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Rapport | Doc. 13747 | 09 avril 2015

Accroître la transparence de la propriété des médias

Commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias

Rapporteure : Mme Gülsün BİLGEHAN, Turquie, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 13121, Renvoi 3940 du 22 avril 2013. 2015 - Troisième partie de session

Résumé

La transparence de la propriété des médias est nécessaire pour permettre au public de se forger une opinion sur la valeur des informations, des idées et des opinions diffusées par les médias. Cependant, il est fréquent que la propriété et le contrôle des médias ne soient pas transparents, soit en raison de l’absence d’obligation de transparence en droit interne dans les Etats membres soit en raison de montages juridiques non transparents avec une propriété indirecte ou cachée, souvent en lien avec les attaches politiques ou les intérêts économiques ou religieux du véritable propriétaire d’un média.

Par conséquent, les Etats membres devraient veiller à ce que le public ait accès aux informations spécifiques sur les structures de propriété et de la gestion, les structures éditoriales des médias ainsi que leur financement. Les informations pertinentes doivent être adressées par les médias concernés à une autorité nationale indépendante chargée des médias.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 27 janvier
2015.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire, soulignant l’importance fondamentale de la liberté d’information par les médias dans une démocratie, rappelle que la transparence de la propriété des médias est nécessaire pour permettre au public de se forger une opinion sur la valeur des informations, des idées et des opinions diffusées par les médias.
2. A cet égard, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme exige le pluralisme et donc la transparence des médias et elle oblige les Parties à la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5) à adopter des mesures positives en ce sens.
3. L’Assemblée rappelle l’article 6.2 de la Convention européenne sur la télévision transfrontière (STE no 132), qui exige des Parties à cette convention que des informations concernant le radiodiffuseur soient données, sur demande, par l’autorité compétente de la Partie de transmission, y compris la composition du capital et la nature, l’objet et le mode de financement du service de programmes que le radiodiffuseur fournit ou s’apprête à fournir.
4. En outre, la Recommandation (2007) 2 du Comité des Ministres sur le pluralisme des médias et la diversité du contenu des médias exige des Etats membres qu’ils assurent l’accès du public à des informations spécifiques sur les structures de propriété et de la gestion, les structures éditoriales des médias ainsi que leur financement.
5. Or l’Assemblée constate avec préoccupation qu’il est fréquent que la propriété et le contrôle des médias ne soient pas transparents, soit en raison de l’absence d’obligation de transparence en droit interne dans les Etats membres soit en raison de montages juridiques non transparents avec une propriété indirecte ou cachée, souvent en lien avec les attaches politiques ou les intérêts économiques ou religieux du véritable propriétaire d’un média.
6. De plus, en raison des pressions économiques accrues et de la concurrence des médias numériques, le pluralisme des médias est particulièrement remis en question. Des médias sont rachetés par des entreprises de médias plus importantes ou par de riches particuliers, dont les intérêts sont moins axés sur le journalisme indépendant ou la rentabilité mais plutôt sur la possibilité de diriger l’opinion d’un secteur du grand public. Grâce à la concentration des médias, ce leadership d’opinion a pu parvenir à dominer certains marchés régionaux ou nationaux.
7. Bien que certains Etats membres aient une législation qui assure la transparence de la propriété des médias conformément aux normes ci-dessus, un grand nombre d’Etats membres n’ont pas une telle législation et les lois de quelques Etats membres permettent la propriété indirecte ou cachée, attirant ainsi la délocalisation d’entreprises de médias sur leur territoire national.
8. En conséquence, l’Assemblée recommande aux parlements des Etats membres de réviser leur législation pour assurer une transparence adéquate de la propriété des médias (presse écrite, cinéma, radio, télévision et médias en ligne) ainsi que de l’influence à leur égard, y compris la divulgation de la propriété effective. Conformément à l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, ces obligations d'information ne doivent pas être utilisées afin de discriminer la propriété étrangère des médias ou de restreindre la diffusion internationale des produits et des services multimédias.
9. Les informations à communiquer concernant les médias devront être notamment les suivantes:
9.1. la raison sociale, le siège social et les coordonnées, ainsi que le but lucratif ou non ou sa nature publique;
9.2. le nom des personnes qui ont la responsabilité éditoriale ou des auteurs du contenu éditorial;
9.3. le nom des auteurs du contenu fourni par des tiers, sauf si la protection des sources journalistiques exige de garder leur nom secret ou si le droit à la liberté d’expression de l’auteur risque d’être menacé au-delà des limites de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme;
9.4. le nom et le domicile légal de leurs propriétaires; lorsque ces derniers sont des entreprises tierces ou d’autres personnes morales, leur raison sociale et leur siège social ainsi que le volume de leur participation, sauf si cette propriété concerne une partie insignifiante du média;
9.5. l’existence de contrats de coopération avec d’autres entreprises ou la coopération quasi exclusive avec une seule agence de publicité.
10. Les informations ci-dessus et toute modification ultérieure pertinente à cet égard doivent être adressées par les médias concernés à une autorité nationale indépendante chargée des médias. Le public doit avoir accès gratuitement à ces informations, présentées de manière rationnelle, sous forme électronique, grâce au site Internet des médias et/ou à une base de données centralisée en ligne publiée par l’autorité nationale chargée des médias. L’autorité nationale chargée des médias (ou tout autre organisme public compétent) doit avoir le droit de surveiller le respect des obligations d’information, le non-respect de ces dernières devant être dûment établi et sanctionné.
11. Eu égard à la complexité des paysages médiatiques en Europe et à la complexité des structures de propriété d’un grand nombre de médias, les Etats membres doivent assurer le respect des règles de transparence par l’intermédiaire de leurs instances de régulation ou d’autres autorités compétentes. Il doit être possible de porter plainte auprès des autorités compétentes pour non-respect des règles de transparence.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet
de recommandation adopté à l’unanimité par la commission le 27 janvier
2015.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire se réfère à sa Résolution …. (2015) «Accroître la transparence de la propriété des médias» et attire l’attention des Etats membres sur le manque croissant de transparence des structures de propriété des médias qui diffusent leurs moyens de communication de masse en Europe. Cette tendance est alarmante eu égard aux obligations de transparence et de pluralisme des médias en application de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5) et d’autres normes du Conseil de l’Europe.
2. En conséquence, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres:
2.1. de réviser et de développer les normes du Conseil de l’Europe dans ce domaine, en particulier ses Recommandation no R (94) 13 sur des mesures visant à promouvoir la transparence des médias et Recommandation CM/Rec(2007)2 sur le pluralisme des médias et la diversité du contenu des médias;
2.2. d’inviter l'Observatoire européen de l'audiovisuel du Conseil de l'Europe à envisager d'étendre son action en conformité avec la convergence technologique des médias numériques et de fournir des informations, par exemple dans le cadre de sa base de données MAVISE (base de données sur la télévision et les services audiovisuels à la demande en Europe), sur la propriété des médias;
2.3. de coopérer avec la Plate-forme européenne des instances de régulation (EPRA), afin:
2.3.1. d’accroître le respect des règles de transparence dans tous les Etats membres;
2.3.2. de coordonner des actions communes des instances de régulation, afin d’éviter des lacunes géographiques en Europe;
2.3.3. d’apporter un soutien ciblé pour renforcer la mise en œuvre des règles de transparence au niveau national;
2.4. d’inviter des associations de médias, telles que l’Association européenne des éditeurs de journaux (ENPA), la Fédération internationale de la presse périodique (FIPP), l’Association mondiale des radiodiffuseurs communautaires (AMARC Europe), l'Association des télévisions commerciales européennes, l’Union européenne de radio-télévision et la Fédération européenne des associations de fournisseurs d'accès et de services Internet (EuroISPA), à créer d'une manière coordonnée des normes déontologiques sur la transparence de la propriété des médias.

C. Exposé des motifs, par Mme Bilgehan, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. Après avoir déposé la proposition de résolution intitulée «Accroître la transparence de la propriété des médias» (Doc. 13121), j’ai été nommée rapporteure par la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias le 25 avril 2013. En tant qu’ancienne journaliste et écrivain, je suis particulièrement attentive à la liberté, au pluralisme et à la transparence des médias, qui sont les pierres angulaires d’un environnement médiatique indispensable à une société démocratique et propice à celle-ci.
2. Il y a vingt ans, le Comité des Ministres a adopté sa Recommandation (94) 13 sur des mesures visant à promouvoir la transparence des médias. D’importants travaux complémentaires ont suivi, tant au sein du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne qu’au sein d’organisations non gouvernementales (ONG). Néanmoins, la situation en Europe est encore marquée aujourd’hui par des différences nationales en ce qui concerne les règles de transparence, et certains pays présentent même des failles permettant des structures de propriété déguisées. Etant donné que les médias subissent des pressions économiques croissantes en raison du développement rapide des médias numériques, ils peuvent être sensibles à des pressions politico-financières concernant leurs décisions éditoriales. Cela nécessite l’attention et la réaction des parlements nationaux en Europe.

2. Travaux préparatoires

3. Dans le cadre de l’élaboration de son rapport sur l’état de la liberté des médias en Europe, la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias avait organisé le 18 décembre 2012 à Paris un échange de vues avec Mme Fiona Harrison d’Access Info Europe (Madrid) au sujet de son étude sur la transparence de la propriété des médias. Cette étude a également été présentée le 25 avril 2013 au Comité directeur intergouvernemental du Conseil de l’Europe sur les médias et la société de l’information (CDMSI).
4. En partenariat avec Access Info Europe, le Programme médias de l’Open Society et la Division de soutien de projets parlementaires de l’Assemblée, la sous-commission des médias et de la société de l’information de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias a organisé le 24 septembre 2013 à Bruxelles une conférence sur la transparence de la propriété des médias. Je tiens à remercier tous les participants pour leurs contributions 
			(3) 
			Gvozden
Flego, Rapporteur sur la liberté des médias de la commission de
la culture, de la science, de l’éducation et des médias de l’Assemblée,
membre du Parlement croate; José Mendes Bota, membre de l’Assemblée,
président de la commission sur l’éthique, la citoyenneté et la communication,
Assemblée de la République du Portugal; Mykola Kniazhytsky, président
de la sous-commission de l’audiovisuel, Verkhovna Rada de l’Ukraine;
Chiril Lucinschi, président de la commission de la culture, de l’éducation,
de la recherche, de la jeunesse, du sport et des médias, Parlement
de la République de Moldova; Jasen Mesić, président de la commission
de l’information et des médias, Parlement croate; Marija Obradovic,
vice-présidente de la commission de la culture et de l’information
de l’Assemblée nationale de Serbie; John Whittingdale, OBE, président
du comité restreint sur la culture, les médias et le sport, Chambre
des Communes du Royaume-Uni; Renate Weber, députée et rapporteure
au Parlement européen; Fiona Harrison, Access Info Europe; Alexander
Kashumov, Programme d’accès à l’information, Bulgarie; Andris Mellakauls,
président du Comité directeur du Conseil de l’Europe sur les médias
et la société de l’information, chef de section au ministère de
la Culture de Lettonie; Peggy Valcke, professeur-chercheur et spécialiste
du droit des médias, université de Louvain; Lorena Boix-Alonso,
chef de l’unité «Médias et contenus convergents», DG CONNECT, Commission
européenne; Marc Gruber, directeur de la Fédération européenne des
journalistes; Francine Cunningham, directrice exécutive de l’Association
européenne des éditeurs de journaux; Ross Biggam, directeur général
de l’Association des télévisions commerciales européennes; Jean-François
Furnémont, président de la Plate-forme européenne des instances
de régulation..
5. Lors de sa réunion du 13 mai 2014 à Istanbul, la sous-commission des médias et de la société de l’information a eu un échange de vues avec le professeur Peggy Valcke, université de Louvain, M. Martin Zachariev, membre de la commission de la culture et des médias du Parlement bulgare, et Mme Corina Fusu, vice-présidente de la commission de la culture, de l’éducation, de la recherche, de la jeunesse, du sport et des médias du Parlement de la République de Moldova.
6. Le professeur Peggy Valcke a par la suite été chargée d’élaborer à ce sujet un rapport de fond, qu’elle a présenté à la commission le 30 septembre 2014 à Strasbourg (document AS/Cult/Inf (2014) 04) 
			(4) 
			<a href='http://www.access-info.org/index.php/en/media-transparency/629-pace-report'>www.access-info.org/index.php/en/media-transparency/629-pace-report.</a>. Le présent exposé des motifs s’inspire largement de ce rapport étoffé et j’en suis particulièrement reconnaissante au professeur Valcke.
7. J’ai aussi trouvé très utile l’Etude de 2009 sur les indicateurs du pluralisme des médias dans les Etats membres [de l’Union européenne] – Vers une approche fondée sur les risques, qui avait été menée par le professeur Valcke 
			(5) 
			<a href='https://ec.europa.eu/digital-agenda/sites/digital-agenda/files/final_report_09.pdf'>https://ec.europa.eu/digital-agenda/sites/digital-agenda/files/final_report_09.pdf.</a>.
8. Enfin, j’ai apprécié le rapport actualisé sur la transparence de la propriété des médias dans l’Union européenne et les Etats voisins, élaboré par Rachael Craufurd Smith et Yolande Stolte de l’université d’Edimbourg sur un projet d’Access Info Europe et du Programme de l’Open Society sur l’indépendance du journalisme [«Open Society Program on Independent Journalism»] 
			(6) 
			<a href='http://avada.access-info.org/wp-content/uploads/Transparency_of_Media_Ownership_in_the_EU-09-26-2014.pdf '>http://avada.access-info.org/wp-content/uploads/Transparency_of_Media_Ownership_in_the_EU-09-26-2014.pdf. </a>.

3. Transparence de la propriété des médias

9. La transparence de la propriété des médias est une condition essentielle au bon fonctionnement des démocraties. Même si les chartes internationales relatives aux droits de l'homme ne font pas explicitement mention de la transparence, il est clair qu'un exercice effectif de la liberté d'expression et du droit de recevoir et de diffuser des informations la requièrent, tel que reconnu à l'article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, à l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme (STE no 5) et à l'article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
10. Une véritable liberté d'expression suppose également l'existence de différents médias et une diversité dans la propriété des médias, condition nécessaire mais pas suffisante du pluralisme des médias. Depuis un certain nombre d'années, les Etats ont adopté des mesures visant à préserver le caractère pluraliste du paysage médiatique. Ces mesures proscrivent, entre autres, qu'une seule personne ou un petit nombre de personnes physiques ou morales détiennent une participation excessive dans les médias qui influencent l'opinion publique et le débat politique. La Cour européenne des droits de l'homme a explicitement confirmé dans l'affaire Centro Europa 7 S.r.l. et Di Stefano c. Italie que, au moins dans le contexte sensible des médias audiovisuels, les Etats sont soumis, en vertu de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, à l’obligation positive de «mettre en place un cadre législatif et administratif approprié pour garantir un pluralisme effectif». Aux fins de surveiller, dépister et, s'il y a lieu, sanctionner les situations de concentration de pouvoir dans le secteur des médias, les acteurs compétents doivent impérativement disposer d'informations adéquates sur la structure de propriété des médias.

3.1. La reconnaissance internationale de ce sujet

11. La nécessité d'une transparence accrue de la propriété des médias a été reconnue ces dernières années par un nombre croissant d'instances politiques, organisations de la société civile, ONG, associations de journalistes, organes de réglementation et universitaires. Le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe a été le premier à attirer l'attention sur l'importance de la transparence de la propriété des médias et à inviter instamment les Etats membres à veiller à ce que «les membres du public [aient] la possibilité d'accéder de manière équitable et impartiale à certaines informations de base sur les médias afin de se former une opinion sur la valeur à accorder aux informations, aux idées et aux opinions diffusées par ces médias» (1994) et à «adopter les mesures réglementaires et financières qui s’imposent en vue de garantir la transparence (...) des médias» (2007).
12. La Résolution 1636 (2008) de l'Assemblée parlementaire sur les indicateurs pour les médias dans une démocratie a de même stipulé que «la propriété des médias et l’influence qu’exercent les acteurs économiques sur les médias doivent être transparentes». A propos du pluralisme des médias dans un paysage médiatique en mutation, Thomas Hammarberg, ancien Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, avait conclu en 2011 à la nécessité d'une transparence de la propriété des médias. Et l'année dernière, l'Assemblée a adopté la Résolution 1920 (2013) sur l'état de la liberté des médias en Europe, dans laquelle elle souligne ceci:
«L'Assemblée regrette que l'appartenance des médias ne soit pas transparente dans tous les Etats membres et leur demande de prendre les dispositions nécessaires à cette fin. Le manque de transparence est un moyen typiquement utilisé pour masquer des intérêts politiques ou commerciaux dans le contrôle des grands groupes de médias. L'Assemblée exhorte les Etats membres à prendre les mesures appropriées pour garantir la transparence et le pluralisme des médias et promouvoir des normes journalistiques.»
13. Au niveau de l'Union européenne, le Parlement européen a souvent fait état de sa préoccupation au sujet du manque de transparence de la propriété des médias en Europe, et appelé la Commission européenne et les Etats membres à prendre des initiatives à cet égard. L'importance de la transparence de la propriété des médias et des sources de financement, en tant qu'élément fondamental pour garantir la liberté et le pluralisme des médias, a été reconnue dans les conclusions du Conseil de l’Union européenne sur la liberté et le pluralisme des médias dans l'environnement numérique de novembre 2013. En mai 2014, le Conseil de l’Union européenne a souligné que l'Union européenne soutiendrait les initiatives des pays tiers visant à améliorer la transparence de la propriété des médias.
14. L'étude indépendante sur les indicateurs du pluralisme des médias dans les Etats membres, réalisée à la demande de la Commission européenne en 2008-2009, a traité des garanties réglementaires pour la transparence de la propriété et/ou du contrôle vis-à-vis du public, d'une part, et de l'autorité compétente, d'autre part, en tant qu'indicateurs clés pour évaluer les risques pour le pluralisme des médias. Le Groupe de haut niveau sur la liberté et le pluralisme des médias de la Commission européenne a identifié le manque de transparence de la propriété des médias et l'opacité des sources de financement comme un défi pour la liberté et le pluralisme des médias en Europe. Et un volet important de la campagne de l'Initiative [citoyenne] européenne pour le pluralisme des médias concerne la propriété et la transparence des médias et la prévention des conflits d'intérêt avec les responsabilités politiques.
15. La Représentante de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) pour la liberté des médias a aussi instamment invité les Etats membres, à plusieurs reprises, à respecter la transparence de la propriété des médias. Un nombre croissant de publications universitaires, d'études et d'enquêtes d'ONG attirent spécialement l'attention sur la question – par exemple, la récente étude d'Access Info Europe et le programme Open Society sur le journalisme indépendant (OSPIJ), anciennement dénommé programme «médias», qui a examiné la disponibilité d'informations sur la propriété dans 19 pays européens (plus le Maroc) en 2012. L'étude a abouti à la formulation de dix recommandations pour la transparence de la propriété des médias, qui ont été présentées à la Conférence des Ministres du Conseil de l'Europe responsables des médias et de la société de l'information à Belgrade (Serbie) en novembre 2013 et qui seront examinées plus en détail dans le dernier volet de ce rapport.
16. En d'autres termes, il semble exister chez les organisations européennes un consensus assez large sur le fait que la transparence de la propriété des médias est essentielle pour la liberté et le pluralisme des médias et la démocratie.

3.2. Les normes internationales

17. Un certain nombre de normes relatives à la transparence de la propriété des médias ont été élaborées à différents niveaux ces dernières années. Même s'il s'agit là d'initiatives indéniablement louables, les instruments sur lesquels elles se fondent ne sont généralement pas contraignants ou n'ont qu'une utilité limitée. Au niveau du Conseil de l'Europe, trois instruments présentent un intérêt particulier, à savoir la Convention européenne sur la télévision transfrontière (STE no 132), la Recommandation no R (94) 13 du Comité des Ministres sur des mesures visant à promouvoir la transparence des médias et la Recommandation CM/Rec(2007)2 sur le pluralisme des médias et la diversité du contenu des médias.
18. Dans le contexte de l'Union européenne, une obligation légale d'information a été introduite pour les fournisseurs de services de médias audiovisuels, à l'occasion de la révision de la directive «Télévision sans frontières» en 2007. La Directive relative aux services de médias audiovisuels en vigueur souligne, au considérant 45, que «compte tenu de la nature spécifique des services de médias audiovisuels et, en particulier, de l’influence qu’ils exercent sur la manière dont le public se forme une opinion, il est essentiel que les utilisateurs sachent exactement qui est responsable du contenu de ces services» et qu'«il importe donc que les Etats membres veillent à ce que les utilisateurs disposent à tout moment d’un accès simple et direct aux informations concernant le fournisseur de services de médias». Malgré cet engagement apparemment fort pour la transparence, le libellé effectif de la disposition pertinente est beaucoup moins consistant: l'article 5 impose seulement que les fournisseurs de services de médias audiovisuels offrent aux destinataires du service un accès facile, direct et permanent au moins aux informations suivantes:
  • le nom du fournisseur de services de médias;
  • l’adresse géographique à laquelle le fournisseur de services de médias est établi;
  • les coordonnées du fournisseur de services de médias, y compris son adresse de courrier électronique ou son site internet, permettant d’entrer rapidement en contact avec lui d’une manière directe et efficace;
  • le cas échéant, les organismes de régulation ou de supervision compétents.
19. Une disposition similaire figure dans la directive sur le commerce électronique de 2000 concernant les prestataires de services de la société de l'information, qui s'apparente à des obligations d'information imposées dans le passé ou actuellement dans le contexte de la législation sur la protection des consommateurs. Ces obligations de fournir certaines informations – en particulier l'identité et les coordonnées du fournisseur – avant la fourniture du service/bien visent à permettre au consommateur de contacter rapidement le fournisseur et de communiquer avec lui de manière efficace en cas de conflits typiques (livraison tardive ou non effectuée, discordances entre le service/bien livré et le service/bien commandé, prix incorrect, etc.). Cependant, elles permettent simplement au client d'obtenir la dénomination, l'adresse et la personne à contacter de la société, et non pas de «sa[voir] exactement qui est responsable du contenu des services en question». Cela contraste avec l'importance proclamée de cette information, à la lumière de l'impact des services audiovisuels sur la manière dont le public se forme une opinion, comme la Directive relative aux services de médias audiovisuels le souligne elle-même.
20. Il est vrai que la compétence législative de l'Union européenne en ce qui concerne le pluralisme des médias et la transparence de la propriété des médias est sujette à controverse, raison probable pour laquelle le législateur européen n'a pas introduit d'obligations plus strictes dans la Directive relative aux services de médias audiovisuels en 2007. Dans sa Résolution du 21 mai 2013, le Parlement européen a demandé à la Commission d'inclure dans l'évaluation et la révision de la directive «Services de médias audiovisuels» des dispositions sur la transparence de la propriété des médias et sur la concentration des médias, ainsi que des règles en matière de conflits d'intérêts en vue d'empêcher toute influence abusive des forces économiques et politiques sur les médias, mais il reste à voir les mesures concrètes qui s'ensuivront. Reconnaissant l'importance de la transparence de la propriété des médias lors de sa réunion du 26 novembre 2013, le Conseil de l'Union européenne estime qu'il incombe aux Etats membres de prendre les mesures adaptées pour parvenir à une véritable transparence de la propriété des médias, et se limite à inviter la Commission à «renforcer, au moyen d'actions non législatives, la coopération entre les instances de régulation de l'audiovisuel des Etats membres et promouvoir les bonnes pratiques concernant la transparence en matière de propriété des médias».

3.3. Exigences pour assurer la transparence

21. En général, on peut distinguer deux types d'obligations de divulgation: d'une part, les règles visant à assurer une transparence vis-à-vis des autorités de régulation (divulgation indirecte) et, d'autre part, les règles visant à assurer une transparence vis-à-vis du public (divulgation directe). La première catégorie d'obligations se subdivise elle-même en obligations de divulgation spécifiques aux médias, qui figurent dans les lois relatives aux médias, et les obligations de transparence non spécifiques aux médias, qui sont généralement énoncées dans les lois de caractère général sur les sociétés et/ou les lois sur les conflits d'intérêt axées sur les responsables politiques et/ou les agents publics.

3.3.1. Quelles sont les organisations de médias soumises aux obligations de divulgation?

22. Pour se faire une idée complète sur la question de savoir qui contrôle ou influence la fourniture de nouvelles et d'informations, il importe pour commencer de couvrir tous les secteurs de médias concernés – presse écrite, audiovisuel et médias en ligne – sans exceptions notables.
23. Cependant, pour éviter tout fardeau excessif pour les organes de presse indépendants de petite dimension, réduire au minimum le risque d'effet paralysant sur la liberté d'expression et limiter la charge de travail pour les autorités de régulation à un niveau raisonnable, il convient d'envisager un régime de minimis. Un tel régime pourrait être axé sur une exemption pour certaines catégories de fournisseurs de services de médias – par exemple, les médias communautaires à but non lucratif, les organes de presse ayant une part d'audience ou de recettes très limitée ou des recettes inférieures à un certain seuil ou les entreprises unipersonnelles de presse. Ou encore, les obligations de divulgation pourraient être limitées à certaines catégories d'organisations de médias, telles que celles qui mènent des activités commerciales; ont un intervalle de publication régulier; atteignent un certain seuil de tirage, de distribution et de recettes; impliquent plusieurs auteurs et exercent un contrôle éditorial sur le contenu (comme c'est le cas, par exemple, en Lettonie et en Islande).
24. Une autre question importante est de savoir si les obligations déclaratives couvrent les médias nationaux et étrangers. Les citoyens auront accès aux informations dont ils ont besoin pour faire des choix informés sur les médias qu'ils utilisent et pour être en mesure d'évaluer les informations qu'ils reçoivent seulement si les règles s'appliquent à tous les médias opérant dans le pays. Il est difficile dans la pratique d'étendre les obligations de divulgation aux entreprises étrangères. Une meilleure coopération entre les autorités responsables des médias et le rattachement des bases de données nationales en Europe peuvent partiellement aider à surmonter ces problèmes, parce que l'environnement médiatique est maintenant mondialisé. Il faudrait se poser la question de savoir si, eu égard à leur capacité à sélectionner ou classer les informations, les intermédiaires en ligne devraient également être soumis aux obligations de divulgation.
25. Toutefois, la législation nationale sur la transparence de la propriété des médias ne devrait pas discriminer les médias étrangers, mais se concentrer seulement sur la transparence, quel que soit l'endroit où se trouvent les propriétaires. Dans quelques Etats membres du Conseil de l'Europe, il semble y avoir une tendance politique pour limiter ou même exclure la propriété étrangère des médias, souvent pour des raisons politiques. L'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme protège la liberté des médias «sans considération de frontière» et, par conséquent, les médias ne devraient pas travailler derrière des murs nationaux.

3.3.2. Auprès de qui la divulgation doit-elle être faite?

26. Le scénario idéal combine des obligations de divulgation directe et indirecte pour assurer une transparence maximum. Mettre en place seulement des obligations de divulgation directe induit le risque que les informations fournies soient de nature trop technique et difficiles à comprendre pour le grand public. On peut surmonter ce problème avec un système d'obligations de divulgation indirecte, dans le cadre duquel les instances de régulation des médias collectent des données pertinentes et les rendent accessibles au public de façon utile (par exemple, en identifiant les liens croisés entre les propriétaires des médias et en présentant des données sous forme de graphiques ou de schémas clairs). Il est vrai que cela requiert un organe de régulation indépendant et efficace, doté de ressources matérielles et humaines suffisantes – une condition qui peut ne pas être (encore) remplie dans certains pays du Conseil de l’Europe.
27. Si ces obligations sont déjà assez courantes dans le secteur audiovisuel, ce n'est pas le cas, ou c'est beaucoup moins le cas, s'agissant de la presse écrite et d'internet, compte tenu du caractère sensible de la régulation de ces secteurs par l'Etat. A la lumière de la convergence croissante entre la presse écrite et les médias audiovisuels, il peut toutefois être justifié que certaines obligations juridiques – telles que les obligations de transparence – s'appliquent pareillement à tous les segments des médias.

3.3.3. Les données – que faut-il divulguer?

28. Pour commencer, la quantité et les types de données requises devraient être pertinents, appropriés, suffisants et proportionnés au but visé, qui est de dépister les formes de contrôle ou d'influence indues concernant les médias et de permettre aux citoyens d'évaluer la qualité des informations communiquées par les médias de sorte à pouvoir prendre des décisions politiques et personnelles mieux informées. De toute évidence, les données d'identification et de contact, telles que requises actuellement par la Directive relative aux services de médias audiovisuels, sont loin d'être suffisantes pour atteindre cet objectif. Pour déterminer qui contrôle un organe de presse particulier, il convient en premier lieu d'obtenir des données sur la structure de propriété de l'organisation ayant la responsabilité éditoriale: qui y détient une participation ou des actions et à hauteur de quel pourcentage? Il importe ici de fixer des limites de divulgation à un niveau approprié. S'il est vrai qu'il n'est peut-être pas judicieux d'exiger des données sur les actionnaires de second plan, les seuils de divulgation ne devraient pas non plus être fixés à un niveau trop élevé.
29. Pour déterminer qui est le véritable propriétaire d'une organisation de médias, il est souvent nécessaire de regarder au-delà des participations de première ligne et de prendre en compte les participations indirectes ainsi que les participations effectives dans le cas desquelles il se peut que le véritable propriétaire ne soit pas du tout dévoilé. Même lorsque la législation requiert des informations sur les bénéficiaires effectifs, il peut s'avérer difficile d'établir si les informations fournies sont correctes. Le but recherché dans un mécanisme de participation effective est souvent de dissimuler l'identité du véritable propriétaire pour des raisons commerciales ou politiques; dès lors, on peut s'attendre à ce que les informations en question ne soient pas spontanément divulguées.
30. En outre, pour avoir une vue complète de la situation, il est aussi important de prendre en compte:
  • les intérêts liés (c'est-à-dire, les intérêts détenus dans des organes de presse par des individus liés au propriétaire, en particulier des membres de la famille);
  • les participations liées ou les participations croisées dans d'autres entités (c'est-à-dire, les informations sur la nature et le périmètre des intérêts détenus par les propriétaires de médias dans d'autres organisations de médias voire dans d'autres secteurs économiques).
31. Pour comprendre de façon plus précise non seulement qui détient les médias mais aussi qui les contrôle (transparence de l'influence), il est impératif de disposer également de détails sur les autres personnes ou organes susceptibles d'exercer une influence significative sur la politique éditoriale. Il y a la catégorie des personnes qui occupent des postes clés dans l'entreprise (membres de la haute direction, tels que les directeurs, et le rédacteur en chef). Il y a aussi la catégorie des bailleurs de fonds; en effet, des données financières, en particulier des informations sur les sources de financement des médias, peuvent révéler des influences commerciales ou politiques potentiellement significatives (à travers des subventions publiques, annonces publicitaires ou dons), ainsi qu'une influence de médias sur des partis politiques ou des organes de l'Etat.
32. En outre, d'aucuns ont fait valoir que les obligations de divulgation devraient également s'étendre aux liens politiques ou religieux afin de contribuer à éclairer les possibles influences sur la politique de programmation ou la politique éditoriale (ou, à l'inverse, l'influence des médias sur des partis politiques ou des organes de l'Etat).

3.3.4. Quelle est l'accessibilité des informations au public?

33. L'accessibilité est non seulement une question de disponibilité des informations mais aussi une question de réduction du degré de complexité de ces informations. Les données économiques sont souvent très techniques et pas aisées à saisir pour les personnes non expertes. Il est donc recommandé de prendre également en considération les aspects procéduraux dans l'élaboration des dispositions sur la transparence de la propriété des médias.

3.3.5. Quelle est l'efficacité du régime de divulgation?

34. Pour s'assurer que les informations sont complètes, exactes et facilement accessibles au public, en d'autres termes que la divulgation est effective, il importe que les bases de données soient actualisées et que les obligations de divulgation soient assorties d'un contrôle effectif et de sanctions appropriées.

4. La situation en Europe

35. Plusieurs études comparatives récentes ont examiné de plus près les obligations de divulgation existantes dans les Etats européens, la plus récente étant l'étude sur l'intégrité dans les médias réalisée entre juillet 2013 et février 2014 dans le cadre du projet régional de l'Observatoire des médias de l'Europe du Sud-Est. Cette étude a couvert les cinq pays d'Europe du Sud-Est suivants: Albanie, Bosnie-Herzégovine, Croatie, «l'ex-République yougoslave de Macédoine» et Serbie (tous membres du Conseil de l'Europe). Les conclusions des études sur la transparence de la propriété des médias dressent un sombre tableau de la situation dans ces pays, malgré un certain nombre d'initiatives louables prises ces dernières années pour accroître la transparence et lutter contre l'instrumentalisation politique des médias.
36. Une étude systématique spécialement axée sur la transparence de la propriété des médias a été réalisée par le programme Open Society sur le journalisme indépendant et Access Info Europe en 2012 (ci-après, l'«étude sur la TPM»). L'étude a examiné des règlements spécifiques aux médias et des lois sur les sociétés de 19 pays du Conseil de l'Europe situés dans différentes parties du continent (plus le Maroc) afin d'évaluer la mesure dans laquelle le public a accès à des données sur la propriété des organes de presse (directement ou par le biais de l'organe de régulation).
37. Sa principale conclusion est que dans plus de la moitié des pays examinés, les règles en vigueur sur la propriété des sociétés et des médias ne permettent pas aux membres du public de savoir qui sont les bénéficiaires réels ou effectifs des médias, et que, dans la plupart des pays, le cadre juridique ne garantit pas au public un accès aux informations sur les propriétaires des organes de la presse écrite ou des médias en ligne.
38. Cela étant, l'étude a aussi identifié des modèles de bonnes pratiques et des exemples sur la façon d'assurer la transparence de la propriété des médias. Les paragraphes suivants décrivent ces bonnes pratiques observées dans différents pays mais présentées à travers deux études de cas spécifiques, qui concernent la Norvège (dont le régime peut être considéré comme le plus en avance pour un certain nombre de raisons d'après le rapport d'Access Info à l'intention du Groupe de haut niveau sur la liberté et le pluralisme des médias) et la Croatie (qui dispose d'une législation bien définie, mais peu appliquée). Un troisième volet examine en particulier les initiatives d'autoréglementation et les initiatives volontaires partant de la base.

5. La voie à suivre

39. L'étude sur la TPM réalisée par Access Info et OSPIJ – évoquée plus haut – a donné lieu à dix recommandations sur la transparence de la propriété des médias 
			(7) 
			<a href='http://avada.access-info.org/wp-content/uploads/TMO_Recommendations_05_November_2013.pdf'>http://avada.access-info.org/wp-content/uploads/TMO_Recommendations_05_November_2013.pdf.</a>. Les recommandations énoncent, entre autres, les types d'informations à fournir aux autorités responsables des médias; les seuils de divulgation qui sont nécessaires; la manière dont les informations devraient être collectées; ainsi que la manière dont et le lieu où elles devraient être mises à disposition. Elles ont été améliorées grâce à la consultation de près d'une centaine de militants de la société civile et d'experts des médias, et éprouvées à travers des échanges avec des agents d'institutions européennes et des parlementaires, y compris – de façon très constructive – de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.
40. En substance, les recommandations prescrivent la mise en œuvre de trois axes d'action essentiels au niveau national:
  • les Etats devraient se doter d'un cadre juridique clair et précis imposant des normes déclaratives obligatoires aux médias audiovisuels, organes de la presse écrite et médias en ligne analogues afin de permettre l'identification des bénéficiaires effectifs et propriétaires en dernier ressort, jusqu’au niveau des personnes;
  • un organe indépendant devrait exercer un contrôle effectif du respect de ces normes;
  • le public devrait avoir accès, à titre gratuit, aux informations pertinentes sur la propriété des médias, que ce soit à travers le site internet des médias concernés (c'est-à-dire directement) ou à travers une base de données centralisée en ligne tenue par l'autorité responsable des médias.
41. Neuf des recommandations de l'étude sur la TPM sont axées sur ce que les parlements nationaux en Europe peuvent ou devraient faire pour améliorer la transparence de la propriété dans le secteur des médias, dans la mesure où les parlements représentent le niveau politique le plus proche du «terrain» et sont capables de produire les résultats les plus directs. Toutefois, sachant que la réalisation d'une véritable transparence dépend d'un effort concerté de différents acteurs concernés à différents niveaux, la dixième recommandation concerne à juste titre l'accès transnational et la comparabilité.
42. Le Conseil de l'Europe devrait continuer à promouvoir des normes détaillées en matière de transparence de la propriété des médias et à instamment inviter les membres à mettre en œuvre ces normes au niveau national. L'Union européenne devrait envisager d'introduire des normes sur la transparence de la propriété des médias dans un instrument législatif de sorte à créer les outils pour faire respecter la conformité dans les Etats membres de l'Union européenne. Il importe que ces normes soient en harmonie avec celles élaborées par le Conseil de l'Europe et que la cohérence avec les initiatives dans d'autres domaines, tels que la lutte contre le blanchiment de capitaux, soit assurée.
43. Comme indiqué ci-dessus, les parlements nationaux devraient adopter un cadre juridique détaillé qui introduise ou développe des obligations de divulgation fortes et habilite l'organe de régulation à rendre opérationnelles ces obligations.
44. Les organes de régulation devraient coordonner leur action et échanger des exemples de bonnes pratiques – par exemple via la Plate-forme européenne des instances de régulation (EPRA) ou le groupe des régulateurs européens des services de médias audiovisuels – en vue d'établir un format commun de collecte et d'enregistrement systématiques des données. Une plus grande cohérence des différentes bases de données nationales permettra de les relier, de rendre les obligations administratives moins onéreuses pour les entreprises opérant dans plusieurs pays et faciliter les comparaisons entre les pays.
45. Dans ce processus, il convient de consulter les organisations non gouvernementales, de la société civile et universitaires concernées ainsi que les opérateurs commerciaux et les organismes professionnels, pour deux raisons. Premièrement, ils ont souvent pris des initiatives importantes pour renforcer la transparence de la propriété des médias et ont ainsi acquis une expérience appréciable dans ce domaine. Deuxièmement, leur rôle dans la création d'une «culture de la transparence» ne doit pas être sous-estimé.
46. Enfin, il ne faudrait pas oublier que l'adoption d'un cadre juridique solide n'est que la première étape – quoiqu'une étape déterminante – sur la voie vers une véritable transparence de la propriété. Tout aussi déterminante est l'application effective des règles juridiques – qui, outre des législateurs audacieux, exige une instance de régulation indépendante et performante, des organisations de médias coopératives et des groupes de surveillance vigilants au sein de la société civile. Il convient d'encourager les organes judiciaires à tous les niveaux – européen et national – à reconnaître explicitement les liens entre la liberté d'expression, le pluralisme des médias et une démocratie qui fonctionne, d'une part, et la transparence de la propriété des médias, d'autre part.
47. En d'autres termes, la promotion d'une véritable culture de la transparence relève de la responsabilité de toutes les parties concernées. Cependant, on ne peut nier que les parlements nationaux sont aux commandes. Il se peut que la route qui les attend soit parsemée d'embûches, mais comme le dit la sagesse populaire, un fardeau partagé est un fardeau réduit de moitié. Par conséquent, si les acteurs nationaux et internationaux coordonnent leur action, la charge des efforts visant à assurer la transparence de la propriété des médias – qui, de toute évidence, n'est pas légère – pourrait en fin de compte ne pas être si difficile à porter.

6. Conclusions

48. Ainsi qu’on peut le constater dans l’étude relative à la transparence de la propriété des médias (TPM), en raison de l’absence ou du caractère limité, dans de nombreux Etats, en matière de divulgation d’informations, de dispositions qui soient spécifiques aux médias ou de portée générale, les citoyens ne sont pas en mesure de déterminer qui possède ou contrôle les médias qui fonctionnent dans leur pays. En conséquence, des mesures supplémentaires sont nécessaires au niveau interne.
49. Il faudrait encourager les organes judiciaires et législatifs à reconnaître expressément les liens entre la liberté d’expression, le pluralisme des médias et une démocratie qui fonctionne, d’une part, et la transparence de la propriété des médias, d’autre part.
50. Il faudrait prendre des mesures, dans les Etats qui ne l’ont pas encore fait, pour adopter une législation conforme tant à la Recommandation no R (81) 19 du Comité des Ministres sur l’accès à l’information détenue par les autorités publiques qu’à la Convention du Conseil de l’Europe sur l’accès aux documents publics (STCE no 205).
51. Afin que l’on puisse parfaitement comprendre qui possède ou contrôle effectivement ces médias, il est indispensable aussi que les informations ci-après soient également rendues publiques: les holdings indirectes et cachées, les intérêts connexes, les participations liées dans d’autres sociétés, et les influences commerciales ou politiques qui peuvent être considérables, par exemple grâce à la publicité ou aux dons.
52. Les Etats et leurs instances de régulation devraient coordonner et échanger des exemples de bonnes pratiques afin d’établir peu à peu des normes concrètes en matière de transparence de la propriété des médias. Ces normes devraient notamment s’inspirer des catégories mises en évidence dans la Recommandation CM/Rec(2007)2 du Comité des Ministres sur le pluralisme des médias et la diversité du contenu des médias.
53. Les Etats devraient adopter, s’ils n’en ont pas encore, des mesures obligeant les responsables politiques et les hauts fonctionnaires à déclarer tous les intérêts qu’ils peuvent avoir dans des médias.
54. Le Conseil de l’Europe et l’Union européenne devraient coordonner encore plus leurs activités pour accroître la transparence de la propriété des médias en Europe. Il faudrait aussi envisager sérieusement d’établir une base de données à caractère paneuropéen, éventuellement à partir des informations déjà réunies par l’Observatoire européen de l’audiovisuel et concernant à la fois les médias imprimés et les médias en ligne.