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Rapport | Doc. 13636 | 27 octobre 2014

L’exclusion sociale – un danger pour les démocraties européennes

Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable

Rapporteur : M. Mike HANCOCK, Royaume-Uni, ADLE

Origine - Renvoi en commission: Doc.12599, Renvoi 3780 du 20 juin 2011. 2014 - Commission permanente de novembre

Résumé

L’exclusion sociale, danger grandissant et sérieux pour les démocraties européennes, consiste à exclure certaines personnes de la participation pleine et entière à la vie civile et démocratique en raison de leur pauvreté, d’un manque de compétences de base et de possibilités de formation ou de pratiques discriminatoires. L’exclusion sociale est encore aggravée par les conséquences de la crise financière et les mesures d’austérité, conduisant à une augmentation du chômage, à une baisse des prestations sociales et à des difficultés d’accès au logement, à l’éducation et aux services sanitaires.

La forte corrélation existant entre l’exclusion sociale et les faibles niveaux de participation démocratique risque de remettre en cause la légitimité des institutions démocratiques, à travers, par exemple, un faible taux de participation électorale ou la montée des partis extrémistes. La participation politique autodéterminée est déjà en recul parmi les jeunes, les femmes et les minorités, et l’écart entre les pauvres et les riches ne cesse de se creuser.

L’Etat devrait contribuer à briser le «cercle vicieux de l’inégalité» en aidant les plus démunis, en améliorant l’accès à l’éducation et à la formation et en garantissant un revenu familial minimum. Il devrait adopter des mesures ciblées sur les groupes ayant besoin d’une protection spécifique comme les migrants, les minorités ethniques et les personnes handicapées. Enfin, il devrait prendre résolument des initiatives visant à démarginaliser les exclus en créant des organismes et mécanismes de participation au niveau local, en favorisant une communication «facilement compréhensible» et en garantissant à ces personnes les droits sociaux et politiques fondamentaux.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 2 octobre
2014.

(open)
1. L’exclusion sociale est un danger grandissant et sérieux pour les sociétés démocratiques de l’Europe. L’exclusion sociale est fréquemment liée à la pauvreté, même si les personnes victimes d'exclusion sociale ne sont pas toutes pauvres et les personnes pauvres ne sont pas toutes socialement exclues. Souvent, les membres de certains groupes de la société comme les minorités, les migrants ou les personnes handicapées ne peuvent participer pleinement à la société pour des raisons non-matérielles liées à la discrimination, à la xénophobie, à l’intolérance ou au statut juridique. Cependant, beaucoup de personnes en situation de pauvreté parviennent à surmonter les obstacles matériels à la participation à la société – souvent grâce à l’éducation.
2. Quelles qu’en soient les causes profondes, le problème de l’exclusion et de la marginalisation de certaines catégories de la population s’est toujours posé, même dans les sociétés les plus prospères. Ces dernières années, les droits sociaux et la démocratie ont été de plus en plus menacés, notamment sous l’effet de la crise financière et économique, comme l’a souligné l’Assemblée parlementaire dans sa Résolution 1884 (2012) «Mesures d’austérité – un danger pour la démocratie et les droits sociaux».
3. En période de crise, beaucoup éprouvent des difficultés à briser le cercle vicieux de l’inégalité et à améliorer leur revenu et leur qualité de vie. L’exclusion sociale sous toutes ses formes se perpétue et se transmet souvent d’une génération à l’autre. C’est pourquoi il est impératif de renforcer les mesures d’intervention précoce afin d’assurer à tous, dès le plus jeune âge, l’égalité des chances dans la vie et les mêmes possibilités d’évolution.
4. Par ailleurs, les politiques de lutte contre l’exclusion et la marginalisation négligent fréquemment un aspect essentiel, en l’occurrence la participation démocratique en tant que droit civil et politique. Ayant tendance à être moins impliquées et sous-représentées, les personnes défavorisées exercent moins d’influence dans les processus décisionnels politiques et les futures politiques publiques risquent de ne pas leur être favorables non plus. D’où le cercle vicieux dans lequel les situations d’exclusion sociale vont de pair avec une sous-représentation politique.
5. L’Assemblée et d’autres organes du Conseil de l’Europe ont déjà souligné bon nombre des mesures susceptibles d’être adoptées afin de surmonter les situations de pauvreté, d’exclusion sociale et de marginalisation. Les Etats membres sont par conséquent invités à consulter ces textes dans le cadre de leur examen des menaces actuelles qui pèsent sur les droits sociaux et la démocratie.
6. Compte tenu des défis actuels et de la nécessité de mettre en œuvre une action ciblée, l’Assemblée suggère aux Etats membres de prendre les mesures suivantes pour maintenir les plus hautes normes démocratiques et de bonne gouvernance:
6.1. élaborer et mettre en œuvre des plans d’action nationaux globaux visant à lutter contre l’exclusion sociale et notamment:
6.1.1. des mesures ciblées s’adressant aux différents groupes d’âge: les enfants, les jeunes, les adultes en âge de travailler et les personnes âgées, suivant ainsi «des approches fondées sur le cycle de vie»;
6.1.2. des approches respectueuses des différences entre les hommes et les femmes et tenant compte de la situation spécifique de ces dernières, en particulier celle des femmes qui travaillent et des mères célibataires;
6.1.3. des stratégies d’intervention précoce visant à prévenir la pauvreté et l’exclusion sociale et à rompre le «cercle vicieux de l’inégalité»;
6.2. accorder la priorité aux domaines régulièrement identifiés comme déterminants pour combattre la pauvreté et l’exclusion sociale, dont l’éducation et la formation, la création d’emplois de qualité garantissant la jouissance des droits sociaux et l’inclusion dans les régimes de sécurité sociale, la garantie d’un revenu familial minimum et la réforme des systèmes de sécurité sociale afin de répondre aux défis actuels (par exemple, l’évolution démographique);
6.3. développer des mesures ciblées visant les groupes ayant besoin d’une aide et d’une protection spécifiques, qui sont souvent particulièrement menacés d’exclusion sociale dans un contexte national donné et touchés par la crise (ou des mesures d’austérité) de manière disproportionnée, notamment les migrants, les minorités ethniques et les personnes handicapées, et prévenir des phénomènes de «ghettoisation» dans toute la mesure du possible;
6.4. élaborer des mesures spécifiques favorisant la participation démocratique au sein de la société et tendant la main aux personnes marginalisées ou menacées d’exclusion sociale, y compris:
6.4.1. en développant et mettant en œuvre des programmes nationaux en faveur d’une démocratie ouverte, censés garantir la participation démocratique des groupes marginalisés;
6.4.2. en promouvant les principes de bonne gouvernance que sont l’ouverture, la transparence et la participation citoyenne, en tant que normes minimales de toute démocratie;
6.4.3. en favorisant et mettant en place des mécanismes et des structures participatifs, en particulier au niveau local, permettant à tous les habitants de prendre part activement aux décisions les concernant, d’exprimer leurs besoins et d’encourager eux-mêmes les nouveaux développements;
6.4.4. en dispensant à tous les enfants, dès le plus jeune âge et dans le cadre des programmes scolaires officiels, une éducation à la citoyenneté démocratique;
6.4.5. en favorisant une communication «facilement compréhensible» des décisions, structures et processus politiques, y compris grâce à une étroite coopération avec le secteur des médias;
6.4.6. en recourant aux nouvelles technologies de la communication afin de faciliter l’engagement au service de la collectivité et de le rendre plus attrayant pour tous, en particulier pour les jeunes;
6.4.7. en soutenant et en encourageant les organisations de la société civile et le secteur bénévole afin qu’ils nouent des relations de manière proactive et efficace avec les personnes en situation d’exclusion.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet
de recommandation adopté à l’unanimité par la commission le 2 octobre
2014.

(open)
1. Se référant à sa Résolution … (2015) «L’exclusion sociale – un danger pour les démocraties européennes», l’Assemblée parlementaire recommande au Comité des Ministres de renforcer son engagement pour la création d’un véritable espace commun de protection des droits sociaux et économiques, notamment en promouvant davantage la signature, la ratification et la mise en œuvre de la Charte sociale européenne (révisée) (STE n° 163) par tous les Etats membres.
2. Le Comité des Ministres devrait par ailleurs prendre en compte les propositions adressées aux Etats membres dans la résolution susmentionnée dans le cadre des travaux intergouvernementaux sur la cohésion sociale actuellement entrepris au sein du Comité européen pour la cohésion sociale, la dignité humaine et l’égalité (CDDECS).
3. En particulier, l’Assemblée recommande de confier au CDDECS le mandat clair de développer un «agenda politique contre l’exclusion sociale et politique», prenant expressément en considération les menaces actuelles qui pèsent sur la cohésion sociale et la démocratie, observées dans toute l’Europe. Un tel agenda politique devrait être suivi de l’élaboration d’un ensemble rationnel de lignes directrices, d’outils et d’indicateurs de performance pouvant servir de matériel de référence pour les gouvernements nationaux et autres parties prenantes.
4. Par ailleurs, l’Assemblée recommande d’inviter instamment le nouveau Comité européen sur la démocratie et la gouvernance (CDDG) à poursuivre son travail sur un éventuel texte de référence sur la démocratie et à examiner dans quelle mesure les douze principes énoncés dans la «Stratégie pour l’innovation et la bonne gouvernance au niveau local», adoptée par le Comité des Ministres en mars 2008, peuvent être utilisés à cet égard.

C. Exposé des motifs, par M. Hancock, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Dans le contexte actuel de crise économique et financière persistante, la protection contre l’exclusion sociale mérite une attention particulière des Etats membres du Conseil de l’Europe et de leurs parlements nationaux. Les Etats membres continuent d’adopter des restrictions budgétaires et des programmes d’austérité afin de parvenir à l'assainissement budgétaire. Cependant, la plupart des parties prenantes ont dans l’intervalle reconnu que la crise et les mesures d’austérité (qu’elles en soient l’une des causes fondamentales ou la conséquence de certains de ses symptômes) avaient eu un impact considérable: hausse du chômage dans de nombreux pays, suppression ou non-renouvellement de postes dans le secteur public, baisse des prestations sociales, difficultés d’accès au logement, à l’éducation et aux services de santé – pour ne citer que quelques-unes des conséquences observées.
2. Outre les droits sociaux garantis par la Charte sociale européenne (révisée) (STE n° 163), toute démocratie véritable 
			(3) 
			Définie comme «un système
de gouvernance par le peuple dans son ensemble ou par tous les membres
éligibles d’un Etat, généralement par l’entremise de représentants
élus» par l’Oxford Dictionary, <a href='http://www.oxforddictionaries.com/definition/english/democracy'>www.oxforddictionaries.com/definition/english/democracy</a>. repose également sur l’exercice par ses citoyens des droits civils et politiques consacrés par la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5). Or, l’exclusion sociale a aussi, en pratique, un impact considérable sur la possibilité d’exercer ces droits.
3. L’Assemblée parlementaire a pour sa part adopté ces dernières années plusieurs textes relatifs à l’exclusion sociale, à la cohésion sociale ou aux droits sociaux – l’un des plus pertinents à cet égard étant certainement la Résolution 1884 (2012) «Mesures d’austérité – un danger pour la démocratie et les droits sociaux».
4. S’agissant des activités entreprises par le Conseil de l’Europe au cours des dernières années, il serait intéressant d’examiner dans quelle mesure les stratégies et actions élaborées en faveur d’une meilleure cohésion sociale constituent une réponse efficace à l’exclusion sociale. Le présent rapport a cependant pour objet l’impact de l’aggravation de l’exclusion sociale sur les institutions et la participation démocratiques. Rappelant le principe de l’indivisibilité des droits humains, j’aimerais pour mon travail partir du postulat suivant: le respect des droits sociaux, et en particulier la protection contre l’exclusion sociale, est une condition nécessaire à l’exercice plein et entier des droits civils et politiques, et notamment de la participation démocratique. Ce point est essentiel dans la mesure où il ne concerne pas seulement les personnes victimes d’exclusion ou marginalisées au plan individuel, mais constitue une menace pour la démocratie en tant que telle. Cette dernière manque clairement de légitimité dès lors qu’un pourcentage important des populations nationales n’est pas en mesure de participer pleinement aux processus démocratiques et à la vie publique.

2. L’exclusion sociale: une entrave à l’exercice de la démocratie

2.1. Définition et causes de l’exclusion sociale

5. L’exclusion sociale est étroitement liée à la pauvreté, mais les personnes victimes d'exclusion sociale ne sont pas toutes pauvres et les personnes pauvres ne sont pas toutes socialement exclues. Ainsi, les membres de certains groupes de la société – par exemple, les minorités, les migrants ou les personnes handicapées – peuvent, à des degrés divers, ne pas participer pleinement à la société (ainsi qu’à ses expressions démocratiques ou à sa gouvernance) pour des raisons non-matérielles davantage liées à la discrimination, à la xénophobie, à l'intolérance ou au statut juridique. Dans le même temps, certaines personnes en situation de pauvreté parviennent à surmonter les obstacles matériels à la participation à la société – l’éducation jouant souvent, à cet égard, un rôle essentiel. Cependant, il est manifeste que dans la plupart des cas, plus grande est la pauvreté, plus vaste est l’abîme qui sépare les plus démunis du reste de la société, et plus forte est l’exclusion sociale.
6. Il existe tant de définitions de l’exclusion sociale qu’en les mettant bout à bout, on pourrait remplir une bibliothèque entière. Ces définitions ont cependant en commun de mettre l’accent sur le caractère dynamique et multidimensionnel du concept d’exclusion sociale et sur le rôle joué par l’accumulation et la permanence des handicaps, qui créent une sorte de dissociation du reste de la société – par opposition aux concepts plus statiques (mais parfois plus facilement mesurables) de pauvreté et de dénuement 
			(4) 
			Voir, par exemple,
les définitions proposées par Graham Room, Jos Berghman, José Nun,
Anne Power, Hilary Silver, S.M. Miller et d’autres.. La définition la plus récente utilisée par le Conseil de l’Europe 
			(5) 
			Le rapport explicatif
(plus ancien) de la Charte sociale européenne (révisée) donnait
la définition suivante de l’exclusion sociale: «Le terme “exclusion
sociale” se réfère aux personnes qui se trouvent en situation d'extrême
pauvreté parce qu'elles cumulent des handicaps, subissent des faits
ou événements dégradants, des exclusions ou des fins de droits échus
depuis longtemps, ou en raison d'un concours de circonstances. L'exclusion
sociale frappe aussi ou risque aussi de concerner des personnes
qui, sans être pauvres pour autant, pourraient être écartées de
l'accès à certains droits ou services en raison par exemple de longue
maladie, de la dislocation de la famille, de violences, d'une sortie
d'une période pénitentiaire ou de déviances dues notamment à l'alcoolisme
et à la toxicomanie.» est la suivante:
«L’exclusion sociale est un processus par lequel certains individus sont repoussés en marge de la société. Elle les empêche de participer pleinement à la vie sociale en raison de leur pauvreté, d’un manque de compétences de base et de possibilités de formation continue, ou de pratiques discriminatoires. Ce processus les tient à l’écart des possibilités d’embauche, de revenu et d’éducation, ainsi que des activités et des réseaux sociaux et communautaires. Ces individus ont un accès très restreint au pouvoir et aux organismes de décision; ils se sentent donc souvent impuissants et incapables d’influer sur les décisions qui affectent leur vie quotidienne. 
			(6) 
			Définition élaborée
à l’origine par la Commission européenne en 2003, citée par Mme
Danielle Dierckx, consultante, dans: Renforcer
la cohésion sociale, Kevin P. O’Kelly et Caroline Corr
(dir.), Editions du Conseil de l’Europe, août 2010, p. 55. »
7. Avant d’aborder les conséquences de l’exclusion sociale sur la vie démocratique, j’estime nécessaire d’évoquer certaines des causes ainsi que les tendances actuelles en matière d’exclusion sociale. Premièrement, mon pays, le Royaume-Uni, débat depuis plus de deux siècles de la question de savoir si les pauvres «méritent» ou ne «méritent» pas leur situation. Ce débat a été engagé aux XVIIIe et XIXe siècles avec la mise en œuvre de la «loi sur les pauvres», repris dans la première moitié du XXe siècle avec l’émergence du concept de «sous-prolétariat» et perdure aujourd’hui avec l’apparition de la notion de «welfare junkies» («accros aux allocations sociales»). Ce qui a peut-être changé depuis une vingtaine d'années, c’est qu’aujourd’hui, presque plus personne ne s’estime à l’abri de la pauvreté et de l’exclusion sociale: tout le monde peut perdre son emploi (ou d’abord, ne pas en trouver), tomber malade, avoir un accident, ne pas pouvoir épargner suffisamment pour s’assurer une retraite confortable, et plus personne ne compte sur le filet de la sécurité sociale pour faire la différence et échapper à la pauvreté et à l’exclusion 
			(7) 
			Voir, par exemple,
le chapitre consacré par José Nun à la problématique de l'exclusion
sociale, dans: Democracy – government
of the people or government of the politicians?, Rowan
and Littlefield Publishers, United States, 2003, p. 89 qq.. Cette évolution est intéressante, en ce que l’exclusion sociale devient en fait un problème plus «démocratique».
8. Deuxièmement, la question de l’exclusion sociale volontaire 
			(8) 
			L’exclusion volontaire
est à distinguer de l’exclusion découlant de la responsabilité personnelle.
Ainsi, un toxicomane peut être personnellement responsable de son
exclusion sociale, sans que cette exclusion ne soit volontaire. par opposition à l’exclusion sociale involontaire peut se poser. En général, seule l’exclusion sociale involontaire (qu’elle soit causée par la pauvreté ou la discrimination) est considérée comme un problème. Or, du point de vue de la démocratie, l’exclusion sociale volontaire peut aussi être problématique. Ainsi, certains groupes peuvent choisir volontairement de se tenir à l’écart du reste de la société, fragilisant la solidarité sociale à un point tel que les politiques démocratiques s’en trouvent menacées 
			(9) 
			C’est
notamment l'avis de Brian Barry. Cette hypothèse est abordée dans:
Julian Le Grand, Individual Choice and social exclusion, in Justice
and Democracy: Essays for
Brian Barry, Cambridge University Press (Royaume-Uni),
2004, p. 170 sqq.. A cet égard, il convient de garder à l’esprit qu’inclusion et exclusion peuvent constituer les deux faces d’une même médaille. Les réseaux sociaux (y compris ethniques ou religieux) peuvent s’avérer être un facteur de facilitation mais aussi de restriction, notamment en termes d’emploi 
			(10) 
			Andrew Norton (ODI)
et Arjan de Haan (IDRC), Social Cohesion: Theoretical Debates and
Practical Applications with Respect to Jobs, Background Paper for
the World Development Report 2013, Banque mondiale, <a href='http://siteresources.worldbank.org/EXTNWDR2013/Resources/8258024-1320950747192/8260293-1320956712276/8261091-1348683883703/WDR2013_bp_Social_Cohesion_Norton.pdf'>http://siteresources.worldbank.org/EXTNWDR2013/Resources/8258024-1320950747192/8260293-1320956712276/8261091-1348683883703/WDR2013_bp_Social_Cohesion_Norton.pdf</a>. .

2.2. Les conséquences de l’exclusion sociale sur la vie démocratique

9. L’exclusion sociale n’est pas simplement un «phénomène social»: il existe une forte corrélation entre d’une part, l’exclusion sociale et, d’autre part, le faible niveau de participation démocratique et la remise en cause de la légitimité des institutions démocratiques. L’exclusion sociale peut avoir des effets non seulement sur l’accès aux droits socio-économiques (du droit au travail à l'accès aux prestations sociales), mais aussi sur les droits civils (comme l'accès à la justice ou la liberté d'expression) et les droits politiques (participation à l’exercice du pouvoir politique).
10. Selon moi, en ce qui concerne la vie démocratique, le principal problème créé par l'exclusion sociale est qu’elle empêche les personnes de participer de manière autodéterminée à la politique en tant que parties prenantes du processus démocratique. Voter périodiquement lors des élections, ou même prendre un engagement politique officiel en s'affiliant, par exemple, à un parti politique, ne sont pas les seules formes de participation à la vie politique. Se syndiquer, être membre d’une organisation non gouvernementale (ONG) ou d’autres expressions de la société civile, s’entraider entre voisins ou prendre part à des initiatives locales peuvent aussi être des indicateurs effectifs de participation à la vie démocratique 
			(11) 
			Voir par exemple les
études menées par l’Institut für Sozialforschung und Gesellschaftspolitik
(l’Institut allemand pour la recherche sociale et les politiques
sociales), notamment: Dr Dietrich Engels: Armut, soziale Ausgrenzung und Teilhabe an Politik
und Gesellschaft (Pauvreté, exclusion sociale et participation
à la vie politique et la société), Cologne (Allemagne), 2004..
11. La Commission électorale du Royaume-Uni a publié en novembre 2005 un rapport des plus intéressants sur l’exclusion sociale et l’engagement politique, dont les conclusions demeurent en grande partie d’actualité. Il ressort de ce rapport, fondé sur des études et des documents de réflexion de sources diverses, que le désengagement politique et l’exclusion sociale se renforcent et s’entretiennent mutuellement: l’instabilité sociale et l’insécurité créent un manque de confiance dans la politique et le désengagement politique qui en découle tend à distendre toujours davantage les liens sociaux et sociétaux.
12. Plusieurs sous-problèmes ont été identifiés, dont les «ghettos» d’exclusion sociale. Cet aspect est illustré par un autre chercheur, Anne Power: «Etre pauvre dans un quartier où résident de nombreux pauvres vivant dans des conditions précaires entraîne une perte de confiance progressive dans “le système”. Dans le plus grand quartier pauvre de Newcastle, par exemple, seule une personne sur dix vote. 
			(12) 
			Anne Power, Poor Areas
and Social Exclusion, dans Social Exclusion
and the Future of Cities, Case paper 35, Centre for Analysis
of Social Exclusion, LSE, Londres (février 2000): <a href='http://eprints.lse.ac.uk/6470/1/Social_Exclusion_and_the_Future_of_Cities.pdf'>http://eprints.lse.ac.uk/6470/1/Social_Exclusion_and_the_Future_of_Cities.pdf</a>.»
13. Deuxièmement, le désintérêt croissant des jeunes constitue un autre problème. Il a été constaté [lors des élections générales de 2001] que les jeunes étaient les moins enclins à se rendre aux urnes et étaient les plus nombreux à se déclarer impuissants face au processus électoral 
			(13) 
			La
Commission électorale: Social exclusion
and political engagement, Rapport de recherche, novembre
2005, Londres, p. 12, <a href='http://www.electoralcommission.org.uk/'>www.electoralcommission.org.uk</a>.. La situation a probablement empiré depuis, comme l’a d’ailleurs souligné l’Assemblée dans sa Résolution 1885 (2012) «La jeune génération sacrifiée: répercussions sociales, économiques et politiques de la crise financière».
14. Troisièmement, un manque d’engagement politique a pu être observé au sein des communautés minoritaires, notamment d’origine immigrée. Il ressort par exemple du premier «Bilan de l’engagement politique» réalisé par la Commission électorale britannique que seulement un quart (23 %) des membres de la communauté noire et de minorités ethniques ont déclaré avoir discuté de politique ou d’actualités politiques au cours des deux ou trois dernières années, contre presque deux personnes sur cinq (39 %) parmi les Blancs 
			(14) 
			Ibid.,
p. 15..
15. Quatrièmement, le sexe joue un rôle dans la participation politique. En général, l'intérêt pour la politique est souvent plus marqué chez les hommes que chez les femmes, ces dernières s'avérant globalement beaucoup moins politiquement actives que les hommes, bien qu’elles tendent à participer davantage à des actions militantes, comme signer des pétitions et boycotter ou acheter tel ou tel produit pour des raisons éthiques 
			(15) 
			Ibid., ainsi que les études de l’Institut
allemand pour la recherche sociale et les politiques sociales..
16. Enfin, selon certains spécialistes d’autres domaines, l’exclusion politique sous-entend également que l’Etat, qui concède les droits fondamentaux et les libertés civiles, n’est pas toujours un organe neutre et peut ainsi opérer une certaine discrimination entre différents groupes sociaux. En tant que telle, l’exclusion politique peut inclure le déni de droits de citoyenneté comme la participation politique et le droit syndical, mais aussi le droit à la sécurité personnelle, à la primauté du droit, à la liberté d’expression et à l’égalité des chances 
			(16) 
			Ajit
Bhalla et Frederic Lapeyre: Social Exclusion: Towards an Analytical
and Operational Framework, Development and
Change, Volume 28, Issue 3, p. 413-433 (1997).. Cela illustre les liens susceptibles d’exister entre différentes formes d’exclusion et en quoi l’appartenance à une certaine couche sociale peut déterminer l’influence politique, d’où l’immense responsabilité qui incombe à l’Etat. Ces phénomènes sont assurément observables à des degrés divers dans tous les Etats membres du Conseil de l’Europe.
17. D’autres pays ont plus récemment fait état de problèmes similaires à ceux identifiés au Royaume-Uni. Des experts allemands chargés d’étudier le lien entre l’exclusion sociale et la démocratie ont confirmé la participation moindre aux processus politiques des personnes dont les niveaux d’éducation et de revenu sont les plus faibles et l’accroissement du fossé ces dernières décennies entre les pauvres et les riches 
			(17) 
			Thomas
Petersen et al: Gespaltene Democratie (La démocratie
divisée), Politische Partizipation und Demokratiezufriedenheit
vor der Bundestagswahl 2013 (Participation politique
et degré de satisfaction vis-à-vis de la démocratie avant les élections
au Bundestag de 2013), Bertelsmann Foundation, Gütersloh, 2013.. Le problème s’autoalimente manifestement dans la mesure où moins les personnes socialement défavorisées expriment leurs besoins ou se rendent aux urnes, moins nombreux seront les représentants politiques (par exemple, au sein de nos parlements) à défendre leurs intérêts. Sur le long terme, cette tendance est susceptible de remettre en cause la légitimité des élus. Ceux qui ne participent pas aux processus politiques éprouveront un sentiment de frustration de plus en plus marqué à l’égard des décisions prises «en haut» et auront de moins en moins confiance dans leurs représentants élus et dans les institutions politiques 
			(18) 
			Mehr Demokratie e.v. (Association
«Plus de démocratie»): Themen 22 – Direkte
Demokratie und soziale Exklusion (Thème 22 – Démocratie
directe et exclusion sociale), Berlin, juillet 2013, <a href='http://www.mehr-demokratie.de/fileadmin/pdf/Themen22_Direkte_Demokratie_und_soziale_Exklusion.pdf'>www.mehr-demokratie.de/fileadmin/pdf/Themen22_Direkte_Demokratie_und_soziale_Exklusion.pdf</a>..
18. S’agissant de la manière dont l’exclusion sociale affecte la participation démocratique, nous pouvons tirer les conclusions intermédiaires suivantes:
  • les ghettos d’exclusion sociale peuvent accentuer le problème de baisse de la participation civique;
  • compte tenu des perspectives limitées d’insertion économique via l’accès au marché du travail, les jeunes en particulier ont tendance à se désengager des processus politiques;
  • les minorités ethniques ou religieuses témoignent souvent d’un manque d’engagement politique ou ont le sentiment d’être sous-représentées;
  • la pauvreté et l’exclusion affectent différemment la participation démocratique des femmes et des hommes;
  • les personnes exposées à la pauvreté et à l’exclusion sociale perdent foi à long terme dans les institutions politiques et ont tendance à s’en éloigner davantage ou à se tourner vers des mouvements extrémistes;
  • dans un tel contexte, l’Etat a un rôle important à jouer pour garantir la cohésion sociale et l’accès pour tous à l’ensemble des droits civils et politiques.

3. Moyens d’action pour lutter contre l’exclusion sociale et encourager la participation politique

3.1. Normes juridiques et initiatives européennes

19. Le Conseil de l’Europe a élaboré des normes juridiques pertinentes visant à lutter contre l’exclusion sociale, au premier rang desquelles figure la Charte sociale européenne (révisée). A cet instrument juridique contraignant 
			(19) 
			Trente-deux Etats membres
du Conseil de l’Europe sont liés par la Charte sociale européenne
(révisée), 11 par la Charte d’origine (STE n° 35) et quatre ne sont
liés par aucun des deux instruments (le Liechtenstein, Monaco, Saint-Marin et
la Suisse). , l’Organisation a ajouté un large éventail d’instruments non contraignants. Il va sans dire que leur efficacité dépend de leur mise en œuvre au niveau national, et du suivi des engagements contractés au niveau européen. Tout récemment, il est apparu clairement que la non-conformité régulière entre les normes existantes au niveau du Conseil de l’Europe, en particulier la Charte sociale européenne, et les arrêts rendus par la Cour européenne de justice sur l’application des directives pertinentes de l’Union européenne, constitue un obstacle supplémentaire à la mise en œuvre effective des droits sociaux 
			(20) 
			Voir
l’affaire Laval en Suède, 2013: <a href='http://www.etuc.org/fr/presse/le-comit%C3%A9-europ%C3%A9en-des-droits-sociaux-du-conseil-de-l%E2%80%99europe-renforce-les-droits-collectifs'>www.etuc.org/fr/presse/le-comit%C3%A9-europ%C3%A9en-des-droits-sociaux-du-conseil-de-l%E2%80%99europe-renforce-les-droits-collectifs#.VAci9WccRD8</a>. .
20. Je juge utile de rappeler ici la disposition la plus importante de la Charte sociale européenne (révisée) 
			(21) 
			Parmi les droits qui
nous intéressent dans le cadre du présent rapport, la Charte sociale
européenne (révisée) protège également les droits suivants: article
12 – Droit à la sécurité sociale; article 15 – Droit des personnes
handicapées à l'autonomie, à l'intégration sociale et à la participation
à la vie de la communauté; article 16 – Droit de la famille à une protection
sociale, juridique et économique; article 17 – Droit des enfants
et des adolescents à une protection sociale, juridique et économique;
article 19 – Droit des travailleurs migrants et de leurs familles
à la protection et à l'assistance; article 23 – Droit des personnes
âgées à une protection sociale. Pour consulter le texte dans son
intégralité: <a href='http://www.conventions.coe.int/Treaty/FR/Treaties/Html/163.htm'>www.conventions.coe.int/Treaty/FR/Treaties/Html/163.htm</a>.:
«Article 30 – Droit à la protection contre la pauvreté et l'exclusion sociale
En vue d'assurer l'exercice effectif du droit à la protection contre la pauvreté et l'exclusion sociale, les Parties s'engagent:
a. à prendre des mesures dans le cadre d'une approche globale et coordonnée pour promouvoir l'accès effectif notamment à l'emploi, au logement, à la formation, à l'enseignement, à la culture, à l'assistance sociale et médicale des personnes se trouvant ou risquant de se trouver en situation d'exclusion sociale ou de pauvreté, et de leur famille;
b. à réexaminer ces mesures en vue de leur adaptation si nécessaire.»
21. Plusieurs organes du Conseil de l’Europe sont chargés de promouvoir et d’assurer la mise en œuvre et le suivi de l’application des droits sociaux, dont principalement le Comité européen des droits sociaux (CEDS).
22. L’Union européenne consacre également une énergie considérable à la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. 2010 était l’«Année européenne de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale» et un rapport analysant ses résultats a récemment été adopté par la Commission européenne 
			(22) 
			<a href='http://ec.europa.eu/social/main.jsp?langId=fr&catId=751&newsId=1235&furtherNews=yes'>http://ec.europa.eu/social/main.jsp?langId=fr&catId=751&newsId=1235&furtherNews=yes</a>.. L’Union européenne a adopté une stratégie («Europe 2020») visant, parmi ses objectifs principaux, à réduire la pauvreté («20 millions de personnes en moins touchées ou menacées par la pauvreté»).
23. Cependant, en ce qui concerne le présent rapport, c'est la Recommandation de la Commission européenne du 3 octobre 2008 relative à l’inclusion active des personnes exclues du marché du travail 
			(23) 
			C(2008) 5737, <a href='http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX%3A32008H0867'>http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX%3A32008H0867</a>. qui propose les solutions les plus réalistes et les plus concrètes pour lutter contre l’exclusion sociale et encourager la participation politique: mettre en œuvre des politiques intégrées d’inclusion active; accroître et améliorer l’investissement dans le capital humain au moyen de politiques d’éducation et de formation favorisant l’insertion, y compris des stratégies efficaces d’éducation et de formation tout au long de la vie; adapter les systèmes d’éducation et de formation aux nouvelles exigences en matière de compétences et à la demande de compétences numériques; prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que tous, y compris les moins privilégiés, soient informés de leurs droits et de l’aide disponible, au moyen des technologies de l’information le cas échéant.

3.2. Lutter contre l’exclusion sociale sous différents angles

24. Certaines approches sont censées aborder le problème de «l’exclusion sociale» par l’entremise de politiques plus larges de «cohésion sociale». Alors que «l’exclusion sociale» est généralement définie comme «un processus par lequel certains individus sont repoussés en marge de la société (…)» (voir la section 2.1 ci-dessus relative aux définitions), la «cohésion sociale» est un concept plus vaste renvoyant au sentiment individuel et collectif d’appartenance à une société donnée. Il prend par conséquent le problème par l’autre bout.
25. Au niveau du Conseil de l’Europe, en particulier grâce à sa nouvelle Stratégie et à son Plan d’action pour la cohésion sociale 
			(24) 
			Textes approuvés par
le Comité des Ministres le 7 juillet 2010, <a href='http://www.coe.int/t/dg3/socialpolicies/socialcohesiondev/source/2010Strategie_PlanAction_CohesionSociale.pdf'>www.coe.int/t/dg3/socialpolicies/socialcohesiondev/source/2010Strategie_PlanAction_CohesionSociale.pdf</a>. , cette dernière est définie comme «la capacité d’une société à assurer le bien-être de tous ses membres, en réduisant les disparités au minimum et en évitant la marginalisation, à gérer les différences et les divisions, et à se donner les moyens d’assurer la protection sociale de l’ensemble de ses membres». Bien que cette définition paraisse à première vue relativement complète, la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable a d’ores et déjà mis en évidence à plusieurs reprises quelques notions manquantes, telles que celles de solidarité, de tolérance et de responsabilité 
			(25) 
			Selon
la contribution faite au nom de notre commission par ma collègue,
Mme Carina Ohlsson (Suède, SOC), à l’occasion de la 2e Conférence
du Conseil de l’Europe des Ministres responsables de la cohésion
sociale, qui s’est tenue à Istanbul les 11 et 12 octobre 2012 (disponible
sur demande auprès du secrétariat de la commission). .
26. Certains de ces concepts figurent cependant dans les définitions pertinentes de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), également promues par les entités des Nations Unies, et avec lesquelles je suis tout à fait d’accord. Ainsi selon ces définitions, «une société cohésive est une société où les personnes sont protégées contre les risques de la vie, font confiance à leurs voisins et aux institutions de l’Etat et peuvent travailler vers un avenir meilleur pour eux-mêmes et pour leurs familles» et «favoriser la cohésion sociale, c’est chercher une plus grande inclusion, une plus grande participation des citoyens et la création des opportunités de mobilité ascendante. C’est la colle qui tient la société ensemble» 
			(26) 
			Département des affaires
économiques et sociales des Nations Unies: «Perspectives sur la
cohésion sociale – la colle qui tient la société ensemble», actualités
sur le séminaire «La cohésion sociale dans un monde en mutation», organisé
le 27 janvier 2012 à New York, <a href='http://www.un.org/fr/development/desa/news/policy/perspectives-sur-la-cohesion-sociale.html'>www.un.org/fr/development/desa/news/policy/perspectives-sur-la-cohesion-sociale.html</a>. .
27. Par conséquent, la promotion d’une meilleure cohésion sociale constitue l’une des «briques» des politiques visant à prévenir l’exclusion sociale de certains groupes marginalisés. Par ailleurs, la définition de l’OCDE introduit un élément dynamique dans le débat relatif à la cohésion sociale qui est présentée comme étant construite autour de trois valeurs clés: l’inclusion sociale, le capital social et la mobilité sociale. Dans cette analyse, l’inclusion sociale se réfère à la mesure dans laquelle tous les citoyens peuvent participer sur un pied d’égalité à la vie économique, sociale et politique (y compris le fait que les personnes sont protégées en cas de besoin); le capital social renvoie à la confiance entre les personnes et dans les institutions et le sentiment d’appartenance à une société; la mobilité sociale se réfère à l’égalité des chances d’avancer. Les experts de l’OCDE sont convaincus que les politiques peuvent faire une différence en investissant de nouvelles ressources dans le développement social tout en repensant les politiques sociales et économiques afin de s’assurer que tous les citoyens ont une voix, de favoriser la participation civique et de renforcer les institutions démocratiques 
			(27) 
			Ibid..
28. Le plan d’action préparé et mis en œuvre par les précédents gouvernements britanniques propose également une approche intéressante de la lutte contre l’exclusion sociale à différents niveaux. Le plan d’action de 2006 sur l’exclusion sociale reposait sur une «approche fondée sur le cycle de vie» très intéressante, qui prévoit la mise en œuvre de mesures adaptées aux différentes étapes du cours de la vie (enfance, jeunesse et adultes en âge de travailler) et propose trois axes pour combattre l’exclusion sociale: les ressources, la participation (notamment politique) et la qualité de vie.

La Bristol Social Exclusion Matrix (B-SEM)

Ressources

Ressources matérielles/économiques

Accès aux services publics et privés

Ressources sociales

Participation

Participation économique

Participation sociale

Culture, éducation et compétences

Participation politique et civique

Qualité de vie

Santé et bien-être

Environnement de vie

Criminalité, préjudices et criminalisation

29. Je suis d’avis que pour construire des sociétés réellement cohésives dans lesquelles tous les citoyens peuvent exercer l’ensemble de leurs droits sociaux et économiques mais aussi civils et politiques, il convient de mettre en œuvre des politiques de cohésion sociale plus vastes et des mesures plus spécifiques de lutte contre l’exclusion sociale (de certains groupes à risque) qui se complètent mutuellement.

3.3. Les stratégies nationales et européennes de lutte contre l’exclusion sociale et leur contribution à une large participation démocratique

30. Les stratégies visant à combattre l’exclusion sociale sont élaborées et mises en œuvre dans divers contextes. Au niveau de l’Union européenne, certains outils de financement tels que le Fonds social européen (FSE) et d’autres instruments complémentaires contribuent à la lutte contre la pauvreté et au renforcement de la cohésion sociale. Entre 2014 et 2020, près de 80 milliards d’euros seront injectés dans le FSE, dans le but notamment d’atteindre l’objectif de 75 % de la population âgée de 20 à 64 ans en activité et de réduire de 20 millions au moins le nombre de personnes menacées par la pauvreté et l’exclusion sociale. Dans ce contexte, une attention particulière est portée aux groupes vulnérables dont les migrants et les Roms, ainsi qu’à certains défis à long terme comme améliorer les qualifications de la main-d’œuvre dans une économie de plus en plus complexe, répondre aux défis du vieillissement de la population et aux exigences du marché de l’emploi, garantir à toutes les femmes qui le souhaitent la possibilité de réintégrer le marché du travail après une interruption de carrière et soutenir les personnes handicapées 
			(28) 
			Commission européenne,
Direction générale emploi, affaires sociales et inclusion: «Investing
in people: EU funding for employment and social inclusion», Guide de l’Europe sociale, volume
7, juin 2014..
31. Dans le secteur intergouvernemental du Conseil de l’Europe, un guide méthodologique intitulé «Elaboration concertée des indicateurs de la cohésion sociale» a été développé en 2005. Il aborde une série complète de questions et propose un nombre important d’indicateurs permettant de comprendre et d’évaluer la cohésion sociale dans son ensemble, par domaine de vie et par groupe vulnérable spécifique (personnes appartenant à des minorités, migrants, enfants, personnes âgées, personnes handicapées, femmes).
32. Les stratégies nationales définissent souvent un large éventail de mesures de lutte contre l’exclusion sociale, prenant en compte divers groupes vulnérables ou qui ont besoin d’une protection spéciale, mais n’abordent pas toujours la question de la participation civique. A cet égard, je citerais comme exemple le dernier rapport social national élaboré par le ministère du Travail et des Pensions de mon gouvernement en mai 2012. Ce document évoque, entre autres priorités du Royaume-Uni pour lutter contre la pauvreté et favoriser la cohésion sociale, le soutien aux familles, aux jeunes issus de milieux défavorisés et aux adultes les plus défavorisés mais ne fait aucunement mention de la participation civique. Il s’agit d’une lacune importante que les futures politiques auront à combler.

4. Action recommandée: principes directeurs et mesures concrètes

33. J’aimerais à présent définir certains principes directeurs et proposer des mesures applicables par les Etats membres en vue de combattre l’exclusion sociale en général et celle de groupes vulnérables spécifiques en particulier, ainsi que de favoriser la participation démocratique des personnes exclues ou menacées d’exclusion.
34. En formulant des propositions d’actions concrètes, je souhaiterais m’appuyer sur certains des concepts et postulats examinés précédemment. Les ressources, la participation (notamment politique) et la qualité de vie sont trois dimensions importantes de la cohésion sociale. Afin d’agir en faveur de l’égalité des chances dans toutes ces dimensions, les politiques publiques devraient combiner des approches plus larges encourageant la cohésion sociale et la mise en œuvre d’actions plus spécifiques de lutte contre l’exclusion sociale, différentes selon les étapes du cours de la vie (enfance, adolescence, adultes en âge de travailler, seniors) et prenant en compte des critères de genre. Il convient d’appliquer des mesures ciblées aux groupes particulièrement vulnérables comme les minorités, les migrants et les personnes handicapées. Enfin, pour revenir à l’objet principal du présent rapport, l’accès aux processus démocratiques devrait être assuré à toutes les personnes en situation d’exclusion sociale ou menacées de l’être afin de garantir qu’elles puissent exprimer leurs besoins et trouver des réponses politiques appropriées.
35. Selon l’article 30 de la Charte sociale européenne (révisée) («Droit à la protection contre la pauvreté et l’exclusion sociale»), l'accès effectif à l'emploi, au logement, à la formation, à l'enseignement, à la culture, à l'assistance sociale et médicale doit être garanti à tous. Les solutions apportées par les politiques publiques aux problèmes d’exclusion sociale et économique devraient par conséquent couvrir pleinement ces diverses catégories aussi bien de manière individuelle que par le truchement, le cas échéant, d’une action transversale. Le présent rapport n’a pas pour objet de proposer des programmes d’action exhaustifs ou des solutions en matière de lutte contre l’exclusion sociale mais plutôt de mettre en lumière quelques principes généraux susceptibles d’être appliqués afin de renforcer l’efficacité des politiques.

4.1. Mesures suivant l’approche fondée sur le cycle de vie

36. Selon l’approche fondée sur le cycle de vie que j’aimerais soutenir fermement, les mesures politiques ainsi que l’assistance publique et les services publics devraient être conçus spécifiquement pour chaque «étape de la vie» ou groupe d’âge. Il pourrait notamment s’agir des mesures suivantes:
  • Enfants: favoriser l’inclusion grâce à l’éducation de la petite enfance, par exemple des cours d’apprentissage de la langue destinés aux enfants de migrants;
  • Jeunes: mettre en place une formation active et des politiques de l’emploi susceptibles d’aider les jeunes à se préparer au marché du travail et à réussir leur intégration;
  • Adultes en âge de travailler: mettre en œuvre des mesures pour la formation des chômeurs de longue durée, faciliter la réintégration des femmes sur le marché de l’emploi ou augmenter le revenu familial (pour plus de détails, voir ci-dessous);
  • Seniors: réformer les régimes de retraite afin de garantir l’adéquation et la pérennité des pensions de vieillesse.
37. Ce type d’approches fondées sur le cycle de vie permet d’établir une distinction entre les mesures destinées aux différents groupes d’âge et celles mises en œuvre à l’attention des groupes vulnérables, en évitant les stéréotypes et l’amalgame systématique entre les enfants ou les personnes âgées en général et d’autres catégories sociales. Les interactions sont fréquentes, par exemple chez les enfants de migrants, les mères célibataires ou les personnes âgées pauvres mais tous les enfants, toutes les femmes ou toutes les personnes âgées ne sont pas obligatoirement vulnérables. Les problèmes auxquels les femmes sont confrontées devraient également être abordés d’une manière qui intègre une dimension transversale de la perspective de genre, en différenciant les mesures requises pour les femmes et les hommes, ou en les replaçant dans leur contexte socio-économique respectif.
38. Les politiques publiques visant à lutter contre l’exclusion sociale et ses conséquences se heurtent entre autres difficultés au fait qu’une part importante des ressources est consacrée à la gestion ou à l’atténuation des symptômes de l’exclusion. Les politiques devraient au contraire privilégier bien davantage les mesures préventives visant à briser le «cercle vicieux des inégalités», accompagnées d’actions adaptées à chaque catégorie spécifique de la population. A cet égard, les interventions précoces présentent une importance toute particulière, comme l’a déjà souligné l’Assemblée dans sa Résolution 1995 (2014) «Eradiquer la pauvreté des enfants en Europe».
39. D’autres mesures spécifiques visant à combattre la pauvreté et l’exclusion sociale de différents groupes d’âge ont été mises en avant par l’Assemblée dans ses Résolutions 1800 (2011) «Combattre la pauvreté», 1828 (2011) «La forte baisse du taux d’emploi des jeunes: inverser la tendance», 1882 (2012) «Des pensions de retraite décentes pour tous», ou 1885 (2012) «La jeune génération sacrifiée: répercussions sociales, économiques et politiques de la crise financière». Je ne peux qu’encourager tous les gouvernements à consulter une nouvelle fois ces textes afin de compléter leurs politiques de lutte contre l’exclusion sociale (des jeunes et des personnes âgées tout particulièrement).

4.2. Mesures liées au revenu

40. Certains spécialistes présentent les régimes de revenu minimum garanti comme la «panacée» pour combattre l’exclusion sociale. Très souvent toutefois, différentes notions sont abordées de manière confuse dans le discours politique et «passent» de ce fait plus ou moins bien auprès du grand public. Vous trouverez en annexe une définition des différentes catégories de revenu minimum et de systèmes de sécurité.
41. Les revenus minimum visant à prévenir la pauvreté peuvent être assurés de diverses manières. Bien que des lois sur le salaire minimum soient en vigueur dans de nombreux pays, les avis sont partagés quant à leurs avantages et inconvénients (pour les taux d’emploi, les niveaux de vie ou les attitudes envers le travail). Quelle que soit l’approche adoptée, je suis convaincu que chaque Etat devrait trouver un moyen de garantir un niveau minimum de revenu familial en instaurant un salaire minimal légal global, ou en facilitant la conclusion d’accords sectoriels grâce au dialogue social (considéré comme un élément clé du modèle social européen) 
			(29) 
			Daniel Vaughan-Whitehead,
The European Social Model in times of Economic Crisis and Austerity
Policies, Organisation internationale du travail (OIT), février
2014, voir le résumé: <a href='http://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---europe/---ro-geneva/---ilo-brussels/documents/publication/wcms_236720.pdf'>www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---europe/---ro-geneva/---ilo-brussels/documents/publication/wcms_236720.pdf</a>.   
			(30) 
			Deux rapports sur le
dialogue social sont actuellement en cours d’élaboration par l’Assemblée
parlementaire: «Vers un nouveau modèle social européen» (rapporteure:
Maria de Bélem Roseira, Portugal, SOC) et «Protection du droit de négociation
collective» (rapporteur: Andrej Hunko, Allemagne, GUE).. Les régimes de revenu minimum garanti ou les concepts de living wage (salaire minimum vital) peuvent constituer des approches complémentaires, comme en témoignent les premières expériences. Les systèmes garantissant un revenu de base ou un revenu de citoyenneté sont jugés par beaucoup trop utopiques. Dans le débat public, ces concepts sont moins populaires que dans les années 1980 ou 1990; les électeurs suisses ont explicitement rejeté cette idée à l’occasion d’un référendum organisé en 2013 
			(31) 
			Worldfinance, Will
unconditional basic income solve Europe’s problems? 2013: <a href='http://www.worldfinance.com/infrastructure-investment/government-policy/will-unconditional-basic-income-solve-europes-problems'>www.worldfinance.com/infrastructure-investment/government-policy/will-unconditional-basic-income-solve-europes-problems</a>..
42. Cependant, le niveau de revenu n’est pas le seul déterminant de l’inclusion sociale; la redistribution du travail au sein de la population active grâce à la formation et à l’éducation est un autre élément essentiel des politiques du marché du travail inclusif. Dans un contexte de processus de travail de plus en plus complexes et orientés vers les technologies, il est essentiel d’améliorer les compétences de la main d’œuvre. Il s’avère également indispensable d’élaborer des stratégies de croissance qui ne se contentent pas de réduire les taux de chômage mais aussi de créer des emplois de qualité favorisant la participation aux systèmes de sécurité sociale. Les personnes contraintes de travailler à temps partiel pendant de longues années et d’enchaîner des contrats précaires souvent entrecoupés de périodes de chômage auront du mal à trouver une certaine stabilité économique à long terme. L’inclusion doit par conséquent être comprise comme un concept garantissant les droits sociaux et la sécurité sociale aux personnes actuellement en âge de travailler mais doit également mettre en œuvre des approches transgénérationnelles et à long terme, c’est-à-dire poursuivre des stratégies de développement durable.

4.3. Mesures en faveur de groupes nécessitant un soutien spécial

43. Dans la pratique et dans le but de prévenir l’exclusion sociale et d’intervenir à un stade précoce, des approches générales fondées sur le cycle de vie doivent être étroitement liées à certains groupes vulnérables, comme le montrent quelques-uns des exemples précédents (par exemple les enfants de migrants). En cette période de crise économique et financière, divers groupes ont régulièrement été identifiés comme nécessitant un soutien spécial.
44. Dans son récent document thématique intitulé «Protéger les droits de l'homme en temps de crise économique», le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe estime que les travailleurs migrants, les minorités ethniques (par exemple les Roms), les femmes actives, les enfants et les jeunes, ainsi que les personnes handicapées notamment sont touchés de manière disproportionnée par la crise 
			(32) 
			Document thématique
publié par le Commissaire aux droits de l'homme: <a href='https://wcd.coe.int/com.instranet.InstraServlet?command=com.instranet.CmdBlobGet&InstranetImage=2547235&SecMode=1&DocId=2144930&Usage=2'>https://wcd.coe.int/com.instranet.InstraServlet?command=com.instranet.CmdBlobGet&InstranetImage=2547235&SecMode=1&DocId=2144930&Usage=2</a>. .
45. Bien évidemment, ces groupes peuvent varier au fil du temps et en fonction des contextes nationaux spécifiques. Il est par conséquent nécessaire d’élaborer à l’échelon national des plans d’action visant à combattre l’exclusion sociale et la marginalisation et à améliorer la situation des plus vulnérables et de les mettre très régulièrement à jour, en se fondant sur un suivi étroit de l’évolution de la situation dans le pays. Ces plans devraient également couvrir les domaines clés jugés déterminants pour le statut social et l’inclusion de toute personne, en l’occurrence l’éducation et la formation, la création d’emplois de qualité et l’égalité d’accès aux droits sociaux et aux systèmes de sécurité sociale.
46. Concernant les minorités en particulier, les phénomènes de «ghettoïsation» sont à prévenir dans toute la mesure du possible, même si les réseaux sociaux de quelque nature que ce soit (y compris les réseaux ethniques ou religieux) peuvent avoir des conséquences positives ou négatives, comme évoqué précédemment. Le regroupement géographique de certaines communautés dans des zones urbaines spécifiques peut permettre de les atteindre plus facilement et de manière proactive par le biais d’actions inclusives (tels le travail social, l’éducation, l’emploi ou d’autres mesures). Les organisations de la société civile ont certainement à endosser une responsabilité particulière dans ce domaine, comme l’a déjà souligné l’Assemblée dans sa Résolution 1778 (2010) «Promouvoir le volontariat et le bénévolat en Europe».

4.4. Mesures destinées à garantir et promouvoir la participation démocratique des personnes menacées d’exclusion

47. La promotion de la participation démocratique des personnes marginalisées ou menacées d’exclusion (pour diverses raisons) est un défi complexe qui appelle des réponses multidimensionnelles – des actions doivent être entreprises simultanément à divers niveaux et par différents acteurs, d’une manière aussi cohérente que possible. L’élaboration de plans d’action nationaux traitant spécifiquement de cette question pourrait constituer un point de départ. Parmi les exemples de formats envisageables pour de telles actions, citons le programme en faveur des personnes handicapées, élaboré en 2007 par la Commission pour les droits des personnes handicapées du Royaume-Uni, qui détaille les mesures à prendre par les diverses parties prenantes (gouvernement, services sociaux et de santé, collectivités locales, ONG, etc.) pour renforcer la participation démocratique et la citoyenneté active des personnes handicapées 
			(33) 
			Commission des droits
des personnes handicapées du Royaume-Uni: Increasing
democratic participation and active citizenship – Creating an alternative
future, février 2007. NB: à la suite de la Loi sur l’égalité
de 2006, la Commission a été remplacée par la Commission de l’égalité
et des droits de l’homme (EHRC) pour l’Angleterre, l’Ecosse et le
Pays de Galles, <a href='http://www.equalityhumanrights.com/'>www.equalityhumanrights.com</a>..
48. Bien qu’ayant mis en lumière dans ce texte certaines des difficultés liées à la participation démocratique des personnes socialement exclues, je ne suis pas en mesure, compte tenu de la grande complexité du sujet, de détailler la voie exacte à suivre pour concevoir des structures et des processus démocratiques inclusifs. Ces processus doivent être discutés de manière plus approfondie et développés dans chaque contexte national. Parallèlement aux mesures visant à combattre la pauvreté et l’exclusion sociale sur un plan général, et à améliorer ainsi la situation socio-économique des personnes (y compris leur niveau d’éducation et leurs opportunités ultérieures de trouver un emploi durable), certains experts recommandent d’autres mesures structurelles et des interventions précoces.
49. Pour améliorer quelque peu la participation démocratique des groupes de population défavorisés ou en quelque manière exclus, citons notamment: 1) l’introduction d’éléments de démocratie directe, permettant ainsi aux organisations de la société civile en contact avec les groupes défavorisés de la population d’approcher leurs «clients» et de défendre leurs intérêts; 2) le démarrage précoce de l’éducation civique; 3) la promotion d’une communication «facilement compréhensible» quant aux décisions et processus politiques; 4) et, comme mesure la plus «extrême», l’introduction du vote obligatoire 
			(34) 
			Mehr
Demokratie e.v. / Association «Plus de démocratie»: Themen 22 – Direkte Demokratie und soziale
Exklusion / Thème 22 – Démocratie directe et exclusion
sociale, Berlin, juillet 2013, <a href='http://www.mehr-demokratie.de/fileadmin/pdf/Themen22_Direkte_Demokratie_und_soziale_Exklusion.pdf'>www.mehr-demokratie.de/fileadmin/pdf/Themen22_Direkte_Demokratie_und_soziale_Exklusion.pdf</a>. . Pour trouver les mesures les plus appropriées dans leur contexte national, les gouvernements devraient consacrer du temps à l’échange de bonnes pratiques dans ce domaine et s’inspirer des approches innovantes déjà testées ailleurs, qui ont fait la preuve de leur efficacité.
50. Comme l’a déclaré le Commissaire aux droits de l’homme dans son document thématique 
			(35) 
			Document
thématique publié par le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil
de l'Europe, novembre 2013, voir page 21., les droits civils et politiques, tels que le droit de participer aux affaires publiques et le droit à la transparence nécessitant d’avoir accès en temps utile à des informations pertinentes, ont pâti de la crise. Il a par ailleurs noté que la fréquente absence de consultation du peuple, au sujet par exemple des mesures d’austérité, a provoqué des manifestations massives, notamment en Espagne, au Portugal et en Grèce, et que les réactions virulentes aux troubles sociaux risquent d’entraîner une méfiance à l’égard du système démocratique en tant que tel.
51. En effet, il apparaît capital de maintenir les normes les plus élevées de démocratie et de bonne gouvernance même, ou tout particulièrement, en situation de crise. Un instrument élaboré par le Conseil de l’Europe pour le niveau local et promu par l’Assemblée à plusieurs occasions fournit certaines orientations à cet égard: les douze principes établis par la «Stratégie pour l’innovation et la bonne gouvernance au niveau local», telle qu’adoptée par le Comité des Ministres en mars 2008 
			(36) 
			Egalement promus dans
la Résolution 1964 (2013) «La bonne gouvernance des grandes métropoles».. Ces principes font également référence à des concepts importants tels que l’ouverture et la transparence ou les droits humains, la diversité culturelle et la cohésion sociale, et méritent à ce titre d’être promus au niveau européen.
52. Les normes relatives à la participation des citoyens à la vie publique locale sont également énoncées dans la Rec(2001)19 du Comité des Ministres sur la participation des citoyens à la vie publique au niveau local, ainsi que dans certains des textes les plus récents adoptés par le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe, dont la Résolution 326 (2011) «La participation des citoyens aux niveaux local et régional en Europe», la Résolution 332 (2011) «Les outils des villes pour l’éducation à la citoyenneté démocratique» ou, très récemment, la Résolution 366 (2014) «Donner aux jeunes Roms les moyens d’agir par la participation: concevoir des politiques efficaces aux niveaux local et régional». Bien entendu, l’échelon local joue un rôle particulier lorsqu’il s’agit d’améliorer la participation démocratique des groupes défavorisés ou marginalisés de la population, car ce sont les décideurs locaux qui les connaissent le mieux et les services sociaux sont susceptibles de toucher les groupes et les zones «problématiques» de la façon la plus efficace possible. S’agissant de l’Assemblée parlementaire, les textes les plus pertinents dans ce domaine sont les Résolutions 1618 (2008) «Situation de la démocratie en Europe: Mesures visant à améliorer la participation démocratique des migrants» et 1964 (2013) «La bonne gouvernance des grandes métropoles».

5. Conclusions

53. Concernant la lutte contre l’exclusion sociale, les dispositions de la Charte sociale européenne (révisée), l’instrument juridique contraignant dont s’est doté le Conseil de l’Europe pour protéger les droits économiques et sociaux, sont essentiels. Afin de créer un espace commun de protection des droits économiques et sociaux en Europe, il convient de promouvoir davantage la signature, la ratification et la mise en œuvre par les Etats membres de cette Charte, du Protocole de 1991 portant amendement à la Charte sociale européenne (STE n° 142, «Protocole de Turin») et du Protocole additionnel de 1995 prévoyant un système de réclamations collectives (STE n° 158). Tous les Etats membres devraient notamment accepter les dispositions de l’article 30 de la Charte sociale européenne (révisée) sur le droit à la protection contre la pauvreté et l’exclusion sociale, et appliquer concrètement ses dispositions.
54. Cependant, pour lutter contre l’exclusion sociale, il ne suffit pas de promouvoir les droits sociaux: il faut également, d'une manière plus large, promouvoir les droits civils et politiques, sur lesquels repose toute démocratie. Il n’existe pas de «recette» standard pour parvenir à la cohésion sociale et lutter contre l’exclusion sociale ou garantir la participation démocratique des personnes menacées d’exclusion. Une fois que toutes les parties prenantes auront reconnu le défi pour l’Europe décrit dans ce rapport, en l’occurrence la mise en péril de la démocratie en tant que telle en l’absence de garantie des droits sociaux, il incombera aux décideurs d’élaborer à l’échelon national des politiques appropriées en se fondant sur une «combinaison de politiques» qui permettra de garantir l’inclusion des groupes marginalisés et de les atteindre.
55. A la lumière des liens entre l’exclusion sociale et la démocratie mis en avant par le présent rapport et des quelques mesures concrètes suggérées précédemment, je souhaiterais proposer à l’Assemblée de soumettre un catalogue d’actions aux gouvernements des Etats membres. Ces actions devraient être classées selon les trois grandes catégories développées ci-dessus: mesures générales contre l’exclusion sociale; mesures spécifiques en faveur des groupes marginalisés ou menacés d’exclusion sociale (involontairement ou volontairement); et mesures spécifiques visant à renforcer la participation démocratique, en particulier des personnes exclues.
56. Beaucoup d’idées intéressantes d’actions législatives et politiques sont tirées de textes déjà adoptés par l’Assemblée parlementaire, dans lesquels la situation de groupes d’âge spécifiques, de groupes ayant besoin d’une protection ou d’un soutien spécial ou d’autres aspects de la cohésion sociale ont déjà été explorés. Un important travail a d’ores et déjà été réalisé par le secteur intergouvernemental du Conseil de l’Europe, dans le cadre de la préparation de la nouvelle Stratégie et du Plan d’action pour la cohésion sociale de 2010 et des outils méthodologiques connexes. Cependant, certains de ces outils se sont avérés d’une (trop) grande complexité, et la mise au point d’outils plus facilement gérables, selon un agenda politique traitant des questions les plus urgentes, pourrait s’avérer utile.
57. Nous devrions tous reconnaître que la protection contre l’exclusion sociale et la création dans toute la mesure du possible d’une véritable cohésion sociale sont des fondements essentiels de la démocratie. La pauvreté et l’exclusion sociale ne menacent pas seulement les droits humains individuels, qu’ils soient sociaux, économiques, civils ou politiques, mais la démocratie proprement dite. Par ailleurs, une démocratie qui n’est pas inclusive et ne prend pas en compte les préoccupations et les besoins de l’ensemble de la population aura tendance à discriminer davantage certains groupes sociaux, car ils seront systématiquement moins représentés que d’autres dans les processus démocratiques, notamment ceux consacrés à l’allocation de ressources.

Annexe – Liste des différentes catégories de revenu minimum et de systèmes de sécurité

(open)

  • Le salaire minimum représente, selon les définitions de l’OIT, la somme minimum qui doit être versée au travailleur pour le travail effectué ou les services rendus au cours d’un laps de temps déterminé, quel que soit son mode de calcul, à l’heure ou au rendement, au-dessous de laquelle il est interdit de descendre, tant dans un contrat individuel que dans une convention collective, qui est garantie par la loi et qui peut être fixée de manière à permettre au travailleur et à sa famille de subvenir à leurs besoins essentiels compte tenu de la situation économique et sociale du pays 
			(37) 
			General Survey of the reports on the minimum
wage, OIT, 1992: <a href='http://www.ilo.org/public/libdoc/ilo/P/09661/09661(1992-79-4B).pdf'>www.ilo.org/public/libdoc/ilo/P/09661/09661(1992-79-4B).pdf</a>.   
			(38) 
			Etude d'ensemble des
rapports sur la convention (n° 131) et la recommandation (n° 135)
sur la fixation des salaires minima, 1970, OIT, 2014: <a href='http://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---ed_norm/---relconf/documents/meetingdocument/wcms_235285.pdf'>www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---ed_norm/---relconf/documents/meetingdocument/wcms_235285.pdf</a>. . Sur les 28 Etats membres de l’Union européenne, en 2013, 21 disposaient d’une législation nationale fixant un salaire minimum statutaire alors que les autres établissaient des salaires minimum par secteur ou laissaient aux partenaires sociaux le soin de déterminer le salaire minimum par l’intermédiaire de négociations collectives. Le niveau du salaire minimum varie grandement au sein de l’Union européenne: de 158 €/par mois en Bulgarie à 1 874 €/mois au Luxembourg 
			(39) 
			Eurostat,
Interface Tableaux, graphiques et cartes: salaires minima en Europe: <a href='http://epp.eurostat.ec.europa.eu/tgm/table.do?tab=table&language=fr&pcode=tps00155'>http://epp.eurostat.ec.europa.eu/tgm/table.do?tab=table&language=fr&pcode=tps00155</a>..
  • Les systèmes de revenu de base garanti 
			(40) 
			Réseau
mondial pour le revenu de base (Basic Income Earth Network, BIEN): <a href='http://www.basicincome.org/bien/aboutbien.html'>www.basicincome.org/bien/aboutbien.html</a>., en tant que systèmes de prestations sociales visant à prévenir la pauvreté des travailleurs à bas salaire tout en encourageant l’activité professionnelle, offrent un complément de revenu. Ces systèmes sont généralement soumis à des conditions de ressources et liés à certaines exigences (par exemple un nombre limité d’heures de travail, des raisons substantielles de ne pas travailler davantage (pour cause de maladie, de handicap, d’éducation des enfants, ou de soins à une personne malade), un montant limité d’épargne, la volonté affirmée de participer au marché de l’emploi ou d’effectuer des services communautaires). Ils ont par exemple été mis en place en France (le «revenu minimum d'insertion» (RMI) en 1988, suivi du «revenu de solidarité active» (RSA) en 2009), 
			(41) 
			Pôle emploi, Le revenu
de solidarité active (RSA): <a href='http://www.pole-emploi.fr/candidat/le-revenu-de-solidarite-active-rsa--@/suarticle.jspz?id=43242'>www.pole-emploi.fr/candidat/le-revenu-de-solidarite-active-rsa--@/suarticle.jspz?id=43242</a>. et au Royaume-Uni («income support system») 
			(42) 
			Gouvernement du Royaume-Uni, Income Support: <a href='https://www.gov.uk/income-support/overview'>https://www.gov.uk/income-support/overview</a>.  
			(43) 
			Des systèmes similaires
ont été mis en œuvre dans d’autres pays européens: Allemagne, Autriche,
Danemark, Espagne, Finlande, Irlande, Islande, Liechtenstein, Luxembourg,
Pays-Bas, Norvège, Portugal, Suède et Suisse..
  • Concepts de salaire équitable: dans une étude de 2010, un économiste en chef de l’OIT a identifié 12 dimensions des salaires équitables 
			(44) 
			Voir Fair Wage Network: <a href='http://www.fair-wage.com/en/fair-wage-approach-menu.html'>www.fair-wage.com/en/fair-wage-approach-menu.html</a>.  
			(45) 
			D. Vaughan-Whitehead, Fair wages – Strengthening corporate social
responsibility, E. Edgar Publishing, Cheltenham, Royaume-Uni,
Northampton, MA, United States, 2010, p. 66-67.. Dans le même esprit, l’Assemblée parlementaire a, dans sa Résolution 1993 (2014) «Un travail décent pour tous», demandé aux Etats membres de garantir «une rémunération équitable et une couverture sociale».
  • Le concept de «living wage» («salaire minimum vital») apparaît déjà dans la Constitution de l’OIT de 1919, qui souligne l’urgence d’améliorer les conditions de travail 
			(46) 
			Etude
d’ensemble des rapports sur la convention (n° 131) et la recommandation
(n° 135) sur la fixation des salaires minima, 1970: Salaire minimum, living wage et salaire équitable,
p. 29-32, OIT, 2014: <a href='http://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---ed_norm/---relconf/documents/meetingdocument/wcms_235285.pdf'>www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---ed_norm/---relconf/documents/meetingdocument/wcms_235285.pdf</a>.. Les travailleurs et leur famille devraient être en mesure de mener une existence simple mais décente, considérée comme acceptable par la société compte tenu de son niveau de développement économique et leur permettant de vivre au-dessus du seuil de pauvreté et de participer à la vie sociale et culturelle. Une initiative plus récente a été lancée au Royaume-Uni grâce à TELCO (East London Community Organisation), avec le soutien de syndicats, d’associations et de communautés 
			(47) 
			Kate Lawton et Matthew
Pennycook, Beyond the bottom line: the challenges and opportunities
of living wage, 2013: <a href='http://www.ippr.org/assets/media/images/media/files/publication/2013/01/beyond-bottom-line_living-wage_Jan2013_10162.pdf'>www.ippr.org/assets/media/images/media/files/publication/2013/01/beyond-bottom-line_living-wage_Jan2013_10162.pdf</a>.. A ce jour, la Living Wage Foundation encourage les entreprises à verser volontairement un «salaire minimum vital» à leurs employés. A Londres, 200 entreprises ont été associées à ce projet au cours des Jeux olympiques de Londres de 2012, 81,2 % des travailleurs ayant perçu au moins le «salaire minimum vital» 
			(48) 
			Autorité
du Grand Londres, A fairer London: the 2012 living wage in London,
Londres, novembre 2012, p. 31-37..
  • Revenu de base 
			(49) 
			En particulier la question
des systèmes de revenu de base a été présentée en détail à l’ancienne
commission des questions sociales, de la santé et de la famille
à l’occasion d’une audition avec M. Bálint Misetics, un chercheur
hongrois, lors de la réunion de la commission à Florence en novembre
2011. A l’époque, ce rapport était déjà en préparation par l’ex-rapporteure
hongroise et ex-membre de l’Assemblée parlementaire, Mme Virag Kaufer
(qui a depuis quitté le Parlement hongrois et l’Assemblée). De plus
amples informations sur les premières étapes de la préparation de
ce rapport sont disponibles auprès du secrétariat.: un revenu de base (appelé également revenu de citoyenneté ou impôt sur le revenu négatif) est un système de sécurité sociale versant périodiquement à chaque citoyen (les plus riches et les plus pauvres) une somme suffisante pour vivre (transfert du gouvernement). Le revenu de base est généralement fourni de manière à permettre la subsistance du bénéficiaire, afin de l’encourager à participer à l’activité économique. En Europe, beaucoup de ses défenseurs sont réunis au sein du Réseau mondial pour le revenu de base (BIEN), qui reconnaît de nombreux groupes de défense nationaux 
			(50) 
			Réseau mondial pour
le revenu de base (Basic Income Earth
Network, BIEN): <a href='http://www.basicincome.org/bien/aboutbien.html'>www.basicincome.org/bien/aboutbien.html</a>..