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Rapport d’observation d’élection | Doc. 13642 | 17 novembre 2014

Observation des élections législatives anticipées en Bulgarie (5 octobre 2014)

Auteur(s) : Commission ad hoc du Bureau

Rapporteure : Mme Doris FIALA, Suisse, ADLE

1. Introduction

1. Les élections législatives anticipées du 5 octobre 2014 en Bulgarie se sont tenues seulement dix-sept mois après les précédentes élections du 12 mai 2013, qui avaient conduit à un changement de gouvernement mais n’ont d’aucune manière résolu la crise politique et économique dans le pays.
2. Avant même la démission officielle du gouvernement de Plamen Orecharski le 23 juillet 2014, le Bureau de l’Assemblée avait, à sa réunion du 23 juin 2014, pris la décision d’observer les élections à venir, sous réserve d’y être convié par le gouvernement de transition. A cette fin, elle a constitué une commission ad hoc composée de 21 membres et du rapporteur de la commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l’Europe (commission de suivi). Le Bureau a également autorisé le déploiement d’une mission préélectorale. A sa réunion du 27 juin, il a approuvé la composition de la commission ad hoc et autorisé le Président de l’Assemblée à en nommer le président.
3. Le 5 août, le président Rosen Plevneliev a dissous l’Assemblée nationale et demandé l’organisation d’élections législatives anticipées pour le 5 octobre. Le 6 août, un gouvernement de transition dirigé par M. Georgi Bliznashki a été institué; le 11 août, le Président de l’Assemblée parlementaire a reçu une invitation à observer les élections anticipées.
4. A ses réunions des 2 et 29 septembre, le Bureau de l’Assemblée a approuvé la composition finale de la commission ad hoc. La date de ces élections coïncidant avec la partie de session d’octobre de l’Assemblée, seuls dix membres de la commission ad hoc ont finalement pu participer à la mission d’observation (voir l’annexe 1).
5. Conformément à l’article 15 de l’Accord signé en 2004 entre l’Assemblée parlementaire et la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), le Bureau a invité un membre de la Commission de Venise à intégrer la commission ad hoc en qualité de conseiller. La Commission de Venise a été représentée par M. Oliver Kask (Estonie).
6. Afin d’évaluer l’organisation de la campagne électorale et le climat politique au cours de cette dernière, le Bureau a envoyé une mission préélectorale en Bulgarie les 18 et 19 septembre. Celle-ci, représentant trois des cinq groupes politiques de l’Assemblée, était composée de Mme Doris Fiala (Suisse, ADLE), présidente, M. Zbigniew Girsyinski (Pologne, PPE/DC) et Mme Olga-Nantia Valavani (Grèce, GUE). La déclaration publiée par la délégation préélectorale à l’issue de sa mission est reproduite à l’annexe 2.
7. La commission ad hoc est intervenue dans le cadre de la mission internationale d’observation des élections (MIOE) à laquelle a également pris part une mission restreinte d’observation des élections du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE/BIDDH), présidée par l’ambassadrice Audrey Glover.
8. La commission ad hoc s’est réunie à Sofia du 2 au 6 octobre 2014 et a rencontré les chefs et représentants des principaux partis en lice, le chef de la mission de l’OSCE/BIDDH et des membres de son personnel, le présidente et les membres de la Commission électorale centrale ainsi que des représentants de la société civile et des médias. Le programme des réunions de la commission ad hoc figure en annexe 3.
9. Le jour du scrutin, la commission ad hoc s’est divisée en sept équipes qui ont observé l’élection à Sofia et alentours, Blagoevgrad, Kiustendil, Montana, Pazardzshik et Plovdiv.
10. La mission internationale d’observation des élections a déclaré que les élections législatives anticipées du 5 octobre 2014 avaient été «bien administrées du point de vue technique et que les libertés fondamentales avaient été respectées, mais que des allégations, faisant état d’achat et de vente de voix et d’autres irrégularités, ainsi qu’une campagne inconsistante, ont continué à peser sur la confiance des électeurs dans l’intégrité du processus». Le communiqué de presse de la MIOE publié après les élections est reproduit en annexe 4.

2. Contexte politique

11. Les précédentes élections législatives anticipées du 12 mai 2013 avaient été convoquées à la suite d’une vague de protestation dans l’ensemble du pays, dénonçant le prix élevé de l’énergie, le faible niveau de vie et la corruption. En dépit du mécontentement populaire, l’ancien parti au pouvoir mené par M. Boïko Borissov, «Citoyens pour le développement européen de la Bulgarie» (GERB), avait remporté 30 % des suffrages et 97 sièges sur 240 à l’Assemblée nationale. Il ne possédait toutefois pas de majorité et un gouvernement minoritaire conduit par le Parti socialiste bulgare (BSP) a été formé avec à sa tête M. Plamen Orecharski.
12. Le nouveau gouvernement ne détenait que la moitié des sièges au parlement et la fragile coalition minoritaire est très vite devenue dépendante de l’appui du parti ultranationaliste Ataka. Cette situation, à laquelle sont venues s’ajouter nombre de décisions controversées et de scandales politiques, cinq votes de censure et le faible score de 18,94 % du BSP aux élections européennes de mai 2014, ont précipité la chute anticipée du gouvernement Orecharski.
13. Parmi les principales décisions reprochées au gouvernement figuraient le rattachement de la nouvelle Direction générale de lutte contre le crime organisé à l’Agence d’Etat pour la sécurité nationale (DANS), la modification des règles relatives à la nomination du directeur de cette Agence sans la recommandation du Président et la nomination à ce poste, le 14 juin 2013, de Deljuan Peevski, propriétaire du groupe de médias New Bulgarian et député controversé (car accusé de corruption par le passé). Ces décisions ont déclenché le mouvement populaire le plus long de l’histoire contemporaine de la Bulgarie, puisqu’il a duré 340 jours. Bien que les manifestants soient descendus dans la rue pendant près d’un an, aucun nouveau parti n’a été créé et aucun des partis politiques existants n’a pris la direction du pays.
14. En juin 2014, la Bulgarie a connu une crise financière après que des informations ont filtré sur la faillite imminente de plusieurs banques, parmi lesquelles la Corporate Commercial Bank (CCB) et la First Investment Bank, respectivement 4e et 3e établissements bancaires du pays. La CCB – une petite banque à l’origine, qui a très rapidement concentré un pourcentage important de fonds publics et les épargnes de la plupart des hommes politiques du pays, à des taux d’intérêt beaucoup trop élevés pour être tenables, a été fermée provisoirement le 20 juin 2014 et placée sous la supervision de la Banque centrale. Des négociations complexes entre les institutions et l’intervention de l’Union européenne ont calmé la situation, bien qu’aucune solution durable n’ait encore été trouvée et que l’argent de plus d’un demi-million de citoyens et de sociétés reste bloqué.
15. L’absence de politique efficace dans le domaine social et de la santé a sans doute été le principal déclencheur de la convocation des élections anticipées en 2013. Le gouvernement Orecharski a creusé la dette nationale de 3 milliards de BGN supplémentaires mais n’a pas utilisé même une partie de cette somme pour soutenir le système de santé et des fermetures d’hôpitaux sont prévues cet automne.
16. L’annonce par le gouvernement de la reprise du projet de construction d’une centrale nucléaire à Belene, ainsi que de celui du gazoduc du Southstream financé par la Russie, n’a fait qu’exacerber le mécontentement de la population. L’Union européenne s’est interrogée sur la légalité de cette décision. Les visions et réactions opposées (entre la Russie et l’Union européenne) quant à l’indépendance énergétique du pays sont devenues l’un des thèmes majeurs de la campagne électorale.
17. Tous ces éléments, associés à un sentiment généralisé de corruption politique, de pression et de trafic d’influence au sein du système judiciaire, ont renforcé la défiance du public à l’égard des institutions de l’Etat. Sur les plus de 500 enquêtes relatives à des plaintes faisant état d’achat de votes avant les élections anticipées de mai 2013, seules huit ont donné lieu à des poursuites judiciaires et une personne seulement a été condamnée à une peine d’emprisonnement. La recherche de responsabilités dans les récentes inondations dévastatrices ne progresse plus et aucun message clair n’a été donné aux clients de la banque CCB quant à leurs dépôts auprès de cette dernière. Une récente affaire de fraude fiscale impliquant un vice-président du parlement a replacé la question de la moralisation de l’élite politique bulgare au cœur des discussions de campagne.

3. Cadre juridique

18. Le 5 octobre 2014, les élections législatives anticipées ont été les premières en date régies par le nouveau Code électoral adopté en mars 2014 et modifié en avril 2014.
19. Le 26 novembre 2013, l’Assemblée nationale de Bulgarie a demandé à la Commission de Venise de préparer un avis sur le projet de nouveau Code électoral de la Bulgarie. La Commission de Venise et l’OSCE/BIDDH ont décidé de rédiger un avis juridique conjoint sur le projet de Code, dans lequel ils ont conclu que ce dernier «offre une base juridique solide pour la tenue d’élections démocratiques» 
			(1) 
			Avis conjoint sur le
projet de Code électoral de la Bulgarie adopté par le Conseil des
élections démocratiques à sa 47e réunion
(Venise, 20 mars 2014) et par la Commission de Venise à sa 98e session
plénière (Venise, 21-22 mars 2014; (CDL-AD(2014)001), paragraphe
82: 
			(1) 
			<a href='http://www.venice.coe.int/webforms/documents/default.aspx?pdffile=CDL-AD(2014)001'>www.venice.coe.int/webforms/documents/default.aspx?pdffile=CDL-AD(2014)001</a>.. Avant son adoption, le projet de nouveau Code électoral a cependant été bloqué dans le cadre de la procédure parlementaire par le Président Plevneliev, qui y a opposé son veto. Ce dernier s’est déclaré préoccupé par la procédure de constitution de la CEC, le système d’enregistrement des électeurs, l’introduction de machines à voter et les règles relatives au vote préférentiel dans différents types d’élections. Le 4 mars, soit deux mois avant les élections au Parlement européen, le veto présidentiel a finalement été contourné par le parlement qui a adopté le nouveau Code électoral.
20. L’OSCE/BIDDH et la Commission de Venise ont noté des changements positifs dans le projet de Code, et notamment: l’équilibre dans les nominations et la composition des organes de l’administration électorale; l’équilibre dans les fonctions de direction des commissions électorales; la réduction du montant des cautions électorales et du nombre de signatures nécessaires à l’enregistrement des candidats indépendants et des partis politiques; la clarification des délais impartis pour faire appel des décisions de refus d’enregistrement de candidatures; et la possibilité de contester les décisions de la Commission électorale centrale devant la Cour administrative suprême.
21. Le système électoral a également subi quelques modifications. L’Assemblée nationale est un organe unicaméral composé de 240 membres élus au scrutin proportionnel dans 31 circonscriptions plurinominales. Le nouveau Code a introduit la possibilité pour les électeurs d’exprimer un vote préférentiel pour certains candidats sur une liste (listes ouvertes). Un candidat peut bénéficier de ce vote préférentiel si le nombre de voix qu’il a obtenues est au moins égal à 7 % du total des suffrages exprimés en faveur de sa liste. Le seuil électoral est de 4 % des suffrages valides au niveau national, tandis que les candidats indépendants doivent dépasser le quotient électoral calculé selon la méthode Hare-Niemeyer.
22. Il reste cependant un certain nombre de points à régler, qui avaient déjà été relevés dans le rapport d’observation des élections de 2013 et l’avis conjoint de la Commission de Venise et de l’OSCE/BIDDH. Ces derniers avaient recommandé:
  • l’amélioration de la méthode d’attribution des sièges de députés aux élections législatives;
  • l’amélioration de la procédure d’enregistrement des électeurs et de la précision des listes électorales;
  • la limitation des restrictions au droit de vote des détenus;
  • la levée des restrictions au vote pour les personnes titulaires de la double nationalité;
  • l’amélioration de la procédure de réclamation/recours et de l’efficacité de ce mécanisme;
  • le renforcement des pouvoirs de la Cour des comptes pour ce qui est de vérifier l’exactitude des rapports financiers de campagne;
  • le droit d’utiliser des langues minoritaires dans les campagnes électorales.
23. Il continue également d’y avoir une grande disparité dans le nombre d’électeurs des différentes circonscriptions, ce qui est contraire au principe constitutionnel de l’égalité des voix et aux dispositions du Code de bonne conduite en matière électorale de la Commission de Venise qui stipule que l’écart maximal admissible par rapport à la clé de répartition ne devrait jamais dépasser 15 %. 
			(2) 
			Commission de Venise,
Code de bonne conduite en matière électorale, adopté par la Commission
de Venise à sa 52e session (Venise, 18-19 octobre 2002;
CDL-AD(2002)023rev), I. 2.2: 
			(2) 
			<a href='http://www.venice.coe.int/webforms/documents/CDL-AD(2002)023rev.aspx'>www.venice.coe.int/webforms/documents/CDL-AD(2002)023rev.aspx</a>. Soixante-dix députés ont saisi la Cour constitutionnelle de cette question mais leur requête a été rejetée. La délégation préélectorale a évoqué ce point avec le Président de la Cour constitutionnelle mais n’a pas pu obtenir davantage de précisions. Le nouveau régime de vote préférentiel n’est pas approuvé par toutes les forces politiques. Lors de la réunion avec la commission ad hoc, les représentants du GERB ont indiqué qu’en cas de retour au pouvoir, ils introduiraient des amendements au Code électoral pour revenir au système de listes bloquées.

4. Administration des élections, établissement des listes électorales et enregistrement des partis politiques

24. A son entrée en fonctions le 6 août, le gouvernement de transition s’est fixé comme priorité la tenue d’élections libres et équitables et l’apaisement des tensions sociales. Afin d’accroître la confiance des citoyens dans le processus électoral, le gouvernement a créé un comité consultatif auquel participent des organisations non gouvernementales qui travaillent sur les questions électorales. L’existence de cet organe consultatif a été saluée par la plupart des interlocuteurs de la commission ad hoc.

4.1. Administration électorale

25. En Bulgarie, l’administration électorale opère à trois niveaux: la Commission électorale centrale (CEC), 31 commissions électorales de district (DEC) et 11 726 commissions électorales de bureau de vote (PEC). 428 PEC supplémentaires ont été établies pour les électeurs de l’étranger et 96 pour le vote avec urne mobile.
26. La CEC, qui est un organe permanent, se compose de 18 membres nommés par les partis et coalitions parlementaires et d’un membre proposé par chacun des partis et coalitions qui ne sont pas représentés au parlement national mais ont des membres de leurs listes élus au Parlement européen. La CEC actuelle compte 20 membres, élus pour un mandat de cinq ans. Tous les organes de l’administration électorale sont constitués sur la base de nominations politiques. Le Conseil des ministres et la CEC s’occupent des aspects organisationnels, techniques et de sécurité des élections, y compris l’équipement, les consommables et les machines à voter.
27. Sur les 20 membres de la CEC nommés pour ces élections, le président, ses deux adjoints, le secrétaire et sept autres membres étaient des femmes.
28. Les délégations de la mission préélectorale comme de la mission principale ont conclu que la CEC travaillait de manière efficace et professionnelle, ce qui a été confirmé par la MIOE de l’OSCE/BIDDH. Ses réunions ont été retransmises sur son site web en temps opportun, ce qui a contribué à la transparence de son fonctionnement. Des organisations non gouvernementales (ONG) et partis en lice se sont toutefois plaints que leurs recours n’avaient pas été traités assez rapidement ou transmis dans les délais prescrits à la Cour administrative suprême.
29. La CEC avait lancé une campagne nationale d’information des électeurs, qui portait notamment sur le nouveau système de vote préférentiel. Certaines ONG se sont dites préoccupées par le peu d’informations disponibles. Le clip vidéo produit pour expliquer les nouveaux bulletins de vote a été diffusé au moins 176 fois à la télévision nationale, mais une partie de la population l’a jugé trop rapide et compliqué à suivre.

4.2. Enregistrement des électeurs

30. Tous les citoyens bulgares âgés d’au moins 18 ans le jour du scrutin ont le droit de vote, à l’exception de ceux qui purgent une peine de prison, indépendamment de la gravité de l’infraction commise 
			(3) 
			L'interdiction
générale du droit de vote imposée aux détenus est une préoccupation
de longue date; l’OSCE/BIDDH et la Commission de Venise ont noté
à ce propos que «[l]e fait de priver les intéressés de leurs droits
sans tenir compte de la gravité de l’infraction qu’ils ont commise
porte atteinte à la garantie du suffrage universel et n’est pas
compatible avec les engagements de l’OSCE et les normes internationales».
Voir paragraphe 29 de l'avis conjoint de 2014 de la Commission de
Venise et de l’OSCE/BIDDH. 
			(3) 
			Voir également les arrêts
de la Cour européenne des droits de l'homme: Hirst
(2) c. Royaume-Uni, Requête n° 74025/01, arrêt du 6 octobre
2005; Frodl c. Autriche, Requête
n° 20201/04, arrêt du 8 avril 2010, paragraphe 25; Greens et M.T. c. Royaume-Uni, Requêtes
nos 60041/08 et 60054/08, arrêt du 23
novembre 2010; Scoppola c. Italie (n° 3) [Grande
Chambre], Requête n° 126/05, arrêt du 22 mai 2012; voir également
le Code de bonne conduite en matière électorale, I.1.1.d.. L’enregistrement des électeurs est passif. Les listes électorales sont établies à partir des données du registre national de la population 
			(4) 
			Géré par le Département
des services administratifs et de l'état civil du ministère du Développement
régional (GRAO), en vertu de l'article 26 du Code électoral. et rendues publiques 40 jours avant le scrutin. Les électeurs ont pu vérifier les données les concernant en ligne et dans des zones d’affichage spéciales au sein de l’administration locale, et y apporter d’éventuelles rectifications entre le 25 août et le 27 septembre.
31. Cela fait des dizaines d’années que la question de l’exactitude de la liste électorale est au centre d’une polémique. D’après la CEC, 6 901 072 électeurs étaient inscrits sur le registre électoral – un chiffre inexplicablement élevé pour une population de 7,4 millions de personnes. Plusieurs partis ont appelé l’attention de la délégation au sujet d’éventuels «électeurs fantômes» sur les listes électorales. Certains ont également émis des doutes concernant l’exactitude du recensement de 2011.
32. Les électeurs de l’étranger ont pu s’inscrire pour voter à l’extérieur du pays. Un total de 167 bureaux de vote ont été ouverts en dehors du pays, et 261 autres là où il y avait eu plus de 100 électeurs lors des différents scrutins tenus au cours des cinq années précédentes. Les électeurs de l’étranger pouvaient également voter sans enregistrement préalable, ce dont se sont inquiétés plusieurs interlocuteurs, ce système n’apportant pas suffisamment de garanties contre le risque de vote multiple.

4.3. Nouvelles technologies de vote

33. Le nouveau Code électoral prévoit l’utilisation des nouvelles technologies de vote dans un environnement contrôlé. Le premier projet pilote, comportant 100 machines à voter, a été mis en œuvre lors des élections au Parlement européen de mai 2014. Pour les élections d’octobre, la CEC a conduit un deuxième projet pilote dans le cadre duquel les électeurs de 300 bureaux de vote de cinq circonscriptions (Kyustendil, Pernik, Pleven, Plovdiv et Sofia) ont eu la possibilité d’utiliser des appareils à écran tactile. Le test a été limité au vote et au dépouillement, sans transmission directe des résultats aux centres de comptage des voix. Les PEC concernées ont dû imprimer les résultats de chaque machine et les retranscrire sur un procès-verbal en format papier. Les résultats du vote électronique n’ont pas été pris en compte dans le décompte officiel.
34. Le fournisseur était chargé de la réalisation du test. L’OSCE/BIDDH et plusieurs interlocuteurs ont fait remarquer qu’aucun contrôle du matériel ou des logiciels n’avait été demandé par le gouvernement de transition, la CEC ou toute autre entité mandatée par un tiers. Le climat général de défiance semble également toucher l’utilisation des nouvelles technologies dans le processus électoral.

4.4. Enregistrement des candidats

35. Aux termes du nouveau Code électoral, les partis politiques et coalitions doivent s’enregistrer auprès de la CEC en déposant un ensemble de documents, une caution de 2 500 BGN et les signatures de soutien d’au moins 2 500 électeurs. Ils présentent ensuite leurs listes de candidats aux DEC.
36. La CEC a enregistré 18 partis politiques, 7 coalitions et 3 candidats indépendants (bien loin des 63 partis – dont 25 formaient 7 coalitions – et 2 candidats indépendants enregistrés aux élections de mai 2013). Un total de 6 034 candidats était en lice pour les 240 sièges du parlement, soit une moyenne de 25 candidats par siège.
37. Les membres de la commission ad hoc n’ont eu connaissance d’aucune difficulté sur le plan de l’enregistrement des candidats.

5. Campagne électorale et environnement médiatique

5.1. Climat et financement de la campagne

38. La campagne électorale officielle pour ces élections anticipées a débuté le 5 septembre et s’est déroulée dans un climat de lassitude de l’électorat après deux élections successives et de méfiance à l’égard de la politique et des partis politiques à tous les niveaux, que ce soit du public à l’égard des partis et de la classe politique, entre les partis et au sein des partis, notamment en raison du nouveau système de vote préférentiel.
39. La campagne électorale est restée discrète et manquait de consistance et de propositions concrètes visant à sortir le pays de la crise. Elle semblait se concentrer davantage sur les allégations d’achat de voix et de vote contrôlé avancées par les différents adversaires que sur les programmes politiques. Le vainqueur (GERB) semblait évident; la principale question qui se posait durant la campagne était plutôt de savoir avec qui il formerait une coalition.
40. Comme l’ont indiqué les observateurs à long terme de l’OSCE/BIDDH, la campagne de certains partis a été marquée par quelques déclarations provocantes, en particulier contre les minorités turque et rom et l’ouverture de bureaux de vote en Turquie (136 au total). La coalition Front patriotique a déposé un recours auprès de la Cour administrative suprême contre l’ouverture de bureaux de vote en Turquie et dans d’autres pays, tandis que «Bulgarie sans censure» aurait bloqué trois postes de contrôle à la frontière avec la Turquie afin «de mettre un terme à l’importation d’électeurs de Turquie». La CEC a interdit une affiche de campagne raciste de l’Union nationale bulgare – nouvelle démocratie (BNS-ND) et quatre vidéos de campagne de BNS-ND, MRF, Ataka et des Verts 
			(5) 
			International Election
Observation Mission, Republic of Bulgaria – Early Parliamentary
Elections, 5 October 2014: Statement of Preliminary Findings and
Conclusions, p. 7..
41. Le 8 septembre, 16 des 25 concurrents ont signé un «Pacte d’intégrité pour des élections libres, équitables et démocratiques» par lequel ils se sont engagés à ne pas enregistrer de membres de leur partis, de délégués ou «d’observateurs rémunérés» au service d’organisations de la société civile, à prendre des mesures énergiques pour lutter contre l’achat de voix et le vote contrôlé, à organiser des formations complémentaires pour leurs représentants au sein des commissions électorales de bureau de vote (PEC) et à fournir des informations exactes sur les dons au cours de la campagne électorale. La délégation a toutefois noté que ce document n’avait tout bien considéré qu’une valeur symbolique. Elle a été informée, par exemple, de nombreux cas suspects d’enregistrement d’ONG observatrices portant le même nom qu’un parti politique ou un nom clairement évocateur comme «Bulgarie sans censure» ou «Protection des droits et des libertés», ou n’ayant a priori aucun lien avec les élections, comme l’«Association des sommeliers» ou le «Club de courses de vitesse.
42. La délégation de l’Assemblée a entendu les témoignages de différents interlocuteurs l’informant que l’achat de voix et le vote contrôlé prenaient des proportions inadmissibles. Selon certains, la plupart des partis politiques sinon tous seraient impliqués dans cette forme de fraude électorale.Ces pratiques, et en particulier le vote contrôlé, auraient principalement cours dans les localités ethniquement mixtes, bien que certains interlocuteurs aient concédé que l’achat de voix dépassait les clivages ethniques traditionnels et se généralisait dans les couches les plus pauvres de la population.
43. L’attention de la délégation a également été attirée sur le fait que les électeurs n’ont pas été suffisamment informés sur le vote préférentiel par leurs partis, ni encouragés à y recourir. Les représentants du GERB ont ouvertement fait campagne contre ce nouveau système, promettant de le modifier s’ils revenaient au pouvoir.
44. Certains partis/coalitions et ONG se sont déclarés préoccupés par le fait que leurs recours n’aient pas été traités en temps voulu, ce que la délégation n’a pu vérifier. D’après l’OSCE/BIDDH, en dépit de quelque 300 irrégularités signalées, des poursuites pénales n’ont été engagées que dans deux cas avant le jour du scrutin. Cela contribue à un climat général d’impunité, de défiance et de manque de transparence.
45. Ce dernier aspect est renforcé par un financement opaque des campagnes. Aux termes de la législation électorale, les dons aux partis sont limités à 10 000 BGN par personne et les dépenses de campagne à 3 millions BGN pour un parti politique ou une coalition et à 0,2 million BGN pour un candidat indépendant. Les états financiers de campagne définitifs doivent être présentés à la Cour des comptes dans les trente jours suivant le jour du scrutin. Toutefois, la Cour des comptes n’a aucune échéance à respecter pour la réalisation des contrôles et les sanctions pour non-respect des règles relatives au financement des campagnes restent minimales et n’ont donc pas un effet dissuasif suffisant.
46. Les partis et coalitions au pouvoir ont droit à des aides publiques dont le montant est calculé en fonction du nombre de suffrages valides obtenus aux élections précédentes. Les partis qui ont obtenu au moins 1 % des suffrages valides au niveau national aux précédentes élections législatives reçoivent également une aide de l’Etat. Les concurrents qui ne peuvent prétendre à une aide publique perçoivent des fonds pour les annonces dans les médias, à hauteur de 40 000 BGN pour les partis/coalitions et 5 000 BGN pour les candidats indépendants.

5.2. Environnement médiatique

47. Dans l’ensemble, la Bulgarie bénéficie d’un environnement médiatique pluraliste permettant la liberté d’expression. Toutefois, le rôle des médias dans la campagne électorale demeure un sujet de préoccupation. Il y a manifestement des inégalités entre les partis, d’autant plus que ceux qui sont représentés au parlement touchent des subventions de l’Etat, ce qui est considéré comme une aide indirecte à l’accès aux médias. Le suivi des médias par la MIOE de l’OSCE/BIDDH a montré que 80 % des annonces politiques sur les médias de radiodiffusion et 87 % des annonces dans la presse écrite avaient été achetées par les huit partis bénéficiaires d’une aide de l’Etat.
48. Le temps d’antenne gratuit pour les campagnes était limité à la télévision et à la radio publiques, tandis que dans les médias privés, tout ou presque était payant. La télévision et la radio nationale bulgare (BNT/BNR) ont consacré une vingtaine de minutes seulement à l’ensemble des concurrents dans leurs journaux télévisés de première partie de soirée. Les partis politiques ont dû payer des sommes considérables – les mêmes pour tous – pour la quasi-totalité des émissions consacrées à leur campagne, y compris les débats sur les chaînes de radiodiffusion publiques.
49. Quelques réserves peuvent être exprimées au sujet de l’indépendance des médias vis-à-vis de toute influence politique et économique injustifiée. A cela s’ajoute l’opacité de la propriété des médias, pour la plupart aux mains d’oligarques affiliés à des partis. Les messages de campagne payants n’étaient pas toujours clairement identifiés comme tels, ce qui a pu induire en erreur certains électeurs quant à leur origine.
50. La législation en vigueur dispose que la seule langue pouvant être utilisée lors de la campagne électorale est le bulgare, ce qui a été critiqué dans de précédents rapports de l’Assemblée ainsi que dans les avis de la Commission de Venise et de l’OSCE/BIDDH. D’après le recensement de 2011, la population compte 8,8 % de personnes d’origine turque et environ 4,9 % de Roms. Les minorités sont perçues comme étant parmi les plus vulnérables aux irrégularités électorales. La Bulgarie a ratifié la Convention-cadre du Conseil de l’Europe pour la protection des minorités nationales (STE n° 157). Elle n’est pas Partie à la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (STE n° 148). En dépit d’appels directs en ce sens de la part du Conseil de l’Europe, les minorités nationales ne sont pas autorisées à faire campagne dans leur langue, ce qui constitue un sujet de vive préoccupation. Cela touche principalement la minorité turque, et avant tout les médias et les documents imprimés.
51. La délégation de l’Assemblée, tout en reconnaissant le droit des minorités nationales de mener des campagnes électorales dans leur langue maternelle, tient à rappeler, comme cela a été observé à plusieurs reprises dans de précédents rapports, qu’il est aussi de la responsabilité des partis politiques qui représentent les intérêts politiques des minorités et de leurs chefs, de combattre efficacement toutes les formes de corruption électorale, ce phénomène étant, selon différentes sources crédibles, particulièrement préoccupant dans les localités ethniquement mixtes. La pauvreté fait le lit des pratiques d’achat et de contrôle des votes, au même titre que le faible niveau d’éducation et de connaissance de la langue du pays, qui maintiennent la population dans un état de dépendance à l’économie souterraine et sous l’influence de manipulateurs.

6. Jour du scrutin et résultats des élections

52. Les sept équipes de la délégation de l’Assemblée ont observé les élections dans 67 bureaux de vote de six régions (Blagoevgrad, Kyustendil, Montana, Pazardzshik, Plovdiv and Sofia), principalement dans des zones urbaines mais également dans des zones rurales, en se concentrant pour la plupart sur les localités ethniquement mixtes. Elles ont conclu que le scrutin s’était déroulé dans le calme et avait été dans l’ensemble bien conduit. Dans toutes les PEC sauf deux, le fonctionnement des bureaux de vote a globalement été jugé bon ou très bon. Néanmoins, la délégation a constaté un certain nombre d’irrégularités et de problèmes techniques mineurs dans les bureaux de vote visités.
53. Tout d’abord, en ce qui concerne les opérations de vote, la procédure relativement lourde exigeant que le bulletin soit tamponné une deuxième fois après le passage dans l’isoloir a souvent été interprétée comme n’autorisant qu’un seul électeur à voter à la fois. Certains membres de la délégation ont compté qu’il fallait en moyenne deux minutes pour passer toutes les étapes, ce qui est trop long compte tenu du nombre moyen d’électeurs enregistrés par PEC (entre 800 et 1 000). En outre, la petite taille de certains bureaux de vote à plusieurs endroits et la présence d’un seul isoloir par bureau de vote ont encore ralenti les opérations.
54. Bien que les membres des PEC paraissaient bien formés, beaucoup avaient du mal à comprendre la procédure consistant à découper le numéro d’ordre du bulletin, le faisant quelquefois avant le passage des électeurs dans l’isoloir. Les bulletins n’étaient quelquefois pas suffisamment pliés pour garantir le secret du vote. Il sera peut-être nécessaire de revoir à l’avenir le système qui fait que les commissaires de la PEC prennent en main les bulletins après le passage dans l’isoloir.
55. Dans plusieurs régions à population majoritairement rom, des personnes non autorisées étaient présentes dans le bureau de vote.
56. La délégation a été surprise par l’absence d’ONG indépendantes observatrices dans les bureaux de vote. Seule une équipe a dit avoir vu deux ONG qui observaient les procédures. Le système «unifié» de badges mis en place pour ces élections, qui ne permettait pas de distinguer les représentants et délégués des partis des observateurs indépendants ou internationaux, a créé une certaine confusion et de l’agitation, les observateurs des partis étant nombreux à entrer et sortir à leur guise des PEC. Dans le quartier de Stolipinovo à Plovdiv, certains observateurs de partis politiques n’étaient pas en mesure de dire quel parti ils étaient censés représenter.
57. Le processus de dépouillement a posé problème dans certaines PEC. Les règles n’ont pas été suivies de manière stricte mais ont le plus souvent fait l’objet d’une approche «pragmatique» sachant que le décompte des votes préférentiels allait prendre du temps. L’équipe qui a observé le dépouillement à Lulin (bureaux de vote nos 71 et 74) a signalé qu’une personne non autorisée, qui s’est avérée être le maire d’une municipalité voisine, avait pris la direction des opérations de dépouillement. A Plovdiv (bureau de vote n° 47) les commissaires ont demandé à une personne d’un bureau de vote voisin de les aider à remplir les procès-verbaux.
58. Les procès-verbaux des résultats étaient longs et complexes. La plupart des équipes ont constaté que les membres des PEC prenaient davantage de temps pour remplir le procès-verbal que pour effectuer le comptage proprement dit.
59. Dans l’ensemble, la délégation s’est dite préoccupée par la proportion élevée de bulletins déclarés nuls du fait de la confusion créée par le caractère «mixte» des bulletins présentant dans une colonne une liste de partis/coalitions et dans l’autre, le nombre de votes préférentiels. Le bulletin était automatiquement invalidé si les deux types de choix étaient inscrits du même côté. Dans les bureaux de vote visités, les bulletins nuls représentaient de 8 % à 30 % des suffrages. Ces chiffres donnent à penser qu’il aurait fallu prendre davantage de mesures pour informer les électeurs.
60. La plupart des équipes ont entendu parler de possibles achats de voix, l’existence de cette pratique n’étant un secret pour personne; certaines ont indiqué que jusqu’à 100 000 voix auraient pu être monnayées, mais cela est impossible à prouver. La chaîne NOVA TV a diffusé un enregistrement en caméra cachée d’un achat de voix. Dans deux quartiers à population majoritairement rom de Sofia (Lulin) et Plovdiv (Stolipovo), les équipes d’observateurs ont soupçonné un vote contrôlé. A Plovdiv, un candidat – leader rom local bien connu – a obtenu l’immense majorité des suffrages préférentiels exprimés dans les dix bureaux de vote situés dans une même école. Le jour du scrutin, la CEC a reçu 190 «signalements» et 31 plaintes (déposés avant la clôture du scrutin). Au moment où nous écrivons, la délégation de l’Assemblée ignorait si ces derniers concernaient également l’achat de voix.
61. Le 9 octobre, la CEC a annoncé les résultats officiels des élections législatives anticipées. Huit partis et coalitions ont franchi le seuil de 4 % (131 327 voix).
  • GERB – 84 députés (32,67 %), 1 072 491 voix
  • BSP – 39 députés (15,40 %), 505 527 voix
  • Mouvement des droits et libertés (MRF) – 38 députés (14,84 %), 487 134 voix (dont environ 60 090 voix de la Turquie sur un total d’environ 135 000 votes de l’étranger)
  • Bloc réformateur – 23 députés (8,89 %), 291 806 voix
  • Front patriotique – 19 députés (7,28 %), 239 101 voix
  • Bulgarie sans censure – 15 députés (5,69 %), 186 938 voix
  • Ataka – 11 députés (4,52 %), 148 262 voix
  • Alternative pour la renaissance bulgare (ABV) – 11 députés (4,15 %), 136 223 voix
62. Le taux de participation a été de 48,66 %, soit le plus bas depuis la chute du régime totalitaire en 1989. Le nombre total d’émargements dans le registre électoral s’élevait à 3 500 585 et le nombre de suffrages à 3 501 269. Il y a eu 3 283 192 bulletins valides et 218 125 bulletins nuls (6,6 %).
63. Bien que ces élections aient doublé le nombre de partis représentés à l’Assemblée nationale, elles n’ont pas apporté beaucoup de sang neuf sur la scène politique; au contraire, elles ont confirmé un certain nombre de tendances, et en particulier la capacité des partis GERB et MRF à mobiliser leur base électorale et l’incapacité des membres de la société civile de proposer une alternative viable aux partis traditionnels. Malgré le scepticisme ambiant envers les personnalités politiques, la plupart des citoyens bulgares ne sont pas encore prêts à accorder leur confiance à des acteurs de la société civile. Par ailleurs, en dépit de la politisation du discours dans la vie de tous les jours, consécutive aux vagues de protestation contre les gouvernements Borissov en 2013 et Orecharski en 2013-2014, aucune ruée vers les urnes n’a été constatée.
64. Au delà de ces tendances, les résultats des élections témoignent également d’une certaine polarisation de la société. Deux partis nationalistes, Front patriotique et Ataka, ainsi qu’un parti populiste, Bulgarie sans censure, ont remporté 45 sièges dans la nouvelle composition de l’Assemblée nationale.
65. Tout bien considéré, ces élections anticipées n’ont pas apporté de progrès décisifs permettant de sortir le pays de l’impasse politique dans laquelle il se trouvait. Au moment de la finalisation du présent rapport, un mois après les élections anticipées, les forces politiques sont encore engagées dans de difficiles négociations en vue de la formation d’une coalition, avec le scénario le plus probable étant la formation d’un nouveau gouvernement minoritaire entre GERB et le Bloc réformateur. La date de nouvelles élections anticipées est déjà discutée. Il est regrettable que les différents appels par le Président Plevneliev, les partenaires européens ou notre propre délégation aux forces politiques du pays à mettre de côté leurs différences et de mettre les intérêts nationaux au-dessus des considérations de pouvoir politico-partisanes sont restés lettre morte.
66. La session d’ouverture de l’Assemblée nationale dans sa 43e composition s’est tenue le 27 octobre.

7. Conclusions et recommandations

67. La mission internationale d’observation des élections a déclaré le 6 octobre que les élections législatives anticipées du 5 octobre 2014 avaient été bien administrées du point de vue technique et que les libertés fondamentales avaient été respectées, mais que des allégations de toutes parts, faisant état d’achat et de vente de voix et d’autres irrégularités, ainsi qu’une campagne inconsistante avaient continué à peser sur la confiance des électeurs dans l’intégrité du processus.
68. Le faible taux de participation et le succès relatif des partis d’extrême droite est un signe inquiétant de la méfiance envers le système politique. La société civile doit être encouragée à participer au processus démocratique. Le peuple bulgare doit être conscient que le manque de participation est équivalent à une réduction du contrôle démocratique sur le pouvoir politique.
69. La commission ad hoc considère que la Bulgarie, en qualité d’Etat membre de l’Union européenne et de pays figurant parmi les premiers d’Europe centrale et orientale à avoir adhéré au Conseil de l’Europe en 1992, devrait s’efforcer de viser l’excellence dans les pratiques électorales. La confiance est le maître mot pour aller de l’avant et elle ne pourra être rétablie que par l’éradication des pratiques de corruption, notamment en matière électorale. Tout nouveau gouvernement devra être extrêmement attentif à l’état d’esprit des citoyens et formuler un programme clair pour la gouvernance du pays, en coopération avec les autres partis, s’il veut mener à terme son mandat.
70. Pour rétablir et renforcer la confiance des citoyens dans le processus démocratique, la commission ad hoc de l’Assemblée parlementaire invite les autorités bulgares, en étroite coopération avec la Commission de Venise et dans le cadre de la procédure du dialogue post-suivi de l’Assemblée, à prendre les mesures suivantes:
71. Premièrement, en ce qui concerne le cadre juridique, la délégation de l’Assemblée considère que les dispositions en vigueur en matière électorale offrent une base solide pour la tenue d’élections démocratiques mais que les nouvelles autorités devront revoir un certain nombre de points, et notamment:
  • la privation du droit de vote des détenus, indépendamment de la gravité de l’infraction commise, qui est contraire aux instruments juridiques internationaux et à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme;
  • les restrictions au droit de vote pour les personnes titulaires de la double nationalité;
  • l’exigence de mener les campagnes uniquement en langue bulgare, qui risque de priver les minorités de la possibilité d’œuvrer en faveur de leur participation effective aux affaires publiques par le processus électoral;
  • l’impossibilité pour les citoyens ordinaires de contester les résultats des élections législatives (ce droit n’étant accordé qu’aux partis politiques et candidats et uniquement par l’intermédiaire des institutions prévues par la Constitution).
72. Deuxièmement, en ce qui concerne les nombreux cas présumés d’achat de voix et de vote contrôlé, la délégation de l’Assemblée demande aux autorités bulgares compétentes de faire toute la lumière sur ces allégations et, au cas où elles seraient avérées, de faire en sorte que les responsables – y compris les éventuels commanditaires – aient à répondre de leurs actes. Elles sont également invitées à informer l’opinion publique et l’Assemblée parlementaire dans les meilleurs délais des résultats de ces investigations.
73. Troisièmement, en ce qui concerne l’accès aux médias à des fins de campagne, la délégation de l’Assemblée considère que si les médias n’accordent de l’attention aux questions politiques que s’ils sont rémunérés à cette fin, le public n’aura pas toutes les informations nécessaires pour faire des choix indépendants. Par conséquent, elle encourage vivement les législateurs nouvellement élus à améliorer la législation en vue de garantir le principe de l’égalité d’accès aux médias pour les partis politiques.
74. Quatrièmement, la délégation de l’Assemblée demande à la Commission électorale centrale et les autres autorités compétentes de simplifier certaines procédures, y compris les opérations de comptage et de dépouillement, qui ne nécessitent pas de changements majeurs dans la législation existante. Elle invite la CEC à se concentrer sur l’éducation des électeurs sur le système de vote préférentiel à travers une campagne de sensibilisation plus pédagogique
75. Enfin, la délégation souligne que la pauvreté et le manque d’éducation sont les principaux facteurs qui rendent sensible aux pressions et à la corruption. Il est donc du devoir du futur gouvernement de donner une priorité absolue à l’adoption et à la mise en œuvre de nouvelles politiques sociales, éducatives et de santé publique, ainsi qu’à la réforme du système judiciaire qui n’a que trop tardé.

Annexe 1 – Composition de la commission ad hoc

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Sur la base des propositions des groupes politiques de l’Assemblée, la commission ad hoc se composait comme suit:

  • Doris FIALA (Suisse, ADLE), Présidente de la commission ad hoc
  • Groupe socialiste (SOC)
    • Andreas GROSS, Suisse
    • Fatma PEHLIVAN, Belgique
  • Groupe du Parti populaire européen (PPE/DC)
    • Thomas FEIST, Allemagne
    • Aleksandar NIKOLOSKI, «l’ex-République yougoslave de Macédoine»
  • Groupe des conservateurs européens (CE)
    • Lukasz ZBONIKOWSKI, Pologne
  • Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe (ADLE)
    • Tudor-Alexandru CHIUARIU, Roumanie
    • Doris FIALA*, Suisse
    • Luis Alberto ORELLANA, Italie
    • Andrea RIGONI, Italie
  • Groupe pour la gauche unitaire européenne (GUE)
    • Olga-Nantia VALAVANI*, Grèce
  • Commission de Venise
    • Oliver KASK, Estonie
  • Secrétariat
    • Ivi-Triin ODRATS, administratrice, secrétaire de la commission ad hoc
    • Danièle GASTL, assistante, Division de la coopération interparlementaire et de l’observation des élections
    • Anne GODFREY, assistante, Division de la coopération interparlementaire et de l’observation des élections
    • Gaël MARTIN-MICALLEF, administrateur, Secrétariat de la Commission de Venise

* membres de la délégation préélectorale (18-19 septembre)

Annexe 2 – Déclaration de la délégation préélectorale

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Strasbourg, 19.09.2014 – Dans la perspective des élections législatives anticipées du 5 octobre 2014, une délégation multipartite de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE), composée de trois membres, a effectué une visite préélectorale à Sofia les 18 et 19 septembre 2014, à l’invitation du ministère des Affaires étrangères de la République de Bulgarie.

«Le meilleur moyen d’améliorer la démocratie est de participer au processus démocratique. La société civile bulgare devrait montrer sa force en participant massivement aux élections; se résigner et rester chez soi n’est pas une solution», a déclaré Doris Fiala (Suisse, ADLE) à l’issue d’une visite préélectorale de deux jours à Sofia. «Un scrutin ne doit jamais amener les électeurs à conclure que leur voix ne sert à rien. Même si le seuil de représentation n’est pas atteint, les suffrages correspondants comptent, car ils reflètent les souhaits des électeurs. Il importe que les prochaines élections anticipées se déroulent de manière libre et équitable, pour la Bulgarie mais aussi pour l’ensemble de l’Europe et pour tous ceux qui partagent les mêmes valeurs démocratiques».

La délégation préélectorale a pris note avec satisfaction des améliorations apportées récemment à la législation électorale, dont l’instauration du scrutin proportionnel, qui doit cependant encore être mis en œuvre efficacement. Elle a aussi salué le travail accompli avec compétence par la commission électorale centrale, soumise à de nouvelles règles et à un calendrier serré.

En revanche, la délégation s’est déclarée très préoccupée par le manque total de confiance envers les processus démocratiques. «Ces deux dernières années d’instabilité politique et la révélation de pratiques de corruption à différents niveaux ont conduit le pays dans une impasse. Pour en sortir, il faut que la classe politique fasse preuve d’une grande maturité et renonce aux ambitions partisanes manquant de vision pour donner la priorité aux intérêts nationaux. Si elle veut regagner la confiance de la population, elle doit oublier le discours de haine et commencer à faire campagne avec des arguments rationnels et des programmes clairs.»

La délégation préélectorale a aussi été informée de nombreuses allégations concernant des risques d’achats de voix et de votes contrôlés avant les élections. «Nous encourageons vivement les autorités à tout mettre en œuvre pour éradiquer ces pratiques pénalement répréhensibles et pour mener des enquêtes sérieuses sur toutes les allégations qui pourraient être faites ces prochaines semaines. Nous appelons toutes les forces politiques du pays à faire confiance aux citoyens, en les laissant choisir librement, et à appliquer les principes du fair-play. C’est le seul moyen d’enrayer la spirale de la crise politique et de faire en sorte que le résultat du scrutin soit légitime et puisse être respecté par tous».

La délégation a aussi exprimé des préoccupations au sujet du rôle des médias dans la campagne électorale; les médias semblaient en effet favoriser les grands partis et défendre des intérêts économiques, au lieu de permettre à tous les acteurs de confronter loyalement leurs idées. La situation était encore aggravée par l’opacité de la propriété des médias et le manque de transparence caractérisant à la fois le financement des partis politiques et leurs dépenses.

«La manière dont un pays traite ses minorités est révélatrice de la qualité de la démocratie dans ce pays», a ajouté Doris Fiala. «A cet égard, nous regrettons que les minorités nationales ne puissent toujours pas faire campagne dans leur propre langue dans les régions où elles sont prédominantes. Au XXIe siècle, ce n’est pas le fait d’utiliser la langue maternelle d’une minorité qui permet de s’attirer des suffrages; pour obtenir le soutien des électeurs, il vaut bien mieux donner à l’ensemble des citoyens des assurances crédibles de sa volonté de s’attaquer aux problèmes qui les préoccupent».

A Sofia, la délégation a rencontré le Président de la République, le Premier ministre du gouvernement intérimaire, le Président de la Cour constitutionnelle, la Présidente et des membres de la Commission électorale centrale, des représentants de groupes parlementaires, de coalitions et de partis candidats aux élections, de la mission restreinte d’observation des élections du BIDDH de l’OSCE, des ONG et des médias, ainsi que des membres du corps diplomatique.

Une délégation complète d’une vingtaine d’observateurs de l’APCE se rendra dans le pays pour observer les élections législatives anticipées du 5 octobre 2014.

Composition de la délégation: Doris Fiala (Suisse, ADLE), chef de la délégation, Zbigniew Girsyiński (Pologne, PPE/DC), Olga-Nantia Valavani (Grèce, GUE).

Annexe 3 – Programme de la commission ad hoc (3-6 octobre 2014)

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Vendredi 3 octobre 2014

9h00-10h30 Réunion de la commission ad hoc de l’APCE:

  • Séance d’information sur la mission préélectorale par Mme Doris Fiala, chef de la délégation
  • Evolutions politiques récentes par Mme Teodora Kaleynska, experte locale, maître de conférence en sciences politiques, Université Veliko Turnovo, ancienne directrice du Bureau d’information du Conseil de l’Europe en Bulgarie
  • Récentes évolutions dans le domaine de la législation électorale en Bulgarie par M. Oliver Kask, membre de la Commission de Venise (Estonie), et M. Gaël Martin-Micallef, administrateur, Commission de Venise
  • Organisation pratique et logistique, Secrétariat

11h00-12h30 Séance d’information par la mission restreinte d’observation des élections de l’OSCE/BIDDH:

  • Présentation et vue d’ensemble des conclusions à ce jour, ambassadrice Audrey Glover, chef de la mission restreinte d’observation des élections de l’OSCE/BIDDH
  • Panorama politique, Mme Marina Schuster, analyste politique
  • Procédures le jour du scrutin, M. Bartosz Lech, analyste électoral
  • Paysage médiatique, suivi préliminaire des médias et conclusions, M. Egor Tilpunov, analyste des médias

14h00-15h30 Réunion avec les ONG participant à l’observation des élections:

  • Transparency International – M. Kalin Savov et Mme Vanya Nusheva
  • Institute for Development of Public Sphere – Mme Iva Lazarova
  • Institute for Social Integration – Mme Katya Koleva
  • Centre for Liberal Strategies – M. Daniel Smilov

15h45-17h45 Réunion avec les chefs et représentants des principaux partis politiques et coalitions:

Citoyens pour le développement européen de la Bulgarie (GERB) – M. Krasimir Tsipov et M. Danail Kirilov

1BSP–Gauche bulgare – M. Yanaki Stoilov, Mme Deniza Karadjova, M. Valeri Jablianov, M. Boris Ivanov et M. Nikola Mitov

Mouvement des droits et des libertés (MRF) – M. Ljubomir Nikov

me18h00-19h30 Réunion avec Mme Ivilina Aleksieva, présidente de la Commission électorale centrale, et les membres de la CEC

Samedi 4 octobre 2014

9h00-10h00 Réunion avec les chefs et représentants des principaux partis politiques et coalitions (suite):

Bloc réformateur – M. Nastimir Ananiev et M. Stamen Yanev

10h45-11h15 Séance d’information pour le déploiement et questions de dernière minute

11h30-12h30 Réunion avec les chauffeurs et interprètes pour le déploiement

14h00-18h00 Examen préliminaire des conclusions de la MIOE de l’OSCE/BIDDH

Dimanche 5 octobre 2014

A partir de 6h00 Observation du scrutin

A partir de 19h00 Observation du dépouillement dans les bureaux de vote

A partir de 22h00 Observation du comptage des voix dans les centres de district

Lundi 6 octobre 2014

8h00-9h00 Séance de debriefing de la commission ad hoc

9h30-12h00 Examen de la déclaration conjointe avec le BIDDH

14h00-15h00 Conférence de presse

Annexe 4 – Déclaration de la mission internationale d’observation des élections (MIOE)

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Strasbourg, 06.10.2014 – Bien que les élections législatives anticipées organisées en Bulgarie le 5 octobre aient été bien administrées du point de vue technique et que les libertés fondamentales aient été respectées, les allégations faisant état d’achat et de vente de voix et d’autres irrégularités ainsi qu’une campagne inconsistante ont continué à peser sur la confiance des électeurs dans l’intégrité du processus, ont estimé les observateurs internationaux dans une déclaration publiée aujourd’hui.

«Les élections d’hier ont été à l’image du désenchantement et de la polarisation persistante de la société bulgare. Malgré la bonne volonté des milliers de citoyens chargés de l’administration électorale, qui ont fait tout leur possible pour assurer le succès du scrutin, les nombreux scandales de corruption et les allégations d’achat de voix, couplés à une campagne électorale sans consistance, ont sapé la confiance des électeurs dans le processus et dans la politique en général», a déclaré Doris Fiala, chef de la délégation de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE). «J’encourage les forces politiques nouvellement élues à laisser de côté leurs divergences et à chercher ensemble des réponses aux attentes pressantes de la société».

Dans le contexte de crise politique, le climat électoral s’est caractérisé par une lassitude électorale et politique, selon les observateurs. La campagne a parfois tourné au dénigrement et au populisme, plusieurs partis tenant un discours raciste, xénophobe et incendiaire, prenant notamment pour cible les minorités nationales. Les allégations d’achat et de vente de voix ont persisté en dépit de l’engagement des autorités d’appliquer intégralement la législation interdisant cette pratique et de la mise en place d’une équipe spéciale interservices par le ministère de l’Intérieur, le Parquet et l’Agence nationale de sécurité. Sur les plus de 300 irrégularités signalées avant le scrutin, deux seulement ont donné lieu à des poursuites.

«Un certain nombre de modifications positives ont été apportées au cadre juridique et les organes électoraux ont administré les aspects techniques du processus de façon satisfaisante. En revanche, les questions de fond ont peu été abordées au cours de la campagne et les médias n’ont pas manifesté d’intérêt pour les élections, sauf en cas de couverture payante», a souligné l’ambassadrice Audrey Glover, chef de la mission restreinte d’observation des élections du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme (BIDDH) de l’OSCE. «Si rien n’est fait pour remédier efficacement à ces problèmes ainsi qu’aux allégations persistantes d’irrégularités électorales, le grave manque de confiance à l’égard des élections et, plus généralement, de la politique actuelle subsistera.»

Le nouveau Code électoral offre dans l’ensemble une base solide pour la tenue d’élections démocratiques. Cependant, il présente un certain nombre de lacunes et d’ambiguïtés qui entravent l’application cohérente de la loi. Plusieurs recommandations figurant dans des rapports antérieurs du BIDDH et du Conseil de l’Europe sont restées sans suite. Le nouveau Code introduit notamment le vote de préférence, qui permet aux électeurs de choisir nominativement des candidats sur les listes des partis.

L’administration électorale a globalement travaillé de façon professionnelle et transparente, contribuant positivement à l’ouverture du processus électoral.

L’inscription des candidats a été conduite sans exclusive, de sorte que les électeurs ont bénéficié d’une large possibilité de choix entre 18 partis et 7 coalitions, soit au total 6 031 candidats en lice pour 240 sièges au parlement. La proportion de femmes candidates au niveau national n’a pas été rendue publique et peu d’efforts ont été déployés pour encourager l’égalité des chances et la pleine participation des femmes aux élections.

Les médias ont offerts aux candidats une plate-forme pour présenter leurs positions au cours de débats et d’interviews ainsi que dans des publicités payantes. Les petits partis et les candidats indépendants estiment toutefois que les conditions d’accès aux médias n’offraient pas des chances égales pour tous. La campagne a été assez peu couverte dans les actualités et le manque d’émissions d’investigation et d’analyse a limité la quantité d’informations à la disposition des électeurs.

Dans le petit nombre de bureaux de votes et de centres de compilation des résultats des circonscriptions visités par les observateurs internationaux, le scrutin a été généralement organisé de manière professionnelle et efficace. Plusieurs commissions électorales de bureau de vote ont rencontré des difficultés pour compter les suffrages nominatifs et remplir les procès-verbaux de vote par machine. La transparence du processus a été entachée par le fait que la Commission électorale centrale et plusieurs centres de compilation ont refusé l’accès aux observateurs lors de la phase de saisie des résultats. Selon les chiffres préliminaires, le taux de participation électorale a été de 48,1 %.

La mission d’observation internationale se composait de 41 observateurs de 25 pays, dont 27 observateurs à long terme et experts du BIDDH et 12 parlementaires de l’APCE.