1. Introduction
1. La Croatie, qui compte 4,4
millions d’habitants, est membre du Conseil de l’Europe depuis le 6 novembre
1996. Elle a été soumise à la procédure de suivi jusqu’en 2000.
En 2003, compte tenu des progrès réalisés, le Bureau de l’Assemblée,
sur proposition du président de la Commission de suivi, a décidé
de clore le dialogue postsuivi, qui portait notamment sur l’exécution
de toutes les décisions de justice, les droits des minorités, la
liberté d’expression, l’application pleine, entière et non discriminatoire,
aux niveaux national et local, des lois concernant l’accès à l’aide
à la reconstruction, la restitution des biens afin d’encourager
un retour durable et d’améliorer la réconciliation interethnique,
la mise en œuvre rapide et souple de la loi sur la citoyenneté,
l’application transparente de la loi d’amnistie, le jugement impartial
des crimes de guerre et la nécessité de faire en sorte qu’une aide
financière internationale soit accordée à la Croatie pour qu’elle
puisse prendre en charge le fardeau économique de la reconstruction
et du développement durable
.
2. La Croatie est une démocratie parlementaire monocamérale.
Le Parlement croate (
Sabor)
compte 151 membres, qui sont élus pour un mandat de quatre ans au
scrutin proportionnel mené dans 10 circonscriptions géographiques
disposant chacune de 14 sièges parlementaires à pourvoir. De plus,
il existe une circonscription pour les minorités nationales (huit
sièges sont réservés aux minorités ethniques
)
et une pour la diaspora.
3. Les élections législatives les plus récentes ont eu lieu en
2011 et le taux de participation s’est élevé à 54,32 %. La coalition
dirigée par le Parti social-démocrate KUKURIKU (qui comprenait le
SDP, le Parti populaire croate (HNS), le Parti des retraités croates
(HSU) et l’Assemblée démocratique d’Istrie (IDS)) a remporté 80
sièges. La coalition dirigée par l’Union démocratique croate (HDZ),
qui comprenait le HDZ, le Centre démocratique (DC) et le Parti civique
croate (HGS) a obtenu 47 sièges. Le reste est allé aux petits partis.
Huit membres représentant les minorités ethniques ont annoncé qu’ils
soutiendraient la coalition KUKURIKU
. Les femmes représentent 25 % des
parlementaires. Les prochaines élections législatives se tiendront
en 2016.
4. Le 11 janvier 2015, Mme Kolinda
Grabar-Kitarović, de l’Union démocratique croate (HDZ), a été la première
femme élue Présidente de la République, avec une marge étroite.
Elle a en effet recueilli 50,74 % des voix, tandis que M. Ivo Josipović,
du Parti social-démocrate (SDP) a obtenu 49,26 % (avec un taux de participation
de 59,05 %). Mme Grabar-Kitarović a rassemblé
environ 32 000 voix supplémentaires, en particulier celles de la
diaspora en Bosnie-Herzégovine, où elle a obtenu 33 737 voix contre
3 391 voix seulement pour M. Josipović.
5. La Croatie traverse désormais une période de «cohabitation»
politique, avec une Présidente de droite et un gouvernement de gauche,
ce qui suscite des tensions politiques
,
en particulier en ce qui concerne la situation économique actuelle
et les politiques à suivre. La Présidente a déclaré que le Premier
ministre devrait démissionner. Elle a également évoqué la tenue
éventuelle d’élections anticipées si le gouvernement ne proposait
pas de remèdes à la difficile situation économique du pays. Le 27
février 2015, à la suite de la dégradation des indicateurs économiques,
la Commission européenne a décidé d’activer les procédures pour déséquilibre
excessif
et de soumettre la Croatie à une
procédure de surveillance stricte à cet égard.
6. Lors du référendum organisé le 22 janvier 2012, 66,27 % des
électeurs ont voté en faveur de l’adhésion à l’Union européenne.
Le 1er juillet 2013, la Croatie est devenue
le premier pays de l’Europe du Sud-Est à devenir membre de l’Union
européenne. Dans le même temps, la Croatie continue d’œuvrer à un
processus de réconciliation régionale, à l’occasion duquel resurgissent
souvent les blessures du passé. Dans le discours qu’elle a prononcé
le jour de sa victoire, la Présidente Grabar-Kitarović a déclaré
qu’elle se battrait pour améliorer les droits des minorités en Croatie,
qu’elle s’efforcerait d’obtenir «la même approche pour les Croates»
dans la région
et
qu’elle s’emploierait à résoudre les questions en suspens avec les
pays voisins, qu’elle a invités à faire de même
. Sa visite en Bosnie-Herzégovine
le 3 mars 2015 a également été suivie avec une grande attention,
car elle avait pris position en faveur des aspirations européennes
de la Bosnie-Herzégovine mais aussi de la création d’une entité
croate séparée.
7. Le présent rapport périodique a été rédigé en application
de la
Résolution 2018
(2014) et conformément à la note explicative approuvée par
la commission le 17 mars 2015
. Il a été examiné au niveau
de la commission le 17 mars 2015 et le 3 septembre 2015 en tenant
compte des observations apportées par la délégation croate, que
je remercie chaleureusement de sa précieuse contribution, et présentées
conjointement par deux membres de la commission, M. Gvozden Srećko Flego,
chef de la délégation (pour la majorité) et M. Frano Matusić (pour
l’opposition)
. Ce rapport examinera les difficultés
rencontrées par la Croatie dans le domaine de l’Etat de droit, de
la démocratie et des droits de l’homme, sur la base, entre autre,
des constats et des conclusions les plus récents des mécanismes
de suivi du Conseil de l’Europe, des rapports de l’Assemblée parlementaire
et du Commissaire aux droits de l’homme et, le cas échéant, des
rapports établis par d’autres instances internationales, des représentants
de la société civile et des ONG. Compte tenu de l’histoire récente de
la Croatie et des conséquences de la guerre de 1991-1995, qui ont
encore une incidence sur la politique intérieure, j’ai décidé d’inclure,
dans la section sur l’Etat de droit, une section particulière sur
la justice transitionnelle.
2. Etat de droit
2.1. Justice transitionnelle:
développements récents et difficultés subsistantes
8. L’histoire contemporaine est
encore marquée par l’héritage du passé et les conséquences du conflit yougoslave
qui a affecté la Croatie de 1991 à 1995. La justice d’après-guerre
continue d’être une question épineuse au niveau national. La mise
en liberté provisoire, le 12 novembre 2014, pour des raisons de
santé, de M. Šešelj, un chef du Parti radical serbe accusé de crimes
de guerre et de crimes contre l’humanité pendant la guerre de Yougoslavie
par le Tribunal pénal international (TPIY), ainsi que ses propos
incendiaires après sa libération, ont suscité de nombreuses réactions
dans la région, y compris en Croatie
. Le 26 février 2015, le TPIY a refusé
de libérer, pour les mêmes motifs, Goran Hadzić, président de la
«Région autonome serbe de la Slavonie, de la Baranja et du Srem
occidental» autoproclamée et par la suite président de la «République serbe
de Krajina» autoproclamée. M. Hadzić est mis en cause pour 14 chefs
d’accusation de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité
liés à sa participation présumée à l’enlèvement forcé et l’assassinat
de milliers de civils croates entre 1991 et 1993. Le 30 mars 2015,
les juges de la Chambre d’appel du TPIY ont estimé que M. Šešelj
avait violé les conditions de sa mise en liberté et ont ordonné
son retour au quartier pénitentiaire du TPIY, auquel il s’est pour
l’instant soustrait.
9. Dans son arrêt du 3 février 2015
, la Cour internationale
de Justice (CIJ) a rejeté les allégations de génocide déposées par
la Croatie et la Serbie
tout en reconnaissant que des atrocités
avaient été commises par les deux parties.
10. En ce qui concerne le traitement des affaires d’après-guerre
au niveau national, comme l’a rappelé l’Assemblée en 2013
, il y a toujours
un certain nombre d’arrêts marquants de la Cour européenne des droits de
l’homme constatant l’absence d’enquête effective et indépendante
sur des crimes commis pendant la guerre de 1991-1995
et, comme cela a été confirmé dans plusieurs
affaires, dont l’exécution fait l’objet de la surveillance du Comité
des Ministres du Conseil de l’Europe. Je souhaiterais revenir sur
trois affaires traitées récemment, qui ont nécessité l’adoption
de mesures générales, comme l’a précisé le Comité des Ministres,
qui contrôle l’exécution de ces affaires de référence:
10.1. Récemment, le 12 juin 2014,
la Cour européenne des droits de l’homme a estimé, dans l’affaire
Jelić
c. Croatie , que l’article 2 de la Convention
avait été violé par la Croatie en l’absence d’enquête adéquate sur
la mort d’un Croate d’origine serbe qui avait été arrêté pendant
la guerre en Croatie en novembre 1991 dans la région de Sisak, avant
d’être tué par le police croate. Cette affaire, considérée comme
répétitive, a été placée sous surveillance soutenue, en lien avec
l’affaire de référence
Skendzic et
Krznaric c. Croatie ,
pour laquelle il a été demandé à la Croatie de prendre des mesures
générales:
- en septembre 2014,
le Comité des Ministres a noté avec intérêt les modifications apportées
au Code de procédure pénale pour garantir que les enquêtes sur les
crimes de guerre soient conclues rapidement.
- il attendait en outre de plus amples informations sur
le contenu des projets de modifications de la législation visant
à assurer l’indépendance des enquêtes sur les crimes de guerre et
la fixation du calendrier d’adoption de ces mesures.
- compte tenu des nombreuses enquêtes en cours sur les crimes
de guerre au niveau national et du risque de nouvelles saisines
de la Cour, le Comité des Ministres a également invité instamment
les autorités croates à intensifier leurs efforts en vue d’accélérer
les progrès et de mener à bien ces enquêtes, conformément aux normes
pertinentes de la Convention .
10.2. En 2014, la Cour a entamé un dialogue avec le gouvernement
concernant 27 affaires soumises par des requérants qui considéraient
que leur droit à la vie avait été violé par l’incapacité de l’Etat
à mener des enquêtes effectives sur le meurtre ou la disparition
de leurs proches
. Par ailleurs, je constate
que la Cour, dans plusieurs affaires, qu’il n’y avait pas eu violation
de l’article 2
.
10.3. Le 27 mai 2014, la Cour a statué sur l’affaire
Marguš c. Croatie, dans laquelle
M. Marguš, qui avait bénéficié de la loi d’amnistie générale de
1997, s’est plaint d’être traduit deux fois devant la justice pour
les mêmes chefs d’accusation. La Cour a fondé son raisonnement sur
un large éventail de sources internationales émanant de plusieurs
conventions, organismes et juridictions internationales, dont la Cour
pénale internationale et la Cour interaméricaine des droits de l’homme
. Elle a rappelé avoir
bien établi dans sa jurisprudence qu’octroyer l’amnistie aux auteurs
de meurtres ou de mauvais traitements de civils serait contraire
aux obligations des Etats découlant des articles 2 et 3 de la Convention,
puisque cela empêcherait d’enquêter sur de tels actes et conduirait
à accorder l’impunité à leurs auteurs, en méconnaissance de la protection
assurée par ces articles
.
La Cour a donc estimé qu’en dressant un nouvel acte d’accusation
contre M. Marguš et en le condamnant pour crimes de guerre contre
la population civile, les autorités croates avaient agi dans le
respect des obligations découlant des articles 2 et 3 de la Convention.
La Cour a déclaré à l’unanimité qu’il n’y avait pas eu violation
de l’article 6 de la Convention (droit à un procès équitable) ni
de l’article 4 du Protocole n° 7 de la Convention, qui garantissait
le droit de M. Marguš de ne pas être jugé et condamné deux fois
pour les mêmes chefs d’accusation qui avaient fait l’objet d’un
abandon de poursuites pénales par le procureur en janvier 1996
.
10.4. En mars 2014, Božo Bačelić, officier dans l’armée croate,
est devenu le premier Croate condamné par la justice nationale pour
sa participation à des crimes de guerre commis pendant l’opération
«Tempête» en 1995. En novembre 2014, un ancien membre des forces
armées croates a été mis en accusation pour des crimes commis durant
la même opération. Deux autres procès concernant des crimes de guerre
perpétrés pendant l’opération «Tempête» étaient en cours à la fin
de 2014. Au total, selon Amnesty International, huit membres de
formations militaires croates et 15 membres de formations militaires
serbes ont comparu en justice en 2014 pour leur participation présumée
à des crimes de guerre
.
11. Toutefois, la Croatie doit approfondir la question de la justice
d’après-guerre. La Cour européenne des droits de l’homme a noté
que la Croatie avait ouvert des enquêtes visant 3 436 auteurs présumés
de crimes de guerre
,
pour 13 749 victimes de guerre signalées. La Cour, dans son rapport
annuel 2014, a souligné la question des responsabilités des autorités
découlant de la Convention dans un contexte postérieur à un conflit et
à la ratification. Elle a déclaré à ce sujet: «Si l’indulgence peut
être de mise en raison des difficultés auxquelles sont confrontés
les nouveaux Etats contractants sortant d’un conflit pour ce qui
est d’établir leur capacité à mettre en place des mécanismes d’enquête
effectifs et indépendants et à traiter de nombreuses affaires de
crimes de guerre (...), ces difficultés ne peuvent à elles seules
exonérer les autorités de leurs obligations procédurales sous l’angle
de l’article 2.»
12. La Croatie a subi des destructions et des pertes de vies humaines
pendant la guerre, et la question des réparations reste ouverte.
Le 23 janvier 2013, le tribunal municipal de Knin a rendu un arrêt
exigeant de l’Etat croate qu’il indemnise les enfants des victimes
serbes tuées dans le village de Varivode après l’opération «Tempête»,
bien que les auteurs de ces actes n’aient pas été identifiés. Il
s’est donc, pour la première fois, prononcé sur un grief soulevé
de longue date et son arrêt pourrait s’appliquer à d’autres affaires
similaires
, ce qui est positif. Cependant,
Amnesty International a signalé que la Croatie n’avait toujours
pas avancé dans l’adoption d’un cadre législatif global réglementant
le statut de toutes les victimes civiles de la guerre, ainsi que leur
possibilité d’obtenir réparation. Elle a cependant souligné que
le ministère des Anciens combattants avait présenté en mars 2014
un projet de loi sur les droits des victimes de violences sexuelles
dans le cadre de la guerre pour la patrie. Si elle est adoptée,
la loi accordera aux victimes la possibilité d’obtenir un soutien psychologique
et médical, une aide juridictionnelle gratuite et une indemnisation
pécuniaire
.La loi adoptée le 29 mai
2015 dispose que «(1) le bénéficiaire peut avoir droit à une indemnisation
pécuniaire unique d’un montant de 100 000 kunas croates (HRK) ou
à une indemnisation majorée de 150 000 HRK
.
(2) Outre l’indemnisation pécuniaire ou l’indemnisation majorée
unique (…), le bénéficiaire peut également avoir droit à une indemnisation
pécuniaire mensuelle»
.
2.2. Lutte contre la corruption
et le blanchiment d’argent
13. La perception de la corruption
dans le pays reste élevée. La Croatie a pris des mesures importantes
pour la combattre en vue de sa demande d’adhésion à l’Union européenne.
En 2014, Transparency International a publié un indice de perception
de la corruption qui classe la Croatie au 61e rang
mondial sur 175 pays
, avec un score de 48. L’histoire récente
a été marquée par l’arrestation et la condamnation de personnalités politiques
de premier plan, parmi lesquels l’ex-Premier ministre Ivo Sanader
(ancien membre du HDZ), qui a été condamné à 8 ans et demi de prison
en juin 2014 par la Cour suprême de Croatie, ou le maire de la ville de
Zagreb, M. Milan Bandic (ancien membre du SDP), qui a été arrêté
en octobre 2014 pour corruption politique présumée
.
14. En juin 2014, le GRECO a publié son rapport sur le quatrième
cycle d’évaluation consacré à la «prévention de la corruption des
parlementaires, des juges et des procureurs»
.
Le GRECO a d’abord souligné les efforts importants faits par la
Croatie, qui était alors pays candidat à l’adhésion à l’Union européenne,
pour adapter et renforcer ses cadres législatifs et institutionnels
de manière à les aligner sur ceux de ses homologues de l’Union européenne,
tout en notant qu’il était désormais temps de les intégrer de façon effective
aux pratiques et à la culture de travail. Il a cependant souligné
que la confiance des citoyens croates dans leurs institutions clés
restait faible. Cette perception négative est particulièrement préoccupante
en ce qui concerne l’appareil judiciaire (voir ci-dessous) et les
responsables politiques.
15. Tout en se félicitant des mesures prises pour renforcer la
transparence du travail des parlementaires et la participation du
public au processus législatif, le GRECO a recommandé d’élaborer
une culture de prévention des conflits d’intérêts en adoptant un
code d’éthique et des mécanismes internes d’autocontrôle et de responsabilisation,
en portant une attention spéciale aux questions d’intégrité susceptibles
de se poser lorsque les députés sont en même temps maires et assument
une double fonction. Selon lui, il importe de préserver une culture
éthique au sein du parlement afin de pouvoir améliorer la confiance
des citoyens dans l’institution, et il est nécessaire d’adhérer
pleinement aux concepts de responsabilité politique et de tolérance zéro
à l’égard de la corruption. Il a encouragé le parlement à renforcer
sa propre capacité à résoudre les conflits d’intérêts réels et potentiels,
à mettre en place un mécanisme de supervision et d’application crédible
et à sanctionner ceux qui ne respectent pas les normes acceptables
de conduite éthique. Il a également recommandé que les ressources
techniques et humaines de la Commission pour la prévention des conflits d’intérêts
soient réévaluées, et que celle-ci adopte une approche plus proactive
dans son rôle de prévention auprès des parlementaires.
16. On m’a informé de l’examen du rapport du GRECO par le Parlement
croate. Par la suite, celui-ci a engagé l’élaboration d’un code
d’éthique à l’intention des parlementaires et a proposé des mesures
à prendre au niveau local
.
Le parlement a adopté le 27 février 2015 la stratégie national anti-corruption
pour la période 2015-2020. Un plan d’action est en cours d’élaboration,
en particulier pour prévenir et neutraliser les risques de corruption.
Le Conseil national de suivi de la mise en œuvre de la stratégie
anti-corruption a reconnu qu’il restait encore des progrès à faire
en matière de législation, malgré l’adoption de «normes juridiques élevées
concernant le contrôle financier des partis politiques, la prévention
des conflits d’intérêts et une nouvelle stratégie». Bien que ce
conseil ait estimé que le fonctionnement du ministère public était
satisfaisant, il a relevé que les mesures préventives l’étaient
moins, dans la mesure où des scandales occasionnels révèlent l’insuffisance
de la mise en œuvre des principes
.
17. Dans son dernier rapport, publié en janvier 2014
, le Comité d’experts sur l’évaluation
des mesures de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement
du terrorisme (MONEYVAL) a appelé la Croatie à renforcer les mesures
visant à réprimer efficacement le blanchiment de capitaux, par exemple
en augmentant le nombre de condamnations et de mesures de confiscation.
Il a souligné que la loi sur la lutte contre le blanchiment de capitaux
et le financement du terrorisme semblait globalement conforme aux
normes internationales et européennes. Le Code pénal inclut une
infraction autonome et indépendante de financement du terrorisme
en conformité avec les normes internationales. Le Comité a estimé
que l’Office de lutte contre le blanchiment de capitaux (OLBC) disposait
de ressources structurelles et opérationnelles suffisantes et adéquates
pour prévenir et détecter, en toute indépendance, le blanchiment
de capitaux et le financement du terrorisme de manière efficace
et que la Croatie disposait d’un cadre juridique bien établi pour
l’entraide et la coopération judiciaires internationales.
18. MONEYVAL a cependant suggéré quelques améliorations dans certains
domaines. Le rapport souligne que la plupart des capitaux blanchis
sont considérés comme étant d’origine intérieure. Les infractions
pénales qui ont été les principales sources de blanchiment de capitaux
étaient les infractions telles que l’abus de pouvoir et d’autorité,
l’évasion fiscale et le trafic de drogues. Le nombre peu élevé de
condamnations soulève des questions quant à l’efficacité globale
de l’incrimination du blanchiment de capitaux, compte tenu de la fréquence
des infractions génératrices de produits en Croatie (aucune procédure
autonome pour blanchiment de capitaux n’a encore été ouverte à l’encontre
de tiers blanchissant de l’argent pour le compte d’autres personnes).
Le cadre légal concernant actuellement les mesures de confiscation
et les mesures provisoires devrait être harmonisé. Le niveau de
confiscation est faible. Les autorités devraient mettre davantage
l’accent sur l’identification des biens qui pourraient être soumis
à confiscation dans des affaires liées à des infractions génératrices
de produits importants. Les procédures de contrôle de «l’aptitude
et de l’honorabilité» des personnes qui détiennent une majorité
de contrôle ou occupent des fonctions de direction dans une institution financière
doivent être étendues afin d’éviter toute possibilité d’infiltration
criminelle. MONEYVAL continuera de suivre la mise en œuvre de ses
recommandations par la Croatie, qui doit soumettre un rapport de
suivi en septembre 2015.
19. Les autorités élaborent entre-temps un plan d’action pour
prévenir le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme
. Le blanchiment reste un
grave problème; on m’a appris que les parlementaires attendent un
renforcement de la coopération avec les autres pays, en particulier
ceux qui procèdent actuellement à la levée du secret bancaire. Ils
souhaiteraient également une plus grande transparence de ces données
.
2.3. Indépendance du pouvoir
judiciaire.
20. La Croatie a fait des progrès
importants concernant l’indépendance du pouvoir judiciaire. Les
réformes qu’elle a menées ont été stimulées par la procédure d’adhésion
à l’Union européenne, et les progrès accomplis ont été salués par
la Commission européenne lorsque la Croatie a achevé les négociations
d’adhésion
. L’indépendance de
la magistrature est, dans l’ensemble, satisfaisante, ainsi que le
fonctionnement du système judiciaire. Le nombre d’affaires dans
lesquelles la Cour européenne des droits de l’homme a constaté une violation
de l’article 6 de la Convention (droit à un procès équitable) est
très faible (voir ci-dessous). La résorption de l’important arriéré
d’affaires demeure cependant un défi important, sachant notamment
que la crise économique a entraîné une hausse du nombre d’affaires
en souffrance (par exemple, procédures de faillite). Les autorités
se sont engagées à réduire cet arriéré en réorganisant les réseaux
des tribunaux et des bureaux des procureurs. Ce nouveau réseau judiciaire
sera mis en place avant la fin de 2015.
21. Dans son rapport de 2014, le GRECO a souligné la défiance
du public à l’égard de la magistrature même s’il n’existe pas d’éléments
prouvant un phénomène structurel de corruption dans le système judiciaire.
Il a indiqué qu’il était prioritaire d’élaborer des mesures en vue
de corriger l’écart de perception et de promouvoir auprès du public
les réformes tangibles mises en œuvre pour renforcer l’indépendance
et l’efficacité du système judiciaire. De même, il serait opportun
de renforcer, non seulement en droit, mais également dans la pratique,
les mécanismes disponibles pour préserver l’indépendance de la magistrature
face aux cas de diffamation motivés par des considérations politiques
et non fondés sur des faits. Il reste encore beaucoup à faire pour
améliorer les mécanismes pertinents de conseil et de responsabilisation
des juges et des procureurs, pour empêcher les risques de corruption
et dissiper les doutes quant à l’intégrité et la transparence de
la magistrature, ce qui rendraient plus facile la prévention, plus
difficile la commission et plus aisée la détection des comportements
non éthiques et pourrait en fin de compte transformer la confiance
du public dans le système judiciaire
.
22. Le GRECO a formulé des recommandations concrètes aux autorités
croates, notamment celle de revoir les procédures de sélection,
de nomination et de renouvellement du mandat du Président de la
Cour suprême et du Procureur public général afin d’accroître leur
transparence et de réduire les risques d’influence politique indue,
de prendre des mesures supplémentaires afin d’élaborer des orientations
et des conseils à l’intention des procureurs sur l’observation des
principes éthiques dans les situations concrètes, et à celle des
juges sur le respect de l’éthique et la prévention des conflits
d’intérêts. Les autorités ont été aussi invitées à poursuivre leurs
efforts visant à renforcer le contrôle des déclarations financières
des procureurs et à élaborer, pour le système judiciaire, une stratégie
de communication incluant notamment des normes générales et des
règles de comportement à suivre pour communiquer avec la presse
dans le but d’améliorer le fonctionnement transparent et responsable
du système
.
2.4. Arrêts de la Cour européenne
des droits de l’homme
23. Sur un total de 69 900 requêtes
pendantes devant une formation judiciaire le 31 décembre 2014, 549 concernaient
la Croatie. Le Comité des Ministres a adopté deux résolutions en
2013 et huit en 2014. Aucune résolution intérimaire n’a été adoptée.
La Cour a traité 1 524 requêtes concernant la Croatie en 2014, dont 1 491
ont été déclarées irrecevables ou rayées du rôle. Elle a prononcé
27 arrêts (concernant 33 requêtes), dont 23 ont conclu à au moins
une violation de la Convention européenne des droits de l’homme
, qui portait principalement sur
le droit à un procès équitable (8 violations) et le droit au respect
de la vie privée et familiale (6)
.
24. Au cours de sa récente visite en Croatie, du 18 au 20 février
2015, la Présidente de l’Assemblée, Mme Anne
Brasseur, a été informée que la délégation croate à l’Assemblée
avait organisé des débats annuels sur la jurisprudence de la Cour
européenne des droits de l’homme avec la participation des présidents
des commissions compétentes, du ministre de la Justice, des juges
de la Cour constitutionnelle et de la Cour suprême ainsi que de
l’agent du Gouvernement auprès de la Cour, ce qui devrait être considéré
comme une étape positive pour assurer un contrôle parlementaire
de l’exécution des arrêts de la Cour
. Bien que seulement 0,0078 % des
requêtes déposées devant la Cour concernent la Croatie, la commission parlementaire
sur la justice était préoccupée par la réticence des juridictions
nationales à utiliser les pratiques et les arrêts de la Cour européenne
des droits de l’homme, par l’augmentation du nombre de nouvelles requêtes
et par le grand nombre de requêtes irrecevables, ce qui témoigne
de la connaissance insuffisante du système et de la défiance envers
les institutions publiques
.
3. Droits de l’homme
3.1. Les réfugiés et les personnes
déplacées dans le contexte régional
25. En 2014, on dénombrait encore
49 056 réfugiés enregistrés dans la région, presque tous de souche serbe
. Le 4 avril 2014, le Haut-Commissariat
des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a souligné que les circonstances
qui avaient déclenché les déplacements de population avaient radicalement
changé: la coopération régionale s’est intensifiée, des retours
volontaires ont eu lieu, différents groupes ethniques ont prouvé
qu’ils pouvaient coexister pacifiquement et la situation économique
et politique s’améliore clairement. Il a donc recommandé d’appliquer,
à partir de 2015, la «clause de cessation» énoncée dans la Convention
de 1951, tous les Etats accueillant des réfugiés en provenance de
la Croatie ayant jusqu’à la fin 2017 pour ce faire, en fonction
de leur propre évaluation de la situation dans le pays d’origine
. Dans la pratique, les personnes
déplacées d’origine croate ne seront plus considérées comme réfugiées.
26. Au niveau régional, l’intégration des réfugiés et des personnes
déplacées dans leur pays d’accueil, ou leur retour volontaire dans
leur pays d’origine, sont des principes directeurs. Le retour des
réfugiés serbes reste difficile en raison de contraintes socio-économiques
.
Cependant, il convient de saluer la participation active de la Croatie
au «Processus de Sarajevo sur les réfugiés et les personnes déplacées»
lancé en 2005. En avril 2012, la Bosnie-Herzégovine, la Croatie,
le Monténégro et la Serbie ont réaffirmé leur engagement à trouver
des solutions durables pour les réfugiés et les personnes déplacées
au cours d’une conférence des donateurs. La Banque de développement
du Conseil de l’Europe a participé au «Programme régional de logement»
visant à fournir aux réfugiés et aux personnes déplacées les plus
vulnérables des solutions de logement durables. Cette initiative,
qui est menée par la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, le Monténégro
et la Serbie, devrait bénéficier à près de 74 000 habitants
.
27. Selon les dernières informations fournies par le ministère
des Anciens combattants, on compte encore 1 606 personnes disparues
et 424 personnes dont le décès est établi mais dont les dépouilles
n’ont pas encore été retrouvées
. En août 2014, la Croatie a
signé une déclaration régionale sur les personnes disparues et s’est
engagée à faire la lumière sur le sort réservé aux personnes qui
sont toujours portées disparues sur son territoire. La Croatie n’a
pas ratifié la Convention internationale pour la protection de toutes
les personnes contre les disparitions forcées, et il n’existe pas
de loi sur les personnes disparues, ce qui affaiblit les droits des
parents des personnes disparues
.
3.2. Torture et mauvais traitements
28. Le Comité du Conseil de l’Europe
pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou
dégradants (CPT)
a publié son rapport le plus récent
sur la Croatie en mars 2014. Au cours de sa visite périodique en
Croatie en septembre 2012, le CPT n’a recueilli que très peu d’allégations
de mauvais traitements physiques et d’insultes par les agents des
forces de l’ordre. S’agissant des prisons, la grande majorité des
détenus rencontrés par la délégation du CPT ont indiqué avoir été
traités correctement par le personnel de surveillance. S’agissant
de l’hôpital psychiatrique et des foyers sociaux visités, le rapport
fait état des relations positives que les patients et résidents
entretenaient avec le personnel et de l’atmosphère détendue régnant
dans les établissements respectifs.
29. Le CPT a recommandé de renforcer les garanties formelles (accès
à un avocat, accès à un médecin) et les garanties de procédure contenues
dans le Code de procédure pénale de 2009 contre les mauvais traitements
infligés aux personnes détenues. Les autorités croates se sont engagées
à pallier les lacunes matérielles soulignées dans le rapport du
CPT, dans les cellules de détention provisoire. Le CPT a reçu des allégations
de mauvais traitements physiques infligés par des personnels pénitentiaires
sur des détenus dans chacune des prisons visitées, y compris à l’hôpital
pénitentiaire de Zagreb. Le Comité a noté les effets délétères de
la surpopulation sur les conditions de vie dans les prisons visitées,
notamment à la prison du district de Zagreb. Selon les informations
que m’ont fournies les autorités, il y avait environ 900 détenus
en septembre 2012 dans la prison de Zagreb, alors que sa capacité
était de 594 lits, soit un taux de remplissage d’environ 150 %.
Le CPT a donc formulé, entre autres, plusieurs recommandations pour
réduire la surpopulation, améliorer les conditions matérielles et
étendre le programme d’activités à proposer aux détenus. Dans leur
réponse aux critiques du CPT sur les procédures en place, les autorités
croates se sont engagées à améliorer les conditions matérielles
dans les prisons visitées et sur les actions prises pour garantir la
stricte application des règles existantes relatives aux mesures
de sécurité, telles que le placement de détenus en cellules capitonnées.
30. S’agissant de la situation de l’hôpital psychiatrique et des
deux foyers sociaux visités, le CPT a noté des conditions de vie
marquées par le manque d’espace, le recours aux moyens de contention
à l’hôpital psychiatrique de Rab, un abus manifeste du recours à
la contention mécanique au centre de réhabilitation de Stančić,
y compris pour des enfants, et des chambres d’isolement totalement
inappropriées. Le CPT a recommandé l’adoption d’une stratégie multiforme
pour réduire sensiblement ou éliminer l’utilisation de moyens de
retenue et d’isolement au Stančić Centre pour remise en état. Suite
aux recommandations formulées par le CPT, les autorités croates
ont donné des informations sur les projets de désinstitutionalisation et
de transformation des institutions sociales visitées et ont déclaré
qu’une politique globale concernant le recours aux moyens de contention
au Centre de réhabilitation de Stančić serait élaborée au cours
de 2014.
3.3. Lutte contre la traite des
êtres humains
31. La Croatie a ratifié la Convention
sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE n° 197) le 5 septembre
2007 et a été soumise au 1er cycle d’évaluation
. Le Comité des Parties a adopté,
le 30 janvier 2012, sa recommandation
en recensant
les domaines où des actions complémentaires étaient nécessaires pour
améliorer la mise en œuvre de la Convention, notamment en sensibilisant
le public en vue de mettre fin aux préjugés dont font actuellement
l’objet les victimes de la traite, en prenant des mesures économiques
et sociales spécifiques en faveur des personnes et des groupes vulnérables
à la traite; en faisant en sorte que les autorités chargées de l’application
de la loi et les autres organismes compétents adoptent une approche volontariste
en matière d’identification des victimes de la traite; en menant
une politique ciblée afin d’identifier les enfants victimes de la
traite et les personnes soumises à la traite aux fins d’exploitation
par le travail; en fournissant systématiquement aux victimes de
la traite des informations, en veillant à ce qu’elles puissent bénéficier
d’une assistance juridique et en faisant appliquer la législation
relative à l’indemnisation par l’Etat; en développant la formation
dispensée aux juges, aux procureurs et aux autres professionnels
concernés par la traite et en élaborant des dispositions pénales
applicables, de manière à ce que les trafiquants soient poursuivis
et que les peines prononcées à leur encontre soient à la mesure
de la gravité de l’infraction. A cet égard, il convient de saluer
l’organisation, en 2014-2015, de séminaires de formation par l’école
de la magistrature ainsi que d’activités de prévention par les institutions
croates, en particulier par le ministère de l’Intérieur
.
32. Dans sa réponse publiée le 29 janvier 2014, le gouvernement
a souligné qu’un certain nombre d’activités avaient été entreprises
pour mettre en œuvre les recommandations du GRETA, y compris des nouvelles
campagnes publiques ciblées sur les utilisateurs potentiels des
services fournis par les victimes de la traite et des formations
dans les écoles, les universités et les services d’application de
la loi. Un nouveau protocole sur la collecte et l’échange de données
était en préparation en 2013. Il devrait faciliter la collecte de données
et d’informations pertinentes fournies à l’Office des droits de
l’homme et des minorités nationales, l’identification des victimes,
l’élaboration de politiques de lutte contre la traite et l’allocation
de ressources. Des mesures positives sont à signaler, notamment
l’adoption d’un nouveau Code pénal le 21 octobre 2011, qui met à
jour la définition de la «traite des êtres humains», la mise en
œuvre d’un protocole sur l’intégration/la réinsertion des victimes
de la traite (y compris des mesures visant leur autonomisation économique)
et l’adoption de la loi sur le dédommagement pécuniaire des victimes
d’infractions pénales, qui permet aux victimes de la traite de réclamer
des dommages-intérêts. Cette loi est en cours de révision afin de
la mettre en conformité avec la Convention européenne relative au
dédommagement des victimes d’infractions violentes. Elle devrait
permettre à toutes les victimes de la traite, indépendamment de
leur nationalité ou de leur permis de séjour, de bénéficier du droit
à un dédommagement, tel que recommandé par le GRETA
. Les autorités ont souligné
que les victimes de la traite des êtres humains en Croatie peuvent
faire valoir leur droit à réparation par les voies ordinaires, c’est-à-dire
par une procédure judiciaire ou par une procédure administrative
spéciale, conformément aux dispositions de la loi sur le dédommagement
pécuniaire des victimes d’infractions pénales
.
33. La Croatie va continuer à faire l’objet d’un suivi par le
GRETA. Une délégation s’est rendue en Croatie du 9 au 12 mars 2015
pour évaluer les progrès réalisés dans la mise en œuvre de la Convention
du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains
depuis la première évaluation effectuée en 2011 (rapport du GRETA
sur la Croatie)
. Les réponses des autorités croates au
questionnaire du GRETA ont aussi été publiées en février 2015
.
34. Sur un plan plus général, en lien avec la protection des droits
de l’homme, notamment ceux des migrants, l’ECRI, dans ses conclusions
de juin 2015, s’est félicitée de l’adoption par le Parlement croate
d’une politique migratoire pour 2013-2015, considérant ainsi que
sa recommandation concernant l’adoption d’une ample stratégie couvrant
tous les migrants, dont les demandeurs d’asile et les réfugiés,
en accordant une attention particulière aux règles d’encadrement
des mineurs non accompagnés, avait été mise en œuvre. La Croatie
a également adopté une nouvelle loi sur l’aide judiciaire gratuite
qui, selon l’ECRI, représente une amélioration sensible et devrait
faciliter l’accès des groupes vulnérables à cette aide. Bien que
des préoccupations subsistent en ce qui concerne le financement
du nouveau système (en particulier la nécessité d’apporter un soutien
financier renforcé et permanent à ceux qui offrent une aide judiciaire
gratuite), l’ECRI a considéré que sa recommandation tendant à améliorer
la loi sur l’aide judiciaire gratuite, en coopération étroite avec
toutes les parties prenantes, avait été mise en œuvre
.
3.4. Protection des minorités
nationales
35. Selon les chiffres du recensement
de 2011, les minorités nationales représentent 7,67 % de la population
croate. La Croatie a ratifié la Convention-cadre pour la protection
des minorités nationales (STE n° 157) le 11 octobre 1997. A la suite
de l’adoption de modifications constitutionnelles en juin 2010, 22 minorités
nationales vivant en République de Croatie ont été mentionnées dans
la Constitution
, étendant ainsi le champ d’application
de la convention-cadre et d’autres réglementations à ces minorités
nationales
. Des
représentants politiques des minorités ont activement participé
aux travaux des organes représentatifs. Des élections de conseils
des minorités nationales ont été tenues en juin 2015. Ces conseils
garantissent la représentation formelle des minorités au sein des
organes exécutifs et de la gouvernance au niveau local. Des représentants
de la société civile regrettent toutefois que ces élections n’aient
pas lieu en même temps que les élections locales et régionales (pour
permettre un plus fort taux de participation) et que ces conseils
n’aient pas le pouvoir d’influencer les décisions des collectivités
locales ni les fonds nécessaires pour mener leurs activités
.
36. Le Comité des Ministres a adopté en juillet 2011 sa Résolution
CM/ResCMN(2011)12
(3e cycle)
sur la mise en œuvre de la Convention-cadre. Les sujets de préoccupation
relevés sont notamment les cas de discrimination de personnes appartenant
à la minorité serbe et de Roms, les incidents à motivation ethnique à
l’encontre de personnes appartenant à des minorités ethniques, et
notamment de Serbes et de Roms, les difficultés rencontrées par
de très nombreuses personnes appartenant à des minorités nationales
(en particulier des rapatriés serbes âgés, des Bosniaques et des
Roms vivant en Croatie) pour obtenir la citoyenneté croate, le fonctionnement
insatisfaisant des conseils des minorités nationales et enfin les conditions
de vie déplorables des Roms. En décembre 2014, l’Office des droits
de l’homme et des minorités nationales du gouvernement croate, en
coopération avec le Conseil des minorités nationales, a organisé
un séminaire sur la mise en œuvre de la Convention-cadre pour la
protection des minorités nationales et de la Charte européenne des
langues régionales ou minoritaires (obstacles actuels à leur mise
en œuvre, participation des minorités nationales au processus décisionnel,
droits des minorités nationales en matière d’éducation et de langue,
autonomie culturelle et accès des minorités nationales aux médias,
etc.). Il est à espérer que cela pourra ouvrir la voie à de nouvelles
initiatives, sur la base des recommandations du Comité des Ministres.
37. En 2011, le Comité des Ministres a demandé une action immédiate
pour:
- achever sans retard et
sans discrimination toutes les affaires de reprise de possession
et de reconstruction des biens privés et poursuivre la mise en œuvre
du «Programme d’aide au logement destiné aux réfugiés – anciens
titulaires de droits d’occupation (ATDO) qui souhaitent revenir
en Croatie»;
- prévenir, identifier, soumettre à une enquête et à des
poursuites et dûment sanctionner, le cas échéant, tout acte à motivation
raciale ou ethnique ou antisémite; lutter de manière résolue contre
les agissements racistes et antisémites commis avant, pendant et
après les matches de football, dans l’esprit de la Recommandation
Rec(2001)6 du Comité des Ministres sur la prévention du racisme,
de la xénophobie et de l’intolérance raciale dans le sport;
- réviser les procédures applicables à la mise en œuvre
du droit à une représentation proportionnelle des personnes appartenant
aux minorités nationales dans l’administration publique, l’appareil
judiciaire, les collectivités locales et les entreprises publiques,
pour les conformer à l’article 22 de la Loi constitutionnelle sur
les droits des minorités nationales; assurer une surveillance plus
stricte et appliquer les sanctions envisageables, afin de garantir
la mise en œuvre pleine et effective de cette disposition à tous
les niveaux;
- réviser les dispositions légales et la pratique administrative
qui régissent l’élection et le fonctionnement des conseils des minorités
nationales afin d’éliminer les lacunes constatées du point de vue
de la représentativité de ces organismes, de leur financement et
de leur coopération avec les autorités locales.
38. Le Comité des Ministres a en outre recommandé:
- de poursuivre le dialogue avec
le groupe de personnes qui déclarent appartenir à la catégorie des «musulmans»
dans la perspective d’éventuellement les intégrer au champ d’application
de la convention-cadre;
- de réviser les dispositions qui régissent l’acquisition
de la double nationalité pour éviter toute inégalité de traitement
fondée sur l’origine ethnique;
- de veiller à ce que les auteurs d’actes discriminatoires
fassent l’objet de poursuites et de sanctions adéquates;
- d’examiner la demande d’installer des indications topographiques
bilingues et de l’utilisation des langues minoritaires dans les
rapports avec les autorités administratives dans les communes où résident
en nombre substantiel des personnes appartenant à des minorités
nationales, et veiller au respect de leur droit d’utiliser leur
langue et leur alphabet dans les rapports avec les autorités administratives
dans toutes les collectivités territoriales où la loi est applicable.
39. La Croatie a présenté son quatrième rapport sur la mise en
œuvre de la convention-cadre le 11 septembre 2014
.
Elle a réitéré son engagement à protéger et garantir les droits
des minorités nationales. Les autorités ont mis en évidence l’adoption,
en avril 2011, d’un Plan d’action pour la mise en œuvre de la loi constitutionnelle
sur les droits des minorités nationales pour la période 2011-2013
. L’adoption d’un programme national
de protection et de promotion de droits de l’homme de 2013 à 2016
vise à promouvoir la tolérance des différences et la lutte contre
les discriminations, l’amélioration de la protection et la promotion des
droits de l’homme en Croatie, sachant que l’un des domaines prioritaires
est celui des droits des minorités nationales
. L’Office des droits de l’homme et des
minorités nationales du gouvernement croate a également organisé
des séminaires visant à sensibiliser les membres des conseils des
minorités nationales et a alloué des fonds issus du budget de l’Etat
pour mettre au point des programmes spécifiques pour les conseils
et les représentants élus des minorités nationales dans les villes
et les communes économiquement moins développées, ainsi que pour
favoriser le renforcement des capacités des conseils des minorités
nationales. Cette démarche est à saluer
.
40. La promotion des droits de la minorité serbe est toujours
un problème. Les résultats du recensement croate en 2011 montrent
que les Serbes composent plus d’un tiers (34,8 %) de la population
totale de Vukovar. La mise en œuvre d’une politique en faveur du
bilinguisme est ainsi devenue obligatoire dans cette ville. En avril
2013, quelque 20 000 Croates ont manifesté à Zagreb et menacé d’empêcher
l’introduction de l’alphabet cyrillique à Vukovar. En septembre
2013, des anciens combattants ont protesté après la décision du gouvernement
d’installer des enseignes et des panneaux en cyrillique serbe à
Vukovar et 500 personnes se sont réunies le 3 septembre 2013, considérant
que la signalétique bilingue rappelait le conflit sanglant qui s’est déroulé
dans l’ex-Yougoslavie dans les années 1990
.
41. Le gouvernement croate a déclaré qu’il condamnait fermement
ces incidents, car la Croatie avait l’obligation de garantir les
droits des minorités nationales et la mise en œuvre cohérente de
la loi constitutionnelle sur les droits des minorités nationales
sur l’ensemble de son territoire et de prendre des mesures proactives
visant à garantir l’exercice, la promotion et la protection des
droits linguistiques des minorités nationales à tous les niveaux
.
42. La loi actuelle sur les droits des minorités indique que le
seuil d’introduction du bilinguisme est fixé à un tiers de la population.
L’organisation «Quartier général pour la défense de Vukovar la Croate»,
qui est animée par un groupe de vétérans croates, a présenté une
pétition référendaire au parlement visant à limiter l’utilisation
des droits linguistiques minoritaires aux organes des administrations
locales où au moins la moitié de la population provient d’une minorité
ethnique. Plus précisément, elle visait à interdire l’utilisation
de l’alphabet cyrillique (serbe) sur les panneaux publics bilingues
à Vukovar
. Cette initiative a
été déclarée inconstitutionnelle par la Cour constitutionnelle en
août 2014
, ce qui a permis d’apaiser
la situation. Il est aussi à noter que l’on n’a pas relevé d’autres
problèmes ou incidents similaires dans d’autres domaines: au contraire,
la mise en œuvre d’une politique bilingue a été solide dans cette
région (Istra et Daruvar, par exemple)
.
Je ne peux cependant que regretter la décision prise le 17 août
2015 par le Conseil municipal de Vukovar pour amender les statuts
de la ville, de sorte à ne pas devoir fournir de panneaux bilingues
en latin et cyrillique pour les bâtiments de la ville, les institutions
officielles, les places et les rues de Vukovar
. Nous espérons
que les autorités croates prendront les mesures nécessaires pour
reconsidérer cette décision et mettre pleinement en œuvre les dispositions
de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (STE
no 148).
43. En ce qui concerne la Charte européenne des langues régionales
ou minoritaires, ratifiée le 5 novembre 1997, la Croatie a soumis
son cinquième rapport périodique
en janvier 2014. Dans sa dernière Recommandation
de 2010, le Comité des Ministres a notamment invité la Croatie à
poursuivre ses efforts pour introduire l’usage officiel à égalité
des langues régionales ou minoritaires dans les secteurs où le nombre
de locuteurs est suffisant, et pour assurer la mise en œuvre des
statuts des collectivités locales, avec une assistance appropriée
si nécessaire
. Le cinquième rapport
produit par la Croatie présente une longue liste d’activités entreprises
pour mettre en œuvre la Charte. Les efforts investis dans la coopération
avec les autorités locales visaient à «mieux leur faire connaître
les droits des minorités nationales, notamment les documents internationaux
et la législation nationale qui ont donné naissance à ces droits,
tout d’abord en ce qui concerne l’exercice du droit des minorités
à faire usage de leur langue et l’écriture» et «le niveau auquel ce
droit peut être exercé, qui est celui des administrations locales».
Ces efforts doivent être salués malgré «les difficultés et le manque
de compréhension rencontrés dans le processus d’application pleine
et entière des lois»
.
44. En 2015, en se fondant sur le rapport d’évaluation (cinquième
cycle) du Comité d’experts adopté en septembre 2014
, le Comité
des Ministres
a souligné que le
Conseil de l’Europe se félicite du climat de dialogue constructif
avec les autorités croates sur la protection des langues minoritaires,
et de l’extension du champ d’application de la Charte à l’allemand,
au slovène et aux langues parlées par les Roms. Il a salué l’adoption
par les autorités croates d’un nouveau plan d’action pour la mise
en œuvre de la loi constitutionnelle sur les droits des minorités
nationales en tant que cadre utile pour la réalisation d’objectifs
concrets et mesurables dans le domaine de la promotion des langues
minoritaires.
45. Le Comité des Ministres a également recommandé que les autorités
croates tiennent compte de toutes les observations et recommandations
du Comité d’experts et, en priorité:
«1.
poursuivent leurs efforts pour promouvoir la sensibilisation et
la tolérance à l’égard des langues minoritaires, dans tous les aspects,
y compris l’utilisation des signes et des noms locaux traditionnels avec
des inscriptions en alphabet cyrillique, fondées sur les conclusions
du Comité d’experts , et des cultures qu’elles représentent
en tant que partie intégrante du patrimoine culturel de la Croatie,
à la fois dans le programme d’enseignement général à tous les niveaux
d’enseignement et dans les médias;
2. prennent des mesures pour faire en sorte que les locuteurs
aient la possibilité de s’exprimer dans leur langue minoritaire
dans leurs relations avec les autorités de l’Etat, des comtés et
des collectivités locales en pratique, et que ces autorités utilisent
les langues minoritaires respectives dans le cadre de leur travail;
3. revoient le seuil existant et intensifient leurs efforts
pour introduire l’usage officiel à égalité des langues minoritaires
dans les aires géographiques où le nombre de locuteurs est suffisant;
4. prennent des mesures proactives pour encourager les
locuteurs de langues minoritaires à suivre un enseignement de/en
langue minoritaire;
5. accroissent le temps de diffusion et la régularité
des émissions de télévision dans chaque langue minoritaire.»
46. Il est également utile de rappeler les conclusions de l’ECRI
en 2012, qui soulignaient l’impact sur les relations interethniques
de la sous-représentation des personnes appartenant à des minorités
nationales dans l’administration publique et les tribunaux et, en
particulier, le faible nombre de Serbes dans la police au niveau local
. D’après des ONG, certaines minorités,
en particulier les personnes d’origine serbe, sont encore sous-représentées
dans l’administration publique (2,38 %) et dans l’ordre judiciaire
(2,11 %) par rapport à la proportion de la population qu’ils représentent
(4,3 %)
.
3.5. Lutte contre la discrimination
contre les Roms
47. En 2011, le Comité des Ministres
a recensé des cas de discrimination en Croatie de personnes appartenant
à la minorité rom dans divers secteurs, le manque d’accès à l’école
pour certains enfants Roms dont le statut n’est pas régularisé,
des incidents à motivation ethnique à l’encontre de personnes appartenant à
des minorités nationales, et notamment de Roms, les difficultés
rencontrées par de très nombreuses personnes appartenant à des minorités
nationales, en particulier les Roms, pour obtenir la nationalité
croate
. En
2012, l’ECRI a également souligné que de nombreux Roms n’avaient
toujours pas de pièces d’identité ou de documents d’état civil.
48. Le Comité des Ministres a donc formulé des recommandations
spécifiques à la Croatie afin qu’elle fasse tout son possible pour
prévenir, combattre et sanctionner les inégalités et la discrimination
dont les Roms sont systématiquement victimes; mener une enquête
approfondie sur toute plainte faisant état de discriminations à l’égard
de Roms dans l’accès à l’emploi et la fourniture de biens et de
services; intensifier les efforts, surtout au niveau local, pour
améliorer les conditions de vie des Roms et promouvoir leur intégration
au sein de la société; mettre fin sans tarder à la ségrégation qui
continue à être imposée aux enfants roms dans les écoles et redoubler
d’efforts pour remédier aux autres problèmes auxquels se heurtent
les enfants roms en matière d’éducation.
49. Les autorités ont indiqué qu’elles avaient adopté la Stratégie
nationale pour l’intégration des Roms pour la période 2013-2020
et aligné leur législation sur le cadre de l’Union européenne pour
les stratégies nationales d’inclusion des Roms, ainsi que le Plan
d’action pour sa mise en œuvre, afin d’améliorer le statut socio-économique
de la minorité nationale rom et leur intégration complète dans la
société
. Les autorités ont souligné qu’elles
entendent continuer à améliorer la situation juridique des Roms.
Elles ont réalisé une étude en 2014, signalant que de rares cas
d’expression publique de haine et d’intolérance ont entraîné des dénonciations
publiques (dans le cas, par exemple, d’une protestation de parents
contre la préscolarisation d’enfants roms à Gornje Hrašće) et des
dépôts de plainte (par exemple contre le maire de la commune de Škabrnja).
Une décision de justice a été rendue pour la première fois dans
une affaire portant sur des stages concernant deux jeunes femmes
roms; en avril 2013, ce verdict a été confirmé en appel
.
50. Les Roms, cependant, continuent de subir une discrimination
multiforme en Croatie. Dans son dernier rapport, Amnesty International
notait que de nombreux Roms continuaient de vivre dans des quartiers
séparés, sans sécurité d’occupation des lieux et avec un accès limité
aux services les plus élémentaires, tels que l’eau courante, l’électricité,
les services d’assainissement ou les transports. De nombreux enfants
roms sont toujours regroupés dans des classes à part, suivent des
cours distincts, malgré l’arrêt rendu en 2010 par la Cour européenne
des droits de l’homme dans l’affaire
Oršuš
et autres c. Croatie. Les discriminations dont font l’objet
les Roms sur le marché du travail contribuaient à maintenir le chômage
à un taux nettement plus élevé dans cette partie de la population
que dans les autres groupes ethniques. Les personnes vivant dans
les campagnes et les femmes jeunes étaient tout particulièrement
défavorisées
.
51. En ce qui concerne l’affaire
Oršuš
et autres c. Croatie, je dois cependant souligner que
le Comité des Ministres, qui contrôle l’exécution des arrêts de
la Cour européenne des droits de l’homme, a constaté avec satisfaction
que les autorités croates avaient pris un certain nombre de mesures
pour résoudre le problème de la faible assiduité scolaire et du
taux élevé d’enfants roms abandonnant l’école. Le Comité des Ministres
a donc décidé, compte tenu de ces évolutions, de poursuivre la surveillance
de cette affaire selon la procédure standard (et plus la procédure
renforcée) afin d’évaluer à un stade ultérieur les effets des mesures
qui sont actuellement adoptées par les autorités croates, y compris
les résultats concrets obtenus concernant la suppression des classes
«réservées aux Roms»
. On m’a appris que certaines
écoles étaient principalement fréquentées par des enfants roms (une
école à Međimurje accueille par exemple uniquement des élèves d’origine
rom, et dans une autre école, les enfants roms représentent environ
85 % des élèves), et il pourrait être impossible d’y créer des classes
«mixtes»
.
52. Les autorités croates devraient poursuivre leurs efforts pour
promouvoir les droits des Roms. A cet égard, je salue la célébration
de la Journée internationale des Roms au sein du Parlement croate
à l’initiative d’une parlementaire rom, la création d’un cours de
langue rom à la faculté des sciences humaines et sociales de l’université
de Zagreb et l’adoption d’une stratégie pour l’éducation, les sciences
et les technologies en 2014 pour apporter un soutien aux enfants
et aux élèves roms dans tous les domaines de l’éducation, dans le
but d’encourager les lycéens roms à poursuivre leurs études au niveau
universitaire
.
3.6. Droits des personnes lesbiennes,
gays, bisexuelles et transgenres (LGBT): développements récents
53. Une Marche des fiertés a été
organisée avec succès à Split en mai 2013, en présence de la ministre
des Affaires étrangères, Mme Vesna Pusić,
du ministre de l’Administration, M. Arsen Bauk, et du maire de Split. Cette
marche a été escortée par 200 policiers, et aucun incident n’a été
signalé, contrairement à la précédente marche organisée en 2011
. Trois marches de la fierté se sont
déroulées avec succès et en toute sécurité à Split, Zagreb et Osijek.
En mars 2014, la Croatie a accordé l’asile à un homme gay originaire
de l’Ouganda, qui avait sollicité sa protection après la décision
de son pays d’ériger l’homosexualité en infraction pénale
.
54. Un référendum a été organisé le 1er décembre
2013 à l’initiative d’un groupe conservateur (soutenu par l’Eglise
catholique) appelé «Au nom de la famille», qui a rassemblé près
de 750 000 signatures sur la question du mariage entre personnes
de même sexe. Au total, 65 % des votants ont répondu «oui» à la
question référendaire «Etes-vous favorable à la modification de
la Constitution de la République de Croatie par une disposition
stipulant que le mariage est une union entre un homme et une femme?»,
et 34 % ont répondu «non». Le Premier ministre social-démocrate
avait fait campagne en faveur du «non». Ce référendum a ouvert la
voie à une modification de la Constitution croate, qui définit désormais
le mariage comme une union entre un homme et une femme. Le Commissaire
aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Nils Muižnieks a cependant
invité instamment la Croatie à éviter toute action qui pourrait
discriminer les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres
du pays. Il s’est référé à cette occasion à la jurisprudence de
la Cour européenne des droits de l’homme, tout en rappelant l’absence
de normes communes en Europe
dans ce domaine.
55. Les autorités croates ont indiqué que tous les droits et aspects
juridiques de la cohabitation, ainsi que l’union entre personnes
de même sexe, continueraient d’être réglementés par la législation
en vigueur. A cet égard, une loi sur le partenariat civil enregistré
de personnes de même sexe a été adoptée en juillet 2014 pour réglementer
les unions de couples homosexuels sous tous leurs aspects, supprimer
les obstacles existants à leur égalité sociale, sur la base des
normes et des pratiques européennes les plus élevées, garantir aux
unions entre personnes de même sexe les mêmes droits juridiques
que ceux dont jouissent les couples mariés, dont le droit d’hériter
ainsi que les droits et obligations découlant des régimes de pension
et d’assurance maladie, etc.
. La loi introduit la notion de
«partenaire-tuteur» qui permet à une personne ayant déjà des enfants
et ayant conclu une union avec une autre personne du même sexe de
partager avec celle-ci l’ensemble des droits et devoirs parentaux
à l’égard de ces enfants. Le premier partenariat entre personnes
de même sexe a été enregistré en septembre 2014
.
3.7. Droits sociaux
56. La Croatie a ratifié la Charte
sociale européenne en 2003. Elle a signé la Charte sociale européenne (révisée)
(STE n° 163) le 6 novembre 2009, mais ne l’a pas ratifiée. Le Protocole
additionnel à la Charte sociale européenne prévoyant un système
de réclamations collectives (STE n° 158) a été ratifié le 26 février
2003.
57. Le Comité européen des Droits sociaux a publié, en janvier 2013,
les conclusions
liées au groupe thématique
«Emploi, formation et égalité des chances»
et,
en mars 2014, les conclusions
concernant
les dispositions acceptées relatives au groupe thématique 2 «Santé,
sécurité sociale et protection sociale»
. Le Comité a
noté que la plupart des conclusions étaient en conformité avec la
Charte, sauf sur les questions suivantes:
57.1. En ce qui concerne le thème «Emploi, formation et égalité
des chances»
:
- la liste des emplois interdits
aux ressortissants étrangers est excessive;
- les efforts déployés au titre des politiques de l’emploi
sont insuffisants pour lutter contre le chômage et favoriser la
création d’emplois;
- il n’a pas été établi que le droit à l’orientation professionnelle
ainsi que le droit à l’orientation et à la formation spécialisées
soient garantis aux personnes handicapées;
- il n’a pas été établi que le droit à l’orientation professionnelle
soit garanti de manière égale aux ressortissants des autres Etats
Parties.
57.2. En ce qui concerne le thème «Santé, sécurité sociale et
protection sociale»
:
- il n’est pas établi que des
moyens de subsistance soient garantis aux personnes dans le besoin dont
l’assistance sociale a été supprimée à titre de sanction pour avoir
refusé une offre d’emploi ;
le niveau de l’assistance sociale est manifestement insuffisant;
les ressortissants des autres Etats Parties sont soumis à une condition
de durée de résidence excessive pour être éligibles à l’assistance
sociale;
- il n’est pas établi que tous les ressortissants étrangers
non-résidents en état de besoin – séjournant légalement sur le territoire
ou en situation irrégulière – puissent obtenir une assistance médicale
et sociale d’urgence .
58. En ce qui concerne les progrès
réalisés par rapport au «droit à l’égalité de chances et de traitement
en matière d’emploi et de profession, sans discrimination fondée
sur le sexe» (article 1 du Protocole additionnel à la Charte de
1961), le Comité se félicite de l’adoption de la loi de 2009 relative
à l’égalité entre les hommes et les femmes, de la loi de 2009 relative
à l’emploi, de la loi de 2010 relative à la lutte contre la discrimination et,
dans l’attente d’informations sur l’écart de rémunération entre
les sexes, a conclu que la situation en Croatie était conforme au
Protocole additionnel (article 1) de la Charte.
59. Dans son arrêt Statileo c. Croatie du
10 juillet 2014, concernant des questions de propriété, la Cour européenne
des droits de l’homme a constaté une violation de l’article 1 du
Protocole n° 1. L’affaire concernait la loi introduite en 1996 pour
réformer le secteur du logement en Croatie. Le requérant, M. Statileo,
était propriétaire d’un appartement qui relevait du régime du bail
spécialement protégé instauré par le régime socialiste. Il se plaignait
en particulier de ne pas pouvoir, du fait de la nouvelle loi, utiliser
ou vendre son appartement, ni le louer à la personne de son choix,
ni fixer le loyer au prix du marché.
60. Il n’y a pas d’autre préoccupation majeure spécifique relevée
par les mécanismes de suivi relative à la protection et la promotion
des droits de l’homme, de l’Etat de droit et de la démocratie en
Croatie.
4. Conclusions
et recommandations
61. Dans l’ensemble, le fonctionnement
des institutions démocratiques en Croatie est conforme aux normes du
Conseil de l’Europe. On peut considérer que la Croatie respecte
globalement ses obligations d’Etat membre du Conseil de l’Europe.
Alors que la procédure d’adhésion à l’Union européenne a incité
à accélérer et à renforcer les réformes démocratiques, la Croatie
doit encore relever des défis d’après-guerre, en particulier la question
de la justice d’après-guerre, et devrait continuer à contribuer
à un processus de réconciliation indispensable dans la région.
62. Etant donné les conclusions des mécanismes de suivi des principales
conventions du Conseil de l’Europe, un certain nombre de questions
suscitent toutefois des préoccupations et devraient être traitées
par les autorités avant le prochain cycle de rapports. Les recommandations
ci-après pourraient être adressées aux autorités:
62.1. dans le domaine de la justice
transitionnelle, mener des enquêtes effectives sur le meurtre ou
la disparition de victimes de crimes de guerre et adopter un cadre
législatif global réglementant le statut de toutes les victimes
civiles de la guerre, ainsi que leur possibilité d’obtenir réparation,
et en particulier:
- poursuivre
la mise en œuvre de mesures pour faire la lumière sur le sort réservé
aux 2 000 personnes qui sont toujours portées disparues en Croatie,
améliorer le cadre juridique pour traiter cette question, notamment
en ratifiant la Convention internationale pour la protection de toutes
les personnes contre les disparitions forcées et adopter une loi
sur les personnes disparues, ce qui renforcerait les droits des
parents des personnes disparues;
- à la suite des arrêts rendus par la Cour européenne des
droits de l’homme, mettre en œuvre les mesures générales exigées
par le Comité des Ministres pour améliorer les enquêtes sur les crimes
de guerre, créer des mécanismes d’enquête effectifs et indépendants
et accélérer les progrès et la conclusion de ces enquêtes, conformément
aux normes pertinentes de la convention;
62.2. au niveau régional, maintenir le soutien apporté au «Processus
de Sarajevo sur les réfugiés et sur les personnes déplacées» et
favoriser des solutions durables pour les réfugiés et les personnes déplacées,
en gardant à l’esprit la nécessité d’appliquer, à partir de 2015,
la «clause de cessation» énoncée dans la Convention de 1951 sur
les réfugiés;
62.3. renforcer la lutte contre la corruption, adopter le code
d’éthique des parlementaires, en cours d’élaboration, ainsi que
des mécanismes internes d’autocontrôle, prendre les mesures nécessaires
pour détecter les risques de corruption et pour prévenir celle-ci,
en particulier au niveau local, renforcer les ressources techniques
et humaines de la Commission pour la prévention des conflits d’intérêts, conformément
aux recommandations du GRECO de 2014, et jouer un rôle actif dans
la plateforme de l’Assemblée parlementaire contre la corruption;
62.4. à la suite des recommandations formulées par MONEYVAL,
renforcer les mesures visant à réprimer efficacement le blanchiment
de capitaux, en augmentant par exemple le nombre de condamnations
et de mesures de confiscation;
62.5. à la suite des recommandations formulées par le GRECO,
renforcer la confiance envers la magistrature et la transparence
de celle-ci en revoyant les procédures de sélection, de nomination
et de renouvellement du mandat du Président de la Cour suprême et
du Procureur général afin de limiter autant que possible les risques
d’influence politique indue et en prenant des mesures supplémentaires pour
définir des orientations et mettre au point des conseils à l’intention
des procureurs sur l’observation des principes éthiques dans des
situations concrètes, et à l’intention des juges sur le respect
de l’éthique et la prévention des conflits d’intérêts;
62.6. mettre en œuvre les recommandations formulées par le CPT,
en particulier en remédiant aux insuffisances matérielles dans les
cellules de détention provisoire soulignées dans le rapport du CPT, améliorer
les conditions matérielles dans les prisons pour garantir la stricte
application des règles existantes relatives aux mesures de sécurité,
élaborer et mettre en œuvre des projets de désinstitutionalisation
et de transformation du système de protection sociale et mettre
au point une politique globale concernant le recours aux moyens
de contention;
62.7. conformément aux recommandations formulées en avril 2015
par le Comité des Ministres concernant la mise en œuvre de la Charte
européenne des langues régionales ou minoritaires, continuer à promouvoir
les droits des 22 minorités nationales (qui représentent 7,67 %
de la population), y compris la mise en œuvre du droit à une représentation
proportionnelle des personnes appartenant à des minorités nationales
dans l’administration publique, l’appareil judiciaire, les collectivités
locales et les entreprises publiques, continuer à promouvoir la
sensibilisation et la tolérance à l’égard des langues et des cultures
minoritaires, qui font partie intégrante du patrimoine culturel
croate, et accorder une attention particulière à la situation et
à la promotion des droits de la minorité serbe;
62.8. adopter les mesures nécessaires pour améliorer les conditions
de vie des Roms et favoriser leur intégration dans la société; mettre
fin sans tarder à la ségrégation qui continue à être imposée aux enfants
Roms dans les écoles et redoubler d’efforts pour remédier aux autres
problèmes auxquels se heurtent ces enfants en matière d’éducation;
62.9. ratifier la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention
et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence
domestique (STCE no 210);
62.10. ratifier la Charte sociale européenne révisée.