1. Introduction
1. Je tiens à féliciter Mme de Pourbaix-Lundin pour
son rapport. Pour comprendre la montée du néonazisme, il est nécessaire
d'examiner l'état actuel de la société européenne et le défi que
les diverses identités de l'Europe représentent.
2. Le néonazisme n'est pas un phénomène nouveau, mais il est
de plus en plus répandu et est parfois même entré dans le paysage
politique et institutionnel, notamment par sa représentation dans
plusieurs parlements. Le rapport est donc opportun et nécessaire,
compte tenu notamment des manifestations croissantes de nationalisme
agressif, de néonazisme, d'antisémitisme et de xénophobie en Europe
et partout dans le monde. Une meilleure connaissance du néonazisme
sous toutes ses formes peut aider à empêcher qu’il ne se propage
davantage. Le rapport de Mme de Pourbaix-Lundin est un texte constructif,
visant à trouver des façons d'éliminer ces phénomènes aux niveaux
national et paneuropéen, et à intensifier les efforts pour empêcher
l'expansion de ce fléau qu’est le néonazisme.
3. Parmi les principales raisons de l'augmentation des manifestations
de néonazisme, la rapporteure de la commission des questions politiques
et de la démocratie mentionne la réaction, principalement de la
jeune génération, aux conséquences de la crise financière et économique,
ainsi que l'incapacité des gouvernements nationaux à créer des modèles
de société efficaces à vocation sociale et à développer des politiques
de migration réussie. La crise économique, qui entraîne des difficultés
matérielles pour beaucoup, peut exacerber l'intolérance sous ses
différentes formes et attiser la violence extrémiste, en ciblant
en particulier les minorités. Trop souvent, en période de chômage
élevé et de baisse des salaires, par exemple, les étrangers – en particulier
les migrants et les demandeurs d'asile – deviennent aisément les
boucs émissaires du mécontentement d’autres groupes.
4. Le néonazisme, cependant, n'est pas simplement une forme de
xénophobie. Le racisme, y compris contre les Roms, le nationalisme
agressif, l'antisémitisme, l'homophobie et la quête de la «pureté
ethnique» font partie de ses caractéristiques.
5. Je partage pleinement l’attention que Mme de Pourbaix-Lundin
apporte à la prévention, notamment par le biais de l'éducation,
puisqu’il apparaît que la jeunesse est une cible facile et privilégiée
de la propagande néonazie. En outre, les groupes extrémistes comptent
de plus en plus sur les médias sociaux et les autres moyens technologiques,
particulièrement populaires auprès des jeunes, pour diffuser leurs
messages et faire des adeptes.
6. Je voudrais rappeler le commentaire du Commissaire aux droits
de l’homme du Conseil de l'Europe qui a déclaré que de nombreux
dirigeants européens, au lieu de s’attaquer à la menace du néonazisme,
«jettent de l’huile sur le feu» en renforçant les actions des organisations
politiques d'extrême droite par leurs propres déclarations.
7. Je voudrais profiter du présent avis pour rappeler un certain
nombre de faits qui ont eu lieu dans plusieurs Etats membres du
Conseil de l'Europe, mais qui ne sont pas mentionnés dans le rapport,
tels que la glorification d’anciens Nazis et de leurs collaborateurs
et la profanation de monuments dédiés aux membres des coalitions
anti-Hitler. Il en va de même pour les assemblées annuelles et les
marches de vétérans de la Waffen SS, la démolition de monuments
dédiés aux soldats anti-fascistes et la construction de monuments
à la gloire d’anciens Nazis. Par conséquent, il est important de
rappeler que, conformément à l'article 4 de la Convention internationale
sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale,
à laquelle tous les Etats membres du Conseil de l'Europe sont Parties,
ces faits ne peuvent être considérés comme des manifestations de
la liberté d'expression et doivent être poursuivis.
8. Je crois qu'il est nécessaire de souligner que la notion de
tolérance ne s'applique pas aux actes des personnes et organisations
mettant en œuvre les principes du néonazisme, y compris l'antisémitisme,
la xénophobie, la haine à l'égard des représentants d'autres peuples
et religions et l'intolérance envers les migrants et les minorités
nationales. La lutte contre ceux-ci doit être visible et sans compromis.
2. Le rôle des hommes politiques: non au discours
de haine dans le langage politique
9. La propagande néonazie exploite le mécontentement
social et le transforme en violence. Le discours de haine, même
de la part de personnes qui ne sont pas directement liées à l'extrémisme
de droite et en particulier à des politiciens, peut jouer un rôle
dans ce processus. Les hommes politiques ont une responsabilité particulière
pour montrer l'exemple et ils devraient être toujours conscients
que leurs paroles et leurs actes peuvent avoir une influence sur
l'état d'esprit du peuple. Le respect de tous, indépendamment de
l’origine ou de la condition, dans le discours politique, est crucial:
le discours de haine et un langage offensif ciblant des groupes
ou des individus peuvent être perçus comme une justification de
la discrimination à l'égard de ces groupes et individus, voire de
la violence. Les dirigeants politiques devraient agir en tant que
force unificatrice, plutôt que diviser les différentes composantes
de la société.
10. L’Alliance parlementaire contre la haine, établie cette année
à l'initiative de la commission sur l'égalité et la non-discrimination,
est une structure pertinente et opportune qui peut apporter une
contribution constructive à la prévention et la lutte contre le
discours de haine.
11. L'Alliance repose sur une Charte qui renvoie aux textes adoptés
par l'Assemblée parlementaire et le Comité des Ministres, ainsi
qu'aux activités de la Commission européenne contre le racisme et
l'intolérance (ECRI). Elle condamne le discours de haine et les
manifestations d'intolérance pour tout motif incompatible avec le
respect des valeurs fondamentales du Conseil de l'Europe.
12. Les membres de l'Alliance s'engagent à prendre position ouvertement,
de manière ferme et proactive contre le racisme, la haine et l'intolérance
pour tout motif, à promouvoir la non-discrimination et le respect
de la diversité, et à sensibiliser les hommes politiques et la société
civile à la lutte contre le racisme et l'intolérance tant au niveau
national qu’européen.
13. Parallèlement à l'Alliance parlementaire, la commission sur
l'égalité et la non-discrimination a établi un mandat de Rapporteur
général sur la lutte contre le racisme et l'intolérance. Tout au
long de son mandat de deux ans, la Rapporteure générale, Mme Maria
Giannakaki, a le devoir d’«intervenir dans les domaines du racisme,
de l'intolérance, de la haine, de la violence raciste et de la discrimination
raciale». Son activité peut prendre diverses formes, et notamment
contribuer à la sensibilisation sur la nécessité de combattre le
racisme et l'intolérance en suivant les développements pertinents
dans les Etats membres du Conseil de l'Europe.
14. En exerçant ces importantes fonctions, la Rapporteure générale
sur la lutte contre le racisme et l'intolérance mène une série d'activités,
en suivant les travaux des différents organes du Conseil de l'Europe traitant
du racisme, de l'intolérance, du discours de haine, de la violence
raciste et de la discrimination raciale, ainsi que les travaux d'autres
organisations, y compris les parlements nationaux, mais aussi les
organisations intergouvernementales et non-gouvernementales.
15. Je crois que de meilleures synergies entre l'Assemblée parlementaire
et le secteur intergouvernemental du Conseil de l'Europe sont essentielles
pour renforcer l'impact des activités de l'organisation dans son ensemble.
La coopération avec le groupe de travail sur les discours de haine
mis en place par l'ECRI serait particulièrement utile. Il est donc
positif, à mon avis, que la Rapporteure générale sur la lutte contre
le racisme et l'intolérance, ainsi que le Rapporteur général sur
les droits des personnes LGBT, participent à la prochaine réunion
de l'ECRI en décembre 2014 et célèbrent ensemble la Journée des
droits de l'homme.
3. Une approche axée sur la victime
16. Le néonazisme n'est pas un concept abstrait: c'est
un problème concret qui apporte de la violence dans la vie d'une
multitude de personnes. Tout en s'attaquant aux racines du phénomène
et essayant de prévenir ses manifestations, il est également important
de protéger les victimes. A cet égard, je suis entièrement en accord
avec les positions de Mme de Pourbaix-Lundin.
17. Protection signifie, entre autres, s'assurer que les victimes
de la violence néonazie ont accès à la justice. Les enquêtes menées
par l'Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne fournissent
des informations pertinentes, y compris sur la perception des victimes
et la vulnérabilité des groupes cibles de la discrimination et de
la criminalité. Par exemple, une personne sur quatre appartenant
à un groupe minoritaire a déclaré avoir été victime d'un crime de
haine au moins une fois dans les 12 mois précédant l'enquête. Ce chiffre
montre la nécessité d’une action résolue des autorités nationales.