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Résolution 2010 (2014) Version finale

Une justice pénale des mineurs adaptée aux enfants: de la rhétorique à la réalité

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 27 juin 2014 (27e séance) (voir Doc. 13511, rapport de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, rapporteur: M. Stefan Schennach; et Doc. 13547, avis de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, rapporteure: Mme Kristien Van Vaerenbergh). Texte adopté par l’Assemblée le 27 juin 2014 (27e séance).

1. Les droits de l’enfant se sont considérablement développés depuis trente ans. Au cours de ce processus, il est devenu évident que les enfants présentent des besoins bien particuliers qu’il convient de prendre en considération, notamment lorsque ces enfants ont affaire à la justice. Cette question est spécifiquement traitée dans plusieurs instruments internationaux et régionaux consacrés aux droits de l’enfant, comme les Lignes directrices du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur une justice adaptée aux enfants, adoptées en 2010.
2. Les enfants sont confrontés à la justice dans différentes circonstances, notamment lorsqu’ils sont en conflit avec la loi. La recherche du meilleur moyen de traiter la délinquance juvénile est une mission difficile pour tous les gouvernements, tenus de trouver le juste équilibre entre protection de la société et intérêt supérieur de l’enfant, qui est un être humain en devenir, qui apprend et reste ouvert à des influences positives pour sa socialisation. Cependant, les pressions que subissent les responsables politiques pour faire preuve de fermeté face à la délinquance ont engendré l’adoption de mesures de plus en plus sévères à l’égard des enfants en conflit avec la loi.
3. En outre, malgré l’arsenal de normes internationales et régionales offrant un cadre bien établi pour régir la justice pénale des mineurs, une importante dissonance persiste entre le discours relatif aux droits humains et la réalité des mesures prises à l’égard de nombreux enfants dans le cadre de la justice pénale des mineurs, en particulier de leur détention. Les organes de suivi des Nations Unies et du Conseil de l’Europe font état d’une situation plutôt insatisfaisante en ce qui concerne la mise en œuvre des normes relatives aux droits humains dans le domaine de la justice pénale et de la détention des mineurs. Dans ce contexte, la surreprésentation d’enfants vulnérables en détention a été considérée comme alarmante.
4. Afin d’améliorer les droits de l’enfant et les pratiques en matière de justice pénale des mineurs dans toute l’Europe, il est primordial de se concentrer sur la mise en œuvre des normes y afférentes. Prévenir la délinquance juvénile, éviter que les jeunes soient confrontés à la justice pénale en relevant l’âge minimum de responsabilité pénale et en encourageant la déjudiciarisation, promouvoir la mise en œuvre de mesures alternatives non privatives de liberté et réduire le nombre d’enfants détenus sont autant d’éléments essentiels au succès de la justice pénale des mineurs. Ces solutions sont également moins coûteuses et plus à même d’assurer la sécurité publique et d’aider les jeunes à exploiter leur potentiel.
5. Compte tenu de ce qui précède, l’Assemblée parlementaire invite instamment les Etats membres du Conseil de l’Europe à mettre en conformité leur législation et leurs pratiques avec les normes relatives aux droits humains régissant la justice pénale des mineurs.
6. L’Assemblée appelle notamment les Etats membres:
6.1. à établir un système spécialisé de justice pénale des mineurs en mettant en place des lois, des procédures et des institutions spécialement conçues pour les enfants en conflit avec la loi, entre autres l’institution d’une ombudspersonne pour les enfants, au vu de la pratique positive de certains Etats membres;
6.2. à fixer l’âge minimum de responsabilité pénale à au moins 14 ans, tout en définissant un éventail de solutions adaptées aux plus jeunes délinquants pour remplacer les poursuites pénales traditionnelles;
6.3. à interdire les dérogations à l’âge minimum de responsabilité pénale, même en cas d’infraction grave;
6.4. à veiller à ce que la détention de mineurs ne soit qu’une mesure de dernier ressort et d’une durée aussi brève que possible, en particulier:
6.4.1. en définissant une limite d’âge au-dessous de laquelle il est interdit de priver un enfant de sa liberté, qui soit de préférence supérieure à l’âge minimum de responsabilité pénale;
6.4.2. en mettant au point un large éventail de mesures et de sanctions alternatives non privatives de liberté en remplacement de la détention provisoire et de l’incarcération après le procès, y compris des mesures éducatives, des sanctions appliquées dans la communauté et des programmes de traitement;
6.4.3. en abolissant les peines d’emprisonnement à perpétuité sous toutes leurs formes pour les enfants;
6.4.4. en définissant une durée maximale d’emprisonnement raisonnable pour les enfants;
6.4.5. en prévoyant un réexamen régulier des mesures et/ou des sanctions non privatives de liberté appliquées aux enfants;
6.5. à veiller à ce que la privation de liberté, utilisée en tant que mesure de dernier ressort, vise à assurer la réadaptation des enfants et leur réinsertion dans la société, notamment en prévoyant des programmes de formation et de traitement appropriés;
6.6. à établir un large éventail de programmes de déjudiciarisation, respectueux des normes en matière de droits humains et fondés, inter alia, sur les principes de la justice réparatrice, en vue de prendre en charge les délinquants mineurs sans avoir recours à une procédure judiciaire;
6.7. à dépénaliser les délits d’état, c'est-à-dire des actes qui ne constituent des infractions que s’ils sont commis par des enfants;
6.8. à garantir que tous les acteurs chargés de l’administration de la justice pénale des mineurs reçoivent une formation appropriée afin d’assurer une mise en œuvre effective des droits de l’enfant dans ce contexte;
6.9. à prévenir la détention de jeunes délinquants, entre autres en introduisant un système d’intervention rapide destiné à permettre à une équipe multidisciplinaire, réunissant la police, des travailleurs sociaux, des infirmiers psychiatriques et des travailleurs de jeunesse, de faciliter l’enquête sur les infractions commises par de jeunes délinquants et de proposer à ceux-ci, ainsi qu’à leur famille, un soutien et une réadaptation.
7. L’Assemblée invite tous les Etats membres à soutenir l’appel en faveur d’une étude mondiale sur les enfants privés de liberté initié par Défense des Enfants International, appuyé par plusieurs autres organisations de la société civile, et lancé le 13 mars 2014.
8. Enfin, l’Assemblée renvoie à sa Résolution 1796 (2011) «Jeunes délinquants: mesures sociales, éducation et réadaptation», dans laquelle elle a promu des réponses fondées sur l’assistance sociale afin de prévenir la délinquance juvénile, qui favorisent une insertion sociale et une participation plus importantes, et renforcent l’intérêt pour l’éducation et les comportements sociaux acceptables.