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Avis de commission | Doc. 13602 | 22 septembre 2014

Faire barrage aux manifestations de néonazisme

Commission sur l'égalité et la non-discrimination

Rapporteure : Mme Olga KAZAKOVA, Fédération de Russie, NI

Origine - Renvoi en commission: Doc. 12661, Renvoi 3816 du 3 octobre 2011. Commission saisie du rapport: Commission de des questions politiques et de la démocratie. Voir Doc. 13593. Avis approuvé par la commission le 8 septembre 2014. 2014 - Quatrième partie de session

A. Conclusions de la commission

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1. Pour comprendre la montée du néonazisme, il est nécessaire d'examiner l'état actuel de la société européenne et le défi que les diverses identités de l'Europe représentent. Le rapport est donc opportun et nécessaire, compte tenu notamment des manifestations croissantes de nationalisme agressif, de néonazisme, d'antisémitisme et de xénophobie en Europe et partout dans le monde.
2. La crise économique, qui entraîne des difficultés matérielles pour beaucoup, peut exacerber l'intolérance sous ses différentes formes et attiser la violence extrémiste, en ciblant en particulier les minorités. Tout en s'attaquant aux racines du phénomène et essayant de prévenir ses manifestations, il est également important de protéger les victimes. Protection signifie, entre autres, s'assurer que les victimes de la violence néonazie ont accès à la justice.
3. La commission sur l'égalité et la non-discrimination propose quatre amendements aux projets de résolution et de recommandation proposés par la commission des questions politiques et de la démocratie.

B. Amendements proposés

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Amendement A (au projet de résolution)

Dans le titre, après les mots «néonazisme», ajouter les mots «et d’extrémisme de droite».

Note explicative: Certains phénomènes décrits dans le rapport sont liés à des personnes et organisations qui ne se définissent pas «néonazis». L’amendement vise à assurer que le titre reflète plus clairement la portée du rapport.

Amendement B (au projet de résolution)

Dans le projet de résolution, après le paragraphe 2, insérer le paragraphe suivant:

«L'Assemblée exprime sa grave préoccupation face à la tendance croissante à la glorification de toute forme du mouvement Nazi, du néonazisme et d’anciens membres de l'organisation de la Waffen SS, notamment à travers la construction de monuments et mémoriaux et l'organisation de manifestations publiques. L'Assemblée rappelle que le Statut du Tribunal de Nuremberg et l’arrêt de ce tribunal ont reconnu comme criminels l'organisation SS et tous ses éléments, y compris la Waffen SS, la division “Galicie” et d’autres.»

Amendement C (au projet de résolution)

Dans le projet de résolution, après le paragraphe 6, insérer le paragraphe suivant:

«L'Assemblée considère inacceptable toute forme de tolérance envers les actions des personnes et des organisations pratiquant le néonazisme, la xénophobie, l'antisémitisme, l’homophobie et la transphobie, la haine envers les représentants d'autres peuples ou religions, l'intolérance envers les Roms, les migrants et les minorités nationales. De telles actions doivent être immédiatement condamnées publiquement et leurs auteurs doivent être poursuivis.»

Amendement D (au projet de recommandation)

Dans le projet de recommandation, paragraphe 1, après les mots «les manifestations de plus en plus nombreuses de néonazisme (extrémisme de droite)», ajouter les mots «, de xénophobie, d’antisémitisme, d’homophobie et transphobie, de haine envers les représentants d’autres peuples et religions, d’intolérance envers les Roms, les migrants et les minorités nationales».

C. Exposé des motifs, par Mme Kazakova, rapporteure

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1. Introduction

1. Je tiens à féliciter Mme de Pourbaix-Lundin pour son rapport. Pour comprendre la montée du néonazisme, il est nécessaire d'examiner l'état actuel de la société européenne et le défi que les diverses identités de l'Europe représentent.
2. Le néonazisme n'est pas un phénomène nouveau, mais il est de plus en plus répandu et est parfois même entré dans le paysage politique et institutionnel, notamment par sa représentation dans plusieurs parlements. Le rapport est donc opportun et nécessaire, compte tenu notamment des manifestations croissantes de nationalisme agressif, de néonazisme, d'antisémitisme et de xénophobie en Europe et partout dans le monde. Une meilleure connaissance du néonazisme sous toutes ses formes peut aider à empêcher qu’il ne se propage davantage. Le rapport de Mme de Pourbaix-Lundin est un texte constructif, visant à trouver des façons d'éliminer ces phénomènes aux niveaux national et paneuropéen, et à intensifier les efforts pour empêcher l'expansion de ce fléau qu’est le néonazisme.
3. Parmi les principales raisons de l'augmentation des manifestations de néonazisme, la rapporteure de la commission des questions politiques et de la démocratie mentionne la réaction, principalement de la jeune génération, aux conséquences de la crise financière et économique, ainsi que l'incapacité des gouvernements nationaux à créer des modèles de société efficaces à vocation sociale et à développer des politiques de migration réussie. La crise économique, qui entraîne des difficultés matérielles pour beaucoup, peut exacerber l'intolérance sous ses différentes formes et attiser la violence extrémiste, en ciblant en particulier les minorités. Trop souvent, en période de chômage élevé et de baisse des salaires, par exemple, les étrangers – en particulier les migrants et les demandeurs d'asile – deviennent aisément les boucs émissaires du mécontentement d’autres groupes.
4. Le néonazisme, cependant, n'est pas simplement une forme de xénophobie. Le racisme, y compris contre les Roms, le nationalisme agressif, l'antisémitisme, l'homophobie et la quête de la «pureté ethnique» font partie de ses caractéristiques.
5. Je partage pleinement l’attention que Mme de Pourbaix-Lundin apporte à la prévention, notamment par le biais de l'éducation, puisqu’il apparaît que la jeunesse est une cible facile et privilégiée de la propagande néonazie. En outre, les groupes extrémistes comptent de plus en plus sur les médias sociaux et les autres moyens technologiques, particulièrement populaires auprès des jeunes, pour diffuser leurs messages et faire des adeptes.
6. Je voudrais rappeler le commentaire du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l'Europe qui a déclaré que de nombreux dirigeants européens, au lieu de s’attaquer à la menace du néonazisme, «jettent de l’huile sur le feu» en renforçant les actions des organisations politiques d'extrême droite par leurs propres déclarations.
7. Je voudrais profiter du présent avis pour rappeler un certain nombre de faits qui ont eu lieu dans plusieurs Etats membres du Conseil de l'Europe, mais qui ne sont pas mentionnés dans le rapport, tels que la glorification d’anciens Nazis et de leurs collaborateurs et la profanation de monuments dédiés aux membres des coalitions anti-Hitler. Il en va de même pour les assemblées annuelles et les marches de vétérans de la Waffen SS, la démolition de monuments dédiés aux soldats anti-fascistes et la construction de monuments à la gloire d’anciens Nazis. Par conséquent, il est important de rappeler que, conformément à l'article 4 de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, à laquelle tous les Etats membres du Conseil de l'Europe sont Parties, ces faits ne peuvent être considérés comme des manifestations de la liberté d'expression et doivent être poursuivis.
8. Je crois qu'il est nécessaire de souligner que la notion de tolérance ne s'applique pas aux actes des personnes et organisations mettant en œuvre les principes du néonazisme, y compris l'antisémitisme, la xénophobie, la haine à l'égard des représentants d'autres peuples et religions et l'intolérance envers les migrants et les minorités nationales. La lutte contre ceux-ci doit être visible et sans compromis.

2. Le rôle des hommes politiques: non au discours de haine dans le langage politique

9. La propagande néonazie exploite le mécontentement social et le transforme en violence. Le discours de haine, même de la part de personnes qui ne sont pas directement liées à l'extrémisme de droite et en particulier à des politiciens, peut jouer un rôle dans ce processus. Les hommes politiques ont une responsabilité particulière pour montrer l'exemple et ils devraient être toujours conscients que leurs paroles et leurs actes peuvent avoir une influence sur l'état d'esprit du peuple. Le respect de tous, indépendamment de l’origine ou de la condition, dans le discours politique, est crucial: le discours de haine et un langage offensif ciblant des groupes ou des individus peuvent être perçus comme une justification de la discrimination à l'égard de ces groupes et individus, voire de la violence. Les dirigeants politiques devraient agir en tant que force unificatrice, plutôt que diviser les différentes composantes de la société.
10. L’Alliance parlementaire contre la haine, établie cette année à l'initiative de la commission sur l'égalité et la non-discrimination, est une structure pertinente et opportune qui peut apporter une contribution constructive à la prévention et la lutte contre le discours de haine.
11. L'Alliance repose sur une Charte qui renvoie aux textes adoptés par l'Assemblée parlementaire et le Comité des Ministres, ainsi qu'aux activités de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI). Elle condamne le discours de haine et les manifestations d'intolérance pour tout motif incompatible avec le respect des valeurs fondamentales du Conseil de l'Europe.
12. Les membres de l'Alliance s'engagent à prendre position ouvertement, de manière ferme et proactive contre le racisme, la haine et l'intolérance pour tout motif, à promouvoir la non-discrimination et le respect de la diversité, et à sensibiliser les hommes politiques et la société civile à la lutte contre le racisme et l'intolérance tant au niveau national qu’européen.
13. Parallèlement à l'Alliance parlementaire, la commission sur l'égalité et la non-discrimination a établi un mandat de Rapporteur général sur la lutte contre le racisme et l'intolérance. Tout au long de son mandat de deux ans, la Rapporteure générale, Mme Maria Giannakaki, a le devoir d’«intervenir dans les domaines du racisme, de l'intolérance, de la haine, de la violence raciste et de la discrimination raciale». Son activité peut prendre diverses formes, et notamment contribuer à la sensibilisation sur la nécessité de combattre le racisme et l'intolérance en suivant les développements pertinents dans les Etats membres du Conseil de l'Europe.
14. En exerçant ces importantes fonctions, la Rapporteure générale sur la lutte contre le racisme et l'intolérance mène une série d'activités, en suivant les travaux des différents organes du Conseil de l'Europe traitant du racisme, de l'intolérance, du discours de haine, de la violence raciste et de la discrimination raciale, ainsi que les travaux d'autres organisations, y compris les parlements nationaux, mais aussi les organisations intergouvernementales et non-gouvernementales.
15. Je crois que de meilleures synergies entre l'Assemblée parlementaire et le secteur intergouvernemental du Conseil de l'Europe sont essentielles pour renforcer l'impact des activités de l'organisation dans son ensemble. La coopération avec le groupe de travail sur les discours de haine mis en place par l'ECRI serait particulièrement utile. Il est donc positif, à mon avis, que la Rapporteure générale sur la lutte contre le racisme et l'intolérance, ainsi que le Rapporteur général sur les droits des personnes LGBT, participent à la prochaine réunion de l'ECRI en décembre 2014 et célèbrent ensemble la Journée des droits de l'homme.

3. Une approche axée sur la victime

16. Le néonazisme n'est pas un concept abstrait: c'est un problème concret qui apporte de la violence dans la vie d'une multitude de personnes. Tout en s'attaquant aux racines du phénomène et essayant de prévenir ses manifestations, il est également important de protéger les victimes. A cet égard, je suis entièrement en accord avec les positions de Mme de Pourbaix-Lundin.
17. Protection signifie, entre autres, s'assurer que les victimes de la violence néonazie ont accès à la justice. Les enquêtes menées par l'Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne fournissent des informations pertinentes, y compris sur la perception des victimes et la vulnérabilité des groupes cibles de la discrimination et de la criminalité. Par exemple, une personne sur quatre appartenant à un groupe minoritaire a déclaré avoir été victime d'un crime de haine au moins une fois dans les 12 mois précédant l'enquête. Ce chiffre montre la nécessité d’une action résolue des autorités nationales.