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Résolution 2054 (2015)

L’égalité et la non-discrimination dans l’accès à la justice

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 24 avril 2015 (18e séance) (voir Doc. 13740, rapport de la commission sur l’égalité et la non-discrimination, rapporteur: M. Viorel Riceard Badea). Texte adopté par l’Assemblée le 24 avril 2015 (18e séance).

1. L’accès à la justice est un aspect inhérent à l’Etat de droit et une exigence fondamentale de toute société démocratique. L’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5) consacre le droit à un procès équitable et l’article 13 énonce le droit à un recours effectif. Ces deux droits relèvent du concept plus large d’accès à la justice, qui renvoie aux différents éléments conduisant à la réparation appropriée de la violation d’un droit, tels que l’information sur les droits et sur les procédures, l’aide judiciaire, la représentation juridique, la qualité pour agir ou l’accès général aux tribunaux.
2. L’Assemblée parlementaire déplore que l’accès à la justice, bien qu’il soit essentiel à la jouissance effective de leurs droits par les individus, soit trop souvent entravé par des obstacles d’ordre pratique et juridique. Le manque d’information juridique, le manque de confiance dans les autorités, les effets de la crise économique sur l’aide judiciaire et les lacunes du cadre juridique applicable à certaines situations spécifiques contribuent considérablement à la persistance d’obstacles à l’accès à la justice.
3. L’Assemblée constate avec préoccupation que ces obstacles sont plus difficiles à surmonter pour certains groupes de personnes qui sont particulièrement exposés à la discrimination et sont également moins à même de connaître leurs droits et les voies de recours existantes. A cet égard, l’Assemblée rappelle qu’il est nécessaire de garantir à tous l’égalité d’accès à la justice en levant les obstacles qui empêchent les personnes de comprendre et d’exercer leurs droits, et de demander réparation dans l’éventualité d’une violation. L’Assemblée souligne que la coopération entre la société civile, les entités administratives et judiciaires et les instances chargées de l’application de la loi est de la plus haute importance pour garantir l’égalité d’accès à la justice.
4. A la lumière de ces considérations, l’Assemblée invite les Etats membres:
4.1. à promouvoir et à améliorer les connaissances juridiques en recherchant et en mettant en œuvre des mécanismes d’information spécifiques et des stratégies de communication innovantes;
4.2. à veiller à ce qu’une information suffisante sur les droits et les procédures soit disponible dans différentes langues, dans différents formats et dans un langage clair, en s’appuyant sur des intermédiaires de la société civile pour diffuser des informations ciblées;
4.3. à faire en sorte que les infractions soient plus souvent signalées en élaborant des mécanismes d’incitation visant à rétablir la confiance dans les autorités et à réduire l’effet dissuasif des frais encourus.
5. L’Assemblée invite les Etats membres à s’assurer que toutes les catégories de personnes ont accès à des recours effectifs et, en particulier:
5.1. à garantir qu’une aide judiciaire est fournie à toute personne, accusée ou victime, et à prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que les catégories de personnes exposées à la discrimination peuvent bénéficier de cette aide;
5.2. à signer et/ou à ratifier l’Accord européen sur la transmission des demandes d’assistance judiciaire (STE no 92), s’ils ne l’ont pas déjà fait;
5.3. à recourir aux nouvelles technologies et à veiller à ce que les catégories de personnes défavorisées à cet égard aient à leur disposition d’autres formes d’accès aux institutions judiciaires;
5.4. à lever les obstacles juridiques qui s’opposent à la qualité pour agir, notamment en permettant aux tribunaux d’accepter les demandes de tierce intervention et d’organismes de promotion de l’égalité pour représenter les personnes au cours des procédures dans certains cas, et en rendant sans objet le statut légal d’immigration pour la conduite des procédures judiciaires;
5.5. à signer et/ou ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (STE no 148) en vue de garantir aux personnes parlant une langue régionale ou minoritaire le plein exercice de leurs droits linguistiques devant les tribunaux pénaux, civils et administratifs, pendant la durée des procédures judiciaires, conformément à l’article 9 de la charte;
5.6. à signer et/ou à ratifier la Charte sociale européenne (révisée) (STE no 163) et le Protocole additionnel à la Charte sociale européenne prévoyant un système de réclamations collectives (STE no 158), s’ils ne l’ont pas déjà fait;
5.7. à promouvoir et à développer le recours aux mécanismes quasi judiciaires et aux modes alternatifs de résolution de conflits.
6. L’Assemblée invite les Etats membres à intensifier leurs efforts pour lever les obstacles juridiques, sociaux, économiques et culturels à l’accès des femmes à la justice et, à cette fin:
6.1. à signer et/ou à ratifier la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210), s’ils ne l’ont pas déjà fait;
6.2. à mener une analyse approfondie de l’incidence du genre sur l’accès à la justice, en particulier en recueillant des données ventilées par genre, et à adopter des politiques sensibles au genre qui tiennent compte des obstacles particuliers auxquels se heurtent les femmes en ce qui concerne l’accès à la justice.
7. En ce qui concerne les catégories de personnes particulièrement exposées à la discrimination et pour veiller à ce que toutes les personnes bénéficient pleinement de l’accès à la justice sur un pied d’égalité, l’Assemblée invite les Etats membres:
7.1. à mener des études à l’échelon national pour évaluer l’ampleur des obstacles auxquels se heurtent ces catégories de personnes et à mettre en œuvre des mesures spécialement adaptées pour lever ces obstacles;
7.2. à dispenser à la police et aux professionnels du droit, notamment aux avocats et aux juges, une formation spécifique sur les questions de discrimination;
7.3. à intensifier leurs efforts pour lutter contre la discrimination à laquelle se heurtent ces catégories de personnes dans l’exercice de leurs droits et, à cet effet:
7.3.1. à adopter des lois ou à modifier la législation existante pour introduire des dispositions sur la discrimination multiple dans le cadre juridique de lutte contre la discrimination en vigueur;
7.3.2. à mettre en place des organismes nationaux de promotion de l’égalité et à soutenir leur travail;
7.3.3. à lever les obstacles qui entravent l’accès à la justice des personnes ayant un handicap intellectuel, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.