1. Introduction
1. Le Royaume de Belgique (ci-après
la Belgique) a adhéré au Conseil de l’Europe le 5 mai 1949. La Belgique
est l’un des Etats fondateurs de l’Organisation. Lors de son adhésion,
elle s’est engagée à respecter les obligations qui incombent à tous
les Etats membres en vertu de l’article 3 du Statut dans les domaines
de la démocratie pluraliste, de la prééminence du droit et des droits
de l’homme.
2. La Belgique est à la fois une démocratie parlementaire et
une monarchie constitutionnelle limitée. Située en Europe occidentale,
elle a une superficie de 30 528 km² et compte 10 449 361 habitants
.
3. En vertu de sa Constitution, «la Belgique est un Etat fédéral
qui se compose de trois communautés, trois régions et quatre régions
linguistiques (trois unilingues, une bilingue)». Le pays a des institutions
complexes et est divisé en trois entités régionales fédérées. Les
pouvoirs de décision sont répartis entre l’Etat fédéral, les trois
communautés et les trois régions. Les régions et les communautés
de la Belgique sont dotées d’un pouvoir législatif. Pendant des
années, le système fédéral a été contesté par des forces centrifuges
qui exigeaient plus d’autonomie pour les communautés et les régions
au détriment de l’Etat fédéral, et remettaient en cause l’identité
nationale. A la suite des réformes successives de l’Etat et notamment
de la sixième réforme de l’Etat, la Belgique est devenue un Etat
moins centralisé: des compétences de plus en plus importantes ont été
transférées aux trois communautés (flamande, francophone et germanophone)
et aux trois régions (Région flamande, Région wallonne et Région
de Bruxelles-Capitale).
4. Au niveau fédéral, le pouvoir exécutif est exercé par le gouvernement
fédéral formé de 15 ministres maximum qui siègent au Conseil des
ministres. Le parlement fédéral est constitué de deux chambres,
le Sénat et la Chambre des Représentants. Les 150 députés de la
Chambre des représentants sont élus selon un système de représentation
proportionnelle dans 11 circonscriptions électorales. Depuis la
sixième réforme de l’Etat (voir ci-après), le Sénat belge compte
moins de membres (60 au lieu de 71 précédemment), qui ne sont plus
élus au suffrage direct: 50 sont élus par les parlements de communauté
et de région et 10 sont des membres cooptés. Ces derniers sont élus
par leurs pairs: six par le groupe linguistique néerlandophone et quatre
par le groupe linguistique francophone
. Le roi est le chef de l’Etat, mais
ses pouvoirs sont limités. Il nomme le Premier ministre et les ministres
qui ont la confiance de la Chambre des représentants pour former le
gouvernement fédéral.
5. Les communautés sont des entités politiques fondées sur la
langue. Il y a trois langues officielles en Belgique, et donc trois
communautés. Le pays est divisé en trois régions qui sont des entités
territoriales. Les deux plus grandes sont la région néerlandophone
des Flandres, au nord, et la région francophone de Wallonie, au
sud. Une communauté germanophone est établie à l’est de la région
wallonne. La Région de Bruxelles-Capitale est bilingue. La question
de la langue est au cœur des profondes divisions existant en Belgique.
Au fil des décennies, les responsables politiques ont trouvé le
moyen de mettre en place un système dépourvu d’institution unificatrice.
Le pays fonctionne sur la base des divisions linguistiques qui existent
dans tous les domaines. A Bruxelles, et en particulier dans les
communes environnantes, la coexistence des deux cultures francophone
et néerlandophone est une fiction et les deux communautés restent
nettement séparées. Dans le même temps, étant le siège principal
des institutions de l’Union européenne et le principal site de la
société civile dans l’Union européenne, Bruxelles est devenue un
carrefour de diverses langues et cultures.
6. Dans sa
Résolution
1301 (2002) sur la protection des minorités en Belgique
, l’Assemblée parlementaire notait
qu’en raison du transfert de pouvoir de l’Etat fédéral aux entités
fédérées belges, la Convention-cadre pour la protection des minorités
nationales devrait être ratifiée par les sept assemblées législatives
compétentes (y compris le Parlement flamand, le Parlement de la
communauté française et le Parlement de la communauté germanophone)
avant de pouvoir entrer en vigueur en Belgique. C’est dans le contexte
de la décentralisation de l’Etat belge, et en particulier des pouvoirs
étendus dont disposent les trois communautés dans le domaine des
droits des minorités, qu’il convient d’évaluer l’existence de minorités nationales
en Belgique à tous les niveaux
. D’après la Commission
de Venise
,
«[en] Belgique, au vu de la répartition équilibrée des pouvoirs
entre les néerlandophones et les francophones au niveau de l’Etat,
les francophones, malgré leur infériorité numérique, occupent une
position codominante et ne constituent dès lors pas une minorité
au sens de la Convention-cadre. Les germanophones, en revanche,
doivent être considérés comme une minorité au sens de la Convention-cadre
au niveau de l’Etat». Sur cette base, l’Assemblée a recommandé en
2002 que la Belgique et ses assemblées législatives compétentes
(y compris celles au niveau des régions et des communautés) ratifient
la Convention-cadre, et signent et ratifient la Charte européenne des
langues régionales ou minoritaires. A ce jour, la Belgique n’a toujours
pas ratifié la Convention-cadre pour la protection des minorités
nationales, ni signé ou ratifié la Charte européenne des langues
régionales ou minoritaires.
7. En Belgique, des élections ne sont organisées que pour les
instances législatives, pas pour les fonctions exécutives. Des élections
au suffrage universel direct sont organisées pour le Parlement européen,
la Chambre des représentants du parlement fédéral bicaméral, les
parlements des communautés et des régions, les conseils provinciaux,
les conseils communaux et quelques conseils de district. Au niveau
fédéral, la Chambre des représentants comprend 150 députés élus
pour un mandat de cinq ans au scrutin proportionnel.
8. Le vote est obligatoire en Belgique
.
La Belgique a un système multipartite et applique le scrutin proportionnel
à toutes les élections, ce qui conduit généralement à la formation
de gouvernements de coalition.
9. Au 30 juillet 2015, la Belgique avait ratifié 132 traités
du Conseil de l’Europe et en avait signé 36 autres qu’elle n’avait
pas ratifiés
. La Convention du Conseil de l’Europe
sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes
et la violence domestique (STCE n° 210) a été signée par la Belgique
le 13 septembre 2012 et la Convention du Conseil de l’Europe sur
la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels
(STCE n° 201) a été ratifiée le 8 mars 2013. Le 25 mars 2015, la
Belgique figurait parmi les 14 Etats membres ayant signé la nouvelle
Convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains.
Le 7 mai 2015, la Belgique a ratifié la Convention européenne en
matière d’adoption des enfants (révisée) (STCE n° 202).
10. Le présent rapport périodique a été élaboré en application
de la
Résolution 2018
(2014) et de l’exposé des motifs approuvé par la commission
le 17 mars 2015
. Il a été examiné en commission
le 17 mars 2015 et le 3 septembre 2015. J’aimerais remercier les
membres de la délégation qui ont soumis des commentaires
. Ce rapport s’appuie, entre autre, sur les
constats et conclusions les plus récents des mécanismes de suivi
du Conseil de l’Europe, les rapports de l’Assemblée parlementaire
et du Commissaire aux droits de l’homme et, le cas échéant, des
rapports établis par d’autres instances internationales et la société
civile.
2. Informations générales
11. Le système électoral belge,
avec des partis politiques néerlandophones et francophones qui sollicitent le
vote des électeurs dans des régions linguistiquement distinctes,
conduit logiquement à la formation de gouvernements de coalition
et à des alliances entre au moins deux partis de chaque bord. Au
niveau fédéral, le Conseil des ministres, présidé par le Premier
ministre, reste en fonction aussi longtemps qu’il conserve la confiance
de la Chambre des représentants.
12. Ces dernières années, le gouvernement fédéral belge a connu
des divisions politiques et culturelles. Au lendemain des élections,
la Belgique s’est retrouvée pendant plusieurs mois sans gouvernement
à cause de divisions entre les communautés néerlandophone et francophone.
Les tensions entre les deux principales communautés linguistiques
ont également entraîné la chute de plusieurs gouvernements, d’où
de fréquentes périodes d’instabilité politique.
13. En particulier, après les élections de juin 2010, les tensions
entre les régions et les grands partis politiques ont contribué
au délai de 541 jours nécessaires à la formation d’un gouvernement
de coalition de six partis. Pendant cette période, le Parlement
belge a joué un rôle moteur, en votant des lois et en prenant des mesures
temporaires spéciales. Les institutions régionales et locales ont
également continué de fonctionner au niveau infranational.
14. Au terme de longues négociations, les partis flamands et francophones
sont parvenus à un compromis avec la sixième réforme de l’Etat –
l’«accord Papillon» – du 10 octobre 2011 entre les Christen-Democratisch en
Vlaams (CD&V, chrétiens-démocrates), le Centre démocrate humaniste
(cdH), le Socialistische Partij Anders (sp.a, socialiste), le Parti
socialiste (PS), Open Vlaamse Liberalen en Democraten (Open Vld,
libéral), le Mouvement Réformateur (MR) et les partis écologistes
Groen! et Ecolo. Les six premiers (à l’exception donc des partis
écologistes) ont formé le gouvernement Di Rupo I, qui a prêté serment
le 6 décembre 2011. Le parti nationaliste flamand N-VA, devenu le
plus grand parti politique depuis les élections de 2010, n’a participé
ni à l’accord ni à la coalition gouvernementale.
15. Dans le contexte de la crise économique, la Belgique s’est
enfoncée dans des débats sur la langue et la culture. Son modèle
de fédéralisme multiculturel s’est retrouvé tiraillé entre, d’un
côté, les valeurs communes d’identité et de diversité par le biais
de la cohésion et d’un objectif commun et, de l’autre, les aspirations
à la partition et à la séparation d’un pays linguistiquement divisé.
16. Les développements politiques de ces dernières années, et
notamment les crises politiques et gouvernementales répétées, ont
montré que les politiques de multiculturalisme et de cohabitation
multilingue ne pouvaient plus, ou alors difficilement, fonctionner
en tant que système politique unifié. Les réformes de l’Etat successives
ont conduit à davantage de décentralisation et affaibli l’Etat unitaire.
Des questions se sont posées après la constitution de la coalition
de centre-droit au niveau du gouvernement fédéral (voir le paragraphe 27 ci-dessous),
car elle inclut la Nouvelle Alliance flamande (N-VA) favorable au confédéralisme
. A l’entrée dans la coalition, les
membres du gouvernement ont semble-t-il mis fin à leurs travaux
sur la réforme institutionnelle et basé leur programme sur la mise
en œuvre de la Sixième Réforme de l’Etat.
17. Ces développements risquent d’affaiblir l’empreinte du passé
unitaire du royaume, d’encourager de nouvelles réformes en faveur
d’un Etat décentralisé et de conduire à l’avenir à une division
territoriale. L’instauration proposée d’une «confédération» en lieu
et place de la structure fédérale existante est considérée par certains
comme la seule issue possible à longue échéance, alors même qu’elle
pourrait mettre en péril le poids institutionnel des forces politiques
en présence. D’un autre côté, certains estiment que la constitution d’un
nouveau gouvernement fin 2014, ainsi que son programme, ont montré
qu’il existait une volonté politique en faveur d’un compromis dans
le cadre de la structure étatique actuelle.
3. Démocratie
18. Les divisions politiques entre
les Flamands néerlandophones du nord et les Wallons francophones
du sud ont conduit, ces dernières années, à l’adoption de modifications
constitutionnelles qui garantissent aux régions une reconnaissance
formelle et une autonomie accrue.
19. L’accord politique «Papillon»
a défini la sixième réforme de l’Etat.
Comme souligné dans l’accord institutionnel, le but de la réforme
d’Etat était de produire «un Etat fédéral plus efficace et des entités
fédérées plus autonomes». La sixième réforme de l’Etat devait être
réalisée en plusieurs étapes.
20. Les deux principales décisions ont porté respectivement sur
le transfert d’un large bloc de compétences du niveau fédéral aux
entités fédérées et sur la préparation d’une grande révision de
la loi spéciale de financement. Plusieurs accords ont en outre été
conclus sur la scission de la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde
et la réforme du parlement, prévoyant notamment des élections simultanées
aux différents niveaux du pouvoir et l’abolition des élections directes
au Sénat.
21. La sixième réforme de l’Etat marque incontestablement un tournant
dans l’histoire de la Belgique, avec le transfert aux communautés
et aux régions d’importantes compétences fédérales. L’envergure
des transferts de compétences (et des budgets correspondants, soit
près de 20 milliards d’euros) est sans commune mesure avec celle
des réformes d’Etat précédentes. Presque tous les secteurs du paysage
économique et social belge ont été concernés. Pour la toute première
fois, des compétences en matière de sécurité sociale ont été décentralisées.
Les compétences en matière d’allocations familiales sont passées
du niveau fédéral aux communautés.
22. La réforme prévoyait la scission de la circonscription électorale
de Bruxelles-Hal-Vilvorde en une circonscription du Brabant flamand
et une circonscription de Bruxelles-Capitale (19 communes). Une
réforme de l’arrondissement judiciaire de Bruxelles était aussi
prévue, impliquant des changements dans la composition et de la
langue des parquets, la scission des tribunaux bruxellois en tribunaux
néerlandophones et francophones, et la modification des dispositions
juridiques régissant l’emploi des langues dans le domaine juridique.
L’arrondissement de Bruxelles est l’un des 12 nouveaux arrondissements
judiciaires créés par la réforme de la justice.
23. La loi spéciale de financement a également été profondément
modifiée. La réforme financière modifie le mode de financement des
communautés et des régions et renforce considérablement l’autonomie budgétaire
des régions.
24. La réforme a été transposée en droit national par les lois
spéciales adoptées le 6 janvier 2014 et entrées en vigueur le 1er juillet
2014.
25. Le 23 avril 2012, après que des membres de l’opposition belge
de l’époque ont porté la question à l’attention du Conseil de l’Europe,
l’Assemblée parlementaire a demandé à la Commission de Venise de
rendre un avis sur la récente procédure belge de révision constitutionnelle,
et plus particulièrement sur la modification de l’article 195 de
la Constitution qui régit la révision constitutionnelle. La révision
constitutionnelle avait pour objectif de préparer la sixième étape
de la réforme de l’Etat et de contribuer ainsi à résoudre la crise gouvernementale
et politique que traversait le pays. Dans son avis relatif à la
révision de la constitution de la Belgique, adopté les 15-16 juin
2012, la Commission de Venise
a conclu qu’on ne pouvait pas dire
que la procédure suivie ait violé la Constitution belge ou les normes
internationales, même si plus de transparence aurait été souhaitable
par le biais d’une procédure formelle plus longue garantissant un
débat approprié.
26. Dans sa recommandation
du 15 octobre 2014, le Congrès des
pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe s’est félicité
de l’entrée en vigueur de la sixième réforme de l’Etat. Il a considéré
que les fondements constitutionnel et législatif de l’autonomie
locale étaient pleinement respectés dans l’ensemble du pays et que
la portée de l’autonomie était d’une manière générale conforme aux
engagements. Le Congrès a invité les autorités à renforcer les procédures
de consultation des communautés et des régions et encouragé les
autorités communautaires et régionales à accorder une attention
particulière à la situation financière des communes et des provinces,
en veillant à ce que celles-ci bénéficient de ressources financières
diversifiées et suffisantes.
27. Trois élections – européennes, fédérales et régionales – se
sont tenues simultanément, le 25 mai 2014. Les stratégies régionales
ont joué un rôle important dans la formation de la nouvelle coalition
fédérale qui a pris ses fonctions après trois mois de négociation.
Le nouveau gouvernement fédéral de centre-droit, conduit par le
francophone libéral Charles Michel, a pris ses fonctions 139 jours
après les élections fédérales. Il est composé d’un parti francophone
libéral, le Mouvement Réformateur (MR), et de trois partis flamands:
Open Vlaamse Liberalen en Democraten (Open Vld, libéral), Christen-Democratisch
en Vlaams (CD&V, chrétien-démocrate) et Nieuw-Vlaamse Alliantie
(N-VA, parti nationaliste flamand). Pour la première fois depuis
1988, le Parti socialiste francophone ne fait pas partie du gouvernement
de coalition.
N-VA – qui a renforcé sa position de premier parti politique
au parlement – fait partie de la nouvelle coalition. Depuis les
élections de mai 2014, le Centre démocrate humaniste (cdH) ne fait
plus partie du gouvernement fédéral.
28. Dans un programme de la coalition de 207 pages, le gouvernement
annonce un ensemble de réformes sur les fronts financier, social
et économique. D’après les partis de la coalition, ce programme
s’appuie sur un fort consensus commun, crucial pour la mise en œuvre
des politiques en question. Ils y voient un changement majeur par
rapport au passé: selon eux, la nouvelle structure politique permettra
la mise en œuvre effective des réformes.
29. La Belgique a été gravement éprouvée par la crise économique
mondiale. Le gouvernement de coalition s’est engagé à réduire son
déficit public, conformément aux obligations de l’Union européenne,
et à rééquilibrer le budget d’ici à 2018. Les plus vives critiques
sont venues de l’opposition et des syndicats. Fin 2014, les syndicats
belges ont entamé un mois de grèves tournantes dans les différents
secteurs pour protester contre les nouvelles mesures d’austérité
du gouvernement et appelé à une grève générale mi-décembre 2014.
Début 2015, ils ont engagé une nouvelle action contre le gouvernement
pour protester contre les mesures d’austérité.
30. Le gouvernement de coalition est confronté à divers défis
dus à la complexité de la situation institutionnelle, politique
et économique du pays. Le programme de consolidation budgétaire
du gouvernement se heurte à une forte résistance du côté de l’opposition
socialiste et des syndicats. Bien que la coalition dispose de 85
sièges sur 150 à la chambre basse du parlement, elle n’y compte
que 20 députés francophones sur 63. De plus, la représentation politique
au gouvernement fédéral est radicalement différente de la représentation au
niveau régional dans la partie francophone du pays, ce qui risque
d’entraîner des tensions politiques et créer un contexte difficile
pour la mise en œuvre de réformes importantes.
31. Le Premier ministre n’est en outre pas le leader du principal
partenaire de la coalition. Le gouvernement doit également faire
face à une opposition politique forte (et généralement unie) à la
Chambre des représentants. Pourtant, les membres du gouvernement
de coalition ne pensent pas, semble-t-il, que cette instabilité
subjective et cette opposition puissent entraver la mise en œuvre
des politiques gouvernementales.
32. L’annonce du Premier ministre d’un plan de douze points pour
lutter contre le terrorisme et le radicalisme après les attentats
de Paris et l’opération antiterroriste menée par la police belge
le 15 janvier 2015 ont ajouté aux tensions au sein de la coalition
au pouvoir.
4. Droits de l’homme et libertés
fondamentales
33. Au lendemain des attentats
de Paris et du démantèlement d’une cellule terroriste en Belgique,
le gouvernement belge a annoncé douze mesures pour améliorer l’efficacité
de la lutte contre la radicalisation et le terrorisme, notamment:
l’extension de l’utilisation des méthodes particulières de recherche;
l’élargissement des possibilités de retrait de la nationalité; le
retrait temporaire de la carte d’identité, le refus de délivrance
d’un passeport, les saisies des biens; l’échange d’informations
et le renforcement de la capacité d’analyse de la Sûreté de l’Etat;
la lutte contre la radicalisation dans les prisons; le recours à
l’armée pour des missions spécifiques de surveillance. La Ligue
des droits de l’homme a alors fait part de ses préoccupations quant
aux mesures préconisées
et rappelé que les principes de
nécessité et de proportionnalité devaient être appliqués de manière
à garantir que les libertés fondamentales ne soient pas les victimes
collatérales de la légitime lutte contre le terrorisme.
34. Vu la structure constitutionnelle de la Belgique, où l’exercice
des compétences d’Etat est réparti entre l’Etat fédéral, les communautés
et les régions, une coordination entre les entités fédérales et
fédérées est essentielle pour protéger les droits de l’homme.
35. La Commission européenne contre le racisme et l’intolérance
(ECRI) s’est félicitée des progrès accomplis dans le domaine de
la lutte contre la discrimination dans son plus récent rapport
publié en février 2014. Toutefois,
elle recense aussi plusieurs sujets de préoccupation, notamment
l’application problématique de la législation antidiscrimination
dans certains domaines et certains aspects discutables des programmes d’intégration.
36. D’une part, le rapport de l’ECRI reconnaît que le Centre pour
l’égalité des chances et la lutte contre le racisme pourra agir
à tous les niveaux de l’Etat sur la base d’un accord entre les autorités
fédérales et les entités fédérées. Le processus législatif de transformation
du Centre actuel en une institution interfédérale reste encore à
mener à terme. De nombreuses procédures judiciaires ont été engagées
contre des personnes physiques et morales incitant à la haine et
à la violence. Les organes d’autorégulation des médias sont particulièrement
actifs dans la lutte contre la diffusion de discours de haine dans
les médias. L’ECRI se félicite également du plan d’action pour lutter
contre la violence homophobe et transphobe et accompagner la législation
relative à la lutte contre la discrimination envers les personnes
LGBT.
37. D’un autre côté, comme le souligne l’ECRI, la Belgique n’a
pas encore ratifié le Protocole n° 12 à la Convention européenne
des droits de l’homme. La législation contre le racisme et la discrimination
est dispersée dans plusieurs lois au niveau fédéral et des entités
fédérées et l’application de la loi demeure problématique. Les données
sur le discours de haine et la violence raciste sont trop fragmentaires
pour donner une idée globale de la situation dans le pays. Les groupes
ethniques et religieux, en particulier les musulmans, continuent
d’être confrontés à la discrimination. Bien que les autorités aient
pris des mesures ces dernières années, la Belgique manque encore
de sites de transit correctement équipés pour les Gens du voyage.
Malgré des dispositions spécifiques de la législation, il n’existe
pas d’organe indépendant compétent pour les discriminations au motif
de la langue. La situation relative au discours de haine sur internet
est extrêmement préoccupante et la Belgique n’a pas encore ratifié
le protocole additionnel à la Convention sur la cybercriminalité,
relatif à l’incrimination d’actes de nature raciste et xénophobe
commis par le biais de systèmes informatiques.
38. Le 1er juillet 2015, l’ECRI a organisé
une table ronde en coopération avec le Centre interfédéral belge pour
l’égalité des chances, afin d’examiner les suites données aux recommandations
contenues dans le rapport de l’ECRI. Lorsqu’elles seront disponibles,
les conclusions de cette table ronde seront utiles pour évaluer
le degré de mise en œuvre des recommandations et pour veiller à
ce qu’il leur soit dûment donné suite.
39. Les autorités belges ont engagé d’importantes mesures pour
prévenir et combattre la traite des êtres humains conformément à
la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite
des êtres humains. En particulier, sur la base des constats du GRETA
(Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains),
la Recommandation CP(2013)8
du Comité
des Parties salue les mesures suivantes: «un cadre juridique et
politique a été établi; des structures spécialisées de lutte contre
la traite ont été créées; des efforts ont été déployés pour sensibiliser
les professionnels; une approche coordonnée et multidisciplinaire
a été appliquée à l’égard des victimes; des efforts importants ont
été déployés pour mener des enquêtes proactives».
40. Sur la base de la recommandation du Comité des Parties, les
autorités devront prendre de nouvelles mesures pour améliorer la
mise en œuvre de la Convention sur la lutte contre la traite des
êtres humains, en particulier: «accorder davantage d’attention à
la question de la lutte contre la traite des enfants; s’assurer
que l’assistance fournie aux victimes de la traite est adaptée à
leurs besoins spécifiques; systématiquement informer les victimes
de la possibilité de disposer d’un délai de rétablissement et de
réflexion; s’assurer qu’il existe un dispositif d’assistance au
rapatriement adapté pour toutes les victimes de la traite; continuer
les efforts dans le domaine des poursuites des trafiquants». Le
Comité des Parties attend du gouvernement qu’il rende compte des
mesures prises d’ici au 7 octobre 2015.
41. Les organes du Conseil de l’Europe soulèvent depuis des années
un problème sans qu’aucune amélioration notable n’ait jamais été
apportée: le Commissaire aux droits de l’homme, le Comité européen
pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains
ou dégradants (CPT) et la Cour européenne des droits de l’homme
(«la Cour») ont critiqué à plusieurs reprises l’incapacité de la
Belgique à traiter correctement les détenus présentant des troubles
mentaux
.
Des requérants ont allégué avoir été maintenus pendant une période
prolongée dans des institutions qui ne proposent pas les soins et
l’aide que leur état psychiatrique exige, par exemple des unités
psychiatriques d’établissements pénitentiaires (violation de l’article 5.1
de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5,
«la Convention») dans toutes les affaires; violation de l’article 3
dans certaines affaires
).
Dans plusieurs affaires
, la Cour
a également conclu à l’absence de voie de recours effectif permettant
de contester les conditions de détention (violations de l’article 5.1
de la Convention).
42. Les autorités belges ont présenté un plan d’action révisé
pour l’exécution de ces arrêts les 10 février 2014 et 10 juin 2014,
après que huit nouveaux arrêts définitifs ont rejoint ces groupes
d’affaires
.
Concernant les violations de l’article 5.1 et de l’article 3 de
la Convention, le plan d’action révisé indique notamment que le ministère
fédéral de la Santé et le ministère fédéral de la Justice s’emploient
à cartographier la population des personnes internées, l’offre de
soins et des besoins en la matière. De plus, les autorités ont engagé
une réflexion sur les moyens d’améliorer la prise en charge médicale
des personnes internées et ont indiqué avoir adopté, le 5 mai 2014,
une nouvelle loi sur l’internement. Concernant les violations de
l’article 5.4 de la Convention, elles ont indiqué que de récentes
décisions judiciaires démontrent qu’il existe en Belgique des voies
de recours effectif pour les personnes internées.
43. Le problème structurel persiste néanmoins et des efforts restent
nécessaires. Cette question a fait l’objet de plusieurs articles
dans les médias ces derniers mois,
alors que plusieurs détenus atteints de troubles mentaux en Belgique
ont demandé à être euthanasiés faute de recevoir des soins médicaux
adaptés dans les établissements pénitentiaires. Ces événements soulèvent
des questions importantes concernant le recours à l’euthanasie,
à la lumière des discussions au sein de l’Assemblée parlementaire
ces dernières années
.
44. La Cour européenne des droits de l’homme a évalué dans plusieurs
arrêts la conformité de la procédure belge avec les normes internationales
lorsque des décisions en matière d’immigration peuvent porter atteinte aux
droits de l’homme. La Cour constitutionnelle belge et la Cour européenne
des droits de l’homme sont parvenues à la conclusion que l’effectivité
des recours prévus par le cadre belge régissant les litiges en matière d’immigration
était insuffisante lorsque des plaintes pour violation des droits
de l’homme sont présentées
. Dans sa Résolution CM/ResDH(2014)272
sur l’exécution de l’arrêt
M.S.S. contre
Belgique et Grèce, le Comité des Ministres a clos en
décembre 2014 l’examen à l’égard de la Belgique, compte tenu des
mesures prises pour donner suite au constat par la Cour d’une violation
de l’article 13 de la Convention. La question de savoir si les demandeurs
d’asile ont accès à des voies de recours avec effet suspensif automatique
uniquement dans les cas où ils sont privés de leur liberté reste
néanmoins en suspens.
45. S’agissant de la rétention des demandeurs d’asile, le Comité
contre la torture des Nations Unies a recommandé à l’Etat Partie,
dans ses Observations finales concernant le troisième rapport périodique
de la Belgique
, de veiller à ce que l’on ne recoure
à la détention des demandeurs d’asile qu’en dernier ressort et, lorsqu’elle
est nécessaire, pour une période aussi courte que possible et sans
restrictions excessives. En 2013, les autorités ont augmenté le
nombre de places dans les centres d’accueil pour demandeurs d’asile. Cependant,
selon Amnesty International, le nombre de places reste insuffisant
et les familles migrantes sans-papiers n’y ont toujours pas accès
. Il convient de rappeler que les
autorités belges ont pris diverses mesures au fil des ans pour adapter
l’ancienne politique de rétention des mineurs accompagnés et non
accompagnés. L’Assemblée a constaté avec satisfaction, dans sa
Résolution 2020 (2014), que la Belgique avait pris des mesures pour mettre
fin au placement d’enfants migrants en rétention.
46. Dans l’affaire
Trabelsi c. Belgique , la Belgique a enfreint
la mesure provisoire (article 39 du règlement de la Cour) adoptée
par la Cour européenne des droits de l’homme en extradant un ressortissant
tunisien de la Belgique vers les Etats-Unis où il était poursuivi
pour actes de terrorisme et encourait une peine de réclusion à perpétuité.
La Cour a constaté que la Belgique n’avait pas respecté les obligations
qui lui incombaient au regard de l’article 34 de la Convention.
De plus, l’inobservation par l’Etat belge du sursis à extradition
indiqué par la Cour a amoindri de manière irréversible le niveau
de protection des droits garantis par l’article 3 et a entravé le
droit de recours individuel du requérant.
47. Au vu de ce qui précède, il importe que le Parlement belge
s’associe aux efforts déployés pour faire progresser l’exécution
des arrêts de la Cour. Pour cela, il devrait charger une commission
d’analyser la mise en œuvre de la Convention et de la jurisprudence
de la Cour au niveau national, comme recommandé par la Présidente
de l’Assemblée parlementaire, Anne Brasseur, lors de sa dernière
visite en Belgique.
48. Le Comité européen des Droits sociaux a conclu à la violation
par la Belgique de la Charte sociale européenne concernant le châtiment
corporel des enfants. Dans une décision publiée en mai 2015, il
a conclu que le châtiment corporel des enfants n’était pas interdit
de manière suffisamment claire, contraignante et précise dans la
législation et la jurisprudence de la Belgique; il a aussi souligné
qu’il avait à plusieurs reprises constaté que la situation n’était
pas conforme à l’article 17 de la Charte (Conclusions 2011)
.
49. La protection et la promotion des droits de l’homme en Belgique
ne soulèvent aucune autre question spécifique.
5. Etat de droit
50. Les organes de suivi du Conseil
de l’Europe soulèvent depuis des années le problème de la surpopulation
carcérale et des conditions de détention dans les prisons belges
. Dans un arrêt récent (affaire
Vasilescu c. Belgique ), la Cour européenne des droits de l’homme
a déclaré qu’il y avait eu violation de l’article 3 de la Convention
(interdiction des traitements inhumains ou dégradants) s’agissant
des conditions matérielles de détention. Elle a constaté que les
problèmes découlant de la surpopulation carcérale en Belgique ainsi
que les problèmes d’hygiène et de vétusté des établissements revêtaient
un caractère structurel.
51. Dans ce contexte, la Cour a recommandé à la Belgique d’envisager
l’adoption de mesures générales afin de garantir aux détenus des
conditions de détention conformes à l’article 3 de la Convention
et d’ouvrir aux détenus un recours effectif aux fins d’empêcher
la continuation d’une violation alléguée ou de leur permettre d’obtenir
une amélioration de ses conditions de détention. Il convient de
noter que, dans son accord de gouvernement du 10 octobre 2014, le
gouvernement a prévu d’élaborer une nouvelle politique pénitentiaire, avec
notamment des mesures pour lutter contre la surpopulation carcérale
et des infrastructures adaptées pour la prise en charge des internés.
52. La perception de la corruption est à un niveau relativement
bas, inférieure à la moyenne de l’Union européenne. La corruption
ordinaire semble relativement rare. Pourtant, la corruption reste
problématique en Belgique, où la situation est loin d’être satisfaisante.
Le cadre juridique pour lutter contre la corruption est, dans une
large mesure, en place, mais plusieurs recommandations du Groupe
d’Etats contre la corruption (GRECO) sur le droit pénal et le financement
des partis restent non mises en œuvre ou partiellement mises en
œuvre. Dans le cadre de son troisième cycle d’évaluation, le GRECO
a publié un troisième rapport de conformité intérimaire
en mars 2015, dans lequel il
a reconnu les progrès réalisés par la Belgique grâce à la pleine
mise en œuvre de trois recommandations et à la mise en œuvre partielle
de neuf recommandations, sur les quinze qui figurent dans le rapport
d’évaluation. Le GRECO a conclu que le niveau de conformité n’était
plus «globalement insuffisant» au sens de l’article 31, paragraphe 8.3
du Règlement intérieur et décidé de ne plus continuer à appliquer
l’article 32 concernant les membres jugés en non-conformité avec
les recommandations contenues dans le rapport d’évaluation. Il a
réitéré encore une fois son appel à la Belgique à poursuivre avec davantage
de détermination la mise en œuvre des diverses recommandations en
suspens.
53. Le GRECO a regretté qu’une seule recommandation concernant
le financement politique (thème II) ait été entièrement mise en
œuvre. Il a noté que des amendements introduits en janvier 2014
avaient eu des effets positifs sur la transparence et le contrôle
du financement politique, mais que dans l’ensemble ces avancées étaient
limitées. Par exemple, la Belgique a pris des mesures pour assurer
l’application de la réglementation également aux partis politiques
qui ne bénéficient pas d’aides publiques au niveau fédéral, pour
renforcer le dispositif de supervision ou encore mettre en place
un éventail plus large, plus proportionné et plus efficace de sanctions.
Cependant, la nouvelle réglementation sur les soutiens de personnes
morales qui tombent sous la définition du sponsoring reste problématique.
Des mesures restent aussi à prendre concernant les entités fédérées
et leur réglementation.
54. En ce qui concerne le thème I (incriminations), aucune avancée
concrète n’est à signaler au niveau ministériel fédéral, en particulier
pour la mise en œuvre de la recommandation qui appelle à combler
un vide juridique laissé par la suppression d’une réserve à la Convention
pénale sur la corruption.
55. Le GRECO a demandé aux autorités de rendre compte, d’ici au
31 juillet 2015, des mesures prises pour la mise en œuvre des recommandations
du troisième cycle d’évaluation non encore appliquées.
56. Dans son rapport d’évaluation du quatrième cycle, le GRECO
reconnaît que la justice
est globalement bien perçue par le public. La justice belge apparaît
autonome et décentralisée.
57. Les autorités judiciaires et le parquet belges sont confrontés
à des manques de moyens et en personnel. Il n’existe pas de système
général pour évaluer le fonctionnement des tribunaux. Le Conseil
supérieur de la justice devrait renforcer son rôle d’audit et la
fonction managériale dans les tribunaux et le ministère public devrait
être développée. L’un des problèmes soulevés par le GRECO est le
recours accru à des magistrats «de renfort», qui peuvent représenter
la moitié des effectifs d’une juridiction, du fait de budgets limités
dans la justice.
58. Comme le GRECO le souligne dans son rapport, une justice avec
le plus haut niveau d’intégrité est une exigence qui concerne tous
les tribunaux, y compris en matière de contentieux administratif.
Or, à ce jour, l’organisation de la justice administrative reste
inachevée. Les mesures de prévention visant à lutter contre la corruption
dans les institutions judiciaires doivent être renforcées.
59. Depuis la publication du rapport du GRECO, une réforme du
système judiciaire, comprenant une réorganisation géographique et
une plus grande mobilité, est entrée en vigueur, en avril 2014.
Le 18 mars 2015, le ministère de la Justice a présenté son Plan
d’action pour la Justice (Plan Justice) au Parlement belge, annonçant
des réformes des procédures pénales et civiles ainsi qu’une réorganisation
du système judiciaire. Dans ce cadre, le Conseil des ministres a
examiné en première lecture, le 25 juin 2015, le projet de loi intitulé «pot-pourri II»
(droit pénal et procédure pénale), tandis que le projet de loi intitulé
«pot-pourri I» (procédure civile) a été approuvé en seconde lecture
par le Conseil des ministres et est prêt à être présenté au Parlement.
60. Concernant les mesures de prévention visant à combattre la
corruption au sein des institutions parlementaires, le GRECO a pris
note de l’adoption d’un Code de déontologie et de la création d’une Commission
fédérale de déontologie, ainsi que la mise en place de dispositifs
préventifs parmi lesquels un régime de déclaration des dons, mandats,
fonctions et patrimoine pour les élus fédéraux.
61. Cependant, la réglementation souffre d’un manque d’effectivité
et apparaît parfois inutilement complexe. Le GRECO recommande donc
de s’assurer qu’une réglementation plus cohérente et effective soit
mise en place, notamment en matière de cadeaux et autres gratifications,
et de gestion des relations avec les tiers tels que les lobbies
qui cherchent à influencer le processus parlementaire. En outre,
le régime des déclarations doit être révisé de façon à inclure clairement
les revenus et une estimation de la valeur du patrimoine des membres du
parlement, et à rendre ces informations publiques et facilement
accessibles.
62. Le GRECO a invité les autorités belges à soumettre un rapport
sur les mesures prises pour mettre en œuvre les recommandations
de son quatrième cycle d’évaluation au plus tard le 30 septembre
2015, pour examen dans le cadre de sa procédure de conformité spécifique.
63. L’Etat de droit en Belgique ne soulève aucune autre question
spécifique.
6. Conclusions
et recommandations
64. Dans l’ensemble, la Belgique
a respecté ses obligations d’Etat membre du Conseil de l’Europe
au cours de la période considérée.
65. Ces dernières années, le gouvernement fédéral belge a fréquemment
été confronté à une instabilité politique, marquée par des tensions
entre les deux principales communautés linguistiques, ce qui a empêché la
constitution de gouvernements ou provoqué leur chute. La scène politique
belge s’est déchirée entre, d’un côté, les valeurs communes d’identité
et de diversité dans la cohésion et, de l’autre, les aspirations
à la partition d’un pays marqué par les clivages linguistiques,
ce qui a nui au fonctionnement des structures de l’Etat. La récente
Sixième Réforme de l’Etat, toujours en cours, vise à trouver un
consensus politique, à réaliser un Etat fédéral plus efficient et
à donner une plus grande autonomie aux entités fédérées. D’autres
mesures sont nécessaires pour garantir le fonctionnement des structures
de l’Etat en tenant compte des spécificités du pays. Il est important
que la Belgique poursuive les réformes, sur la base d’un véritable
débat et de processus transparents, de manière à favoriser la stabilité
politique par la coopération et la cohabitation entre les communautés.
66. Concernant le racisme et l’intolérance, la Belgique a connu
une évolution positive, des progrès ayant été réalisés dans plusieurs
domaines. Les questions encore en suspens devront être réglées à
la lumière des conclusions de la table ronde organisée récemment
par l’ECRI en coopération avec le Centre interfédéral belge pour
l’égalité des chances.
67. La Belgique a pris des mesures concernant le cadre régissant
les litiges en matière d’immigration, afin de remédier à l’absence
d’un niveau nécessaire de recours effectif en cas de privation de
liberté pour les demandeurs d’asile. Des mesures doivent encore
être prises pour régler le problème de la rétention des demandeurs
d’asile et pour garantir l’accès aux centres d’accueil. Il est important
de noter que l’ancienne politique de rétention pour les mineurs
accompagnés et non accompagnés a été adaptée de manière à mettre fin
à la rétention d’enfants migrants.
68. La ratification en 2013 de la Convention sur la protection
des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels et de la Convention
européenne en matière d’adoption des enfants (révisée) est une preuve
de plus de l’engagement de la Belgique en faveur de la protection
des droits de l’enfant.
69. Bien que les autorités aient pris un certain nombre de mesures
dans le cadre de la mise en œuvre des recommandations du GRECO au
titre du troisième cycle d’évaluation, elles doivent accentuer leurs
efforts pour la mise en œuvre des diverses recommandations non encore
respectées. L’évaluation de la mise en œuvre de la recommandation
du quatrième cycle se fera dans le cadre de la procédure de conformité
spécifique.
70. La surpopulation carcérale et les conditions de détention
dans les prisons de Belgique demeurent un problème structurel qui
doit être résolu de toute urgence afin de garantir aux prisonniers
des conditions de détention compatibles avec l’article 3 de la Convention
et de leur donner accès à un recours effectif. L’incapacité à traiter
convenablement les détenus atteints de troubles mentaux est un problème
ancien en Belgique. Les autorités ont pris des mesures à cet égard,
mais le problème structurel subsiste et des efforts supplémentaires
sont nécessaires.
71. Il est indispensable que la Belgique se conforme aux mesures
provisoires (article 39 du Règlement de la Cour) édictées par la
Cour européenne des droits de l’homme, dans le plein respect de
ses obligations au titre de l’article 34 de la Convention. Il est
important que le Parlement belge s’associe aux efforts visant à promouvoir
l’exécution des arrêts de la Cour, en désignant une commission chargée
d’examiner la mise en œuvre de la Convention et de la jurisprudence
de la Cour au niveau national.
72. La Belgique n’a pas signé/ratifié à ce jour certaines conventions
du Conseil de l’Europe. Sur la base notamment des conclusions des
principaux mécanismes de suivi, la Belgique devrait être encouragée,
entre autres:
72.1. à ratifier le
Protocole n° 12 à la Convention européenne des droits de l’homme;
72.2. à ratifier la Convention du Conseil de l’Europe sur la
prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et
la violence domestique;
72.3. à ratifier le Protocole additionnel à la Convention sur
la cybercriminalité, relatif à l’incrimination d’actes de nature
raciste et xénophobe commis par le biais de systèmes informatiques;
72.4. à ratifier la Convention-cadre pour la protection des
minorités nationales.
73. Concernant la surpopulation carcérale et les conditions de
détention, y compris celles des prisonniers atteints de troubles
mentaux, la Belgique devrait adopter sans délai des mesures générales
telles que celles qu’ont recommandées la Cour européenne des droits
de l’homme et le Comité des Ministres dans l’affaire Vasilescu c. Belgique et le groupe d’affaires L.B. c. Belgique.
74. A la lumière des conclusions des mécanismes de suivi des principales
conventions du Conseil de l’Europe, plusieurs autres points posent
problème et devraient recevoir l’attention des autorités avant le prochain
examen périodique. La commission recommande par conséquent que les
autorités:
74.1. poursuivent les
efforts sur les questions relatives au racisme et à l’intolérance
et continuent de mettre en œuvre les recommandations de l’ECRI;
74.2. continuent de mettre en œuvre les recommandations du Congrès
des pouvoirs locaux et régionaux sur la situation de la démocratie
locale et régionale en Belgique;
74.3. continuent de mettre en œuvre les recommandations du GRECO
non encore appliquées, en tenant compte des conclusions de ses rapports
d’évaluation et de conformité existants et à venir.
74.4. prennent d’autres mesures pour améliorer la mise en œuvre
de la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains,
sur la base des recommandations formulées par le GRETA et le Comité
des Parties pour combattre la traite des êtres humains.