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Résolution 2030 (2015) Version finale

Le respect des obligations et engagements du Monténégro

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 27 janvier 2015 (4e séance) (voir Doc. 13665, rapport de la commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l'Europe (commission de suivi), corapporteurs: M. Kimmo Sasi et M. Terry Leyden). Texte adopté par l’Assemblée le 27 janvier 2015 (4e séance).

1. En juin 2012, l’Assemblée parlementaire a adopté la Résolution 1890 (2012) sur le respect des obligations et engagements du Monténégro, décidant de poursuivre la procédure de suivi tout en encourageant le Monténégro à progresser dans cinq «domaines prioritaires», à savoir l’indépendance du pouvoir judiciaire, la situation des médias, la lutte contre la corruption et la criminalité organisée, les droits des minorités et la lutte contre la discrimination, ainsi que la situation des réfugiés et des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDI).
2. Depuis lors, le Monténégro a continué de jouer un rôle positif dans la stabilisation de la région et il reste un partenaire fiable et constructif, impliqué dans plusieurs initiatives régionales et multilatérales. Les autorités monténégrines ont établi une excellente coopération avec le Conseil de l’Europe, en particulier avec la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), qui a adopté depuis 2012 de nombreux avis sur des textes législatifs essentiels. L’Assemblée félicite en particulier le Monténégro pour la ratification de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE n° 210, «Convention d’Istanbul»), le 22 avril 2013, qui a porté à 87 le nombre des conventions ratifiées par le pays.
3. L’Assemblée note qu’il existe au Monténégro un fort consensus au sujet de l’intégration dans l’Union européenne, qui a joué un rôle moteur dans l’accélération du processus de réforme. En particulier, l’ouverture des chapitres 23 et 24 des négociations d’adhésion en décembre 2014 devrait encore accélérer les réformes lancées dans les domaines de la justice, des droits de l’homme et des libertés fondamentales. L’Assemblée salue la coopération fructueuse établie entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne en vue d’améliorer les normes démocratiques au Monténégro. Elle est convaincue que les efforts du pays dans le sens de l’intégration européenne contribueront aussi à consolider le respect de ses obligations statutaires vis-à-vis du Conseil de l’Europe.
4. L’Assemblée estime que des politiques centrées sur les normes démocratiques, la consolidation de l’Etat de droit, une transparence et une responsabilité accrues des institutions publiques, et une représentation équitable des minorités pourraient aider le Monténégro à surmonter les divisions politiques et ethniques qui traversent toutes les sphères de la société et nuisent au développement du pays.
5. Après les controverses liées aux élections législatives de 2012 et à l’élection présidentielle de 2013, l’Assemblée pense qu’il est devenu plus nécessaire encore, pour garantir la stabilité politique et la tenue d’élections libres, d’instaurer la confiance vis-à-vis des processus électoraux. L’Assemblée s’est félicitée de la création, en mai 2013, d’un groupe de travail parlementaire pour l’instauration de la confiance dans les processus électoraux, qui a conduit à l’adoption, en février 2014, de la loi sur le registre des électeurs, de la loi portant modification de la loi sur les cartes d’identité et de la loi sur l’autonomie locale, ainsi qu’à l’adoption, en décembre 2014, de la loi portant modification de la loi sur le financement des partis politiques et des campagnes électorales.
6. A la lumière des développements récents, l’Assemblée a évalué les progrès réalisés dans les cinq domaines clés identifiés en 2012.
7. Concernant l’indépendance du pouvoir judiciaire, l’Assemblée:
7.1. se félicite de l’adoption des amendements constitutionnels de juillet 2013 relatifs au système judiciaire, qui introduisent la majorité qualifiée pour l’élection des juges de la Cour constitutionnelle, du procureur général suprême et des membres du Conseil de la magistrature, tout en prévoyant également des mécanismes pour empêcher une paralysie;
7.2. attend des autorités monténégrines qu’elles adoptent les lois nécessaires sur les tribunaux, les droits et les obligations des juges, le Conseil de la magistrature, la Cour constitutionnelle et le ministère public, en tenant compte de toutes les recommandations de la Commission de Venise;
7.3. se félicite de l’élection du procureur général suprême en novembre 2014, conformément aux modifications apportées à la Constitution en juillet 2013.
8. Concernant la situation des médias, l’Assemblée:
8.1. se félicite de la création, en décembre 2013, de la commission de suivi des actions des autorités compétentes dans l’instruction des affaires de menaces et de violences envers des journalistes, d’assassinats de journalistes et de dégradation de biens appartenant à des médias, qui pourrait apporter une contribution utile, et extrêmement nécessaire, à l’élucidation des 12 affaires d’agressions et de menaces envers des journalistes, qu’elle a eues à traiter. Elle se félicite aussi que deux de ces affaires aient été résolues grâce à la coopération renforcée entre le ministère public, la police et l’Agence nationale de sécurité;
8.2. invite instamment les autorités monténégrines à garantir, notamment au moyen d’un financement approprié, que les organes d’autorégulation, en particulier le Conseil d’autorégulation des médias et le Conseil d’autorégulation de la presse locale et des périodiques, aient les moyens de mener à bien leurs activités professionnelles;
8.3. se félicite de la dépénalisation de la diffamation en 2012;
8.4. s’inquiète, dans le même temps, des violations répétées de la loi par un organe de médias spécifique, qui porte atteinte à la dignité humaine; elle invite instamment les autorités monténégrines à ne pas fermer les yeux sur cet abus de la liberté des médias et à prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller au plein respect de la loi et à l’exécution des décisions judiciaires.
9. Concernant la lutte contre la corruption et le crime organisé, l’Assemblée:
9.1. estime que, en dépit des nombreuses politiques mises en œuvre pour éradiquer la corruption, celle-ci reste largement répandue et qu’elle devrait être davantage combattue;
9.2. prend note du projet de créer un organe de prévention de la corruption à compter de 2016 et appelle les autorités à fournir tous les moyens nécessaires pour permettre à cet organe de remplir convenablement sa mission essentielle, qui inclut le contrôle du financement des partis politiques et des campagnes électorales, le traitement des plaintes des lanceurs d’alerte et leur protection, ainsi que l’application de la loi sur les groupes de pression;
9.3. souligne à ce sujet le rôle du contrôle public pour détecter et dénoncer les actes de corruption, et la nécessité de garantir la protection des lanceurs d’alerte et des journalistes d’investigation travaillant dans ce domaine;
9.4. s’attend à ce que le projet de loi sur le procureur spécial pour la corruption et le crime organisé accorde à ce procureur spécial tous les moyens nécessaires pour traiter les affaires de corruption et de crimes de guerre concernant des personnalités de haut niveau, et pour mener ses travaux en toute indépendance et en amont des affaires;
9.5. encourage le Monténégro à adopter et à mettre en œuvre plusieurs autres lois qui pourraient améliorer la lutte contre la corruption, notamment une loi sur la confiscation des biens issus d’activités criminelles;
9.6. souligne le rôle actif que le parlement et sa commission anticorruption peuvent jouer dans la lutte contre la corruption, et invite le Parlement monténégrin à participer activement à la plate-forme anticorruption créée récemment par l’Assemblée parlementaire pour s’inspirer des bonnes pratiques mises en place dans d’autres Etats membres.
10. Concernant les droits des minorités et la lutte contre la discrimination, l’Assemblée:
10.1. se félicite de l’adoption des amendements à la loi antidiscrimination, en mars 2014, et à la loi sur le défenseur des droits de l’homme et des libertés (médiateur) du Monténégro, en juillet 2014. L’Assemblée note que le médiateur jouera désormais un rôle de mécanisme de prévention de la torture prévu par le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de l’Organisation des Nations Unies, ainsi que de mécanisme de protection contre la discrimination en application de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Elle appelle les autorités monténégrines à veiller à ce que le médiateur dispose de toutes les ressources financières et humaines nécessaires pour accomplir sa mission de manière efficace et indépendante;
10.2. s’attend à ce que les amendements à la loi sur les droits et libertés des minorités, et la loi sur les communautés religieuses soient adoptés rapidement;
10.3. invite les autorités monténégrines à poursuivre la mise en œuvre de la stratégie visant à améliorer la situation des Roms et des Egyptiens au Monténégro, et à continuer d’accorder une grande importance à l’éducation des enfants roms;
10.4. félicite les autorités monténégrines d’avoir permis l’organisation pacifique de trois «marches de la fierté» en 2013 et 2014, sous la protection de la police, avec le soutien et la participation de responsables de haut niveau;
10.5. se félicite de la stratégie et du plan d’action ambitieux lancés par les autorités pour combattre la discrimination – y compris celle basée sur l’orientation sexuelle – et salue la volonté politique des autorités de progresser dans ce domaine;
10.6. note, cependant, que la discrimination contre les lesbiennes, les gays, et les personnes bisexuelles et transgenres (LGBT) reste largement répandue au sein de la société monténégrine traditionnelle. Elle encourage les autorités monténégrines à poursuivre les activités de sensibilisation afin de faire évoluer les mentalités et à former les organes en charge du respect de la loi, en particulier le ministère public, la police et les magistrats, à prendre toutes les mesures nécessaires pour poursuivre et sanctionner tout acte ou comportement discriminatoire et tout discours de haine;
10.7. encourage les autorités monténégrines à promouvoir l’égalité et l’intégration des personnes handicapées, et à veiller à ce que le fonds pour la réinsertion professionnelle et l’emploi des personnes handicapées soit exclusivement utilisé pour les personnes handicapées, conformément à la loi.
11. Concernant la situation des réfugiés et des personnes déplacées à l’intérieur du pays, l’Assemblée:
11.1. salue une nouvelle fois les efforts faits par les autorités monténégrines pour accueillir des milliers de réfugiés et de PDI dans les années 1990. Elle félicite les autorités pour les initiatives déployées, notamment avec l’adoption de la loi de 2011 sur les étrangers, soit pour intégrer les réfugiés et les PDI en leur accordant le statut d’étranger résident permanent ou provisoire, soit pour faciliter leur retour volontaire dans leur lieu d’origine;
11.2. se félicite du fait que plus de 70 % des 16 000 réfugiés et PDI encore recensés au Monténégro aient demandé leur régularisation, et elle encourage les autorités monténégrines, avec le soutien du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et des autorités des pays voisins, à faciliter davantage encore le dépôt de demandes et l’obtention de la régularisation. L’Assemblée ne doute pas que les autorités monténégrines trouveront une solution juridique au problème des réfugiés et des PDI en situation irrégulière après l’expiration du délai du 31 décembre 2014;
11.3. note que les autorités monténégrines restent attachées à régler ce problème au moyen de plusieurs dispositifs sociaux. L’Assemblée n’ignore pas que l’enregistrement de certaines PDI continue de poser problème, mais elle est persuadée que les autorités monténégrines, avec celles des pays voisins, trouveront les moyens et les solutions juridiques pour résoudre les cas encore en suspens;
11.4. salue tout particulièrement le travail du HCR et de la Croix-Rouge, et l’assistance juridique et humanitaire inestimable fournie aux réfugiés et aux PDI, en particulier dans les camps de Konik. Elle salue la poursuite du Programme régional de logement et le soutien de la Banque de développement du Conseil de l’Europe pour promouvoir des solutions de logement durables. Elle appelle instamment les autorités monténégrines à continuer d’œuvrer à cette initiative régionale remarquable, qui est une contribution au processus de stabilisation et de réconciliation post-conflit yougoslave;
11.5. salue la ratification par le Monténégro, en octobre 2013, de la Convention des Nations Unies de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie et encourage les autorités monténégrines à éviter toute situation pouvant exposer des personnes vivant au Monténégro à l’apatridie.
12. L’Assemblée insiste sur l’importance de la mise en œuvre de la législation adoptée pour respecter les obligations vis-à-vis du Conseil de l’Europe. Elle suivra donc attentivement la manière dont les autorités du Monténégro appliqueront la législation adoptée.
13. Au vu des progrès réalisés depuis l’adoption de la Résolution 1890 (2012) dans les cinq domaines clés alors identifiés par l’Assemblée, celle-ci décide de clore la procédure de suivi et d’engager un dialogue postsuivi. Ce dialogue pourrait s’achever fin 2017 si le Monténégro remplit les conditions suivantes, que l’Assemblée juge nécessaires pour le respect par ce pays de ses obligations et engagements envers le Conseil de l’Europe:
13.1. concernant l’indépendance du pouvoir judiciaire:
13.1.1. pleinement mettre en œuvre les amendements constitutionnels relatifs au système judiciaire adoptés en juillet 2013 et adopter les lois sur les tribunaux, les droits et les obligations des juges, le Conseil de la magistrature, la Cour constitutionnelle et le ministère public, en prenant pleinement en considération les recommandations pertinentes de la Commission de Venise en la matière adoptées en décembre 2014;
13.1.2. assurer la formation professionnelle continue des personnels du ministère public, de la police et du système judiciaire, et améliorer leur coordination, de manière à garantir une justice efficace et professionnelle;
13.1.3. renforcer le statut et les moyens du procureur général suprême nouvellement élu, qui doit être tenu responsable de la présentation au tribunal d’affaires motivées par des actes d’accusation solides et argumentés;
13.2. concernant la confiance dans le processus électoral:
13.2.1. mettre en œuvre la loi sur le financement des partis politiques et des campagnes électorales, y compris les réglementations sur l’utilisation des ressources administratives lors des campagnes électorales;
13.2.2. mener à bien la constitution de listes électorales informatisées et veiller à leur bonne utilisation lors des scrutins à venir;
13.2.3. prendre des mesures pour associer pleinement les collectivités locales et les responsables politiques locaux à l’instauration de la confiance vis-à-vis du processus électoral au niveau local;
13.2.4. adopter une loi qui facilite la reconnaissance de la citoyenneté monténégrine conformément à la Résolution 1989 (2014) sur l’accès à la nationalité et la mise en œuvre effective de la Convention européenne sur la nationalité;
13.2.5. régler les problèmes en suspens soulignés dans les recommandations du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’OSCE et de la Commission de Venise, notamment la question de ramener de deux ans à six mois, comme pour les élections locales, l’exigence constitutionnelle de résidence pour qu’un ressortissant puisse obtenir le droit de vote;
13.3. concernant la lutte contre la corruption:
13.3.1. mettre en œuvre la loi sur la prévention de la corruption et la loi sur la prévention des conflits d’intérêts; confier à la future agence pour la prévention de la corruption la mise en œuvre de politiques de prévention efficaces et lui accorder tous les moyens nécessaires pour contrôler efficacement le financement des partis politiques et des campagnes électorales;
13.3.2. adopter la loi relative au procureur spécial pour la corruption et le crime organisé, donner à cette instance les ressources humaines et financières nécessaires, et garantir la coordination avec les autres instances actives dans le domaine de la corruption, de manière à ce que les affaires de corruption soient dûment examinées dans les meilleurs délais;
13.3.3. établir une liste des affaires de haut niveau, veiller à la pleine application de la loi et permettre aux tribunaux de prononcer des décisions définitives;
13.3.4. poursuivre la mise en œuvre des recommandations du Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO) liées aux troisième et quatrième cycles d’évaluation, qui portent sur la pénalisation, le financement des partis politiques, les parlementaires et la justice;
13.4. concernant la situation des médias:
13.4.1. ne tolérer aucun recours abusif à la liberté des médias et de la liberté d’expression, adopter une législation pour sanctionner les atteintes à la dignité humaine dans les médias, et veiller à ce que les décisions judiciaires soient dûment exécutées;
13.4.2. veiller à ce que la commission de suivi des actions des autorités compétentes dans l’instruction des affaires de menaces et de violences envers des journalistes, d’assassinats de journalistes et de dégradation de biens appartenant à des médias dispose d’un libre accès aux informations, et à ce que tous les organes publics répondent dans les meilleurs délais aux demandes d’informations formulées par la commission en vue de résoudre les dix affaires en cours dont elle a la charge, et qui concernent des attaques, des menaces ou des assassinats de journalistes;
13.4.3. promouvoir le fonctionnement efficace des organes d’autorégulation des médias et encourager activement un journalisme éthique et de meilleures normes professionnelles.
14. En cas de non-respect des engagements susmentionnés de la part des autorités monténégrines d’ici à la fin 2017, l’Assemblée attend de sa commission de suivi qu’elle examine l’opportunité de rouvrir la procédure de suivi générale pour le Monténégro.