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Résolution 2069 (2015)

Reconnaître et prévenir le néoracisme

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 26 juin 2015 (27e séance) (voir Doc. 13809, rapport de la commission sur l’égalité et la non-discrimination, rapporteure: Mme Milena Santerini). Texte adopté par l’Assemblée le 26 juin 2015 (27e séance).

1. On observe une montée inquiétante du racisme, de la xénophobie et de l’intolérance depuis quelques années en Europe. Elle touche entre autres les migrants et les demandeurs d’asile, les juifs, les musulmans et les Roms, et s’appuie sur une prétendue incompatibilité entre groupes d’origines différentes pour des raisons culturelles et religieuses. Au racisme traditionnel s’ajoute un «racisme sans race» qui est tout aussi délétère puisqu’il tend à justifier la discrimination envers certains groupes et individus.
2. L’Europe ne doit pas sous-estimer les dangers du racisme, ni oublier les leçons du passé. La mémoire historique doit aider à comprendre que le préjugé stigmatisant, l’exclusion sociale, la privation des droits, l’humiliation et la ségrégation ne sont jamais inoffensifs.
3. L’Assemblée parlementaire exhorte par conséquent les autorités nationales et la société civile à maintenir un haut niveau de vigilance. La prévention et la lutte contre le racisme, l’intolérance et la xénophobie devraient être une priorité pour les Etats membres du Conseil de l’Europe.
4. L’Assemblée s’inquiète également de la diffusion croissante de discours de haine, notamment dans la sphère politique et sur internet, et de l’émergence de partis politiques et de mouvements populistes ouvertement anti-migrants dans plusieurs Etats membres. Les responsables politiques devraient être conscients de l’impact de leurs discours sur l’opinion publique et s’abstenir d’utiliser tout langage discriminatoire, insultant ou agressif envers des groupes ou catégories de personnes. Ils devraient également fonder leurs déclarations en matière d’immigration et d’asile, ainsi que sur les relations interculturelles, sur des faits objectifs.
5. Le racisme est un phénomène complexe; il est lié à plusieurs facteurs et doit être combattu sur plusieurs fronts. En plus des outils juridiques visant à interdire et à sanctionner toute expression de racisme, y compris le discours de haine, l’intolérance doit être combattue en utilisant des outils culturels et sociaux. L’éducation et l’information doivent jouer un rôle crucial dans la formation des citoyens au respect de la diversité ethnique, culturelle et religieuse.
6. Compte tenu de ces considérations, l’Assemblée appelle les Etats membres du Conseil de l’Europe:
6.1. en ce qui concerne la société civile et le dialogue entre communautés:
6.1.1. à promouvoir le rôle de la société civile, notamment les organisations représentant les groupes victimes de racisme ou ciblés par le discours de haine, en tant qu’interlocuteurs des pouvoirs publics ayant vocation à coopérer à la mise en œuvre de politiques contre la discrimination, l’hostilité et les préjugés;
6.1.2. à encourager les échanges entre les groupes victimes de racisme ou ciblés par le discours de haine, notamment sous la forme de projets développés en commun visant à consolider les liens sociaux et à promouvoir la solidarité intercommunautaire et la lutte contre les discriminations;
6.2. en ce qui concerne le cadre juridique de la lutte contre le racisme et l’intolérance, et sa mise en œuvre:
6.2.1. à veiller à ce que le cadre juridique relatif au discours de haine et aux infractions motivées par la haine englobe le plus grand nombre possible de motifs de discrimination, notamment la «race», la couleur, l’origine ethnique, la langue, la religion, le handicap, la situation d’immigré, le sexe, l’orientation sexuelle et l’identité de genre;
6.2.2. à signer et/ou à ratifier, s’ils ne l’ont pas déjà fait, le Protocole no 12 à la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 177) et le Protocole additionnel à la Convention sur la cybercriminalité, relatif à l’incrimination d’actes de nature raciste et xénophobe commis par le biais de systèmes informatiques (STE no 189);
6.3. en ce qui concerne les propos racistes et le discours de haine:
6.3.1. à introduire dans les règlements intérieurs des parlements nationaux, des organes des collectivités territoriales et des partis politiques des normes qui interdisent les propos racistes et le discours de haine, et qui prévoient des sanctions adéquates en cas de violation de ces normes;
6.3.2. à encourager les fournisseurs de services internet et les réseaux sociaux à assurer un suivi des plaintes et, pour empêcher la diffusion de propos racistes et de discours de haine, à se doter de lignes directrices établissant des critères clairs pour établir quels contenus devraient être supprimés, et à renforcer la coopération entre ces acteurs et les autorités chargées de l’application de la loi afin d’identifier et de poursuivre les auteurs de propos racistes et de discours de haine;
6.3.3. à encourager les citoyens à signaler les propos racistes et les discours de haine aux organismes publics et aux organisations non gouvernementales engagés dans la lutte contre le racisme et les discriminations;
6.3.4. à promouvoir l’activité des modérateurs et des médiateurs en ligne, qui s’emploient à identifier les contenus offensants et à établir un dialogue avec leurs auteurs à des fins de prévention;
6.3.5. à encourager les médias à utiliser des formulations correctes et précises, en leur fournissant des données et des statistiques appropriées;
6.3.6. à promouvoir la recherche sur le caractère généralisé du discours de haine, sur ses causes, ainsi que sur l’impact des campagnes menées pour le combattre;
6.4. en ce qui concerne l’éducation et la formation:
6.4.1. à former les enseignants à l’éducation interculturelle, en leur donnant des instruments pour comprendre l’évolution actuelle du racisme sous ses différentes formes, telles que l’antisémitisme, l’islamophobie, la xénophobie et l’antitsiganisme;
6.4.2. à réformer les programmes scolaires d’éducation à la citoyenneté sur la base d’une approche interculturelle, conformément aux lignes directrices du Livre blanc sur le dialogue interculturel – «Vivre ensemble dans l’égale dignité» du Conseil de l’Europe;
6.4.3. à encourager les échanges et les expériences de vie et d’études à l’étranger;
6.4.4. à promouvoir la conservation de la mémoire des manifestations historiques de racisme et d’intolérance, notamment par l’enseignement de l’histoire et des dynamiques qui mènent de la discrimination à la violence institutionnalisée;
6.4.5. à promouvoir les activités de formation et de sensibilisation des adultes à la citoyenneté démocratique et aux droits humains sur la base d’une approche interculturelle, à travers des campagnes et des initiatives éducatives;
6.5. en ce qui concerne la communication politique:
6.5.1. à améliorer la communication en matière de migrations et d’asile afin de fournir aux citoyens et aux étrangers, y compris les groupes victimes de discrimination et de discours de haine, des informations correctes et impartiales sur les flux de migrants et de demandeurs d’asile, ainsi que sur la législation applicable;
6.5.2. à établir des réseaux parlementaires contre le racisme au sein des parlements nationaux afin d’assurer une réaction des politiques aux manifestations de racisme et d’intolérance;
6.6. en ce qui concerne la justice pénale:
6.6.1. à faire en sorte que les actes et propos discriminatoires, et les crimes de haine soient plus systématiquement signalés, en élaborant des mécanismes d’incitation visant à renforcer la confiance dans les autorités et surtout dans la police;
6.6.2. à promouvoir une justice réparatrice, notamment sous forme de médiation entre auteurs et victimes de discours de haine et d’autres actes racistes, sur la base d’un choix libre des personnes concernées;
6.6.3. à promouvoir l’aspect éducatif des sanctions pénales, en veillant à ce que les personnes condamnées pour des actes ou des propos racistes aient accès à des activités de sensibilisation et de formation, et à des informations pertinentes.