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Résolution 2032 (2015) Version finale
L'égalité et la crise
1. La majorité des Etats membres du
Conseil de l’Europe ont été touchés par la crise économique, dont les
effets à long terme sur la population dépassent le cadre économique.
Chômage en hausse, cohésion sociale en péril, plus grande pauvreté,
inégalités et écarts de revenus grandissants, montée de la discrimination
et de l’intolérance, tensions sociales et soutien accru aux partis
politiques et mouvements populistes sont autant de répercussions
de la crise.
2. Les mesures d’austérité ont été l’une des principales réactions
à la crise. L’Assemblée parlementaire est profondément préoccupée
par les répercussions négatives de la crise économique et des mesures
d’austérité sur la jouissance des droits humains et sur l’égalité,
lesquelles portent atteinte à l’égalité des chances et réduisent
les financements dédiés aux programmes sociaux et aux organismes
chargés de l’égalité. Les catégories de personnes vulnérables, parmi
lesquelles les femmes, les jeunes, les personnes handicapées, les
personnes âgées et les migrants, sont touchées de façon disproportionnée.
3. De plus, la crise économique a réduit le niveau de confiance
dans le système politique et affaibli l’esprit de solidarité au
sein de la société. Dans l’accomplissement de leur mission de contrôle
démocratique, il importe que les parlements examinent l’impact sur
les droits humains des mesures proposées par les gouvernements.
4. Pour faire face à la crise économique, il serait raisonnable
de tenir compte de l’impact potentiel de celle-ci sur la population
dans une perspective à long terme plutôt que de prendre uniquement
des mesures à court terme. Les restrictions budgétaires ne devraient
pas ignorer les droits humains et l’égalité. A ce titre, il est essentiel
d’examiner les répercussions sur l’égalité et les droits humains
pour assurer une prise de décision éclairée et atténuer, dans la
mesure du possible, l’impact des mesures d’austérité sur les catégories
de personnes vulnérables.
5. Le maintien d’un niveau élevé de protection sociale et la
lutte contre les inégalités peuvent contribuer à stimuler la croissance
et à réduire la pauvreté à long terme. Les mesures positives pour
la protection des catégories de personnes vulnérables et de leur
participation à la société devraient être préservées autant que faire
se peut, de manière à garantir des seuils de protection sociale
et la cohésion sociale, et éviter une régression des droits sociaux.
L’Assemblée est convaincue que la justice sociale peut être bénéfique économiquement
et socialement à long terme. En garantissant la responsabilisation
des décideurs, en investissant dans l’égalité et en œuvrant pour
l’inclusion et pour une approche participative, chacun peut contribuer
à promouvoir une vision de la société fondée sur la solidarité et
le respect des droits humains.
6. Les normes dans le domaine des droits humains comportent une
obligation positive pour les Etats d’identifier les groupes à risque
et de tenir compte de la vulnérabilité de ces derniers dans l’élaboration
des politiques. A cet égard, la Charte sociale européenne (révisée)
(STE no 163) est un instrument essentiel
pour la protection des droits sociaux, y compris en temps de crise
économique. L’Assemblée se félicite de la ratification de la Charte
sociale européenne (révisée) par 33 Etats membres et espère que
ces ratifications seront suivies par d’autres dans les meilleurs
délais.
7. Au vu de ces considérations, l’Assemblée appelle les Etats
membres:
7.1. à investir dans l’égalité
comme moyen de faire face à la crise économique et à prendre des mesures
pour atténuer son impact sur les catégories de personnes les plus
vulnérables;
7.2. à mener des évaluations d’impact sur les droits humains
et l’égalité, en coopération avec les institutions nationales des
droits de l’homme, en tenant compte d’une perspective à long terme
dans l’élaboration de réponses stratégiques à la crise en matière
économique et sociale;
7.3. à encourager une coopération accrue avec les partenaires
sociaux et à organiser des consultations régulières avec des représentants
d’institutions nationales des droits de l’homme, des partenaires
sociaux et de la société civile en vue d’échanger sur une approche
coordonnée de la crise économique et de moduler les politiques en
fonction des besoins;
7.4. à mettre en place, s’il y a lieu, des structures basées
sur le modèle islandais de «Welfare Watch» pour assurer le dialogue
et faire face à l’impact disproportionné et aux effets cumulés de
la crise et des mesures d’austérité sur les catégories de personnes vulnérables;
7.5. à promouvoir et à encourager la participation de catégories
de personnes vulnérables, notamment les jeunes, aux plans de reprise
de l’activité économique;
7.6. à intensifier les efforts pour lutter contre la discrimination
fondée sur le genre, y compris celle liée à la maternité, sur le
marché du travail;
7.7. à assurer un financement adéquat des programmes visant
à prévenir et à combattre la violence à l’égard des femmes, ainsi
que des services d’aide et de protection des victimes de violence domestique
ou sexuelle;
7.8. à accorder une plus grande attention à l’action contre
le chômage et l’exclusion sociale des jeunes, à investir dans ce
sens, et à favoriser la mise en œuvre des propositions énoncées
dans la Résolution 1885
(2012) «La jeune génération sacrifiée: répercussions
sociales, économiques et politiques de la crise financière»;
7.9. à adopter des politiques à même de garantir les droits
des personnes handicapées, et d’assurer l’indépendance et la pleine
inclusion de ces dernières dans la société;
7.10. à permettre aux personnes âgées de vivre dans la dignité
en leur garantissant un revenu minimal suffisant, en favorisant
l’inclusion sociale et en luttant contre les abus et la discrimination;
7.11. à intensifier les efforts pour lutter contre la montée
du racisme et de la xénophobie, et à condamner le discours de haine,
quel que soit le contexte économique;
7.12. à assurer aux institutions nationales des droits de l’homme
un financement adéquat leur permettant d’exercer leur mandat.
8. L’Assemblée appelle les parlements des Etats membres:
8.1. à continuer de promouvoir la
ratification et la mise en œuvre pleines et entières de la Charte sociale
européenne (révisée), ainsi que du Protocole additionnel prévoyant
un système de réclamations collectives (STE no 158)
et du Protocole portant amendement à la Charte sociale européenne (STE no 142,
«Protocole de Turin») prévoyant l’élection des membres du Comité
européen des Droits sociaux par l’Assemblée;
8.2. à exercer un contrôle parlementaire sur les réponses apportées
par les gouvernements pour faire face à la crise économique, en
demandant à ce que des évaluations d’impact sur les droits humains
et l’égalité soient menées, si tel n’est pas déjà le cas;
8.3. à organiser des débats parlementaires concernant l’impact
de la crise économique sur les catégories de personnes les plus
vulnérables;
8.4. à veiller à ce que des suites législatives soient données
aux décisions du Comité européen des Droits sociaux;
8.5. à accroître la coopération avec les institutions nationales
des droits de l’homme et les partenaires sociaux, et à les associer
à l’élaboration des mesures de lutte contre la crise économique,
et à intensifier le dialogue avec les organisations non gouvernementales
sur la réponse à apporter à la crise économique.
9. L’Assemblée encourage les organisations non gouvernementales
actives dans ce domaine à poursuivre leur action en faveur du dialogue
social ainsi que leurs activités de sensibilisation concernant la
promotion et la protection des droits humains, notamment des droits
économiques et sociaux, et l’impact de la crise économique sur les
catégories de personnes les plus vulnérables.