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Avis de commission | Doc. 13871 | 17 septembre 2015

Liberté de religion et vivre ensemble dans une société démocratique

Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable

Rapporteure : Mme Liliane MAURY PASQUIER, Suisse, SOC

Origine - Renvoi en commission: Renvoi 4022 du 31 janvier 2014. Commission saisie du rapport: Commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias. Voir . Avis approuvé par la commission le 11 septembre 2015. 2015 - Quatrième partie de session

A. Conclusions de la commission

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1. La commission des questions sociales, de la santé et du développement durable se félicite du fait que le projet de résolution préparé par la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias se place dans la continuité de textes précédemment adoptés par l’Assemblée parlementaire, notamment la sur le droit des enfants à l’intégrité physique. Le nouveau texte rappelle notamment que toutes les Eglises et communautés religieuses ont la responsabilité de respecter la dignité humaine et les droits fondamentaux protégés par nos constitutions démocratiques, et que ces valeurs et principes ne sont pas négociables mais doivent prévaloir sur toute norme sociale ou religieuse.
2. Cependant, du point de vue de la commission sociale, et en vue des recommandations faites par la , il conviendrait de préciser le texte et de le renforcer pour une meilleure prise en compte de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5).
3. Par conséquent, la commission sociale souhaiterait proposer quelques amendements au texte soumis pour débat par la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias.

B. Amendements proposés au projet de résolution

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Amendement A (au projet de résolution)

A la fin du paragraphe 4, remplacer les mots «néanmoins, toute restriction non nécessaire dans une société démocratique est à éviter» par:

«conformément à l’article 9.2 de la Convention européenne des droits de l’homme, le droit à la liberté de religion ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.»

Amendement B (au projet de résolution)

Au paragraphe 7, après les mots «de la circoncision», insérer les mots «des jeunes garçons».

Amendement C (au projet de résolution)

Au paragraphe 9, première phrase, après les mots «de la circoncision», insérer les mots «des jeunes garçons».

Amendement D (au projet de résolution)

Au paragraphe 13.4, à la fin de la dernière phrase, ajouter les mots «y compris au sein des communautés religieuses elles-mêmes».

C. Exposé des motifs par Mme Maury Pasquier, rapporteure pour avis

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1. Le rapport préparé par la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias se place dans la continuité de la sur le droit des enfants à l’intégrité physique et le travail sur le thème de la liberté des religions et des pratiques religieuses, qui a été mené ultérieurement en tant que réaction à ce premier texte. Il est très positif que le nouveau texte rappelle que toutes les Eglises et communautés religieuses ont la responsabilité de respecter la dignité humaine et les droits fondamentaux protégés par nos constitutions démocratiques, et que ces valeurs et principes ne sont pas négociables mais doivent prévaloir sur toute norme sociale ou religieuse. Le texte appelle également toutes les parties prenantes à s’ouvrir au dialogue.
2. Cependant, malgré ces constats initiaux très clairs, le projet de résolution devient plus vague dans le paragraphe 4, indiquant que toute restriction «non nécessaire» est à éviter – ce qui me semble d’ailleurs évident –, sans préciser à partir de quand une restriction est considérée «non nécessaire» (par exemple en excluant tout risque pour des groupes vulnérables, tels que les enfants). Pour rester plus proche du paragraphe 9.2 de la Convention européenne des droits de l’homme (dont s’inspire le projet de résolution dans ce paragraphe 4, faisant référence aux restrictions nécessaires) 
			(1) 
			Voir Article 9 de la
Convention européenne des droits de l’homme sur la «Liberté de pensée,
de conscience et de religion» et son paragraphe 9.2: «La liberté
de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet
d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent
des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité
publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale
publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.» et pour utiliser une formulation positive et plus forte, il convient de modifier le paragraphe comme proposé à l’amendement A.
3. En évoquant les pratiques religieuses parfois controversées, il convient d’ajouter la notion de «jeunes garçons» après le terme de circoncision aux paragraphes 7 et 9, tel que proposé respectivement par les amendements B et C. Les opérations effectuées sur les jeunes enfants représentent un risque de santé à court et long terme pour ces derniers, alors qu‘effectivement, dans certains contextes la circoncision de l’homme adulte (et sexuellement actif) est parfois considérée comme bénéfique, même par les études de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). C’est pourquoi il convient de préciser que c’est notamment la circoncision des jeunes garçons qui suscite des controverses. Par ailleurs – un fait positif – le paragraphe 9 de la résolution proposée par la commission de la culture va plus loin que la en appelant à une information des parents sur «tout risque médical potentiel ou de possibles contre-indications», ce qui n’est probablement pas toujours fait aujourd’hui (selon ma longue expérience professionnelle en tant que sage-femme en Suisse, qui est ma profession d’origine).
4. Quant au paragraphe 13.4, il ne peut qu’être soutenu, surtout s’il se réfère également au développement d’un esprit critique au sein des religions elles-mêmes, c’est-à-dire, que dans une société démocratique chaque personne devrait être autorisée et capable (de par son éducation par exemple) de remettre en question les rituels de sa propre communauté religieuse et la manière de les appliquer (sur ses propres enfants par exemple, en ce qui concerne la circoncision des jeunes garçons). Cette dernière suggestion est précisée par l’amendement D.
5. Enfin, je me félicite de la continuité des travaux de l’Assemblée parlementaire en matière de pratiques religieuses concernant différents groupes de sociétés et communautés religieuses. Cependant, je souhaiterais attirer l’attention sur une partie de l’exposé des motifs préparé par mon collègue, M. Huseynov, qui me semble refléter un malentendu par rapport au texte précédent de l’Assemblée.
6. Au paragraphe 37 du rapport explicatif, M. Huseynov affirme que la induisait en erreur en mettant sur le même plan la circoncision des jeunes garçons avec d’autres opérations plus néfastes. Je rappelle que la résolution précédente ne fait que constater, de manière générale, qu’il s’agit d’atteintes à l’intégrité physique des enfants. Mais la résolution fait une distinction au niveau du sérieux et des conséquences de différentes opérations, en jugeant notamment les mutilations génitales féminines et les interventions médicales à un âge précoce sur les enfants intersexués comme étant les plus graves.
7. Comme mon collègue le constate lui-même, l’Assemblée n’a effectivement «jamais eu l’intention de mettre sur le même plan ces pratiques et la circoncision des jeunes garçons». Il me semble toutefois qu’en adoptant la , l’Assemblée a clairement conclu que la circoncision des jeunes garçons représentait une violation de l’intégrité physique d’enfants même si elle est moins lourde que d’autres.
8. Néanmoins, je perçois la volonté du rapporteur et de la commission de la culture de préparer un texte équilibré et suivant une démarche positive de sensibilisation, d’éducation et de dialogue, une approche que je soutiens pleinement et à laquelle j’invite la commission des questions sociales à rester fidèle.