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Résolution 2029 (2015) Version finale

La mise en œuvre du Mémorandum d’accord entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 27 janvier 2015 (4e séance) (voir Doc. 13655, rapport de la commission des questions politiques et de la démocratie, rapporteure: Mme Kerstin Lundgren). Texte adopté par l’Assemblée le 27 janvier 2015 (4e séance).Voir également la Recommandation 2060 (2015).

1. L’Assemblée parlementaire appuie fermement le renforcement du partenariat entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne, conformément au mémorandum d’accord conclu en 2007, qui souligne le rôle du Conseil de l’Europe en tant que «référence en matière de droits de l’homme, de primauté du droit et de démocratie en Europe» et stipule que l’Union européenne «considère le Conseil de l’Europe comme la source paneuropéenne de référence en matière de droits de l’homme».
2. Se référant à sa Résolution 1836 (2011) et à sa Recommandation 1982 (2011) relatives à l’impact du Traité de Lisbonne sur le Conseil de l’Europe, l’Assemblée juge positif que les droits de l’homme, la démocratie et l’Etat de droit aient été placés au cœur des politiques de l’Union européenne, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives de coopération entre les deux organisations sur la base de l’acquis et des atouts propres à chacune.
3. Depuis la signature du mémorandum d’accord en 2007 et l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne en 2009, l’Assemblée constate en particulier avec satisfaction:
3.1. que la coopération est devenue plus structurée, stratégique et politique;
3.2. que les contacts entre les deux organisations, tant au niveau politique, y compris au dialogue politique à haut niveau, que technique et opérationnel, se sont intensifiés, sur les plans quantitatif et qualitatif;
3.3. que l’Union européenne a joué un rôle accru dans les domaines d’activité traditionnels du Conseil de l’Europe comme la justice, la liberté, la sécurité et l’Etat de droit, et s’est largement appuyée, durant la période 2010-2014, sur l’expertise du Conseil de l’Europe dans la mise en œuvre du Programme de Stockholm – Une Europe ouverte et sûre qui sert et protège les citoyens;
3.4. que l’Union européenne a régulièrement sollicité le concours du Conseil de l’Europe, notamment dans le cadre des politiques d’élargissement et de voisinage de l’Union européenne;
3.5. que des consultations ont lieu aux premiers stades du processus d’élaboration de la législation de l’Union européenne, en particulier sous la forme de contributions écrites et d’échanges de vues, et que des représentants de l’Union européenne sont régulièrement invités à participer à des activités normatives du Conseil de l’Europe;
3.6. qu’un nombre croissant de documents de l’Union européenne font expressément référence aux normes et aux instruments du Conseil de l’Europe;
3.7. que la représentation mutuelle à Bruxelles et à Strasbourg a facilité la coordination, amélioré les relations et renforcé leur impact.
4. L’Assemblée se félicite de l’accord programmatique global sur le financement des programmes conjoints entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe pour la période 2014-2020, qui a permis d’accroître la coordination, l’impact et la durabilité des programmes de coopération, mettant en place un nouveau cadre de coopération dans la région de l’élargissement de l’Union européenne, dans les pays du Partenariat oriental de l’Union européenne ainsi que dans les pays du sud de la Méditerranée, dans un esprit de responsabilités partagées.
5. Tout en saluant ces mesures positives, l’Assemblée rappelle que le mémorandum d’accord est un contrat prévoyant une obligation de résultats de part et d’autre. Elle se réfère par ailleurs à la Recommandation 2027 (2013) «Programmes de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe en matière de droits de l’homme: des synergies, pas des doubles emplois», qui, tout en précisant que des normes plus élevées de protection des droits de l’homme sont toujours les bienvenues, met en garde contre la mise en place de mécanismes parallèles qui risque de créer un double système de normes, d’inciter à rechercher la juridiction la plus favorable et d’entraîner un abaissement des normes du Conseil de l’Europe.
6. L’Assemblée est convaincue que seule l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5, «la Convention») peut permettre une coopération juridique approfondie, renforcer la cohérence des normes juridiques et offrir un cadre unique pour les droits de l’homme, la démocratie et l’Etat de droit en Europe. L’Assemblée se félicite du projet d’accord d’adhésion convenu au niveau des négociateurs en avril 2013 et considère que les obstacles identifiés par la Cour de justice de l’Union européenne dans son Avis 2/13 doivent être surmontés dès que possible, conformément aux engagements politiques pris par toutes les parties, comme indiqué dans le Traité de Lisbonne. Elle invite par conséquent les Etats membres du Conseil de l'Europe qui sont également membres de l’Union européenne à exercer leur influence afin de reprendre sans délai les négociations sur l’adhésion de l’Union européenne à la Convention et à donner une priorité politique élevée à ce processus.
7. L’Assemblée se félicite du renforcement de l’action de l’Union européenne dans le domaine de la justice et des affaires intérieures, et de l’Etat de droit, si cela se traduit par une protection accrue de la démocratie, de l’Etat de droit et des droits de l’homme dans les 28 Etats membres de l’Union européenne. Afin de poursuivre la construction d’un espace commun de protection des droits de l’homme, de garantir la complémentarité et la cohérence des normes et le suivi de leur application, tout en évitant un chevauchement d'activités, l’Assemblée invite l’Union européenne:
7.1. à reprendre sans délai les négociations sur l’adhésion de l’Union européenne à la Convention, à la lumière de l’Avis 2/13 de la Cour de justice de l’Union européenne, et à donner une priorité politique élevée à cette question;
7.2. à tenir compte du rôle du Conseil de l’Europe en tant que référence pour les droits de l’homme, l’Etat de droit et la démocratie en Europe, en préparant de nouvelles initiatives dans ce domaine;
7.3. à examiner avec le Conseil de l’Europe la possibilité pour l’Union européenne d’adhérer aux conventions clés du Conseil de l’Europe qui s’attaquent aux grands problèmes de la société européenne d’aujourd’hui, y compris la Charte sociale européenne (révisée) (STE n° 163);
7.4. à adhérer pleinement et le plus rapidement possible au Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO), et à respecter le principe de l’égalité de traitement entre les membres du GRECO, qui implique l’évaluation, par les mécanismes du GRECO, des institutions de l’Union européenne, en tenant compte de sa spécificité en tant qu’entité non étatique;
7.5. à tenir des discussions sur les modalités de participation de l’Union européenne aux mécanismes et organes de suivi du Conseil de l’Europe qui ne reposent pas sur une convention, tels que la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI), la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ) ou la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise);
7.6. à utiliser pleinement les rapports des organes et mécanismes de suivi du Conseil de l’Europe, tels que ceux du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), du Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA), et des mécanismes de suivi de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (STE no 157), ainsi que les rapports de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (STE no 148), et à coopérer avec le Conseil de l’Europe dans les domaines pertinents;
7.7. à utiliser et, ainsi, à renforcer les voies de consultation régulière et structurée, au moins une fois par présidence de l’Union européenne, notamment en ce qui concerne les évolutions normatives dans les domaines des droits de l’homme, de la justice, de l’Etat de droit et des affaires intérieures, et à consulter de manière systématique le Conseil de l’Europe au sujet des projets de législation pertinents de l’Union européenne;
7.8. à donner suite aux procédures de suivi existantes du Conseil de l’Europe et aux recommandations formulées par ce dernier à l’intention des Etats membres, à veiller à leur application dans les Etats membres de l’Union européenne et à faciliter la mise en œuvre des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme;
7.9. à veiller à ce que les normes des droits de l’homme défendues par l’Union européenne ne soient pas en deçà de celles défendues par le Conseil de l’Europe, afin d’éviter l’existence de doublons ou de normes de portée inférieure et une incitation à rechercher la juridiction la plus favorable;
7.10. à mettre en application le nouveau cadre de l’Union européenne pour renforcer l’Etat de droit en s’appuyant sur les instruments et le savoir-faire du Conseil de l’Europe et en les complétant;
7.11. à intensifier la coopération avec le Conseil de l’Europe dans le cadre des nouvelles orientations stratégiques pour la planification législative et opérationnelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice de l’Union européenne pour la période 2015-2020, définies par l’Union européenne;
7.12. à coordonner le colloque annuel de l’Union européenne sur la situation des droits de l’homme en Europe avec l’action du Conseil de l’Europe;
7.13. à continuer de promouvoir, parmi les Etats membres de l’Union européenne ainsi que dans le cadre de ses politiques d’élargissement et de voisinage, selon le cas, l’adhésion aux conventions clés et aux mécanismes et organes de suivi du Conseil de l’Europe;
7.14. à assurer une complémentarité dans le contexte du cadre stratégique et plan d’action en matière de droits de l’homme et de démocratie de l’Union européenne, axés sur les actions extérieures de l’Union européenne.
8. L’Assemblée invite les parlements des Etats membres de l’Union européenne à continuer d’accroître la visibilité du partenariat renforcé entre les deux organisations, y compris les relations entre l’Assemblée et le Parlement européen.
9. Pour sa part, l’Assemblée se félicite de l’intensification récente des contacts entre sa Présidente et les dirigeants du Parlement européen et de la Commission européenne, et invite sa Présidente et/ou son Comité des Présidents:
9.1. à multiplier les réunions et les échanges informels réguliers avec les dirigeants de l’Union européenne sur les enjeux politiques actuels;
9.2. à explorer les moyens d’étendre la coordination et la coopération entre les deux organes parlementaires de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe, et leurs groupes politiques;
9.3. à envisager une mise à jour de l’accord du 28 novembre 2007 relatif au renforcement de la coopération entre l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et le Parlement européen, afin de prendre en compte les développements les plus récents intervenus depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne.
10. En conclusion, tout en considérant que le mémorandum d’accord demeure un socle solide pour continuer d’orienter et de structurer les relations entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne, l’Assemblée est d’avis que seule une coopération authentique, continue et substantielle entre les deux organisations peut contribuer à la création d’une Union européenne véritablement sûre et équitable, dans laquelle les droits de l’homme et l’Etat de droit sont pleinement respectés, protégés et encouragés. Cette démarche devrait au final mener à l’adhésion de l’Union européenne au Statut du Conseil de l’Europe (STE n° 1), conformément à la recommandation formulée en 2006 par M. Juncker dans son rapport «Conseil de l’Europe – Union européenne: “Une même ambition pour le continent européen”».