Imprimer
Autres documents liés

Avis de commission | Doc. 13831 | 23 juin 2015

Situation en Hongrie suite à l'adoption de la Résolution 1941 (2013) de l'Assemblée

Commission des questions juridiques et des droits de l'homme

Rapporteur : M. Arcadio DÍAZ TEJERA, Espagne, SOC

Origine - Renvoi en commission: Décision du Bureau, Renvoi 3989 du 30 septembre 2013. Commission chargée du rapport: Commission des questions politiques et de la démocratie. Voir Doc. 13806. Avis approuvé par la commission le 22 juin 2015. 2015 - Troisième partie de session

A. Conclusions de la commission

(open)
1. La commission salue le rapport de la commission des questions politiques et de la démocratie et félicite son rapporteur d’avoir examiné de manière approfondie un certain nombre de problèmes spécifiques soulevés par la Résolution 1941 (2013) et d’avoir réaffirmé la position de l’Assemblée parlementaire à l’égard de l’abolition de la peine de mort. Pour renforcer encore le projet de résolution, elle propose plusieurs amendements visant à préciser dans quelle mesure les recommandations de l’Assemblée ont été mises en œuvre. Conformément à son mandat, la commission propose également de tenir compte d’éléments supplémentaires, de nature juridique ou liés aux droits de l’homme, qui replacent les problèmes spécifiques dans un contexte plus large.

B. Propositions d’amendements

(open)

Amendement A (au projet de résolution)

Au paragraphe 2.1, supprimer les mots «et qu’aucune restriction n’est imposée aux citoyens hongrois dans la pratique de leur choix confessionnel» dans la première phrase.

Amendement B (au projet de résolution)

Après le paragraphe 2.1, insérer le paragraphe suivant:

«le droit de décider de reconnaître à un groupe confessionnel le statut d’Eglise fait toujours partie des compétences du parlement, et non d’une autorité indépendante comme l’a demandé l’Assemblée. Il n’existe toujours pas de possibilité de faire appel d’une décision d’accepter ou de rejeter une demande de reconnaissance en tant qu’Eglise;»

Amendement C (au projet de résolution)

A la fin du paragraphe 2.3.3, ajouter les mots «, comme l’a recommandé l’Assemblée dans sa Résolution 1941 (2013)».

Amendement D (au projet de résolution)

Au paragraphe 2.4, remplacer les mots «De façon générale, des changements ont été apportés à la fonction du président de l’Office national de la justice, qui est une institution unique en Europe, et ses pouvoirs sont maintenant limités» par le texte suivant:

«Le président de l’Office national de la justice conserve le pouvoir d’annuler le résultat de concours de nomination de juges, mais cette prérogative a été quelque peu limitée par l’instauration de conditions légales qui doivent être remplies afin que le président puisse exercer ce pouvoir. Il n’existe toujours pas de procédure garantissant la possibilité de recours contre les décisions du président;»

Amendement E (au projet de résolution)

Après le paragraphe 2.6, ajouter le paragraphe suivant:

«2.7. l’Assemblée rappelle que certains problèmes ayant trait à la Constitution et à la démocratie, comme le vaste champ d’application des “lois cardinales” et la nécessité d’obtenir la majorité qualifiée pour procéder à des modifications, qui ont été mis en évidence par la Commission de Venise, doivent encore être traités.»

C. Exposé des motifs, par M. Díaz Tejera, rapporteur pour avis

(open)
1. La commission des questions politiques et de la démocratie a présenté un rapport sur la «Situation en Hongrie suite à l’adoption de la Résolution 1941 (2013) de l’Assemblée». En 2013, l’Assemblée a décidé de ne pas ouvrir de procédure de suivi, mais de surveiller attentivement la situation en Hongrie après la transformation de l’ancienne Constitution en nouvelle Loi fondamentale et l’adoption de plusieurs lois cardinales. L’Assemblée a identifié cinq sujets de préoccupation et s’est inquiétée plus globalement de «l’érosion du système de séparation des pouvoirs» en Hongrie. La commission principale a choisi de consacrer la quasi-totalité de son rapport aux cinq problèmes identifiés dans la Résolution 1941 (2013), laissant ainsi de côté les enjeux plus généraux du nouveau cadre constitutionnel hongrois. Il appartient par conséquent à la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, dans le présent avis, de compléter l’analyse des questions de procédure et de fond au regard de la nouvelle Loi fondamentale, de ses modifications et des lois cardinales adoptées dans le cadre de la nouvelle Constitution.
2. Je me félicite que la commission des questions politiques et de la démocratie ait réaffirmé le ferme attachement de l’Assemblée à l’abolition de la peine de mort, qui a été récemment remise en question par le Premier ministre, Viktor Orban. La commission des questions politiques note à juste titre que «l’interdiction de la peine de mort fait partie intégrante des valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe» et le rétablissement de la peine capitale violerait les engagements pris par la Hongrie vis-à-vis du Conseil de l’Europe comme de l’Union européenne 
			(1) 
			Euractive, <a href='http://www.euractiv.com/sections/justice-home-affairs/hungarys-orban-angers-eu-over-death-penalty-migrants-314713'>«Hungary’s
Orbán angers EU over death penalty, migrants»,</a> 20 mai 2015; et The Telegraph, <a href='http://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/europe/hungary/11643564/Hungary-could-be-thrown-out-of-EU-if-it-brings-back-death-penalty-says-Jean-Claude-Juncker.html'>«Hungary could
be thrown out of the EU if it brings back death penalty says Jean-Claude
Juncker»,</a> 1er juin 2015.. Même s’il semble que la Hongrie réexamine actuellement son point de vue sur la question de la peine de mort 
			(2) 
			Reuters, <a href='http://www.reuters.com/article/2015/04/30/us-hungary-deathpenalty-orban-idUSKBN0NL1TP20150430'>«Hungary’s
Orban climbs down on death penalty amid EU uproar»,</a> 30 avril 2015., l’Assemblée parlementaire a le devoir de faire connaître très clairement sa position à ce sujet.
3. Cela étant dit, plusieurs problèmes soulevés dans la Résolution 1941 (2013) de l’Assemblée et dans l’exposé des motifs qui l’accompagne ne sont pas abordés dans le rapport. Point fondamental, la résolution souligne avec inquiétude qu’un certain nombre de dispositions constitutionnelles et de lois cardinales, dont plusieurs portent sur des normes et valeurs qui sèment la discorde et suscitent la controverse, ont été adoptées à la majorité des deux tiers et ne pourront être modifiées qu’à la majorité des deux tiers. L’Assemblée a dit craindre qu’un recours excessif à la majorité des deux tiers ne sape la légitimité démocratique du processus législatif. Certains pourront voir dans le recours à la majorité des deux tiers un moyen de graver dans le marbre les positions de l’actuel parti au pouvoir, alors que l’Assemblée note que le cadre constitutionnel devrait s’appuyer sur une large acceptation de la société et un vaste consensus politique. En substance, l’Assemblée redoute que le nouveau cadre constitutionnel entraîne une concentration excessive des pouvoirs, accroisse les pouvoirs discrétionnaires conférés à un grand nombre d’institutions de l’Etat et réduise ainsi l’obligation de ces dernières de rendre des comptes, ainsi que le contrôle légal auquel elles sont soumises.
4. Comme l’a indiqué l’Assemblée, chacun des sujets de préoccupation identifiés a de graves implications pour la démocratie et la prééminence du droit et, même pris séparément, mériterait déjà un examen. Mais ce qui frappe et inquiète le plus, c’est l’accumulation de réformes qui menacent d’affaiblir le système d’équilibre des pouvoirs en Hongrie. Je pense que le rapport de la commission des questions politiques et de la démocratie, même s’il traite en profondeur des problèmes identifiés par l’Assemblée et mentionne comme il se doit le récent débat sur la peine de mort, mérite d’être encore consolidé grâce à une prise en compte de la situation politique et constitutionnelle plus large du pays.

1. Amendement A (au projet de résolution)

Note explicative:

Bien que la Loi fondamentale de la Hongrie garantisse la liberté de religion aux citoyens hongrois, j’estime que le texte initial du paragraphe 2.1 ne rend pas bien compte des implications pratiques des exigences d’enregistrement et de l’annulation arbitraire de l’enregistrement de plus de 400 Eglises, évoquées dans l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 8 avril 2014 
			(3) 
			<a href='http://hudoc.echr.coe.int/sites/eng/Pages/search.aspx'>Magyar
Keresztény Mennonita Egyház et autres c. Hongrie</a>, Requêtes nos 70945/11,
23611/12, 26998/12, 41150/12, 41155/12, 41463/12, 41553/12, 54977/12
et 56581/12, arrêt du 8 avril 2014.. La Cour a jugé que la loi hongroise sur les Eglises emportait violation de l’article 11 (liberté de réunion et d’association) de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5) lu à la lumière de l’article 9 (liberté de pensée, de conscience et de religion). Bien qu’en théorie un citoyen hongrois puisse toujours pratiquer la religion qu’il a choisie en l’absence d’une Eglise enregistrée, il me semble que le texte prête à confusion et n’est pas nécessaire au vu des graves problèmes identifiés par l’Assemblée, la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) et surtout la Cour européenne des droits de l’homme au sujet des manquements de la loi hongroise sur les Eglises.

2. Amendement B (au projet de résolution)

Note explicative:

Cet amendement apporte des informations supplémentaires sur les mesures précises demandées par l’Assemblée dans sa Résolution 1941 (2013). L’Assemblée devrait indiquer clairement si la Hongrie a satisfait à ses demandes.

Le pouvoir parlementaire de reconnaître à un groupe confessionnel le statut d’Eglise permet au Parlement hongrois de continuer à appliquer des critères qui ne sont pas forcément conformes aux normes internationales. Le parlement exige par exemple que la communauté religieuse existe depuis 100 ans au niveau international ou 20 ans en Hongrie, ce qui est contraire aux lignes directrices de la Commission de Venise. Il peut également refuser la reconnaissance au nom de la sécurité nationale, ce que la Commission de Venise ne considère pas comme un motif légitime pour restreindre la liberté de religion en vertu de la Convention européenne des droits de l’homme.

3. Amendement C (au projet de résolution)

Note explicative:

Cet amendement vise à clarifier le paragraphe 2.3.3 en précisant que la Hongrie n’a pas mis en œuvre la recommandation de l’Assemblée.

En ce qui concerne le système judiciaire, il convient de noter que la Hongrie a pris d’autres mesures pour accroître l’indépendance des magistrats, comme l’allongement du mandat de juge constitutionnel à 12 ans et la suppression de la possibilité d’être réélu. Pour autant, l’Assemblée ayant présenté des demandes bien précises à la Hongrie, il faut indiquer si le pays s’est conformé à ces demandes.

4. Amendement D (au projet de résolution)

Note explicative:

Cet amendement vise à remédier à l’imprécision du texte initial en indiquant en quoi les pouvoirs du président de l’Office national de la justice ont été limités. La Résolution 1941 (2013) de l’Assemblée demandait à la Hongrie de restreindre le pouvoir du président en retirant à ce dernier la possibilité d’annuler le résultat de concours de nomination de juges. Le projet initial n’indique pas si cela a été fait ou non; l’amendement explicite que le président conserve ce pouvoir, qui est toutefois désormais restreint.

Ces restrictions, tout comme les circonstances dans lesquelles un juge non retenu peut faire appel, sont évoquées dans les informations soumises à l’Assemblée par la délégation hongroise. Il semble d’après ces informations que les conditions soient assez faciles à remplir. Il reste à voir dans la pratique jusqu’à quel point les nouvelles conditions légales limiteront concrètement le pouvoir du président d’annuler le résultat de concours de nomination de juges.

5. Amendement E (au projet de résolution)

Note explicative:

Cet amendement traduit l’inquiétude générale qu’inspirent à l’Assemblée le vaste champ d’application des lois cardinales et la majorité des deux tiers requise pour les modifier. Ce sont précisément deux des problèmes qui ont amené l’Assemblée à craindre pour la légitimité démocratique du nouveau gouvernement et de la nouvelle Constitution, et l’Assemblée devrait profiter de l’occasion pour indiquer clairement que ses préoccupations restent d’actualité. L’amendement souligne qu’au vu en particulier des rapports de la Commission de Venise concernant les manquements démocratiques de la nouvelle Loi fondamentale et de plusieurs lois cardinales, les préoccupations sous-jacentes liées à l’érosion du système de séparation des pouvoirs n’ont en grande partie toujours pas été traitées.