Imprimer
Autres documents liés

Rapport | Doc. 13648 | 11 décembre 2014

La participation démocratique des diasporas de migrants

Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées

Rapporteur : M. Andrea RIGONI, Italie, ADLE

Origine - Renvoi en commission: Doc. 13272, Renvoi 3993 du 30 septembre 2013. 2015 - Commission permanente de mars

Résumé

Ces dernières années, les diasporas ont commencé à jouer un rôle plus actif dans la vie politique tant de leur pays d’origine que de leur pays de résidence. L’essor rapide des migrations de travail, le désir des migrants à la retraite de retourner vivre dans leur pays d’origine et le souhait de nombreux migrants de participer plus activement à la vie politique de leur pays d’accueil ainsi qu’à celle de leur pays d’origine constituent de nouveaux défis qui touchent un grand nombre de secteurs.

Le présent rapport procède à une analyse des politiques nationales et initiatives internationales en faveur de la participation des diasporas à la vie politique et formule des recommandations pour améliorer la participation démocratique des diasporas en Europe.

Il appelle les gouvernements des Etats européens à jouer un rôle clé s’agissant d’associer les diasporas aux processus décisionnels et d’instaurer une collaboration entre les institutions gouvernementales pour élaborer des programmes axés sur les diasporas dans une perspective de développement économique, social et culturel.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté par la commission le 27 novembre 2014.

(open)
1. De nos jours, les diasporas jouent dans la vie politique un rôle plus important que par le passé. Les membres des diasporas peuvent contribuer à favoriser l’établissement de liens entre les Etats et à promouvoir la démocratie tant dans leur pays de résidence que dans leur pays d’origine.
2. L’Assemblée parlementaire estime que le droit des diasporas à la participation démocratique est une condition fondamentale de leur intégration politique. Malheureusement, la plupart des Etats européens continuent de priver les étrangers de leur droit de vote en dépit de leurs politiques avancées en matière d’intégration. Tant que le droit de vote, au moins aux élections locales, ne sera pas accordé aux migrants et aux résidents locaux de toutes origines, le processus d’intégration restera inachevé.
3. L’Assemblée considère que l’octroi de la double nationalité ou l’instauration, dans leur pays d’origine, d’un statut juridique spécial pour les ressortissants vivant à l’étranger encouragerait leur participation constructive à l’élaboration des politiques dans leur pays natal. Toutefois, la double nationalité ne doit pas être utilisée abusivement pour promouvoir des politiques expansionnistes et violer la souveraineté d’autres Etats.
4. En outre, l’Assemblée encourage la coordination entre les gouvernements des pays de résidence et des pays d’origine pour traiter les questions de statut politique et de participation aux élections locales, régionales et nationales des personnes titulaires d’une double nationalité.
5. L’Assemblée estime que les gouvernements, tant dans les pays hôtes que dans les pays d’origine, ont un rôle essentiel à jouer s’agissant d’associer les diasporas aux processus décisionnels, d’instaurer une collaboration entre les institutions gouvernementales et de formuler des recommandations pour élaborer des programmes axés sur les diasporas dans une perspective de développement économique, social et culturel.
6. L’Assemblée se félicite du rôle joué par les associations de diasporas pour aider les migrants à s’intégrer dans la société d’accueil.
7. L’Assemblée est particulièrement préoccupée par la montée du racisme et de la xénophobie en Europe et souligne le rôle que peuvent jouer les politiques en faveur des diasporas dans la lutte contre ces tendances extrémistes.
8. Les médias ont un rôle capital à jouer dans la lutte contre le stéréotype binaire du migrant perçu comme une victime ou un délinquant. Les chaînes de télévision, la presse écrite et les médias électroniques devraient leur donner des occasions réelles de faire valoir leur potentiel économique et intellectuel, profitable tant au pays de résidence qu’au pays d’origine.
9. Afin d’améliorer la participation démocratique des diasporas en Europe, l’Assemblée appelle les Etats membres:
9.1. à garantir l’exercice effectif du droit de vote aux membres des diasporas, et notamment:
9.1.1. à signer et à ratifier la Convention sur la participation des étrangers à la vie publique au niveau local (STE n° 144) s’ils ne l’ont pas encore fait;
9.1.2. à accorder aux étrangers le droit de voter et de se présenter aux élections locales et régionales au terme d’une période de résidence maximale de cinq ans;
9.1.3. à simplifier la législation électorale concernant le vote depuis l’étranger, dont l’extension aux membres de la diaspora du vote par procuration, par correspondance ainsi que par voie électronique, et à prendre des mesures efficaces pour garantir aux personnes concernées l’exercice du droit de voter depuis l’étranger;
9.1.4. à établir des commissions bilatérales composées de législateurs du pays de résidence et du pays d’origine pour examiner les cas complexes concernant la participation politique active dans plus d’un pays des citoyens titulaires d’une double nationalité;
9.2. à mettre en place des politiques facilitant la participation des diasporas à la vie politique, et notamment:
9.2.1. à revoir la législation nationale afin d’accorder un statut spécial aux membres des diasporas dans leur pays d’origine, de leur délivrer un permis de résidence et de travail et de faciliter leur retour s’il y a lieu;
9.2.2. à promouvoir la contribution des membres de diasporas au développement de leur pays d’origine grâce, en particulier, au transfert de leur savoir, formation et expérience;
9.2.3. à coordonner les politiques d’intégration des pays d’accueil avec les programmes des pays d’origine en faveur de leur diaspora en vue d’une efficacité accrue;
9.2.4. à assurer la cohérence politique entre les mesures ciblant les diasporas à l’étranger et les diasporas de migrants dans les pays d’accueil;
9.2.5. à créer des ministères ou des structures intergouvernementales spécifiques pour traiter les politiques relatives aux diasporas;
9.2.6. à associer activement les membres des organisations de diasporas à l’élaboration des programmes d’intégration des migrants;
9.2.7. à élaborer, dans les régions où se sont installées des diasporas, des stratégies de coopération avec ces diasporas au niveau local;
9.2.8. à garantir que les représentations diplomatiques comprennent du personnel formé pour traiter les questions intéressant les diasporas;
9.3. à promouvoir les activités des organisations des diasporas;
9.3.1. à soutenir les initiatives des organisations des diasporas grâce à des programmes budgétaires spécifiques;
9.3.2. à inciter les partis politiques à associer les membres des diasporas à leurs activités;
9.3.3. à encourager le recours aux nouvelles techniques de communication afin de renforcer les liens entre les différentes organisations des diasporas;
9.3.4. à créer une base de données sur les activités et réseaux des organisations des diasporas.
10. L’Assemblée invite les organisations internationales, et notamment les Nations Unies, l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), l’Organisation internationale des migrations (OIM), l’Union interparlementaire (UIP), l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et l’Union européenne, à promouvoir et à protéger les droits culturels et politiques des diasporas et à soutenir les projets destinés à favoriser leur participation démocratique.
11. L’Assemblée estime qu’elle pourrait faire office de plateforme pour développer le dialogue entre les parlementaires sur la participation des diasporas en proposant la création d’un réseau parlementaire consacré aux politiques relatives aux diasporas.

B. Exposé des motifs, par M. Rigoni, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Au fil des siècles, différentes vagues de migration ont conduit à l’installation de diasporas de migrants dans de nombreux pays européens. Au cours des dernières décennies, ces diasporas ont commencé à jouer un rôle plus actif dans la vie politique tant de leur pays d’origine que de leur pays de résidence. L’essor rapide des migrations de travail, le désir des migrants à la retraite de retourner vivre dans leur pays d’origine et le souhait de beaucoup de migrants de pouvoir participer plus activement à la vie politique de leur pays d’accueil, ainsi qu’à celle de leur pays d’origine, constituent de nouveaux défis qui touchent de nombreux secteurs.
2. L’Assemblée parlementaire a déjà travaillé sur la question des diasporas installées en Europe, pour l’essentiel dans une perspective culturelle et politique. Elle a adopté en 1999 la Recommandation 1410 (1999) sur les liens entre les Européens vivant à l’étranger et leur pays d’origine, puis en 2009 la Résolution 1696 (2009) et la Recommandation 1890 (2009) «Engagement des diasporas européennes: le besoin de réponses gouvernementales et intergouvernementales». Dans ces documents, l’Assemblée souligne la nécessité d’associer davantage les migrants à la vie politique et de renforcer ainsi leur capacité à promouvoir et à diffuser les valeurs démocratiques. L’Assemblée a également appelé ses Etats membres à élaborer des politiques de migration qui promeuvent le rôle institutionnel des diasporas.
3. Dans le présent rapport, je souhaite procéder à une analyse plus approfondie des politiques nationales et des initiatives internationales en faveur de la participation des diasporas à la vie politique.

1.1. Définition du terme «diaspora»

4. La définition classique du terme «diaspora» en tant que groupe de personnes dispersées, déracinées de leur terre natale n’a plus lieu d’être. Dans le contexte actuel, on entend par diaspora tout groupe de migrants intégrés dans leur société d’accueil, principalement en Europe et aux Etats-Unis, qui ont choisi de garder des attaches fortes avec leur culture et leur pays d’origine. Cet attachement n’est pas purement symbolique ou culturel, il s’est développé au fil des dernières décennies pour inclure désormais des liens économiques et politiques étroits.
5. Dans le présent rapport, je souhaite employer la définition du terme «diaspora» donnée par Gérard-François Dumont, qui est à mon sens la plus complète. Il définit la diaspora comme «un ensemble d’individus vivant sur un territoire et ayant en commun la certitude ou le sentiment d’être originaires, eux-mêmes ou leur famille, d’un autre territoire avec lequel ils entretiennent des relations régulières».
6. Il est important également d’établir une distinction entre les approches culturelle et politique des diasporas. L’approche culturelle cherche à faire progresser les droits culturels des groupes de diasporas, indépendamment de leur participation politique. L’approche politique met en avant leurs droits et obligations politiques. C’est à cet aspect que je m’attacherai.
7. Pour les diasporas de migrants d’aujourd’hui, l’engagement dans la vie de leur communauté d’origine est un choix. Dans la plupart des cas, les immigrants peuvent obtenir la nationalité du pays de résidence et ne sont plus fatalement liés à un groupe minoritaire.
8. Ces liens avec le pays d’origine sont facilités par le processus de mondialisation et la circulation aisée des informations, des biens et des services. Il est désormais bien plus simple pour les intéressés de voyager à l’étranger et de conserver des liens avec leurs familles. Ce phénomène de «diasporisation» des migrations ouvre de nouvelles perspectives aux migrants et aux pays avec lesquels ils ont des attaches.
9. Toutefois, je suis opposé aux politiques qui classent les diasporas en deux catégories comme le fait, en Serbie, la «Loi sur la diaspora et les Serbes de la région». Une telle approche de la question des diasporas peut s’avérer contreproductive pour l’intégration des Serbes vivant dans les pays voisins car elle risque d’engendrer des tensions. Dans le cas des diasporas de seconde génération, de telles politiques peuvent conduire à des conflits au sein des familles.

1.2. La diaspora, passerelle entre les migrants, leur pays de résidence et leur pays d’origine

10. La diaspora ne devrait pas être réduite au pays de résidence ou au pays d’origine. Elle pourrait plutôt être qualifiée de troisième identité intermédiaire, qui se nourrit des échanges, réels ou imaginaires, entre les deux pays. Bien souvent, la diaspora invente ce «trafic», créant ainsi un média spontané capable de rapprocher les pays sur le plan culturel, économique et politique.
11. La diaspora est en quelque sorte une passerelle culturelle, économique et politique entre le pays de résidence et le pays d’origine. Grâce à la littérature, à l’art, aux médias et aux sports, elle établit une relation dynamique entre les deux mondes.
12. Le bilinguisme des membres des diasporas devrait être considéré comme un atout dans l’économie mondialisée. Il convient de le promouvoir.
13. Les diasporas ont une longue tradition de soutien économique des personnes restées dans les pays d’origine. Les transferts de fonds des membres de diasporas jouent souvent un rôle majeur dans les économies nationales de certains pays d’origine et peuvent contribuer à leur compétitivité dans les relations commerciales internationales. La nouveauté tient cependant au fait que l’activité accrue des diasporas peut susciter une remise en question des relations interétatiques existantes et contribuer ainsi au renforcement des contacts entre pays d’origine et de résidence.
14. En tant que vecteur de réconciliation, la diaspora peut transformer les tensions du passé en possibilités de coopération future entre le pays de résidence et le pays d’origine. Il est avéré que ses spécificités culturelles tendent à enrichir les sociétés modernes plutôt qu’à entraver leurs progrès.

1.3. Le rôle des diasporas dans les changements démocratiques

15. Les diasporas contribuent également à faire voler en éclat les stéréotypes négatifs qui perdurent dans les pays d’origine ou de destination. Dans les faits, la diaspora est un facteur de réconciliation qui nous aide à surmonter les traumatismes politiques du passé. Dans les pays du Maghreb, la diaspora a remplacé l’image de l’Europe laissée par les puissances coloniales française ou espagnole par celle d’une Europe moderne et démocratique qui offre aux individus de nombreuses possibilités de réussite et de prospérité économique.
16. Les diasporas qui vivent dans des pays démocratiques aspirent généralement à promouvoir dans leur pays d’origine toutes les valeurs qu’elles jugent positives dans leur pays de résidence. Plus généralement, les migrants sont dans leur grande majorité porteurs de valeurs universelles, créant un discours pluraliste qui encourage la paix et le dialogue entre diverses civilisations et traditions.
17. Au cours des vingt dernières années, les diasporas sont devenues une force motrice, capable d’exporter l’expérience de la démocratie dans leur pays d’origine. Les organisations de diasporas ont activement œuvré à l’instauration et au renforcement de la société civile dans beaucoup de pays d’Europe centrale et orientale. Elles ont grandement contribué au processus de construction de la nation. A titre d’exemple, après leur retour en Lettonie, en Lituanie et en Géorgie, les représentants de la diaspora ont activement participé au leadership politique dans ces pays.
18. Lorsqu’ils se rendent en visite dans leur pays d’origine, les migrants s’attendent à bénéficier du même traitement que dans leur pays de résidence: transparence, responsabilité, égalité entre les femmes et les hommes, égalité des chances et justice équitable. Leur exposition aux valeurs démocratiques fait d’eux de fervents défenseurs de la démocratie et des droits de l’homme. Leur participation politique et sociale au sein de leur communauté d’origine les amène par ailleurs à lutter contre la discrimination et les disparités économiques.

2. Le droit de vote pour les membres des diasporas

19. Pour les membres des diasporas, la participation politique reste une question essentielle. Sur un plan général, les groupes de diasporas devraient être autorisés à participer à tout processus électoral qui affecte leur vie quotidienne.
20. Il convient de faire la distinction entre les membres des diasporas qui, tout en étant en situation régulière, ne détiennent pas la citoyenneté du pays hôte, et ceux qui jouissent de la double nationalité du pays hôte et de leur pays d’origine. Si les citoyens peuvent à l’évidence voter dans le pays hôte, tous les migrants en situation régulière n’ont pas ce droit.
21. Le fait d’autoriser les citoyens à l’étranger à voter dans leur pays d’origine est important pour deux raisons. Pour commencer, n’oublions pas que les diasporas participent activement au bien-être des personnes restées dans le pays d’origine. La diaspora marocaine par exemple est présente dans plus d’une centaine de pays. Elle est très attachée à ses racines et a développé un solide relais financier entre les pays de résidence et le Maroc (selon certaines estimations, les transferts de fonds de la diaspora marocaine seraient parmi les plus importants au monde) 
			(2) 
			Cesari (2013), «Les
réseaux transnationaux entre l’Europe et le Maghreb: l’international
sans territoire», Hommes & migrations,
n° 1303-3, p. 37-45.. Deuxièmement, la possibilité pour les citoyens de voter depuis l’étranger n’est pas qu’une simple question d’égalité entre les résidents et non-résidents, mais également entre tous les expatriés. En effet, les citoyens non-résidents aisés peuvent recourir à des voies officielles et des canaux informels pour porter leurs préoccupations sur la scène politique et influer sur le processus décisionnel, tandis que les personnes moins fortunées sont privées de leur seul moyen d’intervenir dans le débat politique dans leur pays d’origine.

2.1. Le vote des diasporas dans les pays d’origine

22. L’extension du droit de vote dans le pays d’origine aux diasporas devrait logiquement découler de la nationalité des personnes expatriées, mais le fait d’autoriser les votes depuis l’étranger reste la prérogative de chaque Etat.
23. La plupart des Etats membres du Conseil de l’Europe permettent à leurs citoyens d’exercer leur droit de vote hors du territoire de leur pays d’origine.
24. Deux problèmes se posent, s’agissant de la question du droit de voter depuis l’étranger: le droit de vote et d’éligibilité dans les divers types d’élections, et les modalités de vote à l’étranger (voir l’annexe 1).
25. Le droit de voter et d’éligibilité est essentiel pour garantir la participation démocratique des membres des diasporas. La plupart des pays européens permettent à leurs citoyens de voter à l’étranger, mais certains imposent des restrictions liées à la durée de leur séjour à l’étranger ou à leur activité. Cependant, il est des pays tels que l’Irlande, où seules les personnes remplissant des missions officielles à caractère diplomatique ou militaire sont autorisées à voter à l’étranger. Dans d’autres, les restrictions concernent la durée du séjour à l’étranger; au-delà d’un certain seuil, les citoyens perdent leur droit de vote. En Allemagne, le seuil est de 25 ans et au Royaume-Uni de 15 ans.
26. Dans la pratique, la participation au vote à l’étranger peut être entravée par des exigences bureaucratiques ou juridiques liées à l’enregistrement des électeurs ou à la procédure de vote. Ainsi, l’enregistrement des électeurs est souvent réalisé par les missions diplomatiques, pouvant couvrir de très vastes régions de votants potentiels. Des problèmes financiers ou logistiques peuvent empêcher des électeurs de se rendre dans des missions diplomatiques situées dans d’autres villes. De telles difficultés sont facilement surmontables par l’introduction à grande échelle de l’enregistrement et du vote électronique ou par voie postale.
27. Les Etats européens ont mis en place quatre modes principaux d’expression des suffrages: le vote en personne, le vote par correspondance, le vote par procuration et le vote électronique. Cependant, les pays ont recours dans leur majorité au vote en personne (Albanie, Bulgarie, Croatie, Chypre, Finlande, Géorgie, Hongrie, Islande, République de Moldova, Monaco, Monténégro, Roumanie, Russie, Serbie, «l’ex-République yougoslave de Macédoine», République tchèque, Ukraine); en d’autres termes, les citoyens vont exprimer leur suffrage dans des bureaux de vote généralement mis en place dans les ambassades. Le deuxième mode le plus couramment employé est le vote par correspondance. Il est pratiqué en Allemagne, en Autriche, en Irlande, en Italie, au Liechtenstein, au Luxembourg, en République slovaque et en Espagne. Le vote par procuration est pratiqué par les Pays-Bas, la Suède et le Royaume-Uni. Seuls trois pays du Conseil de l’Europe utilisent le vote électronique (Estonie, France et Suisse). Quelques pays proposent deux types de vote: vote en personne et par correspondance (Bosnie-Herzégovine, Danemark, Lettonie, Lituanie, Norvège, Portugal, Slovénie), vote par correspondance et par procuration aux Pays-Bas et au Royaume-Uni. Seuls quelques rares pays proposent plus de deux modes différents (Belgique, Estonie, France, Pologne, Suède et Suisse). Enfin, l’Albanie, l’Andorre, l’Arménie, la Grèce, Malte et Saint-Marin n’autorisent toujours pas le vote depuis l’étranger. Le choix du mode d’expression des suffrages est déterminant: il est prouvé que le vote en personne favorise les citoyens vivant dans les capitales alors que le vote par procuration (y compris le vote par correspondance et électronique) suscite une certaine réticence dans la mesure où il n’offre pas aux personnes de réelle garantie quant au respect de leur volonté. Le vote direct (y compris le vote par correspondance et électronique) est le moyen le plus efficace d’assurer aux citoyens non-résidents une participation équitable.
28. Les élections auxquelles les citoyens non-résidents peuvent participer diffèrent d’un pays à l’autre. A titre d’exemple, les expatriés allemands ne peuvent exprimer leur suffrage qu’à l’occasion des élections législatives, tandis que les citoyens français ont la possibilité de voter aux élections présidentielles, aux élections législatives et aux référendums.
29. Le Danemark, l’Irlande, Chypre et Malte n’autorisent pas leurs citoyens à prendre part aux scrutins nationaux ou régionaux une fois qu’ils ont quitté leur pays d’origine 
			(3) 
			Viviane Reding défend
le droit de vote des expats, 30 janvier 2014, Euractive.. La récente enquête Eurobaromètre sur les droits électoraux a montré que près des deux tiers des Européens considèrent ces dispositions législatives injustifiées 
			(4) 
			Droits
électoraux, Eurobaromètre Flash 364, mars 2013.. Pour s’attaquer au problème, la Commission européenne a publié des recommandations à l’intention des Etats membres qui continuent de priver leurs expatriés de leurs droits électoraux. Elle invite les Etats membres concernés à permettre à leurs ressortissants vivant à l’étranger de conserver leur droit de vote aux élections nationales s’ils peuvent prouver la persistance de leur intérêt pour la vie politique de leur pays, notamment en demandant à rester inscrits sur les listes électorales 
			(5) 
			Privation
du droit de vote: la Commission prend des mesures pour défendre
le droit de vote des citoyens de l’UE résidant à l’étranger, communiqué
de presse, Commission européenne, Bruxelles, 29 janvier 2014..
30. Les systèmes électroniques jouent un rôle croissant dans l’extension de la démocratie et l’établissement de liens démocratiques entre les Etats. En 2004, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a adopté la Recommandation Rec(2004)11 relative au vote électronique, qui définit les normes générales de ce processus afin d’écarter tout risque de fraude, et en 2007 l’Assemblée a adopté la Résolution 1591 (2007) sur le vote à distance, qui appelle les Etats membres à introduire ce mode de scrutin.
31. L’introduction du vote électronique comme mode additionnel de scrutin peut significativement faciliter la participation des diasporas aux élections. La pratique du vote électronique à distance par les électeurs estoniens vivant à l’étranger a permis d’enregistrer une diminution du coût de transaction et une meilleure efficacité du processus électoral, mais sans entraîner pour autant une augmentation sensible de la participation aux élections. Les gouvernements des Etats membres du Conseil de l’Europe pourraient se pencher sur le vote électronique car il peut rendre le vote à l’étranger moins onéreux et plus accessible.
32. Certains pays européens proposent aux membres de leur diaspora que leurs intérêts soient représentés au sein du parlement national. Depuis 1948, la France octroyé aux membres de sa diaspora le droit d’élire 12 sénateurs. Et depuis 2012, la diaspora est également représentée à l’Assemblée nationale. Dans mon pays, les membres de la diaspora italienne ont la possibilité d’élire par correspondance 12 représentants au parlement national et six sénateurs chargés de défendre leurs intérêts. La pratique positive de la Croatie, de la France, de l’Italie, du Portugal et de la Roumanie devrait être suivie par d’autres pays européens.

2.2. Le vote des diasporas dans les pays de résidence

33. S’agissant du droit de vote des étrangers, la situation varie grandement selon les Etats membres. Pour ce qui est des élections législatives et présidentielles, sans exception ou presque, seuls les ressortissants sont habilités à voter. Les choses diffèrent au niveau local et beaucoup de pays accordent le droit de vote aux étrangers après une certaine période de résidence, par exemple cinq ans. En effet, cette mesure est prévue notamment par la Convention du Conseil de l’Europe sur la participation des étrangers à la vie publique au niveau local (STE n° 144). Mais certains pays sont encore réticents à accorder le droit de vote aux étrangers.
34. Au sein de l’Union européenne, tous les ressortissants de l’Union européenne disposent du droit de vote et d’éligibilité aux élections locales et européennes dans leur pays de résidence, au même titre que les nationaux. Pourtant, 13 pays de l’Union européenne n’étendent pas ce droit aux élections nationales ou régionales.
35. Les disparités demeurent importantes entre les Etats membres, en particulier au niveau local. La France, par exemple, n’autorise pas les étrangers non ressortissants de l’Union européenne à voter, même à l’échelon local. Le débat sur la question du droit de vote des étrangers perdure depuis plus de trente ans et divise toujours autant la société française 
			(6) 
			Hervé
Andres, Political Participation and voting rights of foreign residents
in France: a policy brief, Migration Citizenship Education, Migration Citizenship Education, 2009.. En Belgique, en Allemagne, en Irlande et en Suède, les ressortissants de pays non membres de l’Union européenne peuvent exprimer leur suffrage lors des scrutins locaux 
			(7) 
			Ibid..
36. Par ailleurs, le droit de vote des étrangers aux élections nationales ou locales soulève également la question des relations bilatérales interétatiques, dans la mesure où beaucoup de pays autorisent les ressortissants de pays non membres de l’Union européenne à voter à la condition qu’ils soient issus d’un pays où leurs propres ressortissants sont habilités à faire de même; le Portugal par exemple permet aux citoyens d’Etats non membres de l’Union européenne d’exprimer leur suffrage aux élections locales sur une base de réciprocité 
			(8) 
			Ministère portugais
des Finances et de l’Administration publique, Guidelines
for foreign citizens, <a href='http://www.dgap.gov.pt/eng/index.cfm?OBJID=eb0dd6be-e6e2-46e4-9f39-d5975d5c966d'>www.dgap.gov.pt/eng/index.cfm?OBJID=eb0dd6be-e6e2-46e4-9f39-d5975d5c966d</a>..
37. La classification des migrants en fonction de leur origine ne devrait pas intervenir dans la question du droit de vote des étrangers. Malheureusement, je me dois de souligner qu’elle reste souvent le seul critère de détermination de ce droit.
38. La plupart des pays du monde, y compris de l’Union européenne, continuent de priver les étrangers du droit de vote en dépit de leurs politiques avancées en matière d’intégration. Tant que les migrants ne bénéficieront pas du droit de vote, au moins aux élections locales, tout processus d’intégration demeurera incomplet.
39. L’octroi du droit de vote aux migrants dans leur pays de résidence les protégera dans une certaine mesure contre les stéréotypes racistes dont ils peuvent faire l’objet dans les campagnes électorales. Devenues des groupes politiques, les diasporas de migrants susciteront l’intérêt des partis politiques en lice et cesseront de servir de boucs émissaires pour attirer les voix racistes et populistes.
40. La mise en œuvre du droit de vote et d’éligibilité pour les diasporas dans les pays de résidence leur permet de prendre part aux processus décisionnels sur des questions qui ont trait à leur vie quotidienne et en fait des membres responsables de la société.

2.3. Les obstacles à la participation électorale des diasporas

41. Les obstacles à la participation des diasporas sont multiples: de nombreuses difficultés viennent entraver leur participation à la vie politique tant de leur pays d’origine que de leur pays de résidence.
42. Même si les pays d’origine autorisent leurs ressortissants expatriés à exprimer leur suffrage, les dispositions juridiques permettant le vote depuis l’étranger font souvent défaut. Les moyens disponibles (vote en personne, par correspondance ou par procuration) ne garantissent pas l’égalité d’accès aux urnes aux citoyens résidents et non-résidents et entraînent de ce fait une certaine abstention qui, à son tour, vient conforter la position des opposants à l’extension du droit de vote depuis l’étranger. D’autre part, le nombre de scrutins lors desquels les citoyens non-résidents sont habilités à voter est restreint.
43. Pour les pays comptant un grand nombre d’expatriés (par exemple l’Arménie, la Russie, la Turquie), la participation de la diaspora aux élections nationales peut être cruciale pour le résultat du scrutin. Ceci explique en partie la réticence de ces pays à introduire le vote à l’étranger dans leur législation
44. Le vote de la diaspora ne peut être abordé en faisant abstraction des aspects financiers et organisationnels du processus électoral. Il nécessite des ressources financières et humaines considérables et s’accompagne souvent de difficultés logistiques. De plus, pour les pays rencontrant des problèmes d’organisation de leurs scrutins sur leur territoire national, il sera encore plus difficile de mettre en place un processus électoral adéquat à l’étranger, notamment dans les pays accueillant une diaspora nombreuse 
			(9) 
			Voting from Abroad,
chapitre 3. The legal framework and an overview of electoral legislation,
Dieter Nohlen et Florian Grotz, International IDEA/IFE, 2007, p.
73..
45. L’absence d’institutions démocratiques dans le pays d’origine est le principal obstacle à la participation de la diaspora à la vie politique.
46. La xénophobie est une autre raison fréquente expliquant que les membres des diasporas préfèrent abandonner la scène politique, qu’ils considèrent comme une source de problème plutôt que d’autonomisation sociale.
47. Les partis politiques ne proposent généralement pas de programme spécial pour attirer les électeurs et les candidats des diasporas.
48. Il convient de prendre en considération l’ensemble de ces problèmes afin d’améliorer la participation politique des diasporas de migrants.

2.4. Etudes de cas sur le vote des diasporas

2.4.1. Serbie

49. Le droit de la diaspora serbe de participer aux élections nationales a été institué en 2004. Depuis lors, trois élections ont eu lieu. Les membres de la diaspora peuvent voter dans les missions diplomatiques ou en Serbie.
50. Lors des dernières élections, sur les quatre millions de Serbes vivant à l’étranger, seuls 6 800 d’entre eux se sont inscrits sur les listes électorales. Des raisons politiques et procédurales peuvent expliquer ce faible taux de participation de la diaspora aux élections. Les politiques des précédentes autorités serbes qui étaient hostiles à la diaspora, cette dernière représentant l’opposition politique, dissuadaient la diaspora de participer à la vie politique de la Serbie. Les Serbes vivant dans les pays voisins ont été la cible de tentatives d’instrumentalisation par les responsables politiques en Serbie et ont été souvent marginalisés dans les pays où ils vivent.
51. S’agissant des raisons procédurales, on compte parmi les principaux problèmes le nombre insuffisant de bureaux de vote, l’obligation faite aux électeurs de s’inscrire sur les listes électorales 20 jours avant les élections et le vote en personne dans le bureau de vote où ils sont censés voter, ce qui, en pratique, oblige les électeurs à se rendre deux fois dans ledit bureau, une première fois pour s’inscrire et une seconde fois pour voter. Par conséquent, sur les 6 800 membres de la diaspora inscrits sur les listes électorales, seuls 4 826 ont voté.
52. A mon sens, il faut que les autorités serbes procèdent à une analyse approfondie de ces raisons politiques et procédurales qui entravent la participation active de la diaspora serbe aux élections. Elles souhaiteront peut‑être renforcer leur action en vue d’établir une communication beaucoup plus intense avec la diaspora serbe, l’associer à la préparation des élections et simplifier les procédures électorales.
53. S’agissant de la participation politique de la diaspora en Serbie même, je me félicite de l’intention du Parlement serbe de réserver aux représentants des minorités des sièges au parlement.

2.4.2. Turquie

54. Le 10 août 2014, la Turquie a tenu son élection présidentielle et, pour la première fois, la diaspora turque a été autorisée à s’inscrire pour voter de l’étranger. En Europe, il y a environ quatre millions de citoyens turcs dont trois millions vivent en Allemagne. Les Pays‑Bas, la France, la Belgique et l’Autriche comptent également un grand nombre d’immigrés turcs. Lors des précédentes élections, la diaspora turque n’avait été autorisée à voter qu’aux postes‑frontières de la Turquie, mais après l’adoption, en 2012, de l’amendement à la loi sur les élections, 103 bureaux de vote ont été ouverts dans 54 pays. Etant donné qu’il y a en Turquie, plus de 52 millions de personnes ayant le droit de vote, le vote de la diaspora compte pour les partis politiques car il représente environ 5 % du total.
55. La principale difficulté rencontrée par la Turquie pour préparer l’élection était une certaine réticence à coopérer à l’organisation du processus électoral manifestée par les pays de résidence, à savoir, en premier lieu, l’Allemagne où, compte tenu du grand nombre d’électeurs, le processus électoral a dû se dérouler sur plusieurs jours et a exigé d’importantes ressources financières et humaines.
56. Les résultats de l’élection présidentielle ont montré que sur les 2,8 millions ou presque de membres de la diaspora turque ayant le droit de vote, seuls 232 000 ont bel et bien voté. Les problèmes procéduraux et logistiques constituent les principales raisons de cette faible participation 
			(10) 
			Turkey’s expanding
democracy (la démocratie turque en expansion). Opinion, Daily Sabah (Rubrique «Opinion»
du quotidien Sabah), 11 août
2014..
57. Certains électeurs ont dû faire de longs trajets pour se rendre dans les bureaux de vote. En Allemagne, pays qui, comme indiqué, accueille près de trois millions de Turcs, il n’y avait que sept bureaux de vote et les électeurs ont dû parfois parcourir des centaines de kilomètres pour participer au scrutin.
58. En outre, les citoyens turcs devaient, avant la période électorale, obtenir un rendez‑vous de l’ambassade dans leur pays de résidence pour s’inscrire sur les listes électorales. Toutefois, certains d’entre eux ne le savaient même pas. Le système de convocation a été un échec; en effet, nombre de personnes sont rentrées chez elles sans avoir été inscrites ou avoir pu voter car elles étaient en retard et ont été refoulées.
59. La législation relative aux élections a donné au Conseil électoral le pouvoir d’obliger les électeurs à prendre rendez‑vous mais a prévu des dérogations en cas d’afflux trop important à gérer. De nombreuses personnes ayant manqué leur rendez‑vous n’ont pas été autorisées à voter. Le Conseil avait précédemment rejeté la demande de l’AKP, le parti au pouvoir, visant à fixer des dates mais sans convocation individuelle pour les électeurs.
60. De manière générale, l’organisation du vote de la diaspora a été très onéreuse. Un seul suffrage exprimé à l’étranger a coûté 38 fois plus qu’une seule voix exprimée en Turquie même, compte tenu du faible taux de participation. Un vote depuis l’étranger coûte à l’Etat en moyenne près de $US 140 alors que le coût en Turquie s’élève à moins de $US 4. La Turquie a consacré plus de $US 30 millions pour faire voter la diaspora 
			(11) 
			Hype
fails to match reality for Turkey’s overseas voters (dissonance
entre le battage autour de l’élection et la réalité pour les électeurs
turcs de l’étranger), Furkan Naci Top, Agence Anadolu, 6 août 2014..
61. A mon sens, bien que le vote en personne soit la méthode la plus courante pour faire participer la diaspora, les votes par procuration et par correspondance sont d’autres méthodes qui permettent aux citoyens vivant à l’étranger de voter et plus de 60 pays y ont recours. Certains pays pratiquent aussi le vote par internet. Pour faciliter le processus électoral, la Turquie pourrait envisager d’instaurer à l’avenir ce type de vote pour la diaspora.

3. Les politiques nationales en faveur de la participation des diasporas à la vie politique

3.1. Politiques et stratégies des pouvoirs publics dans les pays d’origine

3.1.1. Double nationalité

62. Plusieurs raisons viennent expliquer l’intérêt des pays d’origine en faveur de la définition de politiques et de stratégies à l’égard des diasporas. Avec le développement des migrations transnationales, il est d’autant plus important de maintenir des liens avec les communautés de migrants, en particulier lorsqu’elles sont en mesure d’exercer leur droit de vote.
63. L’un des moyens de préserver l’engagement des membres des diasporas dans leur pays d’origine consiste à leur offrir la possibilité d’avoir la double nationalité. De plus en plus de pays adoptent cette pratique.
64. Cependant, certains pays d’origine sont très réticents à cet égard, notamment parce qu’ils redoutent la forte influence que pourraient avoir les votes depuis l’étranger sur le résultat des élections.
65. L’introduction de la double nationalité au Maroc, par exemple, permet aux migrants d’influer sur la transformation sociale, culturelle et politique de la société marocaine. Dans les années 1970 et 1980, les migrants ont commencé à adhérer aux valeurs européennes de justice, de transparence et de liberté au point de se les approprier et de mettre en avant ces valeurs universelles pour développer les régions isolées et rurales du Maroc délaissées par l’Etat. La diaspora marocaine agit par ailleurs comme un groupe de pression, invitant la société et l’Etat à moderniser les pratiques institutionnelles et culturelles, à réformer les lois du pays, notamment en matière d’égalité entre les femmes et les hommes, à réduire l’écart économique entre les villes et les campagnes et à promouvoir l’éducation des femmes et des personnes défavorisées.
66. En Serbie, la double nationalité est une pratique très positive, notamment pour les Serbes de la région. Leurs enfants peuvent aller à l’université en Serbie et voyager dans le monde entier avec un passeport serbe. Les minorités nationales en Serbie ont également la possibilité d’avoir la double nationalité, ce qui leur permet de garder de meilleurs contacts avec leur pays d’origine.
67. Un autre moyen d’impliquer les diasporas consiste à légaliser leur statut. Compte tenu du nombre important de migrants (près de six millions), la Turquie a introduit une carte d’identité spéciale, la «carte bleue», pour les membres de sa diaspora installés dans les pays n’acceptant pas la double nationalité ou ayant renoncé à la nationalité turque. Elle tient lieu à la fois de permis de résidence et de travail en Turquie et permet à ses détenteurs d’acquérir un bien.
68. Cela dit, je voudrais mettre en garde contre la manipulation par certains Etats du statut de double nationalité pour servir leurs propres intérêts politiques. La double nationalité ne doit pas être utilisée pour promouvoir des politiques expansionnistes et violer la souveraineté des Etats.

3.1.2. Institutions gouvernementales

69. Pour répondre aux besoins des diasporas, certains pays d’origine adoptent également des politiques publiques et créent des institutions spécialement chargées des relations avec les diasporas (Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie, Lituanie, Pologne, Roumanie, Fédération de Russie et Turquie). Ces politiques ont pour but de favoriser la participation de la diaspora à l’étranger et de maintenir des contacts réguliers avec elle.
70. Pour la mise en œuvre de ces politiques, certains pays mettent en place des institutions gouvernementales spéciales et vont parfois jusqu’à nommer des ministres (Arménie, Géorgie, Serbie et Turquie) ou des secrétaires d’Etat (France et Portugal) responsables des politiques relatives aux diasporas. Des commissions intergouvernementales et parlementaires sont également en place pour coordonner les actions en faveur de la participation des diasporas aux niveaux exécutif et législatif.
71. L’Arménie dispose de l’une des diasporas les plus importantes (7,5 millions de personnes alors que l’Arménie compte seulement de 2,5 millions d’habitants). La diaspora arménienne est disséminée dans plus d’une centaine de pays et bénéficie d’une politique gouvernementale modèle bien établie. Coordonnée par le ministère de la Diaspora, cette politique comprend divers mécanismes destinés à renforcer la collaboration avec la diaspora. Il s’agit notamment du Fonds panarménien «Haïastan», dirigé par le Président de la République d’Arménie, qui coordonne l’assistance financière de la diaspora à l’Arménie. Tous les trois ans, le ministère organise les Conférences Arménie-diaspora pour discuter de sujets d’intérêt nationaux, ainsi que des festivals culturels et des jeux sportifs panarméniens.
72. La représentation diplomatique à l’étranger joue également un rôle important dans le maintien des relations avec les représentants de la diaspora. Certains pays européens ont créé un poste de conseiller de la diaspora au sein de leurs ambassades et services consulaires. Ces conseillers sont chargés d’apporter une assistance juridique et de faciliter la création d’entreprises et l’établissement de contacts culturels avec leur pays. Ces dernières années, compte tenu de l’augmentation des mouvements migratoires, de nombreux migrants ont sollicité leurs représentants diplomatiques pour leur poser diverses questions relatives à leur statut ou à des procédures administratives et obtenir une protection sociale. Cependant, les ambassades et consulats ne disposent pas toujours du personnel qualifié pour répondre à ces demandes. Les pays d’origine devraient par conséquent étoffer leurs représentations diplomatiques et les doter d’un personnel formé, capable d’apporter leur aide aux membres des diasporas.
73. Les pays d’origine devraient porter une attention particulière aux politiques en faveur de la participation des diasporas. En l’absence de programmes et de politiques de ce type dans le pays d’origine, les migrants des deuxième et troisième générations risquent de se sentir exclus comme l’étaient leurs parents et leurs grands-parents en Europe dans les années 1960 et 1970. Les difficultés qu’ils rencontrent pour s’engager peuvent les empêcher de servir leur pays d’origine même si leurs qualifications et leur expérience professionnelle y sont recherchées.

3.1.3. Participation des diasporas

74. Aucune politique de soutien des diasporas ne sera couronnée de succès sans sa participation directe à son processus d’élaboration. Des représentants de la diaspora peuvent être associés à titre individuel, en qualité de spécialistes. Mais cette participation peut également prendre la forme de conseils des diasporas. Plusieurs pays européens ont créé des organes consultatifs de ce type où siègent les élus de différentes diasporas.
75. Les pays d’origine ont également intérêt à développer des actions de lobbying de la diaspora à l’étranger afin de soutenir leur ordre du jour politique. C’est pourquoi ils soutiennent les organisations de la diaspora, encouragent le droit de vote de la diaspora dans le pays d’accueil et organisent des forums des diasporas.
76. En 2011, le Parlement maltais a adopté une loi portant création du Conseil des Maltais à l’étranger. Les recommandations formulées par ce conseil sont mises en œuvre par l’organe exécutif 
			(12) 
			Les diasporas et le
développement: trait d’union entre la société et l’Etat, Conférence
ministérielle sur la diaspora, 18-19 juin 2013, n° 22, Dialogue
international sur la migration, OIM, Genève, p. 41.. L’Estonie a aussi mis en place un Conseil des expatriés. Le Maroc est également un exemple intéressant à cet égard. En 1990, sous l’égide du roi Hassan II, la Fondation Hassan II pour les Marocains résidant à l’étranger a été créée afin de promouvoir la coopération économique et culturelle avec la diaspora et d’aider ses membres. Conjointement avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), la Fondation a mis en place l’Observatoire de la communauté marocaine résidant à l’étranger (OCMRE), qui sert de système d’information pour le gouvernement sur toutes les questions de gestion des migrations.
77. La «Loi sur la diaspora et les Serbes de la région», adoptée en Serbie en 2009, instaure une Assemblée de la diaspora qui comprend 45 membres délégués par les différentes diasporas. Cette Assemblée est la plus haute instance de la diaspora et a pour tâche principale de recenser les problèmes de la diaspora et d’élaborer des stratégies pour les régler. En outre, elle instaure des conseils de diaspora, à savoir le Conseil économique, le Conseil du statut et le Conseil pour la culture, l’éducation, la science et les sports, et nomme des représentants en leur sein.
78. L’organisation de forums et de conventions est un autre moyen de toucher les diasporas. L’Arménie, Malte, l’Ukraine et la Fédération de Russie proposent régulièrement ce type de manifestations. En 2013, l’Irlande a accueilli la première édition européenne du Global Diaspora Forum à Dún Laoghaire (Dublin).
79. Les membres des diasporas peuvent également exercer leur influence politique en apportant un soutien financier à certaines forces politiques. Ce fut notamment le cas en 1990 en Croatie, lorsque la diaspora croate a fait don de $US 4 millions afin de soutenir la campagne électorale de Franjo Tudjman. Elle a en retour obtenu 12 des 120 sièges du Parlement croate 
			(13) 
			The
Political importance of Diaspora, Steven Vertovec, Centre on Migration,
Policy and Society, Working paper No.13, université d’Oxford, 2005,
p. 6. . Les mesures de ce type peuvent, à mon avis, s’avérer extrêmement problématiques et il convient de les proscrire dans une société démocratique où l’argent ne devrait pas influencer les suffrages exprimés par le peuple.
80. Certains pays européens ont mis en avant dans leurs politiques leur intérêt à voir revenir les membres hautement qualifiés des diasporas. La Fédération de Russie, par exemple, a adopté un Programme national visant à faciliter la réinstallation volontaire en Russie de compatriotes vivant à l’étranger. Ce programme a pour double objectif d’attirer des professionnels qualifiés et d’améliorer la situation démographique du pays 
			(14) 
			Diasporas and Development
in Post-Communist Eurasia par Timothy Heleniak, université du Maryland,
American Geographical Society, Migration, Information Source, p.
6..
81. Depuis 2011, de nombreux progrès ont été accomplis par le ministère serbe de l’Education s’agissant d’élaborer et de mettre en œuvre un programme spécial pour l’apprentissage, au niveau de l’enseignement primaire, de la langue serbe dans les pays étrangers. Depuis lors, 3 685 élèves ont participé à ce programme dans le monde entier. Il existe également un programme destiné aux étudiants de la diaspora qui souhaitent s’inscrire dans une université serbe: 2 % des places disponibles dans l’ensemble des universités sont réservées gratuitement aux étudiants de la diaspora. Un système distinct de bourses d’études a été institué par «La Serbie pour les Serbes de la région» en faveur des jeunes appartenant aux communautés de souche serbe dans les pays de la région. Au total, 40 bourses ont été attribuées pour l’année universitaire 2012/2013.
82. Pour que les politiques publiques relatives à la participation des diasporas à la vie politique des pays d’origine soient efficaces, il faut à l’évidence que des organes exécutifs soient chargés de leur application et que des ressources financières soient mises à disposition. Les diasporas devraient être invitées à participer activement au processus d’élaboration des politiques afin de garantir la prise en compte de leurs préoccupations au niveau national. Leurs capacités intellectuelles et financières pourraient s’avérer bénéfiques pour la mise en œuvre de certains programmes gouvernementaux. Les pays d’origine pourraient également promouvoir la participation des membres des diasporas en leur octroyant la double nationalité ou un statut juridique spécial et en facilitant leur liberté de circulation et l’exercice d’une activité économique.

3.2. Action des pays de résidence

83. En règle générale, les pays de résidence n’élaborent pas de politiques spécifiques à l’égard des diasporas. Ils ont davantage tendance à considérer les membres des diasporas comme des migrants et à les inclure dans les politiques d’insertion sociale ou d’intégration des migrants.
84. Cependant, les pays dont les politiques d’intégration des migrants ont donné de bons résultats prennent conscience du fait que la participation des diasporas peut s’avérer bénéfique tant pour les pays d’origine que pour les pays de résidence. Certains, comme le Luxembourg, la Suisse, le Portugal et l’Italie, considèrent les diasporas comme des partenaires, contribuant à promouvoir la coopération avec les pays d’origine.
85. Mon pays, l’Italie, a même créé un bureau du ministre de l’Intégration qui travaille directement avec différentes associations de diasporas. L’Italie les considère comme des partenaires du processus d’intégration des migrants. Par ailleurs, la Turquie fait référence à l’intégration en tant que participation active de la diaspora à la vie universitaire, sociale, culturelle, économique et financière du pays de résidence 
			(15) 
			Ibid., p.
28..
86. Les diasporas peuvent également contribuer dans les pays de résidence à la promotion de projets de développement de leur pays d’origine respectif. La France, l’Allemagne, le Royaume-Uni et la Suisse par exemple associent les diasporas à des structures économiques chargées de projets de développement.
87. Certains pays d’origine nouent un partenariat avec les pays de résidence afin de promouvoir la mobilité des travailleurs et d’encourager le retour des personnes qualifiées (Portugal/Ukraine, Autriche/Bosnie-Herzégovine). Les agences pour le développement des pays de résidence travaillent en étroite collaboration avec les associations de diasporas dans le cadre de différents projets menés dans les pays d’origine. L’Agence suisse pour le développement et la coopération a lancé plusieurs projets avec différents pays afin de tirer profit de la contribution potentielle des diasporas au développement des pays d’origine 
			(16) 
			Ibid., p.
60.. Les agences pour le développement du Danemark, de la Suède, de la Finlande et de la Norvège soutiennent les activités des diasporas dans des régions ou secteurs professionnels spécifiques 
			(17) 
			Engaging Diasporas
as Development Partners for Home and Destination Countries: Challenges
for Policymakers, Dina Ionescu, OIM, p. 25. .
88. Selon moi, les pays de résidence ont tout à gagner de la participation des diasporas à leurs politiques d’intégration des migrants et de leurs contacts avec leurs pays d’origine.

3.3. Activités des organisations de diasporas

89. Les représentants des diasporas s’organisent de diverses manières, notamment sous forme de communautés religieuses, d’écoles, d’associations de migrants, d’œuvres de bienfaisance, de clubs culturels, mais aussi de sections de partis politiques, d’organisations non gouvernementales (ONG), de réseaux virtuels et de groupes d’investissement.
90. Très souvent, les organisations de migrants qui ont fui leur pays en raison du régime politique en place restent hostiles à l’égard du gouvernement de leur pays d’origine, même après que des changements soient intervenus 
			(18) 
			Voice
After Exit: Diaspora Advocacy, Kathleen Newland, Migration Policy
Institute, novembre 2010, p. 5..
91. Le rôle des organisations de diasporas prend une importance grandissante dans la vie politique de certains pays d’origine et de résidence. Elles agissent en faveur du développement économique et démocratique de leur pays d’origine, contribuent à protéger les droits des diasporas en tant que groupes minoritaires dans les pays de résidence et à exprimer leur identité culturelle. Ces organisations participent également au développement des relations bilatérales entre les pays d’origine et de destination. Lorsque le climat hostile perdure dans leur pays d’origine, les organisations de diasporas servent de caisse de résonance internationale afin de faire entendre leurs préoccupations en matière de droits de l’homme et de libertés politiques.
92. Concernant la participation des organisations de diasporas à la vie politique de leurs pays d’origine et de résidence, l’essentiel de leurs actions de lobbying portent sur les questions relatives à la nationalité, au statut des migrants et au droit de vote. Elles expriment également leurs préoccupations concernant divers problèmes liés aux droits de l’homme, à la bonne gouvernance et aux choix démocratiques 
			(19) 
			Ibid., p. 13..
93. Les organisations de diasporas agissent par ailleurs en tant que partisans et instigateurs de mouvements de protestation dans leur pays d’origine, où ils sont souvent peu appréciés. En décembre 2013, des organisations de la diaspora ukrainienne du monde entier ont soutenu les manifestations pacifiques en Ukraine en faveur d’un partenariat avec l’Union européenne et des valeurs démocratiques.
94. Cette année, lors des inondations de mai 2014 en Serbie, la diaspora serbe a répondu avec diligence à l’appel du Gouvernement serbe à contribuer à trouver de l’aide pour reconstruire les régions touchées. Les représentants de la diaspora serbe du monde entier ont envoyé de l’argent, des produits alimentaires, des vêtements, des chaussures et des médicaments dans les zones serbes touchées. Selon le ministère des Finances, près de € 700 000 ont été collectés grâce à des comptes PayPal et les dons se sont élevés à plus de € 27 millions.
95. L’essor des nouvelles technologies de communication offre de nouvelles possibilités de mise en relation entre les diverses organisations de diasporas. Ces dernières recourent activement à la communication électronique pour promouvoir leurs opinions politiques et diffuser des informations sur leurs activités.
96. Dans certaines diasporas, la coopération entre les «anciennes» organisations de diasporas et celles regroupant les migrants nouvellement arrivés est encore peu développée. Or cette coopération pourrait, selon moi, être mutuellement bénéfique. Les groupes de diasporas bien établies pourraient faciliter l’intégration des migrants dans la société d’accueil, tandis que les nouveaux migrants ou les réfugiés feraient profiter ces groupes de leurs connaissances des développements politiques et culturels dans leur pays d’origine.
97. En résumé, je dirais que les organisations de diasporas sont extrêmement diversifiées et peuvent jouer des rôles multiples. Avec l’aide des nouvelles technologies, elles deviennent de plus en plus influentes sur le plan politique, tant dans leurs pays d’origine que dans les sociétés d’accueil.

3.4. Rôle des autorités locales dans la participation des diasporas

98. Les autorités locales portent la responsabilité première de la participation à la vie politique locale des représentants des diasporas qui ne sont pas citoyens du pays hôte.
99. En 1992, le Conseil de l’Europe a adopté la Convention sur la participation des étrangers à la vie publique au niveau local, évoquée précédemment. Cette convention suggère non seulement d’octroyer le droit de vote et d’éligibilité aux élections locales aux étrangers ayant résidé légalement et habituellement dans l’Etat en question pendant les cinq ans précédant les élections, mais propose également une série d’autres mesures, dont la mise en place d’organismes consultatifs auxquels les autorités locales peuvent recourir pour encourager la participation des étrangers à la gouvernance et à la prise de décisions au plan local.
100. A ce jour, seuls huit pays ont ratifié cette convention. Je voudrais appeler l’ensemble des Etats membres du Conseil de l’Europe qui ne l’ont pas encore fait à signer et ratifier cet instrument.
101. L’intégration des membres des diasporas de migrants dans les pays d’accueil est impossible sans leur participation démocratique aux élections, du moins au niveau local. Malheureusement, peu d’Etats européens accordent une priorité à cette question. A mon avis, l’exercice du droit de vote au niveau local est une condition préalable essentielle de la participation des diasporas de migrants à la vie politique du pays d’accueil.
102. Il est également important, à mon avis, que les autorités locales des régions où se sont installées des diasporas élaborent des stratégies et proposent des formes de coopération, afin d’établir le dialogue avec ces dernières, et ce dans leur intérêt mutuel.

4. Les initiatives internationales concernant les diasporas de migrants

103. Plusieurs initiatives internationales ont été mises en place par des organisations internationales telles que l’OIM, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et l’Union européenne, dans le but de formuler des recommandations sur la participation des diasporas à la vie politique et économique.
104. Dans le cadre du Dialogue international sur la migration, l’OIM a organisé en juin 2013 une Conférence ministérielle sur la diaspora, qui a rassemblé près de 500 participants dont plus de 55 ministres. Face à l’intérêt grandissant des gouvernements pour les questions ayant trait aux diasporas, cette conférence a dressé un état des lieux des programmes, politiques et initiatives publics en la matière et recensé et diffusé les bonnes pratiques les plus innovantes concernant les diasporas. L’OIM a également mis en œuvre plusieurs programmes de vote depuis l’étranger dans différents pays, notamment en Bosnie-Herzégovine et au Kosovo* 
			(20) 
			*Toute
référence au Kosovo mentionnée dans ce rapport, que ce soit le territoire,
les institutions ou la population, doit se comprendre en pleine
conformité avec la Résolution 1244 du Conseil de Sécurité des Nations
Unies et sans préjuger du statut du Kosovo..
105. A la suite d’une l’initiative conjointe entre l’OCDE et l’Agence française de développement, une étude statistique sur les diasporas a été publiée en 2012 
			(21) 
			Resserrer
les liens avec les diasporas, Panorama des compétences des migrants,
OCDE/AFD, octobre 2012.. Elle contient des informations de 140 pays sur les effectifs des populations immigrées et des diasporas et peut servir aux responsables politiques dans le cadre de l’élaboration de politiques relatives à la participation des diasporas au développement.
106. Le Parlement européen s’intéresse lui aussi aux politiques relatives aux diasporas. Il a organisé en septembre 2012 un séminaire intitulé «La Diaspora comme thème politique de l’UE». En conclusion de ce séminaire, il a été préconisé de mobiliser d’autres institutions de l’Union européenne, et notamment la Commission européenne, autour de ce thème.
107. Au niveau de la Commission européenne, les questions relatives aux diasporas sont prises en compte dans les dialogues sur les migrations et le développement menés avec des pays partenaires dans le contexte du processus de Prague, du Partenariat UE-Afrique pour la migration, la mobilité et l’emploi, du Dialogue UE-ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique) et du Dialogue UE-LAC (pays d’Amérique latine) sur les migrations.
108. Je suis cependant d’avis qu’il manque une dimension parlementaire à ces initiatives. Les parlementaires ont un rôle important à jouer dans l’élaboration de politiques relatives aux diasporas dans leurs pays. L’Assemblée parlementaire pourrait servir de plateforme pour intensifier le dialogue entre les parlementaires intéressés par ces questions et initier la création d’un réseau parlementaire consacré aux politiques relatives aux diasporas. Je suis convaincu qu’il ajouterait une valeur supplémentaire au Dialogue interministériel sur les diasporas lancé par l’OIM en juin 2013. Ce réseau pourrait être développé en étroite collaboration avec l’OIM et l’Union européenne, profitant de leur expertise et de leurs ressources pour développer une large consultation et un partage d’expérience entre les parlementaires, les experts et les diasporas.
109. Les droits culturels et politiques des diasporas doivent être reconnus et protégés par les organisations internationales telles que les Nations Unies, l’UNESCO et l’OIM.

5. Conclusions et recommandations

110. Les diasporas jouent aujourd’hui un rôle de plus en plus important dans la vie politique. Leur contribution au développement de leurs pays d’origine et leur participation active à la promotion d’une société interculturelle dans les pays d’accueil supposent la mise en place de stratégies nationales adéquates et d’un dialogue international.
111. Les nombreuses réalisations des diasporas sont à considérer comme des exemples réussis d’une double intégration. Ces exemples encouragent les pays d’origine et d’accueil à considérer les migrations non comme un problème, mais comme un trait d’union offrant d’immenses perspectives de dialogue entre pays et cultures.
112. Les membres de la diaspora ont besoin de s’organiser sous forme d’une communauté distincte, avec ses propres problèmes et demandes, s’ils veulent faire pression sur les partis politiques dans leurs pays d’origine et de résidence.
113. Les membres de la diaspora ne doivent pas seulement rechercher le droit de vote mais aussi l’occasion de présenter leurs propres candidats aux élections locales, régionales et législatives.
114. Les demandes politiques des diasporas sont bien accueillies dans les pays d’origine car elles émanent de ressortissants et ne sont pas considérées comme des ingérences extérieures. Les gouvernements des Etats membres du Conseil de l’Europe peuvent coopérer avec les associations de diasporas en tant que partenaires pour la démocratie et les droits de l’homme.
115. La plupart des constitutions du monde ont été rédigées dans un contexte de citoyenneté native, de loyauté et de souveraineté, mais il convient d’y apporter des amendements afin de prendre en compte le nombre grandissant de citoyens vivant par-delà les frontières et leur impact sur la promotion des diverses valeurs sociales, culturelles et politiques qui sont l’apanage du monde contemporain.
116. Les gouvernements ont un rôle essentiel à jouer pour associer les diasporas aux processus décisionnels, développer une collaboration entre les institutions gouvernementales et formuler des recommandations en vue de mettre sur pied des programmes visant les diasporas dans une perspective de développement économique, social et culturel.
117. Les medias ont un rôle essentiel à jouer dans la promotion de la diversité politique et culturelle au sein des nations et entre elles. Pour combattre les stéréotypes des migrants en tant que victimes ou délinquants, les chaînes de télévision, la presse écrite, le cinéma et les médias électroniques devraient leur donner des occasions sérieuses de se présenter comme des exemples de réussite au niveau international et de faire valoir leur potentiel économique et intellectuel, profitable tant au pays de résidence qu’au pays d’origine.
118. En complément des médias, les écoles restent parmi les principales institutions de promotion du pluralisme et de la diversité auprès des jeunes. Les élèves du primaire, du secondaire et au-delà doivent être informés des réalisations scientifiques, littéraires et politiques des diasporas tout au long de l’histoire.

Annexe – Tableau comparatif du vote des diasporas dans les pays d’origine

(open)

Etats membres du Conseil de l’Europe

Année

Type d’élections

Modalités de vote

Albanie

2013

Pas de vote depuis l’étranger

Pas de vote depuis l’étranger

Andorre

2013

Pas de vote depuis l’étranger

Pas de vote depuis l’étranger

Arménie

2013

Pas de vote depuis l’étranger

Pas de vote depuis l’étranger

Azerbaïdjan

2000

Législatives

• En personne

Autriche

1990

• Présidentielles, législatives, référendums

• Par correspondance

Belgique

1998

• Législatives

• En personne, par correspondance, par procuration

Bosnie-Herzégovine

2001

• Présidentielles, législatives, régionales

• En personne, par correspondance

Bulgarie

2007

• Présidentielles, législatives, élections au Parlement européen

• En personne

1990

• Présidentielles

• Législatives

• En personne

Croatie

2003

• Législatives, élections au Parlement européen

• En personne

Chypre

2011

• Présidentielles

• Législatives

• En personne

République tchèque

1996

•Législatives

• En personne

Danemark

2009

• Législatives, référendums, régionales

• En personne, par correspondance

Estonie

2002

• Législatives, référendums, élections au Parlement européen

• En personne, par correspondance, vote électronique

Finlande

1998

• Présidentielles, législatives, régionales

• En personne

France

2012

• Présidentielles, législatives, référendums, certains sièges au Sénat

• En personne, par correspondance, vote électronique

Géorgie

2011

• Présidentielles

• Législatives

• En personne

Allemagne

1985

• Législatives

• Par correspondance

Grèce

2013

Pas de vote depuis l’étranger

Pas de vote depuis l’étranger

Hongrie

2004

• Législatives, référendums

• En personne

Islande

2000

• Présidentielles, législatives, référendums, régionales

• En personne

Irlande

1923

• Présidentielles, législatives, référendums, régionales

• Par correspondance

Italie

2002

• Législatives, Référendums

• Par correspondance

Lettonie

1995

• Législatives, référendums

• En personne, par correspondance

Liechtenstein

1973

• Législatives, référendums, régionales

• Par correspondance

Lituanie

1992

• Présidentielles, législatives, référendums

• En personne, par correspondance

Luxembourg

2005

• Législatives, référendums, régionales, élections au Parlement européen

• Par correspondance

Malte

2013

Pas de vote depuis l’étranger

Pas de vote depuis l’étranger

République de Moldova

1997

• Présidentielles, législatives, référendums

• En personne, par correspondance

Monaco

2006

• Législatives

• En personne

Monténégro

1998

• Législatives

• En personne

Pays-Bas

1989

• Législatives

• Par procuration, par correspondance

Norvège

2002

• Législatives, régionales

• En personne, Par correspondance

Pologne

2011

• Présidentielle, Législative, Référendums, Elections au Parlement européen

• En personne, par correspondance, par procuration, Fax

Portugal

1997

• Présidentielles, législatives, référendums

• En personne, par correspondance

1974

• Législatives

• Par correspondance

Roumanie

2008

• Présidentielles

• Législatives

• En personne

Fédération de Russie

2003

• Présidentielles, législatives, régionales, référendums

• En personne

Saint-Marin

2013

Pas de vote depuis l’étranger

Pas de vote depuis l’étranger

Serbie

2000

• Législatives

• En personne

République slovaque

2004

• Législatives

• Par correspondance

Slovénie

1992

• Présidentielles, législatives, référendums

• En personne, par correspondance

Espagne

2011

• Législatives, référendums

• Par correspondance

Suède

2005

• Législatives, référendums

• En personne, par correspondance, par procuration

Suisse

2011

• Législatives, régionales, référendums

• En personne, par correspondance, vote électronique

«L’ex-République yougoslave de Macédoine»

2006

• Présidentielles, législatives

• En personne

Turquie

2012

Pas de vote depuis l’étranger

Pas de vote depuis l’étranger

Ukraine

1999

• Présidentielles, législatives, référendums

• En personne

Royaume-Uni

2011

• Législatives, référendums

• Par correspondance, par procuration

Source: Institut international pour la démocratie et l’assistance électorale (IDEA), base de données: Voting from abroad (mise à jour le 6 décembre 2013)