1. Introduction
1. Après l’adoption par l’Assemblée
parlementaire de la
Recommandation
963 (1983) sur les moyens culturels et éducatifs de réduire la
violence, plusieurs incidents, et notamment la catastrophe de Heysel
en mai 1985
, ont démontré la nécessité
de répondre, par un instrument contraignant, au phénomène du hooliganisme
et des violences liées aux manifestations sportives.
2. Cela a porté à la rédaction de la Convention européenne sur
la violence et les débordements de spectateurs lors de manifestations
sportives et notamment de matches de football (STE no 120);
celle-ci a été ouverte à la signature le 19 août 1985 et est entrée
en vigueur le 1er novembre 1985; elle
a été ratifiée depuis lors par 42 Etats.
3. La Convention no 120 a constitué
un pas en avant important. Néanmoins, au cours des dix dernières années,
il est apparu de plus en plus que son contenu (visant essentiellement
à prévenir et décourager les violences et les débordements et à
y faire face à l’intérieur et à proximité des stades) n’était plus
adapté et que certaines de ses dispositions étaient de nature à
exacerber, plutôt qu’à contrer, les risques de violence et de débordements.
4. Ainsi, sur proposition de la 12e Conférence
du Conseil de l’Europe des Ministres responsables du sport (Belgrade,
mars 2012), en juin 2012, le Comité des Ministres a chargé le Comité
permanent de la Convention contre la violence des spectateurs d’évaluer
la nécessité d’une actualisation de la Convention no 120
(voir CM/Del/Dec(2012)1145/8.1). Cette étude, soumise au Comité
des Ministres en décembre 2013 (voir CM/Del/Dec(2013)1187/8.3),
a conclu qu’il était hautement souhaitable de réviser la Convention
de 1985.
5. Plusieurs explications, étroitement liées, ont été avancées,
y compris les suivantes:
- le
contenu de la Convention no 120 est à
certains égards en contradiction avec l’expérience acquise et les
bonnes pratiques adoptées en Europe depuis son adoption; les recommandations
du Comité permanent vont donc dans une direction différente des
dispositions conventionnelles, ce qui est source de confusion pour
les Etats Parties;
- la Convention no 120 place
l’accent sur la violence des spectateurs, mais ne tient pas compte
d’autres facteurs, tels que la sécurité et les services (l’«hospitalité») alors
qu’il faudrait promouvoir une approche pluri-institutionnelle intégrée
de ces trois piliers;
- une révision permettrait:
- de tenir davantage compte de l’impact des changements
sociétaux (économiques, migratoires, politiques, sociaux et technologiques)
sur le football, ainsi que de la nature et de l’ampleur des risques
correspondants;
- de promouvoir le développement de partenariats.
6. A la lumière de cette étude,
le Comité des Ministres, lors de sa 1187e réunion
de décembre 2013, a décidé d’actualiser la convention et chargé
le Comité permanent de sa révision. Le Comité permanent a élaboré
un nouveau texte qui, après des consultations et des discussions
approfondies, a été affiné, puis unanimement approuvé par les délégations
de tous les Etats Parties en décembre 2014. Le Comité des Ministres
a saisi l’Assemblée de ce texte pour avis.
2. Principaux éléments du projet de convention
7. Le projet de Convention du
Conseil de l’Europe sur une approche intégrée de la sécurité, de
la sûreté et des services lors des matches de football et autres
manifestations sportives (ci-après «le projet de convention») a
pour but de faire en sorte que les matches de football et les autres
manifestations sportives se déroulent dans un environnement sécurisé,
sûr et accueillant pour tous les individus.
8. Pour atteindre ce but, le projet repose sur une idée-clé:
promouvoir une approche pluri-institutionnelle intégrée de la sécurité,
de la sûreté et des services, ainsi qu’un esprit de partenariat
entre tous les organismes intervenant dans les manifestations sportives,
en veillant à ce que le rôle et les responsabilités de chaque organisme
public ou privé soient clairement définis et complémentaires.
9. Le projet de convention souligne aussi l’importance de nouer
un dialogue avec les populations locales et les supporters et rappelle
que le sport peut jouer un rôle important dans la promotion des
valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe, telles que la cohésion
sociale, la tolérance et la lutte contre la discrimination.
10. Le projet de convention propose un cadre énonçant certains
principes essentiels, que chaque Etat peut adapter et appliquer
en fonction de la législation et du contexte national, selon la
nature et la gravité des problèmes de sécurité et de sûreté rencontrés
lors des manifestations sportives sur son territoire.
11. Pour cette raison, en ce qui concerne le champ d’application
de la convention, il est prévu que ses dispositions s’appliquent
à tous les matches de football professionnel nationaux et internationaux,
mais chaque Etat Partie peut décider si elles devraient l’être à
d’autres manifestations sportives présentant des risques et des
enjeux comparables.
12. Par ailleurs, les obligations conventionnelles ne doivent
pas empiéter sur le principe de l’autonomie du sport en Europe,
qui a été reconnu par le Comité des Ministres
. Cependant, ce principe
ne dispense pas le mouvement sportif de respecter la prééminence
du droit et la législation applicable dans chaque juridiction.
13. Le projet de convention souligne également que les dispositions
de la convention doivent être appliquées dans le respect des obligations
juridiques internationales et nationales en la matière, notamment, de
droits de l’homme, de protection des données et de réhabilitation
des délinquants.
14. Le texte prévoit aussi la mise en place d’un Comité sur la
sécurité et la sûreté des événements sportifs, qui serait chargé
de veiller au respect de la convention et d’apporter aide et conseils
aux Etats Parties pour sa mise en œuvre. Il s’agit d’un mécanisme
analogue à celui utilisé par la Convention contre le dopage (STE
no 135).
3. L’approche
pluri-institutionnelle intégrée de la sécurité, de la sûreté et
des services
15. Le concept de «sécurité» recouvre
toutes les mesures visant à éviter que des personnes ne soient blessées
ou ne soient exposées à des risques pour leur santé ou leur bien-être
pendant des manifestations sportives. Ces mesures concernent l’infrastructure
du stade, la certification du stade, les règles de consommation
d’alcool, les plans d’intervention en cas d’urgence, etc.; mais
il s’agit également de mesures qui peuvent être prises à l’extérieur
du stade, afin de protéger les personnes lors de leurs déplacements
vers la manifestation ou celles qui résident ou travaillent à proximité.
Elles peuvent comprendre la gestion des véhicules publics et privés
et des supporters aux abords du stade. Elles concernent aussi les
mesures relatives aux manifestations liées aux matches organisées
dans des espaces publics, comme les lieux de rassemblement de fans
et de retransmission publique.
16. Le concept de «sûreté» recouvre toutes les mesures visant
à lutter contre la violence à l’intérieur et à l’extérieur des stades
et notamment celles visant à décourager, à prévenir et à sanctionner
toute violence ou débordement; cela inclut la coopération entre
la police et les autres organismes intervenant pour assurer la sûreté
d’une manifestation, l’évaluation des risques et l’application de
sanctions aux individus ayant commis des infractions ou porté atteinte
à l’ordre public.
17. Les mesures de «service» comprennent l’ensemble des mesures
visant à rendre les matches de football et autres manifestations
sportives agréables et accueillantes pour tous, non seulement dans
l’enceinte du stade, mais aussi dans les espaces publics où les
spectateurs se réunissent, soit lors de manifestations organisées,
soit de manière spontanée. Elles englobent des éléments essentiels
tels que la restauration et les équipements sanitaires, mais aussi
la manière dont les spectateurs sont accueillis et traités tout
au long de la manifestation.
18. Le projet de convention insiste sur le fait que ces trois
dimensions doivent être prises en considération conjointement (approche
«intégrée») afin d’assurer une efficacité maximale du système de
lutte contre la violence à l’intérieur et à l’extérieur des stades.
Je partage entièrement cette analyse et considère qu’il s’agit là
d’une plus-value certaine de la nouvelle convention par rapport
à la Convention no 120. Il me semble,
en effet, très important de considérer le public non seulement comme
une foule de gens à encadrer et maîtriser mais comme des «personnes»
avec une «attente légitime» à pouvoir participer aux manifestations
sportives sans prendre des risques et dans des conditions confortables.
Le public ainsi entendu devient un partenaire dans la lutte contre
les débordements. Je partage sans réserve cette approche louable.
19. Je trouve particulièrement importantes les dispositions des
articles 7 (Plans de secours et d’intervention en cas d’urgence),
9 (Stratégies et opérations policières), 10 (Prévention et sanction
des comportements répréhensibles) et 11 (Coopération internationale).
Entre autres, ces dispositions prévoient que les Parties à la convention:
- «veillent à ce que des plans
pluri-institutionnels de secours et d’intervention en cas d’urgence
soient établis et à ce que ces plans soient testés et perfectionnés
au cours d’exercices conjoints réguliers» (article 7);
- «veillent à ce que des stratégies policières soient élaborées,
régulièrement évaluées et perfectionnées en fonction de l’expérience
et des bonnes pratiques nationales et internationales, et à ce qu’elles
soient conformes à l’approche intégrée globale de la sécurité, de
la sûreté et des services» (article 9.1);
- «veillent à disposer, conformément au droit national et
international, de mesures d’exclusion effectives, adaptées à la
nature et au lieu du risque afin de décourager et de prévenir les
actes de violence ou les débordements» (article 10.2);
- «coopèrent, conformément au droit national et international,
pour faire en sorte que les personnes qui commettent des infractions
à l’étranger se voient infliger des sanctions appropriées, soit
dans le pays où l’infraction a été commise, soit dans le pays où
elles résident ou dont elles sont ressortissantes» (article 10.3);
- «coopèrent étroitement sur toutes les questions visées
par la présente Convention et les questions connexes afin de renforcer
au maximum leur collaboration dans le cadre des manifestations internationales,
de partager des expériences et de participer au développement de
bonnes pratiques» (article 11.1).
20. Je me réjouis beaucoup de la référence à l’article 8 du besoin
d’encourager les projets pluri-institutionnels. Je trouve particulièrement
important le rôle que les écoles peuvent avoir pour associer les jeunes
et gagner leur soutien. Cela renforcera certainement l’efficacité
du processus, en éveillant la conscience des risques pour la sécurité
et la sûreté, en aidant à la diffusion d’informations pertinentes
et donc en favorisant les bonnes attitudes.
21. J’apprécie également le fait que la nouvelle convention sera
ouverte aux Etats non-membres: leur adhésion assurera une efficacité
maximale.
4. Améliorations
possibles
4.1. Préambule
22. Il conviendrait d’ajouter,
dans le préambule, un nouveau paragraphe libellé comme suit: «Vu
l’Avis … (2015), adopté par l’Assemblée parlementaire du Conseil
de l’Europe le [27] novembre 2015».
4.2. Dispositions
sur les obligations des Parties et le mécanisme de suivi
23. Une évaluation des risques
adéquate – fondée sur des données pertinentes et exhaustives – est
une condition préalable pour développer et mettre en œuvre toute
stratégie de façon appropriée. Ainsi, les Parties devraient assurer
que des mécanismes de coordination soient établis afin d’identifier,
d’analyser et d’évaluer les risques concernant la sécurité, la sûreté
et les services, et de permettre le partage d’informations actualisées
sur l’évaluation des risques. A cet égard, j’estime qu’il serait
approprié de développer des bases de données nationales pour rassembler
des informations pertinentes sur les risques potentiels et les tensions qui
peuvent surgir à l’occasion des événements sportifs, aussi dans
le but de soutenir l’élaboration des stratégies policières prévues
à l’article 9 du projet de convention et d’améliorer la capacité
des services de renseignement des forces de police. J’espère que
cette idée puisse trouver une place dans le rapport explicatif au
projet de convention.
24. Dans tous les cas, je crois que la nouvelle convention devrait
contenir une référence explicite à l’évaluation des risques. Ainsi,
je suggère d’ajouter à l’article 4 un nouveau paragraphe 4.2 (ou
4.4), libellé comme suit:
«Les
Parties veillent à assurer que des mécanismes de coordination soient
établis afin d’identifier, d’analyser et d’évaluer les risques concernant
la sécurité, la sûreté et les services, et de permettre le partage
d’informations actualisées sur l’évaluation des risques.»
25. L’article 7 du projet de convention est ainsi rédigé:
«Plans de secours et d’intervention
en cas d’urgence
Les Parties veillent à ce que des plans pluri-institutionnels
de secours et d’intervention en cas d’urgence soient établis et
à ce que ces plans soient testés et perfectionnés au cours d’exercices
conjoints réguliers. Les cadres juridiques, réglementaires ou administratifs
nationaux devraient préciser à quel organisme il incombe de décider
de l’organisation des exercices, de les diriger et de les valider.»
26. Dans la deuxième phrase le verbe «devoir» est au conditionnel
(«devraient»); cela ne semble pas cohérent, car l’obligation prévue
dans la première phase ne peut être satisfaite sans l’organisation,
direction et validation des exercices y mentionnés et donc sans
qu’un organisme soit clairement chargé de cette mission. Je propose
que la deuxième phrase soit modifiée comme suit:
«Les cadres juridiques, réglementaires ou administratifs
nationaux précisent à quel
organisme il incombe de décider de l’organisation des exercices,
de les diriger et de les valider.»
27. L’article 13 du projet de convention concerne l’établissement
du Comité sur la sécurité et la sûreté des événements sportifs,
qui sera l’organe chargé du suivi de la mise en œuvre de la convention,
composé des représentants des Parties. Le paragraphe 3 de cette
article prévoit que:
«3. Tout
Etat membre du Conseil de l’Europe ou Partie à la Convention culturelle
européenne qui n’est pas Partie à la présente Convention, ainsi
que tout Etat non membre Partie à la Convention n° 120, peut être
représenté au comité en qualité d’observateur.»
28. Il est regrettable que le projet de convention ne prévoie
pas la possibilité pour l’Assemblée parlementaire et pour le Congrès
des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe d’être représentés
(sans droit de vote) au Comité. Par exemple, la Convention sur la
manipulation des compétitions sportives (STCE no 215) prévoit
la participation de notre Assemblée au comité de suivi. Je propose
d’amender l’article 13 pour prévoir la participation de l’Assemblée
et du Congrès (l’organisation d’événements sportifs impliquant nécessairement les
autorités locales).
4.3. Clauses
finales
29. J’estime que la rédaction actuelle
de l’article 16.4 manque de précision. Le texte actuel est le suivant:
«4. Lors du dépôt de son instrument
de ratification, d’acceptation ou d’approbation conformément au paragraphe
précédent et aux dispositions de l’article 17, l’Etat contractant
peut exprimer sa volonté de continuer à appliquer la Convention
n° 120 jusqu’à l’entrée en vigueur de la présente Convention.»
30. L’article 17, mentionné dans cette disposition, ne concerne
pas le dépôt des divers instruments, mais l’entrée en vigueur de
la Convention. Ainsi, il me semble qu’une rédaction plus précise
serait la suivante [changements mis en évidence]:
«4. Lors du dépôt de son instrument
de ratification, d’acceptation ou d’approbation conformément au paragraphe
précédent [BIFFER: «et aux
dispositions de l’article 17»], l’Etat contractant peut exprimer sa
volonté de continuer à appliquer la Convention n° 120 jusqu’à l’entrée
en vigueur de la présente Convention conformément
aux dispositions de l’article 17.1.»
31. Je propose de biffer l’article 19.2, dont le texte est le
suivant:
«2. En attendant que
la dénonciation de la Convention n° 120 soit effective, un Etat
contractant à la présente Convention peut déclarer que les dispositions
de cette Convention lui seront applicables à titre provisoire.»
32. Le sens de cette disposition est fort ambigu et le rapport
explicatif n’aide guère à le clarifier. En effet, une déclaration
d’application provisoire d’une nouvelle convention est en rapport
avec le processus de sa ratification – alors que toute référence
à la ratification est absente dans ce texte – et non (seulement)
à la dénonciation d’une convention précédente (en l’espèce la Convention
no 120).
33. Il est possible que l’intention soit de permettre l’application
provisoire de la nouvelle Convention, après la dénonciation de la
Convention no 120 et en attendant que
la ratification devienne efficace. En d’autres termes, un Etat qui
aurait décidé de la ratifier et dénoncerait la Convention no 120
pourrait, avec cette déclaration, appliquer «provisoirement» le
système de la nouvelle convention en attendant l’entrée en vigueur de
la ratification (non de la dénonciation). Un tel mécanisme serait
acceptable, mais alors la disposition correspondante serait mieux
placée à l’article 17 (comme nouveau paragraphe 3) et la rédaction
devrait être complètement différente; par exemple:
«3. Après dénonciation de la Convention
n° 120, un Etat peut déclarer que les dispositions de la présente
Convention lui seront applicables à titre provisoire jusqu’à ce
que sa ratification entre en vigueur aux termes de l’article 17.2
de la présente Convention.»
4.4. Rapport
explicatif
34. Le rapport explicatif devrait
être adapté en fonction des changements introduits dans le texte
de la convention.
35. En outre, il manque une référence explicite à la menace d’attaques
terroristes, alors qu’ils constituent aujourd’hui une question majeure
de sécurité et sûreté. Les événements sportifs peuvent facilement
devenir la cible d’attaques terroristes et je crois que, dans une
certaine mesure, cette convention pourrait et devrait contribuer
à leur prévention. Pour cette raison, je suggère d’ajouter à la
fin du paragraphe 14 du rapport explicatif du projet de convention
une nouvelle phrase libellée comme suit:
«Ce sont des risques qui peuvent avoir différentes causes,
par exemple des désastres naturels, des attaques terroristes, des
défaillances des infrastructures, tout type de violence et de mauvais comportements.»
5. Conclusion
36. Je partage l’approche et la
dynamique de coopération qui inspire le projet de Convention du
Conseil de l’Europe sur une approche intégrée de la sécurité, de
la sûreté et des services lors des matches de football et autres
manifestations sportives; il s’agit d’un texte extrêmement opportun,
que notre Assemblée devrait soutenir, en invitant les Etats membres
du Conseil de l’Europe à le ratifier rapidement.
37. Les quelques modifications proposées n’ont d’autre but que
de mieux associer notre Assemblée (ainsi que le Congrès des pouvoirs
locaux et régionaux du Conseil de l’Europe) à sa mise en œuvre,
d’améliorer la clarté du texte et de le renforcer sur quelques questions
essentiels.