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Rapport | Doc. 13865 | 09 septembre 2015

Les activités de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en 2014-2015

Commission des questions politiques et de la démocratie

Rapporteur : M. Tuur ELZINGA, Pays-Bas, GUE

Origine - Renvoi en commission: Décision du Bureau, Renvoi 4024 du 31 janvier 2014. 2015 - Quatrième partie de session

Résumé

L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, élargie aux délégations des parlements nationaux des Etats membres de l’OCDE non membres du Conseil de l’Europe, examine les activités de cette organisation.

Le présent rapport se réfère à nouveau à l’initiative des Nouvelles approches faces aux défis économiques (NAEC), que le Secrétaire général de l’OCDE avait décrit en 2013 comme «l’un des résultats les plus tangibles, les plus visibles et les plus féconds du dialogue entre le Conseil de l’Europe et l’OCDE».

Il souligne la nécessité de s’intéresser à la montée des inégalités et à la valeur du dialogue social pour parvenir à une croissance plus inclusive et à des emplois de qualité. L'OCDE devrait prodiguer à ses Etats membres des conseils politiques pour: freiner les activités financières improductives et réformer le secteur financier afin qu’il soit au service d’une croissance durable et inclusive; accroître la part des revenus du travail dans le Produit Intérieur Brut: et stopper les inégalités croissantes et promouvoir une répartition plus équitable des revenus, des richesses et du bien-être.

Le rapport reconnaît les débats et controverses politiques que suscite une nouvelle génération de traités de libre-échange et d'investissement, mais aussi les bénéfices passés dus aux avantages comparatifs de l’ouverture au commerce international et demande à l’OCDE d’analyser en profondeur les compromis entre les différents enjeux en présence qu’entraînera la poursuite de l’intégration économique mondiale.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 1er septembre
2015.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, élargie aux délégations des parlements nationaux des Etats membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) non membres du Conseil de l’Europe et à une délégation du Parlement européen, examine, à nouveau, les activités de l’OCDE.
2. L’an dernier, le débat de l’Assemblée élargie sur les activités de l’OCDE en 2013-2014 s’est tenu pour la première fois sur la base d’un rapport présenté par le Secrétaire général de l’OCDE, M. Angel Gurría. L’exercice a été considéré comme une réussite par tous les participants. L’Assemblée élargie félicite M. Gurría dont le mandat à la tête de l’OCDE a été reconduit pour les cinq années à venir.
3. Pour le débat de cette année, l’Assemblée élargie a examiné les activités de l’OCDE en 2014-2015 sur la base d’un rapport biennal établi par la commission des questions politiques et de la démocratie et d’une sélection de rapports de l’OCDE, en particulier le Rapport de synthèse final sur l’initiative des Nouvelles approches faces aux défis économiques (NAEC), que le Secrétaire général de l’OCDE a décrit en 2013 comme «l’un des résultats les plus tangibles, les plus visibles et les plus féconds du dialogue entre le Conseil de l’Europe et l’OCDE». L’Assemblée élargie se réjouit de poursuivre ce dialogue.
4. L’Assemblée élargie prend acte du contexte économique mondial dans lequel les activités de l’OCDE se sont inscrites en 2014-2015. Les projections pour 2015 ont été revues à la baisse au vu des résultats du premier trimestre 2015, le plus faible depuis 2009. Les prévisions pour 2016 sont légèrement meilleures, mais sont largement tributaires d’une accélération progressive de la croissance de l’investissement après des années de stagnation. Cette accélération restera cependant plus faible que lors de précédents cycles de reprise, reflétant le gain modeste de productivité, la persistance de l’incertitude et de capacités excédentaires dans de nombreux secteurs, ainsi que les freins à l’investissement engendrés par la baisse des prix du pétrole.
5. L’Assemblée élargie prend également note de certaines tendances à long terme, dites lourdes, telles qu’elles ressortent du rapport de synthèse NAEC, comme le ralentissement de la productivité globale des facteurs (PGF) et de la production économique, la hausse des inégalités et les modèles de développement non durables, qui font peser une «pression sur l’environnement».
6. L’Assemblée élargie note que les publications phares de l’OCDE, qui préconisent une croissance verte et inclusive, s’intéressent à ces tendances de fond et s’inscrivent pleinement dans l’esprit du but principal de l’OCDE tel qu’énoncé à l’article premier de sa Convention, qui est de réaliser la plus forte expansion possible de l’économie et de l’emploi et une progression du niveau de vie dans les Etats membres.
7. Tout comme le Conseil ministériel de l’OCDE, l’Assemblée élargie reconnaît le rôle important de l’OCDE dans le paysage politique international et notamment sa contribution aux travaux du Groupe des 7 (G7) et du Groupe des 20 (G20). L’Assemblée se félicite des efforts constants de l’OCDE pour étoffer ses cadres et méthodes analytiques, notamment ses outils d’analyse sur la longue durée. Elle salue aussi le Rapport de synthèse final NAEC et reconnaît l’importance des indicateurs allant au-delà du produit intérieur brut (PIB) et des travaux de l’OCDE portant sur les indicateurs Comment va la vie ? et Croissance verte. L’Assemblée élargie invite l’OCDE à poursuivre la généralisation de ses analyses multidimensionnelles dans ses publications phares, notamment ses travaux sur la croissance inclusive et l’égalité hommes–femmes.
8. L’Assemblée élargie recommande l’inclusion d’une dimension supplémentaire au cadre pluridimensionnel des NAEC, à savoir les effets des externalités transfrontalières et les arbitrages entre politiques nationales et développements internationaux.
9. L’Assemblée élargie note que le fait de promouvoir une croissance durable n’a pas eu un impact suffisant sur la viabilité écologique du développement économique, puisque les espèces disparaissent à un rythme inégalé depuis l’époque des dinosaures. L’eau, les sols et nombre de ressources naturelles sont structurellement surexploités du fait de nos activités économiques. Les émissions de carbone à l’échelle mondiale peuvent provoquer des changements climatiques catastrophiques.
10. Les Etats membres et non membres prennent aujourd’hui des mesures qui vont dans le sens de la croissance verte, mais des efforts bien plus décisifs sont nécessaires pour que les priorités environnementales soient intégrées dans les agendas économiques afin de promouvoir une croissance et un bien-être durables. Le rapport de l’OCDE intitulé Vers une croissance verte : Suivre les progrès vise, grâce à des conseils plus ciblés et plus cohérents sur l’action publique, à accélérer la mise en œuvre, par les pays, de politiques en matière de croissance verte. L’OCDE continue aussi d’intégrer systématiquement la croissance verte dans ses travaux. Son rapport Aligner les politiques pour une économie bas carbone identifie les aspects des cadres d’action politique et réglementaire qui ne sont pas en phase avec les objectifs liés au changement climatique dans toute une série de domaines (investissements, fiscalité, innovation et compétences, commerce, adaptation) et d’activités au cœur de la politique relative au climat (électricité, mobilité urbaine et utilisation des sols en milieu rural). Des informations pertinentes relatives à la croissance verte sont désormais régulièrement incluses dans ses études économiques, examens environnementaux, examens des politiques de l’investissement et rapports villes et croissance verte publiés par l’OCDE. Cela étant, il est possible de faire beaucoup plus pour parvenir à une approche intégrée.
11. L’Assemblée élargie demande par conséquent à l’OCDE et à ses Etats membres:
11.1. de s’engager pour que la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP21) produise des résultats ambitieux;
11.2. de fixer des objectifs d’émissions de CO2 et de financement climatique visant à maintenir la hausse moyenne de la température du globe en dessous de 2°C;
11.3. de fixer des objectifs spécifiques tout aussi ambitieux pour limiter l’utilisation de l’eau, des sols et des autres ressources naturelles à des niveaux viables;
11.4. de protéger les espèces en danger et d’enrayer le processus de diminution de la biodiversité;
11.5. de soutenir une «transition juste» pour les travailleurs et les divers secteurs économiques.
12. L’Assemblée élargie reconnaît l’importance de réduire les inégalités et de la valeur du dialogue social pour parvenir à une croissance plus inclusive et à des emplois de qualité. Les travaux menés sur la qualité des emplois dans le cadre de l’initiative NAEC fournissent déjà un cadre d’évaluation de cette qualité selon trois grands critères: la qualité de la rémunération, la sécurité de l’emploi et la qualité de l’environnement du travail. Ces travaux permettront de recenser les principaux leviers d’action susceptibles d’améliorer la qualité des emplois, dans l’optique de l’élaboration d’une nouvelle Stratégie de l’OCDE pour l’emploi.
13. L’Assemblée élargie relève que la part du travail dans le revenu mondial a chuté de façon spectaculaire depuis 1980 et qu’elle a baissé dans la plupart des pays de l’OCDE, tandis que celle des revenus du capital a augmenté. Le stock des avoirs représentés par les investissements de portefeuille transfrontaliers a enregistré une croissance annuelle de plus de 20% en moyenne au cours des dix années qui ont précédé la crise. Dans le même temps, le produit des investissements a plus que triplé. Le total des actifs des multinationales (filiales étrangères) est passé de 18% du PIB mondial en 1990 à 130% en 2013.
14. L’Assemblée élargie constate que les inégalités de revenus sont à leur plus haut niveau dans les pays de l’OCDE depuis un demi-siècle. Avec la crise, dans les économies les plus avancées, les inégalités des revenus marchands se sont creusées autant entre 2007 et 2011 qu’au cours des douze années précédentes. Elle constate que les inégalités dans la répartition des richesses ont suivi la même évolution.
15. L’Assemblée élargie prend acte des récentes études qui associent la croissance excessive du secteur financier par rapport au PIB dans les économies avancées au ralentissement de la croissance économique et à l’accroissement des inégalités économiques, tandis que la facilité excessive avec laquelle le crédit est accordé a accru la vulnérabilité des économies aux crises.
16. L’Assemblée élargie appelle l’OCDE à prodiguer à ses Etats membres des conseils politiques soigneusement ajustés:
16.1. pour freiner les activités financières improductives et réformer le secteur financier afin qu’il soit au service d’une croissance durable et inclusive de l’économie réelle;
16.2. pour accroître la part des revenus du travail dans le PIB;
16.3. pour stopper les inégalités croissantes et promouvoir une croissance durable et inclusive et une répartition plus équitable des revenus, des richesses et du bien-être.
17. L’Assemblée élargie note que l’initiative sur la croissance inclusive sera la pierre angulaire des analyses et conseils horizontaux de l’OCDE sur le bien-être et permettra de relever les enjeux ayant trait aux inégalités. Elle invite l’OCDE à généraliser la prise en compte du cadre politique relatif à la croissance inclusive dans ses travaux. Elle appelle aussi les Etats membres de l’OCDE:
17.1. à prendre des mesures pour revaloriser les revenus faibles et intermédiaires afin de stimuler la demande et le pouvoir d’achat des ménages;
17.2. à renforcer la négociation collective et les salaires (minimums), au rythme des gains de productivité;
17.3. à enrayer la progression du travail précaire, informel ou illégal.
18. L’Assemblée élargie appelle l’OCDE à utiliser la prochaine réunion ministérielle (en janvier 2016) du Comité de l’emploi, du travail et des affaires sociales pour inclure ces points dans la révision de la Stratégie de l’OCDE pour l’emploi de 1994.
19. L’Assemblée élargie reconnaît les chances que peut offrir une nouvelle révolution de la production, mais aussi les problèmes qu’elle peut entraîner en termes d’inclusivité, d’emploi et de répartition économique. L’Organisation internationale du Travail (OIT) ayant déjà indiqué que le chômage et la précarité de l’emploi dans le secteur formel vont continuer de progresser et que l’économie informelle va se développer, l’Assemblée élargie appelle l’OCDE à coopérer étroitement avec l’OIT, où une commission de haut niveau sur l’avenir du travail sera chargée de préparer un rapport pour la conférence du centenaire de l’OIT, en 2019.
20. Au plan mondial, l’investissement public et privé n’est pas encore revenu aux niveaux d’avant la crise. L’Assemblée élargie reconnaît le rôle essentiel des investissements productifs pour promouvoir une croissance durable et inclusive, stimuler la création d’emplois et soutenir la transition vers une économie sobre en carbone et résiliente. Elle insiste sur la nécessité de débloquer l’investissement. Des investissements publics ciblés portant sur la création d’emplois verts et décents sont nécessaires pour renforcer la confiance. Elle reconnaît que l’innovation est déterminante pour accroître la productivité et créer des emplois et que les investissements dans la recherche et le développement contribuent en particulier à la croissance de la productivité globale des facteurs.
21. L’Assemblée élargie note les débats et controverses politiques que suscite une nouvelle génération de traités de libre-échange et d’investissement. Reconnaissant les bénéfices passés dus aux avantages comparatifs de l’ouverture au commerce international, elle souligne aussi qu’un système de commerce multilatéral ouvert fondé sur des règles est un élément clé pour le développement du secteur privé, une croissance économique durable et la création d’emplois. Par ailleurs, certaines études indiquent que la poursuite de la libéralisation des échanges commerciaux entraînera une nouvelle diminution de la part du travail et accroîtra les inégalités. L’Assemblée élargie appelle l’OCDE à analyser en profondeur les compromis entre les différents enjeux en présence qu’entraînera la poursuite de l’intégration économique mondiale, ainsi que les risques, coûts et avantages potentiels d’une élimination plus poussée des barrières non tarifaires, en particulier dans les secteurs des services et de l’investissement.
22. L’Assemblée élargie appelle les Etats membres de l’OCDE à ne pas se précipiter vers des accords de commerce et d’investissement qui ne sont pas susceptibles de générer des bénéfices concrets et substantiels pour nos économies en général et d’étudier en premier lieu les effets des arbitrages opérés entre la croissance, la stabilité, la durabilité, l’inclusion et l’équité. Elle appelle aussi l’OCDE à proposer des ensembles de mesures pour les politiques commerciales et d’investissement qui portent sur ces arbitrages et qui assurent un bien-être maximal dans les pays membres, ainsi que dans les pays qui sont des partenaires commerciaux et d’investissement.
23. Pour accroître les ressources nécessaires au financement des investissements publics et assurer la viabilité et l’inclusivité de leurs politiques, les gouvernements, y compris ceux des pays émergents, doivent aussi s’attaquer au problème de la fraude et de l’évasion fiscales. C’est pourquoi l’Assemblée élargie:
  • salue les avancées du Projet OCDE/G20 sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS) et les progrès de l’échange automatique de renseignements;
  • demande à tous les Etats et juridictions d’adhérer à la Convention multilatérale de l’OCDE et du Conseil de l’Europe concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale (STE no 127) et de l’appliquer afin d’améliorer la disponibilité, la qualité et l’exactitude des renseignements sur les bénéficiaires effectifs;
  • appelle tous les pays à adopter les dispositions législatives nécessaires pour concrétiser leur engagement d’appliquer la Norme d’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers d’ici 2017 ou 2018.
24. Toutes les mesures liées au projet BEPS seront parachevées en 2015. Pour garantir que cette initiative emblématique aura bien l’impact souhaité, les travaux futurs devront mettre l’accent sur le soutien à apporter aux pays pour une mise en œuvre efficace et cohérente des résultats du plan d’action BEPS, grâce à l’élaboration d’une législation type et d’orientations techniques ainsi qu’au suivi de l’impact des mesures BEPS sur la résolution des questions de double imposition comme de double exonération.
25. L’Assemblée élargie encourage l’OCDE à poursuivre ses travaux sur la conduite responsable des entreprises en continuant d’y associer toutes les parties prenantes concernées et à s’appuyer pour cela sur ses Principes directeurs à l’intention des entreprises multinationales; elle l’appelle aussi à renforcer la performance des Points de contact nationaux prévus par les Principes directeurs et à améliorer ces derniers en révisant les lignes directrices de procédure, en approuvant des crédits budgétaires, en accélérant le programme d’examen par les pairs et en renforçant la cohérence des politiques.
26. La corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales reste un phénomène répandu, qui soulève de graves problèmes moraux et politiques, nuit à la bonne gouvernance et au développement économique et entraîne une distorsion de la concurrence internationale. L’Assemblée élargie reconnaît le rôle déterminant de l’OCDE et de la Convention sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales (Convention anti-corruption) dans la lutte contre la corruption d’agents étrangers, notamment grâce à son mécanisme rigoureux de suivi par les pairs. L’Assemblée élargie encourage la mise en œuvre intégrale et l’application rigoureuse de la Convention anti-corruption par toutes ses Parties. Elle appelle aussi les membres du G20 qui ne sont pas Parties à cette convention (Chine, Inde, Indonésie et Arabie saoudite) à participer au Groupe de travail de l’OCDE sur la corruption et à envisager la possibilité d’y adhérer, conformément au Plan d’action anti-corruption du G20.
27. L’Assemblée élargie appelle de ses vœux un programme de développement ambitieux pour l’après-2015, l’intégration du «travail décent», de la conduite responsable des entreprises et du dialogue social à la Stratégie de développement de l’OCDE, ainsi qu’une action visant à soutenir la mobilisation des ressources nationales par le partage des connaissances et le renforcement des capacités.
28. Enfin, l’Assemblée élargie invite l’OCDE à informer sous une forme adaptée les participants au débat élargi des suites données aux questions soulevées dans la présente résolution, avant ou lors du prochain débat élargi.

B. Exposé des motifs par M. Elzinga, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. En juin 2011, l’Assemblée parlementaire a décidé de réformer en partie ses structures et de procéder à une nouvelle répartition des tâches. En conséquence, le nouveau mandat de la commission des questions politiques et de la démocratie énonce que «[l]a commission établit des rapports sur les activités de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD). En vue de la préparation des rapports et des débats à l’Assemblée, la commission entretient des relations avec l’OCDE et la BERD, ainsi qu’avec les parlements des Etats non membres participant à ces débats».
2. La réforme étant entrée en vigueur en janvier 2012, la commission a présenté des rapports sur les activités de l’OCDE en octobre 2012 (rapporteur: M. Jean-Marie Bockel, France, PPE/DC) et en octobre 2013 (rapporteur: M. Dirk Van der Maelen, Belgique, SOC). Le Secrétaire général de l’OCDE, M. Angel Gurría, a participé aux deux débats. En mars 2014, la commission des questions politiques et de la démocratie m’a nommé rapporteur.
3. Le débat sur les activités de l’OCDE a lieu sur la base d’un règlement spécial, dans le cadre d’une «assemblée élargie» composée de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et des délégations des parlements nationaux des Etats non européens membres de l’OCDE, à savoir l’Australie, le Canada, le Chili, Israël, le Japon, la Corée, le Mexique, la Nouvelle-Zélande et les Etats-Unis d’Amérique, ainsi que du Parlement européen. Selon ce règlement, le Secrétaire général de l’OCDE «présente un rapport sur les activités de son Organisation et répond aux questions».
4. Les débats sur les rapports relatifs aux activités de l’OCDE se tiennent lors de la partie de session d’automne de l’Assemblée et se déroulent en présence des délégations des parlements des Etats membres de l’OCDE qui ne font pas partie du Conseil de l’Europe et du Secrétaire général de l’OCDE. Ces délégations sont aussi invitées à la réunion au cours de laquelle la commission des questions politiques et de la démocratie approuve le rapport, au début du mois de septembre.
5. Compte tenu de la charge de travail considérable que représente la préparation des rapports et des débats, il a été décidé en 2014 que les rapports de la commission sur les activités de l’OCDE seraient établis tous les deux ans, comme pour les activités de la BERD. Ces rapports seront ainsi traités comme les autres rapports de l’Assemblée établis sur une période de deux ans.
6. Afin de maintenir le même niveau de relations avec l’OCDE, il a été décidé ce qui suit:
  • les débats élargis de l’Assemblée sur les activités de l’OCDE continueront à se tenir normalement chaque année, avec la participation des délégations des parlements nationaux des Etats non européens membres de l’OCDE et du Parlement européen, ainsi que du Secrétaire général de l’OCDE;
  • une année sur deux, le débat se tiendra sur la base d’un rapport présenté par la commission des questions politiques et de la démocratie;
  • l’année suivante, il s’appuiera sur un rapport du Secrétaire général de l’OCDE, sans rapport établi par l’Assemblée;
  • la Sous-commission sur les relations avec l’OCDE et la BERD tiendra en principe chaque année une réunion au siège de l’OCDE afin de procéder à un échange de vues avec les dirigeants de l’Organisation.
7. Par conséquent, en octobre 2014, le débat de l’Assemblée élargie sur les activités de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en 2013-2014 s’est tenu sur la base d’un rapport présenté par M. Gurría. L’exercice a été considéré comme une réussite par tous les participants.
8. En 2015, le débat s’appuiera sur un rapport établi par l’Assemblée. Pour préparer ce rapport, j’ai participé, avec la Sous-commission sur les relations avec l’OCDE et la BERD, aux 3e Journées parlementaires de l’OCDE (Paris, 25-26 février 2015). A cette occasion, j’ai également rencontré M. Christian Kastrop, Directeur de la branche des études de politique économique du Département des Affaires économiques, Mme Mathilde Mesnard, Coordonnatrice des Nouvelles approches face aux défis économiques (NAEC), Mme Ana Novik, Chef de la Division Investissement de la Direction des affaires financières et des entreprises, qui m’ont communiqué de précieuses informations sur les travaux de l’OCDE dans leurs domaines de compétences respectifs. En juin, j’ai assisté au Forum 2015 de l’OCDE, en marge duquel j’ai participé à la Fabrique-à-idées New Solution Spaces: The Pre-2060 Agenda.

2. Rôle et activités de l’OCDE

9. L’OCDE a été créée en 1961 dans le but de promouvoir des politiques visant: a) à réaliser la plus forte expansion possible de l’économie et de l’emploi et une progression du niveau de vie dans les pays membres, tout en maintenant la stabilité financière, et à contribuer ainsi au développement de l’économie mondiale; b) à contribuer à une saine expansion économique dans les pays membres, ainsi que non membres, en voie de développement économique; et c) à contribuer à l’expansion du commerce mondial sur une base multilatérale et non discriminatoire conformément aux obligations internationales.
10. Bien que l’OCDE puisse prendre des décisions qui, sauf disposition contraire, s’imposent à tous les Etats membres, les décisions sont prises par consensus au sein du Conseil. En conséquence, le secrétariat de l’OCDE, c’est-à-dire le Secrétaire général et les agents, ne peut que tenter de convaincre tous les membres au moyen d’analyses et de propositions fondées sur des preuves et des bonnes pratiques.
11. Le 14 décembre 2015 marquera le cinquante-cinquième anniversaire de la signature de la Convention relative à l’OCDE, à Paris. Cette convention est entrée en vigueur dans l’année qui a suivi. Le cinquantième anniversaire de l’OCDE a été célébré modestement, dans un contexte marqué par la timide reprise qui faisait suite à la plus grave récession enregistrée depuis des années et causée par la plus grave crise financière mondiale depuis la naissance de l’organisation.
12. En 2009, et à nouveau en 2010, l’Assemblée élargie a invité instamment l’OCDE, comme le montre le large soutien exprimé lors de votes séparés, à analyser le rôle que ses préconisations politiques ont joué dans la vulnérabilité aux crises des systèmes monétaires, financiers et économiques, ce qui pourrait lui permettre de tirer des enseignements précieux afin d’améliorer à l’avenir son activité de conseil. Cette invitation a conduit l’OCDE à lancer ses Nouvelles approches face aux défis économiques (New Approaches to Economic Challenges) ou initiative NAEC, que le Secrétaire général de l’OCDE a décrit en 2013 comme «l’un des résultats les plus tangibles, les plus visibles et les plus féconds du dialogue entre le Conseil de l’Europe et l’OCDE».
13. Etant donné que le Rapport de synthèse final NAEC a été présenté à la réunion du Conseil ministériel cette année, je crois que le moment est bien choisi aujourd’hui pour faire le point non seulement sur les activités de l’OCDE, les développements économiques et les dernières tendances et prévisions depuis le dernier rapport de son Secrétaire général à notre Assemblée élargie, mais aussi pour prendre le temps de réfléchir aux enseignements tirés de la dernière crise. Afin de mettre en perspective les tendances lourdes et les publications phares (telles que Tous concernés) dans les domaines de la croissance durable et inclusive, le présent rapport propose une vue panoramique de certains des principaux développements historiques dans ces domaines.

3. Perspectives mondiales

14. Le message central des Perspectives économiques de l’OCDE publiées en juin 2015 est que la croissance mondiale s’améliore, mais reste encore modérée. Ce message se base sur des projections légèrement plus optimistes pour 2016, la performance de l’économie mondiale au premier trimestre 2015 ayant encore été la plus faible depuis l’impact initial de la crise de 2008, ce qui a amené à revoir à la baisse les projections de croissance mondiale pour 2015 et 2016 par rapport aux dernières projections faites en novembre 2014. Pour la zone euro, ces projections se sont améliorées pour 2015 et 2016. Si le Japon devrait faire mieux l’an prochain, les Etats-Unis et le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine (BRIC) s’en sortent moins bien que prévu précédemment. Alors que les prévisions de croissance mondiale pour 2015 faites par l’OCDE en novembre 2014 étaient encore de 3,9 %, elles sont aujourd’hui de 3,1 % 
			(2) 
			La Banque mondiale
est encore plus prudente dans ces dernières Perspectives
économiques mondiales (juin 2015) et projette une croissance
mondiale de 2,8 %..
15. Selon l’OCDE, si l’assouplissement monétaire, le desserrement du frein budgétaire et la baisse des prix du pétrole portent à un certain optimisme, la situation du secteur financier et les tensions (géo)politiques continuent de peser sur la croissance, tandis que la stimulation des investissements nécessaires pour relancer la demande, les capacités de production et l’emploi reste insuffisante pour remettre l’économie sur la voie de la reprise.
16. Les projections de reprise reposent sur une accélération progressive de la croissance de l’investissement (d’environ 2,5% en 2014 et 2015 à 4% en 2016 en moyenne, dans les pays de l’OCDE), après des années de stagnation. Cette accélération restera cependant plus faible que lors des précédents cycles de reprise, reflétant le regain modeste d’activité au niveau national et international, la persistance de l’incertitude et de capacités excédentaires dans de nombreux secteurs, ainsi que les freins à l’investissement engendrés par la baisse des prix du pétrole dans certaines grandes économies. A mesure que la reprise économique s’installe, que la croissance de la consommation s’accélère, parallèlement à celle des salaires et des revenus, et que la confiance dans les perspectives économiques se raffermit, les entreprises devraient intensifier leurs dépenses d’investissement.
17. Une hausse des investissements est importante non seulement pour soutenir la reprise cyclique, mais aussi pour accroître la productivité. Le renforcement de l’investissement productif sera donc nécessaire pour que la croissance mondiale se maintienne à moyen terme. Dans l’ensemble, les pays de l’OCDE ont fait des efforts pour simplifier les démarches administratives de création d’entreprises et la réglementation, créant ainsi des conditions d’égalité pour ce qui est des attentes relatives à une conduite responsable des entreprises, et améliorer l’accès à l’information sur la réglementation. Cependant, pour l’OCDE, il faut faire plus pour stimuler l’investissement intérieur et transnational. Priorité doit être donnée en particulier aux mesures visant à encourager le financement d’investissements à long terme pour la transition vers une économie sobre en carbone, l’OCDE pouvant à cet égard contribuer à identifier des politiques crédibles de réorientation des investissements et des capitaux. L’OCDE concourt à instaurer la confiance dans la volonté des pays développés de mobiliser conjointement $US 100 milliards par an d’ici 2020 grâce au suivi statistique des flux financiers publics réalisé par son Comité d’aide au développement et le rôle moteur qu’elle joue dans le collectif de recherche 
			(3) 
			<a href='http://www.oecd.org/env/researchcollaborative/'>www.oecd.org/env/researchcollaborative/</a>. qui développe et évalue les méthodes d’estimation des ressources financières privées mobilisées en faveur du climat.
18. La croissance de l’emploi reste trop lente pour que le marché du travail se remette pleinement. Dans la zone OCDE, fin 2016, la part de la population en âge de travailler qui occupe effectivement un emploi restera inférieure de 1 point de pourcentage à son niveau d’avant la crise (contre 1,8 point début 2015) et il y aura 8,3 millions de chômeurs de plus qu’au quatrième trimestre 2007 (contre 10,6 millions début 2015). Un regain d’investissements productifs peut stimuler la création d’emplois tout en créant les conditions permettant aux salaires réels de repartir à la hausse, avec la résorption des capacités inutilisées sur le marché du travail et l’augmentation de la productivité. La composition des investissements sera un facteur déterminant de la vitesse à laquelle la productivité du travail et le niveau de vie des travailleurs pourront s’améliorer. Les investissements dans les infrastructures, l’innovation et les compétences peuvent jouer un rôle particulièrement important. Leur impact sur l’emploi pourrait être renforcé par des mesures d’accompagnement visant à réduire les obstacles empêchant une participation effective des travailleurs au marché du travail.
19. Si des mesures exceptionnelles restent nécessaires, dans de nombreuses économies avancées, pour soutenir la demande et contrer les tendances déflationnistes et si l’intervention des banques centrales reste cruciale pour assurer une croissance solide, ces pays doivent éviter de s’en remettre exclusivement à la politique monétaire pour influer sur la demande. Des taux d’intérêt anormalement bas ouvrent la voie à une prise de risque accrue et à un endettement alimentés davantage par la liquidité que par les fondamentaux économiques. Une approche plus équilibrée est nécessaire, les politiques budgétaire, et surtout, structurelle, devant apporter un soutien synergétique à la politique monétaire.
20. Des taux d’intérêt extraordinairement bas pendant une période exceptionnellement longue – six ans de la politique monétaire mondiale la plus accommodante de l’histoire – ont fait que les marchés financiers ne «voient» que peu de risques dans la hausse du prix des actifs partout dans le monde, tandis que l’économie mondiale réelle montre tous les signes de capacités excédentaires: faible inflation, voire déflation, dans certains pays et manque total de volonté d’investissement de la part des (grandes) entreprises. L’OCDE voit dans ce paradoxe de l’investissement le plus grand mystère actuel du monde des affaires et de la finance 
			(4) 
			OCDE (2015), Perspectives 2015 de l’OCDE sur l’entreprise
et la finance, Editions OCDE, Paris. 
			(4) 
			<a href='http://www.oecd-ilibrary.org/fr/finance-and-investment/oecd-business-and-finance-outlook-2015_9789264234291-en'>www.oecd-ilibrary.org/fr/finance-and-investment/oecd-business-and-finance-outlook-2015_9789264234291-en</a>.. Les Perspectives 2015 de l’OCDE sur l’entreprise et la finance permettent de comprendre comment les entreprises, les banques, les investisseurs institutionnels et les intermédiaires du système bancaire parallèle réagissent à un environnement marqué par une croissance et des taux d’intérêt faibles et à l’accumulation des risques dans le système financier.
21. Les risques exceptionnels qui pèsent sur l’économie mondiale sont notamment l’extrême volatilité des marchés obligataires et des principaux taux de change, une tourmente financière sur les marchés émergents, le défaut de la Grèce ou «Grexit», un fort ralentissement en Chine, ainsi que les tensions géopolitiques. Dans son rapport de 2015 sur la stabilité financière dans le monde, le Fonds monétaire international (FMI) ajoute quelques détails à ces analyses, les risques pour la stabilité financière se déplaçant selon lui des marchés avancés vers les économies émergentes, des banques classiques vers les banques parallèles et du champ de la solvabilité vers celui de la liquidité du marché.
22. Le rapport de l’Organisation internationale du travail (OIT) Perspectives pour l’emploi et le social dans le monde – Tendances pour 2015 analyse plus en profondeur les perspectives mondiales du marché du travail et est encore plus alarmant que les projections de l’OCDE, puisqu’il prévoit une poursuite de la hausse du chômage et la progression des formes atypiques d’emploi. Selon l’OIT, seule 40 % de la population active mondiale perçoit un salaire ou occupe un emploi. Sur ces 40 %, presque 60% sont en contrat temporaire ou n’ont pas de contrat du tout. L’OIT y voit une tendance qui aboutit à la baisse des salaires par rapport à la productivité du travail, ce qui renforce l’insuffisance de la demande globale. Le rapport estime à $US 3 700 la perte pour la demande mondiale due au chômage et à la stagnation des revenus du travail, qui se traduisent par un niveau réduit de consommation, d’investissements et de recettes publiques. D’après les Perspectives de l’emploi de l’OCDE, les inégalités de salaires sont plus faibles dans les pays qui répondent mieux à la demande croissante de qualifications et de compétences. Toujours d’après cette source, pour être plus efficaces, les salaires minimums doivent être étroitement coordonnés avec les politiques fiscales et de prestations sociales.
23. L’OCDE, le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale, l’OIT et les pays du Groupe des 20 (G20) soulignent tous le besoin urgent d’investir dans une croissance durable et inclusive 
			(5) 
			<a href='http://www.oecd.org/fr/forum/thematique/'>www.oecd.org/fr/forum/thematique/</a>; <a href='http://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2015/04/18/world-bank-imf-spring-meetings-2015-development-committee-communique'>www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2015/04/18/world-bank-imf-spring-meetings-2015-development-committee-communique</a>; <a href='https://g20.org/wp-content/uploads/2014/12/2015-TURKEY-G-20-PRESIDENCY-FINAL.pdf'>https://g20.org/wp-content/uploads/2014/12/2015-TURKEY-G-20-PRESIDENCY-FINAL.pdf</a>.. L’OCDE continue à collaborer avec les pays du G20 et les pays en développement pour assurer un dialogue inclusif à l’échelle planétaire sur les enjeux politiques mondiaux majeurs.

4. Vision historique d’ensemble

24. Si l’on considère l’évolution économique dans une perspective plus large, l’histoire récente est tout à fait impressionnante, et même inquiétante malheureusement.
25. Au cours du dernier millénaire, la population mondiale a été multipliée par 22, le revenu par habitant par 13 et le produit intérieur brut (PIB) mondial par près de 300. Cette progression contraste radicalement avec celle enregistrée au cours du millénaire précédent: la population mondiale n’avait alors augmenté que d’un sixième et le revenu par habitant stagné.
26. De l’an 1000 jusqu’en 1820, la croissance du revenu par habitant a été très lente, la moyenne mondiale progressant d’environ 50%; l’essentiel de la croissance a été consacré à satisfaire les besoins d’une population multipliée par quatre.
27. Depuis 1820, le développement mondial est bien plus dynamique: le revenu par habitant a été multiplié par plus de huit et la population par plus de cinq 
			(6) 
			<a href='http://www.theworldeconomy.org/index-fr.htm'>www.theworldeconomy.org/index-fr.htm.</a>.
28. Le niveau d’éducation et l’état de santé se sont largement améliorés dans de nombreux pays du monde. Le rapport Comment vivait-on? Le bien-être à l'échelle mondiale depuis 1820, publié conjointement par l’initiative du Vivre mieux de l’OCDE, le Centre de développement de l’OCDE et le projet de recherche Clio infra, établit une forte corrélation statistique entre l’alphabétisation, le niveau d’études, l’espérance de vie, la taille des individus et l’évolution du PIB. Au niveau mondial, le taux d’alphabétisation est passé de 20 % en 1820 à 80 % en 2000 
			(7) 
			<a href='http://www.oecd.org/statistics/How-was-life.pdf'>www.oecd.org/statistics/How-was-life.pdf</a>..
29. Le développement économique a subi un revers majeur avec la crise économique de 1929 et la seconde guerre mondiale. Déterminés à éviter les erreurs de leurs prédécesseurs au sortir de la première guerre mondiale, les dirigeants européens ont compris que le meilleur moyen d’assurer une paix durable était d’encourager la coopération et la reconstruction, plutôt que de punir les vaincus. L’Organisation européenne de coopération économique (OECE) a été instituée en 1948 pour administrer le plan Marshall financé par les Etats-Unis afin de reconstruire un continent dévasté par la guerre. Encouragés par le succès de l’OECE et dans la perspective d’une extension de ses travaux à l’échelle mondiale, le Canada et les Etats-Unis s’y sont joints en 1960, donnant ainsi naissance à l’OCDE 
			(8) 
			<a href='http://www.oecd.org/fr/apropos/histoire/'>www.oecd.org/fr/apropos/histoire/</a>..

4.1. Viabilité écologique

30. Le but premier de l’OCDE, énoncé à l’article premier de sa Convention, étant de promouvoir des politiques visant à réaliser la plus forte expansion possible de l’économie, le premier facteur à prendre en compte est la viabilité écologique. En définitive, les écosystèmes forment le substrat des sociétés, elles-mêmes à l’origine des systèmes économiques. Il n’y a donc pas de développement économique durable sans société durable, et pas de société durable sans écosystème viable.
31. Avec le développement économique rapide qu’elle a connu récemment, l’humanité n’est plus seulement le produit de son environnement naturel; elle est devenue la force dominante qui façonne les systèmes écologiques et biophysiques. Si nous menaçons l’écologie de notre planète, ce n’est pas seulement notre santé, notre prospérité et notre bien-être que nous mettons en danger, mais bien notre survie.
32. Le rapport How was life? Global well-being since 1820 établit clairement une corrélation négative entre la progression du PIB et la qualité de l’environnement: la biodiversité a décliné dans l’ensemble des régions et à l’échelle mondiale, l’occupation des sols s’est profondément modifiée et les émissions de CO2 par habitant ont augmenté suite à l’industrialisation 
			(9) 
			<a href='http://www.oecd.org/statistics/How-was-life.pdf'>www.oecd.org/statistics/How-was-life.pdf</a>..
33. Dans son rapport Planète Vivante, le World Wildlife Fund (WWF) présente d’importants indicateurs de l’état de notre planète et de notre impact sur cette dernière, comme l’Indice Planète Vivante (IPV) et l’Empreinte écologique 
			(10) 
			<a href='http://www.wwf.fr/vous_informer/rapport_planete_vivante_2014/'>www.wwf.fr/vous_informer/rapport_planete_vivante_2014/</a>..
34. L’Indice Planète Vivante montre que nous avons perdu 52 % des plus de 10 000 populations représentatives des espèces de mammifères, d’oiseaux, de reptiles, d’amphibiens et de poissons entre 1970 et 2010. La perte et la dégradation de l’habitat, d’une part, l’exploitation subie à travers la chasse et la pêche, de l’autre, sont les premières causes de déclin. Le changement climatique, troisième menace la plus grave répertoriée dans l’IPV, devrait, quant à lui, avoir un impact croissant sur les populations à l’avenir.
35. L’empreinte écologique fait la somme des espaces écologiques dont nous avons besoin en tant que surface biologiquement productive (ou biocapacité) occupée par les terres agricoles, les pâturages, les espaces bâtis, les zones de pêche et les forêts productives, sans oublier les surfaces forestières nécessaires pour absorber les émissions de dioxyde de carbone ne pouvant l’être par les océans. Certes, les progrès technologiques, les intrants agricoles et l’irrigation ont contribué à accroître les rendements moyens par hectare de surface productive, notamment ceux des cultures, portant ainsi la biocapacité totale de la planète de 9,9 à 12 milliards d’hectares globaux (hag) entre 1961 et 2010. Mais la population humaine mondiale étant passée de 3,1 à près de 7 milliards d’habitants durant la même période, la biocapacité disponible par tête a été ramenée de 3,2 à 1,7 hag, pendant que l’empreinte écologique progressait légèrement (de 2,5 à 2,7 hag par tête). Aujourd’hui, nous aurions ainsi besoin de la capacité régénératrice de 1,5 Terre pour fournir les services écologiques que nous utilisons.
36. Ce «dépassement» est possible car nous coupons les arbres à un rythme supérieur à celui de leur croissance, nous prélevons plus de poissons dans nos océans qu’il n’en naît, et nous rejetons davantage de carbone dans l’atmosphère que les forêts et les océans n’en absorbent. Conséquence, les stocks de ressources s’appauvrissent, et les déchets s’accumulent plus vite qu’ils ne peuvent être absorbés ou recyclés, comme en témoigne l’élévation de la concentration de carbone dans l’atmosphère. Le carbone issu de la consommation des combustibles fossiles forme la composante dominante de l’empreinte écologique de l’humanité depuis plus d’un demi-siècle, et cette tendance ne fait que se confirmer: en 1961, le carbone représentait 36 % de notre empreinte totale, contre 53 % en 2010. Dans une récente conférence le 3 juillet 2015, intitulée Climat : ce qui a changé, ce qui n’a pas changé et ce que nous pouvons faire - A six mois de la COP 21, le Secrétaire général de l’OCDE a encouragé les pays à procéder à une évaluation plus rigoureuse des véritables coûts du charbon et à ne plus rester prisonnier de systèmes polluants basés sur les combustibles fossiles 
			(11) 
			<a href='http://www.oecd.org/fr/apropos/secretairegeneral/climat-ce-qui-a-change-ce-qui-n-a-pas-change-et-ce-que-nous-pouvons-faire.htm'>www.oecd.org/fr/apropos/secretairegeneral/climat-ce-qui-a-change-ce-qui-n-a-pas-change-et-ce-que-nous-pouvons-faire.htm.</a>.
37. La pollution atmosphérique est aujourd’hui la première cause de décès prématuré dû à l’environnement, détrônant les problèmes d’assainissement et la pénurie d’eau potable. La pollution de l’air extérieur – due, entre autres sources, au trafic automobile, aux industries et aux centrales électriques – tue aujourd’hui près de 3,4 millions de personnes chaque année dans le monde, d’après les données de 2010 
			(12) 
			<a href='http://www.oecd.org/forum/issues/oecd-forum-2015-the-planet-in-figures.htm'>www.oecd.org/forum/issues/oecd-forum-2015-the-planet-in-figures.htm</a>.. Le coût pour les pays de l’OCDE, la République populaire de Chine et l’Inde en vies perdues et en problèmes de santé est estimé à $US 3 500 milliards par an et la tendance est à la hausse 
			(13) 
			OCDE
(2014), The Cost of Air Pollution: Health
Impacts of Road Transport, Editions OCDE, Paris..
38. Une plus grande utilisation des sources d’énergie à faibles émissions de carbone contribuerait à réduire la pollution atmosphérique et les émissions de gaz à effet de serre. Si l’utilisation d’énergies renouvelables augmente, elles ne représentaient cependant encore que 8,5 % environ de la production d’énergie dans les pays de l’OCDE en 2012. L’OCDE, l’Agence internationale de l’énergie, l’Agence pour l’énergie nucléaire et le Forum international des transports ont publié le rapport Aligner les politiques pour une économie bas carbone, qui constitue le premier diagnostic à l’échelle de l’économie mondiale des obstacles que les problèmes d’alignement des politiques peuvent dresser sur la voie de la transition vers une économie à bas carbone 
			(14) 
			<a href='http://www.oecd.org/fr/apropos/secretairegeneral/climat-ce-qui-a-change-ce-qui-n-a-pas-change-et-ce-que-nous-pouvons-faire.htm'>www.oecd.org/fr/apropos/secretairegeneral/climat-ce-qui-a-change-ce-qui-n-a-pas-change-et-ce-que-nous-pouvons-faire.htm</a>..
39. La consommation d’eau varie très largement entre les différents pays de l’OCDE, mais elle a augmenté pratiquement partout depuis les années 1970. A l’échelle mondiale, on estime que la demande d’eau a augmenté deux fois plus vite que la population du globe au cours du dernier siècle. Et elle continue d’augmenter. Elle devrait croître d’environ 55% d’ici 2050, la production manufacturière, l’industrie, la production d’électricité et les usages domestiques constituant une part importante de cette demande supplémentaire. Une gestion efficace de l’eau est nécessaire pour assurer une croissance économique inclusive et la durabilité environnementale 
			(15) 
			La Recommandation du
Conseil de l’OCDE sur l’eau, qui doit être adoptée en 2016, consolidera,
actualisera et intégrera l’acquis de l’OCDE dans ce domaine, en
y intégrant les dernières orientations pratiques et recommandations, notamment
sur la gouvernance de l’eau..
40. Comme l’a dit Erik Solheim, le président du Comité d’aide au développement de l’OCDE, «plantes et animaux disparaissent aujourd’hui à un rythme inégalé depuis l’époque des dinosaures. L’eau, les sols et nombre de ressources naturelles, notamment halieutiques, sont surexploités. Nos émissions de carbone peuvent provoquer des changements climatiques catastrophiques». 
			(16) 
			<a href='http://www.oecd.org/fr/cad/gain-pour-la-planete-gain-humanite.htm'>www.oecd.org/fr/cad/gain-pour-la-planete-gain-humanite.htm</a>.
41. Si l’humanité et ses activités économiques (production, transports et consommation) ont un impact incontestable sur notre écosystème, celui-ci agit en retour sur la santé et l’économie des sociétés humaines (par la pollution et l’épuisement des ressources).
42. La priorité absolue à long terme est de ramener nos activités économiques dans une trajectoire écologiquement viable. La croissance démographique et l’évolution quantitative et qualitative de notre production économique seront des facteurs importants de notre empreinte écologique future. La population mondiale devrait arriver à son point culminant entre 2050 et 2070, avec environ 9 milliards d’êtres humains. Notre capacité à revenir à des niveaux viables d’exploitation des ressources et de pollution dépendra de la manière dont nous gérons nos activités économiques et des paramètres que nous utilisons pour cela. Sur ce dernier point, l’OCDE peut et doit jouer un rôle crucial.

4.2. Chômage/emploi, niveau de vie, (in)égalités

43. «L’économie mondiale progressa beaucoup plus vite entre 1950 et 1973 qu’elle ne l’avait fait auparavant; ce fut une période de prospérité inégalée, un âge d’or. Le PIB mondial par habitant a augmenté d’environ 3 % par an (soit un doublement tous les 25 ans). Le PIB mondial a progressé de près de 5 % par an et les échanges mondiaux de près de 8 %. (…)
44. Les résultats exceptionnellement bons de cet âge d’or peuvent s’expliquer de plusieurs façons. Tout d’abord, les pays capitalistes avancés ont créé une sorte de nouvel ordre économique libéral international, doté de codes de conduite explicites et rationnels et d’institutions de coopération (l’OECE, l’OCDE, le FMI, la Banque mondiale et l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) qui n’existaient pas auparavant. (…) Jusque dans les années 1970, [les Etats-Unis] servirent aussi de point d’ancrage à la stabilité monétaire internationale. (…).
45. Le deuxième élément nouveau de cette puissance tient au caractère des politiques intérieures, délibérément consacrées à la promotion de niveaux élevés de demande et d’emploi dans les pays avancés. La croissance était non seulement plus rapide que jamais, mais le cycle conjoncturel disparut quasiment totalement. Les investissements atteignirent des niveaux sans précédent, s’accompagnant d’espoirs euphoriques. Jusque dans les années 1970, la pression inflationniste était également plus faible que prévu dans ces conditions de boom séculaire.
46. Le troisième élément de ce cercle vertueux réside dans le potentiel de croissance du côté de l’offre. L’Europe et l’Asie pouvaient encore largement mobiliser des éléments «normaux» de «reprise» par rapport aux années de dépression et de guerre. De plus, et cela a davantage d’importance, le progrès technique aux Etats-Unis ne cessait de s’accélérer. (…)
47. Depuis cette période faste, la face du monde a bien changé. La croissance par habitant a été plus de deux fois moins rapide.» 
			(17) 
			<a href='http://www.theworldeconomy.org/index-fr.htm'>www.theworldeconomy.org/index-fr.htm.</a>
48. La croissance réelle du PIB mondial s’est ralentie à 3,8% en moyenne dans les années 1970 et 3,1% dans les années 1980 et 1990. Depuis le milieu des années 1990, la productivité du travail affiche un recul typique dans les pays du Groupe des 7 (G7). Après la crise financière de 2008, elle a chuté de manière sensible dans pratiquement tous les pays de l’OCDE 
			(18) 
			OCDE (2015), OECD Compendium of Productivity Indicators 2015, Editions
OCDE, Paris: 
			(18) 
			<a href='http://www.oecd.org/std/productivity-stats/oecd-compendium-of-productivity-indicators-22252126.htm'>www.oecd.org/std/productivity-stats/oecd-compendium-of-productivity-indicators-22252126.htm</a>.. Une récente analyse de l’OCDE montre que ce ralentissement reflète essentiellement une panne de la mécanique de diffusion de l’innovation: l’augmentation de la productivité des entreprises les plus productives à l’échelle mondiale reste forte au XXIe siècle, mais l’écart entre ces entreprises et les autres s’accroît avec le temps, ce qui amène à s’interroger sur les raisons pour lesquelles des connaissances et des technologies apparemment accessibles ne se diffusent pas à toutes les entreprises 
			(19) 
			<a href='http://www.oecd.org/economy/growth/the-future-of-productivity.htm'>www.oecd.org/economy/growth/the-future-of-productivity.htm</a>.
49. Le ralentissement de la croissance économique a entraîné une hausse du chômage. Dans l’ensemble du monde, plus de 200 millions de personnes sont formellement au chômage, selon l’OIT, les destructions d’emplois se montant à plus de 60 millions depuis le début de la crise 
			(20) 
			<a href='http://www.ilo.org/global/about-the-ilo/newsroom/news/WCMS_337099/lang--fr/index.htm'>www.ilo.org/global/about-the-ilo/newsroom/news/WCMS_337099/lang--fr/index.htm</a>.. Malgré de récentes améliorations sur les marchés du travail des pays de l’OCDE, la hausse des taux de chômage qui a suivi la crise économique mondiale n’a été résorbée à peu près qu’à moitié plus de sept ans après 
			(21) 
			OCDE (2015), Perspectives de l’emploi de l’OCDE 2015,
Editions OCDE, Paris. et beaucoup de personnes sans emploi formel ne sont pas comptées dans ces statistiques. Des études récentes indiquent qu’en Amérique latine, en Afrique, au Proche-Orient, en Asie du Sud et du Sud-Est, l’emploi dans l’économie informelle, hors agriculture, est de l’ordre de 30% à 80% 
			(22) 
			<a href='http://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/@ed_norm/@relconf/documents/meetingdocument/wcms_218501.pdf'>www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/@ed_norm/@relconf/documents/meetingdocument/wcms_218501.pdf</a>..
50. Des années 1960 aux années 1980, l’économie informelle a augmenté dans de nombreuses parties du monde, parallèlement à l’économie formelle. Ces dix dernières années, tout particulièrement, le secteur informel s’est étendu beaucoup plus rapidement. En Afrique, on estime que 80% des nouveaux emplois relèvent de l’économie informelle. Le lien est souvent établi entre l’expansion du secteur informel et la mondialisation, la libéralisation économique et la concurrence par la réduction des coûts du travail et l’externalisation. Les nouvelles recherches conduites par l’OCDE sur la qualité des emplois dans les économies émergentes montrent que l’emploi informel est largement inférieur à l’emploi formel en termes de rémunération, de sécurité et de conditions de travail 
			(23) 
			OCDE
(2015), Perspectives de l’emploi de l’OCDE
2015, Editions OCDE, Paris..
51. Ces dernières décennies, la hausse du niveau d’emploi dans les économies avancées n’a pas entraîné de réductions automatiques des inégalités de revenus, car cet effet a été limité par la disparition progressive des contrats permanents et de longue durée au profit de formes de travail atypiques. Plus de la moitié des emplois créés depuis 1995 dans les pays de l’OCDE relèvent de cette catégorie et offrent la plupart du temps des niveaux de sécurité et de rémunération inférieurs. La plupart des personnes occupant ces emplois atypiques n’ont pas pu en faire un tremplin vers un emploi plus stable 
			(24) 
			OCDE (2015), In It Together: Why Less Inequality Benefits
All, Editions OCDE, Paris: <a href='http://dx.doi.org/10.1787/9789264235120-en'>http://dx.doi.org/10.1787/9789264235120-en</a>.. En conséquence, le fait d’exercer un emploi temporaire ou à temps partiel accroît le risque d’avoir un faible niveau de rémunération sur le long terme 
			(25) 
			OCDE (2015), Perspectives de l’emploi de l’OCDE 2015,
Editions OCDE, Paris..
52. De 1980 à 2011, la part des revenus du travail au niveau mondial a diminué de 62% à 54% du PIB mondial 
			(26) 
			CNUCED, Rapport sur le commerce et le développement,
2013.. La part moyenne du travail dans le revenu national dans 26 des 30 pays de l’OCDE a chuté de 66,1% en 1990 à 61,7% en 2009 
			(27) 
			OCDE
(2012), Perspectives de l’emploi de l’OCDE
2012, Editions OCDE, Paris.. Dans les années 1970, cette part était encore de 75% ou plus dans la plupart des économies développées (80% au Japon) 
			(28) 
			OIT (2013), Rapport mondial sur les salaires 2012/2013..
53. Dans nombre de pays de l’OCDE, du milieu des années 1990 au début de la crise, le revenu disponible des ménages n’a pas connu la même progression que le PIB par habitant, tandis que l’inégalité des revenus s’accentuait 
			(29) 
			OCDE
(2014), All on Board; Making inclusive
growth happen, Editions OCDE, Paris.. Dans certains de ces pays, plus de la moitié de la croissance du PIB depuis 1975 a profité aux 10% de la population aux revenus les plus élevés. Aux Etats-Unis, c’est plus de 80 % qui sont allés à ce groupe et pratiquement 50 % aux 1 % disposant des plus hauts revenus 
			(30) 
			World
Top Income Database.. Cette part est plus faible dans les autres pays de l’OCDE, mais elle est en augmentation dans la majorité d’entre eux.
54. Pendant l’âge d’or évoqué plus haut, les inégalités ont diminué dans la plupart des pays de par le monde. En revanche, depuis la fin des années 1970 cette tendance a été inversée. Le coefficient de Gini, qui mesure les inégalités des revenus internes à chaque pays, est tombé à 0,36 en 1980 pour remonter à 0,45 en 2000, niveau identique à celui de 1820 
			(31) 
			<a href='http://www.oecd.org/statistics/How-was-life.pdf'>www.oecd.org/statistics/How-was-life.pdf</a>..
55. Les inégalités de revenus sont à leur plus haut niveau dans les pays de l’OCDE depuis un demi-siècle. La pauvreté relative a également augmenté, y compris dans les pays de l’OCDE. En 2000, le revenu moyen des 10% de la population la plus riche dans l’OCDE était environ neuf fois plus élevé que celui des 10% les plus pauvres, contre sept fois il y a vingt-cinq ans. Depuis la crise, ce ratio a augmenté encore plus rapidement et est pratiquement de 10 aujourd’hui 
			(32) 
			<a href='http://www.oecd.org/social/inequality.htm'>www.oecd.org/social/inequality.htm</a>..
56. Avec la crise, dans les économies les plus avancées, les inégalités des revenus marchands se sont creusées autant entre 2007 et 2011 qu’au cours des douze années précédentes, l’impact provoqué par cette situation a cependant été atténué par les stabilisateurs automatiques. Les mesures d’austérité appliquées à partir de 2011 ont cependant commencé à entraîner les revenus disponibles à la baisse. Selon les constatations du FMI, les salaires réels ont été frappés beaucoup plus durement que les bénéfices et les loyers corrigés de l’inflation. Nombre d’instruments de consolidation ont pour effet d’aggraver les inégalités de revenus.
57. Dans ses dernières Perspectives pour l’emploi et le social dans le monde, l’OIT indique que les inégalités de revenu dans le monde vont continuer de s’amplifier, les 10% les plus riches percevant 30% à 40% du revenu total tandis que les 10% les plus pauvres se partageront entre 2% et 7% du revenu national brut (RNB) 
			(33) 
			<a href='http://www.ilo.org/global/about-the-ilo/newsroom/news/WCMS_337099/lang--fr/index.htm'>www.ilo.org/global/about-the-ilo/newsroom/news/WCMS_337099/lang--fr/index.htm</a>..
58. Depuis le début de la crise, la pauvreté a augmenté dans les pays de l’OCDE. Un nombre croissant de travailleurs vivent en dessous du seuil de pauvreté, les personnes qui travaillent à temps partiel, en contrat temporaire ou à leur compte étant celles qui ont le plus de risques de tomber dans la pauvreté 
			(34) 
			<a href='http://www.oecd.org/forum/issues/oecd-forum-2015-income-inequality-in-figures.htm'>www.oecd.org/forum/issues/oecd-forum-2015-income-inequality-in-figures.htm</a>..
59. La répartition du patrimoine est plus inégale que celle des revenus. Dans 18 pays de l’OCDE disposant de données comparables, les 40% de la population qui possèdent le moins détiennent seulement 3% du patrimoine total des ménages, tandis que les 10% possédant le plus gros patrimoine détiennent la moitié des richesses. Ces données, qui n’existent que dans un nombre limité de pays, montrent que le patrimoine privé tend à être de plus en plus inégalement réparti ces dernières décennies. Il semble que la tendance au creusement des inégalités de richesse se soit accentuée avec la crise 
			(35) 
			<a href='http://www.oecd.org/social/in-it-together-why-less-inequality-benefits-all-9789264235120-en.htm'>www.oecd.org/social/in-it-together-why-less-inequality-benefits-all-9789264235120-en.htm</a>..
60. L’amplification des inégalités semble être une tendance de fond appelée à s’accentuer avec le temps. Comme elle ne touche pas seulement les revenus et le patrimoine, mais a aussi des conséquences sur la santé, l’éducation, les chances dans la vie et le bien-être en général, elle est un problème pour la société. Les inégalités ne sont plus un «simple» problème de morale: il est établi que les inégalités accrues sont aussi un obstacle à la croissance économique.
61. Une croissance inclusive qui produise des emplois de qualité suffisante est devenue un enjeu pour l’OCDE. Elle doit traiter les causes de la faiblesse de la productivité, de la précarisation croissante de l’emploi et de la multiplication des emplois atypiques, de la stagnation des niveaux de salaires, de la diminution de la part du travail et de la hausse des inégalités et tenter de concevoir des stratégies pour contrer ces tendances et leurs effets sur la répartition de du bien-être.
62. Il n’est pas impensable qu’une prochaine révolution de la production vienne rendre encore plus difficile la création d’emplois (en quantité suffisante) et amène les politiques économiques à se focaliser moins sur le seul accroissement de la production pour s’intéresser davantage à la répartition du travail, des revenus et du bien-être en général.

4.3. Mondialisation, échanges commerciaux, investissements et développement

63. Ces dernières décennies, l’activité économique a connu un processus de globalisation rapide qui a profondément modifié les perspectives de l’économie mondiale et reconfiguré les schémas de répartition des ressources entre les pays, générant différents effets en termes de prospérité, une concurrence accrue, une baisse des prix et une augmentation de la variété de biens.
64. La crise économique et financière récente a souligné à la fois la puissance de la mondialisation et la vulnérabilité du système économique globalisé. La titrisation, dont le but était de répartir les risques entre un plus grand nombre d’acteurs, a resserré encore plus les liens entre les institutions financières, alors qu’elles avaient déjà multiplié leurs relations dans tous les pays sous l’effet de la mondialisation du secteur financier. Le résultat en a été la propagation rapide de la crise financière à la planète entière, qui a aussi atteint l’économie réelle, sapant la confiance des entreprises et des consommateurs. La baisse de la demande a entraîné une contraction du commerce mondial et des investissements extérieurs. Cet effondrement synchronisé des échanges et des investissements a été sans précédent 
			(36) 
			OCCD (2010), Measuring Globalisation: OECD Economic Globalisation
Indicators 2010, Editions OCDE, Paris..
65. L’investissement joue un rôle multiple dans la croissance d’une économie solide, inclusive, durable et résiliente. A ce titre, il reste une priorité. Avec son Cadre d’action pour l’investissement (CAI), l’OCDE cherche à mobiliser l’investissement privé pour soutenir une croissance économique durable, qui est l’un des facteurs du bien-être social. Ce cadre a jusqu’à présent été appliqué dans une trentaine de pays émergents et en développement, ainsi que dans des ensembles économiques régionaux, pour répondre aux problèmes du changement climatique, des infrastructures, du financement des petites et moyennes entreprises, de la concurrence, de la gouvernance des marchés financiers et pour aider la modernisation des entreprises dans les chaînes de valeur mondiales. L’OCDE contribue aussi au débat sur les traités régissant l’investissement et les investissements directs étrangers (IDE) dans le cadre de sa Table ronde sur la liberté d’investissement. Elle encourage un dialogue plus ouvert sur les moyens d’améliorer les conditions d’investissement dans le monde, tout en veillant à ce que l’investissement contribue au développement durable.
66. Il est largement admis que les chaînes de valeur mondiales ont contribué à la croissance mondiale, à l’emploi et à la productivité, y compris dans les pays en développement 
			(37) 
			2015, «Participation
of Developing Countries in Global Value Chains: Implications for
Trade and Trade-Related Policies», OECD Trade Policy Papers, no 179,
Editions OCDE, Paris.. On estime cependant que ces chaînes de valeur mondiales ont joué un rôle important dans la propagation de la crise. Elles peuvent avoir un effet domino car la baisse des exportations de produits finis entraîne une diminution immédiate des importations de biens intermédiaires. Le commerce international et les investissements directs étrangers restent deux vecteurs essentiels d’intégration économique. Ce n’est pas nouveau, mais leur ampleur et leur complexité se sont singulièrement accrues. Les investissements internationaux, directs et de portefeuille, ont augmenté plus que le commerce international, mais ils sont aussi plus volatils. Les fusions et acquisitions internationales ont particulièrement contribué à la forte hausse des flux d’investissements internationaux 
			(38) 
			Ibid..
67. Selon l’OIT, le nombre de personnes travaillant dans des chaînes d’approvisionnement mondiales était estimé à environ 300 millions en 1995 et à pratiquement 500 millions en 2007. Il est redescendu à 453 millions en 2013 
			(39) 
			<a href='http://www.ilo.org/global/about-the-ilo/newsroom/news/WCMS_370213/lang--fr/index.htm'>www.ilo.org/global/about-the-ilo/newsroom/news/WCMS_370213/lang--fr/index.htm</a>..
68. Les entreprises multinationales sont les principaux moteurs de la mondialisation car elles concentrent les transferts internationaux de capitaux, de main-d’œuvre qualifiée, de technologies, de biens intermédiaires et de biens de consommation finale. Le commerce intra-entreprise représente une part croissante des échanges internationaux 
			(40) 
			Ibid..
69. Si la part du travail diminue, celle des revenus du capital augmente. Le stock des avoirs représentés par les investissements de portefeuille transfrontaliers a enregistré une croissance annuelle de plus de 20% en moyenne au cours des dix années qui ont précédé la crise. Dans le même temps, le produit des investissements a plus que triplé 
			(41) 
			OCDE
(2010), Measuring Globalisation: OECD
Economic Globalisation Indicators 2010, Editions OCDE,
Paris..
70. Le total des actifs des multinationales (filiales étrangères) est passé de $US 3 893 milliards en 1990 (18% du PIB mondial) à $US 96 625 milliards en 2013 (130 % du PIB mondial). Plus de la moitié des investissements directs étrangers au cours de cette période était due à des fusions-acquisitions 
			(42) 
			CNUCED, World Investment Report 2014..
71. Les investissements de création ont affiché un relatif déclin. De débiteurs nets (recourant à l’emprunt pour saisir les opportunités d’investissement) jusque dans les années 1980, les multinationales non financières sont devenues des créanciers nets, accumulant une épargne qui représente environ 3% du PIB dans les économies les plus avancées 
			(43) 
			FMI, Perspectives de l’économie mondiale, 2006.. Dès avant la crise, la stagnation de la demande mondiale agrégée a conduit à une diminution des investissements dans l’économie réelle et à un bond supplémentaire des actifs financiers.
72. L’OCDE a constaté que, depuis les années 70, le secteur financier a connu une expansion massive, octroyant un volume de crédit égal aujourd’hui à trois fois le PIB, et la capitalisation boursière a également triplé par rapport au PIB au cours des quarante dernières années 
			(44) 
			Cournède,
B., O. Denk et P. Hoeller (2015), «Finance and Inclusive Growth»,
OECD Economic Policy Papers, No. 14, Editions OCDE, Paris..
73. Une étude de 2012 indique que le «total des actifs financiers» représentait, selon les estimations, $US 600 000 milliards en 2010, avec des prévisions de croissance de $US 300 000 milliards supplémentaires d’ici à 2020, alors que le «PIB total» n’augmenterait que de $US 27 000 milliards dans le même temps. En 2020, selon cette même étude, l’ensemble des capitaux ainsi accumulés excédera la base des actifs de l’économie réelle d’un facteur trois et le PIB mondial d’un facteur dix 
			(45) 
			<a href='http://www.bain.com/about/press/press-releases/world-awash-in-one-quadrillion-of-capital-glut-by-end-of-decade.aspx'>www.bain.com/about/press/press-releases/world-awash-in-one-quadrillion-of-capital-glut-by-end-of-decade.aspx</a>..
74. Des études récentes ont montré que, lorsque le secteur financier est bien développé, comme cela a été le cas dans les économies de l’OCDE pendant très longtemps, de nouvelles augmentations de la taille du secteur financier ralentissent la croissance économique à long terme. Une augmentation excessive du crédit rend les économies plus vulnérables aux crises. Une augmentation du crédit aux ménages est plus négativement associée à la croissance qu’une augmentation du crédit aux entreprises 
			(46) 
			Cournède,
B., O. Denk et P. Hoeller (2015), «Finance and Inclusive Growth», op. cit.. «Les données indiquent également que les inégalités économiques se creusent quand la finance prospère.» 
			(47) 
			Ibid.
75. Une autre étude, de 2014, montre que le monde ne croule pas seulement sous l’argent, mais aussi sous la dette. Le désendettement relatif des établissements financiers et des ménages qui a suivi la crise a été contrebalancé par l’augmentation de la dette publique dans les économies développées et de l’accumulation de la dette privée sur les marchés émergents. La dette mondiale totale (hors institutions financières) a atteint de nouveaux sommets, à 215% du PIB mondial en 2013, contre 180% en 2008, et croît encore plus vite qu’avant la crise financière 
			(48) 
			Deleveraging?
What deleveraging? Geneva reports on the World Economy,
no 16 (ICMB et CEPR): <a href='http://www.cepr.org/sites/default/files/news/Geneva16_0.pdf'>www.cepr.org/sites/default/files/news/Geneva16_0.pdf</a>..
76. Ces dernières décennies ont été le témoin d’une globalisation rapide et d’une financiarisation de l’activité économique qui a profondément modifié les perspectives de l’économie mondiale. Pourtant, la croissance économique mondiale a plutôt enregistré un ralentissement qu’une amélioration et la part du travail dans le revenu mondial a diminué. Aujourd’hui, la hausse de la productivité se ralentit aussi. Les entreprises multinationales ont acquis un pouvoir et une richesse considérables, mais leurs investissements (de création) n’ont pas évolué au même rythme et ont décru en poids relatif. «Les entreprises encouragent les opérations de rachats d’actions et la cession d’actifs transfrontières.» 
			(49) 
			Secrétaire
général de l’OCDE Gurriá (24 juin 2015) lors de la publication du
rapport Perspectives 2015 de l’OCDE sur
l’entreprise et la finance.
77. Si la part du travail a décliné, la consommation à crédit a augmenté. Depuis les années 1980, de nombreuses crises ont été (en partie) résolues par un assouplissement monétaire, ouvrant ainsi la voie au crédit à bon marché. La dette privée (et le risque correspondant) s’est déplacée des entreprises aux ménages, ralentissant la croissance et creusant les inégalités. Les entreprises n’investissent que tant qu’elles trouvent des consommateurs solvables pour leurs produits et services. C’est l’une des autres raisons qui doit amener l’OCDE à s’intéresser en priorité à la répartition des produits de l’économie et aux effets distributifs des politiques économiques.
78. La conjoncture que nous connaissons actuellement, qui se caractérise par la faiblesse de la croissance et des taux d’intérêt, pose aussi des problèmes aux fonds de pension et aux compagnies d’assurance-vie pour tenir les promesses financières faites à leur clientèle de retraités 
			(50) 
			OCDE
(2015), Perspectives 2015 de l’OCDE sur
l’entreprise et la finance, Editions OCDE, Paris: 
			(50) 
			<a href='http://dx.doi.org/10.1787/9789264234291-en'>http://dx.doi.org/10.1787/9789264234291-en</a>.. Dépendant du rendement de leurs investissements pour honorer leurs obligations, ces intermédiaires financiers peuvent être poussés à suivre des stratégies d’investissement plus risquées, qui pourraient finir par ruiner leur solvabilité. Cette situation ne constitue pas seulement un risque pour le secteur financier: elle met aussi en danger les retraites de nos citoyens et accroît les inégalités.
79. Réduire le risque de corruption dans les échanges commerciaux et les investissements favorise les bonnes pratiques commerciales et les investissements à l’étranger et ouvre de nouveau marchés d’exportation. Les exportateurs et les investisseurs ont tout à gagner d’une situation dans lesquelles les affaires se déroulent d’une manière saine, transparente et prévisible et où l’obtention de contrats tient à la qualité des produits et services plutôt qu’à l’importance des pots-de-vin. Les gouvernements soucieux de prévenir la corruption de leurs fonctionnaires par des entreprises étrangères et désireux de garantir la stabilité des contrats commerciaux sont très ouverts aux investissements d’entreprises de pays qui respectent les normes internationales interdisant la corruption d’agents étrangers.
80. La Convention anti-corruption est le seul instrument mondial qui traite de la corruption transnationale. Elle est ouverte aussi bien aux pays membres de l’OCDE qu’aux autres. La force de cette convention réside dans deux éléments: 1) la priorité donnée à l’éradication de la corruption de fonctionnaires étrangers dans le cadre de transactions commerciales internationales; et 2) le processus rigoureux d’examen par les pairs pour vérifier l’application de la convention par les Etats Parties (conduit par le Groupe de travail de l’OCDE sur la corruption dans le cadre des transactions commerciales internationales). Cette convention est entrée en vigueur en 1999 et compte aujourd’hui 41 Etats Parties (tous les Etats membres de l’OCDE ainsi que l’Argentine, le Brésil, la Bulgarie, la Colombie, la Lettonie, la Russie et l’Afrique du Sud), dont beaucoup sont aussi membres du Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO) du Conseil de l’Europe. Le travail de lutte contre la fraude de l’OCDE et celui réalisé par le GRECO sont hautement complémentaires.
81. Le Groupe de travail sur la corruption s’engage prioritairement auprès de partenaires clés non membres (Chine, Inde et Indonésie), notamment dans le contexte du G20, pour susciter chez eux la volonté d’adhérer à la Convention anti-corruption. Dans le cadre du Plan d’action anti-corruption 2015-2016 du G20, les dirigeants se sont engagés à donner l’exemple dans la lutte contre la corruption, notamment en participant activement au Groupe de travail de l’OCDE sur la corruption et en examinant la possibilité d’adhérer à la Convention anti-corruption de l’OCDE.

5. Réponse de l’OCDE aux crises et aux tendances de fond

82. En 2015, la réunion du Conseil ministériel (RCM 2015) a porté surtout sur les solutions pour débloquer les investissements dans l’économie réelle afin de promouvoir une croissance plus vigoureuse, plus inclusive et plus écologique, d’accroître la productivité et de créer des emplois en plus grand nombre et de meilleure qualité.
83. Ces questions sont des priorités pour l’OCDE, qui œuvre toujours à sortir de la crise et à se remettre de ses effets persistants. Mais les discussions ont aussi porté sur les tendances de fond. Parmi ces tendances de fond bien identifiées figurent le déplacement de l’influence économique de l’Occident vers l’Orient et le vieillissement des populations. A mesure que l’écart de productivité entre l’Occident et l’Orient se comble, il est fort probable que le rythme de la croissance économique converge vers les taux inférieurs de l’Occident. Le ralentissement de la croissance démographique entraînera aussi une baisse du potentiel de production économique. Les autres tendances de fond sont la «pression environnementale» croissante et l’aggravation des inégalités, qui ont toutes deux des incidences négatives sur les perspectives de croissance. Une autre tendance de fond pourrait apparaître à la suite de la prochaine révolution de la production, causée par la numérisation de l’économie (mégadonnées ou big data, robotisation, intelligence artificielle). La question est de savoir si cette révolution de la production permettra à la productivité de repartir à la hausse et si cela sera suffisant pour contrebalancer les conséquences économiques négatives des autres tendances de fond 
			(51) 
			Les travaux récents
de l’OCDE sur « l’avenir de la productivité » jettent un nouvel
éclairage sur ce phénomène: <a href='http://www.oecd.org/economy/the-future-of-productivity.htm'>www.oecd.org/economy/the-future-of-productivity.htm</a>. La réponse à cette question pourrait bien dépendre de notre capacité à gérer ces tendances, ce qui suppose de disposer du bon cadre analytique et des bons indicateurs.
84. Lors de la RCM 2015, l’OCDE a été encouragée à poursuivre ses efforts pour améliorer ses cadres et méthodes analytiques, notamment ses outils d’analyse sur le long terme. La RCM a salué en particulier le Rapport de synthèse final NAEC 
			(52) 
			Rapport de synthèse
final NAEC pour la RCM 2015: <a href='http://www.oecd.org/fr/rcm/documents/Rapport-de-synthese-final-NAEC-CMIN2015-2.pdf'>www.oecd.org/fr/rcm/documents/Rapport-de-synthese-final-NAEC-CMIN2015-2.pdf</a>. et reconnu l’importance des indicateurs allant au-delà du PIB et des travaux de l’OCDE portant sur les indicateurs Comment va la vie? et Croissance verte. La RCM a appelé l’OCDE à poursuivre la généralisation de ses analyses multidimensionnelles dans ses publications phares, notamment ses travaux sur la croissance inclusive et l’égalité hommes–femmes, reconnaissant la nécessité de s’intéresser aux inégalités et à la valeur du dialogue social pour parvenir à une croissance plus inclusive et à des emplois de qualité.

5.1. Initiative NAEC et orientations stratégiques

85. La violence et l’ampleur de la récente crise, et ses séquelles persistantes, appellent à une profonde réflexion pour moderniser et enrichir la manière dont sont élaborées les politiques publiques actuelles et pour définir un nouveau programme d’action à l’appui d’une croissance plus forte, plus résiliente, plus inclusive et plus durable. L’initiative NAEC est un processus de réflexion global, à l’échelle de l’OCDE entière, qui débouche sur une révision accélérée des cadres analytiques de l’organisation, ainsi que sur un renouvellement et un renforcement de ses instruments et outils politiques.
86. Avant la crise, l’analyse des politiques a souvent accordé la priorité à l’efficience des marchés. Cette approche reléguait au second plan des aspects du bien-être tels que la qualité de vie, la durabilité environnementale et l’égalité des chances. Du coup, la croissance économique a souvent été envisagée, de manière trop restrictive, comme une fin en soi plutôt que comme un moyen d’améliorer le bien-être de la société.
87. L’initiative NAEC propose et soutient une évolution des objectifs et des perspectives:
  • elle appelle à mettre l’accent sur le bien-être et sa distribution afin de veiller à ce que la croissance soit une source de progrès pour tous. Les choix opérés en matière d’action publique devraient être réalisés à la lumière de l’évaluation de leur impact sur les différentes dimensions du bien-être et de leurs conséquences sur la redistribution. Cette démarche permettrait de mieux comprendre les conséquences non intentionnelles des politiques mises en œuvre et conduirait à analyser de façon plus équilibrée les arbitrages et les complémentarités entre les différentes options en matière d’action publique. L’OCDE a mis au point une grille d’analyse qui prend en compte ces éclairages;
  • elle préconise une meilleure intégration du secteur financier et des risques associés dans les analyses, mettant en lumière les interactions nombreuses et complexes entre la finance et l’économie réelle;
  • elle prend acte du renforcement de l’intégration économique internationale et de la complexité qui en résulte, ainsi que des éclairages qui peuvent ressortir de l’analyse de l’économie mondiale en tant que système complexe adaptatif. Cette démarche aiderait à mieux prendre en compte l’incertitude, les retombées négatives, les risques systémiques et les effets de réseau. Une telle analyse, entre autres, aiderait les responsables de l’action publique à mieux appréhender le phénomène grandissant de l’interdépendance mondiale;
  • elle recommande l’adoption d’une perspective à plus long terme, qui permette d’étudier comment nos économies s’enracinent dans des institutions façonnées par l’histoire, les normes sociales et les choix politiques. De cette réflexion pourraient naître des solutions plus adaptées à la situation, aux besoins, aux capacités et au contexte institutionnel de chaque pays;
  • elle recommande d’accompagner ce changement d’approche en développant davantage la prospective stratégique.
88. Pour que ce changement d’approche se concrétise, l’OCDE doit élaborer, lorsque cela est possible, des instruments et outils nouveaux, mais aussi approfondir, généraliser et systématiser leur utilisation:
  • ces infléchissements supposent de mesurer les stocks (de richesse, de ressources naturelles, de capital social, etc.) et de tenir dûment compte des concepts de stock et de flux dans les analyses.
  • ils supposent également de continuer de développer l’utilisation des microdonnées de façon à mettre en évidence l’hétérogénéité des ménages et des entreprises et de faciliter les analyses visant à appréhender les mécanismes qui sous-tendent les inégalités et à y remédier.
89. L’Organisation doit également revoir et améliorer ses approches de la modélisation, en adoptant une démarche plus intégrée tout en diversifiant les types de modèles qu’elle utilise et en prenant acte des limites des hypothèses fondamentales sur lesquelles ils sont bâtis.
90. En mai 2015, les membres de l’OCDE ont reconduit le Secrétaire général Gurría dans ses fonctions jusqu’en 2021, à la suite de quoi celui-ci a présenté à la RCM ses orientations stratégiques pour l’OCDE, l’objectif global restant de faire de l’OCDE l’institution de référence auprès de laquelle on recherche des conseils sur les politiques à mener pour favoriser la croissance, le développement et le bien-être, dans les pays membres et à travers le monde. Des priorités ont donc été formulées afin d’aider les pays membres et partenaires à relever les défis qu’ils rencontrent et à exploiter au mieux les possibilités qui se présentent à eux. La première de ces priorités est qu’ils relèvent les défis et saisissent les opportunités et qu’ils gèrent les risques afin de renforcer leurs économies 
			(53) 
			<a href='http://www.oecd.org/fr/rcm/documents/Orientations-strategiques-du-Secretaire-general-2015-CMIN2015-1.pdf'>www.oecd.org/fr/rcm/documents/Orientations-strategiques-du-Secretaire-general-2015-CMIN2015-1.pdf.</a>.
91. A l’échelle mondiale, il va falloir intensifier les efforts visant à relancer la croissance. L’investissement mondial reste faible et, dans de nombreux pays, les petites et moyennes entreprises (PME) ont toujours du mal à trouver des financements. Malgré l’abondance des liquidités, il se révèle difficile de diriger les capitaux vers les investissements à long terme, notamment dans les infrastructures. A l’échelle nationale, de nombreux gouvernements sont confrontés au défi de favoriser la croissance sous une forme inclusive et durable et de rétablir la confiance des citoyens, qui est fortement entamée.
92. Dans ce contexte, les principaux défis stratégiques de l’OCDE pour 2015-16 sont les suivants:
  • favoriser une croissance inclusive qui permettra de lutter contre le chômage et d’assurer un partage égal des fruits de la croissance, en renforçant l’horizontalité de ses travaux et en y intégrant de façon systématique les NAEC;
  • pousser plus avant son programme en faveur de la productivité et de la compétitivité en s’appuyant sur les travaux consacrés à la prochaine révolution de la production et à l’innovation afin d’aider les pays membres et partenaires à assurer une croissance inclusive au sein de l’économie mondialisée moderne;
  • renforcer sa contribution à un système économique international fondé sur des règles en optimisant l’impact de ses normes existantes et en repérant les domaines dans lesquels en élaborer de nouvelles;
  • continuer à renforcer sa dimension mondiale et à apporter un appui à l’agenda mondial et aux initiatives collectives internationales en matière d’action publique, par l’intermédiaire du G20 et à travers des contributions spécifiques à des questions importantes comme le développement international, l’amélioration de l’égalité hommes–femmes (avec l’objectif 25x25) et le changement climatique.

5.2. Systématiser la prise en compte de la croissance verte et inclusive

93. Les pays sont en train de prendre des mesures qui vont dans le sens de la croissance verte, mais des efforts bien plus décisifs sont nécessaires pour que les priorités environnementales soient intégrées dans les agendas économiques afin de promouvoir une croissance et un bien-être durables. Le rapport de l’OCDE intitulé Vers une croissance verte : Suivre les progrès vise, grâce à des conseils plus ciblés et plus cohérents sur l’action publique, à contribuer à accélérer la mise en œuvre, par les pays, de politiques en matière de croissance verte. Dans ce contexte, l’OCDE continuera d’intégrer systématiquement la croissance verte dans ses travaux. Le rapport Aligner les politiques pour une économie bas carbone est un exemple emblématique des efforts déployés par l’OCDE pour fournir une stratégie intégrée de croissance verte. Il offre un diagnostic des contradictions entre les mesures d’action en faveur du climat et d’autres réglementations axées sur les combustibles fossiles et propose des moyens pour surmonter ces contradictions afin de soutenir une transition plus tangible de l’ensemble des pays vers une économie à bas carbone. Des informations pertinentes à cet égard sont désormais régulièrement inclues dans ses études économiques, examens environnementaux, examens des politiques de l’investissement et rapports villes et croissance verte. Le Forum sur la croissance verte et le développement durable 2015 portera sur les moyens de favoriser la «prochaine révolution industrielle» en exploitant le potentiel des politiques d’innovation des systèmes destinées à soutenir la croissance verte.
94. L’initiative sur la croissance inclusive sera la pierre angulaire des analyses et conseils horizontaux de l’OCDE sur le bien-être et permettra de relever les enjeux ayant trait aux inégalités. Le cadre multidimensionnel sur la croissance inclusive prend en compte le fait que les inégalités vont au-delà des revenus: elles affectent aussi l’emploi, la santé et d’autres éléments non monétaires. A l’intérieur de ce cadre, on étudie de nouvelles options permettant de concilier une croissance vigoureuse et une meilleure répartition de ses bienfaits. Cette approche a des implications sur l’action publique, au sens où elle accorde une importance très grande aux effets que des politiques structurelles individuelles peuvent avoir sur des groupes sociaux spécifiques, par exemple les pauvres ou la classe moyenne. L’objectif visé consiste à identifier des synergies entre les politiques propices à la croissance et celles qui favorisent l’inclusivité et, lorsque des arbitrages doivent être opérés, à garantir la cohérence de l’action et le respect des complémentarités. L’OCDE va aussi ouvrir un Centre pour l’égalité des chances, dont la mission sera de s’intéresser à la nature pluridimensionnelle des inégalités et d’identifier les politiques qui permettent de promouvoir une croissance inclusive dans tous les secteurs. Elle soutient aussi l’objectif du G20 de réduire l’écart hommes–femmes en termes de participation au marché du travail de 25 % d’ici 2025.
95. La prochaine étape sera de préciser et renforcer les éléments méthodologiques du Cadre d’action pour une croissance inclusive. Il faudra pour cela intégrer progressivement dans les indicateurs de progrès de l’OCDE d’autres dimensions extérieures au revenu qui comptent dans le bien-être (l’éducation et l’environnement, par exemple), mais aussi inclure de nouveaux pays dans les analyses et vérifier la solidité de ce cadre. Suivront des mesures visant à l’intégrer systématiquement à l’ensemble des travaux de l’OCDE.
96. Les travaux menés sur la qualité des emplois dans le cadre de l’initiative NAEC fournissent déjà un cadre d’évaluation de cette qualité selon trois grands critères: la qualité de la rémunération, la sécurité de l’emploi et la qualité de l’environnement du travail. Ces travaux permettront de recenser les principaux leviers d’action susceptibles d’améliorer la qualité des emplois, dans l’optique de l’élaboration d’une nouvelle Stratégie de l’OCDE pour l’emploi.
97. Les travaux de l’OCDE sur l’éducation et les qualifications présentent un intérêt direct pour la croissance inclusive. En aidant les pays à résoudre les problèmes persistants d’inadéquation des compétences, l’OCDE s’attaque au problème de la perpétuation des faibles niveaux d’instruction d’une génération à l’autre. Pour empêcher que l’inadéquation des qualifications n’aboutisse à un chômage global plus élevé, une croissance économique plus faible et de plus grandes inégalités de revenus, les Perspectives de l’OCDE sur les compétences 2015 formulent des recommandations pour l’élaboration d’une stratégie globale pour améliorer les compétences et l’employabilité des jeunes.
98. L’OCDE, en sa qualité d’instance d’établissement de normes, peut aussi contribuer à la croissance inclusive et au bien-être tout en rétablissant la confiance. Elle continuera à renforcer et à optimiser l’impact des normes existantes, tout en repérant dans quels domaines il convient d’en élaborer de nouvelles.
99. Pour assurer une croissance inclusive et durable, les gouvernements doivent aussi s’attaquer aux problèmes de fraude et d’évasion fiscales. Dans le cadre du projet OCDE-G20 sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS), une panoplie de mesures sera proposée pour mettre fin aux failles qui permettent aux entreprises de transférer artificiellement leurs bénéfices vers des territoires appliquant une imposition faible ou nulle. Il s’agira, à cette fin, de redonner de la cohérence aux règles fiscales internationales, de faire en sorte que les bénéfices soient imposés là où interviennent les activités économiques et la création de valeur, et d’assurer une plus grande transparence. Toutes les mesures liées au projet BEPS, qui sont en cours d’élaboration dans le cadre d’une collaboration entre plus de 60 pays, seront parachevées en 2015. Pour garantir que cette initiative emblématique aura bien l’impact souhaité après la livraison des mesures BEPS en 2015, les travaux futurs devront mettre l’accent sur le soutien à apporter aux pays pour une mise en œuvre efficace et cohérente des résultats du plan d’action BEPS, grâce à l’élaboration d’une législation type et d’orientations techniques, ainsi qu’au suivi de l’impact des mesures BEPS sur la résolution des questions de double imposition et de double exonération.

5.3. Renforcer le rayonnement mondial de l’OCDE

100. L’OCDE renforce ses relations avec ses pays partenaires dans le monde entier afin d’enrichir les débats de l’organisation sur l’action publique et de contribuer à une vision commune des grands enjeux des politiques publiques et des normes de bonnes pratiques. En renforçant son rayonnement mondial, l’OCDE gagne en efficacité dans son rôle de plateforme pour le partage d’expériences sur l’action publique entre pays membres et partenaires, l’apprentissage par les pairs, l’élaboration et l’actualisation des normes et la promotion de leur respect.
101. Dans le cadre de sa stratégie de développement de ses relations mondiales, l’OCDE s’est ouverte à de nouveaux membres, a mis en place des programmes régionaux complets, lancé des programmes par pays et élargi l’utilisation des forums mondiaux. A ce titre, elle a récemment signé des protocoles d’accord avec la Chine, le Brésil et l’Indonésie. La Stratégie de l’OCDE pour le développement contribue aussi à la cohérence des politiques et au partage des connaissances qui permettent d’améliorer l’élaboration des politiques et la réforme économique dans l’ensemble des pays.

5.4. Analyse des conseils politiques, des trilemmes et des arbitrages de l’OCDE

102. L’OCDE a relevé le défi de réfléchir sérieusement à la crise et au rôle qu’elle a joué dans la période qui a précédé. Elle s’engage à s’interroger sur les approches politiques actuelles, à les compléter et à fixer une nouvelle feuille de route pour parvenir à une croissance plus durable, inclusive et résistante. Le processus de réflexion engagé avec l’initiative NAEC à l’échelle de toute l’organisation est d’une grande portée; transdisciplinaire et tourné vers l’avenir, il consiste à élaborer des scénarios et à faire de la prospective stratégique.
103. Dans le même temps, la prise en compte systématique de ces nouvelles idées n’en est encore qu’à ses débuts et les conseils que l’OCDE dispense à chacun des pays sur les politiques à mener, dans le cadre de l’approche dite «par pays» de l’OCDE, ne diffèrent pas vraiment des prescriptions adressées aux Etats membres avant la crise. Si les réformes structurelles constituent toujours l’axe d’analyse principal de l’OCDE, une place plus importante est aujourd’hui faite aux arbitrages sous-jacents entre les différentes dimensions complémentaires de la prospérité, comme l’illustre l’édition 2015 de la publication Objectif croissance. Une importance accrue est également accordée aux politiques d’accompagnement et à la nécessité de concevoir des trains de réforme. Dans une étude récente qui s’appuie sur des microdonnées, l’OCDE montre que les réformes des marchés du travail et des produits destinées à favoriser la croissance macroéconomique réduisent généralement les inégalités de revenus. Cette étude pointe cependant des exceptions: les réformes qui stimulent la croissance en réduisant le volume ou la progressivité de l’impôt et des transferts sociaux risquent d’aggraver la vulnérabilité et l’inégalité des revenus des ménages.
104. Lorsqu’il s’agit de s’attaquer aux inégalités, le principal conseil reste qu’il est nécessaire d’investir dans les compétences car des travailleurs mieux formés pourront trouver des emplois de meilleure qualité.
105. Cet investissement doit aller de pair avec des politiques visant à revitaliser la croissance de la production et en particulier à faire redémarrer la mécanique de diffusion des innovations. L’OCDE et l’OIT constatent par exemple que de nombreux jeunes, y compris parmi les mieux formés et les plus compétents, sont condamnés à des formes d’emplois atypiques, qui n’entrent pas dans la catégorie des emplois de meilleure qualité. Ou, comme l’a dit le président de la Commission Syndicale Consultative auprès de l’OCDE (TUAC) et de la Fédération américaine du travail et Congrès des organisations industrielles (AFL-CIO), Richard Trumka, dans le cadre du panel Perspectives économiques, lors de la RCM 2015: «Cette approche est erronée; l’amélioration des compétences et les gains de productivité n’ont pas d’effet automatique sur les salaires car les mesures influant sur l’offre ne se répercutent pas jusqu’aux ménages. Nous avons besoin d’une stratégie qui donne du pouvoir aux travailleurs et des droits de négociation pour restaurer l’équilibre économique et social et la confiance à l’égard de nos dirigeants politiques.» Une nouvelle approche s’impose donc aujourd’hui: «La réduction des inégalités peut et doit aller de pair avec la stimulation de la croissance. Elle doit s’inscrire dans une stratégie d’ensemble. Les réformes structurelles et l’austérité sont allées dans le mauvais sens jusqu’à présent.»
106. Pour ses analyses globales, l’OCDE s’appuie sur les idées transversales les plus récentes, mais elle reste plus timorée dans ses prescriptions politiques et préconise en partie ce que le gouvernement de l’Etat membre concerné peut utiliser dans le débat national pour appliquer les mesures de réforme structurelle préférées. L’OCDE n’ayant ni pouvoir de contraindre, ni mécanisme d’application, elle ne peut parvenir à ses fins que si les gouvernements des Etats membres sont disposés à coopérer.
107. Les réformes que l’OCDE est susceptible de recommander en son nom sont celles qui ont déjà fait la preuve de leur efficacité quelque part. Bien que le Rapport de synthèse final NAEC constate que «l’analyse des politiques [accordait souvent, avant la crise,] la priorité à l’efficience des marchés, [que cette] approche reléguait parfois au second plan des aspects du bien-être tels que la qualité de vie, la durabilité environnementale et l’égalité des chances [et que] la croissance était ainsi souvent considérée comme une fin, et non comme un moyen d’améliorer le bien-être dans la société», de nombreuses analyses politiques donnent encore l’impression de considérer la croissance comme une fin, privilégiant l’efficience des marchés pour y parvenir.
108. Avec le temps, les graines du changement se répandront aussi et les rapports de conseils politiques aux pays s’adapteront probablement aux idées les plus récentes. Cependant, reprendre une nouvelle politique qui a fait la preuve de son efficacité ailleurs ne mettra pas forcément fin aux problèmes, même si cette politique ne vise pas uniquement la croissance économique et l’efficience des marchés. Certaines politiques efficaces pour parvenir à un développement économique durable et inclusif dans un pays ne contribuent pas nécessairement à un progrès économique durable et inclusif à l’échelle mondiale. Le protectionnisme n’est, à cet égard, qu’un exemple bien connu de politique du chacun pour soi. La théorie des jeux montre qu’un choix optimal au niveau individuel ne conduit pas toujours au meilleur résultat collectif.
109. Le fait d’être un pays compétitif est bon pour les affaires et peut aussi être un facteur de durabilité et d’inclusivité en fonction de l’avantage compétitif qui est exploité. Si cet avantage découle d’une productivité plus élevée, il accroît la productivité mondiale, ce qui est une bonne chose (pour autant qu’il contribue aussi à la durabilité à et à l’inclusivité). Par contre, si le coût unitaire du travail est réduit au moyen d’une baisse des salaires, il entraînera un recul de la demande mondiale. Il permet d’améliorer la compétitivité, mais il freine la croissance au niveau mondial. De même, une fiscalité réduite peut être un élément positif pour la compétitivité, mais le manque de moyens pour financer les investissements publics et les dépenses sociales ne contribuent pas au progrès global. La simplification administrative peut aussi améliorer la compétitivité, mais risque dans le même temps de ramener la réglementation à un niveau qui ne permette plus de protéger les travailleurs ou les consommateurs, ou de piloter l’économie en temps de crise. La concurrence sur les salaires, les impôts ou la réglementation est toujours potentiellement nuisible. Un pays où les salaires et les impôts sont faibles et où la réglementation est réduite dispose d’un avantage compétitif, mais seulement jusqu’à ce que les autres rentrent dans cette compétition. Sinon, il a pour seul effet d’aboutir à un relâchement de toutes les règles et de produire un nivellement par le bas.
110. Le problème est que même si cette concurrence a des effets néfastes sur la population d’un pays donné, cette population pourrait se trouver dans une situation encore pire si ce pays ne se lançait pas dans cette course concurrentielle alors que tous les autres le font. L’absence de gouvernance économique mondiale rend difficile la coordination des politiques pour le bien de tous. C’est ce que Dany Rodrik appelle le paradoxe de la mondialisation ou le «trilemme» de l’économie internationale.
111. Les économistes ont mis en évidence plusieurs trilemmes, dont celui de «l’impossible trinité» ou trilemme de Mundell-Fleming est probablement le plus connu; il affirme que seuls deux des trois objectifs que constituent un régime de taux de change fixe, une politique monétaire nationale indépendante et la mobilité des capitaux peuvent être réalisés simultanément. Dans le cas du trilemme de l’économie internationale théorisé par Rodrik, l’arbitrage doit se faire entre la mondialisation économique, la démocratie et la souveraineté nationale. Les différents pays peuvent avoir des politiques économiques et sociales indépendantes dans le cadre d’une mondialisation limitée, comme pendant le système de Bretton Woods. Ou mettre en place une intégration poussée des marchés et exercer leur souveraineté nationale, auquel cas l’espace démocratique se réduira pour assurer la compétitivité avec l’abandon des politiques sociales et de stabilité économique qui ne servent pas directement cet objectif de compétitivité. Comme il n’y a, au niveau mondial, ni autorité de contrôle de la concurrence, ni prêteur en dernier ressort, ni filets de sécurité, ni instance démocratique de contrôle des marchés, ces derniers souffrent d’un déficit de gouvernance et sont donc exposés à l’instabilité, à l’inefficience et au manque de légitimité populaire.
112. Pour la lutte contre la fraude fiscale, nous dépendons de la coopération intergouvernementale au sein du G20 et de l’OCDE et utilisons par exemple l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Pour défendre les normes du travail, nous dépendons de l’OIT. Nous ne pouvons malheureusement pas faire grand-chose si les gouvernements des grandes puissances économiques ne veulent pas coopérer. Par exemple, jusqu’à ce que le gouvernement fédéral des Etats-Unis décide de ratifier les conventions fondamentales de l’OIT, les employeurs américains disposent d’un avantage compétitif sur les européens en termes de coût du travail, la concurrence transatlantique exerçant en retour une pression à la baisse sur les normes acceptées au niveau international.
113. Pourquoi la part des rémunérations du travail (salaires et autres avantages) dans la valeur ajoutée a‑t‑elle diminué ces dernières décennies? Selon l’OCDE 
			(54) 
			OCDE
(2012), Perspectives de l'emploi de l'OCDE
2012, Editions OCDE, Paris, chapitre 3., cela s’explique par la combinaison de plusieurs facteurs: le progrès technologique, l’augmentation de la productivité globale des facteurs (PGF) et de l’intensité capitalistique, l’intensification de la concurrence internationale et intérieure et la délocalisation provoquées par la mondialisation et, enfin, les privatisations. A l’époque de Bretton Woods, le progrès technologique et l’augmentation de l’intensité capitalistique avaient entraîné une hausse de la productivité du travail et de la part du travail dans la valeur ajoutée. On peut en déduire que la qualité de ces facteurs a changé et que l’intensité capitalistique pose aujourd’hui de nouveaux problèmes. De plus, la mondialisation a modifié l’équilibre des puissances et transformé l’idéologie et les modèles économiques dominants. Il en a résulté une libéralisation et une déréglementation des marchés, la privatisation d’entreprises et une concurrence accrue. Il en a résulté la libéralisation et la déréglementation des marchés, la privatisation d’entreprises et une concurrence accrue. Cela n’a en général malheureusement pas entraîné une augmentation plus rapide de la productivité mondiale, mais plutôt une pression à la baisse sur les salaires, la perte de pouvoir des syndicats et, donc, le déclin du syndicalisme, l’émergence de formes de travail atypiques, la flexibilisation de la relation de travail et la croissance de l’économie informelle, tous ces phénomènes aboutissant à une baisse de la part du travail au niveau mondial et au développement des inégalités au niveau national.
114. L’OCDE préconise une intégration économique plus poussée et la stimulation des échanges et des investissements internationaux. Ces derniers ont largement contribué à la prospérité mondiale, mais pas sans contrepartie. L’intégration économique internationale et la concurrence internationale accrue nous ont privés de la possibilité de réguler les marchés (nationaux) afin d’assurer la stabilité, la durabilité, l’équité ou la sécurité. Nous avons besoin de règles pour que les marchés fonctionnent correctement, mais aussi pour protéger l’environnement, les travailleurs et les consommateurs. Or, il est beaucoup plus dur de réguler les marchés mondiaux que les marchés locaux ou nationaux.
115. Les arguments en faveur d’une intégration économique internationale plus poussée découlent d’études comparatives: les pays engagés dans la mondialisation s’en sortent beaucoup mieux que les autres. Les marchés émergents qui se sont ouverts à la mondialisation (après s’être dotés d’industries nationales dans un cadre protégé) en ont bénéficié. Mais comme la productivité et le coût du travail dans ces pays a augmenté, cela n’a pas suffi à compenser la perte de revenus du travail dans les économies avancées pour empêcher une chute de la part du travail au niveau mondial. Comme avec les politiques du chacun pour soi, ce qui est bon pour un pays ne l’est pas nécessairement pour tous.
116. L’initiative NAEC a ouvert la voie à l’étude de nombreux types d’arbitrage entre les différents facteurs, mais pas encore à celle des arbitrages entre les politiques nationales et leurs implications mondiales. Avant de préconiser d’aller plus loin dans la libéralisation des échanges commerciaux et des investissements, il serait judicieux de s’interroger sur ses coûts en termes d’espace démocratique pour la régulation, la stabilité, le travail et l’égalité.

6. Conclusions

117. Dans ce rapport, j’ai passé en revue les développements récents à l’OCDE et l’évolution de l’économie mondiale, ainsi que les publications récentes de l’OCDE. J’ai considéré les choses dans un contexte plus large puisqu’une partie des travaux de recherche récents de l’OCDE ne s’intéressent pas à la croissance simplement en termes de PIB, mais prennent en compte des paramètres sociaux et écologiques, ainsi que des mesures du bien-être, du développement durable et du caractère inclusif de la croissance. J’ai porté une attention particulière au processus des NAEC, puisqu’il s’agit de «l’un des résultats les plus tangibles, les plus visibles et les plus féconds du dialogue entre le Conseil de l’Europe et l’OCDE 
			(55) 
			Secrétaire général
de l’OCDE.».
118. Les deux derniers siècles ont été témoins d’une croissance de la prospérité sans précédent dans l’histoire du développement économique. Tout particulièrement après la seconde guerre mondiale, pour des millions de personnes dans les économies avancées, l’espérance de vie, l’alphabétisation, la santé et la richesse ont progressé de façon considérable. Puis à nouveau au cours de ces dernières décennies, marquées par la mondialisation de l’économie, des centaines de millions de personnes dans les économies émergentes ont été tirées de l’extrême pauvreté 
			(56) 
			Pourtant,
deux tiers des pauvres se trouvent encore dans les pays à revenus
intermédiaires et malgré le nombre important de personnes qui tombent
dans la pauvreté absolue, la pauvreté relative est stable, voire
en augmentation dans de nombreux pays (voir par exemple Perspectives on Global Development 2010, <a href='http://www.cgdev.org/files/1424922_file_Sumner_brief_MIC_poor_FINAL.pdf'>www.cgdev.org/files/1424922_file_Sumner_brief_MIC_poor_FINAL.pdf</a>)..
119. Mais l’histoire du développement, de la financiarisation et de la mondialisation économiques n’est, hélas, pas faite que de réussites. Le développement a aussi conduit à l’exploitation de la main-d’œuvre et des ressources naturelles. A cause de nos activités économiques, végétaux et animaux disparaissent à un rythme inégalé depuis l’époque des dinosaures. L’eau, les sols et nombre de ressources naturelles sont surexploités. Nos émissions de carbone peuvent provoquer des changements climatiques catastrophiques.
120. Si la croissance économique sans précédent de cet «âge d’or» qu’ont été les années 1950 et 1960 s’est traduite par des niveaux record d’investissement et est allée de pair avec une augmentation de la part du travail, la réduction des inégalités et une stabilité économique relative, l’ère de la mondialisation économique s’accompagne d’un niveau plus faible d’investissement, d’une croissance plus lente de la productivité et de la production économique, d’une diminution de la part du travail dans la valeur ajoutée et de la hausse des inégalités.
121. Comme en 2014, les perspectives économiques à court terme sont moins bonnes qu’anticipées, mais les projections pour l’an prochain sont plus optimistes. La récente révision à la baisse des prévisions de croissance pour 2015 est due aux résultats du premier trimestre 2015, qui a enregistré les performances économiques les plus faibles depuis l’impact initial de la crise financière, en 2008. L’économie mondiale subit encore les séquelles de la plus profonde et plus longue récession depuis la naissance de l’OCDE, il y a 55 ans.
122. L’OCDE a mis en garde contre l’apparition de nouveaux risques financiers et appelle à ne pas s’en remettre exclusivement à la politique monétaire, étant donné que des taux d’intérêt anormalement bas peuvent conduire à une prise de risques et à un endettement alimenté davantage par la liquidité que par les fondamentaux économiques. Bien qu’elle ne pense pas vraiment que la prochaine crise financière soit pour tout de suite, elle appelle les pays à continuer d’améliorer leur résistance aux chocs financiers.
123. L’optimisme affiché pour l’an prochain repose sur une accélération progressive de la croissance de l’investissement réel, après des années de stagnation. Cette accélération restera cependant plus faible que lors des précédents cycles de reprise. Le problème est que le niveau d’investissement est décevant d’année en année depuis la crise. On comprend que la réunion ministérielle 2015 de l’OCDE ait porté essentiellement sur la stimulation de l’investissement. Les multinationales ne semblent cependant pas être intéressées par l’investissement, même si l’accès aux ressources financières n’apparaît plus comme le principal problème. Nombre de multinationales sont des épargnants nets et disposent de ressources considérables pour se lancer dans des acquisitions ou des rachats d’actions. Il faudra apparemment attendre que les investissements d’autorités publiques qui ne sont pas encore surendettées insufflent un nouvel élan de confiance dans l’économie et la nécessaire transition vers une économie verte.
124. Historiquement, l’OCDE a aussi prôné le soutien au commerce international en tant que moteur de croissance. Mais quelle puissance a encore le moteur de la libéralisation des échanges dans des économies avancées? Et quel en est le coût? Comme le «prix Nobel d’économie» Paul Krugman l’a expliqué à plusieurs occasions, l’avantage comparatif est une bonne raison pour s’ouvrir au commerce international, mais lorsque le commerce est déjà bien ouvert, il n’y a pas grand-chose à gagner à l’ouvrir encore plus. Krugman pense qu’il est déjà trop optimiste d’évaluer à 0,5 % du PIB le total des gains que les pays membres du Partenariat transpacifique retirent de celui-ci. De même, l’un des scénarios les plus optimistes parmi les différentes projections réalisées pour la Commission européenne sur les gains à attendre du Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI ou TTIP) fait état d’un surplus de croissance de seulement 0,5 % sur les dix prochaines années. D’autres études sont moins positives, voire négatives, en ce qui concerne les gains économiques. Une étude qui s’est intéressée à la distribution des gains et des pertes liés au PTCI prévoit un nouveau recul de la part du travail, des destructions d’emplois et un renforcement des inégalités, ce qui correspond assez largement à l’histoire de la mondialisation jusqu’à présent.
125. D’autres éléments de ces accords de commerce et d’investissement récemment négociés étant encore plus contestés – notamment le mécanisme d’arbitrage –, il pourrait être sage de ne pas se précipiter et de solliciter les compétences de l’OCDE, en s’appuyant sur son Cadre d’action pour l’investissement et ses travaux sur les traités relatifs à l’investissement et aux investissements directs étrangers, pour déterminer quels bénéfices réels en attendre et quels sont les enjeux en présence. Les partenariats transpacifique et transatlantique vont-ils réellement entraîner des destructions d’emplois et une nouvelle diminution de la part du travail? Vont-ils accroître les inégalités? Et si oui, quel impact cela aura-t-il sur la croissance économique? Nous savons par différentes études de l’OCDE et également du FMI que la hausse des inégalités entrave la croissance économique.
126. Globalement, la généralisation des analyses découlant de l’initiative NAEC et de la croissance verte et inclusive mérite d’être pleinement soutenue. Les chiffres relatifs aux arbitrages opérés entre la croissance, la stabilité, l’environnement/l’écologie, l’équité/le bien-être fournissent des informations politiques très utiles. Je recommanderais néanmoins qu’une dimension supplémentaire soit ajoutée à l’analyse des complémentarités et des arbitrages entre les différents objectifs: il s’agit du reste du monde. Des externalités influent sur l’environnement et le domaine public, mais elles peuvent aussi être exportées et toucher d’autres pays.
127. Les tendances et projections à long terme laissent craindre la poursuite de la dégradation de l’environnement, de la pollution, de l’épuisement des ressources et de l’amplification des inégalités, ce qui entravera le développement économique, qui est déjà compromis par le ralentissement des gains de productivité et le vieillissement des populations. Après l’Europe et le Japon, d’autres pays et continents seront touchés. Ces tendances de fond doivent être contrées, pas seulement en s’écartant des modes de pensée conventionnels, mais en changeant de référentiel de pensée. Nous avons besoin de nouveaux modèles, d’un nouveau discours. Les conseils de politique économique orthodoxes venant de la vieille école ne feront qu’aggraver les tendances de fond.
128. Une autre de ces tendances pourrait venir contrebalancer en partie le ralentissement anticipé; elle découle de la prochaine révolution de la production, qui pourrait se manifester par une automatisation, une informatisation et une robotisation plus poussées. Les progrès rapides de l’intelligence artificielle et des connaissances tirée des mégadonnées, entraînés par la numérisation de l’économie, pourraient aboutir au remplacement accru de la prochaine génération de travailleurs par du capital à moindre coût. Ce n’est plus seulement le travail le moins qualifié, mais aussi la plupart des emplois les plus qualifiés qui pourraient être automatisés dans un avenir proche. Si tel devait être notre avenir, comment pourrions-nous encore dégager une croissance inclusive? Nous devrions alors relever un défi entièrement nouveau en matière d’inégalités, revoir la répartition économique et repenser les systèmes éducatifs. Dans ce contexte, l’OCDE met en chantier un projet portant sur la prochaine révolution de la production dont le but est d’apporter un éclairage sur les développements scientifiques et technologiques qui pourraient entraîner un changement des modes de production dans les dix à quinze prochaines années et d’envisager les risques, les opportunités et les actions que les pays devront mener pour pouvoir bénéficier des avantages de cette évolution. Lors de la RCM de cette année, un document de référence sur la prochaine révolution de la production a été présenté. Courant 2015-2016, un rapport sera publié à partir de l’expertise de plusieurs comités de l’OCDE pour évaluer l’importance de ces technologies, leurs implications potentielles sur les chaînes de valeur mondiales et la productivité ainsi que certaines de leurs incidences sur les emplois et les compétences.
129. Comme l’OIT a déjà indiqué que le chômage et la précarité de l’emploi dans le secteur formel vont continuer de progresser et que l’économie informelle va se développer étant donné que la croissance économique sera insuffisante pour générer la création de véritables emplois, et comme nous pourrions assister à une nouvelle révolution de la production qui aura très probablement un impact immense sur le monde du travail, l’OIT a chargé une commission de haut niveau de préparer un rapport sur l’avenir du travail pour la conférence du centenaire de l’organisation, en 2019. Je recommande que l’OCDE cherche activement à participer à cette conférence et à ses travaux préparatoires. La réunion des ministres du travail et de l’emploi de l’OCDE, qui se tiendra à Paris le 15 janvier 2016, offrira une bonne occasion d’avoir une discussion à haut niveau sur ces sujets. Les résultats de cette réunion seront mis à la disposition de la conférence à haut niveau organisée par l’OIT.