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| Doc. 13642
| 17 novembre 2014
Observation des élections législatives anticipées en Bulgarie (5 octobre 2014)
Auteur(s) : Commission ad hoc du Bureau
Rapporteure : Mme Doris FIALA,
Suisse, ADLE
1. Introduction
1. Les élections législatives anticipées du 5 octobre 2014
en Bulgarie se sont tenues seulement dix-sept mois après les précédentes
élections du 12 mai 2013, qui avaient conduit à un changement de
gouvernement mais n’ont d’aucune manière résolu la crise politique
et économique dans le pays.
2. Avant même la démission officielle du gouvernement de Plamen
Orecharski le 23 juillet 2014, le Bureau de l’Assemblée avait, à
sa réunion du 23 juin 2014, pris la décision d’observer les élections
à venir, sous réserve d’y être convié par le gouvernement de transition.
A cette fin, elle a constitué une commission ad hoc composée de
21 membres et du rapporteur de la commission pour le respect des
obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l’Europe
(commission de suivi). Le Bureau a également autorisé le déploiement
d’une mission préélectorale. A sa réunion du 27 juin, il a approuvé
la composition de la commission ad hoc et autorisé le Président
de l’Assemblée à en nommer le président.
3. Le 5 août, le président Rosen Plevneliev a dissous l’Assemblée
nationale et demandé l’organisation d’élections législatives anticipées
pour le 5 octobre. Le 6 août, un gouvernement de transition dirigé
par M. Georgi Bliznashki a été institué; le 11 août, le Président
de l’Assemblée parlementaire a reçu une invitation à observer les
élections anticipées.
4. A ses réunions des 2 et 29 septembre, le Bureau de l’Assemblée
a approuvé la composition finale de la commission ad hoc. La date
de ces élections coïncidant avec la partie de session d’octobre
de l’Assemblée, seuls dix membres de la commission ad hoc ont finalement
pu participer à la mission d’observation (voir l’annexe 1).
5. Conformément à l’article 15 de l’Accord signé en 2004 entre
l’Assemblée parlementaire et la Commission européenne pour la démocratie
par le droit (Commission de Venise), le Bureau a invité un membre
de la Commission de Venise à intégrer la commission ad hoc en qualité
de conseiller. La Commission de Venise a été représentée par M. Oliver
Kask (Estonie).
6. Afin d’évaluer l’organisation de la campagne électorale et
le climat politique au cours de cette dernière, le Bureau a envoyé
une mission préélectorale en Bulgarie les 18 et 19 septembre. Celle-ci,
représentant trois des cinq groupes politiques de l’Assemblée, était
composée de Mme Doris Fiala (Suisse, ADLE), présidente, M. Zbigniew
Girsyinski (Pologne, PPE/DC) et Mme Olga-Nantia Valavani (Grèce,
GUE). La déclaration publiée par la délégation préélectorale à l’issue
de sa mission est reproduite à l’annexe 2.
7. La commission ad hoc est intervenue dans le cadre de la mission
internationale d’observation des élections (MIOE) à laquelle a également
pris part une mission restreinte d’observation des élections du
Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme de
l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE/BIDDH),
présidée par l’ambassadrice Audrey Glover.
8. La commission ad hoc s’est réunie à Sofia du 2 au 6 octobre 2014
et a rencontré les chefs et représentants des principaux partis
en lice, le chef de la mission de l’OSCE/BIDDH et des membres de
son personnel, le présidente et les membres de la Commission électorale
centrale ainsi que des représentants de la société civile et des
médias. Le programme des réunions de la commission ad hoc figure
en annexe 3.
9. Le jour du scrutin, la commission ad hoc s’est divisée en
sept équipes qui ont observé l’élection à Sofia et alentours, Blagoevgrad,
Kiustendil, Montana, Pazardzshik et Plovdiv.
10. La mission internationale d’observation des élections a déclaré
que les élections législatives anticipées du 5 octobre 2014 avaient
été «bien administrées du point de vue technique et que les libertés
fondamentales avaient été respectées, mais que des allégations,
faisant état d’achat et de vente de voix et d’autres irrégularités,
ainsi qu’une campagne inconsistante, ont continué à peser sur la
confiance des électeurs dans l’intégrité du processus». Le communiqué
de presse de la MIOE publié après les élections est reproduit en annexe
4.
2. Contexte
politique
11. Les précédentes élections législatives anticipées
du 12 mai 2013 avaient été convoquées à la suite d’une vague de
protestation dans l’ensemble du pays, dénonçant le prix élevé de
l’énergie, le faible niveau de vie et la corruption. En dépit du
mécontentement populaire, l’ancien parti au pouvoir mené par M. Boïko Borissov,
«Citoyens pour le développement européen de la Bulgarie» (GERB),
avait remporté 30 % des suffrages et 97 sièges sur 240 à l’Assemblée
nationale. Il ne possédait toutefois pas de majorité et un gouvernement
minoritaire conduit par le Parti socialiste bulgare (BSP) a été
formé avec à sa tête M. Plamen Orecharski.
12. Le nouveau gouvernement ne détenait que la moitié des sièges
au parlement et la fragile coalition minoritaire est très vite devenue
dépendante de l’appui du parti ultranationaliste Ataka. Cette situation,
à laquelle sont venues s’ajouter nombre de décisions controversées
et de scandales politiques, cinq votes de censure et le faible score
de 18,94 % du BSP aux élections européennes de mai 2014, ont précipité
la chute anticipée du gouvernement Orecharski.
13. Parmi les principales décisions reprochées au gouvernement
figuraient le rattachement de la nouvelle Direction générale de
lutte contre le crime organisé à l’Agence d’Etat pour la sécurité
nationale (DANS), la modification des règles relatives à la nomination
du directeur de cette Agence sans la recommandation du Président
et la nomination à ce poste, le 14 juin 2013, de Deljuan Peevski,
propriétaire du groupe de médias New Bulgarian et député controversé
(car accusé de corruption par le passé). Ces décisions ont déclenché
le mouvement populaire le plus long de l’histoire contemporaine
de la Bulgarie, puisqu’il a duré 340 jours. Bien que les manifestants
soient descendus dans la rue pendant près d’un an, aucun nouveau
parti n’a été créé et aucun des partis politiques existants n’a
pris la direction du pays.
14. En juin 2014, la Bulgarie a connu une crise financière après
que des informations ont filtré sur la faillite imminente de plusieurs
banques, parmi lesquelles la Corporate Commercial Bank (CCB) et
la First Investment Bank, respectivement 4e et
3e établissements bancaires du pays.
La CCB – une petite banque à l’origine, qui a très rapidement concentré
un pourcentage important de fonds publics et les épargnes de la
plupart des hommes politiques du pays, à des taux d’intérêt beaucoup
trop élevés pour être tenables, a été fermée provisoirement le 20 juin 2014
et placée sous la supervision de la Banque centrale. Des négociations complexes
entre les institutions et l’intervention de l’Union européenne ont
calmé la situation, bien qu’aucune solution durable n’ait encore
été trouvée et que l’argent de plus d’un demi-million de citoyens
et de sociétés reste bloqué.
15. L’absence de politique efficace dans le domaine social et
de la santé a sans doute été le principal déclencheur de la convocation
des élections anticipées en 2013. Le gouvernement Orecharski a creusé
la dette nationale de 3 milliards de BGN supplémentaires mais n’a
pas utilisé même une partie de cette somme pour soutenir le système
de santé et des fermetures d’hôpitaux sont prévues cet automne.
16. L’annonce par le gouvernement de la reprise du projet de construction
d’une centrale nucléaire à Belene, ainsi que de celui du gazoduc
du Southstream financé par la Russie, n’a fait qu’exacerber le mécontentement
de la population. L’Union européenne s’est interrogée sur la légalité
de cette décision. Les visions et réactions opposées (entre la Russie
et l’Union européenne) quant à l’indépendance énergétique du pays
sont devenues l’un des thèmes majeurs de la campagne électorale.
17. Tous ces éléments, associés à un sentiment généralisé de corruption
politique, de pression et de trafic d’influence au sein du système
judiciaire, ont renforcé la défiance du public à l’égard des institutions
de l’Etat. Sur les plus de 500 enquêtes relatives à des plaintes
faisant état d’achat de votes avant les élections anticipées de
mai 2013, seules huit ont donné lieu à des poursuites judiciaires
et une personne seulement a été condamnée à une peine d’emprisonnement.
La recherche de responsabilités dans les récentes inondations dévastatrices
ne progresse plus et aucun message clair n’a été donné aux clients
de la banque CCB quant à leurs dépôts auprès de cette dernière.
Une récente affaire de fraude fiscale impliquant un vice-président
du parlement a replacé la question de la moralisation de l’élite
politique bulgare au cœur des discussions de campagne.
3. Cadre juridique
18. Le 5 octobre 2014, les élections législatives anticipées
ont été les premières en date régies par le nouveau Code électoral
adopté en mars 2014 et modifié en avril 2014.
19. Le 26 novembre 2013, l’Assemblée nationale de Bulgarie a demandé
à la Commission de Venise de préparer un avis sur le projet de nouveau
Code électoral de la Bulgarie. La Commission de Venise et l’OSCE/BIDDH
ont décidé de rédiger un avis juridique conjoint sur le projet de
Code, dans lequel ils ont conclu que ce dernier «offre une base
juridique solide pour la tenue d’élections démocratiques»
. Avant son adoption, le projet de
nouveau Code électoral a cependant été bloqué dans le cadre de la
procédure parlementaire par le Président Plevneliev, qui y a opposé
son veto. Ce dernier s’est déclaré préoccupé par la procédure de constitution
de la CEC, le système d’enregistrement des électeurs, l’introduction
de machines à voter et les règles relatives au vote préférentiel
dans différents types d’élections. Le 4 mars, soit deux mois avant
les élections au Parlement européen, le veto présidentiel a finalement
été contourné par le parlement qui a adopté le nouveau Code électoral.
20. L’OSCE/BIDDH et la Commission de Venise ont noté des changements
positifs dans le projet de Code, et notamment: l’équilibre dans
les nominations et la composition des organes de l’administration
électorale; l’équilibre dans les fonctions de direction des commissions
électorales; la réduction du montant des cautions électorales et
du nombre de signatures nécessaires à l’enregistrement des candidats
indépendants et des partis politiques; la clarification des délais
impartis pour faire appel des décisions de refus d’enregistrement
de candidatures; et la possibilité de contester les décisions de
la Commission électorale centrale devant la Cour administrative
suprême.
21. Le système électoral a également subi quelques modifications.
L’Assemblée nationale est un organe unicaméral composé de 240 membres
élus au scrutin proportionnel dans 31 circonscriptions plurinominales. Le
nouveau Code a introduit la possibilité pour les électeurs d’exprimer
un vote préférentiel pour certains candidats sur une liste (listes
ouvertes). Un candidat peut bénéficier de ce vote préférentiel si
le nombre de voix qu’il a obtenues est au moins égal à 7 % du total
des suffrages exprimés en faveur de sa liste. Le seuil électoral
est de 4 % des suffrages valides au niveau national, tandis que
les candidats indépendants doivent dépasser le quotient électoral
calculé selon la méthode Hare-Niemeyer.
22. Il reste cependant un certain nombre de points à régler, qui
avaient déjà été relevés dans le rapport d’observation des élections
de 2013 et l’avis conjoint de la Commission de Venise et de l’OSCE/BIDDH.
Ces derniers avaient recommandé:
- l’amélioration
de la méthode d’attribution des sièges de députés aux élections
législatives;
- l’amélioration de la procédure d’enregistrement des électeurs
et de la précision des listes électorales;
- la limitation des restrictions au droit de vote des détenus;
- la levée des restrictions au vote pour les personnes titulaires
de la double nationalité;
- l’amélioration de la procédure de réclamation/recours
et de l’efficacité de ce mécanisme;
- le renforcement des pouvoirs de la Cour des comptes pour
ce qui est de vérifier l’exactitude des rapports financiers de campagne;
- le droit d’utiliser des langues minoritaires dans les
campagnes électorales.
23. Il continue également d’y avoir une grande disparité dans
le nombre d’électeurs des différentes circonscriptions, ce qui est
contraire au principe constitutionnel de l’égalité des voix et aux
dispositions du Code de bonne conduite en matière électorale de
la Commission de Venise qui stipule que l’écart maximal admissible
par rapport à la clé de répartition ne devrait jamais dépasser 15 %.
Soixante-dix
députés ont saisi la Cour constitutionnelle de cette question mais
leur requête a été rejetée. La délégation préélectorale a évoqué
ce point avec le Président de la Cour constitutionnelle mais n’a
pas pu obtenir davantage de précisions. Le nouveau régime de vote
préférentiel n’est pas approuvé par toutes les forces politiques.
Lors de la réunion avec la commission ad hoc, les représentants
du GERB ont indiqué qu’en cas de retour au pouvoir, ils introduiraient
des amendements au Code électoral pour revenir au système de listes
bloquées.
4. Administration
des élections, établissement des listes électorales et enregistrement
des partis politiques
24. A son entrée en fonctions le 6 août, le gouvernement
de transition s’est fixé comme priorité la tenue d’élections libres
et équitables et l’apaisement des tensions sociales. Afin d’accroître
la confiance des citoyens dans le processus électoral, le gouvernement
a créé un comité consultatif auquel participent des organisations non
gouvernementales qui travaillent sur les questions électorales.
L’existence de cet organe consultatif a été saluée par la plupart
des interlocuteurs de la commission ad hoc.
4.1. Administration
électorale
25. En Bulgarie, l’administration électorale opère à
trois niveaux: la Commission électorale centrale (CEC), 31 commissions
électorales de district (DEC) et 11 726 commissions électorales
de bureau de vote (PEC). 428 PEC supplémentaires ont été établies
pour les électeurs de l’étranger et 96 pour le vote avec urne mobile.
26. La CEC, qui est un organe permanent, se compose de 18 membres
nommés par les partis et coalitions parlementaires et d’un membre
proposé par chacun des partis et coalitions qui ne sont pas représentés
au parlement national mais ont des membres de leurs listes élus
au Parlement européen. La CEC actuelle compte 20 membres, élus pour
un mandat de cinq ans. Tous les organes de l’administration électorale
sont constitués sur la base de nominations politiques. Le Conseil
des ministres et la CEC s’occupent des aspects organisationnels,
techniques et de sécurité des élections, y compris l’équipement,
les consommables et les machines à voter.
27. Sur les 20 membres de la CEC nommés pour ces élections, le
président, ses deux adjoints, le secrétaire et sept autres membres
étaient des femmes.
28. Les délégations de la mission préélectorale comme de la mission
principale ont conclu que la CEC travaillait de manière efficace
et professionnelle, ce qui a été confirmé par la MIOE de l’OSCE/BIDDH.
Ses réunions ont été retransmises sur son site web en temps opportun,
ce qui a contribué à la transparence de son fonctionnement. Des
organisations non gouvernementales (ONG) et partis en lice se sont
toutefois plaints que leurs recours n’avaient pas été traités assez
rapidement ou transmis dans les délais prescrits à la Cour administrative
suprême.
29. La CEC avait lancé une campagne nationale d’information des
électeurs, qui portait notamment sur le nouveau système de vote
préférentiel. Certaines ONG se sont dites préoccupées par le peu
d’informations disponibles. Le clip vidéo produit pour expliquer
les nouveaux bulletins de vote a été diffusé au moins 176 fois à
la télévision nationale, mais une partie de la population l’a jugé
trop rapide et compliqué à suivre.
4.2. Enregistrement
des électeurs
30. Tous les citoyens bulgares âgés d’au moins 18 ans
le jour du scrutin ont le droit de vote, à l’exception de ceux qui
purgent une peine de prison, indépendamment de la gravité de l’infraction
commise
. L’enregistrement
des électeurs est passif. Les listes électorales sont établies à
partir des données du registre national de la population
et
rendues publiques 40 jours avant le scrutin. Les électeurs ont pu
vérifier les données les concernant en ligne et dans des zones d’affichage
spéciales au sein de l’administration locale, et y apporter d’éventuelles
rectifications entre le 25 août et le 27 septembre.
31. Cela fait des dizaines d’années que la question de l’exactitude
de la liste électorale est au centre d’une polémique. D’après la
CEC, 6 901 072 électeurs étaient inscrits sur le registre électoral
– un chiffre inexplicablement élevé pour une population de 7,4 millions
de personnes. Plusieurs partis ont appelé l’attention de la délégation
au sujet d’éventuels «électeurs fantômes» sur les listes électorales.
Certains ont également émis des doutes concernant l’exactitude du
recensement de 2011.
32. Les électeurs de l’étranger ont pu s’inscrire pour voter à
l’extérieur du pays. Un total de 167 bureaux de vote ont été ouverts
en dehors du pays, et 261 autres là où il y avait eu plus de 100 électeurs
lors des différents scrutins tenus au cours des cinq années précédentes.
Les électeurs de l’étranger pouvaient également voter sans enregistrement
préalable, ce dont se sont inquiétés plusieurs interlocuteurs, ce
système n’apportant pas suffisamment de garanties contre le risque
de vote multiple.
4.3. Nouvelles technologies
de vote
33. Le nouveau Code électoral prévoit l’utilisation des
nouvelles technologies de vote dans un environnement contrôlé. Le
premier projet pilote, comportant 100 machines à voter, a été mis
en œuvre lors des élections au Parlement européen de mai 2014. Pour
les élections d’octobre, la CEC a conduit un deuxième projet pilote
dans le cadre duquel les électeurs de 300 bureaux de vote de cinq
circonscriptions (Kyustendil, Pernik, Pleven, Plovdiv et Sofia)
ont eu la possibilité d’utiliser des appareils à écran tactile.
Le test a été limité au vote et au dépouillement, sans transmission
directe des résultats aux centres de comptage des voix. Les PEC
concernées ont dû imprimer les résultats de chaque machine et les
retranscrire sur un procès-verbal en format papier. Les résultats
du vote électronique n’ont pas été pris en compte dans le décompte
officiel.
34. Le fournisseur était chargé de la réalisation du test. L’OSCE/BIDDH
et plusieurs interlocuteurs ont fait remarquer qu’aucun contrôle
du matériel ou des logiciels n’avait été demandé par le gouvernement
de transition, la CEC ou toute autre entité mandatée par un tiers.
Le climat général de défiance semble également toucher l’utilisation
des nouvelles technologies dans le processus électoral.
4.4. Enregistrement
des candidats
35. Aux termes du nouveau Code électoral, les partis
politiques et coalitions doivent s’enregistrer auprès de la CEC
en déposant un ensemble de documents, une caution de 2 500 BGN et
les signatures de soutien d’au moins 2 500 électeurs. Ils présentent
ensuite leurs listes de candidats aux DEC.
36. La CEC a enregistré 18 partis politiques, 7 coalitions et
3 candidats indépendants (bien loin des 63 partis – dont 25 formaient
7 coalitions – et 2 candidats indépendants enregistrés aux élections
de mai 2013). Un total de 6 034 candidats était en lice pour les
240 sièges du parlement, soit une moyenne de 25 candidats par siège.
37. Les membres de la commission ad hoc n’ont eu connaissance
d’aucune difficulté sur le plan de l’enregistrement des candidats.
5. Campagne électorale
et environnement médiatique
5.1. Climat et financement
de la campagne
38. La campagne électorale officielle pour ces élections
anticipées a débuté le 5 septembre et s’est déroulée dans un climat
de lassitude de l’électorat après deux élections successives et
de méfiance à l’égard de la politique et des partis politiques à
tous les niveaux, que ce soit du public à l’égard des partis et
de la classe politique, entre les partis et au sein des partis,
notamment en raison du nouveau système de vote préférentiel.
39. La campagne électorale est restée discrète et manquait de
consistance et de propositions concrètes visant à sortir le pays
de la crise. Elle semblait se concentrer davantage sur les allégations
d’achat de voix et de vote contrôlé avancées par les différents
adversaires que sur les programmes politiques. Le vainqueur (GERB)
semblait évident; la principale question qui se posait durant la
campagne était plutôt de savoir avec qui il formerait une coalition.
40. Comme l’ont indiqué les observateurs à long terme de l’OSCE/BIDDH,
la campagne de certains partis a été marquée par quelques déclarations
provocantes, en particulier contre les minorités turque et rom et l’ouverture
de bureaux de vote en Turquie (136 au total). La coalition Front
patriotique a déposé un recours auprès de la Cour administrative
suprême contre l’ouverture de bureaux de vote en Turquie et dans
d’autres pays, tandis que «Bulgarie sans censure» aurait bloqué
trois postes de contrôle à la frontière avec la Turquie afin «de
mettre un terme à l’importation d’électeurs de Turquie». La CEC
a interdit une affiche de campagne raciste de l’Union nationale
bulgare – nouvelle démocratie (BNS-ND) et quatre vidéos de campagne
de BNS-ND, MRF, Ataka et des Verts
.
41. Le 8 septembre, 16 des 25 concurrents ont signé un «Pacte
d’intégrité pour des élections libres, équitables et démocratiques»
par lequel ils se sont engagés à ne pas enregistrer de membres de
leur partis, de délégués ou «d’observateurs rémunérés» au service
d’organisations de la société civile, à prendre des mesures énergiques
pour lutter contre l’achat de voix et le vote contrôlé, à organiser
des formations complémentaires pour leurs représentants au sein
des commissions électorales de bureau de vote (PEC) et à fournir
des informations exactes sur les dons au cours de la campagne électorale.
La délégation a toutefois noté que ce document n’avait tout bien
considéré qu’une valeur symbolique. Elle a été informée, par exemple, de
nombreux cas suspects d’enregistrement d’ONG observatrices portant
le même nom qu’un parti politique ou un nom clairement évocateur
comme «Bulgarie sans censure» ou «Protection des droits et des libertés», ou
n’ayant a priori aucun lien avec les élections, comme l’«Association
des sommeliers» ou le «Club de courses de vitesse.
42. La délégation de l’Assemblée a entendu les témoignages de
différents interlocuteurs l’informant que l’achat de voix et le
vote contrôlé prenaient des proportions inadmissibles. Selon certains,
la plupart des partis politiques sinon tous seraient impliqués dans
cette forme de fraude électorale.Ces
pratiques, et en particulier le vote contrôlé, auraient principalement
cours dans les localités ethniquement mixtes, bien que certains interlocuteurs
aient concédé que l’achat de voix dépassait les clivages ethniques
traditionnels et se généralisait dans les couches les plus pauvres
de la population.
43. L’attention de la délégation a également été attirée sur le
fait que les électeurs n’ont pas été suffisamment informés sur le
vote préférentiel par leurs partis, ni encouragés à y recourir.
Les représentants du GERB ont ouvertement fait campagne contre ce
nouveau système, promettant de le modifier s’ils revenaient au pouvoir.
44. Certains partis/coalitions et ONG se sont déclarés préoccupés
par le fait que leurs recours n’aient pas été traités en temps voulu,
ce que la délégation n’a pu vérifier. D’après l’OSCE/BIDDH, en dépit
de quelque 300 irrégularités signalées, des poursuites pénales n’ont
été engagées que dans deux cas avant le jour du scrutin. Cela contribue
à un climat général d’impunité, de défiance et de manque de transparence.
45. Ce dernier aspect est renforcé par un financement opaque des
campagnes. Aux termes de la législation électorale, les dons aux
partis sont limités à 10 000 BGN par personne et les dépenses de
campagne à 3 millions BGN pour un parti politique ou une coalition
et à 0,2 million BGN pour un candidat indépendant. Les états financiers
de campagne définitifs doivent être présentés à la Cour des comptes
dans les trente jours suivant le jour du scrutin. Toutefois, la
Cour des comptes n’a aucune échéance à respecter pour la réalisation des
contrôles et les sanctions pour non-respect des règles relatives
au financement des campagnes restent minimales et n’ont donc pas
un effet dissuasif suffisant.
46. Les partis et coalitions au pouvoir ont droit à des aides
publiques dont le montant est calculé en fonction du nombre de suffrages
valides obtenus aux élections précédentes. Les partis qui ont obtenu
au moins 1 % des suffrages valides au niveau national aux précédentes
élections législatives reçoivent également une aide de l’Etat. Les
concurrents qui ne peuvent prétendre à une aide publique perçoivent
des fonds pour les annonces dans les médias, à hauteur de 40 000
BGN pour les partis/coalitions et 5 000 BGN pour les candidats indépendants.
5.2. Environnement médiatique
47. Dans l’ensemble, la Bulgarie bénéficie d’un environnement
médiatique pluraliste permettant la liberté d’expression. Toutefois,
le rôle des médias dans la campagne électorale demeure un sujet
de préoccupation. Il y a manifestement des inégalités entre les
partis, d’autant plus que ceux qui sont représentés au parlement touchent
des subventions de l’Etat, ce qui est considéré comme une aide indirecte
à l’accès aux médias. Le suivi des médias par la MIOE de l’OSCE/BIDDH
a montré que 80 % des annonces politiques sur les médias de radiodiffusion
et 87 % des annonces dans la presse écrite avaient été achetées
par les huit partis bénéficiaires d’une aide de l’Etat.
48. Le temps d’antenne gratuit pour les campagnes était limité
à la télévision et à la radio publiques, tandis que dans les médias
privés, tout ou presque était payant. La télévision et la radio
nationale bulgare (BNT/BNR) ont consacré une vingtaine de minutes
seulement à l’ensemble des concurrents dans leurs journaux télévisés de
première partie de soirée. Les partis politiques ont dû payer des
sommes considérables – les mêmes pour tous – pour la quasi-totalité
des émissions consacrées à leur campagne, y compris les débats sur
les chaînes de radiodiffusion publiques.
49. Quelques réserves peuvent être exprimées au sujet de l’indépendance
des médias vis-à-vis de toute influence politique et économique
injustifiée. A cela s’ajoute l’opacité de la propriété des médias,
pour la plupart aux mains d’oligarques affiliés à des partis. Les
messages de campagne payants n’étaient pas toujours clairement identifiés
comme tels, ce qui a pu induire en erreur certains électeurs quant
à leur origine.
50. La législation en vigueur dispose que la seule langue pouvant
être utilisée lors de la campagne électorale est le bulgare, ce
qui a été critiqué dans de précédents rapports de l’Assemblée ainsi
que dans les avis de la Commission de Venise et de l’OSCE/BIDDH.
D’après le recensement de 2011, la population compte 8,8 % de personnes
d’origine turque et environ 4,9 % de Roms. Les minorités sont perçues
comme étant parmi les plus vulnérables aux irrégularités électorales.
La Bulgarie a ratifié la Convention-cadre du Conseil de l’Europe
pour la protection des minorités nationales (STE n° 157). Elle n’est
pas Partie à la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires
(STE n° 148). En dépit d’appels directs en ce sens de la part du
Conseil de l’Europe, les minorités nationales ne sont pas autorisées
à faire campagne dans leur langue, ce qui constitue un sujet de
vive préoccupation. Cela touche principalement la minorité turque,
et avant tout les médias et les documents imprimés.
51. La délégation de l’Assemblée, tout en reconnaissant le droit
des minorités nationales de mener des campagnes électorales dans
leur langue maternelle, tient à rappeler, comme cela a été observé
à plusieurs reprises dans de précédents rapports, qu’il est aussi
de la responsabilité des partis politiques qui représentent les
intérêts politiques des minorités et de leurs chefs, de combattre
efficacement toutes les formes de corruption électorale, ce phénomène
étant, selon différentes sources crédibles, particulièrement préoccupant dans
les localités ethniquement mixtes. La pauvreté fait le lit des pratiques
d’achat et de contrôle des votes, au même titre que le faible niveau
d’éducation et de connaissance de la langue du pays, qui maintiennent
la population dans un état de dépendance à l’économie souterraine
et sous l’influence de manipulateurs.
6. Jour du scrutin
et résultats des élections
52. Les sept équipes de la délégation de l’Assemblée
ont observé les élections dans 67 bureaux de vote de six régions
(Blagoevgrad, Kyustendil, Montana, Pazardzshik, Plovdiv and Sofia),
principalement dans des zones urbaines mais également dans des zones
rurales, en se concentrant pour la plupart sur les localités ethniquement
mixtes. Elles ont conclu que le scrutin s’était déroulé dans le
calme et avait été dans l’ensemble bien conduit. Dans toutes les
PEC sauf deux, le fonctionnement des bureaux de vote a globalement
été jugé bon ou très bon. Néanmoins, la délégation a constaté un
certain nombre d’irrégularités et de problèmes techniques mineurs
dans les bureaux de vote visités.
53. Tout d’abord, en ce qui concerne les opérations de vote, la
procédure relativement lourde exigeant que le bulletin soit tamponné
une deuxième fois après le passage dans l’isoloir a souvent été
interprétée comme n’autorisant qu’un seul électeur à voter à la
fois. Certains membres de la délégation ont compté qu’il fallait
en moyenne deux minutes pour passer toutes les étapes, ce qui est
trop long compte tenu du nombre moyen d’électeurs enregistrés par
PEC (entre 800 et 1 000). En outre, la petite taille de certains
bureaux de vote à plusieurs endroits et la présence d’un seul isoloir
par bureau de vote ont encore ralenti les opérations.
54. Bien que les membres des PEC paraissaient bien formés, beaucoup
avaient du mal à comprendre la procédure consistant à découper le
numéro d’ordre du bulletin, le faisant quelquefois avant le passage
des électeurs dans l’isoloir. Les bulletins n’étaient quelquefois
pas suffisamment pliés pour garantir le secret du vote. Il sera
peut-être nécessaire de revoir à l’avenir le système qui fait que
les commissaires de la PEC prennent en main les bulletins après
le passage dans l’isoloir.
55. Dans plusieurs régions à population majoritairement rom, des
personnes non autorisées étaient présentes dans le bureau de vote.
56. La délégation a été surprise par l’absence d’ONG indépendantes
observatrices dans les bureaux de vote. Seule une équipe a dit avoir
vu deux ONG qui observaient les procédures. Le système «unifié»
de badges mis en place pour ces élections, qui ne permettait pas
de distinguer les représentants et délégués des partis des observateurs
indépendants ou internationaux, a créé une certaine confusion et
de l’agitation, les observateurs des partis étant nombreux à entrer
et sortir à leur guise des PEC. Dans le quartier de Stolipinovo à
Plovdiv, certains observateurs de partis politiques n’étaient pas
en mesure de dire quel parti ils étaient censés représenter.
57. Le processus de dépouillement a posé problème dans certaines
PEC. Les règles n’ont pas été suivies de manière stricte mais ont
le plus souvent fait l’objet d’une approche «pragmatique» sachant
que le décompte des votes préférentiels allait prendre du temps.
L’équipe qui a observé le dépouillement à Lulin (bureaux de vote
nos 71 et 74) a signalé qu’une personne
non autorisée, qui s’est avérée être le maire d’une municipalité voisine,
avait pris la direction des opérations de dépouillement. A Plovdiv
(bureau de vote n° 47) les commissaires ont demandé à une personne
d’un bureau de vote voisin de les aider à remplir les procès-verbaux.
58. Les procès-verbaux des résultats étaient longs et complexes.
La plupart des équipes ont constaté que les membres des PEC prenaient
davantage de temps pour remplir le procès-verbal que pour effectuer
le comptage proprement dit.
59. Dans l’ensemble, la délégation s’est dite préoccupée par la
proportion élevée de bulletins déclarés nuls du fait de la confusion
créée par le caractère «mixte» des bulletins présentant dans une
colonne une liste de partis/coalitions et dans l’autre, le nombre
de votes préférentiels. Le bulletin était automatiquement invalidé
si les deux types de choix étaient inscrits du même côté. Dans les
bureaux de vote visités, les bulletins nuls représentaient de 8 %
à 30 % des suffrages. Ces chiffres donnent à penser qu’il aurait
fallu prendre davantage de mesures pour informer les électeurs.
60. La plupart des équipes ont entendu parler de possibles achats
de voix, l’existence de cette pratique n’étant un secret pour personne;
certaines ont indiqué que jusqu’à 100 000 voix auraient pu être
monnayées, mais cela est impossible à prouver. La chaîne NOVA TV
a diffusé un enregistrement en caméra cachée d’un achat de voix.
Dans deux quartiers à population majoritairement rom de Sofia (Lulin)
et Plovdiv (Stolipovo), les équipes d’observateurs ont soupçonné
un vote contrôlé. A Plovdiv, un candidat – leader rom local bien
connu – a obtenu l’immense majorité des suffrages préférentiels
exprimés dans les dix bureaux de vote situés dans une même école.
Le jour du scrutin, la CEC a reçu 190 «signalements» et 31 plaintes
(déposés avant la clôture du scrutin). Au moment où nous écrivons,
la délégation de l’Assemblée ignorait si ces derniers concernaient également
l’achat de voix.
61. Le 9 octobre, la CEC a annoncé les résultats officiels des
élections législatives anticipées. Huit partis et coalitions ont
franchi le seuil de 4 % (131 327 voix).
- GERB – 84 députés (32,67 %), 1 072 491 voix
- BSP – 39 députés (15,40 %), 505 527 voix
- Mouvement des droits et libertés (MRF) – 38 députés (14,84 %),
487 134 voix (dont environ 60 090 voix de la Turquie sur un total
d’environ 135 000 votes de l’étranger)
- Bloc réformateur – 23 députés (8,89 %), 291 806 voix
- Front patriotique – 19 députés (7,28 %), 239 101 voix
- Bulgarie sans censure – 15 députés (5,69 %), 186 938 voix
- Ataka – 11 députés (4,52 %), 148 262 voix
- Alternative pour la renaissance bulgare (ABV) – 11 députés
(4,15 %), 136 223 voix
62. Le taux de participation a été de 48,66 %, soit le plus bas
depuis la chute du régime totalitaire en 1989. Le nombre total d’émargements
dans le registre électoral s’élevait à 3 500 585 et le nombre de
suffrages à 3 501 269. Il y a eu 3 283 192 bulletins valides et
218 125 bulletins nuls (6,6 %).
63. Bien que ces élections aient doublé le nombre de partis représentés
à l’Assemblée nationale, elles n’ont pas apporté beaucoup de sang
neuf sur la scène politique; au contraire, elles ont confirmé un
certain nombre de tendances, et en particulier la capacité des partis
GERB et MRF à mobiliser leur base électorale et l’incapacité des
membres de la société civile de proposer une alternative viable
aux partis traditionnels. Malgré le scepticisme ambiant envers les
personnalités politiques, la plupart des citoyens bulgares ne sont
pas encore prêts à accorder leur confiance à des acteurs de la société
civile. Par ailleurs, en dépit de la politisation du discours dans
la vie de tous les jours, consécutive aux vagues de protestation
contre les gouvernements Borissov en 2013 et Orecharski en 2013-2014,
aucune ruée vers les urnes n’a été constatée.
64. Au delà de ces tendances, les résultats des élections témoignent
également d’une certaine polarisation de la société. Deux partis
nationalistes, Front patriotique et Ataka, ainsi qu’un parti populiste,
Bulgarie sans censure, ont remporté 45 sièges dans la nouvelle composition
de l’Assemblée nationale.
65. Tout bien considéré, ces élections anticipées n’ont pas apporté
de progrès décisifs permettant de sortir le pays de l’impasse politique
dans laquelle il se trouvait. Au moment de la finalisation du présent
rapport, un mois après les élections anticipées, les forces politiques
sont encore engagées dans de difficiles négociations en vue de la
formation d’une coalition, avec le scénario le plus probable étant
la formation d’un nouveau gouvernement minoritaire entre GERB et
le Bloc réformateur. La date de nouvelles élections anticipées est déjà
discutée. Il est regrettable que les différents appels par le Président
Plevneliev, les partenaires européens ou notre propre délégation
aux forces politiques du pays à mettre de côté leurs différences
et de mettre les intérêts nationaux au-dessus des considérations
de pouvoir politico-partisanes sont restés lettre morte.
66. La session d’ouverture de l’Assemblée nationale dans sa 43e composition
s’est tenue le 27 octobre.
7. Conclusions
et recommandations
67. La mission internationale d’observation des élections
a déclaré le 6 octobre que les élections législatives anticipées
du 5 octobre 2014 avaient été bien administrées du point de vue
technique et que les libertés fondamentales avaient été respectées,
mais que des allégations de toutes parts, faisant état d’achat et
de vente de voix et d’autres irrégularités, ainsi qu’une campagne
inconsistante avaient continué à peser sur la confiance des électeurs
dans l’intégrité du processus.
68. Le faible taux de participation et le succès relatif des partis
d’extrême droite est un signe inquiétant de la méfiance envers le
système politique. La société civile doit être encouragée à participer
au processus démocratique. Le peuple bulgare doit être conscient
que le manque de participation est équivalent à une réduction du
contrôle démocratique sur le pouvoir politique.
69. La commission ad hoc considère que la Bulgarie, en qualité
d’Etat membre de l’Union européenne et de pays figurant parmi les
premiers d’Europe centrale et orientale à avoir adhéré au Conseil
de l’Europe en 1992, devrait s’efforcer de viser l’excellence dans
les pratiques électorales. La confiance est le maître mot pour aller de
l’avant et elle ne pourra être rétablie que par l’éradication des
pratiques de corruption, notamment en matière électorale. Tout nouveau
gouvernement devra être extrêmement attentif à l’état d’esprit des
citoyens et formuler un programme clair pour la gouvernance du pays,
en coopération avec les autres partis, s’il veut mener à terme son
mandat.
70. Pour rétablir et renforcer la confiance des citoyens dans
le processus démocratique, la commission ad hoc de l’Assemblée parlementaire
invite les autorités bulgares, en étroite coopération avec la Commission
de Venise et dans le cadre de la procédure du dialogue post-suivi
de l’Assemblée, à prendre les mesures suivantes:
71. Premièrement, en ce qui concerne le cadre juridique, la délégation
de l’Assemblée considère que les dispositions en vigueur en matière
électorale offrent une base solide pour la tenue d’élections démocratiques mais
que les nouvelles autorités devront revoir un certain nombre de
points, et notamment:
- la privation
du droit de vote des détenus, indépendamment de la gravité de l’infraction
commise, qui est contraire aux instruments juridiques internationaux
et à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme;
- les restrictions au droit de vote pour les personnes titulaires
de la double nationalité;
- l’exigence de mener les campagnes uniquement en langue
bulgare, qui risque de priver les minorités de la possibilité d’œuvrer
en faveur de leur participation effective aux affaires publiques
par le processus électoral;
- l’impossibilité pour les citoyens ordinaires de contester
les résultats des élections législatives (ce droit n’étant accordé
qu’aux partis politiques et candidats et uniquement par l’intermédiaire
des institutions prévues par la Constitution).
72. Deuxièmement, en ce qui concerne les nombreux cas présumés
d’achat de voix et de vote contrôlé, la délégation de l’Assemblée
demande aux autorités bulgares compétentes de faire toute la lumière
sur ces allégations et, au cas où elles seraient avérées, de faire
en sorte que les responsables – y compris les éventuels commanditaires
– aient à répondre de leurs actes. Elles sont également invitées
à informer l’opinion publique et l’Assemblée parlementaire dans
les meilleurs délais des résultats de ces investigations.
73. Troisièmement, en ce qui concerne l’accès aux médias à des
fins de campagne, la délégation de l’Assemblée considère que si
les médias n’accordent de l’attention aux questions politiques que
s’ils sont rémunérés à cette fin, le public n’aura pas toutes les
informations nécessaires pour faire des choix indépendants. Par
conséquent, elle encourage vivement les législateurs nouvellement
élus à améliorer la législation en vue de garantir le principe de
l’égalité d’accès aux médias pour les partis politiques.
74. Quatrièmement, la délégation de l’Assemblée demande à la Commission
électorale centrale et les autres autorités compétentes de simplifier
certaines procédures, y compris les opérations de comptage et de dépouillement,
qui ne nécessitent pas de changements majeurs dans la législation
existante. Elle invite la CEC à se concentrer sur l’éducation des
électeurs sur le système de vote préférentiel à travers une campagne
de sensibilisation plus pédagogique
75. Enfin, la délégation souligne que la pauvreté et le manque
d’éducation sont les principaux facteurs qui rendent sensible aux
pressions et à la corruption. Il est donc du devoir du futur gouvernement
de donner une priorité absolue à l’adoption et à la mise en œuvre
de nouvelles politiques sociales, éducatives et de santé publique,
ainsi qu’à la réforme du système judiciaire qui n’a que trop tardé.
Annexe 1 – Composition
de la commission ad hoc
(open)
Sur la base des propositions des groupes
politiques de l’Assemblée, la commission ad hoc se composait comme
suit:
- Doris FIALA (Suisse,
ADLE), Présidente de la commission ad hoc
- Groupe socialiste (SOC)
- Andreas GROSS, Suisse
- Fatma PEHLIVAN, Belgique
- Groupe du Parti populaire
européen (PPE/DC)
- Thomas
FEIST, Allemagne
- Aleksandar NIKOLOSKI, «l’ex-République yougoslave de Macédoine»
- Groupe des conservateurs européens
(CE)
- Lukasz ZBONIKOWSKI,
Pologne
- Alliance des démocrates et
des libéraux pour l’Europe (ADLE)
- Tudor-Alexandru CHIUARIU, Roumanie
- Doris FIALA*, Suisse
- Luis Alberto ORELLANA, Italie
- Andrea RIGONI, Italie
- Groupe pour la gauche unitaire
européenne (GUE)
- Olga-Nantia
VALAVANI*, Grèce
- Commission de Venise
- Secrétariat
- Ivi-Triin ODRATS, administratrice,
secrétaire de la commission ad hoc
- Danièle GASTL, assistante, Division de la coopération
interparlementaire et de l’observation des élections
- Anne GODFREY, assistante, Division de la coopération interparlementaire
et de l’observation des élections
- Gaël MARTIN-MICALLEF, administrateur, Secrétariat de la
Commission de Venise
* membres de la délégation préélectorale (18-19 septembre)
Annexe 2 – Déclaration
de la délégation préélectorale
(open)
Strasbourg, 19.09.2014 – Dans la perspective
des élections législatives anticipées du 5 octobre 2014, une délégation
multipartite de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe
(APCE), composée de trois membres, a effectué une visite préélectorale
à Sofia les 18 et 19 septembre 2014, à l’invitation du ministère des
Affaires étrangères de la République de Bulgarie.
«Le meilleur moyen d’améliorer la démocratie est de participer
au processus démocratique. La société civile bulgare devrait montrer
sa force en participant massivement aux élections; se résigner et
rester chez soi n’est pas une solution», a déclaré Doris Fiala (Suisse,
ADLE) à l’issue d’une visite préélectorale de deux jours à Sofia.
«Un scrutin ne doit jamais amener les électeurs à conclure que leur
voix ne sert à rien. Même si le seuil de représentation n’est pas
atteint, les suffrages correspondants comptent, car ils reflètent
les souhaits des électeurs. Il importe que les prochaines élections
anticipées se déroulent de manière libre et équitable, pour la Bulgarie
mais aussi pour l’ensemble de l’Europe et pour tous ceux qui partagent
les mêmes valeurs démocratiques».
La délégation préélectorale a pris note avec satisfaction
des améliorations apportées récemment à la législation électorale,
dont l’instauration du scrutin proportionnel, qui doit cependant
encore être mis en œuvre efficacement. Elle a aussi salué le travail
accompli avec compétence par la commission électorale centrale, soumise
à de nouvelles règles et à un calendrier serré.
En revanche, la délégation s’est déclarée très préoccupée
par le manque total de confiance envers les processus démocratiques.
«Ces deux dernières années d’instabilité politique et la révélation
de pratiques de corruption à différents niveaux ont conduit le pays
dans une impasse. Pour en sortir, il faut que la classe politique
fasse preuve d’une grande maturité et renonce aux ambitions partisanes
manquant de vision pour donner la priorité aux intérêts nationaux.
Si elle veut regagner la confiance de la population, elle doit oublier
le discours de haine et commencer à faire campagne avec des arguments
rationnels et des programmes clairs.»
La délégation préélectorale a aussi été informée de nombreuses
allégations concernant des risques d’achats de voix et de votes
contrôlés avant les élections. «Nous encourageons vivement les autorités
à tout mettre en œuvre pour éradiquer ces pratiques pénalement répréhensibles
et pour mener des enquêtes sérieuses sur toutes les allégations
qui pourraient être faites ces prochaines semaines. Nous appelons
toutes les forces politiques du pays à faire confiance aux citoyens,
en les laissant choisir librement, et à appliquer les principes du
fair-play. C’est le seul moyen d’enrayer la spirale de la crise
politique et de faire en sorte que le résultat du scrutin soit légitime
et puisse être respecté par tous».
La délégation a aussi exprimé des préoccupations au sujet
du rôle des médias dans la campagne électorale; les médias semblaient
en effet favoriser les grands partis et défendre des intérêts économiques,
au lieu de permettre à tous les acteurs de confronter loyalement
leurs idées. La situation était encore aggravée par l’opacité de
la propriété des médias et le manque de transparence caractérisant
à la fois le financement des partis politiques et leurs dépenses.
«La manière dont un pays traite ses minorités est révélatrice
de la qualité de la démocratie dans ce pays», a ajouté Doris Fiala.
«A cet égard, nous regrettons que les minorités nationales ne puissent
toujours pas faire campagne dans leur propre langue dans les régions
où elles sont prédominantes. Au XXIe siècle,
ce n’est pas le fait d’utiliser la langue maternelle d’une minorité
qui permet de s’attirer des suffrages; pour obtenir le soutien des
électeurs, il vaut bien mieux donner à l’ensemble des citoyens des
assurances crédibles de sa volonté de s’attaquer aux problèmes qui
les préoccupent».
A Sofia, la délégation a rencontré le Président de la République,
le Premier ministre du gouvernement intérimaire, le Président de
la Cour constitutionnelle, la Présidente et des membres de la Commission électorale
centrale, des représentants de groupes parlementaires, de coalitions
et de partis candidats aux élections, de la mission restreinte d’observation
des élections du BIDDH de l’OSCE, des ONG et des médias, ainsi que
des membres du corps diplomatique.
Une délégation complète d’une vingtaine d’observateurs de
l’APCE se rendra dans le pays pour observer les élections législatives
anticipées du 5 octobre 2014.
Composition de la délégation: Doris Fiala (Suisse, ADLE),
chef de la délégation, Zbigniew Girsyiński (Pologne, PPE/DC), Olga-Nantia
Valavani (Grèce, GUE).
Annexe 3 – Programme de
la commission ad hoc (3-6 octobre 2014)
(open)
Vendredi
3 octobre 2014
9h00-10h30 Réunion de la commission ad hoc de l’APCE:
- Séance d’information
sur la mission préélectorale par Mme Doris Fiala, chef de la délégation
- Evolutions politiques récentes par Mme Teodora Kaleynska,
experte locale, maître de conférence en sciences politiques, Université
Veliko Turnovo, ancienne directrice du Bureau d’information du Conseil
de l’Europe en Bulgarie
- Récentes évolutions dans le domaine de la législation
électorale en Bulgarie par M. Oliver Kask, membre de la Commission
de Venise (Estonie), et M. Gaël Martin-Micallef, administrateur,
Commission de Venise
- Organisation pratique et logistique, Secrétariat
11h00-12h30 Séance d’information par la mission restreinte
d’observation des élections de l’OSCE/BIDDH:
- Présentation et vue d’ensemble des conclusions à ce jour,
ambassadrice Audrey Glover, chef de la mission restreinte d’observation
des élections de l’OSCE/BIDDH
- Panorama politique, Mme Marina Schuster, analyste politique
- Procédures le jour du scrutin, M. Bartosz Lech, analyste
électoral
- Paysage médiatique, suivi préliminaire des médias et conclusions,
M. Egor Tilpunov, analyste des médias
14h00-15h30 Réunion avec les ONG participant à l’observation
des élections:
- Transparency
International – M. Kalin Savov et Mme Vanya Nusheva
- Institute for Development of Public Sphere – Mme Iva Lazarova
- Institute for Social Integration – Mme Katya Koleva
- Centre for Liberal Strategies – M. Daniel Smilov
15h45-17h45 Réunion avec les chefs et représentants des principaux
partis politiques et coalitions:
Citoyens pour le développement européen de la Bulgarie (GERB)
– M. Krasimir Tsipov et M. Danail Kirilov
1BSP–Gauche bulgare – M. Yanaki Stoilov, Mme Deniza Karadjova,
M. Valeri Jablianov, M. Boris Ivanov et M. Nikola Mitov
Mouvement des droits et des libertés (MRF) – M. Ljubomir
Nikov
me18h00-19h30 Réunion avec Mme Ivilina Aleksieva, présidente
de la Commission électorale centrale, et les membres de la CEC
Samedi 4 octobre
2014
9h00-10h00 Réunion avec les chefs et représentants des principaux
partis politiques et coalitions (suite):
Bloc réformateur – M. Nastimir Ananiev et M. Stamen Yanev
10h45-11h15 Séance d’information pour le déploiement et questions
de dernière minute
11h30-12h30 Réunion avec les chauffeurs et interprètes pour
le déploiement
14h00-18h00 Examen préliminaire des conclusions de la MIOE
de l’OSCE/BIDDH
Dimanche 5 octobre
2014
A partir de 6h00 Observation du scrutin
A partir de 19h00 Observation du dépouillement dans les bureaux
de vote
A partir de 22h00 Observation du comptage des voix dans les
centres de district
Lundi 6 octobre
2014
8h00-9h00 Séance de debriefing de la commission ad hoc
9h30-12h00 Examen de la déclaration conjointe avec le BIDDH
14h00-15h00 Conférence de presse
Annexe 4 – Déclaration
de la mission internationale d’observation des élections (MIOE)
(open)
Strasbourg, 06.10.2014 – Bien que les élections
législatives anticipées organisées en Bulgarie le 5 octobre aient
été bien administrées du point de vue technique et que les libertés
fondamentales aient été respectées, les allégations faisant état
d’achat et de vente de voix et d’autres irrégularités ainsi qu’une
campagne inconsistante ont continué à peser sur la confiance des
électeurs dans l’intégrité du processus, ont estimé les observateurs
internationaux dans une déclaration publiée aujourd’hui.
«Les élections d’hier ont été à l’image du désenchantement
et de la polarisation persistante de la société bulgare. Malgré
la bonne volonté des milliers de citoyens chargés de l’administration
électorale, qui ont fait tout leur possible pour assurer le succès
du scrutin, les nombreux scandales de corruption et les allégations
d’achat de voix, couplés à une campagne électorale sans consistance,
ont sapé la confiance des électeurs dans le processus et dans la
politique en général», a déclaré Doris Fiala, chef de la délégation
de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE). «J’encourage
les forces politiques nouvellement élues à laisser de côté leurs
divergences et à chercher ensemble des réponses aux attentes pressantes
de la société».
Dans le contexte de crise politique, le climat électoral s’est
caractérisé par une lassitude électorale et politique, selon les
observateurs. La campagne a parfois tourné au dénigrement et au
populisme, plusieurs partis tenant un discours raciste, xénophobe
et incendiaire, prenant notamment pour cible les minorités nationales.
Les allégations d’achat et de vente de voix ont persisté en dépit
de l’engagement des autorités d’appliquer intégralement la législation
interdisant cette pratique et de la mise en place d’une équipe spéciale
interservices par le ministère de l’Intérieur, le Parquet et l’Agence
nationale de sécurité. Sur les plus de 300 irrégularités signalées
avant le scrutin, deux seulement ont donné lieu à des poursuites.
«Un certain nombre de modifications positives ont été apportées
au cadre juridique et les organes électoraux ont administré les
aspects techniques du processus de façon satisfaisante. En revanche,
les questions de fond ont peu été abordées au cours de la campagne
et les médias n’ont pas manifesté d’intérêt pour les élections, sauf
en cas de couverture payante», a souligné l’ambassadrice Audrey
Glover, chef de la mission restreinte d’observation des élections
du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme
(BIDDH) de l’OSCE. «Si rien n’est fait pour remédier efficacement
à ces problèmes ainsi qu’aux allégations persistantes d’irrégularités
électorales, le grave manque de confiance à l’égard des élections
et, plus généralement, de la politique actuelle subsistera.»
Le nouveau Code électoral offre dans l’ensemble une base solide
pour la tenue d’élections démocratiques. Cependant, il présente
un certain nombre de lacunes et d’ambiguïtés qui entravent l’application
cohérente de la loi. Plusieurs recommandations figurant dans des
rapports antérieurs du BIDDH et du Conseil de l’Europe sont restées
sans suite. Le nouveau Code introduit notamment le vote de préférence,
qui permet aux électeurs de choisir nominativement des candidats
sur les listes des partis.
L’administration électorale a globalement travaillé de façon
professionnelle et transparente, contribuant positivement à l’ouverture
du processus électoral.
L’inscription des candidats a été conduite sans exclusive,
de sorte que les électeurs ont bénéficié d’une large possibilité
de choix entre 18 partis et 7 coalitions, soit au total 6 031 candidats
en lice pour 240 sièges au parlement. La proportion de femmes candidates
au niveau national n’a pas été rendue publique et peu d’efforts ont
été déployés pour encourager l’égalité des chances et la pleine
participation des femmes aux élections.
Les médias ont offerts aux candidats une plate-forme pour
présenter leurs positions au cours de débats et d’interviews ainsi
que dans des publicités payantes. Les petits partis et les candidats
indépendants estiment toutefois que les conditions d’accès aux médias
n’offraient pas des chances égales pour tous. La campagne a été
assez peu couverte dans les actualités et le manque d’émissions
d’investigation et d’analyse a limité la quantité d’informations
à la disposition des électeurs.
Dans le petit nombre de bureaux de votes et de centres de
compilation des résultats des circonscriptions visités par les observateurs
internationaux, le scrutin a été généralement organisé de manière
professionnelle et efficace. Plusieurs commissions électorales de
bureau de vote ont rencontré des difficultés pour compter les suffrages
nominatifs et remplir les procès-verbaux de vote par machine. La
transparence du processus a été entachée par le fait que la Commission
électorale centrale et plusieurs centres de compilation ont refusé l’accès
aux observateurs lors de la phase de saisie des résultats. Selon
les chiffres préliminaires, le taux de participation électorale
a été de 48,1 %.
La mission d’observation internationale se composait de 41
observateurs de 25 pays, dont 27 observateurs à long terme et experts
du BIDDH et 12 parlementaires de l’APCE.