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Rapport | Doc. 13741 | 01 avril 2015

Les conséquences humanitaires des actions menées par le groupe terroriste connu sous le nom d’«Etat islamique»

Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées

Rapporteur : M. Jean-Marie BOCKEL, France, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 13615, Renvoi 4085 du 3 octobre 2014. 2015 - Deuxième partie de session

Résumé

Un an après l’adoption de son dernier rapport sur la situation des réfugiés syriens, l’Assemblée parlementaire ne peut que constater que la situation n’a pas cessé de s’aggraver, en raison notamment, de la montée en puissance du groupe terroriste connu sous le nom d’«Etat islamique».

Selon le HCR, 4 millions de réfugiés ont fui le pays et l’on compte près de 7,5 millions de personnes déplacées internes, dont la situation est de plus en plus préoccupante. Pour la seule année 2014, le conflit a atteint un sinistre record avec 76 000 morts, dont 3 500 enfants.

Face à cette crise humanitaire sans précédent, l’Assemblée réitère son appel aux Etats pour qu’ils fassent preuve de solidarité et de responsabilité, en augmentant notamment les fonds alloués aux organisations humanitaires et en soutenant dans la mesure du possible le plan de réinstallation et d’admission humanitaire.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 23 mars
2015.

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1. Un an après l’adoption de la Résolution 1971 (2014) «Les réfugiés syriens: comment organiser et soutenir l’aide internationale?», l’Assemblée parlementaire est consternée de voir que la situation s’est considérablement aggravée engendrant une crise humanitaire sans précédent.
2. Pour la seule année 2014, le conflit a atteint un sinistre record de 76 000 morts dont 3500 enfants et ce sans compter les milliers de personnes portées disparues, que ce soit dans les prisons ou sur les terres contrôlées par les djihadistes.
3. Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), l’on compte environ 11,5 millions de personnes relevant du mandat dont 4 millions de réfugiés ayant fui le pays et environ 7,5 millions de personnes déplacées internes. L’une des conséquences de ce conflit est que les Syriens sont devenus le plus grand groupe de réfugiés sous mandat du HCR.
4. L’Assemblée est profondément préoccupée par la montée en puissance du groupe terroriste connu sous le nom d’«Etat islamique» («EI»), qui continue à multiplier les crimes de guerre, les nettoyages ethniques et les crimes contre l’humanité, entraînant une aggravation du conflit et, par voie de conséquence, un afflux massif de réfugiés dans les pays avoisinants.
5. Cette arrivée massive de réfugiés syriens n’est pas sans incidence sur la vie socio-économique et politique des pays avoisinants, entraînant de plus en plus de tensions entre les nationaux des pays d’accueil et les réfugiés syriens.
6. L’Assemblée souhaite de nouveau rendre hommage à la générosité de la Turquie, du Liban, de la Jordanie, de l’Irak et de l’Egypte, qui ont accueilli à eux seuls près de 92 % des réfugiés, ce qui n’a pas été sans conséquence sur la vie socio-économique de ces pays.
7. Elle salue également la décision de l’Allemagne d’accueillir des femmes violées par des militants d’«EI» ainsi que de la décision des autorités suédoises d’accorder le droit de résident permanent aux demandeurs d’asile syriens.
8. Le conflit syrien a entraîné la séparation de nombreux enfants de leur famille, mais également une augmentation des mineurs non accompagnés, si bien que la nouvelle génération de Syriens se trouve confrontée au risque d’apatridie. Les mineurs non accompagnés, ainsi que les femmes et les jeunes filles représentent un pourcentage très élevé des réfugiés et se retrouvent dans une situation plus que précaire et souvent dangereuse, devenant ainsi des victimes toute désignées de toutes formes d’exploitation ou de violence.
9. En Jordanie et en Turquie, par exemple, 85 % des réfugiés syriens vivent à l’extérieur des camps et sont souvent sans ressources et doivent recourir à la mendicité, que ce soit les adultes ou les enfants, ou se font exploiter.
10. La situation des personnes déplacées internes en Syrie est également de plus en plus préoccupante, notamment au nord de la Syrie où les attaques d’«EI» empêchent l’arrivée de toute aide à ces familles qui se retrouvent dans un dénuement total et où l’on constate un désastre médical et humanitaire suite à la pénurie de médecins et de médicaments et à la réapparition de maladies éradiquées, telles que la polio, la tuberculose, la gale ou la typhoïde.
11. L’Assemblée constate et condamne la recrudescence du nombre de victimes des trafiquants, notamment pour les migrants arrivant par la Mer Méditerranée, et souligne la nécessité de mettre en place des mesures efficaces pour lutter contre ce trafic.
12. L’Assemblée constate que bon nombre de pays n’accordent pas l’accueil escompté ni de visas de transit aéroportuaire, elle réitère son appel à la solidarité internationale et demande aux Etats d’octroyer, autant que possible, le statut de réfugié. En effet, les réfugiés syriens sont souvent refoulés ou finissent dans des centres de rétention. Par contre, la Turquie a accueilli un grand nombre de Syriens et l’Allemagne, la Suède et l’Arménie ont pris des mesures pour en accueillir un nombre limité par le biais de mesures de réinstallation.
13. L’Assemblée se félicite et soutient la proposition du HCR de mettre en place une politique de réinstallation ainsi qu’un plan d’admission humanitaire et encourage les Etats à mettre en place cette politique qui permettrait d’accueillir un plus grand nombre de réfugiés syriens et notamment ceux faisant partie des groupes les plus vulnérables.
14. L’Assemblée réitère son appel à tous les Etats pour qu’ils fassent preuve de solidarité et de responsabilité face à cette crise humanitaire sans précédent et prennent toutes les mesures nécessaires pour empêcher leurs ressortissants de rejoindre les rangs d’«EI», et qu’ils unissent leurs forces pour arriver à l’instauration d’un processus de paix dans la région.
15. En conséquence l’Assemblée invite les Etats membres du Conseil de l’Europe, les Etats observateurs auprès du Conseil de l’Europe et de son Assemblée Parlementaire et tous les Etats concernés par la situation des réfugiés syriens:
15.1. à accroître les fonds alloués aux organisations humanitaires, en particulier au HCR, et soutenir activement leurs activités;
15.2. à soutenir et prendre des engagements, dans la mesure du possible, pour la mise en place d’un plan de réinstallation et d’admission humanitaire;
15.3. à fournir une protection temporaire ou internationale aux réfugiés syriens, conformément à la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés («Convention de Genève de 1951») et leur permettre de travailler durant cette période, en suivant l’exemple de la Turquie;
15.4. à octroyer des visas à des fins d’études ou d’emploi ou pour des raisons humanitaires ou familiales, et notamment pour les groupes les plus vulnérables;
15.5. à arrêter les expulsions collectives aux frontières terrestres et maritimes et retirer l’exigence d’un visa de transit aéroportuaire pour les ressortissants syriens;
15.6. à veiller à ne pas renvoyer les réfugiés dans des pays n’ayant pas les capacités d’accueil et protection adéquates;
15.7. à fournir une aide supplémentaire aux pays voisins de la Syrie et à prendre des mesures pour fournir aux réfugiés syriens toutes les ressources et les fournitures vitales nécessaires, que ce soit de la nourriture, des médicaments, des vêtements ou des soins médicaux;
15.8. à apporter une attention spéciale aux personnes déplacées internes en Syrie, qui se trouvent dans une situation plus que désastreuse et qui manquent du strict minimum vital;
15.9. à continuer à mettre en œuvre des programmes de protection et d’aide aux groupes les plus vulnérables et à prendre les mesures adéquates pour veiller à la sécurité des femmes et des enfants à l’intérieur des camps;
15.10. à lutter contre les passeurs dans le Bassin méditerranéen;
15.11. à lutter contre l’apatridie, en assurant autant que possible l’avenir des jeunes Syriens;
15.12. à prendre des mesures pour faciliter l’intégration des réfugiés syriens, en mettant en place des politiques d’intégration globales;
15.13. à mettre en place des programmes de formation à l’attention du personnel militaire et policier;
15.14. à traduire les responsables des crimes de guerre en justice.
16. L’Assemblée demande également aux Etats, et plus particulièrement les Etats parties au conflit, de prendre toutes les mesures nécessaires pour impliquer les femmes dans le processus de paix et de respecter le droit international en permettant aux équipes des Nations Unies de faire leur travail.

B. Exposé des motifs, par M. Bockel, rapporteur

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1. Introduction

1. Un an après l’adoption de la Résolution 1971 (2014) «Les réfugiés syriens : comment organiser et soutenir l’aide internationale?», la crise humanitaire dans la région a pris des proportions sans précédent.
2. Ceci est dû en grande partie à la montée en puissance du groupe terroriste connu sous le nom d’«Etat islamique» («EI»), qui a proclamé, le 29 juin 2014, l’instauration d’un califat sur les territoires irakiens et syriens qu’elle contrôle. Cette organisation a d’ailleurs porté d’autres noms tels que «Etat islamique en Iraq et au Levant» (EIL) et «Etat islamique en Iraq et en Syrie» (EIIS), puis a pris le nom d’«Etat islamique». Aux fins du présent rapport, mais sans lui donner un quelconque statut officiel, je ferai référence au groupe en utilisant le sigle «EI».
3. Depuis 2006, cette organisation terroriste se considère comme le véritable Etat d’Irak et depuis 2013, celui de la Syrie. «EI» a fait de la ville de Raqqa (chef-lieu de province dans le centre de la Syrie) sa capitale politique et militaire, implantée au sein des territoires syriens nouvellement conquis.
4. Elle est considérée comme le mouvement djihadiste le plus violent du monde et est accusé aussi bien par les Nations Unies, la Ligue arabe, les Etats-Unis et l’Union européenne d’être une organisation terroriste responsable de crimes de guerre, de nettoyage ethnique et de crimes contre l’humanité.
5. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), pour la seule année 2014, le conflit a atteint un sinistre record avec 76 000 morts, dont 3 500 enfants, contre 73 000 en 2013 et près de 50 000 en 2012, sans compter les milliers de personnes portées disparues dans les geôles du régime ou chez les djihadistes. A cela s’ajoutent les quelques dix millions de réfugiés et de déplacés ainsi que les immigrés clandestins qui ont péri en mer.
6. Depuis le mois d’août 2014, une coalition internationale intervient militairement contre cette organisation et depuis la mi-septembre 2014, une alliance américano-française a bombardé par les airs des véhicules et des sites d’«EI». Par ailleurs, les exécutions et les offensives par les djihadistes d’«EI» sont quotidiennes en Irak et en Syrie et entraînent parfois la disparition de communautés entières.
7. Les pays voisins de la Syrie se sont ainsi retrouvés face à une arrivée massive de réfugiés Syriens, arrivée qui pose d’énormes problèmes, que ce soit sur le plan humanitaire, socio-économique ou politique. En effet, depuis l’adoption de la Résolution 1971 (2014), un million de réfugiés supplémentaires ont quitté la Syrie.
8. Face à ce constat, la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées a estimé qu’il était urgent d’alerter à nouveau la communauté internationale.
9. Aux fins du présent rapport je me suis rendu à Genève et en Turquie. Lors de mes entretiens à Genève avec les représentants du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), et je saisis l’occasion pour les remercier pour leur accueil, mes interlocuteurs ont été unanimes à dire qu’à l’heure actuelle, il n’y a aucune perspective de solutions. Cette visite m’a permis de mieux cibler les contacts à prendre en Turquie et à choisir la région où me rendre. Ils ont également insisté sur l’ampleur de la crise humanitaire qui, selon eux, n’avait pas de précédent.
10. Je me suis rendu en Turquie au début du mois de janvier 2015 afin de me rendre compte sur place de la situation et je remercie aussi bien le HCR que les autorités turques de m’avoir aidé à organiser cette visite. Je me suis ainsi rendu respectivement à Gaziantep, à Killis, à Urfa et à Ankara et ai ainsi pu visiter, grâce aux autorités turques, le camp de réfugiés de Killis ainsi que des réfugiés urbains dans la région d’Urfa.
11. Les contacts que j’ai eus à Ankara, que ce soit avec le Directeur Général du Croissant Rouge, le Directeur de la gestion des catastrophes et des urgences (AFAD) ou le sous-secrétaire adjoint au ministère de l’Intérieur, ont tous lancé un message très clair à la communauté internationale afin que cette dernière prenne conscience de l’ampleur de la crise humanitaire et fasse preuve de générosité et de responsabilité.

2. Situation générale des réfugiés syriens

12. Depuis le mois de juillet 2014, «EI» contrôle surtout la campagne orientale du gouvernorat d’Alep, le gouvernorat de Raqqa et celui de Deir ez-Zor ainsi qu’une partie de celui d’Hassake. Petit à petit, il s’est étendu vers le sud en direction de la frontière jordano-irakienne et vers le nord sur une partie du Kurdistan syrien vers la frontière turque.
13. Suite à cette montée des hostilités, les Syriens ont été de plus en plus nombreux à fuir leur pays ou à quitter leur ville ou leur village afin d’échapper aux troupes d’«EI». Selon l’OSDH, «EI» a exécuté au moins 1 429 personnes en Syrie entre juin et novembre 2014. Les groupes les plus concernés sont les femmes et les jeunes filles qui, lorsqu’elles sont capturées, deviennent des objets commerciaux et sexuels et des butins de guerre.
14. C’est ainsi que depuis le début du conflit en mars 2011, environ 9 millions de réfugiés syriens ont fui leur pays et l’on compte environ 6,5 millions de personnes déplacées internes. Un grand nombre s’est rendu dans les pays avoisinants: Turquie, Liban, Jordanie et Irak alors que d’autres se sont rendus dans le Caucase, le golfe Persique et en Afrique du Nord. Environ 150 000 Syriens ont demandé l’asile au sein de l’Union européenne.
15. En septembre 2014, les autorités suédoises ont déclaré que tous les demandeurs d’asile syriens auront un droit de résidence permanent compte tenu de l’aggravation du conflit. La Suède a ainsi été l’un des premiers pays à avoir fait cette offre, ce qui signifie qu’environ 8 000 Syriens pourront résider de manière permanente en Suède mais également qu’ils pourront faire venir leur famille au titre du regroupement familial.
16. D’autres pays non européens en Amérique du Sud, à savoir l’Argentine, le Brésil et l’Uruguay ont fait la même offre.
17. Les réfugiés syriens ont cependant de plus en plus de mal à traverser la frontière car ils deviennent des victimes toute désignées du trafic. C’est ainsi que les réfugiés voulant traverser le désert à l’est de la Jordanie sont forcés de payer des trafiquants pour pouvoir passer en toute sécurité. En outre, il devient de plus en plus difficile de trouver des emplois, de la nourriture et de quoi se loger dans les pays voisins et ce malgré l’aide apportée par les organisations et notamment par le HCR.
18. C’est la raison pour laquelle l’arrêt de l’aide alimentaire par le Programme alimentaire mondial serait catastrophique pour toutes ces personnes et je réitère mon appel lancé le 5 décembre, en rappelant la situation de misère et de dénuement dans laquelle se trouvent toutes ces personnes.

3. Développements récents depuis l’adoption de la Résolution 1971 (2014)

19. Depuis l’adoption de la Résolution 1971 (2014), la situation en Syrie s’est encore détériorée et l’on ne compte plus les attentats ou les exécutions, que ce soit aux frontières de la Syrie ou de l’Irak. Ceci concerne surtout les femmes, les jeunes filles et les enfants, qui représentent la grande majorité des réfugiés syriens. Dans ce contexte, j’aimerais saluer la décision de l’Allemagne d’accueillir des femmes violées par des militants d’«EI» et j’en appelle à la solidarité internationale pour suivre cet exemple.
20. J’aimerais également rappeler que la Turquie, le Liban, la Jordanie, l’Irak et l’Egypte ont accueilli à eux seuls 95 % des réfugiés, ce qui a entraîné des conséquences sur la vie socio-économique de ces pays.

3.1. La Turquie

21. Aux fins du présent rapport, je me concentrerai essentiellement sur la situation et l’accueil des Syriens ainsi que sur le rôle exceptionnel joué par la Turquie dans ce domaine. En effet, longtemps pays de transit vers l’Union européenne, la Turquie est devenue aujourd’hui un pays d’accueil des demandeurs d’asile.

3.1.1. La Directive relative à l’octroi d’une protection temporaire

22. La Turquie a ratifié la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés, en émettant une réserve qui stipule que la convention ne s’applique qu’aux personnes déplacées en raison d’événements survenus en Europe. Lorsque la Turquie a signé le Protocole de 1967, elle a explicitement maintenu cette limitation géographique.
23. En conséquence, la Turquie n’avait aucune obligation juridique envers les réfugiés ayant fui en raison d’événements survenus en dehors de l’Europe. Les ressortissants non européens n’avaient accès ni au statut de réfugié ni droit à un permis de séjour permanent. Les réfugiés reconnus en tant que tels par le HCR comme ayant besoin de protection internationale recevaient la permission de chercher asile dans un autre pays Toutefois, depuis le début du conflit en 2011, les autorités turques ont fait une exception pour les réfugiés syriens en les considérant comme «invités». Il faut rappeler que ce statut d’invité avait déjà été accordé par les autorités turques aux Tchétchènes qui fuyaient la guerre en Tchétchénie. Ce statut «d’invité de l’Etat» apparaît comme temporaire et révocable et entretient en permanence la peur d’être expulsés. C’est ainsi qu’avant la modification récente de la législation, la Turquie ne voulait pas développer un système de protection des réfugiés et déléguait cette tâche au HCR. La Turquie estimait, en effet, que les réfugiés n’avaient pas vocation à rester sur le sol turc mais à être réinstallés dans d’autres pays. Or, face à l’afflux massif de réfugiés, il était devenu impossible pour le HCR de réinstaller l’ensemble d’entre eux.
24. Depuis le 22 octobre 2014, la Turquie a modifié sa législation portant sur la protection temporaire des réfugiés et vient ainsi donner une nouvelle définition, de nouveaux critères et mettre en œuvre une nouvelle procédure en matière d’asile. Le nouveau règlement concerne les Syriens et les apatrides venant de Syrie. La principale nouveauté est la centralisation de l’ensemble des procédures liées à la migration au sein de la Direction pour les migrations et l’asile et la création d’une agence civile de contrôle des frontières qui se substitue à l’armée et qui a pour but de s’intégrer dans le système européen de gestion des frontières. Cette réforme introduit pour la première fois la notion d’intégration des réfugiés et tend à améliorer leur accès à des soins gratuits et au marché du travail.
25. Il est maintenant important que cette nouvelle législation puisse être mise en œuvre le plus rapidement possible.

3.1.2. La situation des Syriens

26. Selon les dernières estimations fournies par le HCR, l’on compte environ 1 600 000 réfugiés syriens enregistrés, dont 223 000 sont répartis entre les 22 camps et 891 000 en dehors des camps. Les mineurs représentent 51 % du nombre total de réfugiés. En effet, un nouvel afflux de réfugiés avait été enregistré suite à l’offensive menée par les combattants d’«EI» contre la ville kurde d’Al-Arabe – ou Kobane en kurde – dans le nord de la Syrie. Plus de 150 000 Kurdes de Syrie sont ainsi entrés en Turquie en quelques jours. Avec ce nouvel afflux, l’on craint que les autorités turques ne puissent plus faire face à un nouvel afflux de réfugiés. Un rapport d’Amnesty International fait d’ailleurs état du fait qu’un grand nombre croissant de réfugiés sont refoulés et visés par des tirs à balles réelles à la frontière.
27. Selon les autorités de la région de Suruç, entre 500 et 600 personnes attendent de traverser la frontière.
28. Aux postes frontières officiels, la Turquie applique une politique d’ouverture des frontières pour les Syriens mais seuls deux postes sont entièrement ouverts sur une bande frontalière de 900 kilomètres. Or, même à ces deux postes, les personnes qui n’ont pas de passeport se voient régulièrement refuser le passage, à moins qu’elles n’aient besoin d’une aide médicale ou humanitaire d’urgence.
29. C’est ainsi que la plupart des réfugiés essaient de franchir la frontière à des points de passage non officiels, d’accès difficile avec malheureusement l’aide de passeurs dans des zones de conflits.

3.1.3. La situation spécifique des Syriens kurdes

30. Toutefois, une grande partie des réfugiés kurdes de Syrie ont préféré poursuivre leur voyage vers le camp reculé de Gawilan en Irak après avoir constaté que les conditions de vie étaient devenues très difficiles en Turquie. Les gens vivent dans la rue ou dans des mosquées bondées sans nourriture ni argent et des personnes étant arrivées en voiture se sont vues contraintes de les laisser à la frontière. Une grande majorité de Syriens d’origine turque se rendent dans le nord de l’Irak où ils ont de la famille ou des amis.
31. En ce qui concerne plus spécifiquement les réfugiés syriens kurdes en Turquie, une grande majorité vit en milieu urbain, sans ressources autres que des emplois non déclarés ou la mendicité et n’ont aucune véritable protection ou d’assistance particulière, notamment en termes d’accès aux soins, à l’emploi et au logement. Le nombre croissant de réfugiés dans les rues des grandes métropoles contribue à augmenter l’hostilité de la population locale, de plus en plus effrayée face à cet afflux d’étrangers. C’est ainsi que pour se loger et se nourrir les familles prennent des mesures désespérées en faisant très souvent travailler les enfants.
32. Lors de l’élection présidentielle, la résolution de la «question kurde» a été au cœur des discussions qui ont abouti, le 10 juillet 2014, à l’adoption d’une «loi-cadre pour mettre un terme au terrorisme et pour renforcer l’intégration sociale».
33. Depuis lors, les choses se sont accélérées et au mois de janvier, les Kurdes et les Unités de protection du peuple kurde ont annoncé la libération de Kobané. Toutefois, même si l’on annonçait la libération de la ville syrienne de Kobane, il n’en demeure pas moins qu’«EI» continue à menacer, car les combats se poursuivent dans les villages aux alentours, la ville est complètement détruite et n’est plus qu’un amas de ruines et de bâtiments éventrés et déserts. Ceci freine le retour des quelques 200 000 Syriens qui se sont réfugiés en Turquie. Ce retour est d’autant plus hypothétique que les autorités turques leur interdisent de franchir la frontière et que les forces kurdes craignent surtout pour la santé et la sécurité des habitants, car il n’y a plus de logement en état et la nourriture commence à manquer.

3.1.4. Une nouvelle législation du droit du travail

34. Le Gouvernement turc a changé sa législation dans le domaine du droit du travail à l’attention des quelques 1,6 millions de réfugiés qui y vivent en leur permettant de travailler de manière officielle dans certains domaines bien définis dans la mesure où le nombre de Syriens qui travaillent ne dépassent pas 10 % du nombre total de personnes salariées. Le manque de moyens affecte également la sécurité dans les camps.

3.2. Le Liban

35. Depuis ma visite au Liban, en août 2013, la situation dans ce pays s’est aggravée car la crise en Syrie continue à peser lourdement sur ce pays, qui selon les dernières estimations a accueilli près de 1 133 000 réfugiés, pour un pays qui compte environ 4 millions d’habitants. Le Liban est ainsi, sans conteste, le pays frontalier le plus touché par le conflit. En effet, comme j’en avais déjà fait état dans mon précédent rapport, le pourcentage de réfugiés syriens et l’impact de la crise économique ont affecté le pays de façon particulièrement grave.
36. Les réfugiés syriens ont d’ailleurs toujours été très présents au Liban car depuis la fin de la guerre civile libanaise et suite aux accords de Taëf en 1989 et aux accords signés entre la Syrie et le Liban, beaucoup de Syriens sont venus au Liban à la recherche d’un travail et ce principalement dans la région de Beyrouth.
37. La situation des réfugiés syriens est effectivement très précaire, notamment parce que, pour l’instant, il n’existe aucun cadre juridique pour les aider. En outre, j’aimerais rappeler que le Liban ne reconnaît toujours pas officiellement un statut en tant que tel aux réfugiés syriens alors que le statut de réfugiés palestiniens est reconnu. En outre, j’aimerais rappeler que contrairement à la Jordanie et à la Turquie, le Liban n’a pas créé de camps et les réfugiés sont dispersés dans le pays.
38. Les familles libanaises qui ont vécu en Syrie et qui ont fui le pays et qui se retrouvent face aux mêmes défis que les autres réfugiés se retrouvent dans une situation particulière. Ces personnes sont souvent considérées comme des Syriens et n’ont souvent pas connaissance ou ne sont pas familières des services qui s’offrent à elles.
39. A cet égard, il est urgent de renforcer le système d’enregistrement des réfugiés syriens et de les informer des mesures d’assistance à leur disposition.
40. Toutefois, afin de limiter l’afflux des réfugiés, pour la première fois, le Liban a décidé de réguler les conditions d’entrée sur son territoire pour les ressortissants syriens, en appliquant les procédures prévues par la Convention de Genève. En conséquence, sont octroyés des visas touristiques, médicaux, d’étudiants, de transit, pour consultation d’une ambassade étrangère pour tous ceux qui bénéficient d’une prise en charge par un Libanais. Des séjours temporaires sont accordés aux hommes d’affaires et propriétaires d’un bien immobilier. Le visa touristique requiert une réservation d’hôtel, une pièce d’identité valable ainsi que la possession de 1 000 dollars.
41. En réaction, le porte-parole du HCR souligne que ces nouvelles règles n’incluent pas «explicitement une clause liée aux raisons humanitaires exceptionnelles, tel que prévu dans la politique gouvernementale d’octobre dernier» et «qu’il est de la responsabilité internationale du HCR de s’assurer que les réfugiés ne sont pas forcés à revenir à des situations où leur vie serait en danger».
42. Une attention particulière doit également être apportée aux enfants, compte tenu du fait que, selon les estimations fournies, 24 % des réfugiés sont âgés de 4 à 17 ans, et ne sont pas scolarisés pour des raisons diverses, à savoir les frais de scolarité, l’insécurité croissante ou les problèmes de transport.
43. Dans ce contexte, j’aimerais saluer le travail de l’OIM dans l’aide et l’assistance aux migrants en transit au Liban et qui souhaitaient se rendre en Autriche, au Canada, au Danemark, en Norvège et aux Etats-Unis.

3.3. La Jordanie

44. Selon les informations recueillies, l’on a constaté une baisse significative du nombre de personnes au centre d’enregistrement et ce malgré les efforts fournis par le HCR pour augmenter l’accès à la Jordanie aux réfugiés syriens. A l’heure actuelle, l’on compte environ 650 000 réfugiés syriens vivant en Jordanie, soit environ 100 000 réfugiés de plus depuis mon dernier rapport. La décision de la Jordanie quant à la restriction d’accès sur son territoire résulte notamment des raisons de sécurité. Selon les informations reçues de la part des autorités jordaniennes, le nombre de procès impliquant des syriens a augmenté de 132 % entre 2011 et 2014. L’approvisionnement en nourriture et en eau est assuré par l’OIM et le CICR en coopération avec les garde-frontières jordaniens. Le HCR a également fourni des couvertures. Toutefois, avec les conditions hivernales, il est clair que les réfugiés auront à faire face à des problèmes d’hygiène et des risques de détérioration de la santé, si bien qu’un certain nombre de réfugiés sont retournés au camp de Zaatari. En effet, à l’heure actuelle, la Jordanie ne compte que trois camps si bien que près de 75 % des réfugiés vivent à l’extérieur que ce soit dans la rue ou dans des logements de fortune.
45. Toutefois, malgré une baisse générale du nombre de réfugiés arrivant en Jordanie au cours de l’année 2014, l’UNICEF a constaté une augmentation du nombre d’enfants syriens non accompagnés par rapport à l’année 2013. Selon les dernières estimations, l’on compte environ 4 500 enfants syriens non accompagnés.
46. J’aimerais saluer la campagne «Back to school» lancée par l’UNICEF et l’ONG «Save the Children» et qui a permis de toucher plus de 100 000 personnes en procédant à des visites de porte à porte, à des contacts au moment de l’enregistrement des réfugiés et en encourageant les familles à envoyer leurs enfants à l’école, si bien que l’on dénombre environ 19 500 étudiants qui suivent les cours à Zaatari, au camp d’Azsraq et dans le camp jordanien Emirati.

3.4. L’Irak

47. En septembre 2014, Amnesty International a publié un rapport accusant «EI» de mener une campagne systématique de nettoyage ethnique dans le nord de l’Irak et de se livrer à des exécutions de masse. En octobre 2014, «EI» a revendiqué l’attaque la plus meurtrière au cours de laquelle deux voitures piégées ont explosé simultanément dans une zone commerciale d’un quartier de Bagdad faisant 14 morts et 34 blessés. Selon les informations recueillies par le HCR, les autorités irakiennes ont commencé à légaliser le séjour des Syriens ayant passé la frontière via Peshkabour. Selon les dernières estimations l’on y compte environ 226 000 réfugiés.
48. Le HCR a également identifié et aidé environ 588 personnes vulnérables qui sont notamment des personnes en mauvaise santé, des femmes enceintes et des enfants non accompagnés.
49. En ce qui concerne plus particulièrement la question de l’éducation, le gouvernement de la région du Kurdistan a fait savoir qu’il ne pourrait plus payer les salaires des professeurs réfugiés, n’ayant reçu aucune subvention de la part du Gouvernement central d’Irak.

4. La situation des mineurs non accompagnés et apatrides et des femmes et des jeunes filles

50. Le conflit syrien a entraîné la séparation de nombreux enfants de leur famille et paient ainsi un lourd tribut au conflit syrien. Certains d’entre eux ont perdu leurs parents, ont fui de peur d’être enrôlés dans des milices ou ont été confiés par leurs parents à des proches. Les mineurs représentent un pourcentage très élevé des réfugiés, que ce soit en Turquie, au Liban, en Jordanie ou en Irak. Cette situation s’est encore aggravée ces derniers temps suite à l’arrivée des cargos fantômes transportant des migrants avec un grand nombre de mineurs non accompagnés et sans papiers. Beaucoup d’entre eux ont été blessés, détenus ou encore utilisés comme boucliers humains. Selon les informations reçues, l’on estime à environ 2 millions les enfants ayant besoin d’aide en Syrie et à plus d’un demi-million dans les pays voisins, dont une grande partie vit dans les camps. Le nombre croissant d’arrivées dans les camps provoque une pression accrue sur les ressources disponibles et a des répercussions, notamment sur l’accès à l’éducation qui devient un peu plus limité, alors qu’il s’agit là d’une action primordiale.
51. La situation de ces enfants varie selon les pays qui les ont accueillis. En Jordanie, par exemple, le camp de Zaatari qui est le plus grand camp, a accueilli des mineurs dont 20 % était âgé de moins de cinq ans. A cet effet, l’UNICEF et Save the Children ont créé des zones d’accueil spécifique avec des aires de jeu, des terrains de sports, des groupes de parole et des activités artistiques. J’aimerais souligner à cet égard que les dessins des enfants, et j’ai pu le constater lors de ma visite en Turquie, constituent des exutoires car les dessins représentent très souvent des scènes de violence. Je me souviens de l’image de cet enfant syrien de 11 ans réfugié en Turquie qui a fait le tour des réseaux sociaux. Cet enfant était en pleurs et ensanglanté car il venait d’être frappé par un responsable d’une chaîne de restaurants en Turquie pour avoir tenté de manger les frites d’un client. Il s’agit là d’un symbole des épreuves que rencontrent les enfants réfugiés syriens en Turquie. Il va sans dire que le gérant du restaurant a été licencié.
52. Tout en saluant les efforts et la générosité des autorités turques pour l’accueil des réfugiés, il va sans dire que l’afflux de réfugiés a provoqué des tensions avec certains autochtones. Une des raisons est le nombre croissant d’enfants syriens qui sillonnent les rues des grandes villes comme Ankara ou Istanbul n’ayant comme unique possibilité que la mendicité ou la recherche de nourriture abandonnée.
53. Les autorités turques ont organisé un enseignement à l’attention des enfants syriens mais cet enseignement est essentiellement diffusé dans les camps. Les enfants en dehors des camps de réfugiés sont devenus les oubliés de ce conflit. Les dons sont envoyés aux camps alors que ce sont ceux qui vivent en dehors des camps qui sont dans des situations plus difficiles et la moitié des enfants syriens en Turquie ne sont pas scolarisés. Il est vrai que quelques écoles turques ouvrent une partie de la journée pour les enfants turcs et quelques heures pour les Syriens. Toutefois, ces établissements sont trop petits et n’ont pas les moyens financiers pour accueillir tous les enfants. Selon les informations reçues, l’école est devenue également un lieu de tensions entre enfants syriens et turcs, les enfants turcs se sentant lésés par rapport aux enfants syriens car ces derniers retiennent plus l’attention des responsables et des autorités. A cela se greffe un autre problème posé par le fait que les familles syriennes n’ont pas assez d’argent pour survivre et même si certains enfants ont la possibilité d’aller à l’école, cela leur est impossible puisque les familles sont dépendantes d’eux pour survivre financièrement. S’ils vont à l’école, ils se privent d’argent supplémentaire que ces derniers peuvent gagner en mendiant. En outre, envoyer son enfant à l’école signifie également des frais supplémentaires comme les transports et ces frais sont difficilement supportés par les familles.
54. Dans les camps de réfugiés syriens au Kurdistan irakien, la moitié des habitants des camps ont moins de 17 ans, la plupart ayant franchi la frontière illégalement pour se réfugier dans un pays où leur sécurité n’est plus menacée.
55. L’objectif premier reste la réunification familiale. Tout est entrepris pour essayer de retrouver la famille du jeune, ce qui représente un véritable défi compte tenu du nombre de réfugiés qui affluent tous les jours. Une autre alternative est celle de trouver des familles d’accueil.
56. Ainsi pour les jeunes migrants n’ayant pas pu retrouver leurs parents ou qui sont apatrides ou orphelins, la question se pose quant à leur avenir.
57. La situation est également très précaire et souvent dangereuse pour les jeunes filles et les jeunes femmes. L’on a constaté que des hommes essayaient de s’infiltrer dans les camps et exerçaient des pressions sur les jeunes réfugiées syriennes, en leur promettant des mariages souvent précoces en échange d’une sécurité financière et d’une protection matérielle. Certaines d’entre elles acceptent ces unions qui dissimulent souvent des situations d’exploitation sexuelle.

5. La situation des personnes déplacées internes en Syrie

58. Depuis le début du conflit en mars 2011, l’on compte environ 6,5 millions de personnes déplacées à l’intérieur de la Syrie et 190 000 ont été tuées. Leur situation devient de plus en plus préoccupante, car l’on estime à environ 10,8 millions le nombre de personnes ayant besoin d’une assistance humanitaire. Selon l’Observatoire des situations de déplacement interne (IDMC), l’on compte à l’heure actuelle environ 6,8 millions de Syriens ayant été forcés de quitter leur maison et, en conséquence, leurs moyens de subsistance.
59. Les attentats et les raids de la part des membres d’«EI» empêchent l’accès à ces familles déplacées qui souffrent de plus en plus du manque de nourriture et de médicaments, sans compter sur le fait que les enfants sont privés d’enseignement scolaire, et sont confrontés à des problèmes de sécurité.
60. Dans ce contexte, des médecins syriens membres pour la plupart de l’Union des organisations syriennes de secours médicaux (UOSSM) qui s’étaient réunis récemment à Paris, ont alerté la communauté internationale sur le «désastre médical et humanitaire» en Syrie ainsi que des conséquences désastreuses de la pénurie croissante de médecins, de matériels, de médicaments ainsi que de la réapparition de maladies éradiquées, telles que la polio, la tuberculose, la gale ou la typhoïde.
61. Ils ont souligné que «la situation [était] devenue insupportable, catastrophique et que de nombreuses parties de la Syrie n’ont plus de présence médicale». A Alep, la deuxième ville du pays, seuls cinq hôpitaux fonctionnent et il n’y a plus que 30 médecins toutes spécialités confondues et dans la banlieue de Damas, une zone encerclée depuis deux ans par les forces loyalistes, il n’y a aucune possibilité de faire entrer de l’aide humanitaire.
62. A Raqqa, bastion d’«EI» dans le nord de la Syrie, où vivent 1,6 million d’habitants, il n’y a plus de service d’obstétrique, de gynécologie ou de pédiatrie.

6. L’urgence d’une aide alimentaire et des produits de première nécessité

63. L’ampleur des conséquences humanitaires est considérable et sans précédent. J’en appelle une fois de plus à la solidarité internationale pour augmenter l’aide humanitaire afin de fournir suffisamment d’eau, de nourriture, de soins et des abris décents aux réfugiés.
64. Pour ce faire, je réitère mon appel pour que les donateurs continuent à verser des fonds au programme alimentaire mondial afin que les organismes locaux et internationaux puissent répondre efficacement aux besoins de première nécessité des personnes affectées par la crise syrienne, crise dont les conséquences sont montées en puissance depuis la recrudescence des activités d’«EI».
65. C’est ainsi que selon les informations provenant du HCR, les réfugiés non-inscrits ou non préenregistrés ne bénéficient d’aucun accès aux soins. En outre, dans le Nord de la Turquie, les médecins ont fait savoir que les enfants souffrent de malnutrition et de déshydratation et qu’ils ne disposent plus d’ambulances en cas d’urgence.

7. Un octroi du droit d’asile limité et diversifié

66. L’Europe se doit de réagir et venir en aide aux Syriens. Les pays de l’Union européenne ont instauré un visa de transit aéroportuaire qui s’impose aux Syriens souhaitant transiter par leur territoire pour rejoindre un autre Etat. Mais l’obtention de ce genre de visa est difficile et cette mesure permet aux Etats de renvoyer vers les pays de départ les personnes qui en sont dépourvues.
67. Pour ceux qui sont parvenus à atteindre le territoire de l’Union européenne, l’accueil réservé n’est pas nécessairement celui escompté. Certains pays tels que l’Allemagne ou la Suède concèdent presque systématiquement une telle protection, mais il n’en va pas de même dans les autres Etats de l’Union européenne. Le HCR a ainsi exprimé son inquiétude face aux tendances des Etats à octroyer une protection subsidiaire ou des titres de séjour pour des raisons humanitaires et non pas le statut de réfugié.
68. Ainsi, en Grèce, l’un des principaux points d’entrée des Syriens, ces derniers rencontrent beaucoup d’obstacles pour enregistrer leur demande d’asile et la rétention dans des conditions souvent contraires aux droits de l’homme est pratique courante.

8. La réinstallation en tant qu’outil de solidarité

69. Suite à l’afflux de réfugiés, le HCR a proposé que les Etats mettent en place une politique de réinstallation ainsi qu’un plan d’admission humanitaire. Ce dernier programme vise surtout les personnes les plus vulnérables et se calque sur le plan d’admission des Kosovars en 1999. J’aimerais rappeler que la réinstallation comporte la sélection et le transfert de réfugiés d’un Etat dans lequel ils ont cherché la protection à un Etat tiers qui a accepté de les admettre comme réfugiés ayant le statut de résident permanent. L’admission humanitaire, quant à elle, est un processus accordant une protection similaire mais accélérée dans un pays tiers pour les réfugiés qui en ont le plus besoin dans la région.
70. La réussite de ces propositions est conditionnée par l’engagement des Etats. Malheureusement, ces propositions ne concernent qu’une infime partie des réfugiés syriens. Elles concernent notamment les personnes dites vulnérables ou les réfugiés pouvant apporter une contribution à la reconstruction de la Syrie après la fin du conflit ou des personnes qui ont des membres de leur famille résidant dans le pays concerné.
71. L’Allemagne a d’ailleurs été le premier pays à se porter volontaire dans le cadre du programme d’admission temporaire de réfugiés syriens. Ainsi plus de 40 000 Syriens vivent en Allemagne et ont été naturalisés.
72. Le Royaume-Uni a créé un plan de transfert de personnes vulnérables pour les réfugiés syriens et a accepté 90 personnes. L’Irlande, quant à elle a lancé un programme d’admission humanitaire syrienne et a accepté 111 personnes. J’aimerais saisir l’occasion pour saluer l’initiative prise de créer un groupe sur la réinstallation syrienne qui est composé de pays de réinstallation et qui est présidé par la Suède, en collaboration avec le HCR et qui permet ainsi aux pays d’accueil d’échanger des informations sur la mise en œuvre de ces programmes de réinstallation et d’admission humanitaire pour les réfugiés syriens.
73. Je ne peux donc qu’encourager les Etats membres de notre Organisation à suivre ces exemples et je ne peux qu’appuyer l’appel lancé par les Nations Unies au mois de décembre 2014 aux pays donateurs de continuer à accueillir le plus grand nombre de réfugiés syriens.

9. Conclusion et recommandations

74. Face à la montée en puissance des actes de violence, l’Assemblée parlementaire se doit de les condamner et d’appeler les gouvernements à s’unir pour intimer l’ordre aux protagonistes de mettre fin au plus vite aux massacres qui sont perpétrés.
75. Les Etats membres et non membres du Conseil de l’Europe se doivent de mettre tout en œuvre pour trouver une solution visant à l’instauration de la paix dans la région.
76. J’aimerais réitérer mon appel aux gouvernements des Etats membres et observateurs du Conseil de l’Europe et aux Etats dont le parlement bénéficie du Statut d’observateur ou de partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée parlementaire pour qu’ils contribuent à poursuivre et à augmenter les livraisons d’aide humanitaire et à renforcer leur assistance.
77. Enfin, il me paraît plus qu’indispensable de rappeler aux Etats membres de l’Union européenne de mettre en œuvre la Directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l’octroi d’une protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les Etats membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil, et de demander à tous les Etats de faire preuve de solidarité et de partage de responsabilité.