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Avis de commission | Doc. 13924 | 23 novembre 2015

Le sort des détenus gravement malades en Europe

Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable

Rapporteur : M. Stefan SCHENNACH, Autriche, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 13573, Renvoi 4080 du 3 octobre 2014. Commission saisie du rapport: Commission des questions juridiques et des droits de l'homme. Voir Doc. 13919. Avis approuvé par la commission le 23 novembre 2015. 2015 - Commission permanente de novembre

A. Conclusions de la commission

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1. La commission des questions sociales, de la santé et du développement durable soutient le rapport préparé par la commission des questions juridiques et des droits de l'homme et félicite son rapporteur, M. Andreas Gross, de son travail minutieux et bien documenté sur les détenus «gravement malades 
			(1) 
			L’expression détenus
«gravement malades» n’est pas définie dans le rapport, qui porte
sur les détenus souffrant d’une maladie grave, les détenus malades
en phase terminale et les détenus d’un âge avancé (paragraphe 7
de l’exposé des motifs). Le titre du rapport et son champ d’application
ne correspondent donc pas. D’ailleurs, du point de vue médical, les
patients gravement malades sont ceux qui courent un risque élevé
de problèmes de santé mettant ou pouvant mettre en danger leurs
jours et relèvent d’une catégorie entièrement différente de celle
des patients malades en phase terminale, sans parler des patients
d’un âge avancé ou de ceux qui souffrent d’une maladie grave sans
être forcément gravement malades. » en Europe.
2. Le rapport porte sur les obstacles à l’accès des détenus «gravement malades» à des soins de santé adéquats, dont l’absence de personnel médical formé et indépendant dans les centres de détention et les établissements pénitentiaires, le fait de ne pas transférer, le cas échéant, les détenus dans un hôpital public et l’application disproportionnée de la contention aux détenus dans un contexte médical. Cela étant, la question essentielle sur laquelle repose le mandat du rapporteur a trait à l’opportunité de maintenir en détention une personne «gravement malade» ou mourante (c'est-à-dire la libération pour des motifs de compassion 
			(2) 
			Voir
le paragraphe 6 de l’exposé des motifs.). Les projets de recommandation et de résolution, qui mettent l’accent sur le principe que nul ne devrait mourir en détention, en font état. Si les normes et les procédures de libération pour des motifs de compassion sont en général des questions à caractère juridique ne relevant pas de la commission des questions sociales, l’accès aux soins de santé est au cœur du mandat de cette dernière.
3. C’est pourquoi la commission des questions sociales tient à proposer certains amendements pour renforcer les projets de résolution et de recommandation dans la perspective du droit à la santé, conformément aux normes internationales applicables.

B. Amendements proposés

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Amendement A (au projet de résolution)

Au paragraphe 10.1, remplacer les mots «consacrent le droit à l’égalité des soins médicaux» par les mots «garantissent le droit à l’égalité d’accès aux soins de santé».

Amendement B (au projet de résolution)

A la fin du paragraphe 10.4.1, ajouter les mots «y compris en cas d’accouchement».

Amendement C (au projet de résolution)

Au paragraphe 10.4.4, après les mots «des programmes de soins», insérer le mot «gériatriques,».

Amendement D (au projet de résolution)

Au paragraphe 10.4.4, après les mots «population de détenus âgés», insérer les mots «de détenus malades en phase terminale et de détenus gravement malades».

Amendement E (au projet de recommandation)

Au paragraphe 1, remplacer les mots «des soins de santé adéquats et des traitements médicaux» par les mots «l’accès à des soins de santé adéquats».

Amendement F (au projet de recommandation)

Au paragraphe 2, après les mots «et notamment», insérer les mots suivants:

«le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Charte sociale européenne révisée (STE no 163),»

C. Exposé des motifs, par M. Schennach, rapporteur pour avis

(open)
1. Plusieurs normes internationales disposent que les personnes privées de liberté ont accès aux soins de santé et définissent la qualité des soins qui devraient leur être dispensés. Il s’agit pour la plupart d’instruments non contraignants mentionnés dans l’exposé des motifs. Cela étant, leurs principes découlent tous du même droit fondamental, à savoir le droit à la santé, proclamé pour la première fois dans la Constitution de l’Organisation mondiale de la Santé adoptée en 1946, puis dans la Déclaration universelle des droits de l'homme deux ans après (article 25.1). En 1996, l’article 12.1 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies a consacré pour la première fois dans un instrument international juridiquement contraignant «le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu’elle soit capable d’atteindre».
2. Selon le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies, l’accès aux soins de santé est un aspect fondamental du droit à la santé et les Etats sont liés par l’obligation de respecter ce droit, notamment en s’abstenant de refuser ou de limiter l’égalité d’accès de toutes les personnes, dont les détenus, les membres de minorités, les demandeurs d’asile et les immigrants en situation irrégulière, aux soins de santé prophylactiques, thérapeutiques et palliatifs 
			(3) 
			Observation
générale no 14: droit au meilleur état
de santé susceptible d’être atteint (article 12), paragraphe 34.. Il s’ensuit que le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels est au cœur des normes internationales mentionnées ci-dessus et devrait figurer dans la liste des instruments essentiels cités dans le projet de recommandation, avec la Charte sociale européenne révisée (STE no 163) qui est son équivalent au niveau du Conseil de l'Europe 
			(4) 
			L’article 11 de la
Charte sociale européenne révisée reconnaît le droit à la protection
de la santé. (amendement F).
3. De plus, les projets de résolution et de recommandation devraient retenir la terminologie appropriée en matière de droit à la santé et ainsi mentionner «le droit à l’égalité d’accès aux soins de santé» plutôt que «le droit à l’égalité des soins médicaux», et «l’accès à des soins de santé adéquats» plutôt que «des soins de santé adéquats». Dans ce dernier cas, il n’y a pas lieu non plus d’ajouter les termes «des traitements médicaux» après «soins de santé adéquats», car le premier est un aspect du dernier qui représente un concept plus large incluant les diagnostics et les interventions prophylactiques, thérapeutiques et rééducatives (amendements A et E).
4. Le rapport ne porte que marginalement sur les besoins de groupes particuliers de détenus en matière de soins de santé (par exemple traitement psychologique de migrants placés en rétention, voir le paragraphe 38 de l’exposé des motifs). Si cela peut se comprendre en raison du champ d’application déjà très large du rapport 
			(5) 
			Le rapport porte sur
«tous» les détenus, y compris les personnes placées en détention
provisoire, les migrants placés en rétention ou toute autre personne
dont le placement en détention ne découle pas d’une condamnation
au pénal (voir le paragraphe 3 de l’exposé des motifs). , je pense que le cas des détenues qui accouchent mérite une attention particulière. De fait, si la grossesse n’est pas une maladie, l’accouchement présente des risques considérables et peut rapidement mettre la vie en danger. En pareil cas, des soins médicaux spéciaux dans un établissement extérieur deviennent essentiels et l’absence de transport efficace peut être fatale à la mère et à l’enfant. Je propose donc d’insérer dans le projet de résolution, une recommandation spécifique sur ce point (amendement B).
5. Il semble y avoir une certaine confusion dans le projet de résolution en ce qui concerne les personnes auxquelles des soins palliatifs et des soins de fin de vie devraient être prodigués. Les soins de fin de vie, qui généralement comprennent des soins palliatifs, concernent les patients en phase terminale. Pour ce qui est des soins palliatifs visant à gérer la douleur et les autres symptômes éprouvants d’une maladie, ils devraient être proposés à toutes les personnes gravement malades indépendamment du pronostic. En conséquence, si une personne âgée peut être en phase terminale d’une maladie ou être gravement malade et nécessiter des soins de fin de vie ou des soins palliatifs, le fait d’établir un lien entre ces deux types de soins et les personnes âgées, comme il est suggéré dans le projet de résolution, prête à confusion, pour ne pas dire est erroné. Si l’on veut traiter les problèmes spécifiques des personnes âgées, on devrait se référer aux soins gériatriques qui visent à traiter les syndromes gériatriques courants comme les chutes, la démence, l’incontinence et les déficiences sensorielles. Afin de clarifier ces aspects, je propose de reformuler le paragraphe concerné du projet de résolution (amendements C et D).