Imprimer
Autres documents liés

Rapport | Doc. 13939 | 08 janvier 2016

La situation au Kosovo* et le rôle du Conseil de l’Europe

Commission des questions politiques et de la démocratie

Rapporteur : M. Agustín CONDE, Espagne, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Décision du Bureau, Renvoi 3932 du 25 janvier 2013.* Toute référence au Kosovo, que ce soit le territoire, les institutions ou la population, doit se comprendre en pleine conformité avec la Résolution 1244 du Conseil de Sécurité des Nations-Unies et sans préjuger du statut du Kosovo. 2016 - Première partie de session

Résumé

La priorité des autorités du Kosovo devrait être d’assurer le respect de la prééminence du droit. La corruption endémique et largement répandue a des répercussions négatives sur la vie de la population du Kosovo et elle freine le développement économique du Kosovo.

Le Kosovo a réalisé des progrès dans le domaine de la démocratie. Cependant, de nombreux retards et impasses dans l’activité législative révèlent l’incapacité des forces politiques à mettre en place un dialogue constructif sur des questions qui revêtent une importance cruciale. De plus, les manifestations de violence récentes à l’Assemblée du Kosovo sont susceptibles de porter atteinte à la confiance de la population dans les institutions démocratiques.

En ce qui concerne la protection des droits de l’homme et les relations intercommunautaires, malgré l’amélioration de la situation sécuritaire, les autorités se doivent de rester vigilantes, de condamner toutes les agressions motivée par l’ethnicité, de faire preuve de responsabilité dans leur discours public et d’assurer la bonne administration de la justice.

La poursuite du dialogue entre Belgrade et Pristina, l’existence d’une perspective européenne pour toutes deux et le renforcement accru des normes sont essentiels pour la sécurité démocratique du Kosovo ainsi que pour la stabilité de l’ensemble des Balkans occidentaux.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 7 décembre
2015.

(open)
1. Près de huit ans se sont écoulés depuis la déclaration d’indépendance de l’Assemblée du Kosovo* 
			(2) 
			* Toute référence au
Kosovo, que ce soit le territoire, les institutions ou la population,
doit se comprendre en pleine conformité avec la Résolution 1244
du Conseil de Sécurité des Nations-Unies et sans préjuger du statut
du Kosovo.. Le Kosovo est depuis reconnu en tant qu’Etat souverain et indépendant par 34 des Etats membres du Conseil de l’Europe. Cependant, 13 Etats membres du Conseil de l’Europe n’ont pas reconnu le Kosovo comme un Etat souverain et indépendant. En conséquence, le Conseil de l’Europe suit une politique de neutralité de statut à l’égard du Kosovo, tout en soutenant l’alignement progressif de celui-ci avec les normes du Conseil de l’Europe dans les domaines de la démocratie, des droits de l’homme et de la prééminence du droit.
2. L’Assemblée parlementaire reconnaît les progrès réalisés au Kosovo dans le domaine de la démocratie, avec l’organisation efficace et transparente, en 2014, des élections législatives qui, pour la première fois, ont eu lieu dans tout le Kosovo, et avec la participation des Serbes du Kosovo au scrutin. Elle regrette toutefois que les activités législatives de l’Assemblée du Kosovo aient été retardées par de nombreuses impasses politiques qui révèlent l’incapacité des forces politiques du Kosovo à mettre en place un dialogue constructif sur des questions qui revêtent une importance cruciale. Elle condamne aussi toutes les manifestations de violence, considérant celles qui se produisent dans une chambre législative comme étant d’une gravité particulière et en mesure de porter atteinte à la confiance de la population dans les institutions démocratiques.
3. L’Assemblée se félicite de l’adoption, par l’Assemblée du Kosovo, des réformes constitutionnelles qui ont ouvert la voie à la création de chambres spécialisées, dont la tâche serait d’exercer des poursuites dans les affaires sur lesquelles aura enquêté l’équipe spéciale d’enquête (Special Investigative Task Force), à titre de suivi de la Résolution 1782 (2011) de l’Assemblée sur les allégations de traitement inhumain de personnes et de trafic illicite d’organes humains au Kosovo. L’Assemblée considère cette décision comme un pas vers la réconciliation et un signe de la volonté des autorités de lutter contre l’impunité.
4. En ce qui concerne la protection des droits de l’homme et les relations intercommunautaires, l’Assemblée déplore que des incidents relatifs à l’ethnicité continuent de se produire, tout en reconnaissant que le climat général en matière de sécurité s’est amélioré. Elle appelle les autorités du Kosovo à ne pas relâcher leur vigilance dans ce domaine, à condamner toutes les formes d’agressions motivées par l’ethnicité, y compris celles qui visent le patrimoine culturel, quelles que soient leur gravité et leur fréquence, et à faire preuve de responsabilité dans leur discours public afin de continuer à apaiser les tensions. L’Assemblée considère que la bonne administration de la justice est le meilleur moyen de rassurer les communautés non majoritaires qu’elles sont en sécurité au Kosovo et protégées par la loi.
5. De l’avis de l’Assemblée, la toute première priorité des autorités du Kosovo devrait être d’assurer le respect de la prééminence du droit et sa mise en œuvre effective. La corruption endémique et largement répandue à tous les niveaux du gouvernement, de la justice et de l’économie a des répercussions négatives sur la vie de la population du Kosovo, quelle que soit la communauté à laquelle elle appartient; elle constitue un obstacle au renforcement général des normes et elle freine le développement économique du Kosovo.
6. L’Assemblée attache une grande importance au dialogue sous l’égide de l’Union européenne en vue de la normalisation des relations entre Belgrade et Pristina et se félicite de l’ouverture de négociations d’adhésion entre la Serbie et l’Union européenne en 2014, ainsi que de la signature de l’Accord de stabilisation et d’association entre l’Union européenne et le Kosovo en octobre 2015. Elle estime que la poursuite du dialogue entre Belgrade et Pristina, l’existence d’une perspective européenne pour toutes deux et le renforcement accru des normes de la démocratie, des droits de l’homme et de la prééminence du droit au Kosovo revêt une importance cruciale pour la sécurité démocratique du Kosovo ainsi que pour la stabilité de l’ensemble de la région des Balkans occidentaux.
7. C’est avec ces considérations à l’esprit que l’Assemblée exhorte les autorités du Kosovo:
7.1. à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour éradiquer la corruption dans tous les secteurs du gouvernement, de la justice et de l’économie, notamment:
7.1.1. en mettant en œuvre la Stratégie anticorruption et son plan d’action et en surveillant leur mise en œuvre;
7.1.2. en améliorant la coordination entre les différents organes chargés de lutter contre la corruption et la criminalité économique;
7.1.3. en encourageant l’Agence anticorruption à adopter une attitude plus volontariste pendant la phase des enquêtes;
7.1.4. en veillant à ce que le ministère public assure le suivi des affaires transmises par l’Agence anticorruption;
7.2. à agir avec une plus grande détermination pour renforcer la prééminence du droit et son respect, notamment:
7.2.1. en protégeant les juges et les procureurs contre toute influence ou ingérence politique;
7.2.2. en assurant le professionnalisme, l’impartialité et l’indépendance des juges et des procureurs;
7.2.3. en mettant en œuvre le Plan d’action judiciaire (2014-2019) pour le Kosovo;
7.2.4. en renforçant les règles qui concernent les sanctions disciplinaires à l’encontre des agents chargés de l’application des lois, et en veillant à ce qu’elles soient appliquées et à ce que la population en soit dûment informée;
7.2.5. en améliorant la formation continue des juges et des procureurs, y compris en droit international des droits de l’homme;
7.2.6. en continuant à enquêter et à exercer des poursuites en ce qui concerne les crimes de guerre;
7.2.7. en mettant en œuvre le système de protection des témoins;
7.3. à lutter contre le chômage, surtout chez les jeunes et les femmes;
7.4. à mettre en œuvre tous les accords découlant du dialogue entre Belgrade et Pristina, en particulier l’accord sur la mise en place de l’association/la communauté des municipalités à majorité serbe;
7.5. à continuer à établir une confiance mutuelle entre les communautés; à protéger les droits et la sécurité des minorités tout en favorisant leur intégration économique, notamment:
7.5.1. en investissant dans des activités créatrices d’emplois, surtout dans les régions où habitent des communautés non majoritaires;
7.5.2. en continuant à intégrer des Serbes du Kosovo dans le système judiciaire, notamment dans le Nord du Kosovo et, de manière générale, promouvoir le recrutement de personnel issu de communautés non majoritaires dans l’administration publique et les entreprises publiques, afin de refléter la diversité ethnique du Kosovo;
7.5.3. en assurant la pleine et efficace mise en œuvre des procédures afin que soient reconnus les diplômes délivrés par l’Université de Mitrovicë/Mitrovica;
7.5.4. en assurant la protection de tout le patrimoine culturel, en veillant particulièrement au patrimoine culturel des communautés non majoritaires, indépendamment du rejet de la demande d’adhésion du Kosovo à l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO);
7.5.5. en mettant en place les conditions requises pour le retour des personnes déplacées, en assurant la restitution effective de leur droit de propriété et en facilitant leur emploi ou le développement d’autres activités génératrices de revenus;
7.5.6. en s’efforçant de résoudre les problèmes spécifiques qui empêchent l’intégration des Roms, des Ashkalis et des Egyptiens, notamment le décrochage scolaire, le travail des enfants et les mariages précoces;
7.5.7. en soutenant le dialogue intercommunautaire, également au niveau de la société civile, et en s’abstenant de tout discours public pouvant aviver les tensions entre communautés;
7.5.8. en soutenant les échanges transfrontaliers et le dialogue concernant les questions de réconciliation et du vivre ensemble;
7.6. à mettre en œuvre la nouvelle loi anti-discrimination et à en évaluer l’impact;
7.7. à mettre en œuvre la nouvelle loi relative à l’égalité des sexes et à en évaluer l’impact; à organiser ou soutenir des campagnes publiques de sensibilisation à la violence sexiste;
7.8. à continuer à s’attaquer au phénomène des combattants étrangers, en s’intéressant principalement à la prévention de la radicalisation et à la mise en œuvre de la nouvelle législation spécifique à ce sujet; à mettre en œuvre la Stratégie sur le terrorisme (2012-2017) et la Stratégie pour la prévention de l’extrémisme violent et de la radicalisation (2015-2020);
7.9. à s’attaquer aux causes profondes des migrations clandestines et à organiser des campagnes publiques pour dissuader les gens de se lancer dans une telle voie;
7.10. à prendre des mesures fermes contre le blanchiment de capitaux, le trafic de drogue, le trafic de migrants, la traite des êtres humains, le trafic d’armes et la détention illégale d’armes;
7.11. à poursuivre les négociations avec les Pays-Bas afin d’établir à La Haye les chambres spécialisées, et à assurer la coopération avec elles une fois qu’elles auront été créées.
8. L’Assemblée encourage la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK) à augmenter ses capacités de coopération avec INTERPOL et EUROPOL et encourage les autorités à Pristina à utiliser les mécanismes disponibles déjà en place.
9. L’Assemblée invite l’Assemblée du Kosovo:
9.1. à mettre en œuvre sans tarder son programme législatif;
9.2. à renforcer sa surveillance du gouvernement;
9.3. à renforcer les mécanismes de consultation de la société civile;
9.4. à adopter un nouveau règlement intérieur pour ses activités, en conformité avec les normes européennes;
9.5. à promouvoir l’égalité des sexes au sein de ses structures et l’inclusion d’une dimension de genre dans son fonctionnement;
9.6. à adopter la réforme de l’administration publique, en veillant à ce que le recrutement et l’avancement soient fondés sur le mérite, et en promouvant son impartialité;
9.7. à permettre le bon fonctionnement de l’institution du Médiateur, à s’engager dans un dialogue constructif avec celui-ci, à suivre ses recommandations et à veiller à ce qu’il dispose des ressources nécessaires pour s’acquitter de son mandat.
10. L’Assemblée exhorte les forces politiques qui sont représentées à l’Assemblée du Kosovo à mettre en place un dialogue politique constructif entre la majorité et l’opposition.
11. L’Assemblée exhorte les autorités de Belgrade et de Pristina:
11.1. à poursuivre le dialogue sous l’égide de l’Union européenne en ce qui concerne la normalisation des relations dans un esprit ouvert et constructif;
11.2. à intensifier la coopération afin de démanteler les réseaux criminels transnationaux qui opèrent dans la région; de progresser en ce qui concerne la question des personnes disparues; et de faciliter les enquêtes et les poursuites concernant les crimes de guerre.
12. L’Assemblée recommande aux autorités du Kosovo d’approfondir le dialogue et la coopération avec le Conseil de l’Europe et ses différents organes et institutions, notamment:
12.1. en demandant l’assistance de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) pour mettre sa législation électorale en parfaite conformité avec les normes internationales en la matière;
12.2. en donnant suite aux recommandations formulées par les organes de suivi du Conseil de l’Europe, dont celles du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), du Groupe d'experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA), du Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales et celles formulées dans le cadre du Projet conjoint du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne contre la criminalité économique au Kosovo (PECK);
12.3. en coopérant pleinement et efficacement avec le large éventail de mécanismes du Conseil de l'Europe et de projets disponibles pour le Kosovo.
13. L’Assemblée décide d’intensifier le dialogue avec l’Assemblée du Kosovo et recommande à son Bureau de modifier les modalités actuelles de coopération avec les forces politiques élues à l’Assemblée du Kosovo, en vue d’inviter l’Assemblée du Kosovo à désigner une délégation assurant aussi la représentation des communautés minoritaires, en plus de la majorité et de l’opposition.

B. Exposé des motifs, par M. Conde, rapporteur

(open)

1. Orientation générale de mon rapport

1. Je me suis rendu à Pristina au début octobre 2015, dans le cadre de l’élaboration de ce rapport sur «La situation au Kosovo et le rôle du Conseil de l’Europe». Pristina ressemble beaucoup à d’autres villes des Balkans occidentaux: grouillant de circulation et riche d’une myriade de boutiques, de restaurants, de cafés et de gens. Et, partout, des jeunes gens. Le Kosovo a la plus jeune population en Europe: sur quelque 1 800 000 d’habitants, 26,3 % ont moins de 14 ans, et 18,1 % entre 15 et 24 ans. L’âge moyen de la population est de 27 ans 
			(3) 
			Indexmundi 2014, <a href='http://www.indexmundi.com/kosovo/demographics_profile.html'>www.indexmundi.com/kosovo/demographics_profile.html</a> (en anglais)..
2. La jeunesse est un sujet qui est souvent revenu durant ma visite. On m’a rappelé que nombre de ces jeunes étaient nés après la guerre et n’avaient jamais connu le système précédent. Ils ont grandi aux côtés d’une forte présence internationale; ils sont plus instruits que leurs parents et typiquement pro-européens.
3. Je n’ai pu m’empêcher de penser à l’immense potentiel que représente cette jeune population, mais aussi à l’énorme responsabilité qui pèse tout d’abord sur les autorités du Kosovo et ensuite sur la communauté internationale: cette jeune génération doit se voir offrir une perspective européenne ainsi que des opportunités en termes d’emploi, de stabilité démocratique et de participation à la prise de décision politique. Faute de réponse à ces attentes légitimes, le Kosovo risquerait de glisser dans une situation d’agitation sociale et de troubles. Tous les signes sont là pour indiquer que ce scénario affecterait la région et le reste de l’Europe.
4. La rédaction du présent rapport est imprégnée des fortes impressions que m’ont laissées les réunions auxquelles j’ai participé à Belgrade (24-25 août 2015) et à Pristina (5-6 octobre 2015). Dans les deux villes, j’ai reçu un accueil amical, chaleureux et ouvert à la coopération. Je tiens à présenter mes remerciements à la délégation serbe auprès de l’Assemblée parlementaire ainsi qu’à l’Assemblée du Kosovo: elles ont su faciliter les visites et veiller à ce que je puisse m’entretenir avec des interlocuteurs de haut niveau et bien préparés. J’aimerais également remercier le personnel des Bureaux du Conseil de l’Europe à Belgrade et Pristina pour leur aide et leur soutien.
5. Ces visites m’ont permis de me faire une idée plus complète de la situation et de la diversité des enjeux, des intérêts et des sensibilités. Elles ont inspiré le cadre du présent rapport, lequel s’appuie aussi sur des rapports concernant le Kosovo publiés par des sources autorisées, celles-ci ne faisant pas défaut.
6. L’orientation générale de mon rapport est dans la continuité des grands axes tracés par mon prédécesseur, M. Bjorn von Sydow (Suède, SOC), qui a été rapporteur sur ce sujet de 2008 à 2013; je maintiendrai une approche neutre par rapport au statut et m’attacherai à évaluer les normes appliquées par le Kosovo en matière de démocratie, de droits de l’homme et de prééminence du droit. M’appuyant sur les travaux de mon prédécesseur, je suis en mesure de procéder à une analyse concise des développements survenus depuis janvier 2013, lorsque l’Assemblée a adopté sa Résolution 1912 (2013) et sa Recommandation 2006 (2013).
7. En ayant à l’esprit le peuple du Kosovo et, avant tout, ses jeunes, je souhaiterais privilégier les quelques points essentiels suivants: l’économie; la démocratie et la prééminence du droit; les droits de l’homme; et la perspective européenne.

2. Economie

8. Cela ne devrait être une surprise pour personne de me voir commencer cette présentation générale de la situation au Kosovo par son économie. Au cours de ma visite à Pristina, la discussion a fréquemment tourné autour de la situation économique, préoccupation majeure de la population 
			(4) 
			<a href='http://www.undp.org/content/dam/kosovo/docs/PublicPulse/PPR9_Anglisht.pdf'>www.undp.org/content/dam/kosovo/docs/PublicPulse/PPR9_Anglisht.pdf</a>. comme des autorités. La croissance économique du Kosovo est freinée par des problèmes endémiques qui nuisent aussi au développement démocratique.
9. Le Kosovo a été épargné par la crise financière mondiale de 2008, notamment grâce à la faible intégration de son économie au marché mondial. Selon la Banque mondiale, le Kosovo compte parmi les quatre seules économies en Europe qui, durant la période 2008-2012, ont continué de croître à un taux annuel moyen de 3,5 %.
10. Cette performance, cependant, est principalement due aux envois de fonds de la diaspora, à un taux élevé d’investissements publics et, enfin, à l’afflux régulier du soutien international de donateurs, y compris de l’Union européenne 
			(5) 
			<a href='http://www.worldbank.org/en/country/kosovo/overview'>www.worldbank.org/en/country/kosovo/overview</a>.. Quant aux sources d’une croissance économique durable au Kosovo, elles sont malheureusement absentes. Qui plus est, la croissance économique de la dernière décennie a connu un ralentissement considérable en 2014, chutant à 0,9 % 
			(6) 
			Commission européenne,
Kosovo Report, novembre 2015, p. 33..
11. Le produit intérieur brut (PIB) par habitant est d’environ € 2 900 
			(7) 
			Ibid., p. 64.; plus d’un tiers de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, et environ un huitième dans une extrême pauvreté 
			(8) 
			<a href='http://www.worldbank.org/en/country/kosovo/overview'>www.worldbank.org/en/country/kosovo/overview</a> (en anglais).. A titre de comparaison, en termes de PIB par personne, la situation au Kosovo n’est pas tellement différente de celle en Syrie ou en Egypte.
12. La situation du marché du travail est une source de préoccupation particulière. Les données suivantes, recueillies par l’Agence des statistiques du Kosovo, en disent long 
			(9) 
			Kosovo Agency of Statistics,
Results of the Kosovo 2014 Labour Force Survey, 2015.:
  • près de deux tiers de la population kosovare sont en âge de travailler (15-64 ans), proportion qui ne peut qu’augmenter étant donné la pyramide des âges;
  • parmi ceux en âge de travailler, 58,4 % ne sont pas économiquement actifs; c’est-à-dire qu’ils n’ont pas officiellement de travail et ne sont pas enregistrés en tant que recherchant activement un emploi.
13. Le taux de chômage a augmenté de 30 % en 2013 à 35,3 % en 2014 
			(10) 
			Commission
européenne, Kosovo Report, novembre 2015, p. 32.. Durant la même période, le nombre de chômeurs de longue durée a connu une hausse, passant de 68,9 % à 73,8 %. Le chômage des jeune a également augmenté, passant de 55,9 % à 61 %. La proportion des jeunes (entre 15 et 24 ans) qui ne sont ni au travail, ni scolarisés, ni en formation a chuté de 35,3 % en 2013 à 30,2 % en 2014 
			(11) 
			Ibid.,
p. 44.. Ce chiffre reste toutefois alarmant, de la même façon que le taux d’emploi informel.
14. Le secteur public représente le principal employeur. Dans l’ensemble, il offre des salaires plus élevés que le secteur privé. Il me semble important d’indiquer que, malgré la réforme de l’administration publique, la transparence et l’équité des procédures de recrutement et de promotion dans l’administration publique sont contestables, et que l’administration publique reste fortement politisée et sous l’influence des partis politiques 
			(12) 
			KIPRED, Kosovo to EU:
The Challenge of Irregular Migration, Policy Paper, mars 2015.. La décision d’augmenter de 25 % le salaire des fonctionnaires, décision prise par le précédent gouvernement avant les élections législatives de 2014 sans prévision budgétaire préalable, a été critiquée par plusieurs instances internationales – notamment la Commission européenne et le Fonds monétaire international – du fait de ses implications financières, son caractère populiste et l’utilisation des ressources publiques pour obtenir un avantage électoral.
15. Le secteur privé contribue à hauteur de 70 % du PIB 
			(13) 
			Commission européenne,
Kosovo Progress Report, octobre 2014, p. 27. et il est en expansion 
			(14) 
			<a href='http://www.eciks.org/en/news-events/3111'>www.eciks.org/en/news-events/3111</a>. . Entre 2010 et 2013, le nombre total d’entreprises privées s’est accru de 26 % 
			(15) 
			KOSME, Report on SMEs
in Kosovo 2014.. Par ailleurs, le processus de privatisation et de restructuration des entreprises publiques est en cours, bien que lent et entaché d’allégations de corruption 
			(16) 
			<a href='http://www.eubusiness.com/news-eu/kosovo-arrest.v3b/'>www.eubusiness.com/news-eu/kosovo-arrest.v3b/</a>.. La Commission européenne s’est montrée critique à cet égard, soulignant notamment que l’agence de privatisation du Kosovo «n’a toujours pas été dotée d’un nouveau conseil de direction, crédible, indépendant et opérationnel» et qu’«il faudrait encore renforcer sa procédure de sélection des cadres sur la base du mérite et ses mécanismes de lutte contre la corruption» 
			(17) 
			Commission européenne,
Kosovo Report, novembre 2015, p. 35.(traduction non officielle).
16. Renforcer le secteur privé est une priorité essentielle du gouvernement, lequel a lancé plusieurs initiatives dans ce sens, notamment la Private Sector Development Strategy 2013-2017 
			(18) 
			<a href='http://www.mti-ks.org/repository/docs/2013_MTI_Strategjia_ZHSP_Eng_115534_268412.pdf'>www.mti-ks.org/repository/docs/2013_MTI_Strategjia_ZHSP_Eng_115534_268412.pdf</a>. et, à l’intention des petites et moyennes entreprises (PME), la SME Development Strategy 2012-2016 
			(19) 
			<a href='http://gapmonitor.org/data/Image/SMEstrategy.pdf'>http://gapmonitor.org/data/Image/SMEstrategy.pdf</a>.. Le gouvernement a également mis en place KIESA (Kosovo Investment and Enterprise Support Agency) 
			(20) 
			<a href='http://www.invest-ks.org/en'>www.invest-ks.org/en</a>., agence de soutien aux entreprises et aux investissements chargée de favoriser des politiques et programmes à l’intention des très petites, petites et moyennes entreprises ainsi que de promouvoir les investissements étrangers.
17. Malgré ces efforts, l’expansion du secteur privé au Kosovo reste lente. Comme le souligne la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), «Le développement du secteur privé au Kosovo est freiné par un environnement économique difficile et par un manque d’investissement. Les insuffisances en matière d’expertise de gestion et de gouvernance de l’entreprise, un accès trop restreint à la finance et la faiblesse de la primauté du droit, sont autant de facteurs qui se sont traduits par une compétitivité médiocre et une croissance inférieure à son potentiel» 
			(21) 
			<a href='http://www.ebrd.com/where-we-are/kosovo/overview.html'>www.ebrd.com/where-we-are/kosovo/overview.html</a> (en anglais seulement). (traduction non officielle).
18. Selon des enquêtes fiables 
			(22) 
			BEEPS (<a href='http://ebrd-beeps.com/about/'>http://ebrd-beeps.com/about/</a>) est une enquête sur les entreprises menée par la BERD
en partenariat avec la Banque mondiale, basée sur des entretiens
en face à face avec des responsables. Elle examine la qualité de l’environnement
des entreprises. Les deux enquêtes citées dans ce rapport sont:
BEEPS IV, réalisée en 2008-2009, et BEEPS V, menée durant la période
2011-2014., les pratiques du secteur informel, notamment la corruption, comptent parmi les principaux obstacles à l’activité économique du Kosovo: «La part des sociétés ayant déclaré opérer dans le secteur informel s’élevait à 66 % (…); presque toutes les petites et moyennes entreprises opèrent de manière informelle – au moins en partie. (…) La corruption demeure parmi les trois grands obstacles: le pourcentage de valeur du marché généralement acquitté pour obtenir un contrat de l’Etat a augmenté, passant de 1 % en 2008-2009 à 4,3 % pour la période 2011-2014. La part des sociétés invitées à effectuer un paiement informel pour obtenir un permis lié à la construction s’est accrue, passant de 0,7 à 9,6 % (...). A quoi s’ajoute la part des sociétés sollicitées pour des paiements informels par des agents fiscaux : 9,5 % (...). Sans parler des sociétés jugées dépenser 2,2 % de leur revenu annuel total en paiements informels ou en cadeaux» 
			(23) 
			<a href='http://ebrd-beeps.com/countries/kosovo/'>http://ebrd-beeps.com/countries/kosovo/</a>. (traduction non officielle).
19. A l’évidence, cette situation constitue un obstacle au développement des entreprises locales; elle a aussi un effet dissuasif sur les investisseurs étrangers. Dans une récente déclaration, Mme Hykmete Bajrami, ministre du Commerce et de l’Industrie du Kosovo, a reconnu que les investissements étrangers directs au Kosovo étaient faibles et que, de plus, ils étaient en baisse 
			(24) 
			<a href='http://www.balkaninsight.com/en/article/foreign-investments-in-kosovo-are-dropping-says-minister'>www.balkaninsight.com/en/article/foreign-investments-in-kosovo-are-dropping-says-minister</a>..
20. J’ai longuement discuté de la situation économique avec le Premier ministre Isa Mustafa, qui s’est montré énergique quant aux défis à relever, confirmant que la croissance économique et la réduction du chômage sont des priorités numéro un du gouvernement. J’ai aussi été rassuré d’entendre, de divers hauts responsables à Pristina, que la situation économique ne saurait servir de justification pour relâcher les efforts nécessaires à l’établissement de normes plus élevées en matière de démocratie, de droits de l’homme et de prééminence du droit.

3. Démocratie

3.1. Les élections législatives de 2014

21. Les dernières élections à l’Assemblée du Kosovo ont eu lieu le 8 juin 2014. Elles ont été observées par de nombreux acteurs locaux, ainsi que par l’Union européenne qui, à cette fin, avait mis en place une mission composée d’observateurs à court et à long terme dirigée par M. Roberto Gualtieri, membre du Parlement européen (Italie, Groupe de l’Alliance progressive des socialistes et des démocrates). Le jour du vote, l’observation a été renforcée par des délégués de représentations diplomatiques.
22. Les résultats de la mission d’observation des élections organisée par l’Union européenne ont été globalement positifs: le processus du scrutin et du comptage des votes fut transparent et bien organisé. Aucun incident majeur n’a été signalé. Les électeurs ont pu exprimer leur vote librement 
			(25) 
			<a href='http://eeas.europa.eu/eueom/missions/2014/kosovo/pdf/eu-eom-kosovo-2014-final-report_en.pdf'>http://eeas.europa.eu/eueom/missions/2014/kosovo/pdf/eu-eom-kosovo-2014-final-report_en.pdf</a>.. Cette évaluation reflète l’amélioration continue de l’administration du processus électoral au Kosovo. Il s’agissait des secondes élections législatives organisées par la Commission électorale centrale depuis la déclaration d’indépendance. Pour la première fois, les élections de l’Assemblée du Kosovo se sont tenues dans tout le Kosovo, y compris dans les municipalités du nord, avec l’assistance de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).
23. Malgré ces résultats positifs, certaines conditions laissaient à désirer: la décision du gouvernement d’organiser des élections anticipées seulement 31 jours après la dissolution de l’Assemblée n’a laissé aux partis politiques que 10 jours pour faire campagne. Selon le rapport final de la Mission d’observation des élections de l’Union européenne, le raccourcissement des délais a eu des implications sur la bonne conduite et la transparence du processus des élections et a affecté le droit des électeurs à un choix pleinement informé. En outre, il a fallu abréger toutes les étapes des échéances électorales, ce qui a eu des conséquences négatives sur le vote en dehors du Kosovo et sur la capacité des électeurs à porter plainte et à intenter des recours judiciaires.
24. Autre sérieuse source d’inquiétude: le taux de participation particulièrement bas qui de 47,8 % en 2010 est tombé à 42 %. D’après un document d’orientation d’une organisation non gouvernementale (ONG) 
			(26) 
			<a href='http://legalpoliticalstudies.org/wp-content/uploads/2015/07/Policy-Report-05-2015-Voter-Abstention-in-Kosovo.pdf'>http://legalpoliticalstudies.org/wp-content/uploads/2015/07/Policy-Report-05-2015-Voter-Abstention-in-Kosovo.pdf</a>., de multiples facteurs – corruption généralisée, ampleur du crime organisé, médiocre état de santé de l’économie et lenteur des progrès vers une intégration européenne – engendrent une méfiance vis-à-vis des partis politiques et ont nui à la participation des électeurs.
25. J’invite les autorités du Kosovo à rechercher les raisons qui se cachent derrière cette faible participation, parce que la légitimité des institutions et du système politique dépend aussi de l’engagement de l’électorat. Si rien n’est fait pour y remédier, la désaffection des gens envers le système politique risque de compromettre la stabilité démocratique du Kosovo.

3.2. L’Assemblée du Kosovo

26. L’Assemblée du Kosovo se compose de 120 membres directement élus par un système de liste ouverte. Sur 120 sièges, 10 sont «garantis» pour des Serbes du Kosovo, et 10 pour d’autres communautés non majoritaires. En guise de garantie supplémentaire, les entités politiques qui représentent des communautés non majoritaires sont exemptées du seuil des 5 % qui s’applique aux autres.
27. Les élections de 2014 sont les premières à avoir recouru au système des «sièges garantis», ainsi que prévu par la Constitution du Kosovo. En vertu de ce système, quels que soient les résultats électoraux, les Serbes du Kosovo ont droit à au moins 10 sièges à l’Assemblée, et les autres communautés non majoritaires à au moins 10 autres sièges. Selon l’ancien système transitoire des «sièges réservés», 20 sièges étaient alloués aux communautés non majoritaires en plus des sièges obtenus sur la base des résultats électoraux.
28. L’interprétation correcte du système applicable pour l’attribution des sièges a occupé une place centrale durant la période préparatoire des élections de 2014, en particulier dans les municipalités du nord, provoquant un certain mécontentement et l’interruption des activités de campagne. Les activités ont repris suite à la clarification de la procédure par la Commission électorale centrale, une semaine avant les élections.
29. A la suite des élections, les principaux partis représentés à l’Assemblée du Kosovo sont les suivants: le Parti démocratique du Kosovo (PDK), 30 %, la Ligue démocratique du Kosovo (LDK), 25 %, Vetëvendosje (VV, mouvement d’autodétermination), 13 % et l’Alliance pour l’avenir du Kosovo (AAK), 9 %.
30. Une nouvelle coalition unifiée de trois partis politiques serbes du Kosovo, Srpska Lista, qui a fait campagne au nord et au sud de la rivière Ibar, a obtenu neuf sièges, tandis que le parti démocrate progressiste serbe a obtenu un siège. La participation de la communauté serbe du Kosovo a été forte par comparaison aux précédentes élections au Kosovo, grâce également à une attitude positive et constructive des autorités serbes à Belgrade. Les femmes ont été sous-représentées tout au long du processus électoral et dans l’administration électorale. Elles occupent 30 % des sièges à l’Assemblée du Kosovo grâce à un quota obligatoire 
			(27) 
			<a href='http://eeas.europa.eu/eueom/missions/2014/kosovo/pdf/eu-eom-kosovo-2014-final-report_en.pdf'>http://eeas.europa.eu/eueom/missions/2014/kosovo/pdf/eu-eom-kosovo-2014-final-report_en.pdf</a> (en anglais seulement)..
31. Ces dernières années, les travaux législatifs de l’Assemblée du Kosovo ont pris du retard en raison d’impasses politiques sur des questions comme l’adoption d’une loi d’amnistie et la formation d’un gouvernement à l’issue des élections législatives de 2014. Cette situation a été aggravée par une attitude obstructionniste et des gestes démonstratifs de la part de partis politiques d’opposition, en particulier Vetëvendosje, dont les représentants se sont rendus responsables d’actes extrêmement violents comme la pulvérisation de gaz lacrymogènes dans la chambre.
32. Indépendamment du caractère sensible et de l’importance de certaines questions – comme le tracé de la frontière avec le Monténégro, l’établissement de chambres spécialisées ou l’association/la communauté des municipalités à majorité serbe – l’incapacité à mener un débat politique civilisé dans le respect des règles parlementaires, signe le faible niveau de maturité des forces politiques concernées et provoquera inévitablement une érosion de la crédibilité des institutions démocratiques. Le recours inhabituellement fréquent à la Cour constitutionnelle pour sortir d’impasses politiques est aussi un sujet de préoccupation, car cela pourrait à long terme nuire à la perception de la Cour en tant qu’organe neutre, hermétique à toute influence politique.

4. Prééminence du droit

33. Dans sa Résolution 1912 (2013) sur la situation au Kosovo et le rôle du Conseil de l’Europe, l’Assemblée déplorait la lenteur des progrès réalisés sur un plan général en termes d’amélioration de la prééminence du droit au Kosovo, s’agissant en particulier de la lutte contre la criminalité organisée et la corruption. Elle regrettait par ailleurs que le système judiciaire continue à pâtir de l’ingérence politique, d’un manque d’efficacité et de transparence, ainsi que de la non-application de la législation. Faisant un point sur la situation trois ans plus tard, j’ai constaté que ces problèmes sérieux perduraient, en dépit de légères améliorations.

4.1. Le paysage institutionnel

34. Lorsque, en 2008, l’Union européenne a déployé la Mission sur l’Etat de droit au Kosovo (EULEX), son intention était d’aider le Kosovo à établir des institutions d’état de droit pérennes, indépendantes et responsables.
35. Le système de mise en application du droit au Kosovo est hybride, des fonctionnaires d’EULEX et kosovars opérant côte à côte. La présence d’EULEX s’est réduite au fil du le temps; à l’heure actuelle, son personnel compte 1 600 membres et son budget total annuel s’élève à 111 millions d’euros. Son mandat a été prolongé jusqu’en juin 2016 et modifié pour cibler les questions de responsabilité, de corruption, de crimes interethniques et de criminalité organisée 
			(28) 
			<a href='http://www.eulex-kosovo.eu/eul/repository/docs/AE20151020_Fact_Sheet2.1.pdf'>www.eulex-kosovo.eu/eul/repository/docs/AE20151020_Fact_Sheet2.1.pdf</a> (en anglais seulement).. Dans le contexte de ce mandat renouvelé, le Chef de la mission EULEX, le Représentant spécial de l'Union européenne au Kosovo et le ministre de la Justice du Kosovo coprésident une Commission de coordination conjointe sur la prééminence du droit, qui constitue la principale tribune pour l’examen et la coordination des questions relatives à ce sujet.
36. Le rôle des juges d’EULEX a également évolué avec le temps; actuellement, la proportion de juges d’EULEX et du Kosovo dans les collèges mixtes est normalement d’un pour deux, tandis que la présidence est aux mains des juges du Kosovo. Le personnel d’EULEX encadre les Kosovars tout en continuant de ne juger exclusivement que les affaires les plus sensibles, notamment dans les domaines de la corruption et des crimes de guerre.
37. Malgré un investissement énorme en termes d’énergie, d’argent et de ressources, la confiance en EULEX a chuté parmi la population du Kosovo. Il est indubitable que les allégations de corruption concernant le personnel d’EULEX y ont contribué, en plus des efforts insuffisants engagés par EULEX pour expliquer son mandat et ses limites au grand public. Mais d’autres problèmes s’y sont ajoutés, et notamment le sentiment qu’EULEX avait remplacé la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK) «en prenant le pas» sur les autorités du Kosovo et l’incapacité d’EULEX à faire en sorte que les Kosovars s’approprient les progrès réalisés dans le domaine de la prééminence du droit 
			(29) 
			Hybrid
Court System in Kosovo: Has EULEX proven to be the device to strengthen
the independence and effectiveness of the judiciary?, A policy report
by Group for Legal and Political Studies, septembre 2014..
38. Il faut admettre toutefois que les efforts conjoints de la communauté internationale et des autorités du Kosovo pour renforcer la prééminence du droit ont produit un certain nombre de résultats positifs. Des progrès ont notamment été accomplis concernant l’amélioration de l’administration de la justice au Kosovo, et notamment de sa diversité ethnique, de son professionnalisme et de son efficience.
39. Le recrutement de nouveaux juges et procureurs est en cours afin de pourvoir les postes vacants. En conséquence d’un accord signé entre Belgrade et Pristina en avril 2014, les Serbes du Kosovo sont aussi progressivement intégrés dans les structures judiciaires kosovares, à la fois dans le nord et dans le sud. En septembre 2015, le nombre total de juges au Kosovo était de 351, dont 249 hommes et 102 femmes. Parmi eux, on comptait sept Serbes du Kosovo, neuf Bosniaques du Kosovo, un Turc du Kosovo et un Ashkali du Kosovo. Parmi les procureurs, on comptait trois Bosniaques du Kosovo, deux Serbes du Kosovo et un Turc du Kosovo 
			(30) 
			<a href='http://www.eulex-kosovo.eu/eul/repository/docs/CPReport_2N.pdf'>www.eulex-kosovo.eu/eul/repository/docs/CPReport_2N.pdf</a>.. Si le système judiciaire est encore loin de refléter la diversité ethnique du Kosovo, la tendance qui se dessine est positive, notamment si les personnes des communautés non majoritaires continuent d’être encouragées à faire acte de candidature.
40. Des résultats positifs ont également été obtenus dans le traitement des arriérés d’affaires; début 2015, un peu moins de 25 000 affaires n’avaient pu être examinées. Les tribunaux du Kosovo affichent à présent un taux d’affaires résolues supérieur à 84 % par an, alors qu’il n’était que de 71 % 
			(31) 
			Commission
européenne, Kosovo Report, novembre 2015, p. 15..
41. Lors de mes rencontres à Pristina, plusieurs interlocuteurs ont mentionné la difficulté à recruter de nouveaux juges et procureurs, à les former et à améliorer leur capacité à traiter efficacement une lourde charge de travail compte tenu de ressources financières limitées.
42. L’influence politique exercée sur les membres du système judiciaire et les services de poursuites est un problème persistant. Selon Transparency International, le système judiciaire est perçu comme l’institution la plus corrompue au Kosovo, suivi des partis politiques 
			(32) 
			Kosovo: overview of
political corruption, 2014.. Cette perméabilité à l’influence politique explique également pourquoi beaucoup de procureurs du Kosovo craindraient de se voir confier des affaires très médiatisées compte tenu du risque de faire l’objet de pressions d’autres branches du pouvoir 
			(33) 
			UNODC
and UNDP, Judicial integrity in Kosovo, 2014. et pourquoi ils ne donneraient pas suite à de nombreux dossiers sensibles.
43. Une prise de conscience accrue de la nécessité d’aborder ce problème avec plus de fermeté se fait sentir parmi les autorités du Kosovo. Le plan stratégique du Kosovo concernant le système judiciaire (2014-2019) vise entre autres objectifs majeurs de renforcer les protections institutionnelles contre les ingérences extérieures 
			(34) 
			<a href='http://www.kgjk-ks.org/repository/docs/KOSOVO_JUDICIARY_STRATEGIC_PLAN_2014_2019_803582.pdf'>www.kgjk-ks.org/repository/docs/KOSOVO_JUDICIARY_STRATEGIC_PLAN_2014_2019_803582.pdf</a>. . Dans ce contexte, il est prévu de renforcer le système disciplinaire en vigueur pour les juges et les autres personnes qui travaillent dans le système judiciaire, ainsi que d’instaurer l’obligation de rendre publiques les mesures disciplinaires prises en cas d’infractions. Je soutiens cette mesure, convaincu qu’une plus grande transparence du processus disciplinaire contribuerait à l’amélioration de la confiance du public dans le système judiciaire.
44. Dans l’intervalle, ne serait-ce que l’année dernière, 40 procédures disciplinaires ont été ouvertes contre des procureurs, tandis qu’un juge et un procureur ont été relevés de leurs fonctions, ainsi que cinq agents de l’administration judiciaire. Un juge a été suspendu à la suite d’allégations de corruption.
45. Des efforts sont déployés pour corriger les problèmes qui affectent le service correctionnel du Kosovo (Kosovo Correctional Service, KCS), autre corps essentiel à l’application de la règle du droit qui n’est pas épargné par les ingérences politiques. Entre juillet 2014 et septembre 2015, quatre membres du personnel du KCS ont été arrêtés et sept agents ont été suspendus 
			(35) 
			EULEX, Compact Progress
Report, septembre 2015. . Parmi les principaux problèmes qui touchent ce service, il faut citer le népotisme qui règne parmi son personnel, la tolérance des trafics au sein de ses structures et de graves irrégularités sur le plan disciplinaire. Quelques prisonniers très médiatisés continuent de bénéficier d’un traitement préférentiel ou de fréquentes autorisations de sortie exceptionnelles ou encore d’hospitalisations, en violation de la loi. Comme cela m’a été expliqué dans le cadre de mes rencontres à Pristina, certaines de ces affaires font les gros titres dans les médias, ce qui sape plus encore la confiance de la population envers l’application du droit.
46. La police du Kosovo (KPS) reste le service répressif le plus multiethnique et celui dans lequel la population a le plus confiance, compte tenu du faible niveau de corruption et du nombre réduit d’affaires disciplinaires dont il fait l’objet.

4.2. La lutte contre la corruption et la criminalité économique

47. Dans un récent entretien publié dans le journal Koha ditore, M. Samuel Zbogar, Chef du Bureau de l’Union européenne au Kosovo et Représentant spécial de l’Union européenne, déclarait que le terme «corruption» figurait 66 fois dans le Rapport de 2015 sur le Kosovo de la Commission européenne. De fait, ce rapport qualifie à plusieurs reprises la corruption d’endémique et de généralisée, et touchant tous les domaines: gouvernement, entreprises et justice.
48. Selon l’Indice de perception de la corruption (IPC) en 2014, le Kosovo obtient le score de 33 (autrement dit, la 110e place sur 175 pays/territoires évalués). Pour replacer ce chiffre dans son contexte, le score du Kosovo est égal à celui de l’Albanie, mais il est supérieur à celui de tous les Etats membres du Conseil de l’Europe, y compris dans les Balkans occidentaux 
			(36) 
			<a href='http://www.transparency.org/cpi2014/results'>www.transparency.org/cpi2014/results</a>. .
49. Le Kosovo met en œuvre un plan d’action et une stratégie de grande envergure pour combattre la corruption, sous la supervision de l’agence de lutte contre la corruption (Kosovo Anti-Corruption Agency, ACA), tandis que d’autres plans d’action sont déployés pour agir contre la corruption dans des secteurs vulnérables spécifiques (douanes, police, administration fiscale, etc.) 
			(37) 
			<a href='http://akk-ks.org/repository/docs/Draft_Anti-Corruption_Strategy_2012 _ 2016.pdf'>http://akk-ks.org/repository/docs/Draft_Anti-Corruption_Strategy_2012%20_%202016.pdf</a>. . En 2014, l’ACA a engagé des procédures administratives dans 304 affaires de corruption. Parmi celles-ci, seules 30 ont été transmises aux services de poursuites – le chiffre le plus bas depuis que l’agence est entrée en activité en 2007 
			(38) 
			EULEX, Compact Progress
report, septembre 2015, p. 24..
50. Le manque de coordination entre l’ACA et les services de poursuites pose problème. Plus de 70 % des affaires instruites par l’ACA et transmises aux services de poursuites sont restées sans suite, principalement parce que ces derniers n’ont pas identifié de motifs suffisants pour poursuivre les enquêtes. Les rares enquêtes menées dans des affaires de corruption de haut niveau n’ont pas abouti à des condamnations définitives.
51. Au fil du temps, un cadre institutionnel complexe de lutte contre la corruption a été mis en place; il regroupe notamment:
  • le conseil national de lutte contre la corruption (organe consultatif présidé par le Président du Kosovo);
  • le coordinateur national anticorruption (rattaché au Procureur général);
  • la task force de lutte contre la corruption (rattachée au Bureau du Premier ministre);
  • la direction des enquêtes sur le crime organisé et la corruption (au sein de la police du Kosovo);
  • le coordinateur de la lutte contre le crime économique (avec pour mandat de lutter contre le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et l’évasion fiscale).
52. Certains affirment cependant que le manque de coordination et de coopération entre ces organes, dont les mandats se chevauchent parfois, associé à l’absence d’approche proactive au stade des enquêtes, nuit à l’efficience et à l’efficacité de la lutte contre la corruption et la criminalité économique 
			(39) 
			Project
against Economic Crime in Kosovo (PECK), Assessment Report on compliance
with international standards in the anti-corruption area, juin 2013..
53. Concernant la corruption politique, des efforts considérables ont été fournis pour actualiser et renforcer le cadre juridique. Parmi les mesures les plus récentes en la matière figurent:
  • l’introduction d’amendements à la loi sur le financement des partis politiques;
  • l’adoption de la loi sur la déclaration, l’origine et le contrôle des biens des hauts fonctionnaires;
  • l’adoption de la loi sur la déclaration, l’origine et le contrôle des cadeaux pour tous les agents publics.
54. Malgré les efforts législatifs, la lutte contre la corruption politique reste un défi de taille qu’il ne sera possible de relever qu’à la condition de l’application effective de la loi, de l’introduction de mécanismes pour contrôler l’application de la loi et, surtout, d’une ferme volonté et d’un comportement cohérent de la part des dirigeants politiques.

4.3. La lutte contre le crime organisé, le terrorisme et le phénomène des combattants étrangers

55. Le Kosovo continue d'être une source et une zone de transit pour la traite des êtres humains, en particulier des femmes et des enfants, et est une base pour la contrebande et d'autres réseaux impliqués dans la criminalité transnationale, y compris le trafic de drogue et le blanchiment d'argent. Malheureusement, le taux de condamnation dans ces cas est faible.
56. Une préoccupation croissante évoquée lors de mes rencontres à Pristina et Belgrade est la montée de la radicalisation au Kosovo et l’augmentation du nombre de Kosovars qui partent pour combattre en Syrie et en Irak. Aucun chiffre précis n’est disponible, mais le ministère de l’Intérieur du Kosovo estime qu’à ce jour environ 300 Kosovars ont combattu au sein du groupe terroriste connu sous le sigle «EI» («Daesh» an arabe) 
			(40) 
			Selon les diverses
traductions, le même groupe a porté entre autres les noms «Etat
islamique en Irak et au Levant» (EIIL) et «Etat islamique en Irak
et en Syrie» (EIIS). Récemment, le groupe a lui-même pris officiellement
le nom d'«Etat islamique» (EI). Aux fins du présent document et
par souci d'uniformité, mais sans pour autant lui reconnaître en
quoi que soit le statut d'Etat, nous faisons ici référence au groupe
en employant le sigle «EI».  
			(41) 
			<a href='http://www.balkaninsight.com/en/article/kosovo-law-to-punish-fighting-in-foreign-conflicts'>www.balkaninsight.com/en/article/kosovo-law-to-punish-fighting-in-foreign-conflicts</a>..
57. Une publication récente du Centre kosovar d’études sur la sécurité (Kosovar Center for Security Studies, KCSS) explore la vie et les motivations religieuses de plus de 230 combattants du Kosovo, y compris des vétérans de l’Armée de libération du Kosovo (UÇK), des jeunes issus de milieux divers et quelques chefs religieux qui prêchent le jihad 
			(42) 
			Kosovar Centre for
Security Studies, Report enquiring into the causes and consequences
of Kosovo citizens’ involvement as foreign fighters in Syria and
Iraq, avril 2015.. Le rapport souligne que, si l’on considère la taille de la population du Kosovo, le nombre total de combattants étrangers est significatif et que la propagande d’«EI» se répand facilement au Kosovo, du fait également du taux de pénétration d’internet, aussi élevé que dans de nombreux autres pays européens.
58. Il est avéré que quelques-uns de ces combattants étrangers sont morts en Syrie; d’autres sont revenus ou reviennent, avec les risques que cela comporte.
59. En réponse, en janvier 2015, l’Assemblée du Kosovo a approuvé une loi qui criminalise le fait d’aller participer à des conflits armés à l’extérieur du Kosovo 
			(43) 
			<a href='http://www.balkaninsight.com/en/article/kosovo-law-to-punish-fighting-in-foreign-conflicts'>www.balkaninsight.com/en/article/kosovo-law-to-punish-fighting-in-foreign-conflicts</a>.. La loi pénalise l’organisation, le recrutement, le financement, l’aide, l’encadrement ou la formation d’individus ou de groupes d’individus dans l’objectif de leur permettre de rejoindre ou de participer aux forces de police ou aux armées étrangères. Les coupables s’exposent à une peine de prison pouvant aller jusqu’à 15 ans. Qui plus est, une stratégie de lutte contre le terrorisme est mise en œuvre 
			(44) 
			<a href='https://www.mpb-ks.org/repository/docs/Strategy_for_Counter_Terrorism_2012-2017_eng.pdf'>https://www.mpb-ks.org/repository/docs/Strategy_for_Counter_Terrorism_2012-2017_eng.pdf</a>. et, en septembre 2015, le Gouvernement du Kosovo a adopté une stratégie quinquennale pour la prévention de l’extrémisme violent et de la radicalisation.
60. Depuis 2014, plus d’une centaine d’individus ont été arrêtés ou interrogés par les forces de l’ordre pour avoir incité, financé, recruté ou participé au conflit en Syrie et en Irak. Quelques-uns étaient des dignitaires religieux ou politiques connus en lien avec l’Union islamique du Kosovo, qui est une institution religieuse officiellement reconnue. Même l’Imam de la grande mosquée de Pristina, Shefqet Krasniqi, a été arrêté. Il a ensuite été libéré faute de preuves suffisantes. En mars 2015, des actes d’accusation ont été établis à l’encontre de sept suspects.
61. Les événements à Kumanovo en mai 2015, dans le cadre desquels un certain nombre d’Albanais du Kosovo – dont des vétérans de l’UÇK – ont été accusés d’infractions liées au terrorisme et de possession illégale d’armes et d’explosifs, nous rappellent que ces dangers sont très concrets et qu’il convient d’y faire front efficacement non seulement pour assurer la sécurité de la population, mais également dans l’intérêt de la stabilité régionale.

4.4. La poursuite des crimes de guerre

62. La poursuite des crimes de guerre est un processus des plus sensibles et particulièrement lent. Du fait de son caractère délicat, cette mission a été confiée à EULEX, en particulier lorsque les affaires concernent des personnalités très médiatisées. Même dans ces conditions, les poursuites se heurtent à divers obstacles, et notamment les faiblesses du système kosovar de protection des témoins.
63. Dans le contexte du transfert progressif des affaires d’EULEX aux juges et procureurs du Kosovo, un groupe de juges d’EULEX a publié en 2014 une lettre ouverte affirmant que les juges du Kosovo seraient incapables de traiter efficacement des affaires sensibles de crimes de guerre concernant des personnalités de haut niveau. L’une des raisons avancées en était qu’ils risquaient de subir l’influence du discours tenu par plusieurs responsables politiques de haut niveau, qui soutiennent publiquement leurs anciens camarades accusés de crimes de guerre et expriment leur solidarité envers ces derniers 
			(45) 
			<a href='http://www.balkaninsight.com/en/article/kosovo-judges-unable-to-handle-politically-sensitive-cases'>www.balkaninsight.com/en/article/kosovo-judges-unable-to-handle-politically-sensitive-cases</a>..
64. La difficulté concernant le jugement des crimes de guerre est illustrée par le fait que les décisions d’accusation prises par les tribunaux de première instance sont souvent renvoyées pour être rejugées en appel, parfois malgré l’opinion dissidente des juges d’EULEX qui, la plupart des temps du temps, sont en minorité dans les formations mixtes.
65. L’incapacité du système à rendre la justice dans des affaires sensibles a conduit l'Union européenne à établir en 2011 une équipe spéciale d’enquête (Special Investigative Task Force), sise à Bruxelles et constituée d’un personnel international, pour conduire des enquêtes pénales sur les crimes allégués par M. Dick Marty dans son rapport de 2010 sur «Le traitement inhumain de personnes et le trafic illicite d’organes humains au Kosovo» 
			(46) 
			<a href='http://www.assembly.coe.int/nw/xml/XRef/X2H-Xref-ViewPDF.asp?FileID=12608&lang=fr'>Doc.
12462</a>..
66. Selon ce rapport, un certain nombre de membres de l’UÇK se sont rendus responsables de graves violations des droits de l’homme, y compris le prélèvement forcé d’organes, à l’encontre de prisonniers retenus dans des lieux de détention secrets sur le territoire de l’Albanie, pendant et après le conflit. Le rapport suggère que les victimes seraient des Serbes du Kosovo et des Roms, ainsi que des Albanais du Kosovo soupçonnés de collaboration avec la Serbie ou avec des membres de groupes armés rivaux. Dans la période qui a suivi le conflit, quelques-uns de ces chefs de l’UÇK sont entrés en politique et ont accédé à des positions de haut niveau. M. Marty affirmait que les organisations internationales présentes au Kosovo n’avaient pas enquêté de façon appropriée sur ces affaires, privilégiant une approche pragmatique et la stabilité politique à court terme au détriment de la justice.
67. Dans ce contexte, il est facile de comprendre à quel point il a été difficile pour l’Assemblée du Kosovo d’adopter, au début du mois d’août 2015, les amendements constitutionnels qui rendraient possible l’établissement de chambres spécialisées pour engager des poursuites concernant les crimes allégués par M. Marty et sur lesquels l’équipe spéciale enquête 
			(47) 
			<a href='http://www.kuvendikosoves.org/common/docs/ligjet/05-L-053 a.pdf'>www.kuvendikosoves.org/common/docs/ligjet/05-L-053%20a.pdf</a>..
68. Le 11 août 2015, trois partis de l’opposition – Vetëvendosje (VV), l’Alliance pour l’avenir du Kosovo (AAK) et l’Initiative pour le Kosovo (NISMA) – ont saisi la Cour constitutionnelle, affirmant que les amendements étaient inconstitutionnels et qu’il y avait eu des violations de procédure durant l’adoption du texte à l’Assemblée du Kosovo. La Cour constitutionnelle a jugé la requête irrecevable. Cela a donné le feu vert aux négociations entre Pristina et La Haye, où le tribunal devrait être établi. Bien qu’établi à l’étranger, le tribunal aurait comme tâche de juger des affaires conformément au droit du Kosovo.
69. Comme je l’ai déjà affirmé dans une déclaration, je salue la décision de l’Assemblée du Kosovo de poser les jalons de la création de chambres spécialisées, que je considère comme un pas vers la réconciliation et un signe de la volonté des autorités de lutter contre l’impunité.

5. Droits de l’homme

70. La protection des droits de l’homme au Kosovo est un sujet couvert par quantité de rapports et que mon prédécesseur, M. Bjorn von Sydow, a analysé en détail. Dans le présent rapport, je me limiterai par conséquent à fournir des informations actualisées sur la situation, en mettant l’accent sur une évaluation politique.

5.1. Aperçu général

71. Le cadre juridique de la protection des droits de l’homme au Kosovo est généralement conforme aux normes européennes. La Constitution prévoit l’applicabilité directe de plusieurs instruments internationaux de défense des droits de l’homme. Un ensemble substantiel de lois est en place et a été actualisé en 2015 avec l’adoption de nouvelles lois sur l’égalité des genres 
			(48) 
			<a href='http://www.womensnetwork.org/?FaqeID=1&n=338'>www.womensnetwork.org/?FaqeID=1&n=338</a>. et la protection contre la discrimination en général.
72. La nouvelle loi sur le médiateur et l’élection, par l’Assemblée du Kosovo, du nouveau titulaire de ce poste – M. Hilmi Jashari, que j’ai rencontré à Pristina – constituent un pas supplémentaire vers le renforcement du système. Selon la nouvelle législation, le mandat du médiateur n’est pas renouvelable, une disposition qui contribue à l’indépendance accrue de l’institution. Le médiateur, outre le fait d’enquêter sur des violations des droits de l’homme par les pouvoirs publics kosovars (sur la base de plaintes ou ex officio), intervient aussi en tant qu’organe de promotion de l’égalité.
73. Quelques rapports récents soulèvent des préoccupations concernant la violence basée sur le genre, la discrimination au motif de l’orientation sexuelle et l’identité de genre, la liberté d’expression et la liberté des médias. En général toutefois, la faiblesse, dans le domaine de la protection des droits de l’homme, ne réside pas dans le cadre juridique, mais dans sa mise en œuvre et son application effectives 
			(49) 
			Commission européenne,
Kosovo Report, novembre 2015..

5.2. Les communautés minoritaires

74. Dans le domaine des droits des minorités, le cadre juridique est également complet et le principal défi réside dans sa mise en œuvre. Les principaux acteurs constitutionnels dans ce domaine sont le Cabinet du Premier Ministre, le ministère des Communautés et des Retours, le ministère de l’Administration locale (dirigés tous deux par des ministres de Srpska Lista), la Commission interministérielle des retours, le ministère des Questions communautaires, le Conseil consultatif pour les communautés et le Bureau du Commissaire aux langues.
75. Procéder à une évaluation objective de l’état des relations intercommunautaires au Kosovo est une tâche quasiment impossible. A Belgrade et à Pristina, j’ai pu recueillir des opinions très contrastées sur la question, qui ne peut qu’être éminemment subjective. A la lumière de la nature, de la fréquence et du nombre des incidents qui ont été portés à mon attention, mon impression est globalement que la situation générale en matière de sécurité au Kosovo, concernant les relations intercommunautaires, n’est pas un sujet de préoccupation.
76. Malheureusement, les incidents interethniques n’ont pas disparu, et chacun d’entre eux est un de trop. Cependant, on ne peut pas dire qu’ils soient très répandus, systématiques ou tolérés par les autorités. En fait, les développements dans le Nord du Kosovo prouvent que les tensions inter-ethniques peuvent diminuer en réponse à la normalisation progressive des relations entre Belgrade et Pristina. Cela ne signifie pas qu’il faut relâcher la vigilance. Etablir la confiance entre les communautés est une entreprise de longue haleine, qui exige l’engagement actif et le sens des responsabilités de toutes les parties concernées.
77. Pour donner une idée du climat général, je voudrais relayer les informations fournies par la MINUK pour la période de juillet à octobre 2015: au total, 26 incidents affectant des sites patrimoniaux culturels et religieux ont été rapportés, dont 17 concernant des sites orthodoxes serbes; en août, quatre Serbes du Kosovo membres de l’Assemblée du Kosovo ont reçu des menaces téléphoniques concernant leur vote à l’Assemblée; plus tard ce même mois, durant la visite de quelque 170 Serbes du Kosovo déplacés à Gjakovë/Ðakovica, un groupe de manifestants albanais du Kosovo a tenté de franchir un cordon de police, en lançant des pétards et des jets de peinture sur la police; en octobre, un engin explosif a endommagé la maison du maire de Leposaviq/Leposavić dans le nord du Kosovo 
			(50) 
			Rapport du Secrétaire
général sur la Mission d'administration intérimaire des Nations
Unies au Kosovo, 3 novembre 2015..
78. Tous les incidents, comme les attaques sur des personnes, ciblant des biens privés ou le patrimoine religieux, lorsqu’ils ont une motivation ethnique ou qu’ils affectent les communautés minoritaires, renforcent le sentiment d’insécurité et découragent d’autres retours. Lorsque ces incidents ne peuvent être empêchés, il est de toute première importance qu’ils soient pris au sérieux par les autorités, qu’ils fassent l’objet d’enquêtes et débouchent sur des décisions judiciaires, le cas échéant. Un discours public provocateur et l’impunité pourraient facilement raviver des blessures qui ne sont pas totalement guéries.
79. La collecte de données et l’identification exacte des motifs de ces incidents sont aussi de toute première importance. Mon attention a été attirée par le manque de rigueur qui caractérise la façon dont les données sur les crimes interethniques sont collectées, et par le fait que la nouvelle législation qui prévoit que la haine doit être considérée comme une circonstance aggravante n’est pas encore appliquée.
80. Selon moi, les principaux problèmes qui affectent les communautés non majoritaires au Kosovo, plus que la communauté majoritaire, sont le chômage, la pauvreté et l’absence de perspectives économiques. Les autorités du Kosovo devraient multiplier les efforts pour créer des opportunités d’investissement dans les régions où résident les communautés non majoritaires et améliorer leurs possibilités d’emploi dans l’administration publique et les entreprises publiques. Il est également nécessaire de trouver une solution à la reconnaissance des diplômes délivrés par l’université de Mitrovicë/Mitrovica et de supprimer les obstacles qui subsistent à l’utilisation de langues officielles autres que l’albanais dans les relations avec l’administration publique.
81. Compte tenu de cette situation générale, il n’est guère surprenant, qu’en 2014, les retours volontaires de personnes déplacées par le conflit au Kosovo n’aient été que de 800, le chiffre le plus bas depuis 2000. Lors de ma visite à Belgrade, j’ai participé à une rencontre touchante avec des résidents du centre collectif de Krnjaca, qui m’ont expliqué qu’ils ne retournaient pas au Kosovo non seulement pour des raisons de sécurité, mais également parce qu’ils ne seraient pas en mesure d’y trouver du travail et de gagner leur vie.
82. La plupart d’entre eux ont aussi été confrontés à de gros problèmes pour bénéficier de la restitution de leurs biens; bien que l’Agence de la propriété immobilière du Kosovo ait statué sur 42 116 requêtes sur les 42 749 reçues, 
			(51) 
			<a href='http://www.kpaonline.org/ClaimsTotalDecided_caseload.asp'>www.kpaonline.org/ClaimsTotalDecided_caseload.asp</a>. ses décisions sont peu appliquées. Pour les plaignants, il est fastidieux d’engager des procédures pour faire cesser l’occupation de leurs biens ou faire démolir des biens illégalement construits, lorsque la décision du tribunal n’est pas du tout prévisible. C’est là un problème que les autorités du Kosovo et la communauté internationale devraient tenter de résoudre sans plus attendre.
83. Tous les interlocuteurs que j’ai consultés m’ont confirmé que les Roms, les Ashkali et les Egyptiens sont confrontés à une situation extrêmement difficile et qu’ils sont particulièrement exposés à la pauvreté, à l’exclusion sociale et à la discrimination. L’abandon scolaire dans cette communauté a connu une diminution, mais le travail des enfants et le mariage précoce restent des pratiques généralisées 
			(52) 
			Commission
européenne, Kosovo Report, novembre 2015, p. 26..

6. Dialogue facilité par l’Union européenne entre Belgrade et Pristina

84. Les développements au Kosovo sont étroitement liés à l’évolution des relations entre Belgrade et Pristina. Un dialogue direct, démarré en 2011 et facilité par l’Union européenne, a pris un nouvel élan en 2013, avec la signature de l’Accord de Bruxelles sur la normalisation des relations entre Belgrade et Pristina 
			(53) 
			Premier
accord de principe régissant la normalisation des relations entre
le Kosovo et la Serbie..
85. Cet accord prévoyait l’intégration des communes du nord du Kosovo au système législatif du Kosovo, et l’intégration des Serbes du Kosovo au système judiciaire et à la police du Kosovo, y compris pour accéder à des postes de haut niveau, comme je l’ai mentionné précédemment. L’accord prévoyait également la tenue d’élections locales dans le nord l’année suivante, dans le cadre législatif du Kosovo et avec la facilitation de l’OSCE. Les deux parties se sont engagées à ne pas entraver les démarches de l’autre en vue d’intégrer l’Union européenne. Dernier point, mais non le moindre, Belgrade et Pristina ont approuvé la mise en place d’une association/communauté des municipalités à majorité serbe au Kosovo.
86. Les négociations pour la mise en œuvre de l’Accord de Bruxelles, facilitées par l’Union européenne, se sont poursuivies les mois suivants, tant au niveau technique que politique. Elles se sont interrompues en 2014 en raison d’élections en Serbie et au Kosovo, mais aussi de l’impasse qui a suivi pour former un nouveau gouvernement à Pristina. A la reprise des pourparlers, en février 2015, la question de l’association/communauté des municipalités à majorité serbe au Kosovo est apparue comme le principal objet de litige.
87. Lors de ma visite à Belgrade en août 2015, j’ai rencontré le Premier ministre Aleksandar Vučić alors qu’il s’apprêtait à rejoindre Bruxelles pour participer à un nouveau cycle de pourparlers. Il a souligné l’attitude constructive de la Serbie dans ce processus, son objectif prioritaire consistant à protéger les intérêts de la communauté serbe du Kosovo. A l’instar du Premier ministre Mustafa quelques semaines plus tard, le Premier ministre Vučić a admis que cette attitude positive n’était pas toujours à l’abri de la critique, car étant considérée à tort comme une faiblesse.
88. Les pourparlers du 25 août à Bruxelles ont porté leurs fruits, avec la signature de quatre accords concernant différents secteurs: énergie, télécommunications, utilisation du pont au-dessus de l’Ibar à Mitrovicë/Mitrovica et, enfin, l’association/la communauté des municipalités à majorité serbe.
89. Si ces accords ont été applaudis comme une étape décisive par l’Union européenne, ils ont fait l’objet de contestations à Pristina. Les griefs les plus acerbes ont porté sur l’association/la communauté des municipalités à majorité serbe, qui donne lieu à différentes interprétations: selon Belgrade, l’association/la communauté jouira de pouvoirs exécutifs en matière de soins de santé, d’éducation, d’aménagement du territoire et de développement économique, ce que Pristina dénie. Durant mon séjour à Pristina, on m’a appris que cette divergence était due à un problème lié à la traduction de l’accord en albanais et en serbe, alors que le texte original avait été négocié en anglais.
90. Soutenant que l’accord sur l’association/la communauté des municipalités à majorité serbe divise le Kosovo selon une ligne ethnique, ce qui nuit à son bon fonctionnement, le mouvement d’opposition Vetëvendosje a organisé des manifestations violentes dans la rue et des protestations à l’Assemblée du Kosovo 
			(54) 
			<a href='http://www.afp.com/en/news/kosovo-police-arrest-13-fire-tear-gas-protest-clashes'>www.afp.com/en/news/kosovo-police-arrest-13-fire-tear-gas-protest-clashes</a>..
91. Pour tenter de sortir de cette impasse, le Président du Kosovo, Atifete Jahjaga, a soumis l’accord à la Cour constitutionnelle pour obtenir son avis sur sa compatibilité avec la Constitution. A l’issue de l’examen de cette question, la Cour a décidé, en guise de mesure temporaire, de suspendre toute action judiciaire en lien avec l’accord jusqu’en janvier 2016 
			(55) 
			<a href='http://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/europe/kosovo/11919391/Protesting-MPs-release-tear-gas-in-Kosovo-parliament-in-protest-at-EU-brokered-deal.html'>www.telegraph.co.uk/news/worldnews/europe/kosovo/11919391/Protesting-MPs-release-tear-gas-in-Kosovo-parliament-in-protest-at-EU-brokered-deal.html</a>..
92. Bien que le processus de normalisation soit complexe et non sans embûches, il représente un progrès majeur par rapport au passé. Il témoigne de la détermination des deux parties à trouver des solutions négociées et, à n’en pas douter, il aura des retombées positives sur la vie des Kosovars, quelles que soient leurs communautés, et sur la stabilité générale de la région. J’encourage toutes les forces politiques de Belgrade et de Pristina à soutenir le dialogue, ainsi qu’à faire montre de retenue et de sens des responsabilités afin d’assurer la réussite de ce processus.

7. Coopération internationale et intégration

7.1. Perspective européenne

93. S’il existe une chose qui unit Pristina et Belgrade, c’est leur ambition commune de progresser vers l’intégration dans l’Union européenne. La Serbie est plus avancée dans ce processus, puisqu’elle a signé un accord de stabilisation et d’association avec l’Union européenne en 2013 et que les négociations d’adhésion ont débuté en 2014 
			(56) 
			<a href='http://ec.europa.eu/enlargement/countries/detailed-country-information/serbia/index_en.htm'>http://ec.europa.eu/enlargement/countries/detailed-country-information/serbia/index_en.htm</a>..
94. De son côté, le Kosovo a signé un accord de stabilisation et d’association tout récemment, le 27 octobre 2015. Une fois entré en vigueur – très probablement au premier semestre 2016 – cet accord créera une zone de libre-échange dans laquelle s’appliqueront les normes européennes dans des domaines tels que la concurrence, l’aide et la propriété intellectuelle, ce qui renforcera encore le dialogue politique et la coopération dans un grand nombre de secteurs. Pour reprendre les propos du Commissaire Hahn, «cet accord (...) placera le Kosovo sur la voie d’une croissance économique durable et pourra permettre de créer des emplois dont les citoyens, en particulier les jeunes, ont tant besoin» 
			(57) 
			Traduction
non officielle, <a href='http://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2015/10/27-kosovo-eu-stabilisation-association-agreement/'>www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2015/10/27-kosovo-eu-stabilisation-association-agreement/</a>.. En vertu de l’instrument d’aide de pré-adhésion, l’allocation budgétaire au Kosovo pour la période 2014-2020 représente un total de 645,5 millions d’euros 
			(58) 
			<a href='http://ec.europa.eu/enlargement/instruments/funding-by-country/kosovo/index_en.htm'>http://ec.europa.eu/enlargement/instruments/funding-by-country/kosovo/index_en.htm</a>..
95. Malgré ces développements encourageants, la question du statut vient obscurcir les perspectives d’adhésion du Kosovo à l’Union européenne: selon l’article 49 du Traité sur l’Union européenne, l’accession d’un nouvel Etat doit être approuvée à l’unanimité par tous les Etats membres de l’Union européenne. A ce jour, cinq Etats membres de l’Union européenne ne reconnaissent même pas le Kosovo comme un Etat indépendant 
			(59) 
			Et
notamment: Chypre, Espagne, Grèce, Roumanie et République slovaque..
96. Le 2 novembre 2015, l’Assemblée du Kosovo a voté pour la ratification de l’accord de stabilisation et d’association. L’opposition, qui avait perturbé le travail de l’Assemblée pendant des semaines, n’a pas fait blocage cette fois-ci, mais a quitté la chambre après les discours des chefs de file des groupes politiques.
97. S’adressant à l’Assemblée du Kosovo quelques jours plus tard, le Commissaire Hahn a souligné que l’accord de stabilisation et d’association visait à soutenir les efforts du Kosovo en vue de renforcer la démocratie et la prééminence du droit, et à contribuer à la stabilité institutionnelle et politique du Kosovo. Il a par ailleurs ajouté, «L’accord ne peut résoudre les problèmes politiques internes du Kosovo; ce sont des problèmes que vous devez régler, vous les responsables politiques kosovars élus démocratiquement, dans le cadre de vos règles et procédures» 
			(60) 
			<a href='https://ec.europa.eu/commission/2014-2019/hahn/announcements/speech-commissioner-hahn-assembly-kosovo_en'>https://ec.europa.eu/commission/2014-2019/hahn/announcements/speech-commissioner-hahn-assembly-kosovo_en</a>..
98. Lors de ma visite à Pristina, on m’a dit à maintes reprises que pour les Kosovars, et surtout les jeunes, l’aspect le plus important dans les relations entre le Kosovo et l’Union européenne était la libéralisation des visas. J’ai vu dans plusieurs lieux publics des affiches de la Kosovo Foundation for Open Society indiquant: «Mais où est notre liberté de mouvement? Traitez-nous équitablement» 
			(61) 
			Par exemple: <a href='http://kfos.org/procesi-i-liberalizimit-te-vizave/'>http://kfos.org/procesi-i-liberalizimit-te-vizave/</a>..
99. A l’heure actuelle, le Kosovo n’a pas d’accord avec l’Union européenne visant à faciliter la délivrance de visas. Un dialogue et une feuille de route ont été mis en place pour veiller au respect des exigences concernant l’assouplissement du régime des visas 
			(62) 
			<a href='http://eeas.europa.eu/delegations/kosovo/documents/eu_travel/visa_liberalisation_with_kosovo_roadmap.pdf'>http://eeas.europa.eu/delegations/kosovo/documents/eu_travel/visa_liberalisation_with_kosovo_roadmap.pdf</a>, 
			(62) 
			<a href='http://ec.europa.eu/dgs/home-affairs/what-is-new/news/news/docs/second_commission_assessment_fr.pdf'>http://ec.europa.eu/dgs/home-affairs/what-is-new/news/news/docs/second_commission_assessment_fr.pdf</a>., et le prochain rapport de la Commission européenne concernant la satisfaction des conditions pour la libéralisation des visas par le Kosovo devrait être publié mi-décembre 2015. Ces exigences ont trait à des domaines tels que la gestion des frontières et des flux migratoires du Kosovo, la prévention de la criminalité organisée, de la corruption et du terrorisme, la lutte contre ces problèmes, ainsi que les réadmissions et réinsertions.
100. La libéralisation des visas est vue au Kosovo comme une porte de sortie au taux élevé de chômage, particulièrement celui des jeunes, et une solution à l’absence de perspectives économiques. Les propos tenus par le Commissaire Hahn lors de son discours susmentionné à l’Assemblée du Kosovo sont particulièrement pertinents, selon moi, dans ce contexte également. Le Kosovo ne peut attendre des Etats membres de l’Union européenne qu’ils soient prêts à accepter un afflux de Kosovars, sans traiter les causes profondes de ces mouvements migratoires. Il faut également prendre en compte le fait que la libéralisation des visas pourrait résulter en une émigration massive des jeunes kosovars vers les pays de l’Union européenne. Cette fuite des cerveaux priverait le Kosovo de toute perspective d’un avenir viable.
101. Il est de la responsabilité des autorités kosovares de traiter ces problèmes systémiques qui freinent la croissance économique et la consolidation de la démocratie, que posent notamment la corruption et l'application du principe de la prééminence du droit, en vue d’offrir au peuple du Kosovo la possibilité de rester chez lui et d’y jouir d’une vie normale, pacifique et prospère. A cet égard, il était intéressant pour moi de lire que, selon une ONG, le pic d’émigration irrégulière du Kosovo vers les pays de l’Union européenne enregistré fin 2014 était provoqué par le fait que, suite à la formation de l’actuel gouvernement, la population avait perdu tout espoir dans un éventuel changement politique, économique et social au Kosovo 
			(63) 
			<a href='http://www.democratizationpolicy.org/uimages/DPC Policy Paper Trading Democracy in Kosovo.pdf'>www.democratizationpolicy.org/uimages/DPC%20Policy%20Paper%20Trading%20Democracy%20in%20Kosovo.pdf</a>..

7.2. Demandes d’adhésion du Kosovo à des organisations internationales

102. Après la déclaration d’indépendance, le Kosovo a adhéré à différentes institutions financières internationales, notamment le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD). L’assistance de ces organisations a été essentielle pour soutenir la reprise économique au Kosovo. Pour avoir une idée de l’ampleur du soutien international, il faut se rappeler que depuis 1999, la Banque mondiale a fourni ou géré quelque $US 400 millions au Kosovo, tandis que la BERD a investi à ce jour 124 millions d’euros 
			(64) 
			<a href='http://www.worldbank.org/en/country/kosovo/projects'>www.worldbank.org/en/country/kosovo/projects</a>; www.ebrd.com/kosovo-data.html..
103. Durant mes visites à Belgrade et à Pristina, la demande d’adhésion du Kosovo à l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) a été un sujet de discussion fréquent. J’ai entendu des opinions assez divergentes sur cette initiative. Les autorités kosovares mettaient en avant les effets positifs qui découleraient de l’adhésion à l’UNESCO dans le domaine de la protection du patrimoine culturel. A l’inverse, Monseigneur Teodosije, évêque de Raska-Prizren, ne voyait aucun avantage dans l’adhésion du Kosovo à cette organisation et regrettait que la protection du patrimoine culturel et religieux figure en mauvaise place – pour ne pas dire pire – parmi les priorités du Gouvernement du Kosovo. Il déplorait également le processus non inclusif qui avait débouché sur la décision de déposer une demande d’adhésion; il avait appris la nouvelle dans les journaux, alors qu’il était très engagé dans la protection du patrimoine culturel et religieux serbe au Kosovo, y compris à travers des projets soutenus par le Conseil de l’Europe.
104. Lors d’une session du Conseil de sécurité des Nations Unies en août 2015, le ministre des Affaires étrangères de la Serbie, M. Dačić, a fait part dans les termes les plus forts de l’opposition de son pays à l’adhésion du Kosovo à l’UNESCO, insistant sur le fossé qui existe entre les discours et les actes de Pristina en matière de protection du patrimoine culturel serbe 
			(65) 
			<a href='http://www.tanjug.rs/full-view_en.aspx?izb=195174'>www.tanjug.rs/full-view_en.aspx?izb=195174</a>..
105. Depuis, la situation a évolué. Le 22 octobre 2015, le Conseil exécutif de l’UNESCO a recommandé l’adhésion du Kosovo à l’UNESCO par 27 voix pour, 14 contre et 14 abstentions. La demande d’adhésion, toutefois, n’a pas atteint le seuil requis des deux tiers de la majorité à l’Assemblée générale de l’UNESCO, avec 92 voix pour, 50 contre et 29 abstentions (il fallait 95 votes favorables pour que l’adhésion soit approuvée) 
			(66) 
			<a href='http://www.reuters.com/article/2015/11/09'>www.reuters.com/article/2015/11/09</a>.. Ce résultat a suscité une vive déception à Pristina et a été salué comme un succès diplomatique à Belgrade.
106. L’attention qui s’est focalisée sur l’UNESCO a provisoirement éclipsé une autre demande d’adhésion, celle à INTERPOL. Jusqu’à présent, la coopération avec INTERPOL se fondait sur un accord de coopération signé en 2002 entre cette organisation et la MINUK 
			(67) 
			<a href='http://www.interpol.int/About-INTERPOL/Legal-materials/International-Cooperation-Agreements'>www.interpol.int/About-INTERPOL/Legal-materials/International-Cooperation-Agreements</a>. mais, en avril 2015, le Kosovo a fait une demande d’adhésion à part entière. Il a également sollicité la signature d’un accord d’association avec l’Office européen de police (EUROPOL) 
			(68) 
			Dans
les Balkans occidentaux, EUROPOL a signé des accords opérationnels
avec l’Albanie, «l’ex-République yougoslave de Macédoine», le Monténégro
et la Serbie, et un accord stratégique avec la Bosnie-Herzégovine.
Pour l’heure, il n’existe aucun accord opérationnel ou stratégique
entre le Kosovo et EUROPOL (<a href='https://www.europol.europa.eu/content/page/external-cooperation-31'>https://www.europol.europa.eu/content/page/external-cooperation-31</a>)..
107. Les autorités serbes sont en désaccord, estimant que ces demandes vont au-delà de l’accord sur la représentation régionale du Kosovo qui a été conclu en 2012 dans le cadre du dialogue entre Belgrade et Pristina. En vertu de cet accord, des représentants du Gouvernement kosovar peuvent participer et s’exprimer au nom du Kosovo dans des réunions régionales. Le nom «Kosovo» doit être accompagné d’une note de bas de page formulée comme suit: «Cette dénomination ne préjuge en rien des positions concernant le statut du territoire et est conforme à la Résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations Unies et à l’avis de la Cour internationale de justice sur la déclaration d’indépendance du Kosovo.» S’il y a lieu de lancer et/ou signer de nouveaux accords, un représentant du Kosovo peut le faire. Conformément à cet accord, la Serbie n’a pas fait obstacle à l’adhésion du Kosovo au processus de coopération en Europe du Sud-Est.
108. La participation de représentants du Kosovo à des réunions régionales ou internationales revêt une grande importance pour améliorer la vie au Kosovo, car elle permet aux autorités de bénéficier de conseils, d’une assistance et de bonnes pratiques; en bref, elle incite le Kosovo à se hisser au niveau des normes internationales. Je suis favorable à une approche pragmatique et créative en ce qui concerne la participation du Kosovo à des organisations internationales, pour autant que l’objectif soit de renforcer les normes. A ce sujet, je tiens à mettre en garde les autorités du Kosovo contre le fait de chercher à adhérer à des organisations internationales dans le seul but de consolider leur statut d’Etat.

8. Le Kosovo et le Conseil de l’Europe

109. Lors de mes réunions avec le Président du Kosovo et le vice-ministre des Affaires étrangères, j’ai appris que le Kosovo souhaitait déposer une demande d’adhésion au Conseil de l’Europe et qu’il pourrait le faire début 2016. Cette initiative bénéficie du soutien entier de toutes les forces politiques représentées à l’Assemblée du Kosovo, c'est-à-dire la majorité comme l’opposition. Certains de mes interlocuteurs ont justifié la nécessité pour le Kosovo d’adhérer à l’Organisation par le fait que les habitants du Kosovo n’ont actuellement pas accès à la Cour européenne des droits de l’homme.
110. Cet argument est sans nul doute tout à fait pertinent. Toutefois, si une personne ne peut déposer une requête contre le Kosovo devant la Cour européenne des droits de l’homme, elle peut se prévaloir de la protection accordée par la Convention européenne des droits de l’homme devant les juridictions kosovares, parce que la Constitution du Kosovo prévoit l’applicabilité directe de la Convention et sa primauté sur le droit interne. Par ailleurs, pour améliorer la connaissance du droit des droits de l’homme, le Conseil de l’Europe organise et soutient depuis des années des stages de formation sur la Convention européenne des droits de l’homme à l’intention des professionnels du droit au Kosovo. Les juristes de la Cour constitutionnelle du Kosovo peuvent même effectuer des visites d’études de plusieurs semaines à la Cour européenne des droits de l’homme pour se familiariser avec sa jurisprudence.
111. Je n’ai pas eu la possibilité de discuter avec les autorités kosovares pour savoir si leur tentative infructueuse d’adhésion à l’UNESCO pourrait les amener à envisager plus attentivement l’opportunité de faire une demande d’adhésion au Conseil de l’Europe, et à quel moment faire cette demande. Par souci de clarté, je voudrais rappeler que, si l’Assemblée joue un rôle consultatif dans le processus d’adhésion, la décision finale d’accepter ou pas un nouveau membre est prise par le Comité des Ministres au niveau de ses Délégués, qui statuent habituellement par consensus. Le résultat ne ferait pratiquement aucun doute, étant donné que seulement 34 des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe ont reconnu le Kosovo en tant qu’Etat indépendant 
			(69) 
			Pays qui ne l’ont pas
reconnu : Arménie, Azerbaïdjan, Bosnie et Herzégovine, Chypre, Espagne,
Géorgie, Grèce, République de Moldova, Roumanie, Fédération de Russie,
Serbie, République slovaque et Ukraine..
112. Indépendamment d’une éventuelle demande d’adhésion, le Kosovo coopère déjà avec le Conseil de l’Europe et est membre de quelques organes de l’Organisation.
113. En novembre 2013, le Kosovo est devenu membre de la Banque de développement du Conseil de l’Europe 
			(70) 
			<a href='http://www.coebank.org/en/news-and-publications/news/kosovo-become-member-ceb/'>www.coebank.org/en/news-and-publications/news/kosovo-become-member-ceb/</a>.. Des demandes de prêt peuvent être déposées pour financer des projets dans quatre secteurs d’intervention: renforcement de l’intégration sociale; gestion de l’environnement; soutien aux infrastructures publiques à vocation sociale; soutien aux très petites, petites et moyennes entreprises 
			(71) 
			<a href='http://www.coe.int/fr/web/programmes/kosovo'>www.coe.int/fr/web/programmes/kosovo</a>..
114. Depuis septembre 2014, le Kosovo est membre de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise). La Commission de Venise travaille sur le Kosovo depuis des années, prodiguant des conseils sur des projets de loi et sur d’autres mécanismes, à la demande de la MINUK ou de l’Assemblée parlementaire. Son dernier avis concernant le Kosovo, formulé à la demande de l’Union européenne, porte sur les modifications de la loi relative à la liberté de religion au Kosovo et a été adopté en mars 2014, avant que le Kosovo ne devienne l’un de ses membres 
			(72) 
			<a href='http://www.venice.coe.int/webforms/documents/?country=243&year=all'>www.venice.coe.int/webforms/documents/?country=243&year=all</a>..
115. L’Association des communes du Kosovo 
			(73) 
			<a href='http://komunat-ks.net/en/'>http://komunat-ks.net/en/</a>. est dotée du statut d’observateur auprès du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe depuis 2002.
116. Ces dernières années, le Conseil de l’Europe a renforcé sa coopération au Kosovo selon un principe qui veut que l’Organisation et son Secrétariat suivent une approche neutre à l’égard du statut. Depuis 2012, une interaction directe entre des responsables du Conseil de l’Europe et des responsables des autorités kosovares compétentes est possible tout en respectant le principe de la «capacité fonctionnelle». Un groupe de travail entre le Conseil de l’Europe et le Kosovo a été mis sur pied afin de discuter de la planification, de la programmation et du développement de la coopération. Ce groupe s’est réuni en novembre 2013, septembre 2014 et mai 2015 
			(74) 
			<a href='http://www.coe.int/fr/web/programmes/kosovo'>www.coe.int/fr/web/programmes/kosovo</a>..
117. Le 27 mai 2015, M. Bjorn Berge, directeur du Cabinet du Secrétaire Général, et M. Petrit Selimi, Vice‑ministre des Affaires étrangères du Kosovo, ont échangé des courriers sur le nouveau statut du Bureau du Conseil de l’Europe à Pristina, qui joue un rôle important dans la mise en œuvre des programmes de coopération 
			(75) 
			<a href='http://www.coe.int/fr/web/programmes/-/status-of-the-council-of-europe-office-in-pristina'>www.coe.int/fr/web/programmes/-/status-of-the-council-of-europe-office-in-pristina</a>..
118. En janvier 2015, le montant des activités de coopération menées au Kosovo s’élevait à 4,7 millions d’euros. Financées par des programmes conjoints Union européenne/Conseil de l'Europe, elles concernaient principalement la lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent, l’accès des Roms, des Ashkali et des Egyptiens à l’éducation et la diversité culturelle. Le Kosovo est également un bénéficiaire des programmes conjoints régionaux Union européenne/Conseil de l’Europe qui visent à promouvoir la protection des minorités – notamment des Roms – et l’éducation inclusive, ainsi que du projet régional du Conseil de l’Europe sur la liberté d’expression et la liberté des médias, financé par la Norvège 
			(76) 
			<a href='http://www.coe.int/fr/web/programmes/kosovo'>www.coe.int/fr/web/programmes/kosovo</a>..
119. Au-delà de la coopération, le Conseil de l’Europe réalise un travail de suivi au Kosovo en s’appuyant sur des dispositifs spécifiques concernant les mécanismes ci-dessous:
  • le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), dont la dernière visite au Kosovo date d’avril 2015 
			(77) 
			<a href='http://www.cpt.coe.int/fr/kosovo.htm'>www.cpt.coe.int/fr/kosovo.htm</a>.;
  • le Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (CCMN); à la suite de la réception du rapport intérimaire préparé par l’OSCE et présenté par la MINUK, la dernière visite de suivi a eu lieu en novembre 2013 
			(78) 
			<a href='http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/minorities/6_Resources/PDF_Agreement_UNMIK_fr.pdf'>www.coe.int/t/dghl/monitoring/minorities/6_Resources/PDF_Agreement_UNMIK_fr.pdf</a>..
120. Des membres du Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA) se sont rendus au Kosovo en 2015 et préparent un rapport sur le respect par le Kosovo des normes de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE no 197).
121. Dans le cadre du projet conjoint Conseil de l’Europe/Union européenne de lutte contre la criminalité économique au Kosovo (PECK), des experts du Conseil de l’Europe ont publié un rapport d’évaluation final sur la conformité du Kosovo avec les normes internationales dans les domaines de la lutte contre la corruption, le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, selon la méthodologie du Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO) et du Comité d'experts sur l'évaluation des mesures de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (MONEYVAL).
122. Je suis convaincu que le Conseil de l’Europe doit poursuivre ses activités au Kosovo, dans le domaine de la coopération comme dans celui du suivi. Je ne pense pas, en revanche, qu’il soit nécessaire que l’Assemblée demande au Comité des Ministres d’élargir l’éventail des activités auxquelles le Kosovo participe, ou de les réorienter selon différentes priorités. C’est la raison pour laquelle il ne me semble pas nécessaire de proposer une recommandation au Comité des Ministres.
123. J’ai la conviction, par ailleurs, que les autorités kosovares devraient faire une meilleure utilisation des organes et mécanismes du Conseil de l’Europe dont elles sont membres ou auxquels elles participent sur la base de dispositions spéciales et ad hoc. Comme je l’ai indiqué précédemment, l’objectif d’une plus étroite coopération avec le Conseil de l’Europe ne devrait pas viser le renforcement du statut d’Etat, mais le renforcement des normes. De ce point de vue, il est temps selon moi d’intensifier plutôt que d’élargir la coopération, afin qu’elle ait un impact réel sur la vie des Kosovars.
124. Pour commencer, j’encourage les autorités kosovares à tirer pleinement parti de l’expertise de la Commission de Venise afin d’harmoniser totalement le cadre juridique du Kosovo avec les normes du Conseil de l’Europe. Malheureusement, bien que membre de la Commission de Venise, le Kosovo n’a jamais sollicité son avis sur une quelconque question. Comme l’a souligné la Commission européenne, cela pourrait débuter dans le domaine du droit électoral: «Une série de lacunes doivent encore être comblées pour mieux refléter les bonnes pratiques et les normes internationales; il convient notamment de mieux délimiter ce qui relève, en matière électorale, des textes de loi et des textes réglementaires, de fixer des délais adéquats en matière de plainte et de recours et de veiller à l’exactitude des listes électorales. La récente adhésion du Kosovo à la Commission de Venise peut y contribuer. 
			(79) 
			Traduction non officielle,
Commission européenne, Kosovo Report, octobre 2014, p. 7. Une recommandation similaire
est formulée dans le Progress Report 2015,
p. 6.» J’invite les autorités kosovares à suivre cette suggestion.

8.1. Relations avec l’Assemblée parlementaire

125. Les relations entre l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et l’Assemblée du Kosovo ont évolué au fil du temps.
126. Après l’adoption de la Résolution 1739 (2010) de l’Assemblée sur la situation au Kosovo et le rôle du Conseil de l’Europe, le Bureau de l’Assemblée a décidé qu’«à titre de première étape», deux représentants élus à l’Assemblée du Kosovo, l’un représentant la majorité et l’autre l’opposition, pourraient être invités à assister aux réunions des commissions de l’Assemblée «chaque fois qu'une question concernant directement le Kosovo est à l'ordre du jour».
127. Ultérieurement, à la suite de l’adoption de la Résolution 1912 (2013) de l’Assemblée, le Bureau a étendu le champ de leur participation en décidant «d’accorder le droit à deux représentants des forces politiques élues à l’Assemblée du Kosovo, l’un de la majorité, l’autre de l’opposition (décision à prendre par les groupes respectifs au sein de l’Assemblée du Kosovo, y compris des représentants des minorités) de participer aux réunions des commissions (à l’exception des réunions de la commission de suivi et de la commission du Règlement, des immunités et des questions institutionnelles en raison de leur spécificité) quelles que soient les questions figurant à l’ordre du jour. Les deux représentants n’auraient pas le droit de voter, mais ils pourraient prendre la parole lors des réunions de commissions sous réserve de l’autorisation de la présidence». Le Bureau a aussi décidé qu’ils auraient le droit «de suivre les sessions plénières de l’Assemblée sans être autorisés à prendre la parole».
128. Depuis que les décisions du Bureau ont été ratifiées par l’Assemblée 
			(80) 
			<a href='http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/X2H-Xref-ViewPDF.asp?FileID=19551&lang=fr'>http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/X2H-Xref-ViewPDF.asp?FileID=19551&lang=fr</a>., les membres de l’Assemblée du Kosovo ont participé à de nombreuses réunions des commissions, en particulier de la commission des questions politiques et de la démocratie, de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme et de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées. Trop souvent, cependant, un seul membre de l’Assemblée du Kosovo – appartenant à un parti de la majorité gouvernementale – a assisté à ces réunions. A cet égard, j’aimerais encourager les groupes politiques représentés à l’Assemblée du Kosovo à assurer une plus grande parité entre les femmes et les hommes dans les délégations envoyées à Strasbourg ainsi qu’une participation accrue des représentants de l’opposition et des minorités.
129. Je pense que la participation d’une délégation de l’Assemblée du Kosovo aux travaux de l’Assemblée parlementaire est utile pour aider ces élus à nouer des contacts avec d’autres parlementaires et à élargir leur horizon sur un certain nombre de préoccupations communes. Ceci peut être crucial afin de les aider à rapprocher le Kosovo des valeurs et normes du Conseil de l’Europe.
130. J’ai aussi constaté que le Gouvernement du Kosovo proposait, dans son programme, de rédiger une stratégie sur la coopération et l’amélioration de la diplomatie parlementaire et de renforcer la coopération avec les structures interparlementaires 
			(81) 
			<a href='http://www.kryeministri-ks.net/repository/docs/Government_Programme_2015-2018_eng_10_mars.pdf'>www.kryeministri-ks.net/repository/docs/Government_Programme_2015-2018_eng_10_mars.pdf</a>, p. 59..
131. Compte tenu de ces considérations, je souhaiterais proposer une intensification du dialogue entre l’Assemblée parlementaire et l’Assemblée du Kosovo. Je recommanderais de donner le droit à une «délégation de l’Assemblée du Kosovo» de participer aux réunions des commissions et des réseaux de l’Assemblée, avec le droit de prendre la parole, mais sans droit de vote. Cette délégation serait formée d’un représentant de la majorité, d’un représentant de l’opposition et d’un représentant des minorités (de l’opposition ou de la majorité). Autant que possible, cette délégation devrait refléter la parité au sein de l’Assemblée du Kosovo. Sa composition serait soumise au Bureau pour approbation pour l’intégralité de la session. Le droit de suivre les sessions plénières de l’Assemblée, sans le droit de prendre la parole, resterait inchangé.

9. Conclusions

132. Ces dernières années, la situation au Kosovo s’est améliorée dans de nombreux domaines, même si les progrès restent timides et qu’il faut donc les confirmer. L’amélioration du respect de la prééminence du droit et de son application effective est de mon point de vue l’urgence numéro un, car la plus susceptible d’avoir des effets bénéfiques sur la vie quotidienne des Kosovars, de quelque communauté qu’ils soient.
133. Le climat politique au Kosovo n’a cessé de se dégrader et certains élus se sont avérés incapables ou peu disposés à conduire des négociations dans un esprit constructif et dans le respect des règles de la démocratie parlementaire. Cette détérioration de la conduite de la politique, et notamment le recours à la violence, est source de graves préoccupations, et il faudra surveiller la situation de très près dans les mois suivent.
134. Bâtir la confiance devrait être la priorité des autorités. Cela vaut pour les relations intercommunautaires, mais aussi pour la confiance des gens dans des institutions crédibles, offrant démocratie et justice et aussi protection des droits de l'homme conformément aux normes européennes.
135. Depuis que l’Assemblée s’est exprimée pour la dernière fois sur la situation au Kosovo en 2013, le dialogue politique entre Pristina et Belgrade s’est nettement amélioré, ce qui a eu des effets positifs sur le terrain et a permis aux deux parties de progresser vers l’intégration dans l’Union européenne. Cette évolution cruciale contribue à la poursuite de la stabilisation de toute la région des Balkans occidentaux.
136. Enfin, lorsqu’on examine la situation au Kosovo, il est impossible de ne pas penser à la notion de «sécurité démocratique», à laquelle se réfère souvent le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, Thorbjørn Jagland. Le respect de normes élevées en matière de démocratie, de droits de l’homme et d’Etat de droit n’est pas seulement important pour la vie des gens, c’est également un facteur de stabilité au niveau interne comme international. A contrario, le non-respect, aggravé par la mauvaise santé de l’économie, représente une menace pour la stabilité et la sécurité qui aura inévitablement des répercussions hors des frontières nationales.
137. Je souhaite que ce rapport contribue à améliorer la capacité du Kosovo à connaître et à promouvoir la sécurité démocratique.