Imprimer
Autres documents liés

Rapport | Doc. 13824 | 19 juin 2015

La corruption judiciaire: nécessité de mettre en œuvre d’urgence les propositions de l’Assemblée

Commission des questions juridiques et des droits de l'homme

Rapporteur : M. Kimmo SASI, Finlande, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 13355, Renvoi 4017 du 27 janvier 2014. 2015 - Troisième partie de session

Résumé

La commission des questions juridiques et des droits de l’homme réaffirme que la corruption des juges sape les fondements de l’Etat de droit, entrave gravement la protection des droits de l’homme, porte atteinte aux principes de légalité et de sécurité juridique et compromet la possibilité même de lutter contre la corruption dans les autres secteurs de la société.

La commission observe que la confiance des citoyens dans l’intégrité des magistrats reste extrêmement faible dans un certain nombre d’Etats membres et que la justice est perçue par la population comme une des institutions les plus corrompues en Albanie, en Arménie, en Azerbaïdjan, en Bulgarie, en Croatie, en Espagne, en Géorgie, en Lituanie, en République de Moldova, au Portugal, en Roumanie, en Fédération de Russie, en Serbie, en République slovaque, en Slovénie et en Ukraine. Elle déplore également le fait que les Etats membres n’aient toujours pas remédié aux aspects cruciaux de la lutte contre la corruption judiciaire, principalement en ce qui concerne la mise en œuvre de la législation relative à la lutte contre la corruption et l’accès aux données, recensés dans les résolutions antérieures de l’Assemblée parlementaire.

Les Etats membres sont invités à mettre pleinement en œuvre, en temps utile, toutes les recommandations pertinentes des organes et des mécanismes de suivi du Conseil de l’Europe, notamment celles du Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO).

Enfin, la commission demande à l’Assemblée de renouveler l’appel qu’elle avait adressé au Comité des Ministres, afin qu’il élabore un modèle de code de conduite à l’attention des agents du système judiciaire et collecte des informations chiffrées sur les poursuites engagées et les condamnations prononcées pour corruption à l’encontre des juges dans les Etats membres.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 19 mai 2015.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire considère la corruption judiciaire comme une question extrêmement préoccupante. Elle sape les fondements de l’Etat de droit et la possibilité même de lutter contre la corruption dans les autres secteurs de la société.
2. La corruption judiciaire entrave gravement la protection des droits de l’homme, notamment l’indépendance et l’impartialité de la justice. Elle mine également la confiance des citoyens dans le processus judiciaire et porte atteinte aux principes de légalité et de sécurité juridique.
3. Tout en reconnaissant que la perception de la corruption judiciaire ne peut tenir lieu d’unique indicateur de la véritable étendue de ce phénomène, l’Assemblée s’inquiète de ce que la confiance des citoyens dans l’intégrité des magistrats reste extrêmement faible dans un certain nombre d’Etats membres où la justice est perçue, selon le Baromètre mondial de la corruption 2013 de Transparency International, comme une des institutions les plus corrompues en Albanie, en Arménie, en Azerbaïdjan, en Bulgarie, en Croatie, en Espagne, en Géorgie, en Lituanie, en République de Moldova, au Portugal, en Roumanie, en Fédération de Russie, en Serbie, en République slovaque, en Slovénie et en Ukraine. Dans le cas de la Roumanie, cette perception peut s’expliquer en partie par les initiatives considérables prises par le pays pour renforcer la transparence. Il importe toutefois que l’existence de la corruption judiciaire soit évaluée au regard du cadre légal pertinent en vigueur dans un pays donné et, surtout, que les instruments utilisés pour lutter contre la corruption soient efficaces.
4. La corruption judiciaire prend des formes complexes et concerne à la fois les affaires dont les juges sont saisis et leur carrière professionnelle. Les Etats membres du Conseil de l’Europe doivent canaliser les initiatives qu’ils prennent à l’égard de ces deux aspects et prévoir des mécanismes efficaces, qui permettent d’identifier les cas de corruption au sein du pouvoir judiciaire, d’ouvrir des enquêtes à leur sujet et d’infliger des sanctions adéquates à leurs auteurs.
5. L’Assemblée déplore le fait que les Etats membres n’aient toujours pas remédié aux aspects cruciaux de la lutte contre la corruption judiciaire, principalement en ce qui concerne la mise en œuvre de la législation relative à la lutte contre la corruption et l’accès aux données, recensés dans sa Résolution 1703 (2010) et sa Recommandation 1896 (2010) sur la corruption judiciaire
6. Afin de lutter contre la corruption judiciaire, l’Assemblée invite les Etats membres, notamment:
6.1. à signer et ratifier, lorsqu’ils ne l’ont pas encore fait, les conventions pertinentes du Conseil de l’Europe, à savoir la Convention civile sur la corruption (STE no 174) et la Convention pénale sur la corruption (STE no 173) et son Protocole additionnel (STE no 191);
6.2. à mettre pleinement en œuvre, en temps utile, toutes les recommandations pertinentes des organes et des mécanismes de suivi du Conseil de l’Europe, en particulier:
6.2.1. les résolutions et recommandations de l’Assemblée, en premier lieu la Résolution 1703 (2010) et la Recommandation 1896 (2010) et la Résolution 1943 (2013) et la Recommandation 2019 (2013) sur la corruption: une menace à la prééminence du droit;
6.2.2. les recommandations adoptées par le Comité des Ministres, notamment la Recommandation Rec(2000)10 sur les codes de conduite pour les agents publics et la Recommandation Rec(2010)12 sur les juges: indépendance, efficacité et responsabilités;
6.2.3. les recommandations adoptées par le Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO), en particulier celles qui émanent de son quatrième cycle d’évaluation, consacré entre autres à la corruption au sein de la justice;
6.2.4. les recommandations formulées dans les avis rendus par la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) sur la législation nationale;
6.2.5. les lignes directrices et rapports adoptés par la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ) dans ses travaux consacrés à l’évaluation des systèmes judiciaires;
6.2.6. les recommandations adressées par le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe au sujet de l’administration de la justice, du fonctionnement des systèmes judiciaires et de la prévention des pratiques de corruption au sein de la magistrature;
6.3. à rendre pleinement exécutoires les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, surtout ceux qui ont une incidence sur la prévention et l’éradication de la corruption judiciaire;
6.4. à mettre leur législation et leur pratique nationales en conformité avec les normes énoncées par les instruments internationaux et les organes de suivi pertinents, surtout à l’égard de l’incrimination de la corruption, de l’immunité des juges, de l’organisation des instances disciplinaires, des conflits d’intérêts, des déclarations de patrimoine, ainsi que des aspects en rapport avec la carrière professionnelle des juges (recrutement, promotion, révocation des juges);
6.5. à renforcer la législation visant à sanctionner la corruption et prévoir tous les moyens et soutiens nécessaires à sa bonne application, en menant des enquêtes en bonne et due forme sur les cas de corruption au sein de la justice et en engageant des poursuites à l’encontre de leurs auteurs;
6.6. à adapter la législation et la pratique, afin de permettre l’évaluation adéquate des pratiques de corruption particulièrement difficiles à déceler au sein de la justice, comme celles qui concernent les avantages obtenus en échange de services, les pressions hiérarchiques ou l’ingérence extérieure;
6.7. à améliorer la qualité, l’éducation et le statut des professions judiciaires, afin de garantir le comportement déontologique des juges, et examiner de manière rigoureuse toute pratique en rapport avec la carrière professionnelle qui présente un risque de corruption ou nuit à l’indépendance et à l’impartialité des juges tout au long de leur carrière;
6.8. à mettre en place des procédures adéquates pour mettre un terme à l’ingérence politique et à l’influence excessive dans le processus judiciaire;
6.9. à conserver la trace et assurer le suivi de la mise en œuvre des mesures de lutte contre la corruption, en mettant à disposition les données relatives au nombre et à la nature des cas allégués et avérés de corruption judiciaire, ainsi que des facteurs indispensables à une bonne appréciation du phénomène;
6.10. lorsque le sentiment de corruption judiciaire généralisée persiste, à prendre toutes les mesures qui s’imposent pour rétablir la confiance des citoyens dans le système judiciaire; à procéder au suivi attentif et constant de l’évolution des indicateurs de perception et à élaborer une stratégie viable pour remédier au manque de confiance des citoyens à l’égard des magistrats;
6.11. à continuer à collaborer étroitement avec les organes de suivi du Conseil de l’Europe, tout particulièrement le GRECO, et à leur fournir toutes les informations dont ils ont besoin pour mener leur action, ainsi qu’à se mobiliser pour remédier aux défaillances recensées;
6.12. à garantir l’existence d’un environnement dans lequel les cas de corruption judiciaire (allégués) peuvent être décelés, afin de favoriser un climat propice à la suppression des causes profondes de la corruption judiciaire.
7. L’Assemblée note que le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe a examiné, dans ses deux rapports consacrés à la «Situation de la démocratie, des droits de l’homme et de l’Etat de droit en Europe» publiés à ce jour, la corruption qui existe dans les Etats membres, et l’invite instamment à indiquer clairement, dans ses futurs rapports, les Etats membres dans lesquels ont été recensés des problèmes de corruption, notamment judiciaire.
8. L’Assemblée continuera à suivre attentivement les progrès réalisés par les Etats membres dans la mise en œuvre de la présente résolution.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet
de recommandation adopté à l’unanimité par la commission le 19 mai
2015.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire, rappelant sa Résolution ... (2015), «La corruption judiciaire: nécessité de mettre en œuvre d’urgence les propositions de l’Assemblée», réaffirme sa conviction que la corruption de la magistrature nuit à la crédibilité du système judiciaire, menace l’Etat de droit et entrave la protection effective des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
2. L’Assemblée se félicite de ce que la lutte contre la corruption ait fait partie des priorités du Conseil de l’Europe pour le biennium 2014-2015. Elle souligne l’importance de la prise d’initiatives constantes et concertées pour prévenir et éradiquer toute forme de corruption, surtout chez les magistrats.
3. L’Assemblée renouvelle l’appel qu’elle avait adressé au Comité des Ministres dans sa Recommandation 1896 (2010) sur la corruption judiciaire, afin qu’il:
3.1. élabore un modèle de code de conduite à l’attention des agents du système judiciaire, à l’instar du modèle de code de conduite pour les agents publics qui figure en annexe à la Recommandation no R (2000) 10 du Comité des Ministres sur les codes de conduite pour les agents publics;
3.2. collecte et mette régulièrement à jour des informations chiffrées sur les poursuites engagées et les condamnations prononcées pour corruption à l’encontre des juges dans les Etats membres.

C. Exposé des motifs, par M. Sasi, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Lors de sa réunion du 3 mars 2014, la commission des questions juridiques et des droits de l’homme m’a désigné rapporteur sur le thème «La corruption judiciaire: nécessité de mettre en œuvre les propositions de l’Assemblée». L’origine de cette initiative est la proposition de résolution 
			(3) 
			Doc. 13355, proposition de résolution déposée par M. Kimmo Sasi
et d'autres membres de l'Assemblée. du 12 novembre 2013, qui soulignait la nécessité de donner suite à la Résolution 1703 (2010) de l’Assemblée sur la corruption judiciaire et de mettre en lumière les cas les plus flagrants de corruption judiciaire, en rappelant aux Etats membres du Conseil de l’Europe qu’ils se sont engagés à garantir l’indépendance et l’efficacité de leur pouvoir judiciaire et à rétablir la confiance de leurs citoyens à son égard.
2. Dans ma note introductive de mars 2014, je proposais d’examiner les divers aspects de la corruption judiciaire et de réfléchir à ses répercussions sur le respect de l’Etat de droit et de la jouissance, par chaque citoyen, de ses droits de l’homme. Mon intention était d’examiner les diverses formes de corruption judiciaire, son éventuelle présence aux différents stades de la procédure judiciaire, ainsi que les acteurs concernés. Mon analyse s’étendait également à l’étude des liens entre la corruption judiciaire et les autres formes de corruption, par exemple au sein des organes du pouvoir législatif ou de l’exécutif. Le 7 avril 2014, la commission a procédé à l’examen de ma note introductive et a décidé de tenir une audition à l’occasion de sa réunion de mai 2014 à Helsinki.
3. Les conclusions du présent document et les recommandations proposées reposent sur une étude comparative consacrée à «La corruption judiciaire en Europe: étendue et impact» par la European Human Rights Association (EHRA) 
			(4) 
			<a href='http://www.ehra.fr/'>www.ehra.fr.</a>. Cette étude (c’est-à-dire le rapport d’étude 
			(5) 
			«La corruption
judiciaire en Europe: étendue et impact», document de travail préparé
par l’EHRA, <a href='http://www.assembly.coe.int/CommitteeDocs/2014/fjdoc19_2014.pdf'>document
AS/Jur (2014) 19</a>. et l’addendum 
			(6) 
			«Judicial corruption
in Europe: Extent and Impact», addendum au document de travail préparé
par l’EHRA (en anglais uniquement), <a href='http://www.assembly.coe.int/CommitteeDocs/2014/ajdoc19add_2014.pdf'>document
AS/Jur (2014) 19 Add</a>. qui réunit des données sur la situation dans les Etats membres) a été présentée à la commission à l’occasion de l’audition qui s’est tenue à Helsinki, en présence de deux experts: Mme Monica Macovei (membre du Parlement européen, ancienne ministre roumaine de la Justice); et Sir Nicolas Bratza (ancien président de la Cour européenne des droits de l’homme). Les deux experts ont fait part des observations que leur a inspirées leur expérience approfondie en matière judiciaire et ont procédé à un échange de vues avec les membres de la commission sur les meilleurs moyens de mettre un terme à la corruption judiciaire à l’échelon national. A ce propos, Sir Nicolas Bratza a également présenté les principales conclusions de l’étude comparée pour le compte de l’EHRA 
			(7) 
			L’extrait du procès-verbal
de l'audition tenue Helsinki le 27 mai 2014 (voir le <a href='http://www.assembly.coe.int/CommitteeDocs/2014/fjdoc25-2014.pdf'>document
AS/Jur (2014) 25</a>) a été déclassifié par la commission le 23 juin 2014.. En guise de conclusion de la discussion qui a suivi, j’ai pris l’engagement de recenser les pays les plus touchés par la corruption judiciaire, en me fondant sur les éléments présentés par l’étude comparative et les conclusions mises à disposition par les instances internationales institutionnelles et non gouvernementales pertinentes.

2. Définition de la notion de corruption (judiciaire)

4. Malgré l’existence aujourd’hui d’une multitude d’instruments internationaux relatifs à la prévention et la répression de la corruption, il n’existe aucune définition précise et généralement admise de ce phénomène. Cela conduit à penser que la délimitation de la corruption passe par l’adoption d’une approche souple, surtout au vu de l’évolution constante de ses formes et manifestations. Le terme «corruption» englobe un large éventail d’actes et d’omissions et ne se limite pas aux pots-de-vin. La définition généralement admise de cette notion est celle de «l’abus d’un pouvoir à des fins de gain personnel» 
			(8) 
			Définition utilisée
par Transparency International., ce qui permet d’y intégrer les nombreuses pratiques liées à la corruption.
5. La pénalisation de la corruption constitue l’un des principaux leviers de la lutte contre de telles pratiques et le Conseil de l’Europe a élaboré à cet effet un instrument spécifique (la Convention pénale sur la corruption, STE no 173), qui énonce les normes applicables aux éléments que les Etats membres doivent prendre en compte lorsqu’ils élaborent leur cadre juridique pertinent. Néanmoins, l’existence de dispositions adéquates qui assurent le cadre juridique de la lutte contre la corruption n’est qu’une condition préalable dépourvue d’efficacité si ces dispositions ne sont pas mises en œuvre de manière satisfaisante. Divers organismes internationaux ont révélé les lacunes de cette mise en œuvre et, de manière générale, le nombre limité des condamnations signalées (par exemple l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dans ses rapports consacrés à la mise en œuvre de sa propre Convention contre la corruption). Je développerai cet aspect particulier par la suite.
6. Dans le cadre précis du système judiciaire, la corruption est un comportement qui mine l’efficacité et la confiance nécessaires à l’action publique. Elle a été définie comme les «actes ou omissions qui constituent un usage de l’autorité publique au bénéfice privé du personnel judiciaire et entraînent un prononcé injuste et incorrect des décisions judiciaires. Ces actes et omissions englobent les pots-de-vin, l’extorsion, l’intimidation, le trafic d’influence et l’abus des procédures judiciaires à des fins de gain personnel» 
			(9) 
			Définition retenue
par Transparency International dans son «Rapport mondial sur la
corruption 2007: la corruption dans les systèmes judiciaires»; pour un aperçu des différentes
facettes de la corruption, voir Magdalena Sepulveda Carmona et Julio
Bacio-Terracino, in: Martine Boersma et Hans Nelen (dir.), Corruption and Human Rights: Making the Connection (Anvers:
Intersentia, 2010), p. 25-49..
7. L’existence d’un système judiciaire transparent et tenu de répondre de ses actes est un pilier essentiel de l’Etat de droit dans un Etat démocratique et le pouvoir judiciaire doit faire preuve de probité pour agir de manière impartiale, offrant ainsi la garantie de son indépendance.

3. Instruments internationaux relatifs à la corruption

8. Les principaux instruments du Conseil de l’Europe en matière de corruption sont les suivants:
9. Le Conseil de l’Europe a adopté de nombreux autres textes de référence qui traitent de la prévention de la corruption des juges et forment un solide cadre de lignes directrices à suivre par les Etats membres:
10. Enfin, d’autres instruments et rapports internationaux portent sur le domaine qui nous intéresse et ont été pris en compte lors de l’élaboration du présent document:

4. Contexte: les travaux du Conseil de l’Europe en matière de corruption judiciaire 
			(13) 
			L’approche adoptée
par la Cour européenne des droits de l'homme, ainsi que par le Comité
des Ministres, à l'égard de l'exécution des arrêts rendus par la
Cour en matière de corruption, est examinée dans une partie distincte,
consacrée aux conséquences de la corruption sur le système de protection
des droits de l'homme.

4.1. L’Assemblée parlementaire

11. L’Assemblée parlementaire a adopté une série de recommandations et de résolutions relatives à la lutte contre la corruption, y compris au sein de la justice. L’exemple le plus notable, que nous avons déjà évoqué, en est l’adoption, le 27 janvier 2010, de la Résolution 1703 et de la Recommandation 1896 (2010) sur la corruption judiciaire, fondées sur un rapport que j’avais établi pour la commission des questions juridiques et des droits de l’homme 
			(14) 
			Voir
le Doc. 12058., dans lequel je soulignais la nécessité de garantir le niveau le plus élevé de professionnalisme et d’intégrité, ainsi que de rétablir la confiance des citoyens à l’égard du système judiciaire. L’Assemblée invitait les Etats membres à élaborer des mécanismes particuliers pour veiller à ce que la responsabilité des juges, y compris leur responsabilité pénale, puisse être engagée sans porter atteinte à leur indépendance et à leur impartialité.
12. Le Comité des Ministres a ensuite adopté la Recommandation CM/Rec(2010)12 sur les juges: indépendance, efficacité et responsabilités, qui traite notamment de l’indépendance interne et externe des juges, de leur statut et des dispositions qui fixent leurs responsabilités. Dans sa réponse à la Recommandation 1896 (2010), le Comité des Ministres a par ailleurs souligné que la corruption judiciaire portait atteinte à l’Etat de droit, qui est une composante incontournable de toute démocratie pluraliste et engendre l’impunité.
13. Dans ses Résolution 1943 (2013) et Recommandation 2019 (2013) sur la corruption: une menace à la prééminence du droit, l’Assemblée invitait instamment les parlements nationaux à contribuer à la mise en œuvre des recommandations formulées par le Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO), en particulier celles qui émanent de son 4e Cycle d’évaluation, consacré à la corruption au sein de la justice. L’Indice de perception de la corruption (IPC) 2012 de Transparency International, qui illustre, dans le cadre d’un classement mondial, à quel degré est perçue l’existence de la corruption dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, figure en annexe de l’exposé des motifs 
			(15) 
			<a href='http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-XML2HTML-FR.asp?fileid=19769&lang=FR'>Doc.
13228</a> (rapporteure: Mme Mailis
Reps, Estonie, ADLE).. Dans sa réponse à la Recommandation 2019 (2013), le Comité des Ministres souscrit notamment à l’accent mis par la recommandation de l’Assemblée sur la nécessité de garantir l’indépendance de la justice et d’ériger en infractions pénales appropriées les faits de corruption. Divers cas de corruption ont été mis en lumière pour illustrer cette situation dans l’exposé des motifs de la rapporteure, à propos de l’Azerbaïdjan, la Bulgarie, la Fédération de Russie et l’Ukraine. La résolution donne des indications précises sur les mesures que les Etats membres devraient prendre pour éradiquer la corruption en général; elle formule également des recommandations spécifiques à l’égard du pouvoir judiciaire, en soulignant tout particulièrement la nécessité de garantir son indépendance (à propos des procédures applicables en matière de carrière et en matière disciplinaire). Elle souligne également l’importance de l’existence d’organes réglementaires qui ne soient soumis à aucune influence ni ingérence, ainsi que le rôle joué par les médias et la société civile dans l’évolution d’une tolérance zéro à l’égard des pots-de-vin et de la corruption et dans la recherche et la dénonciation de ces pratiques.
14. Les exposés des motifs des textes précités indiquent que les systèmes judiciaires devraient respecter des normes rigoureuses en matière d’indépendance, d’impartialité, d’intégrité, d’obligation de rendre des comptes et de transparence, afin de conserver leur réactivité et d’atténuer leur vulnérabilité face à la corruption. Les menaces qui pèsent sur l’intégrité du système judiciaire et les recommandations correspondantes formulées concernent le statut des juges (en matière de recrutement, promotion et révocation, mandat, rémunération et évaluation); les garanties d’indépendance vis-à-vis d’une ingérence politique excessive (tout en veillant à l’obligation de rendre des comptes); la transparence dans la gestion des affaires et l’accès du public à l’information; l’élaboration et la mise en œuvre contrôlée de normes professionnelles et déontologiques rigoureuses pour les juges; la formation adéquate et les dispositions relatives aux conflits d’intérêts; l’ouverture d’enquêtes en bonne et due forme et l’engagement de poursuites effectives et, enfin, l’existence de sanctions administratives et pénales adéquates pour sanctionner les faits de corruption.
15. La bonne mise en œuvre de cet ensemble complet de lignes directrices élaborées par l’Assemblée pourrait contribuer considérablement à la lutte contre la corruption judiciaire et améliorer les mesures à la fois préventives et répressives des Etats membres. Dans ce contexte, il est d’autant plus déconcertant de constater que les suites données à ces textes par les Etats membres ont été, dans le meilleur des cas, médiocres, comme il ressort de l’analyse faite plus loin dans la partie 5.
16. Les membres de l’Assemblée ont pris position à de nombreuses reprises en débattant de la question de la corruption judiciaire. La proposition de résolution à l’origine de mon mandat de rapporteur soulignait que la «corruption du pouvoir judiciaire mine la confiance des citoyens dans le système judiciaire, les prive d’un accès à la justice, porte atteinte à leur droit à un procès équitable et favorise l’impunité». Elle déplorait également qu’aucune ligne directrice sur les codes de conduite et de déontologie des juges n’ait été adoptée par le Comité des Ministres, malgré les recommandations spécifiques faites en ce sens par la Recommandation 1896 (2010), et que certains Etats membres n’aient pas encore signé ni ratifié les conventions essentielles de lutte contre la corruption.
17. Dans la même veine, notre collègue Mme Reps, qui était alors rapporteure de l’Assemblée sur «La corruption: une menace à la prééminence du droit», a qualifié à juste titre la corruption de «fléau» qui doit être éradiqué, en présentant dans une déclaration les effets de la corruption, y compris dans le domaine judiciaire, sur l’Etat de droit et le système de protection des droits de l’homme.

4.2. Le Groupe d’Etats contre la corruption

18. Au cours de l’élaboration de mon rapport, j’ai pu m’inspirer fortement des conclusions des travaux de suivi actuellement menés par le Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO) au cours de son Quatrième Cycle d’Evaluation, qui porte sur la prévention de la corruption des parlementaires, des juges et des procureurs dans les Etats membres. Le GRECO a publié à ce jour 23 rapports d’évaluation 
			(16) 
			Sur l'Albanie, l'Azerbaïdjan,
l'Allemagne, la Belgique, la Croatie, le Danemark, l'Espagne, l'Estonie,
la Finlande, la France, l'Islande, l'Irlande, la Lettonie, la Lituanie,
le Luxembourg, les Pays-Bas, la Norvège, la Pologne, la République slovaque,
la Slovénie, la Suède, «l'ex-République yougoslave de Macédoine»
et le Royaume-Uni: <a href='http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/greco/evaluations/round4/ReportsRound4_en.asp'>www.coe.int/t/dghl/monitoring/greco/evaluations/round4/ReportsRound4_en.asp</a>. , auxquels s’ajoutent trois rapports supplémentaires 
			(17) 
			Respectivement
au titre de la Bulgarie, de la Hongrie et de Malte. encore confidentiels au moment de la rédaction du présent rapport, ainsi que sept rapports de conformité 
			(18) 
			Respectivement au titre
de l’Estonie, de la Finlande, de l’Islande, de la Lettonie, de la
Pologne, de la Slovénie et du Royaume-Uni. .
19. Tout au long de ces rapports, le GRECO a mis en avant les divers problèmes qui méritent l’attention des Etats membres, principalement sous l’aspect du cadre juridique relatif à la prévention de la corruption dans la justice. Il a adressé à tous les pays qui ont fait l’objet d’un suivi des recommandations visant à renforcer certains aspects particuliers et/ou à améliorer la législation ou la pratique pertinente, afin qu’elle reflète les normes imposées par les mécanismes internationaux dans ce domaine. Certains communiqués de presse publiés par le GRECO 
			(19) 
			Voir, à titre d'exemple, <a href='http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/greco/news/news%2820140115%29eval4spain_FR.asp?'>«L´organe
anticorruption du Conseil de l´Europe invite l'Espagne à instaurer
la confiance du public dans les institutions politiques et judiciaires»</a> (15 janvier 2014); <a href='https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?Ref=DC-PR009%282014%29&Language=lanFrench&Ver=original&Site=DC&ShowBanner=no&Target=_self&BackColorInternet=F5CA75&BackColorIntranet=F5CA75&BackColorLogged=A9BACE'>«Le
Conseil de l’Europe invite la France à intensifier les réformes
sur l’intégrité au sein du parlement et de la justice»</a> (27 janvier 2014); <a href='https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?Ref=DC-PR038%282014%29&Language=lanFrench&Ver=original&Site=DC&ShowBanner=no&Target=_self&BackColorInternet=F5CA75&BackColorIntranet=F5CA75&BackColorLogged=A9BACE'>«Le
GRECO appelle à poursuivre sans relâche l’action contre la corruption
en Ukraine»</a> (1er avril 2014); <a href='http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/greco/news/news%2820140625%29eval4norway_FR.asp?'>«Le
Conseil de l’Europe fait l’éloge de la ferme volonté de la Norvège
à prévenir la corruption parmi les parlementaires, juges et procureurs»</a> (25 juin 2014); <a href='http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/greco/news/news%2820140828%29eval4belgium_FR.asp?'>«Corruption
des parlementaires, juges et procureurs: la Belgique doit intensifier
son action en matière d’intégrité et transparence»</a> (28 août 2014); <a href='http://www.coe.int/fr/web/human-rights-rule-of-law/news/-/asset_publisher/qI77sHb3q28L/content/id/8646518'>«Le
Conseil de l'Europe met en garde la Slovaquie contre les risques
de corruption des parlementaires, des juges et des procureurs»</a> (6 novembre 2014); <a href='http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/greco/news/news2015/news%2820150128%29eval4germany_FR.asp?'>«Pour
le groupe anti-corruption du Conseil de l’Europe, l’Allemagne doit
améliorer ses outils de prévention de la corruption»</a> (28 janvier 2015). à la suite de la publication de ses rapports présentent sans ambiguïté les problèmes qui requièrent l’attention de l’Etat membre concerné.

4.3. Le Commissaire aux droits de l’homme

20. Le Commissaire aux droits de l’homme actuel ainsi que son prédécesseur ont souvent abordé la question de la corruption judiciaire tout au long de leurs activités de suivi, et leurs déclarations publiques en la matière ont été mentionnées par divers documents ultérieurs des autres organes du Conseil de l’Europe. A cet égard, le Commissaire a évoqué des pays tels que l’Albanie, l’Arménie, la Géorgie, la République de Moldova, la Fédération de Russie, la Turquie et l’Ukraine 
			(20) 
			Voir,
par exemple, <a href='http://www.coe.int/fr/web/commissioner/news-2012/-/asset_publisher/nutP1s2ONg0k/content/-turkish-judicial-system-should-better-protect-human-rights-?_101_INSTANCE_nutP1s2ONg0k_viewMode=view'>«Le
système judiciaire turc devrait mieux protéger les droits de l'homme»</a> (10 janvier 2012); Le carnet des droits de l'homme: <a href='http://www.coe.int/fr/web/commissioner/news-2012/-/asset_publisher/nutP1s2ONg0k/content/government-leaders-distort-justice-when-they-interfere-in-individual-court-cases?_101_INSTANCE_nutP1s2ONg0k_viewMode=view'>«L’ingérence
des responsables gouvernementaux dans les affaires judiciaires fausse
la justice»</a> (20 mars 2012); <a href='http://www.coe.int/fr/web/commissioner/view/-/asset_publisher/ugj3i6qSEkhZ/content/judicial-reform-needs-to-be-accelerated-in-the-republic-of-moldova?_101_INSTANCE_ugj3i6qSEkhZ_viewMode=view'>«Il
faut accélérer la réforme judiciaire en République de Moldova»</a> (30 septembre 2013); <a href='http://www.coe.int/fr/web/commissioner/view/-/asset_publisher/ugj3i6qSEkhZ/content/russia-must-strengthen-the-independence-and-the-impartiality-of-the-judiciary?_101_INSTANCE_ugj3i6qSEkhZ_viewMode=view'>«La Russie
doit renforcer l’indépendance et l’impartialité de la justice»</a> (12 novembre 2013); <a href='http://www.coe.int/fr/web/commissioner/-/corruption-and-political-interference-burden-albania-s-judicial-system?redirect=http://www.coe.int/en/web/commissioner/home%3Fp_p_id%3D101_INSTANCE_8EfTacFqd2H9%26p_p_lifecycle%3D0%26p_p_state%3Dnormal%26p_p_mode%3Dview%26p_p_col_id%3Dcolumn-1%26p_p_col_count%3D5'>«La
corruption et les ingérences politiques affaiblissent le système
judiciaire albanais»</a> (16 janvier 2014); <a href='http://www.coe.int/fr/web/commissioner/view/-/asset_publisher/ugj3i6qSEkhZ/content/ukraine-fight-against-impunity-and-judicial-reforms-are-necessary-to-improve-human-rights-protection?_101_INSTANCE_ugj3i6qSEkhZ_viewMode=view'>«Ukraine:
la lutte contre l’impunité et la mise en œuvre de réformes judiciaires
sont nécessaires pour améliorer la protection des droits de l’homme»</a> (4 mars 2014); <a href='http://www.coe.int/fr/web/commissioner/view/-/asset_publisher/ugj3i6qSEkhZ/content/georgia-has-to-improve-the-administration-of-justice-and-promote-tolerance?_101_INSTANCE_ugj3i6qSEkhZ_viewMode=view'>«La Géorgie
doit améliorer l’administration de la justice et promouvoir la tolérance»</a> (12 mai 2014); <a href='http://www.coe.int/fr/web/commissioner/view/-/asset_publisher/ugj3i6qSEkhZ/content/ukraine-crucial-to-pursue-police-and-judicial-reforms-and-address-needs-of-displaced-persons?_101_INSTANCE_ugj3i6qSEkhZ_viewMode=view'>«L’Ukraine
doit poursuivre les réformes de la police et de la justice et répondre
aux besoins des personnes déplacées»</a> (20 juin 2014); <a href='http://www.coe.int/fr/web/commissioner/-/armenia-should-address-gender-inequality-and-enhance-the-independence-of-the-judiciary'>«L'Arménie doit
remédier à l'inégalité entre les sexes et renforcer l'indépendance
du pouvoir judiciaire»</a> (9 octobre 2014); <a href='http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/greco/news/news2015/news%2820150128%29eval4lithuania_FR.asp?'>«Le
Groupe anti-corruption du Conseil de l’Europe invite la Lituanie
à se concentrer sur l’application effective des normes relatives
à la prévention de la corruption concernant les parlementaires,
juges et procureurs»</a> (11 février 2015); <a href='http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/greco/news/news2015/news%2820150402%29eval4azerbaijan_FR.asp?'>«Eliminer
une influence indue et une ingérence politique est crucial dans
la prévention de la corruption au sein du système législatif et
judiciaire en Azerbaïdjan»</a> (2 avril 2015). en vue d’attirer l’attention sur le problème de la corruption judiciaire et sur l’indépendance de la magistrature ou la bonne administration de la justice. Il a fait part de ses préoccupations face à la corruption qui existe en Albanie, tout en publiant plusieurs déclarations sur l’indépendance de la justice à propos de la Géorgie (en 2011 et 2014 
			(21) 
			Voir «<a href='https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?id=1809789'>Administration
of justice and protection of human rights in the justice system
in Georgia</a>» (en anglais), rapport de Thomas Hammarberg, Commissaire
aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, à la suite de sa visite
en Géorgie du 18 au 20 avril 2011, CommDH(2011)22 (30 juin 2011);
et <a href='http://www.coe.int/fr/web/commissioner/-/georgia-greater-efforts-are-needed-to-improve-the-administration-of-justice-and-promote-tolerance?inheritRedirect=true&redirect=http%3A%2F%2Fwww.coe.int%2Fen%2Fweb%2Fcommissioner%2Fcountry-report%2Fgeorgia%3Fp_p_id%3D101_INSTANCE_3ffkVkbAiYym%26p_p_lifecycle%3D0%26p_p_state%3Dnormal%26p_p_mode%3Dview%26p_p_col_id%3Dcolumn-1%26p_p_col_count%3D1'>«Géorgie:
il faut intensifier les efforts pour améliorer l’administration
de la justice et promouvoir la tolérance»</a> (27 janvier 2014).) et de l’Ukraine (en 2012 et 2014 
			(22) 
			Voir
«<a href='https://wcd.coe.int/com.instranet.InstraServlet?command=com.instranet.CmdBlobGet&InstranetImage=2075485&SecMode=1&DocId=1883332&Usage=2'>Administration
of justice and protection of human rights in the justice system
in Ukraine</a>» (en anglais), rapport de Thomas Hammarberg, Commissaire
aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, à la suite de sa visite
en Ukraine du 19 au 26 novembre 2011, CommDH(2012)10 (23 février
2012); et «<a href='https://wcd.coe.int/com.instranet.InstraServlet?command=com.instranet.CmdBlobGet&InstranetImage=2562949&SecMode=1&DocId=2164462&Usage=2'>Report
by Nils Muižnieks, Commissioner for Human Rights of the Council
of Europe, following his visit to Ukraine from 4 to 10 February
2014</a>» (en anglais), CommDH(2014)7 (7 mars 2014).).

4.4. La Commission de Venise

21. La Commission de Venise a activement aidé les Etats membres à rédiger la législation relative à la prévention de la corruption et, plus généralement, à l’indépendance de la magistrature. Elle a également rendu des avis portant spécifiquement sur certains pays au sujet de projets de loi relatifs à l’organisation du système judiciaire soumis à son examen 
			(23) 
			Voir,
à titre d'exemple, l’Avis conjoint de la Commission de Venise et
de la Direction des droits de l'homme (DDH) de la Direction Générale
Droits de l'homme et Etat de droit (DGI) du Conseil de l'Europe
sur le projet de loi modifiant et complétant le code judiciaire
(système d'évaluation des juges) de l'Arménie, <a href='http://www.venice.coe.int/webforms/documents/default.aspx?pdf=CDL-AD%282014%29007-f'>CDL-AD(2014)007-f</a> (mars 2014); l’Avis sur le projet de loi relatif au
Conseil Supérieur des juges et des procureurs de la Bosnie-Herzégovine, <a href='http://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD%282014%29008-f'>CDL-AD(2014)008-f</a> (mars 2014); l’Avis conjoint de la Commission de Venise
et de la Direction des droits de l'homme (DDH) de la Direction Générale
Droits de l'homme et Etat de droit (DGI) du Conseil de l'Europe
sur le projet de loi portant révision de la loi sur la responsabilité
disciplinaire des juges ordinaires et la procédure disciplinaire
applicable aux juges ordinaires en Géorgie, <a href='http://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD%282014%29032-f'>CDL-AD(2014)032-f</a> (octobre 2014); l’Avis conjoint sur le projet de loi
relatif à la responsabilité disciplinaire des juges de la République
de Moldova, <a href='http://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD%282014%29006-f'>CDL-AD(2014)006-f</a> (mars 2014); Opinion on the draft laws on courts and
on rights and duties of judges and on the Judicial Council of Montenegro
(en anglais), <a href='http://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD%282014%29038-e'>CDL-AD(2014)038-e</a> (décembre 2014); l’Avis sur les propositions de modification
du projet de loi de révision de la Constitution renforçant l'indépendance
des juges de l'Ukraine, <a href='http://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD%282013%29034-f'>CDL-AD(2013)034-f</a> (décembre 2013). . L’Arménie, la Bosnie-Herzégovine, la Géorgie, la République de Moldova, le Monténégro, la Serbie et l’Ukraine font partie des pays à propos desquels la Commission de Venise a récemment adopté des avis pertinents 
			(24) 
			Pour un aperçu complet
des travaux de la Commission de Venise dans ce domaine, veuillez
consulter son <a href='http://www.venice.coe.int/webforms/documents/default.aspx?topic=27&year=all'>site
web.</a>.

4.5. La Commission européenne pour l’efficacité de la justice

22. Les rapports publiés par la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ) fournissent de précieuses données pour l’évaluation de l’administration de la justice dans les Etats membres du Conseil de l’Europe. Ces rapports comportent également des données utiles à l’évaluation des indicateurs pertinents pour l’appréciation des risques de corruption (qui concernent surtout les salaires des juges, leur charge de travail, l’assignation des affaires, etc.). Le rapport (de plus de 500 pages) le plus récent de la CEPEJ sur l’évaluation des systèmes judiciaires européens, qui contient des données de 2012, a été publié en octobre 2014 
			(25) 
			Les <a href='http://www.coe.int/t/dghl/cooperation/cepej/evaluation/2014/appendices_FR.asp?'>annexes</a> au rapport, ainsi que les réponses données par chaque
pays, figurent sur le <a href='http://www.coe.int/t/dghl/cooperation/cepej/evaluation/default_FR.asp?'>site
web</a> de la CEPEJ. . Il comporte des parties spécifiquement consacrées, respectivement, aux juges et au statut et à la carrière des juges et procureurs; il peut être une source d’inspiration précieuse sur les moyens de préserver ou de renforcer l’indépendance et l’impartialité des juges, de prévenir la corruption et de conférer à ces professions davantage de reconnaissance sociale.

4.6. Le Secrétaire Général

23. Dans la note introductive que j’ai présentée à la commission le 7 avril 2014, je me suis félicité du fait que Thorbjørn Jagland, Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, ait fait de la prévention et de l’éradication de la corruption l’une des activités prioritaires de l’Organisation pour 2014-2015. Compte tenu de cette ambition, il a publié en avril 2014 un rapport sur la «Situation de la démocratie, des droits de l’homme et de l’Etat de droit en Europe» (document SG(2014)1), dont un chapitre entier est consacré à la corruption. De même, la deuxième édition de son rapport (document SG(2015)1F), publiée en avril 2015, définit l’absence d’indépendance de la justice dans de nombreux pays comme un des principaux défis à la sécurité démocratique. Je ne puis que féliciter le Secrétaire Général de se préoccuper de l’existence de la corruption et de faire remarquer expressément que «dans un certain nombre d’Etats membres, l’émergence constante d’allégations et des scandales de corruption ont terni la crédibilité des institutions» 
			(26) 
			«Situation de la démocratie,
des droits de l’homme et de l’Etat de droit en Europe. La sécurité
démocratique, une responsabilité partagée», Rapport établi par le
Secrétaire Général du Conseil de l’Europe<a href='https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?Ref=SG(2015)1&Language=lanFrench&Ver=original&Site=COE&BackColorInternet=C3C3C3&BackColorIntranet=EDB021&BackColorLogged=F5D383'>,
document SG(2014)1</a>, p. 24. . En parallèle, je suis un peu déçu que ses deux rapports n’aient pas recensé les Etats membres du Conseil de l’Europe dans lesquels existe une corruption (judiciaire). J’espère que le Secrétaire Général adoptera à l’avenir une position plus ferme encore sur cette question, en indiquant clairement les Etats dans lesquels ces problèmes ont été recensés.

4.7. Conclusions

24. Il convient de saluer les mesures concertées prises par l’ensemble des organes pertinents du Conseil de l’Europe en matière de lutte contre la corruption, comme dans le cas de l’Albanie, à propos de laquelle le GRECO et le Commissaire aux droits de l’homme ont tous deux formulé des déclarations sans équivoque et des recommandations précises à l’occasion de la publication de leurs rapports respectifs sur ce pays. Cette fermeté est susceptible d’avoir des répercussions plus solides et de renforcer la position adoptée par le Conseil de l’Europe pour garantir son engagement à mettre en lumière les risques de corruption.

5. Principales constatations de l’étude comparative «La corruption judiciaire en Europe – étendue et impact»

5.1. Objet de l’étude

25. Comme nous l’avons indiqué plus haut, j’avais chargé la European Human Rights Association (EHRA) de réaliser une étude comparative sur les allégations de corruption judiciaire dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, qui visait à donner un aperçu général de l’étendue et de l’incidence de ce phénomène. Cette étude présente le cadre juridique de la prévention et de la répression de la corruption, un certain nombre d’aspects choisis de sa mise en œuvre, ainsi que la perception de la corruption et quelques défis à relever et recommandations.
26. Les conséquences de la corruption judiciaire ont été prises en compte à la lumière du principe d’indépendance et d’impartialité des juridictions nationales, en examinant ses effets directs sur le principe du procès équitable garanti par la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5, «la Convention»). L’étude s’est appuyée dans son argumentation sur la jurisprudence pertinente de la Cour européenne des droits de l’homme («la Cour»), ainsi que sur l’exécution des arrêts concernés de la Cour.
27. Cette étude avait pour but d’offrir à la commission une base sur laquelle approfondir le débat, tout en lui fournissant des éléments nécessaires pour déterminer les pays qui se heurtent à d’importantes difficultés dans leur lutte nationale contre la corruption judiciaire.

5.2. Cadre de l’étude

28. L’étude a porté sur trois principaux aspects: la notion générale de corruption, le cadre juridique international applicable dans ce domaine et les conséquences de la corruption sur le mécanisme de protection des droits de l’homme.
29. L’étude comparative a pris en compte trois éléments:
  • le cadre juridique national des 47 Etats membres;
  • sa mise en œuvre;
  • la perception de la corruption judiciaire, et notamment le point de vue des médias et de la société civile.
30. L’étude a également analysé les données recueillies à la lumière des conclusions et recommandations formulées par les organes institutionnels internationaux concernés (comme le Conseil de l’Europe – plus particulièrement le GRECO, le Commissaire aux droits de l’homme, le Comité d’experts sur l’évaluation des mesures de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (MONEYVAL) et la Commission de Venise – l’OCDE et l’Union européenne), les organisations non gouvernementales (principalement Transparency International et Freedom House) et les gouvernements nationaux (par exemple les rapports pertinents en matière de droits de l’homme du Département d’Etat américain).
31. L’étude a porté sur la corruption au sein du pouvoir judiciaire, en s’en tenant strictement aux juges. Elle a examiné les différentes facettes de la corruption (pots-de-vin, avantages, trafic d’influence), en privilégiant la corruption liée aux affaires dont les juges sont saisis et la corruption en rapport avec la carrière judiciaire.
32. S’agissant du premier de ces trois éléments, le cadre juridique de la corruption examiné aux fins de l’étude comportait les dispositions nationales qui règlent expressément la prévention et l’éradication de la corruption (responsabilité pénale, mesures disciplinaires), ainsi que les dispositions légales adjacentes pertinentes pour la prévention de la corruption (comme la réglementation applicable à l’attribution des affaires aux juges, leur recrutement, leur avancement dans la carrière, la déclaration de leur patrimoine, etc.). A la suite d’une brève vision d’ensemble des principales caractéristiques communes et distinctes des cadres juridiques des pays examinés, l’étude mentionne certaines particularités de chaque système qui méritent plus ample examen, comme l’ont souligné les diverses études et évaluations réalisées par des instances spécialisées (organisations internationales et société civile). Enfin, l’étude recense certains enjeux communs.
33. Pour ce qui est du deuxième élément, à savoir la mise en œuvre de ce cadre juridique, l’évaluation a porté sur les informations disponibles qui ont trait aux affaires ayant donné lieu à une enquête, à des poursuites et/ou à une condamnation (typologie, statistiques, visibilité, etc.).
34. Le troisième élément, la perception de la corruption, n’entre pas dans le strict cadre d’une étude juridique; il a été examiné à la lumière des conclusions présentées par un certain nombre d’études menées par des instances spécialisées.
35. Dans le droit fil de cette étude comparative, je considère que le meilleur moyen de procéder à une évaluation satisfaisante de la situation de la corruption dans chaque Etat membre consiste à examiner ces trois éléments (cadre juridique, mise en œuvre, perception) en les mettant en relation, afin d’obtenir un tableau réaliste de la situation de chaque Etat membre concerné.
36. Les parties suivantes mettent uniquement en lumière les problèmes relevés dans certains pays par les nombreux rapports publiés par les organisations internationales ou les ONG qui consacrent leurs activités à la lutte contre la corruption, tout en présentant brièvement les principales conclusions de l’étude comparative. Une vue d’ensemble détaillée de chacun de ces points, ainsi que les données et sources qui les concernent, sont disponibles dans le rapport de l’EHRA et son addendum (uniquement en anglais), qui figurent sur le site web de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme.

5.2.1. Le cadre juridique de la lutte contre la corruption

37. On observera pour commencer que la plupart des pays semblent s’être conformés aux principales normes internationales relatives à l’incrimination de la corruption.
38. S’agissant des questions qui méritent une attention particulière, il convient de noter que certains pays ne disposent d’aucune disposition qui impose la confiscation d’un montant équivalent (par exemple en Andorre) ou, lorsqu’elles existent, les dispositions pertinentes sont rarement appliquées (comme en Autriche).
39. Les organes de suivi (GRECO) ont par ailleurs souligné qu’il importait de ne pas laisser la décision de lever ou non l’immunité d’un magistrat dans une affaire donnée au seul pouvoir discrétionnaire d’une entité politique unique.
40. Quant à la protection des donneurs d’alerte qui révèlent les faits de corruption au sein de la justice ou ailleurs, la prise de mesures renforcées a été recommandée dans plusieurs cas (notamment pour l’Albanie, l’Allemagne, la République de Moldova et la Suède). Les cadres juridiques en vigueur ont été jugés à d’autres occasions limités, fragiles ou inefficaces (Albanie, Arménie, Espagne, Estonie, Géorgie, République de Moldova, Monténégro, République slovaque); dans certains pays, aucune réglementation ne prévoit de mesures de protection des donneurs d’alerte (Finlande, Hongrie, République tchèque).
41. Pour ce qui est de la réglementation applicable aux repentis, certains pays comme la Géorgie et la République de Moldova prévoient l’application automatique des dispositions pertinentes, ce que divers rapports de suivi jugent problématique. Dans certains Etats, les dispositions en vigueur permettent de restituer aux repentis l’avantage obtenu; des recommandations ont dans ce cas été formulées pour exclure cette possibilité du cadre juridique.
42. Divers organes internationaux (dont le GRECO, l’OCDE et la Convention des Nations Unies contre la corruption) ont mis en lumière plusieurs questions soulevées par le régime de la prescription des infractions de corruption, qui pourrait poser problème à leurs yeux, notamment la durée de la prescription, jugée bien trop brève compte tenu du temps qu’exigent la réalisation d’une enquête en bonne et due forme et l’engagement de poursuites. Ils ont également critiqué les motifs très stricts de suspension ou d’interruption du délai légal de prescription, surtout dans les pays où les membres de la magistrature jouissent d’une immunité, alors que le temps nécessaire à la levée de cette immunité ne constitue pas un motif retenu.
43. L’incrimination des faits de corruption doit faire face à la modification et à l’évolution constante des formes de corruption. Il est donc indispensable de revoir constamment la législation et la pratique et, le cas échéant, de les adapter pour permettre d’apprécier convenablement jusqu’aux faits de corruption commis au sein de la magistrature qui sont particulièrement difficiles à déceler, notamment ceux qui concernent l’échange de faveurs, les pressions hiérarchiques ou l’ingérence extérieure.
44. Il a parfois été jugé nécessaire d’améliorer le cadre national de la procédure disciplinaire pour le mettre en conformité avec les normes établies par les organes internationaux, surtout à l’égard d’une éventuelle ingérence dans l’indépendance et l’impartialité des instances disciplinaires, comme dans le cas de «l’ex-République yougoslave de Macédoine» 
			(27) 
			Plusieurs
affaires portant sur la procédure de révocation des juges ont été
communiquées au gouvernement ces dernières années; pour de plus
amples précisions, veuillez consulter le <a href='http://www.assembly.coe.int/CommitteeDocs/2014/fjdoc19_2014.pdf'>rapport</a> de l’EHRA et la base de données <a href='http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/Pages/search.aspx'>HUDOC</a> sur la jurisprudence de la Cour..
45. S’agissant des dispositions légales connexes, il convient de mettre en avant quatre points qui, selon moi, méritent une plus grande attention.
46. Conflit d’intérêts et impartialité: la plupart des dispositions nationales règlent les conflits d’intérêts et prévoient des codes de déontologie applicables aux magistrats, tout en permettant aux parties de contester le choix d’un juge lorsqu’elles estiment qu’il manque d’impartialité. Il convient de noter que ces demandes aboutissent rarement, voire presque jamais, par exemple en Bulgarie, au Luxembourg et à Monaco. D’autres pays, comme la Pologne, ont été invités à refondre leurs dispositions relatives aux conflits d’intérêts.
47. Activités annexes: les types d’activités annexes que les juges sont autorisés à exercer varient d’un Etat membre à l’autre. Dans les pays où l’affiliation politique est autorisée, les rapports de suivi ont souligné que la participation des magistrats à la vie politique (et leur soutien ultérieur) posait problème pour la lutte contre la corruption, par exemple en Autriche.
48. Revenus, déclaration de patrimoine et réglementation applicable aux cadeaux: les revenus des juges varient considérablement d’un Etat membre du Conseil de l’Europe à l’autre et ne semblent pas avoir un effet direct sur l’existence de la corruption. Dans des pays comme la France, où le revenu des juges n’est pas considéré comme élevé par rapport au revenu national moyen 
			(28) 
			Voir à ce propos la Résolution 2040 (2015) «Menaces contre la prééminence du droit dans les Etats
membres du Conseil de l’Europe: affirmer l’autorité de l’Assemblée
parlementaire», paragraphe 3.4, et Doc. 13713 (rapporteure: Mme Marieluise Beck, Allemagne, ADLE),
note de bas de page no 56., la corruption judiciaire ne semble pas répandue, alors que dans d’autres pays, par exemple en Roumanie, où les salaires des juges sont supérieurs à la moyenne nationale, les cas de corruption sont nombreux. Le système de déclaration du patrimoine a été considéré comme nécessitant d’être amélioré lorsque la responsabilité des auteurs de fausses déclarations n’est pas engagée (Arménie, Pologne) ou sur le plan de la vérification des déclarations (Hongrie). Quant au cadre qui règle l’acceptation des cadeaux, «l’ex-République yougoslave de Macédoine» a été invitée à préciser la nature de ces actes.
49. Recrutement/promotion/révocation: la promotion ou l’avancement se fait sur la base, soit du mérite, soit de l’ancienneté, l’autorité compétente pour la prise des décisions en la matière étant, dans la plupart des pays, l’instance judiciaire concernée. Plusieurs rapports de suivi ont appelé certains pays, où d’autres autorités sont chargées du recrutement, de la promotion et de la révocation des juges ou jouent un rôle important dans cette procédure, à diminuer l’ingérence extérieure en la matière, notamment l’Albanie pour la nomination des juges de haut rang. La CEPEJ a constaté que les procédures de recrutement des juges se ressemblent de plus en plus dans les différents Etats membres, dans la mesure où elles reposent la plupart du temps sur un concours et/ou une expérience avérée 
			(29) 
			Voir le <a href='http://www.coe.int/t/dghl/cooperation/cepej/evaluation/2014/Rapport_2014_fr.pdf'>Rapport
sur les «Systèmes judiciaires européens – Edition 2014 (2012): efficacité
et qualité de la justice»</a> de la CEPEJ, p. 484.. Bien qu’il y ait lieu de se féliciter de cette harmonisation croissante des procédures de recrutement, un épisode récemment survenu en Allemagne (où la population considère généralement que les magistrats ne sont pas corrompus) démontre à quel point le comportement répréhensible d’un membre de la magistrature peut porter atteinte à la confiance des citoyens dans le système judiciaire. Je veux parler de l’incident dans lequel un juge a été reconnu coupable d’avoir vendu aux étudiants en droit les sujets d’examen avant les épreuves. Il a été condamné à une peine de cinq ans d’emprisonnement pour usage de la contrainte, corruption et violation du secret au début de cette année 
			(30) 
			Voir, par exemple, Zeit Online (Allemagne): «<a href='http://www.zeit.de/studium/2015-02/jura-staatsexamen-manipulation-richter-joerg-l-lueneburg/komplettansicht'>Das
System Jura auf der Anklagebank</a>» (26 février 2015). . En matière de révocation des juges, il convient de noter le cas du juge de la Cour suprême ukrainienne, M. Oleksandr Volkov, qui illustre le risque d’ingérence politique excessive dans la magistrature et a retenu l’attention ces dernières années. Dans son arrêt rendu à la suite de l’introduction par ce dernier d’une requête 
			(31) 
			<a href='http://hudoc.echr.coe.int/sites/eng/pages/search.aspx?i=001-115871'>Oleksandr
Volkov c. Ukraine, Requête </a>no<a href=''></a> 21722/11<a href=''>, arrêt du 9 janvier
2013.</a>, la Cour européenne des droits de l’homme a ordonné à l’Ukraine «[d’]assurer [sa] réintégration (…) à son poste de juge de la Cour suprême», considérant que sa révocation n’avait pas été équitable et constituait par conséquent une violation de l’article 6.1 de la Convention européenne des droits de l’homme (qui garantit le droit à un procès équitable devant un tribunal impartial et indépendant). Selon les termes du décret adopté le 25 décembre 2014 par le Parlement ukrainien, M. Volkov a finalement été réintégré le 2 février 2015 
			(32) 
			Voir le <a href='http://www.scourt.gov.ua/clients/vsu/vsuen.nsf/%28documents%29/40758947BA3FE9EAC2257DE00054D6B5?OpenDocument&year=2015&month=02&'>communiqué
de presse</a> (en anglais) correspondant du 2 février 2015 sur le
site web de la Cour suprême d'Ukraine: «Mr Oleksandr Volkov Was
Reinstated to his Post of a Judge of the Supreme Court of Ukraine.» . De même, je note que la Haute commission de qualification des juges d’Ukraine aurait licencié, en avril 2015, cinq juges dans le pays pour suspicion de corruption, à la demande du Procureur général 
			(33) 
			Voir Radio Free Europe/Radio
Liberty: «<a href='http://www.rferl.org/content/ukraine-judges-fired-for-corruption/26963140.html'>Ukrainian
Judges Dismissed Over Corruption Allegations</a>», 17 avril 2015 (en anglais)..

5.2.2. Mise en œuvre/pratique

50. Aucun des rapports internationaux consultés pour l’élaboration du rapport de l’EHRA et publiés par les organes de suivi ou la société civile ne fournit d’informations pertinentes et récapitulatives sur les cas allégués et connus de corruption dans la justice. Ces rapports mentionnent certaines affaires particulières, mais ne donnent pas un tableau exact de l’étendue de la corruption, de sa typologie et de la proportion dans laquelle les auteurs de faits de corruption ont dû répondre de leurs actes.
51. De même, le Rapport anticorruption de l’UE 
			(34) 
			Rapport de la Commission
au Conseil et au Parlement européen: Rapport anticorruption de l'UE
2014, Bruxelles, 3 février 2014, <a href='http://ec.europa.eu/dgs/home-affairs/e-library/documents/policies/organized-crime-and-human-trafficking/corruption/docs/acr_2014_fr.pdf'>document
COM(2014)38final</a>, p. 15. a mis en lumière l’absence de statistiques consolidées qui permettent de suivre toutes les étapes procédurales des affaires de corruption.
52. Je constate avec préoccupation le manque très net d’informations ou d’accès à des informations qui permettent d’obtenir une vue d’ensemble précise de la situation des enquêtes et de la répression en matière de corruption judiciaire dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, malgré la recommandation expressément faite en ce sens par la Résolution 1703 et la Recommandation 1896 (2010).
53. Il est primordial que les Etats membres prennent des mesures résolues pour rendre ces informations disponibles et facilement consultables dans leurs bases de données nationales. J’aimerais également souligner que les organes de suivi du Conseil de l’Europe doivent demander avec insistance aux Etats membres qu’ils leur communiquent systématiquement les informations statistiques et de fond relatives aux affaires de corruption judiciaire (à tous les stades de la procédure).
54. Pour ce qui est des cas recensés de corruption liée à la carrière des magistrats, le rapport de l’EHRA donne des exemples d’affaires qui concernent, d’une part, le recrutement et l’avancement (en Albanie, Azerbaïdjan, République de Moldova) et, d’autre part, les concours associés à la carrière professionnelle (en Roumanie). Les faits de corruption liés aux affaires dont sont saisis les juges ont été recensés dans les procédures de faillite/liquidation (Hongrie, Pologne, République tchèque), les procédures pénales (France, Lituanie, Malte, République de Moldova) et le contentieux en matière d’investissement (Ukraine).
55. Inutile d’ajouter que ces pratiques recensées ne reflètent pas nécessairement toute l’étendue du phénomène. Les affaires mentionnées par l’étude pourraient être des cas isolés sur lesquels les informations étaient disponibles, ce qui a permis de les intégrer dans le rapport, alors que d’autres pays – y compris ceux dans lesquels la corruption des juges pourrait exister à une échelle beaucoup plus large – n’ont pas pu être évoqués en raison d’un manque de transparence et d’informations sur les affaires existantes de corruption judiciaire. Comme je l’ai déjà fait remarquer dans mon premier rapport sur la corruption judiciaire (au paragraphe 70):
«Il faut donc qu’il soit clair d’emblée que ce sont justement les pays qui ont fait les plus grands progrès en termes de transparence qui auront les statistiques les plus “négatives”. Leur évaluation politique doit tenir compte de cet aspect pour ne pas pénaliser justement les pays qui font les plus grands efforts de lutte contre la corruption judiciaire.»
56. A ce propos, il convient d’accorder une attention particulière aux pays dans lesquels la justice est largement perçue comme propice à la corruption ou, en d’autres termes, dans lesquels la population n’a pas confiance dans l’institution même à laquelle elle se fie pour lutter contre la corruption. Selon le Baromètre mondial de la corruption 2013 de Transparency International, la justice fait partie des trois institutions (sur 10 au total) auxquelles les citoyens font le moins confiance en Albanie (où 81 % des personnes interrogées estiment que les magistrats sont corrompus ou extrêmement corrompus, ce qui en fait l’institution en laquelle les citoyens ont le moins confiance), Arménie (69 %, institution la moins digne de confiance), Azerbaïdjan (42 %, en deuxième position parmi les institutions les moins dignes de confiance), Bulgarie (86 %, institution  la moins digne de confiance), Croatie (70 %, en deuxième position parmi les institutions les moins dignes de confiance), Géorgie (51 %, institution la moins digne de confiance), Lituanie (79 %, en deuxième position parmi les institutions les moins dignes de confiance), République de Moldova (80 %, institution la moins digne de confiance), Portugal (66 %, en deuxième position parmi les institutions les moins dignes de confiance, avec le Parlement et l’armée), Roumanie (58 %, en troisième position parmi les institutions les moins dignes de confiance), la Fédération de Russie (84 %, en troisième position parmi les institutions les moins dignes de confiance), Serbie (82 %, institution la moins digne de confiance), la République slovaque (69 %, institution la moins digne de confiance), Slovénie (54 %, en troisième position parmi les institutions les moins dignes de confiance), Espagne (51 %, en troisième position parmi les institutions les moins dignes de confiance) et Ukraine (87 %, institution la moins digne de confiance).
57. S’agissant des formes de corruption recensées, les données disponibles signalent l’existence de cas dans lesquels les juges proposent de favoriser une partie en échange d’argent ou d’autres avantages ou services, bien qu’aucune information ne soit disponible sur la traduction en justice des auteurs de tels actes. La plupart des sources indiquent que les pots-de-vin représentent la forme la plus courante de corruption (en Arménie, Azerbaïdjan, Estonie, Grèce, Italie, Lettonie, Lituanie, République de Moldova, Roumanie, Serbie, Slovénie, République tchèque, Turquie). Des cas d’accélération d’un procès au profit de l’une des parties à la procédure ont été signalés (Croatie), tout comme des cas de procédure retardée dans le même but (Estonie). D’autres rapports mentionnent le prononcé de décisions de justice partiales (Italie, Malte, République de Moldova, Roumanie, Turquie). En Arménie, le médiateur national a critiqué l’absence de traduction en justice des auteurs de ces actes, malgré l’existence alléguée de pratiques de corruption très répandues 
			(35) 
			Voir Radio Free Europe
(Arménie): <a href='http://www.rferl.org/content/armenia-judicial-corruption-price-list/25197495.html'>«Armenia's
Ombudsman Highlights Court Graft With Bribery 'Price List'»</a>, 11 décembre 2013 (en anglais)..
58. La difficulté à obtenir des informations sur les suites données à des affaires de corruption judiciaire avérée représente une autre source de préoccupation. Il serait notamment utile de savoir si les autorités nationales prévoient ou non la possibilité de rouvrir une affaire dans laquelle a statué un juge ultérieurement condamné pour corruption; j’encourage vivement les Etats membres à prévoir cette possibilité.
59. Il est primordial que les cas signalés ou les situations assimilables à des faits de corruption qui sont rendus publics par les médias ou la société civile fassent l’objet d’une enquête en bonne et due forme et de poursuites lorsque celles-ci se justifient. Cette réactivité permettra de rétablir la confiance des citoyens quant à l’engagement des autorités à lutter contre la corruption, de mettre fin au climat d’impunité et de commencer à faire évoluer le sentiment d’une corruption judiciaire généralisée. Cela est particulièrement essentiel dans certains cas qui suggèrent l’existence de la corruption d’une ampleur considérable. A titre d’exemple, j’ai pris note avec préoccupation des récents rapports sur des allégations relatives au détournement de fonds de € 5,6 millions (300 millions de roubles) par le système des tribunaux de Moscou. Je souhaite que les autorités compétentes veillent à une enquête rapide et effective sur ces allégations, tout en protégeant contre les représailles ceux qui les ont rendues publiques 
			(36) 
			Voir The Moscow Times (Russie): «<a href='http://www.themoscowtimes.com/article.php?id=516943'>Moscow
Court System Suspected of $4.8 Million Embezzlement</a>», 3 mars 2015 (en anglais).. Le fait de publier les conclusions de ces enquêtes et un registre public des juges condamnés pour corruption contribuera à instaurer un esprit de fermeté dans la lutte contre la corruption, tout en ayant un effet dissuasif.
60. A propos des structures nationales spécialisées dans la lutte contre la corruption, il convient de noter que les pays qui ont mis en place des services de lutte contre la corruption ont enregistré une amélioration de l’application de la législation anticorruption. Le Rapport anticorruption de l’UE fait état d’exemples positifs constatés en Croatie, Lettonie, Roumanie, Slovénie et Espagne. En Roumanie, bien que ce pays soit toujours considéré comme l’un des Etats membres de l’Union européenne les plus corrompus, l’action de la Direction de la lutte contre la corruption a été saluée dans les rapports internationaux comme une initiative importante, conforme à l’engagement pris par le pays d’éradiquer ce phénomène 
			(37) 
			<a href='http://ec.europa.eu/dgs/home-affairs/e-library/documents/policies/organized-crime-and-human-trafficking/corruption/docs/acr_2014_fr.pdf'>Rapport
anticorruption de l'UE 2014</a>, p. 14..
61. Enfin, certains rapports s’inquiètent du manque de résolution et de capacité des juges à s’attaquer aux cas de corruption difficiles ou sensibles, ainsi que du caractère trop peu dissuasif des sanctions, qui sont trop rarement infligées par les tribunaux, trop souvent assorties du sursis ou généralement trop légères 
			(38) 
			Ibid.,
p. 16. . Si l’on y ajoute le nombre global limité des cas de corruption qui aboutissent à des poursuites judiciaires, cette tendance est particulièrement préoccupante.

5.2.3. La perception de la corruption judiciaire

62. La perception de la corruption qui règne au sein de la justice a fait l’objet de recherches et de suivi de la part des organismes internationaux spécialisés, comme Transparency International, qui publie régulièrement des indices de perception fondés sur des enquêtes complexes, menées dans les différents pays. Les tendances ainsi recensées dans des pays précis servent d’indicateurs de l’efficacité des mesures prises par les autorités compétentes pour lutter contre ce problème.
63. Selon Transparency International, la perception de la corruption qui règne au sein de la magistrature varie d’un Etat à l’autre: cette institution est considérée comme la plus corrompue dans certains Etats (Albanie, Bulgarie, Croatie, Géorgie, République slovaque, «l’ex-République yougoslave de Macédoine», Ukraine) et comme la moins corrompue dans d’autres (Danemark, Norvège). La perception de la corruption n’a pas évolué dans certains pays, alors que des éléments indiquent clairement l’amélioration du système (République tchèque, Géorgie). Cette situation témoigne de la nécessité de rétablir la confiance de la population dans la magistrature.
64. Il ressort du Rapport anticorruption de l’UE que le sentiment d’une corruption largement répandue perdure dans de nombreux pays de l’Union européenne. En Bulgarie, Croatie, Grèce, Lituanie, Roumanie et République tchèque, 84 % à 99 % des personnes interrogées ont estimé que la corruption était largement répandue dans leur pays. De même, un Européen sur 12 (soit une moyenne de 8 %) déclare avoir fait l’objet ou avoir été témoin d’un cas de corruption au cours des 12 derniers mois (mais pas nécessairement au sein de la justice) 
			(39) 
			Ibid., p. 6..
65. Point positif, les enquêtes réalisées par Transparency International sur la perception de la corruption révèlent que la préoccupation croissante de la population à l’égard de la corruption a conduit les responsables politiques à inscrire la lutte contre la corruption (judiciaire) dans leur action et à la traduire sous forme de politiques concrètes, comme en Roumanie et en Ukraine 
			(40) 
			Voir, par exemple,
la dernière campagne présidentielle en Roumanie, au cours de laquelle
le candidat élu a fait de la lutte contre la corruption et du renforcement
de l'indépendance de la justice sa priorité absolue (voir BBC News
Europe (Royaume-Uni): <a href='http://www.bbc.com/news/world-europe-30060916'>«Romania
elects president to replace Basescu»</a> (16 novembre 2014)); en Ukraine, le Président s'est engagé
à mettre fin à la «corruption rampante» persistante dans le pays
(voir BBC News Europe (Royaume-Uni): <a href='http://www.bbc.com/news/world-europe-30233075'>«Ukraine
in anti-corruption pledge as parliament meets»</a> (27 novembre 2014)). .
66. A cet égard, il importe également de noter que le sentiment que la magistrature représente l’un des domaines les plus corrompus est parfois parfaitement conforme à certaines conclusions formulées par les organes de suivi du Conseil de l’Europe dans leurs rapports ou à la suite de leur visite (comme c’est le cas pour l’Albanie et l’Ukraine).
67. Les médias sont généralement considérés comme l’un des acteurs clés de la révélation des cas de corruption, même si la population de certains pays estime qu’ils sont influencés (Belgique, Bosnie-Herzégovine, Chypre, Roumanie), qu’ils s’autocensurent (Bulgarie, Grèce, République de Moldova, Serbie, «l’ex-République yougoslave de Macédoine», Turquie, Ukraine), qu’ils ne sont pas libres de publier tout ce qui concerne cette question (Albanie, Azerbaïdjan) ou qu’ils risquent d’être poursuivis pour diffamation (Autriche, Pologne). Dans certains pays, comme en République tchèque, le climat qui régnait autrefois s’est amélioré et les médias font désormais moins l’objet des restrictions auxquelles étaient soumises les révélations sur des affaires précises. Là encore, les rapports indiquent que, pour la population, les médias ont parfois exercé une trop forte pression sur les juges en procédant à un traitement excessif des affaires en cours, ce qui a peut-être eu une influence sur leur issue (comme en Roumanie).
68. Le problème de la corruption judiciaire a été traité à diverses occasions par les médias des 47 Etats membres, qui ont mis en lumière, soit des affaires particulières, soit des questions générales en rapport avec le système national en vigueur de lutte contre la corruption judiciaire. De nombreux articles critiques 
			(41) 
			Le
Monde (France): «La justice a un besoin impérieux de
modernisation» (11 janvier 2014); Today's
Zaman (Turquie): «Top judicial body says Turkish government's
planned changes unconstitutional» (11 janvier 2014); Hürriyet Daily News (Turquie): <a href='http://www.hurriyetdailynews.com/hsyk-bill-represents-regression-of-judicial-independence-in-turkey-coe-human-rights-commissioner.aspx?pageID=238&nID=62580&NewsCatID=338'>«HSYK
bill represents regression of judicial independence in Turkey: CoE
human rights commissioner</a>» (18 février 2014); Hürriyet Daily News (Turquie): <a href='http://www.hurriyetdailynews.com/turkish-president-intervenes-in-corruption-tapping-scandals.aspx?pageID=449&nID=63212&NewsCatID=409'>«Turkish
president intervenes in corruption, tapping scandals</a>«(5 mars 2014);
Radio Free Europe/Radio Liberty (Armenia): <a href='http://www.rferl.org/content/armenia-judicial-corruption-price-list/25197495.html'>«Armenia's
Ombudsman Highlights Court Graft With Bribery 'Price List'</a>«(11 décembre 2013); KyivPost (Ukraine): <a href='http://www.kyivpost.com/content/ukraine/justice-ministry-initiates-performance-and-lustration-reviews-for-judges-338455.html'>«Justice
Ministry initiates performance and lustration reviews for judges</a>«(5 mars 2014); KyivPost (Ukraine): <a href='http://www.kyivpost.com/content/kyiv-post-plus/ukraine-risks-losing-imf-support-over-stalled-anti-corruption-laws-361251.html'>«Ukraine
risks losing IMF support over stalled anti-corruption laws</a>«(19 août 2014); SpiegelOnline (Allemagne): <a href='http://www.spiegel.de/unispiegel/studium/jura-examen-in-niedersachen-2000-abschlussarbeiten-werden-untersucht-a-962188.html'>«Korruptionsvorwürfe
gegen Richter: 2000 Jura-Examen werden überprüft»</a> (2 avril 2014); STA (Slovénie): <a href='http://www.sta.si/vest.php?s=a&id=2035049'>«Reporter
Rants about Wrongdoings of the Judiciary»</a> (28 juillet 2014). ont été publiés, surtout en France, Turquie et Ukraine, sur les questions relatives à la corruption judiciaire. Dans certains pays (par exemple en Roumanie), les médias suivent attentivement toute enquête en cours sur des faits allégués de corruption judiciaire et les nombreuses condamnations prononcées font les gros titres de la plupart des journaux et chaînes de télévision nationaux. Malgré la persistance de la corruption, cette transparence a permis de faire disparaître progressivement le climat d’impunité qui régnait autrefois. Elle a également contribué à la sensibilisation des citoyens et, ce faisant, à leur mobilisation 
			(42) 
			Pour illustrer ce propos,
on peut citer la récente <a href='http://www.agerpres.ro/justitie/2014/11/26/kovesi-doar-17-din-dosarele-dna-au-avut-la-baza-sesizari-de-la-serviciile-de-informatii-11-28-44'>déclaration</a> du chef de la Direction roumaine de lutte contre la corruption,
qui a souligné que plus de 80 % des affaires découlaient de plaintes
déposées, le reste des actions ayant été engagées de plein droit
sur la base des informations recueillies par les médias ou les services
d'information. .
69. La société civile agit principalement dans les domaines de la sensibilisation et de la définition des politiques à suivre. Dans certains pays, des particuliers ont mis en place des plates-formes destinées à révéler les faits de corruption (comme en Géorgie). Les ONG suivent les enquêtes ouvertes au sujet d’actes de corruption et publient des rapports, qui comportent bien souvent des informations sur le cadre de la prévention et de la répression de la corruption judiciaire.
70. Pour conclure sur ce point, ajoutons que la perception d’une corruption judiciaire généralisée témoigne directement du peu de confiance des citoyens envers leur système judiciaire national; elle est donc en soi très préoccupante. Il importe que les Etats membres prennent toutes les mesures qui s’imposent pour rétablir cette confiance dans le système judiciaire des Etats concernés, suivent attentivement et systématiquement l’évolution des indicateurs de perception et élaborent une stratégie viable pour remédier au manque de confiance des citoyens dans les magistrats, y compris et surtout en s’appliquant à renforcer la transparence. Le signalement indépendant de faits allégués de corruption revêt également une très grande importance et pourrait avoir un effet dissuasif. Je ne peux qu’inviter instamment les Etats membres à (continuer à) appliquer une politique propice à la création d’un environnement favorable à la promotion de la liberté des médias. Par ailleurs, j’invite les Etats membres à réexaminer et réviser, si besoin est, leur législation et leur pratique relatives à la protection des donneurs d’alerte, conformément à la Résolution 1729 (2010) et à la Recommandation 1916 (2010) sur la protection des «donneurs d’alerte», ainsi qu’aux recommandations formulées dans le rapport de notre commission sur «Améliorer la protection des donneurs d’alerte» 
			(43) 
			Doc. 13791 (rapporteur: M. Pieter Omtzigt, Pays-Bas, PPE/DC)., qui sera débattu par l’Assemblée lors de sa partie de session de juin 2015.

5.3. Constat général et conclusions déduits de l’étude comparative

71. L’un des principaux freins à la lutte contre la corruption constatés dans un nombre considérable de pays est celui de l’influence ou des pressions politiques exercées sur la procédure judiciaire, soit sur le plan de l’organisation de la profession (c’est-à-dire au moyen d’une nomination, promotion, révocation), soit sous forme d’ingérence dans l’issue d’une affaire. Divers rapports jugent cette situation préoccupante en Albanie, Allemagne, Arménie, Azerbaïdjan, Belgique, Bulgarie, Croatie, Espagne, France, Géorgie, Hongrie, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, République de Moldova, Monténégro, Roumanie, Fédération de Russie, Serbie, République slovaque, Slovénie, «l’ex-République yougoslave de Macédoine», Turquie et Ukraine.
72. Il est clair que pour être exempt de corruption, un système judiciaire doit reposer sur les principes fondamentaux de l’indépendance de la justice et de l’impartialité des juges, qui constituent les piliers de tout Etat régi par l’Etat de droit. De fait, le danger d’une influence et d’une ingérence politique excessives dans le fonctionnement indépendant de la justice ne peut guère être surestimé, car il fausse le mécanisme des freins et contrepoids institutionnel et rend le système judiciaire propice au favoritisme politique et à la corruption. Cette influence semble croissante dans certains Etats membres. Je constate avec préoccupation par exemple que l’ancien président de la Cour constitutionnelle de Turquie, M. Haşim Kılıç, a affirmé que les membres de cette juridiction subissaient d’intenses pressions de la part du gouvernement 
			(44) 
			Voir Today’s Zaman (Turquie): «<a href='http://www.todayszaman.com/anasayfa_head-of-top-court-says-judiciary-under-pressure_368727.html'>Head
of top court says judiciary under pressure</a>» (2 janvier 2015); Today’s
Zaman (Turquie): «<a href='http://www.todayszaman.com/anasayfa_top-judges-blast-intervention-in-judiciary-as-they-leave-posts_372287.html'>Top
judges blast intervention in judiciary as they leave posts</a>» (10 février 2015); Hürriyet
Daily News (Turquie): «<a href='http://www.hurriyetdailynews.com/departing-top-turkish-judge-slams-politicians-interest-in-judiciary-.aspx?PageID=238&NID=78147&NewsCatID=338'>Departing
top Turkish judge slams politicians’ ‘interest’ in judiciary</a>» (10 février 2015).. En outre, le Haut Conseil des juges et procureurs (HSYK) de la Turquie a semble-t-il muté des centaines de juges et procureurs depuis janvier 2014, dans le cadre de ce qui serait une mesure de représailles contre une vaste enquête sur la corruption de responsables politiques de haut rang lancée en décembre 2013 
			(45) 
			Voir,
par exemple, Today’s Zaman (Turquie):
«<a href='http://www.todayszaman.com/national_court-acquits-62-coup-suspects-in-balyoz-case-amid-judiciary-reshuffle_377324.html'>Court
acquits 62 coup suspects in Balyoz case amid judiciary reshuffle</a>» (7 avril 2015).. Le «changement de fonctions» de ces magistrats est, au mieux, susceptible d’être considéré comme une tentative, de la part des autorités, d’exercer une influence sur la justice, qui pourrait avoir des effets préjudiciables sur la confiance de l’opinion publique dans l’indépendance de cette institution et risque de démontrer que le cadre institutionnel permet l’ingérence arbitraire et l’ingérence politique excessive du pouvoir dans l’administration de la justice.
73. Ce point a également été soulevé pendant l’examen de mon avant-projet de rapport par la commission en mars 2015. Un membre de la commission a estimé que les pays où les magistrats étaient placés sous l’autorité directe du ministère de la Justice présentaient un risque de conflit d’intérêts et de mauvaise administration de la justice en cas de contestation des actes de l’exécutif par les citoyens. Il redoutait également que les nominations politiques des juges ne fassent douter de leur indépendance et de leur impartialité. Bien que je sois personnellement favorable au renforcement d’une autonomie de la justice fondée sur les mérites de ses membres, notamment parce qu’elle est préférable à la nomination politique des juges (de la Cour suprême), je suis réticent à recommander la mise en place dans l’ensemble des Etats membres d’un conseil supérieur de la magistrature indépendant, et ce pour deux raisons principales. Premièrement, un certain nombre d’exemples conduisent à penser que la notion d’«indépendance» fait l’objet de conceptions divergentes sur la question de la composition des conseils supérieurs de la magistrature: quelle devrait en être la composition (des juges, des procureurs, d’autres professionnels du droit?)? Laquelle de ces catégories devrait y être majoritaire? Et, peut-être surtout, par qui ces membres devraient-ils être nommés (par leurs pairs, par le parlement ou par le gouvernement?)? Il me semble que ces questions, qui ont été traitées de manière assez détaillée dans un certain nombre d’avis rendus par la Commission de Venise, vont au-delà du champ du présent rapport. A ce propos, j’ai cru comprendre que mon collègue, M. Bernd Fabritius (Allemagne, PPE/DC) examinera les questions relatives au cadre institutionnel de la justice (en privilégiant tout particulièrement les procureurs), ainsi que le risque d’«ingérence verticale» dans l’indépendance des juges, dans son prochain rapport, «Renforcer l’Etat de droit dans les pays d’Europe du Sud-Est grâce à des réformes ciblées du système judiciaire» 
			(46) 
			Voir
la proposition de résolution, Doc.
13614, déposé par M. Bernd Fabritius (Allemagne, PPE/DC) et
plusieurs de ses collègues de l'Assemblée.. Deuxièmement, et en corrélation avec ce premier argument, je ne suis pas convaincu que la participation du ministère de la Justice à l’administration de la justice pose en soi problème. Le cas de l’Allemagne en est un bon exemple. Le fait que le recrutement et la promotion des juges relève de la compétence des ministères de la Justice des Länder et de l’Etat fédéral ne semble pas créer une situation dans laquelle l’exécutif exerce un contrôle politique impropre sur la justice. J’aimerais cependant souligner que chaque fois que la nomination des juges incombe à l’exécutif, cette décision devrait être précédée par une procédure de sélection transparente et objective à laquelle participaient un certain nombre d’acteurs, dont des juges de haut rang et d’autres membres de la magistrature.
74. Cela m’amène à évoquer une autre source de préoccupation étroitement liée à la nomination des juges: leur promotion. Là encore, il convient de prendre davantage de mesures pour renforcer l’indépendance de la justice et la confiance des citoyens, en mettant en place une procédure solide de promotion fondée sur le mérite.
75. Lors de la discussion de mon avant-projet de rapport par la commission, l’accent avait également été mis sur le fait qu’il importait de garantir la pleine application à la justice de règles de transparence. Bien que je partage ce point de vue, surtout au vu des recommandations correspondantes du GRECO (voir plus haut, paragraphe 48), j’aimerais ajouter que l’existence de dispositions légales adéquates sur la déclaration de patrimoine (et sur les activités accessoires) est une condition indispensable, mais non suffisante, à la réduction des risques de corruption; un contrôle effectif du respect de ces règles s’impose également.
76. L’étendue de la corruption judiciaire pose également problème: du point de vue juridique, l’existence de la corruption peut uniquement être établie lorsque ses auteurs sont effectivement poursuivis et condamnés. Dans un système judiciaire généralement crédité d’un bon fonctionnement, seuls les faits de corruption démontrés et condamnés peuvent servir de base à la détermination du niveau réel de corruption dans un pays donné.
77. Accessoirement, l’évaluation du cadre général de la corruption peut uniquement servir d’indicateur des causes, revers ou lacunes éventuels du système, qui pourraient être autant d’éléments sur lesquels s’appuient les cas de corruption. Combinée à la perception de la corruption au sein du système, elle peut cependant donner une indication très nette du caractère crédible des allégations de corruption.
78. En raison de l’inaccessibilité ou de l’absence des informations relatives à la mise en œuvre des dispositions applicables à la lutte contre la corruption, il est difficile de déterminer l’efficacité du système; l’appréciation de la viabilité des dispositions peut rester hypothétique, car leur évaluation est uniquement possible de manière abstraite. Il est utile que les Etats membres fassent preuve de transparence sur les cas de corruption judiciaire, en mettant à disposition les informations relatives aux enquêtes et aux condamnations, car cette attitude contribue à renforcer la confiance des citoyens dans le système judiciaire. Le fait que les recherches sur la base desquelles j’ai élaboré le présent rapport aient été fortement entravées par un manque d’informations est particulièrement regrettable, car j’avais déjà souligné il y a cinq ans, dans mon premier rapport consacré à la corruption judiciaire, sur le fondement duquel l’Assemblée avait adopté sa Résolution 1703 (2010) 
			(47) 
			Voir
le paragraphe 70 de l'exposé des motifs (Doc. 12058)., qu’il était indispensable de recueillir des informations et des statistiques fiables, surtout sur les poursuites engagées et les condamnations prononcées. Compte tenu de ces éléments, j’ai choisi d’insérer dans le projet de résolution une recommandation correspondante.

6. Les conséquences de la corruption sur le système de protection des droits de l’homme

79. Le préambule de la Convention pénale sur la corruption souligne que «la corruption constitue une menace pour la prééminence du droit, la démocratie et les droits de l’homme, sape les principes de bonne administration, d’équité et de justice sociale, fausse la concurrence, entrave le développement économique et met en danger la stabilité des institutions démocratiques et les fondements moraux de la société».
80. La corruption peut compromettre de diverses manières la garantie d’un procès équitable, en entravant l’administration de la justice (par exemple lorsqu’elle sévit sur le plan de la promotion professionnelle), les droits des parties à la procédure (par exemple lorsqu’elle déséquilibre l’égalité des armes) et l’efficacité de la procédure (lorsque les juges corrompus retardent la procédure, par exemple pour assurer l’impunité de l’auteur d’une infraction grâce à l’extinction du délai de prescription).
81. Alors que la corruption pratiquée dans une affaire dont est saisi un juge peut faire figure de cas isolé et n’avoir aucune incidence sur la conduite du magistrat concerné pendant le reste de son parcours professionnel, le recours à la corruption à des fins de carrière professionnelle peut avoir des conséquences beaucoup plus importantes: il y a lieu de croire que les juges qui sont entrés en fonction ou ont été promus grâce à des pratiques corrompues seront enclins à se montrer partiaux (surtout à l’égard des personnes qui les ont aidés) et vulnérables au chantage et aux pressions. On peut également s’interroger sur leurs compétences professionnelles et la qualité de leur travail, même s’ils font preuve d’impartialité et d’indépendance.
82. Dans les affaires où la Cour européenne des droits de l’homme a conclu à la violation de l’article 6 de la Convention au regard de l’indépendance et de l’impartialité des juridictions nationales, certaines défaillances ont été expressément identifiées 
			(48) 
			Voir, par exemple,
l'état d'exécution actuel de l'arrêt rendu par la Cour le 9 novembre
2006 dans l'affaire <a href='http://hudoc.echr.coe.int/sites/eng/pages/search.aspx?i=001-77950'>Belukha
c. Ukraine</a>, Requête no 33949/02, accessible
depuis le site web du Service de l'exécution des arrêts de la Cour
européenne des droits de l'homme: 
			(48) 
			<a href='http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/execution/reports/pendingcases_FR.asp?CaseTitleOrNumber=belukha&StateCode=&SectionCode'>www.coe.int/t/dghl/monitoring/execution/reports/pendingcases_FR.asp?CaseTitleOrNumber=belukha&StateCode=&SectionCode</a>., donnant ainsi aux Etats défendeurs concernés et aux autres Parties contractantes susceptibles d’être confrontées aux mêmes problèmes la possibilité d’y remédier dans le cadre de l’exécution de ces arrêts, notamment en adoptant des mesures générales destinées à améliorer le système et à prévenir la survenance de violations similaires ultérieures. Le processus d’exécution de ces arrêts est souvent complexe et long, non seulement parce qu’il nécessite parfois de procéder, à l’échelon national, à des réformes élaborées 
			(49) 
			Voir,
par exemple, les mesures générales adoptées par l'Etat défendeur
pour l'exécution de l'arrêt rendu par la Cour le 10 avril 2003 dans
l'affaire <a href='http://hudoc.echr.coe.int/sites/eng/pages/search.aspx?i=001-61020'>Sigurdsson
c. Islande</a>, accessible depuis le site web du Service de l'exécution
des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme: 
			(49) 
			<a href='http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/execution/reports/pendingcases_FR.asp?CaseTitleOrNumber=sigurdsson&StateCode=&SectionCode'>www.coe.int/t/dghl/monitoring/execution/reports/pendingcases_FR.asp?CaseTitleOrNumber=sigurdsson&StateCode=&SectionCode</a>., mais également en raison de l’important arriéré d’affaires pendantes devant le Comité des Ministres.
83. J’aimerais cependant souligner une fois encore, dans le droit fil des nombreux autres rapports et points de vue adoptés par les divers organes du Conseil de l’Europe, l’importance cruciale de l’exécution effective et en temps utile des arrêts de la Cour. Il est extrêmement préoccupant qu’aucune suite ne soit donnée pendant des années à des arrêts qui ont abouti à une décision définitive de la Cour, surtout à l’égard des mesures générales identifiées au stade de l’exécution. Comme nous l’avons souligné plus haut, cette situation a des répercussions directes sur la lutte contre la corruption et sur le respect du principe de l’indépendance et de l’impartialité de la magistrature, qui est une exigence fondamentale du bon fonctionnement d’une société démocratique et du respect de l’Etat de droit.
84. Le combat mené pour améliorer le cadre général de la prévention de la corruption et du respect du principe de l’indépendance et de l’impartialité des juridictions nationales, qui garantissent la tenue d’un procès équitable, doit faire l’objet de mesures concertées. Les organes normatifs et de suivi doivent coopérer étroitement avec les autorités nationales pour recenser les éventuels problèmes et y remédier, tout en recourant mutuellement à leurs constatations et mesures réciproques, en créant des synergies dans leur approche de ce fléau.

7. Les mesures à prendre

85. Le pouvoir judiciaire, qui forme avec les pouvoirs législatif et exécutif l’un des trois piliers de la puissance publique, est l’organe de régulation de tout système démocratique. Il applique et interprète le droit, en rendant la justice pour le compte des citoyens. Sans bon fonctionnement ni efficacité de la magistrature, le cadre juridique qui définit les droits et libertés individuels ne peut atteindre l’objectif qui lui est assigné. Il ne fait aucun doute, au vu des conclusions tirées de l’étude comparative entreprise à la demande de la commission, que les Etats membres doivent poursuivre et intensifier les initiatives qu’ils ont prises pour élaborer un cadre juridique et institutionnel complet en vue de prévenir et d’éradiquer la corruption des juges, afin de garantir, d’une part, que les normes légales en vigueur soient soigneusement respectées (ce qui passe par leur bonne compréhension) et, d’autre part, que la justice soit rendue et que les citoyens soient à même de le constater.
86. L’indépendance de la justice n’est pas seulement essentielle à la préservation de l’intégrité du système judiciaire et pour garantir aux individus l’entier bénéfice de leurs droits humains, elle est également un facteur crucial de la lutte contre la corruption dans les autres secteurs, ainsi que dans la lutte contre le crime organisé 
			(50) 
			Le dernier rapport
«<a href='http://www.state.gov/r/pa/prs/ps/2015/03/239484.htm'>International
Narcotics Control Strategy Report</a>» par le département d'Etat des Etats-Unis constate,
par exemple, que la corruption ancrée dans le système judiciaire
de l'Ukraine permet aux syndicats transnationaux du crime organisé
d'opérer dans ce pays; voir Partie II, Money Laundering and Financial
Crimes (le blanchiment d'argent et les crimes financiers), mars
2015 (en anglais), p. 208.. C’est aux magistrats qu’il incombe d’examiner les affaires de corruption alléguée, puisque la justice est la seule autorité capable d’établir l’existence des actes de corruption et de les sanctionner. Par conséquent, il est d’autant plus important que l’entité même qui est chargée de statuer sur les allégations de corruption ne succombe pas à de telles pratiques.
87. En outre, pour pouvoir fonctionner dans le respect des normes internationales, un système judiciaire digne de confiance doit échapper à toute ingérence et pressions extérieures excessives. Ce rouage d’une structure institutionnelle complexe ne peut fonctionner convenablement s’il se trouve entravé; de la même manière, s’il fonctionne mal, il entrave le bon fonctionnement d’autres rouages. Il est donc primordial que le combat mené pour améliorer l’ensemble du système prenne la forme d’initiatives concertées, menées de façon constructive.
88. La justice doit poursuivre et intensifier les initiatives qui visent à remédier au manque de confiance des citoyens, en accordant une attention particulière à l’éducation et à la formation des magistrats, de manière à améliorer la rédaction des décisions de justice, ainsi qu’à prévoir des débats institutionnels sur les questions de déontologie, dont le besoin se fait fréquemment sentir. Les procédures de nomination, de promotion et de révocation des juges représentent une autre source de préoccupation, à laquelle il convient de remédier pour renforcer l’indépendance de la justice et restaurer la confiance des citoyens dans cette institution.
89. Un autre aspect revêt une importance particulière: la lutte contre la corruption (y compris la corruption judiciaire) doit être transparente et il convient de veiller à ce que la société civile et les médias soient libres de suivre ces affaires et d’en rendre compte, pour contribuer ainsi à mettre un terme à l’impunité. Cet engagement et ce soutien actifs en faveur de la lutte contre la corruption ont eu des résultats positifs dans d’autres secteurs, comme celui des marchés publics; il convient donc de promouvoir ces bonnes pratiques 
			(51) 
			Voir
le <a href='http://ec.europa.eu/dgs/home-affairs/e-library/documents/policies/organized-crime-and-human-trafficking/corruption/docs/acr_2014_fr.pdf'>Rapport
anticorruption de l'UE</a>, chapitre IV sur «Les marchés publics». .
90. J’aimerais également souligner l’aide dispensée à la société civile pour qu’elle participe au processus de suivi de la prévention de la corruption dans les Etats membres. Seule la consultation de toutes les parties prenantes impliquées dans cette prévention permet aux organes de suivi du Conseil de l’Europe d’obtenir une vue d’ensemble précise de la situation. A l’heure actuelle, les seuls éléments d’information provenant des représentants de la société civile qui soient pris en compte par les organes de suivi sont certains de leurs rapports et études sur la perception de la corruption. Des consultations informelles ont bien entendu lieu, mais il pourrait être utile de demander à la société civile une participation plus systématique, par exemple au moyen de demandes officielles d’information.
91. J’aimerais par conséquent rappeler la Résolution 1943 (2013) et la Recommandation 2019 (2013) «La corruption: une menace à la prééminence du droit» et inviter instamment les Etats membres à donner la priorité à l’appel de l’Assemblée pour qu’ils reconnaissent le rôle des ONG et des médias dans la lutte contre la corruption et renforcent l’aide qu’ils leur accordent et leur collaboration avec eux. La lutte contre la corruption judiciaire passe par l’union du plus grand nombre d’alliés possible; le fait d’exclure des partenaires précieux ne peut être que préjudiciable aux résultats escomptés.
92. En guise de conclusion générale sur la méthode à adopter, j’aimerais souligner qu’il est indispensable de centraliser les données sur les cas décelés de corruption au sein de la magistrature, à partir desquelles il convient de procéder à une évaluation complète des risques. Ce n’est qu’à cette condition qu’il deviendra possible et souhaitable de prendre des mesures ciblées et de mettre en œuvre des politiques adéquates pour remédier aux irrégularités les plus récurrentes du système. Il n’existe pas de solution unique applicable à l’ensemble des Etats membres, car les problèmes recensés comme autant de facteurs de risque varient considérablement d’un pays à l’autre. Les stratégies de lutte contre la corruption doivent par conséquent être élaborées en tenant dûment compte des spécificités de chaque système et des domaines particuliers de problèmes identifiés.