électoral aux ingérences du politique et à la possibilité d’une obstruction par des responsables politiques. Nous invitons également tous les acteurs politiques à faire la preuve qu’ils sont déterminés à mettre en place un processus électoral démocratique et impartial, et à s’abstenir de toute action qui pourrait politiser inutilement le déroulement des élections et affaiblir la confiance du public envers ce processus.
49. Le Parlement albanais avait décidé de mettre en œuvre, durant les élections législatives de 2013, deux projets pilotes en vue d’utiliser des nouvelles technologies visant à accroître l’efficacité du processus électoral et à renforcer la confiance du public dans son déroulement. L’un des projets pilotes, exécuté à Tirana, consistait à évaluer l’inscription électronique des électeurs. Le deuxième, exécuté à Fier, avait pour but d’évaluer le décompte électronique des bulletins de vote. Tirana et Fier sont deux des plus grandes circonscriptions électorales d’Albanie. Cependant, les préparatifs de ces projets ainsi que leur évaluation n’ont pas pu être achevés dans les délais légaux. En outre, un certain nombre de décisions politiques ont nui à leur exécution technique. Les 17 et 18 juin 2013, peu avant la date des élections, la CEC a donc décidé d’annuler la réalisation de ces deux projets pilotes. Certes, nous nous félicitons qu’un mécanisme soit créé pour améliorer la confiance des électeurs dans le système électoral, notamment en ce qui concerne le décompte des bulletins de vote, mais nous demandons aux autorités de veiller à ce que ces technologies soient évaluées avec rigueur et certifiées de manière indépendante bien avant la tenue des élections. En outre, même si ces projets pilotes font l’objet d’une évaluation positive, il convient de prêter une attention toute particulière à la façon dont ils sont déployés dans le reste du pays, compte tenu des écarts qui existent entre les infrastructures techniques des différentes régions. Toute défaillance dans ce domaine pourrait affaiblir la confiance du public dans le processus électoral.

3.2. Réforme parlementaire

50. Dans un tel contexte politique polarisé, le syndrome du scrutin où le «vainqueur remporte tout» prédomine souvent au parlement, qui ne parvient pas à donner la place et le rôle que l’opposition mérite dans les travaux parlementaires et la gouvernance du pays, et à instaurer un dialogue constructif entre toutes les différentes forces politiques du pays. Les problèmes que pose le bon déroulement des travaux du parlement ont été mis en évidence lorsque le PS a boycotté celui-ci après les élections de 2009. En conséquence, dans son avis sur la demande d’adhésion de l’Albanie à l’Union européenne, la Commission européenne a décidé que «le bon fonctionnement du parlement sur la base d’un dialogue politique constructif et soutenu entre tous les partis politiques» 
			(23) 
			Avis de la Commission
sur la demande d’adhésion de l’Albanie à l’Union européenne, COM(2010)680,
chapitre C. était une des priorités essentielles auxquelles l’Albanie devait répondre avant que les négociations en vue de l’adhésion du pays à l’Union européenne puissent commencer. Ce point a été de nouveau souligné dans la Communication de la Commission européenne 
			(24) 
			Communication
de la Commission au Parlement européen et au Conseil, COM(2012)600
final, paragraphe 6.21. au Parlement européen et au Conseil, dans laquelle la Commission recommandait que le Conseil accorde à l’Albanie le statut de pays candidat après l’adoption des nouvelles règles de procédure parlementaire 
			(25) 
			Celles-ci doivent être
adoptées avec une majorité des deux tiers, qui suppose un consensus
entre les deux principaux partis politiques que sont le PD et le
PS. .
51. Après le retour du PS au parlement, une Commission ad hoc sur la réforme parlementaire a été instituée et chargée d’élaborer un nouvel ensemble de règles de procédure pour le Parlement albanais. Le Règlement d’origine, élaboré en coopération avec notre Assemblée, avait été adopté avec le consensus de tous les partis, mais les amendements qui y avaient été apportés ensuite n’étaient pas consensuels, et les principaux partis avaient donc décidé d’adopter un Règlement entièrement nouveau qui aurait l’accord des deux principaux partis politiques. Le Règlement du Parlement européen aurait servi de base à celui du Parlement albanais.
52. La commission ad hoc a adopté à l’unanimité l’essentiel des règles de procédure. Cependant, les discussions achoppaient sur deux questions. La première, soulevée par le PS, concernait le droit du chef de l’opposition parlementaire d’intervenir directement après l’allocution hebdomadaire du Premier ministre devant le parlement tout en bénéficiant du même temps de parole. La deuxième était la possibilité de voter à bulletin secret pour confirmer les décrets présidentiels. Ce point est moins anodin qu’il n’y paraît de prime abord. La Constitution donne au Président le pouvoir de proposer des candidats à de hautes fonctions publiques telles que le Haut Conseil de la Justice, la direction des services secrets, etc. Ses propositions au parlement prennent la forme d’un décret. Les nominations des candidats proposés par le Président seraient donc décidées par un vote par appel nominal et non par un vote à bulletin secret comme c’est généralement le cas pour les nominations. Le PS a contesté cet écart par rapport à la procédure normale et soutenu que cela donnerait aux partis un contrôle excessif sur les votes de leurs députés en ce qui concerne les nominations.
53. Les divergences d’opinion du PS et du PD sur ces questions ont longtemps empêché tout accord sur les nouvelles règles de procédure. Il a fallu attendre le tout dernier moment pour qu’il soit conclu. Le 31 mai 2013, lors d’une session extraordinaire, le Parlement albanais a adopté son nouveau Règlement ainsi que les deux autres lois qui étaient nécessaires pour obtenir le statut de candidat à l’adhésion. Selon le nouveau Règlement, les décrets contenant les nominations ne seront votés par scrutin nominal que si le parlement approuve ce mode de scrutin. Dans le cas contraire, les nominations seront adoptées par vote secret, soit par voie électronique soit par bulletin de vote. Le vote à bulletin secret n’a lieu que s’il est demandé par écrit par au moins 25 % des députés. Le nouveau Règlement prévoit également que le temps de parole des ministres est pris en compte dans le temps de parole total de leur groupe politique. Il n’y a pas de restrictions concernant le temps de parole du Premier ministre, qui peut parler quand et aussi longtemps qu’il le souhaite. Bien que cela ne soit pas prévu dans le Règlement, l’ancien Premier ministre Berisha dispose des mêmes prérogatives que le Premier ministre pour s’exprimer. Si cet arrangement officieux a supprimé un obstacle potentiel à la coopération entre la majorité au pouvoir et le gouvernement, il dépend néanmoins du bon vouloir de cette majorité. Nous recommandons qu’un accord institutionnel approprié soit trouvé entre l’opposition et la majorité au pouvoir afin que ce type d’arrangement ne dépende ni du bon vouloir de la majorité au pouvoir, ni de la personnalité de l’ancien Premier ministre 
			(26) 
			M. Berisha
n’est ni officiellement un chef de parti, ni le président du groupe
parlementaire PD au parlement. .
54. Nous nous félicitons de l’adoption du nouveau Règlement, mais nous tenons à souligner qu’une coopération constructive entre la majorité et l’opposition, fondée sur un respect mutuel du rôle constitutionnel et de la place de chacun dans un système démocratique, ne peut pas être imposée uniquement par des règles de procédure. Elle passe également par un changement d’attitude, le développement d’une culture de la coopération et le renforcement des valeurs démocratiques. Nous espérons que l’opposition et la majorité au pouvoir s’efforceront de créer une telle culture démocratique et travailleront ensemble d’une manière constructive, en respectant comme il se doit le rôle de chacun et en poursuivant le développement démocratique et l’intégration européenne du pays. A cet égard, nous regrettons que la rhétorique agressive qui a également caractérisé la période préélectorale ne semble pas faiblir.

3.3. Pluralisme des médias

55. Globalement, l’environnement médiatique est pluraliste et diversifié en Albanie 
			(27) 
			Dans
le Classement mondial de la liberté de la presse 2014 de Reporters
sans frontières, l’Albanie occupait la 85e place,
soit un gain de 17 places par rapport à l’année précédente., mais cet environnement est extrêmement politisé. En effet, la plupart des médias, sinon tous, servent les intérêts de leurs propriétaires et font leur promotion, notamment dans leurs politiques éditoriales. Cette tendance à la politisation a constamment progressé au cours des dernières années et soulève beaucoup de questions concernant l’indépendance des médias 
			(28) 
			Selon
l’indice de viabilité des médias élaboré par l’IREX, qui donne un
aperçu de la force et de la viabilité du secteur des médias d’un
pays, l’indépendance des médias s’est affaiblie en 2013. Voir également: <a href='http://www.irex.org/resource/albania-media-sustainability-index-msi'>www.irex.org/resource/albania-media-sustainability-index-msi.</a>. A cet égard, plusieurs interlocuteurs ont indiqué que, depuis quelques années, la publicité était en grande partie diffusée par des médias favorables au gouvernement et que cette situation était préoccupante, car les propriétaires de ces médias font pression sur les journalistes et les rédactions pour qu’ils évitent de critiquer la majorité au pouvoir.
56. Le radiodiffuseur albanais de service public est considéré comme étant placé sous le contrôle de fait du gouvernement, qui s’ingérerait régulièrement dans sa gestion 
			(29) 
			Communication de la
Commission au Parlement européen et au Conseil, COM(2012)600 final,
p. 18..
57. Le passage de la diffusion analogique à la diffusion numérique joue un rôle déterminant dans l’évolution du paysage médiatique albanais. La transition, qui est en cours, s’inscrit dans la stratégie de passage au numérique qui a été adoptée le 2 mai 2012. Un des principaux éléments de cette stratégie a été l’adoption d’une nouvelle loi sur la radiodiffusion de service public: la loi relative aux services de médias audiovisuels. L’adoption de cette loi a été retardée jusqu’au début septembre suite à des désaccords entre le PD et le PS.
58. Le principal point de désaccord entre la majorité au pouvoir et l’opposition concernant la loi relative aux services de médias audiovisuels était la procédure de nomination des membres du Conseil national de la radio et de la télévision (ci-après le CNRT) (qui octroie les licences aux médias) et le Conseil albanais de la radio et de la télévision (qui supervise la radio et la télévision publiques). Malheureusement, la nouvelle loi ne contient pas de dispositions adéquates concernant une procédure de nomination qui garantirait l’indépendance de ces deux organes.
59. L’adoption d’une nouvelle procédure de nomination des membres du CNRT est cruciale pour l’indépendance et le pluralisme de l’environnement médiatique. A l’heure actuelle, le CNRT est très politisé et considéré comme un instrument dont se servent les autorités pour contrôler la radio et la télévision publiques, et l’environnement médiatique en général. Nous espérons que les forces politiques en Albanie feront désormais tout leur possible pour trouver un consensus sur la procédure de nomination des membres du CNRT, et que la nouvelle procédure permettra à cet organe de fonctionner en toute indépendance par rapport aux autorités, aux forces politiques et à d’autres intérêts. En outre, nous les invitons instamment à renforcer l’indépendance du radiodiffuseur de service public, notamment en apportant si nécessaire d’autres modifications aux lois sur la radiodiffusion.
60. Après son arrivée au pouvoir, la majorité a proposé une série d’amendements à la loi relative aux services de médias audiovisuels. Ces amendements prévoyaient notamment une restructuration du CNRT. En janvier 2014, la Représentante de l’OSCE pour la liberté des médias a proposé aux autorités de procéder à une analyse juridique de ces amendements. Cela étant, ces amendements ont été retirés ultérieurement par leur auteur. Les autorités nous ont informés que la majorité au pouvoir n’envisage pas d’apporter dans l’immédiat de modification à la loi relative aux services de médias audiovisuels.
61. La création d’un Centre national d’enregistrement des entreprises est une évolution positive qui a considérablement augmenté la transparence de la propriété des médias en Albanie. En outre, de récents amendements portés aux Codes civil et pénal ont supprimé les peines d’emprisonnement pour diffamation ainsi que la protection spéciale contre la diffamation dont jouissaient certaines catégories de personnes. Cependant, la diffamation n’est pas dépénalisée pour autant et les journalistes jugés coupables de diffamation peuvent encore risquer de lourdes amendes, qui ont cependant besoin d’être proportionnées et ne peuvent pas mettre en danger la capacité de survie financière du média incriminé 
			(30) 
			Les amendes peuvent
en outre être converties en travaux d’intérêt général si le prévenu
n’est pas en mesure de s’en acquitter.. Cela étant, la diffamation continue d’être incriminée, ce qui peut avoir un effet paralysant sur les journalistes et les inciter à pratiquer l’autocensure. Nous invitons donc le nouveau parlement élu à adopter des amendements qui dépénaliseraient la diffamation, et à inclure dans le Code civil des dispositions à cet égard qui soient conformes aux normes généralement convenues du Conseil de l’Europe.

3.4. Loi sur la fonction publique

62. Le fonctionnement des institutions démocratiques en Albanie subit les conséquences négatives de l’esprit partisan qui règne dans les institutions d’Etat et de la forte ingérence du politique dans la fonction publique. La procédure de nomination des fonctionnaires manque de transparence et ces derniers sont souvent nommés, ou révoqués, en fonction de leur affiliation à un parti, quel que soit l’échelon administratif considéré. Ce système entraîne un renouvellement fréquent du personnel ainsi qu’une perte d’expérience et de compétences professionnelles. En outre, le manque d’impartialité sape la confiance du citoyen dans l’administration publique.
63. La réforme de l’administration publique visant à renforcer l’indépendance et l’impartialité est une recommandation récurrente de l’Assemblée parlementaire et une des conditions fixées par la Commission européenne auxquelles l’Albanie doit répondre avant que le statut de pays candidat puisse lui être accordé.
64. Des progrès ont été accomplis à cet égard avec l’adoption de la loi sur les tribunaux administratifs le 3 mai 2012, ainsi que l’élection d’un nouveau médiateur le 22 décembre 2011. Ce poste était en effet resté vacant pendant plus de deux ans en raison de la crise politique qui avait suivi les élections législatives de 2009. En outre, le parlement a adopté, avec un retard considérable, deux textes législatifs essentiels pour la réforme de l’administration publique: le 27 septembre 2012, le parlement a adopté la loi sur l’organisation et le fonctionnement de l’administration publique, et le 31 mai 2012, la loi sur la fonction publique.
65. Selon ses dispositions, la loi sur la fonction publique, qui encadre notamment les procédures de révocation et d’embauche des fonctionnaires, devait entrer en vigueur le 1er octobre 2013. Cependant, le 26 septembre 2013, le nouveau ministre de l’Intérieur a annoncé que les autorités considéraient que la nouvelle loi n’était pas applicable et que le gouvernement s’efforcerait en conséquence de reporter sa mise en application afin qu’on puisse l’amender. Les autorités ont déposé un acte normatif à cet égard au Parlement albanais.
66. La coalition dirigée par le PD s’est vigoureusement opposée au projet de texte normatif tel que déposé par la majorité au pouvoir et a rejeté les affirmations selon lesquelles la loi sur la fonction publique n’était pas applicable. Faisant référence au nombre élevé de révocations et de nominations effectuées par les nouvelles autorités, elle a allégué que la véritable raison du report était que les autorités souhaitaient contourner les procédures de nomination et de révocation au mérite prescrites par la loi, dans le but de placer le maximum de sympathisants du PS dans la fonction publique avant que la nouvelle loi entre en vigueur. Le gouvernement a exprimé sa volonté d’engager un dialogue avec l’opposition concernant l’acte normatif, tout en menaçant d’utiliser sa majorité au parlement pour la faire adopter au besoin sans le soutien de l’opposition.
67. Dans sa communication jointe au rapport 2013 sur les progrès accomplis par l’Albanie, la Commission européenne a souligné qu’il était nécessaire d’appliquer rapidement la loi sur la fonction publique et que les négociations d’adhésion étaient subordonnées à la poursuite de la réforme de l’administration publique en vue de la dépolitiser et de renforcer son indépendance. La polémique qui entoure la mise en application de la loi sur la fonction publique ne fait pas avancer les choses sur ce point.
68. Le PD a saisi la Cour constitutionnelle d’Albanie pour contester l’adoption de la loi normative du Conseil des Ministres. Le 5 février 2014, la Cour constitutionnelle a publié sa décision dans laquelle elle déclare l’adoption de la loi normative inconstitutionnelle et l’annule. Les conséquences de ce jugement, notamment sur la situation des fonctionnaires licenciés ou recrutés entre le 1er octobre 2013, date à laquelle la loi sur la fonction publique était censée entrer en vigueur, et la date de sa promulgation formelle, n’étaient pas claires au moment de la rédaction du présent document. Conformément à la décision de la Cour constitutionnelle, la loi sur la fonction publique est entrée en vigueur le 26 février 2014. Les textes d’application ont été adoptés et promulgués le 1er avril 2014. Depuis cette date, les dispositions juridiques relatives au recrutement et au licenciement des agents de la fonction publique sont pleinement en vigueur.
69. Les événements qui ont marqué la loi sur la fonction publique soulignent l’importance de la question de la politisation de l’administration publique dans le paysage politique de l’Albanie. Les changements de personnel très fréquents effectués par le nouveau gouvernement à tous les niveaux de la fonction publique, ainsi que la décision contestable de reporter l’adoption de la loi sur la fonction publique, donnent du crédit aux allégations selon lesquelles la nouvelle majorité au pouvoir souhaite placer le maximum de fonctionnaires dont la loyauté lui est acquise. Nous invitons instamment les autorités à faire en sorte que tous les changements de personnel effectués soient pleinement conformes aux dispositions relatives à la révocation et à la nomination des fonctionnaires sur la base du mérite, telles que prévues dans la loi sur la fonction publique.

3.5. Collectivités locales

70. Conformément à ses engagements d’adhésion, l’Albanie a signé la Charte européenne de l’autonomie locale (STE n° 122) le 27 mai 1998 et l’a ratifiée le 4 avril 2000. La charte est entrée en vigueur le 1er août 2000. L’Albanie n’a pas signé le protocole additionnel à cette charte sur le droit de participer aux affaires des collectivités locales (STE n° 207). Compte tenu de l’importance du principe du droit de tous les citoyens, et des résidents, de participer aux affaires de leurs collectivités locales, nous recommandons aux autorités albanaises de signer et de ratifier ce protocole.
71. Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe a adopté à sa session plénière d’octobre 2013 à Strasbourg un rapport sur la démocratie locale et régionale en Albanie. Les deux précédents rapports du Congrès sur ce sujet avaient été adoptés en 1997 et 2006. Dans son nouveau rapport, le Congrès a noté que la décentralisation des pouvoirs de l’Etat était une «composante majeure» de la démocratisation en Albanie. Il estime que le système albanais d’autonomie locale et régionale correspond en général à l’esprit et aux principes de la Charte européenne de l’autonomie locale, mais qu’il subsiste plusieurs dysfonctionnements majeurs, dont certains sont en contradiction apparente avec les dispositions de la Charte 
			(31) 
			Congrès
des pouvoirs locaux et régionaux, Rec 349(2013), paragraphes 5 et
6.. En outre, le Congrès a recommandé que les autorités albanaises «intensifient le processus de décentralisation, à la lumière de la Charte et des recommandations formulées par le Congrès, et lancent une réforme du système territorial permettant aux petites communes d’assumer pleinement leurs compétences, en particulier dans le domaine de l’aménagement et du développement de leur territoire». 
			(32) 
			Ibid.,
paragraphe 7.a.
72. Il existe aujourd’hui deux niveaux d’administration en Albanie. Le premier niveau est constitué par 373 collectivités locales 
			(33) 
			Municipalités, communes
et «villages»., et le second consiste en 12 régions ou «qarks». En raison du grand nombre de collectivités locales, plusieurs d’entre elles sont trop petites pour gérer efficacement leurs affaires locales et manquent de ressources et de capacités pour être des institutions financièrement et politiquement viables. Le Congrès, ainsi que d’autres institutions internationales, ont recommandé aux autorités albanaises d’envisager de réduire le nombre de collectivités locales en vue de créer des communes plus grandes et plus fortes qui puissent être des unités viables de démocratie locale. Par ailleurs, le nombre de régions (12) serait, de l’avis général, trop élevé pour un pays de la taille de l’Albanie. En effet, le nombre optimal de régions devrait être de six ou sept pour qu’elles soient fortes et autogérées 
			(34) 
			Congrès des pouvoirs
locaux et régionaux, CG(25)11PROV, paragraphes 50-54 et 101..
73. Malheureusement, la polarisation susmentionnée entre les principaux partis politiques au niveau national semble s’être répercutée au niveau local. En conséquence, les collectivités locales qui ont une couleur politique différente ne peuvent pas trouver un terrain d’entente avec le gouvernement central et défendre leurs intérêts. Cette situation affaiblit l’autonomie locale et freine le développement en Albanie de collectivités locales fortes, qui pourraient représenter les intérêts locaux auprès du gouvernement central.
74. Les maires et les conseillers municipaux sont élus au suffrage direct, et les conseils régionaux sont composés de membres de droit délégués par chaque collectivité locale de la région concernée. Chaque collectivité locale doit inclure le maire élu dans sa délégation. Une des faiblesses de la loi sur l’organisation et le fonctionnement des collectivités locales est que le conseil municipal n’a aucune autorité sur le maire élu, ce qui peut entraîner des conflits. Les régions sont dirigées par un préfet, qui est nommé par le Conseil des Ministres. Le préfet est le représentant du pouvoir central au niveau régional, et sa mission consiste à veiller à ce que les politiques nationales soient appliquées au niveau local. Il nous a cependant été rapporté que, dans de nombreux cas, les ministères ont leurs propres représentants directs au niveau régional. Les représentants de la préfecture et des ministères au niveau régional sont considérés par un certain nombre d’interlocuteurs comme un mécanisme permettant au pouvoir central d’exercer un contrôle direct sur les collectivités locales et régionales. Ce contrôle est d’autant plus efficace que les conseils régionaux sont généralement faibles et que les structures régionales sont dominées par la préfecture.
75. Nous recommandons que le fonctionnement et les compétences des structures régionales en tant que deuxième niveau d’administration locale, d’une part, et en tant qu’unités administratives du pouvoir central, d’autre part, soient clarifiés et définis précisément par la loi. Nous recommandons aux autorités d’envisager que les conseils régionaux soient élus au suffrage direct à l’avenir, afin d’être en conformité avec la Charte.
76. Bien que la part des recettes propres dans leurs budgets ait considérablement augmenté au cours des dernières années, les collectivités locales sont encore excessivement tributaires des fonds et ressources du pouvoir central, notamment parce qu’elles ne peuvent pas collecter les impôts locaux. Les collectivités locales devraient donc avoir les moyens de se financer à la mesure de leurs compétences, afin de réduire leur dépendance vis-à-vis du pouvoir central.
77. Les nouvelles autorités ont annoncé qu’une de leurs priorités était de mettre en œuvre une réforme administrative et territoriale afin que les collectivités locales soient indépendantes du point de vue politique, administratif et financier. Cette annonce est une bonne chose. Il est primordial que cette réforme soit ouverte à tous les acteurs et fasse l’objet d’un consensus, non seulement entre la majorité au pouvoir et l’opposition, mais aussi entre le gouvernement central et les collectivités locales concernées. Nous invitons instamment les autorités à élaborer et à mettre en œuvre cette réforme en concertation étroite avec les institutions et départements compétents du Conseil de l’Europe, notamment le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux.
78. Le 24 janvier 2014, le parlement a institué une commission ad hoc bipartisane sur la réforme de l’administration territoriale. Malheureusement, l’opposition a jusqu’à présent refusé d’y participer, bien que la majorité au pouvoir ait proposé de la constituer de façon paritaire et d’accorder un droit de véto à l’opposition sur les décisions de la commission.
79. Le 16 mai 2014, le ministre chargé des Pouvoirs locaux, M. Bledar Çuçi, a présenté cinq versions de la division administrative du pays envisagée, selon laquelle les collectivités locales, actuellement au nombre de 385, passeraient au nombre de 30, 39, 47, 57 ou 63 respectivement. Il était proposé initialement d’abaisser le nombre de régions à six. Toutefois, à la suite d’allégations selon lesquelles la réforme territoriale envisagée pourrait avoir une incidence sur la composition du parlement, il a été décidé de conserver le même nombre de régions. Certains interlocuteurs se sont déclarés préoccupés par le fait que la réforme envisagée semble être essentiellement centrée sur la division administrative du pays, et moins sur les aspects fonctionnels de l’autonomie locale, en particulier sur la manière dont celles-ci obtiendront les ressources nécessaires à la mise en œuvre des services que la loi, et les citoyens, attendent d’elle. Ces inquiétudes font écho aux critiques émises par l’opposition à l’encontre de cette réforme.

4. Prééminence du droit

4.1. Indépendance du système judiciaire et de l’administration de la justice

80. L’indépendance et l’impartialité de la justice ne sont pas suffisamment garanties et le système judiciaire continue de souffrir des pressions et des ingérences politiques 
			(35) 
			Freedom
House, Nations in Transit 2013, p. 54.. Le manque d’indépendance du système judiciaire 
			(36) 
			Selon le Forum économique
mondial, l’Albanie occupe le 101e rang
sur 142 pays, avec une note de 3 sur 7 (1 désigne un système totalement
contrôlé, et 7 un système totalement indépendant). et d’efficacité de l’administration de la justice continuent d’être des points préoccupants concernant l’Albanie. Ce manque d’indépendance, la corruption endémique du système judiciaire et le manque de ressources sont autant de facteurs qui sapent la confiance du public dans la justice. La poursuite de la réforme de la justice, notamment pour garantir son indépendance et lutter contre la corruption, est donc une priorité.
81. Des progrès ont été accomplis dans ce domaine pendant la période examinée. Une stratégie pour la réforme judiciaire en 2011-2013 a été adoptée, mais sa mise en œuvre est incomplète et connaît des retards. Il est important de réaliser une évaluation complète de la stratégie et de sa mise en œuvre, afin de créer une base solide pour les autres réformes qui seront menées dans ce secteur.
82. Un certain nombre de lois essentielles ont été adoptées, notamment la loi sur la Cour suprême, la loi sur les tribunaux administratifs et la loi sur l’administration judiciaire. En outre, le Code pénal, le Code civil et le Code de procédure pénale ont été profondément modifiés. Un examen du Code de procédure pénale est prévu, ainsi que des amendements à la loi sur la Cour constitutionnelle et à la loi sur le Haut Conseil de la justice, en vue de les aligner sur les normes et les pratiques optimales européennes. A notre grande satisfaction, les autorités albanaises ont mis en place une étroite coopération avec les instances compétentes du Conseil de l’Europe, en particulier la Commission de Venise, sur les changements apportés à ces lois.
83. Jusqu’à présent, la réforme de la justice a porté essentiellement sur l’adoption et la modification des lois. Toutefois, la mise en œuvre de celles-ci prend du retard, notamment à cause du manque de ressources – humaines et financières – et d’une mauvaise coopération entre les institutions 
			(37) 
			Voir
aussi la Communication de la Commission au Parlement européen et
au Conseil, COM(2012)600 final, p. 9. . Il est crucial que toutes les principales forces politiques albanaises fassent preuve d’une volonté politique sans faille et alloue les ressources nécessaires pour assurer une mise en œuvre efficace de la réforme de la justice et du système judiciaire.
84. La marge de manœuvre du Haut Conseil de la justice dans la nomination, le transfert et la promotion des juges est trop grande, et la décision d’engager ou de clore une procédure disciplinaire à l’encontre d’un juge relève encore entièrement du ministère de la Justice. Le processus de nomination des juges à la Cour constitutionnelle, à la Cour suprême et au Haut Conseil de la justice peut être facilement politisé et nuire à l’indépendance et à l’impartialité de ces institutions et, par extension, au système judiciaire. Pour le modifier, il faudrait adopter des amendements constitutionnels, mais il n’existe jusqu’à présent aucune volonté ou consensus parmi les principales forces politiques du pays pour lancer le processus. Nous demandons aux autorités actuelles d’adopter sans délai, et en consultation étroite avec l’opposition, les amendements à la Constitution ainsi que la législation d’application qui s’y rapporte, afin de renforcer l’indépendance et l’impartialité de la justice. Nous attendons des autorités qu’elles poursuivent leur étroite coopération avec la Commission de Venise dans la rédaction de ces amendements.
85. Deux remplacements contestables de membres éminents du système judiciaire ont accru le sentiment d’une forte politisation de la justice. Le vice-président du Haut Conseil de la justice, M. Kreshnik Spahiu, a démissionné après avoir été accusé d’abus de pouvoir et d’activités politiques illégales liées à sa participation au mouvement nationaliste «Alliance rouge et noire». Une commission d’enquête a été créée à ce sujet. La Procureure générale d’Albanie, Mme Ina Rama, qui avait ouvert un certain nombre d’enquêtes sur des allégations de corruption de hauts fonctionnaires d’Etat, ainsi que sur les événements du 21 janvier 2010, a été remplacée après une interprétation contestable de la durée de son mandat.
86. Comme il a été mentionné plus haut, la corruption parmi les juges continue de susciter une vive inquiétude et reste le principal obstacle dans la lutte contre la corruption en général. On peut se féliciter que le parlement albanais ait adopté, après un laps de temps très long, une série d’amendements à la Constitution qui limitent l’immunité des membres du gouvernement, des députés, des juges et des hauts fonctionnaires d’Etat, et permettent d’enquêter sur ces personnes et de les poursuivre sans autorisation préalable. Ces amendements sont demandés depuis longtemps par l’Assemblée.
87. En mars 2014, l’adoption des amendements au Code de procédure pénale a permis de mettre en œuvre cette modification de la Constitution. Selon ces dispositions, les fouilles corporelles, les perquisitions à domicile et l’arrestation des membres du gouvernement, des parlementaires, des juges et des hauts fonctionnaires doivent toujours être menées par les autorités compétentes, à savoir le Haut Conseil de la justice pour les juges des juridictions ordinaires, et la Cour suprême pour les juges de la Cour suprême et de la Cour constitutionnelle. En outre, on peut se féliciter que les responsables publics accusés de corruption soient désormais poursuivis par le bureau du procureur chargé des infractions graves et traduits devant la Cour chargée des infractions graves. Selon certains interlocuteurs, ces dispositions mériteraient parfois davantage d’éclaircissements pour lever quelques ambiguïtés qui pourraient nuire à l’efficacité de leur application. De plus, des modifications apportées à d’autres lois, comme la loi sur le Haut Conseil de la justice, sont nécessaires pour garantir la pleine mise en œuvre des modifications constitutionnelles.

4.2. Lutte contre la corruption

88. La corruption persistante et endémique qui règne en Albanie entrave le développement démocratique et socio-économique du pays. Selon l’indice 2012 de la perception de la corruption, publié par Transparency International, l’Albanie occupe le 133e rang sur 176 pays avec une note de 33 sur 100 
			(38) 
			Une note de 0 signifie
«perçu comme fortement corrompu»; une note de 100 signifie «perçu
comme très peu corrompu». . Dans son Baromètre mondial de la corruption 2013, Transparency International indiquait que 40 % de la population avait le sentiment que la corruption avait considérablement augmenté au cours des deux dernières années et 26 % estimait que la corruption avait légèrement augmenté. En outre, 50 % de la population albanaise considère que la corruption est un grave problème, et 30 % qu’elle est un problème. Pour 66 % de la population, le gouvernement est entièrement ou en grande partie dirigé par quelques grands groupes qui agissent au mieux de leurs propres intérêts. Enfin, 58 % de la population pense que les actions du gouvernement contre la corruption sont inefficaces. Le sentiment que la corruption est présente dans presque toutes les couches de la société est attesté par les chiffres. En effet, 72 % des personnes interrogées ont répondu que les partis politiques étaient corrompus ou très corrompus, 66 % ont indiqué que la corruption touchait le parlement, 81 % le système judiciaire, 58 % la police et 52 % les responsables gouvernementaux et les fonctionnaires 
			(39) 
			En outre, 70 % des
personnes interrogées estimaient que les établissements d’enseignement
étaient très corrompus, et 80 % pensaient la même chose en ce qui
concerne les services médicaux et de santé.   
			(40) 
			Transparency International,
Baromètre mondial de la corruption 2013.. De même, dans son rapport Nations in Transit 2013, Freedom House a donné à l’Albanie une note de 5,25, contre 5,0 précédemment, un (1) étant la note la plus élevée et sept (7) la plus basse. Le niveau élevé de corruption a été confirmé, notamment, par des hauts fonctionnaires de la police et de la justice.
89. Le gouvernement albanais a adopté un plan d’action anticorruption pour 2011-2013, ainsi qu’un ensemble de mesures en ce sens en mars 2014. En outre, un coordinateur national pour la lutte contre la corruption et des points de contact au sein des ministères et des organismes publics concernés ont été désignés en novembre 2013. Comme indiqué dans la section sur l’indépendance du système judiciaire, les amendements à la Constitution et au Code de procédure pénale qui ont été adoptés limitent l’immunité des hauts fonctionnaires de l’Etat et facilitent les poursuites à leur encontre en cas de corruption. Une évaluation de la stratégie de lutte contre la corruption est prévue pour janvier 2015. Le nombre de poursuites menées à bien a certes augmenté au cours des dernières années 
			(41) 
			On
note 94 condamnations prononcés par des tribunaux de district au
cours des six premiers mois de 2013 et 56 affaires jugées devant
les cours d’appels pendant la même période. – et, à notre connaissance, cette tendance devrait se poursuivre – mais les efforts déployés par les autorités pour lutter contre la corruption n’ont malheureusement produit que des résultats limités compte tenu de l’ampleur du problème. De nombreux interlocuteurs ont déclaré que ces résultats médiocres étaient dus au manque de volonté politique et aux capacités institutionnelles insuffisantes.
90. Dans deux affaires très médiatisées ayant impliqué des ministres, toutes les charges ont été abandonnées lorsque la Cour suprême a jugé que l’authenticité des enregistrements vidéo qui montraient apparemment des actes de corruption ne pouvait pas être vérifiée, malgré des rapports d’experts internationaux indiquant le contraire. Nous n’avons pas ici l’intention d’examiner la pertinence de ces décisions de justice, mais nous craignons que ces deux affaires très médiatisées aient contribué à donner au public le sentiment que des hauts responsables de l’Etat peuvent agir en toute impunité. On peut se féliciter qu’un petit nombre d’enquêtes et de poursuites judiciaires concernant des affaires de corruption à haut niveau aient été entreprises au cours du premier semestre 2014.
91. Comme il a été mentionné dans la section précédente, il faut se féliciter de l’adoption d’amendements constitutionnels qui limitent l’immunité des responsables publics, en particulier les députés et les juges. La manière dont les membres de la Cour suprême sont nommés doit changer. Outre le risque de politisation de la Cour, la procédure de nomination actuelle est considérée comme étant de nature à encourager le sentiment d’impunité en cas de corruption. Les membres de la Cour suprême sont nommés par le parlement sur proposition du Président. La Cour suprême est la cour de première instance pour les affaires de corruption impliquant des hauts responsables de l’Etat, notamment les ministres et les députés, mais, de l’avis général, elle est incapable de se prononcer contre des membres du gouvernement et de la majorité au pouvoir.
92. La Haute inspection pour la déclaration et la vérification du patrimoine (HIDVP) est un instrument déterminant dans la lutte contre la corruption. Tous les élus, juges et hauts fonctionnaires doivent déclarer leur patrimoine – ainsi que celui de leurs épouses, de leurs enfants et des personnes qui cohabitent – à la HIDVP, qui est une institution indépendante. Cette obligation concerne actuellement 6 000 personnes. En avril 2014, la loi sur la déclaration du patrimoine a été amendée, en conséquence de quoi toutes les déclarations feront l’objet d’une vérification, le système de tirage au sort des déclarations à examiner n’ayant plus cours désormais. En vertu de cette loi, tous les juges et les procureurs feront en outre partie des personnes devant remplir une déclaration annuelle de leur patrimoine. Celle-ci devra être vérifiée au moins tous les quatre ans. Il est difficile de dire comment la HIDVP pourra assumer cette charge de travail supplémentaire 
			(42) 
			Le
nouvel inspecteur général de la HIDVP nous a appris que sur les
5 800 déclarations reçues, 2 600 étaient incomplètes ou comportaient
des erreurs flagrantes qui devaient être corrigées.. Malheureusement, cette institution manque d’effectifs 
			(43) 
			Elle est dotée au total
de 53 agents, dont 23 inspecteurs. et de ressources par rapport à sa charge de travail et l’importance de sa mission. Certains éléments indiquent que le bureau du Procureur général ne donne pas suite aux conclusions de la HIDVP, ce qui est préoccupant. En 2012, 14 affaires ont été transmises au procureur afin qu’il engage des poursuites pénales. Toutes les poursuites ont été suspendues, malgré la gravité des charges retenues par la HIDVP. Nous exhortons les autorités à veiller à ce que les services du procureur assurent un suivi exemplaire et rapide de tous les cas de fraude et de toutes les demandes d’ouverture d’enquêtes pénales soumis par la HIDVP. A cet égard, nous nous félicitons de l’ouverture au premier semestre 2014 de sept procédures 
			(44) 
			Affaires
concernant trois juges, un procureur, un ambassadeur et deux inspecteurs. par les services du procureur dans des affaires de déclarations erronées.
93. En général, les institutions publiques qui sont chargées de la lutte contre la corruption sont vulnérables aux pressions et intérêts politiques. Il est donc crucial de mettre rapidement en œuvre la loi sur la fonction publique, qui vise à réduire l’influence et les pressions politiques en introduisant des procédures de nomination et de révocation fondées sur le mérite.
94. Le nombre d’enquêtes ouvertes par le Département du contrôle interne et de la lutte contre la corruption et la Haute inspection pour la déclaration et la vérification du patrimoine a augmenté. Les autorités doivent veiller à ce que des ressources suffisantes soient allouées à ces deux organes pour renforcer leurs capacités d’enquête et de vérification. Nous relevons avec satisfaction que, depuis avril 2014, les juges et les procureurs sont effectivement couverts par la loi sur la déclaration du patrimoine ce qui est important car il est clair que l’élimination de la corruption parmi les magistrats est indispensable pour obtenir des résultats dans la lutte contre la corruption en général.
95. Le 11 novembre 2013, un protocole d’accord a été signé entre la police d’Etat albanaise, le bureau du Procureur général et le Service d’information de l’Etat (SHISH), dans le but d’améliorer la lutte contre la criminalité organisée et la corruption.
96. A sa 60e réunion plénière, qui s’est tenue du 17 au 21 juin 2013, le GRECO a adopté son deuxième rapport de conformité 
			(45) 
			Greco
RC-III (2013)7E. aux recommandations qu’il a formulées dans le cadre de son rapport d’évaluation du troisième cycle consacré à l’Albanie. Le troisième cycle d’évaluation couvre deux thèmes distincts, à savoir les incriminations pour faits de corruption dans la législation albanaise, et la transparence du financement des partis. Ce rapport de conformité conclue que l’Albanie a mis en œuvre ou traité de façon satisfaisante l’ensemble des 12 recommandations énoncées dans le rapport d’évaluation du troisième cycle. Le GRECO souligne également qu’il est important désormais que toutes les dispositions soient bien mises en pratique. Le quatrième cycle d’évaluation du GRECO désigne plusieurs secteurs nécessitant des améliorations de la part de l’Albanie 
			(46) 
			Voir le document <a href='http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/greco/evaluations/round4/GrecoEval4(2013)9_Albania_fr.pdf'>GrecoEvalIVRep(2013)9F</a>, publié le 27 juin 2014.. Celle-ci a reçu 10 recommandations portant sur l’amélioration de la transparence du processus législatif, de la procédure de déclaration du patrimoine et de l’évaluation des juges et des procureurs.
97. Le 16 janvier 2014, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, M. Nils Muižnieks, a publié un rapport 
			(47) 
			CommDH(2014)1. dans lequel il se montre préoccupé du niveau élevé de corruption dans le système judiciaire, «qui entrave gravement le bon fonctionnement du système judiciaire et sape la confiance du public dans la justice et la prééminence du droit».

4.3. Exécution des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme

98. Au 17 janvier 2014 
			(48) 
			<a href='http://www.echr.coe.int/Documents/CP_Albania_ENG.pdf'>www.echr.coe.int/Documents/CP_Albania_ENG.pdf</a>., 478 plaintes étaient déposées contre l’Albanie, dont 424 ont déjà été déclarées recevables. La plupart des affaires qui ont été déclarées recevables concernent des plaintes pour violation du droit à un procès équitable et du droit à un recours effectif.
99. Les décisions prononcées par la Cour européenne des droits de l’homme («la Cour») dans 32 affaires contre l’Albanie n’ont pas encore été exécutées. La plupart de ces décisions concernent l’inexécution de décisions administratives et judiciaires visant la restitution de biens nationalisés sous le régime communiste ou le versement d’indemnisations appropriées. L’inexécution est une violation 
			(49) 
			Ainsi qu’une violation
de l’article 6.1 (droit à un procès équitable) et de l’article 13
(droit à un recours effectif). de l’article 1 du Protocole n° 1 à la Convention européenne des droits de l’homme (STE nos 5 et 9) (protection de la propriété). Ces affaires ont révélé un tel dysfonctionnement structurel permanent dans l’application des décisions prononcées par les tribunaux nationaux et un tel manque de recours effectif qu’elles sont suivies par le Comité des Ministres dans le cadre d’une procédure de supervision renforcée 
			(50) 
			Pour
de plus amples informations sur la supervision de l’exécution des
arrêts et décisions de la Cour européenne des droits de l’homme,
consulter: <a href='http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/execution/presentation/pres_exec_FR.asp?'>www.coe.int/t/dghl/monitoring/execution/presentation/pres_exec_FR.asp?</a>.. Compte tenu de l’ampleur du problème, la Cour a prononcé un arrêt pilote dans l’affaire Manushaqe Puto et autres c. Albanie.
100. Dans cet arrêt pilote, la Cour a demandé qu’un régime de compensation soit créé dans un délai de 18 mois à compter de la date à laquelle l’arrêt sera devenu définitif (avant le 17 juin 2014). En outre, la Cour a indiqué que la compilation de données précises permettrait aux autorités de calculer les implications financières globales de l’opération d’indemnisation, et elle a proposé la révision et la mise à jour des tableaux d’évaluation tenant compte des évolutions sur le plan foncier. Elle a souligné enfin qu’il était important de fixer des délais réalistes et contraignants. En attendant que les autorités albanaises adoptent les mesures générales ordonnées par la Cour, celle-ci a décidé d’ajourner, jusqu’au 17 juin 2014, l’examen de toutes les nouvelles requêtes similaires qui seront introduites après le prononcé de l’arrêt pilote. Elle continuera cependant d’examiner les requêtes similaires introduites avant l’entrée en vigueur de l’arrêt pilote. Le greffe de la Cour estime qu’il y a actuellement 83 affaires pendantes 
			(51) 
			Lettre du Greffe de
la Cour européenne des droits de l’homme adressée au Comité des
Ministres concernant l’affaire Manushaqe
Puto et autres c. Albanie (ECHR-LE21.3CM/modYP/yp). qui entrent dans cette catégorie.
101. Dans sa résolution 
			(52) 
			CM/ResDH(2013)115. concernant l’exécution de l’arrêt pilote, adoptée lors de la 1 172e réunion du 6 juin 2013, le Comité des Ministres a relevé «avec vive préoccupation qu’à ce jour, seule une des mesures identifiées a été finalisée, à savoir la carte d’évaluation foncière, et qu’aucun plan d’action n’a été soumis démontrant la capacité des autorités albanaises à mettre en place, dans le délai imparti par la Cour, un mécanisme d’indemnisation efficace». Etant donné que le nombre important d’affaires analogues pendantes et introduites devant la Cour nuit gravement à l’efficacité du travail qu’elle accomplit, nous saluons les progrès réalisés par les autorités albanaises pour remédier à ce problème.
102. Le plan d’action que ces dernières ont soumis au Comité des Ministres en se fondant sur les consultations engagées avec le service de l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme en février 2014, définit un train complet de mesures visant à adopter un mécanisme efficace d’ici juin 2015. Tout en regrettant que le délai fixé par l’arrêt pilote ne sera pas respecté, le Comité des Ministres, lors de sa 1 193e réunion en mars 2014, a relevé avec satisfaction la priorité accordée à cette question par les autorités. Le plan d’action a été adopté par le Conseil des ministres albanais le 24 avril 2014 et mis à jour lors de son entrée en vigueur le 15 mai 2014, ce qui lui a conféré un caractère contraignant. Au cours de sa 1 201e réunion du 3 au 5 juin 2014, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a salué l’adoption de ce plan d’action par les autorités albanaises, mais, compte tenu du délai imparti pour sa mise en œuvre, les a exhortées à redoubler d’efforts pour accélérer le processus autant que possible. Selon les informations en notre possession, les autorités auraient demandé à la Cour une prorogation du délai initial fixé dans l’arrêt Manushaqe Puto et autres.

5. Droits de l’homme

5.1. Protection des droits de l’homme

103. Des progrès ont été accomplis dans le renforcement des mécanismes de protection des droits de l’homme en Albanie. Les libertés de réunion, d’association, de pensée et de religion sont généralement respectées dans le pays. Les préoccupations concernant la liberté d’expression ont déjà été mentionnées dans la section consacrée à la liberté et au pluralisme des médias, et celles relatives au droit à un procès équitable ont été exprimées dans la section consacrée à la prééminence du droit.
104. Durant la période examinée, l’Albanie a signé et ratifié un certain nombre de conventions du Conseil de l’Europe, notamment la Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE n° 210).
105. Il a déjà été indiqué plus haut que le nombre de requêtes introduites devant la Cour européenne des droits de l’homme était préoccupant ainsi que les retards pris dans l’exécution de ses décisions. Dans ce contexte, le respect des droits de propriété reste un point préoccupant auquel les autorités s’attaquent dorénavant.
106. Les crimes d’honneur et les vendettas sont un sujet d’inquiétude en Albanie. Le rapport 2012 du Département d’Etat américain sur les droits de l’homme dans le monde indique que ces meurtres sont en augmentation et note que des mineurs et des femmes ont été ciblés dans plusieurs cas, contrairement aux traditions liées à cette pratique. Le Comité albanais de réconciliation nationale a recensé 152 crimes d’honneur en 2012. Les crimes d’honneur ou les vendettas constituent des circonstances aggravantes en cas de meurtre avec préméditation. Les autorités albanaises ont déclaré reconnaître l’importance de ce problème. Les modifications du Code pénal ont relevé la peine maximale applicable aux crimes d’honneur de 20 à 30 ans d’emprisonnement ou à la réclusion à perpétuité. Le Bureau du médiateur a élaboré un rapport spécial sur les crimes d’honneur, qui a été présenté au parlement et dans lequel il concluait que la loi de 2005 sur les crimes d’honneur n’était pas encore appliquée par les autorités. Ce rapport, ainsi que les autres rapports produits par son bureau, n’ont malheureusement pas (encore) été examinés par le parlement.

5.2. Torture et traitement cruel, inhumain ou dégradant

107. Le 20 mars 2012, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) a rendu public son rapport sur la visite qu’il a effectuée en Albanie du 10 au 21 mai 2010. Le CPT a noté que la coopération avec les autorités avait été très bonne.
108. En ce qui concerne la détention provisoire, le CPT a noté que les centres de détention provisoire relèvent de la responsabilité du ministère de la Justice et sont conformes aux normes européennes. Il n’existe pas cependant de procédure appropriée pour le transfert des détenus des cellules des postes de police aux centres de mise en détention provisoire. Les détenus devaient donc rester dans les cellules de police, qui ne sont pas équipées pour des détentions longues, pendant des périodes bien supérieures aux limites réglementaires.
109. Malheureusement, malgré certains progrès accomplis dans ce domaine depuis les visites précédentes, le CPT a continué de recevoir un nombre important d’allégations de mauvais traitements de personnes détenues par la police, notamment lors des interrogatoires, dans le but d’obtenir des aveux ou des preuves. Cette situation est particulièrement préoccupante, surtout si l’on considère qu’aucune enquête indépendante n’a été ouverte après le dépôt officiel des plaintes. Les autorités doivent prendre des mesures urgentes pour y remédier.
110. Le droit de consulter un avocat et un médecin pendant la garde à vue est un mécanisme important pour empêcher les mauvais traitements. Des progrès considérables ont été accomplis en vue d’aider les détenus à consulter un avocat ou un médecin, mais des retards se produisent à ce sujet, ce qui nuit à l’efficacité de ce mécanisme 
			(53) 
			CPT/Inf(2012)11, paragraphes
21-24.. L’enregistrement systématique des interrogatoires menés par la police est également recommandé, car il s’agit d’un mécanisme de protection contre les mauvais traitements qui pourraient être infligés pendant la garde à vue. Les modifications du Code de procédure pénale adoptées en avril 2014 incluraient des dispositions qui renforcent les droits des prisonniers et des détenus.
111. Dans son rapport, le CPT constate avec regret que, lors de sa visite en 2012, les recommandations qu’elle avait formulées précédemment concernant les conditions de détention dans les postes de police n’avaient quasiment pas été mises en œuvre par les autorités albanaises. En effet, les cellules de détention provisoire (d’une durée maximale de 10 heures) étaient généralement dépourvues de chaises ou de bancs pour que les détenus puissent se reposer. Quant aux cellules de garde à vue (pour les détentions d’une durée maximale de 96 heures), les conditions étaient décrites par le CPT comme «désastreuses»: absence générale de ventilation, accès limité à la lumière naturelle et conditions minimales d’hygiène.
112. En revanche, le CPT a reconnu que les autorités albanaises avaient réussi à réduire la surpopulation carcérale et à améliorer les conditions de détention, même si celles-ci restent préoccupantes en raison notamment des crédits limités. Nous nous félicitons que le CPT n’ait quasiment pas reçu d’allégations de mauvais traitements, mais nous sommes d’avis, comme le CPT, que les autorités doivent continuer d’être vigilantes à cet égard.
113. Les conclusions de la dernière visite du CPT soulignent que la qualité des soins de santé dans les prisons reste un sujet de préoccupation qui mérite la plus grande attention des autorités, compte tenu de son impact sur la santé publique en général.
114. Le Mécanisme national pour la prévention de la torture, qui relève du Bureau du médiateur, est devenu de plus en plus actif dans l’inspection des prisons et d’autres lieux de détention.

5.3. Minorités et discrimination

115. Le Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales a adopté son troisième avis sur l’Albanie le 23 novembre 2011 
			(54) 
			ACFC/OP/III(2011)009.. Le rapport le plus récent 
			(55) 
			CRI(2010)1. de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) a été adopté le 15 décembre 2009 dans le cadre du quatrième cycle de suivi.
116. La législation albanaise ne reconnaît comme entités juridiques distinctes que trois minorités nationales (grecque, macédonienne et serbo-monténégrine) et deux minorités ethno-linguistiques (rom et valaque/aroumaine). Les personnes qui appartiennent à d’autres groupes, par exemple les Bosniaques et les Egyptiens, ne sont pas considérées comme appartenant à des minorités nationales et ne bénéficient donc pas des instruments nationaux et internationaux protégeant les droits des minorités tels que la Convention-cadre du Conseil de l’Europe pour la protection des minorités nationales (STE n° 157). En outre, du fait également de cette reconnaissance limitée, plusieurs minorités ne sont pas représentées dans les organes officiels créés pour représenter les intérêts des minorités auprès des autorités. Le système actuel de reconnaissance des minorités, trop limité et inadéquat, devrait être changé afin d’être plus souple.
117. Le cadre législatif pour la protection des minorités a été amélioré au cours de la période examinée. Il manque cependant une loi sur les minorités qui intégrerait toutes les recommandations de la convention-cadre. Nous espérons que le nouveau parlement adoptera une loi de ce type dans les plus brefs délais et qu’il travaillera pour cela en coopération étroite avec les organes compétents du Conseil de l’Europe.
118. Un recensement de la population a été réalisé en Albanie en octobre 2011. La loi sur le recensement a été modifiée plusieurs fois avant qu’il n’ait eu lieu. Initialement, il avait été institué une amende pour toute réponse inexacte à la question sur l’origine ethnique. Cette disposition aurait été retirée seulement trois mois avant le recensement. Les réponses données devaient être contrôlées par recoupement avec le registre d’état civil, dont l’inexactitude des données à cet égard est notoire. On peut donc légitimement se demander si ces dispositions sont compatibles avec les principes de la convention-cadre et si les données du recensement sont exactes en ce qui concerne l’ethnicité et la nationalité.
119. Le projet pour une résolution sur les Chams 
			(56) 
			Les Chams sont des
Albanais ethniques qui résidaient à l’origine dans la région côtière
d’Epire, dans le nord-ouest de la Grèce. Après la seconde guerre
mondiale, la quasi totalité des Chams a été déportée de Grèce en
raison de la collaboration d’une (grande) partie d’entre eux avec
les occupants italiens et allemands de la Grèce. qui circule actuellement au parlement est à l’origine d’une polémique. Ce projet de résolution porte sur plusieurs questions qui sont importantes pour la communauté cham en Albanie, notamment l’abrogation de la loi de 1940 sur la guerre entre la Grèce et l’Albanie et la restitution des biens abandonnés lorsque les Chams musulmans ont été contraints de fuir la Grèce. La valeur des biens contestés serait d’environ 10 milliards d’euros. Il n’est pas surprenant que ce projet de résolution pèse sur les relations avec la Grèce, qui a jugé «inacceptable» le texte du projet de résolution dans sa forme actuelle. Toutes les principales forces politiques albanaises ont souligné qu’elles ne souhaitaient pas que les débats sur cette question nuisent aux relations amicales nouées avec la Grèce. Il faut sans doute considérer que la décision de soumettre un projet de résolution sur cette question s’explique par le climat de plus en plus nationaliste qui régnait en Albanie à l’approche des élections législatives de 2013.
120. L’enseignement des langues minoritaires (reconnues ou non) reste inapproprié. Dans les «zones minoritaires», les écoles assurent un enseignement en grec et macédonien, mais à l’extérieur desdites «zones», les demandes d’enseignement dans ces langues sont généralement rejetées. Aucun enseignement n’est prévu en rom, serbo-monténégrin ou valaque. Il est regrettable que l’Albanie n’ait ni signé ni ratifié la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (STE n° 148), bien que cela fasse partie explicitement des engagements d’adhésion 
			(57) 
			Avis 189 (1995), paragraphe 17.11.. Nous invitons les autorités à honorer cet engagement d’adhésion dans les plus brefs délais.
121. Des progrès importants ont été accomplis dans la lutte contre la discrimination. Le Code pénal a été amendé afin de prendre en compte les délits avec circonstances aggravantes commis dans le cadre de discriminations fondées sur le genre, la race, l’ethnicité, l’orientation sexuelle, la religion, l’opinion politique ou la santé. Un Commissaire à la protection contre les discriminations a été établi par la loi. La création et la nomination d’un commissaire est une recommandation de longue date formulée par l’ECRI et il convient de se féliciter de cette avancée. Cependant, plusieurs interlocuteurs ont fait remarquer que les rôles respectifs du Commissaire à la protection contre les discriminations et du médiateur doivent être clarifiés et précisés afin d’éviter tout chevauchement et interférence possibles. Le 4 février 2010, le Parlement albanais a adopté une loi très complète contre les discriminations, conformément aux recommandations de l’ECRI et du Comité consultatif de la Convention-cadre. Les autorités devraient faire tout leur possible pour que cette loi soit désormais mise en application, dans son intégralité et avec efficacité.
122. Des progrès significatifs ont été accomplis concernant la lutte contre la discrimination à l’égard des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT). Un groupe de travail pour la défense des droits de ces personnes a été créé au sein du ministère des Affaires sociales et les principaux partis ont manifesté leur soutien appuyé en faveur du renforcement des droits des LGBT.
123. L’Albanie est une société qui est généralement tolérante à l’égard des minorités, mais la discrimination des Roms demeure un sujet de préoccupation. Dans leurs rapports récents, l’ECRI et le Comité consultatif de la Convention-cadre ont demandé aux autorités d’élaborer et d’exécuter un plan d’action – et, plus généralement, d’intensifier leurs efforts – en vue de lutter contre la discrimination des Roms et de faciliter leur bonne intégration dans la société. Le ministère albanais du Bien-être social et de la Jeunesse a entrepris la rédaction d’un plan d’action concret pour améliorer la situation de la communauté rom.
124. En février 2012, alors qu’il évoquait certains des problèmes rencontrés par les Roms en Albanie, le médiateur albanais a autorisé 37 familles de Roms à s’installer provisoirement sur le site où se trouvent ses bureaux. Ces familles avaient été expulsées du terrain qu’elles occupaient sans qu’on leur propose une solution de relogement.

5.4. Médiateur

125. Nous nous félicitons que le médiateur participe de plus en plus activement à la protection des droits de l’homme et aide les citoyens à affirmer leurs droits vis-à-vis du gouvernement. Dans ce contexte, nous regrettons que sa nomination ait pris du retard à cause de l’impasse politique qui s’est produite entre la majorité au pouvoir et l’opposition suite aux élections législatives de 2009.
126. Les recommandations du médiateur sont de plus en plus suivies d’effet, mais ses rapports au parlement n’ont pas été jusqu’à présent inscrits à l’ordre du jour du parlement et ne sont donc pas examinés dans l’enceinte parlementaire. Nous appelons le Parlement albanais à inscrire systématiquement les rapports – statutaires et spéciaux – du médiateur à l’ordre du jour du parlement afin qu’ils soient examinés par les députés. Nous saluons la nette amélioration de la coopération entre le médiateur et le président du parlement ainsi que la promesse de ce dernier d’inscrire prochainement l’examen de ces rapports à l’ordre du jour des sessions plénières du parlement.
127. Comme susmentionné, le médiateur intervient également en tant que mécanisme national pour la prévention de la torture. Au total, 5 200 plaintes ont été reçues en 2012. Cependant, les ressources humaines et financières du médiateur sont limitées. En effet, ses effectifs s’élèvent au total à 48 personnes, qui sont chargées d’exécuter efficacement toutes les fonctions que le législateur lui a confiées. Nous demandons aux autorités d’allouer des ressources suffisantes à ses services pour que le médiateur puisse accomplir les tâches qui lui incombent, notamment celles qui sont liées à la mise en place de bureaux régionaux dotés de professionnels qualifiés. A l’heure actuelle, ce sont en effet des bénévoles d’organisations de la société civile qui assurent le fonctionnement de ces bureaux.

5.5. Suivi du rapport de l’Assemblée sur le traitement inhumain de personnes et le trafic illicite d’organes humains au Kosovo

128. Le 25 janvier 2011, l’Assemblée a adopté la Résolution 1782 (2011) sur l’enquête sur les allégations de traitement inhumain de personnes et de trafic illicite d’organes humains au Kosovo. Ce document a été élaboré sur la base d’un rapport 
			(58) 
			Doc. 12462. rédigé par M. Dick Marty. Dans son rapport, M. Marty fournit des éléments crédibles indiquant que des Serbes et des Kosovars albanais faits prisonniers pendant le conflit au Kosovo ont été assassinés afin de prélever leurs organes et de vendre ceux-ci au marché noir. Le rapport ne fait pas mention d’une éventuelle responsabilité ou complicité de l’Albanie dans ce domaine, mais ces crimes auraient eu lieu dans des lieux de détention secrets placés sous le contrôle de l’Armée de libération du Kosovo (UÇK) dans le nord de l’Albanie. Dans la Résolution 1782 (2011), l’Assemblée a donc invité les autorités albanaises à coopérer sans réserve avec la Mission de police et de justice de l’Union européenne (EULEX) et les autorités de Serbie dans le cadre des procédures destinées à faire la lumière sur ces crimes, et à ouvrir une enquête sérieuse et crédible concernant des faits de nature criminelle qui se seraient produits sur le territoire albanais 
			(59) 
			Résolution 1782 (2011), paragraphe 19.5..
129. Nous nous félicitons que les autorités albanaises coopèrent pleinement et sans réserve avec les enquêteurs d’EULEX sur les crimes qui se seraient produits sur le territoire albanais. Considérant qu’il est de la plus haute importance que les allégations formulées dans ce rapport fassent l’objet d’une enquête complète et transparente, le Parlement albanais a adopté en mai 2012 la loi relative aux relations juridictionnelles en matière pénale avec l’Equipe spéciale d’enquête d’EULEX. En vertu de ce texte, les procureurs d’EULEX ont le pouvoir d’enquêter sur le territoire albanais au sujet des accusations d’implication du pays dans le trafic illicite d’organes humains sur le territoire albanais. Ils ont reçu le plein soutien de toutes les institutions compétentes. En ce qui concerne l’enquête indépendante et distincte menée par les autorités albanaises à la demande de l’Assemblée, celles-ci ont déclaré que leurs investigations n’ont pas confirmé jusqu’à présent les conclusions de M. Marty.

6. Conclusions

130. L’avant-projet de rapport a été transmis aux autorités albanaises le 11 mars 2014 pour commentaires. Ceux-ci ont été reçus le 30 mai 2014 et pris en compte lors de la finalisation du rapport.
131. Durant la période examinée, l’Albanie a fait, quoique tardivement, des progrès substantiels pour honorer ses obligations et engagements à l’égard du Conseil de l’Europe. Cependant, dans plusieurs domaines concernant notamment l’impartialité des institutions démocratiques et de la fonction publique, l’indépendance de la justice et la lutte contre la corruption, de graves préoccupations subsistent, en particulier quant à la mise en œuvre des nombreuses réformes et «paquets législatifs» qui ont été adoptés. A la lumière des considérations qui précèdent, nous recommandons par conséquent que l’Assemblée continue de suivre le respect des obligations et engagements contractés par l’Albanie jusqu’à ce que ces sujets de préoccupation soient résolus de manière satisfaisante.