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Réponse à Recommandation | Doc. 13928 | 08 décembre 2015

Drones et exécutions ciblées: la nécessité de veiller au respect des droits de l’homme et du droit international

Auteur(s) : Comité des Ministres

Origine - Adoptée à la 1242e réunion des Délégués des Ministres (1-2 décembre 2015). 2016 - Première partie de session

Réponse à Recommandation: Recommandation 2069 (2015)

1. Le Comité des Ministres a étudié la Recommandation 2069 (2015) de l’Assemblée parlementaire sur les «Drones et exécutions ciblées: la nécessité de veiller au respect des droits de l’homme et du droit international» et l’a transmise au Comité des conseillers juridiques sur le droit international public (CAHDI) et au Comité directeur pour les droits de l’homme (CDDH), pour information et commentaires éventuels.
2. Le Comité des Ministres note que le CAHDI utilise les termes «véhicule aérien sans pilote» (VASP) pour faire référence aux «drones», mais qu’il utilisera quant à lui les deux termes. Le Comité des Ministres relève que l’utilisation de drones armés est relativement récente et qu’elle a considérablement augmenté ces dernières années. Il note également qu’il est généralement admis que les drones armés en soi ne sont pas des armes illégales et que les dispositions pertinentes du droit international régissant le recours à la force et la conduite des hostilités, ainsi que celles du droit international des droits de l’homme, s’appliquent à leur utilisation. Cela étant, des points de vue différents ont été exprimés dans la communauté internationale quant à l’interprétation ou l’application de ces dispositions.
3. La communauté internationale s’est employée à examiner les questions que soulève l’utilisation croissante de VASP armés. Le Comité des Ministres constate qu’elle a suscité d’abondantes publications universitaires et quantité de débats dans diverses enceintes des Nations Unies, des organes intergouvernementaux et au sein de gouvernements et tribunaux nationaux.
4. Dans les deux rapports qu’il a soumis le 18 septembre 2013 à l’Assemblée générale des Nations Unies et le 10 mars 2014 au Conseil des droits de l’homme respectivement, M. Ben Emmerson, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, examine l’utilisation de VASP armés dans le cadre d’opérations extraterritoriales létales de lutte contre le terrorisme, notamment dans les situations de conflit armé asymétrique et les allégations selon lesquelles l’utilisation de plus en plus fréquente des VASP armés aurait fait un nombre disproportionné de victimes civiles. D’autre part, dans le rapport qu’il a soumis le 13 septembre 2013 à l’Assemblée générale des Nations Unies, M. Christof Heyns, Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, se penche plus particulièrement sur la question du recours à la force meurtrière au moyen de VASP armés, sous l’angle de la protection du droit à la vie. Dans ces trois rapports, les Rapporteurs spéciaux analysent la manière dont les systèmes juridiques qui composent le droit international – y compris le droit international des droits de l’homme, le droit international humanitaire et le droit relatif au recours à la force entre Etats – sont applicables à l’utilisation des VASP armés. Ils formulent des conclusions et des recommandations, notamment aux Nations Unies et en particulier à leur Conseil des droits de l’homme, aux Etats qui utilisent les VASP armés, aux Etats touchés par les attaques de VASP armés et à d’autres acteurs.
5. Par ailleurs, le Comité des Ministres note que le Conseil des droits de l’homme, dans sa Résolution 25/22 du 24 mars 2014 a exhorté tous les Etats «à veiller à ce que toute mesure employée pour lutter contre le terrorisme, y compris l’utilisation d’aéronefs téléguidés ou de drones armés, soit conforme aux obligations leur incombant en vertu du droit international, y compris la Charte des Nations Unies, le droit international des droits de l’homme et le droit international humanitaire, en particulier les principes de précaution, de distinction et de proportionnalité». En application de cette résolution, le Conseil des droits de l’homme a décidé d’organiser le 22 septembre 2014 une réunion-débat d’experts afin de veiller à ce que l’utilisation de VASP armés dans les opérations antiterroristes et militaires soit conforme au droit international, y compris le droit international des droits de l’homme et le droit humanitaire. En outre, dans la Résolution 28/3 du 19 mars 2015, le Conseil des droits de l’homme a décidé d’ «[inviter] le Haut‑Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, les titulaires de mandat au titre de procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme concernés et les organes créés en vertu d’instruments relatifs aux droits de l’homme à prêter attention, dans le cadre de leur mandat, aux violations du droit international résultant de l’utilisation d’aéronefs téléguidés ou de drones armés» ainsi que de rester saisi de la question.
6. Ainsi qu’il apparaît également dans les rapports et résolutions susmentionnés, le Comité des Ministres convient avec l’Assemblée parlementaire et le CAHDI qu’étant donné le fait que le nombre d’Etats en mesure d’utiliser des drones armés est susceptible d’augmenter, il faudrait parvenir à un plus large consensus sur les conditions de leur utilisation afin de veiller au respect du droit international public. Le Comité des Ministres relève à cet égard que le CAHDI souligne que pour qu’une attaque de VASP armé soit conforme au droit international, elle doit satisfaire aux critères pertinents et applicables en vertu du droit applicable à l’emploi de la force interétatique, du droit humanitaire international et du droit international des droits de l’homme.
7. En ce qui concerne le droit applicable à l’utilisation de la force interétatique, le Comité des Ministres rappelle que la Charte des Nations Unies et le droit international coutumier interdisent aux Etats de recourir à la menace ou à l’emploi de la force soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout Etat soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies. Cela étant, ainsi que le CAHDI le fait observer concernant les régimes juridiques applicables, même s’il existe un fondement juridique valable pour l’emploi de la force, une attaque de drone peut, selon les circonstances, être considérée toutefois comme illégale en vertu du droit humanitaire international et/ou du droit international des droits de l’homme.
8. S’agissant du droit international humanitaire applicable aux conflits armés, le Comité des Ministres rappelle que toutes les attaques sur des personnes et/ou des objets sont sujettes aux règles relatives à la conduite des hostilités. En particulier, les opérations militaires doivent être conduites en veillant constamment à épargner la population civile, les civils et les biens de caractère civil. Plus précisément, ceux qui préparent ou décident une attaque doivent faire tout ce qui est possible concrètement pour vérifier que les objectifs à attaquer ne sont ni des personnes civiles ni des objets à caractère civil et ne bénéficient pas d’une protection spéciale, mais qu’ils sont des objectifs militaires. Par ailleurs, des précautions doivent aussi être prises dans le choix des moyens et des méthodes d’attaque en vue d’éviter et, en tout état de cause, de réduire au minimum les pertes en vies humaines dans la population civile, les blessures aux personnes civiles et les dommages aux biens de caractère civil qui pourraient être causés incidemment.
9. S’agissant du droit international des droits de l’homme, le Comité rappelle la jurisprudence pertinente de la Cour européenne des droits de l’homme, selon laquelle, conformément à la jurisprudence de la Cour internationale de justice, «même en cas de conflit armé international, les garanties énoncées dans la Convention continuent de s’appliquer, quoiqu’en étant interprétées à l’aune des règles du droit international humanitaire».
10. A la lumière de ce qui précède, le Comité des Ministres considère qu’il est nécessaire d’examiner nombre de questions juridiques que soulève l’utilisation croissante de VASP armés en tenant compte des travaux des Nations Unies et du Comité international de la Croix‑Rouge (CICR). Il n’estime pas nécessaire à ce stade d’élaborer des lignes directrices selon le modèle proposé par l’Assemblée, mais il demandera au CAHDI de garder la question à l’ordre du jour et d’en suivre l’évolution. Il invite le CAHDI à signaler tous développements majeurs au Comité des Ministres et à lui faire savoir également si, de l’avis du CAHDI, il y a lieu pour le Conseil de l’Europe de prendre des mesures ultérieures. Le Comité des Ministres tiendra l’Assemblée informée.