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Réponse à Recommandation | Doc. 13928 | 08 décembre 2015
Drones et exécutions ciblées: la nécessité de veiller au respect des droits de l’homme et du droit international
1. Le Comité des Ministres
a étudié la Recommandation 2069 (2015) de l’Assemblée parlementaire
sur les «Drones et exécutions ciblées: la nécessité de veiller au
respect des droits de l’homme et du droit international» et l’a
transmise au Comité des conseillers juridiques sur le droit international
public (CAHDI) et au Comité directeur pour les droits de l’homme
(CDDH), pour information et commentaires éventuels.
2. Le Comité des Ministres note que le CAHDI utilise les termes
«véhicule aérien sans pilote» (VASP) pour faire référence aux «drones»,
mais qu’il utilisera quant à lui les deux termes. Le Comité des
Ministres relève que l’utilisation de drones armés est relativement
récente et qu’elle a considérablement augmenté ces dernières années.
Il note également qu’il est généralement admis que les drones armés
en soi ne sont pas des armes illégales et que les dispositions pertinentes
du droit international régissant le recours à la force et la conduite
des hostilités, ainsi que celles du droit international des droits
de l’homme, s’appliquent à leur utilisation. Cela étant, des points
de vue différents ont été exprimés dans la communauté internationale
quant à l’interprétation ou l’application de ces dispositions.
3. La communauté internationale s’est employée à examiner les
questions que soulève l’utilisation croissante de VASP armés. Le
Comité des Ministres constate qu’elle a suscité d’abondantes publications universitaires
et quantité de débats dans diverses enceintes des Nations Unies,
des organes intergouvernementaux et au sein de gouvernements et
tribunaux nationaux.
4. Dans les deux rapports qu’il a soumis le 18 septembre 2013
à l’Assemblée générale des Nations Unies et le 10 mars 2014 au Conseil
des droits de l’homme respectivement, M. Ben Emmerson, Rapporteur
spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme
et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, examine
l’utilisation de VASP armés dans le cadre d’opérations extraterritoriales
létales de lutte contre le terrorisme, notamment dans les situations
de conflit armé asymétrique et les allégations selon lesquelles l’utilisation
de plus en plus fréquente des VASP armés aurait fait un nombre disproportionné
de victimes civiles. D’autre part, dans le rapport qu’il a soumis
le 13 septembre 2013 à l’Assemblée générale des Nations Unies, M. Christof
Heyns, Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires
ou arbitraires, se penche plus particulièrement sur la question
du recours à la force meurtrière au moyen de VASP armés, sous l’angle de
la protection du droit à la vie. Dans ces trois rapports, les Rapporteurs
spéciaux analysent la manière dont les systèmes juridiques qui composent
le droit international – y compris le droit international des droits
de l’homme, le droit international humanitaire et le droit relatif
au recours à la force entre Etats – sont applicables à l’utilisation
des VASP armés. Ils formulent des conclusions et des recommandations,
notamment aux Nations Unies et en particulier à leur Conseil des
droits de l’homme, aux Etats qui utilisent les VASP armés, aux Etats touchés
par les attaques de VASP armés et à d’autres acteurs.
5. Par ailleurs, le Comité des Ministres note que le Conseil
des droits de l’homme, dans sa Résolution 25/22 du 24 mars 2014
a exhorté tous les Etats «à veiller à ce que toute mesure employée
pour lutter contre le terrorisme, y compris l’utilisation d’aéronefs
téléguidés ou de drones armés, soit conforme aux obligations leur incombant
en vertu du droit international, y compris la Charte des Nations
Unies, le droit international des droits de l’homme et le droit
international humanitaire, en particulier les principes de précaution,
de distinction et de proportionnalité». En application de cette
résolution, le Conseil des droits de l’homme a décidé d’organiser
le 22 septembre 2014 une réunion-débat d’experts afin de veiller
à ce que l’utilisation de VASP armés dans les opérations antiterroristes
et militaires soit conforme au droit international, y compris le
droit international des droits de l’homme et le droit humanitaire.
En outre, dans la Résolution 28/3 du 19 mars 2015, le Conseil des droits
de l’homme a décidé d’ «[inviter] le Haut‑Commissaire des Nations
Unies aux droits de l’homme, les titulaires de mandat au titre de
procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme concernés
et les organes créés en vertu d’instruments relatifs aux droits
de l’homme à prêter attention, dans le cadre de leur mandat, aux
violations du droit international résultant de l’utilisation d’aéronefs
téléguidés ou de drones armés» ainsi que de rester saisi de la question.
6. Ainsi qu’il apparaît également dans les rapports et résolutions
susmentionnés, le Comité des Ministres convient avec l’Assemblée
parlementaire et le CAHDI qu’étant donné le fait que le nombre d’Etats
en mesure d’utiliser des drones armés est susceptible d’augmenter,
il faudrait parvenir à un plus large consensus sur les conditions
de leur utilisation afin de veiller au respect du droit international
public. Le Comité des Ministres relève à cet égard que le CAHDI
souligne que pour qu’une attaque de VASP armé soit conforme au droit international,
elle doit satisfaire aux critères pertinents et applicables en vertu
du droit applicable à l’emploi de la force interétatique, du droit
humanitaire international et du droit international des droits de
l’homme.
7. En ce qui concerne le droit applicable à l’utilisation de
la force interétatique, le Comité des Ministres rappelle que la
Charte des Nations Unies et le droit international coutumier interdisent
aux Etats de recourir à la menace ou à l’emploi de la force soit
contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout
Etat soit de toute autre manière incompatible avec les buts des
Nations Unies. Cela étant, ainsi que le CAHDI le fait observer concernant
les régimes juridiques applicables, même s’il existe un fondement
juridique valable pour l’emploi de la force, une attaque de drone
peut, selon les circonstances, être considérée toutefois comme illégale
en vertu du droit humanitaire international et/ou du droit international
des droits de l’homme.
8. S’agissant du droit international humanitaire applicable aux
conflits armés, le Comité des Ministres rappelle que toutes les
attaques sur des personnes et/ou des objets sont sujettes aux règles
relatives à la conduite des hostilités. En particulier, les opérations
militaires doivent être conduites en veillant constamment à épargner
la population civile, les civils et les biens de caractère civil.
Plus précisément, ceux qui préparent ou décident une attaque doivent
faire tout ce qui est possible concrètement pour vérifier que les
objectifs à attaquer ne sont ni des personnes civiles ni des objets
à caractère civil et ne bénéficient pas d’une protection spéciale,
mais qu’ils sont des objectifs militaires. Par ailleurs, des précautions
doivent aussi être prises dans le choix des moyens et des méthodes
d’attaque en vue d’éviter et, en tout état de cause, de réduire
au minimum les pertes en vies humaines dans la population civile,
les blessures aux personnes civiles et les dommages aux biens de
caractère civil qui pourraient être causés incidemment.
9. S’agissant du droit international des droits de l’homme, le
Comité rappelle la jurisprudence pertinente de la Cour européenne
des droits de l’homme, selon laquelle, conformément à la jurisprudence
de la Cour internationale de justice, «même en cas de conflit armé
international, les garanties énoncées dans la Convention continuent
de s’appliquer, quoiqu’en étant interprétées à l’aune des règles
du droit international humanitaire».
10. A la lumière de ce qui précède, le Comité des Ministres considère
qu’il est nécessaire d’examiner nombre de questions juridiques que
soulève l’utilisation croissante de VASP armés en tenant compte
des travaux des Nations Unies et du Comité international de la Croix‑Rouge
(CICR). Il n’estime pas nécessaire à ce stade d’élaborer des lignes
directrices selon le modèle proposé par l’Assemblée, mais il demandera
au CAHDI de garder la question à l’ordre du jour et d’en suivre
l’évolution. Il invite le CAHDI à signaler tous développements majeurs
au Comité des Ministres et à lui faire savoir également si, de l’avis
du CAHDI, il y a lieu pour le Conseil de l’Europe de prendre des
mesures ultérieures. Le Comité des Ministres tiendra l’Assemblée
informée.