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Rapport | Doc. 13984 | 15 février 2016

Les bibliothèques et les musées d’Europe dans un monde en mutation

Commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias

Rapporteure : Lady Diana ECCLES, Royaume-Uni, CE

Origine - Renvoi en commission: Doc. 13342, Renvoi 4019 du 27 janvier 2014 2016 - Commission permanente de mars

Résumé

Avec l’importance croissante de l’économie de la connaissance en Europe, les bibliothèques et les musées contribuent au progrès et à l’apprentissage tout au long de la vie. Ils sont aussi des espaces de rencontre protégés et dynamiques pour la population locale. En outre, ils peuvent être créateurs d’emplois, attirer les entreprises et encourager le climat général d’investissement. Vu l’importance culturelle, sociale et économique des bibliothèques et des musées, les gouvernements devraient les protéger dans l’intérêt des générations futures.

Sans pour autant négliger l’importance des bibliothèques et musées de premier plan, le rapport se concentre sur des établissements qui, bien que plus modestes, n’en jouent pas moins un rôle fondamental au sein de leur communauté locale et sont aujourd’hui l’objet de pressions visant à réduire les prestations qu’ils fournissent au public, voire à les fermer. Le financement public dans ce secteur est à considérer comme un investissement qui peut s’avérer rentable en termes de retombées sociales et de croissance économique. Même dans une situation économique difficile, les relations entre les gouvernements et les établissements culturels doivent s’ancrer fermement dans la compréhension mutuelle et la confiance. L’un des principes sous-tendant cette confiance consiste à octroyer aux établissements la liberté de prendre des décisions stratégiques, de définir des priorités et de choisir un mode opératoire pour s’adapter et se développer dans les périodes de changement.

Les Etats membres du Conseil de l'Europe devraient mettre en œuvre une réflexion stratégique au niveau national pour réformer, si nécessaire, les secteurs des bibliothèques et des musées. L’exercice devrait mettre en commun amples compétences et consultations en vue d’améliorer le leadership et la dotation en personnel, de diversifier les sources de financement pour permettre une résilience financière accrue, de renforcer les partenariats et les réseaux et de promouvoir l’utilisation des technologies numériques et des médias créatifs.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 4 décembre
2015

(open)
1. L’Assemblée parlementaire souligne l’importance culturelle, économique et sociale des bibliothèques et des musées. Les bibliothèques et les musées, principaux gardiens de notre culture et de notre patrimoine européens, ont traditionnellement joué un rôle irremplaçable et ont une responsabilité particulière dans toutes les sociétés. Ils conservent toute leur pertinence au 21e siècle, en particulier en tant que lieux où la connaissance est générée et transmise au grand public. Toutefois, face aux répercussions considérables des mutations économiques et aux rapides innovations technologiques, l’Assemblée estime qu’il convient de revisiter les rôles et responsabilités des bibliothèques et des musées de façon créative et stratégique pour répondre aux nouveaux besoins qui se font jour.
2. Tout en reconnaissant les contraintes budgétaires actuelles auxquelles sont confrontés les gouvernements, l’Assemblée estime que les gouvernements devraient protéger les infrastructures culturelles et du patrimoine dans l’intérêt des futures générations. Avec l’importance croissante de l’économie de la connaissance en Europe, les bibliothèques et les musées sont idéalement placés pour contribuer au progrès et à l’apprentissage tout au long de la vie. Ils sont aussi des espaces de rencontre protégés et dynamiques pour les populations locales. En outre, les bibliothèques et les musées peuvent être créateurs d’emplois, attirer les entreprises et encourager le climat général d’investissement. Dans ces conditions, l’Assemblée affirme que le financement public dans ce secteur ne peut être considéré comme une dépense superflue; c’est au contraire un investissement qui peut se révéler rentable sous forme de retombées sociales positives et de croissance économique.
3. L'Assemblée estime que le leadership et la vision stratégique sont essentiels pour les bibliothèques et les musées afin de pouvoir s’adapter et évoluer dans une période marquée par les changements. Si les bibliothèques et les musées doivent rester comptables de l’utilisation des financements publics, ils doivent aussi rester capables de lever des fonds et de décider de leur affectation, et donc de conserver une certaine autonomie en matière de prise de décisions. Cela doit leur permettre de trouver de meilleures solutions en matière de gestion financière et de ressources humaines, en travaillant avec des bénévoles et en établissant de nouveaux partenariats.
4. L'Assemblée recommande aux Etats membres du Conseil de l'Europe:
4.1. de reconnaître l’importance sociale, économique et culturelle des bibliothèques et des musées, et leur rôle dans la préservation du patrimoine culturel pour les générations à venir ainsi que dans la présentation de nouvelles tendances dans l’art et dans le domaine de la culture;
4.2. d’accroître la reconnaissance et le soutien aux bibliothèques et aux musées dans divers secteurs du gouvernement;
4.3. d’allouer aux bibliothèques et aux musées les financements qui leur sont nécessaires pour remplir leur rôle dans la société;
4.4. de faire en sorte que soit maintenue la mission de service public remplie par les institutions plus petites dans le cadre plus large de l’infrastructure culturelle et du patrimoine;
4.5. de promouvoir le concept de leadership et d’assurer aux bibliothèques et aux musées une autonomie suffisante pour pouvoir gérer directement leur personnel et leur budget;
4.6. d’aider les bibliothèques et les musées à se positionner en tant que plateformes d’éducation numérique et d’innovation au profit des populations locales, en offrant un accès gratuit à internet, en leur allouant des ressources et en facilitant des réseaux d’information nationaux et internationaux qui soient mutuellement compatibles.
5. L’Assemblée recommande également que les Etats membres mettent en œuvre une réflexion stratégique pour réformer, si nécessaire, les secteurs des bibliothèques et des musées. Le processus devrait englober la mise en commun d’amples compétences et de consultations, et mettre à contribution un large éventail de partenaires, et notamment les ministères compétents, les associations nationales de bibliothèques et de musées, les pouvoirs locaux, d’autres institutions culturelles et le secteur privé. Cette démarche pourrait consister notamment:
5.1. à améliorer le leadership et la dotation en personnel, en particulier:
5.1.1. en assurant la reconnaissance professionnelle des conservateurs de musée, en s’inspirant de celle obtenue dans le secteur des bibliothèques grâce à la Fédération internationale des associations et institutions de bibliothèques (IFLA);
5.1.2. en développant et en promouvant la formation spécifique des personnels, pour diversifier leurs capacités en vue de mieux adapter leur travail et leurs méthodes à l’évolution des rôles des bibliothèques et des musées;
5.1.3. en diffusant les meilleures pratiques concernant le recours au bénévolat dans le secteur culturel, tout en reconnaissant que les bénévoles ne peuvent pas remplacer les professionnels;
5.2. à diversifier les sources de financement, pour assurer aux secteurs des bibliothèques et des musées une plus grande résilience financière, et en particulier:
5.2.1. en repensant les cadres juridiques en place pour supprimer les obstacles au développement de modèles de financement public-privé;
5.2.2. en élaborant des programmes de soutien et de renforcement des capacités pour les institutions culturelles, pour leur permettre d’acquérir des capacités en matière de planification organisationnelle et de collecte de fonds qui soient compatibles avec leurs buts et objectifs culturels;
5.2.3. en veillant à ce que le niveau de financement public ne soit pas revu à la baisse en conséquence d’une levée de fonds efficace auprès d’autres sources;
5.2.4. en incitant les particuliers et les entreprises à parrainer des institutions et des projets culturels en utilisant un large éventail d’outils, depuis des incitations fiscales jusqu’à des mécanismes de financement de contrepartie public/privé;
5.2.5. en diffusant les meilleures pratiques identifiées dans d’autres pays européens;
5.3. à renforcer les partenariats et les réseaux, et notamment:
5.3.1. en stimulant la coopération au sein du secteur (mise en réseau informelle des bibliothèques et des musées aux niveaux municipal, régional et national); ainsi qu’au sein d’un secteur culturel plus large (mise en relation des musées, des bibliothèques, des arts de la scène, du cinéma, du théâtre, de la musique, etc.) pour générer des synergies et maximiser l’impact des efforts conjoints;
5.3.2. en promouvant l’action intersectorielle, aussi par-delà le secteur culturel, pour puiser de nouvelles idées et stimuler la pensée créative;
5.4. à promouvoir l’utilisation de la technologie numérique et des médias créatifs, et notamment:
5.4.1. en développant une approche proactive de la compréhension et de l’intégration des nouvelles technologies de l’information dans les services, afin qu’ils puissent continuer de répondre aux besoins et aux attentes des usagers;
5.4.2. en encourageant les partenariats avec les centres de recherche numérique et les fournisseurs commerciaux de technologie numérique; et en partageant des informations sur les meilleures pratiques concernant l’utilisation des nouvelles technologies pour la gestion des collections, le partage d’informations et le développement des services.
6. Au niveau européen, l’Assemblée recommande que le Conseil de l’Europe, l’Union européenne et d’autres partenaires concernés mettent en œuvre une coopération internationale accrue pour favoriser le partage de nouveaux modèles et les meilleurs pratiques entre les 47 Etats membres du Conseil de l’Europe; développent une approche collaborative pour élever les normes applicables au partage de collections et d’objets d’art dans les pays européens; et encouragent les projets transfrontaliers afin de renforcer l’engagement mutuel et la compréhension culturelle.
7. Dans le cadre du dispositif du Prix européen du Musée de l’année et du Prix du Musée du Conseil de l'Europe, l’Assemblée parlementaire invite le Forum européen du Musée à envisager l’attribution d’une mention spéciale aux petits et moyens musées qui mèneraient à bien des efforts et des réalisations remarquables dans un contexte de ressources limitées et, souvent également, dans un climat peu propice à l’investissement dans le secteur des musées au niveau national et/ou régional.

B. Exposé des motifs, par Lady Eccles, rapporteure

(open)

1. Origine, portée et objectifs du rapport

1. Le 27 janvier 2014, l’Assemblée parlementaire a renvoyé pour rapport à la commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias une proposition de résolution (Doc. 13342) que j’avais présentée avec 40 autres membres de l’Assemblée le 21 octobre 2013. La commission m’a nommée rapporteure le 28 janvier 2014.
2. Au courant de l’année 2014, j’ai pris part à deux événements importants – la cérémonie de remise du Prix européen du Musée de l’année (EMYA 2014), à Tallinn (Estonie), et la Conférence de la Fédération internationale des associations de bibliothécaires et des bibliothèques (FIAB) à Birmingham, événements qui m’ont offert l’occasion de discuter de sujets intéressant les professionnels des bibliothèques et musées en Europe. Je souhaiterais également remercier de leurs précieux conseils les professionnels des bibliothèques et des musées du Royaume-Uni que j’ai pu directement consulter. Enfin, je tiens tout spécialement à remercier M. Mikhail Gnedovsky 
			(2) 
			Directeur de l’Institut
des politiques culturelles de Moscou (Russie) et membre du conseil
d’administration du Forum européen du musée (EMF). et Mme Ilona Kish 
			(3) 
			Directrice
de programme à la Fondation «Lire et Ecrire», Bruxelles. de m’avoir fait bénéficier de leur compétence dans les recherches nécessaires à l’élaboration du présent rapport.
3. Conformément à la proposition de résolution, le présent rapport souligne que «[l]es bibliothèques et les musées, principaux gestionnaires de notre culture et de notre patrimoine, jouent traditionnellement un rôle irremplaçable et ont une responsabilité particulière dans les sociétés du monde entier. Mais, compte tenu des changements sociétaux considérables apportés par les mutations économiques et par les innovations technologiques rapides, les rôles et les responsabilités des bibliothèques et des musées doivent être réexaminés de manière créative et stratégique afin de leur permettre de répondre aux nouveaux besoins sociétaux».
4. Le rapport comportera donc trois grandes parties. La première sera consacrée à l’étude de l’acquisition et de l’expansion des nouveaux rôles des bibliothèques et musées au début du 21e siècle; la seconde examinera les pressions et difficultés économiques rencontrées dans ces deux secteurs en ces temps d’austérité; et la troisième s’attachera à envisager positivement l’avenir et à rendre les bibliothèques et musées plus aptes à résister aux mutations actuelles.
5. Sans pour autant négliger l’importance des bibliothèques et musées régionaux et nationaux de premier plan, je me concentrerai sur des établissements qui, bien que plus modestes, n’en jouent pas moins un rôle fondamental au sein de leur communauté locale et sont l’objet de pressions visant à réduire les prestations qu’ils fournissent au public, voire à les fermer. Ce type d’établissements peut également manquer des ressources et compétences nécessaires pour procéder aux changements qui leur permettraient d’améliorer leur fonctionnement et de se moderniser. J’espère que ce rapport fournira des idées et conseils susceptibles d’aider ce secteur. Nous reconnaissons également l’importance que revêtent les archives dans ces deux secteurs. Il nous manque cependant la place, dans le présent rapport, pour aborder ce sujet dans toute son étendue.
6. Les collections d’ouvrages et d’objets significatifs existent depuis des temps immémoriaux, mais il faudra attendre l’Europe des Lumières, et sa croyance dans le pouvoir libérateur de la connaissance, et l’avènement de la démocratie de masse pour voir la naissance des bibliothèques et des musées modernes. L’ouverture des cabinets de curiosités universitaires et des collections royales a été suivie de la création de nouveaux musées par les gouvernements locaux et nationaux. En plus d’éduquer les individus, de plus en plus appréhendés comme des citoyens, ces institutions étaient censées être la vitrine de la fierté civique ou nationale et, dans certains cas, témoigner de modes de vie qui disparaissaient suite à des bouleversements sociaux. Dans le même temps, la prise de conscience croissante de l’importance de la lecture en tant que pratique fondamentale pour ce que nous appellerions à présent le progrès humain, et pour l’économie, a débouché sur le financement public des bibliothèques.
7. Ce rapport expose comment les bibliothèques et les musées ont répondu aux grandes mutations économiques, sociales et technologiques intervenues dans la société européenne, et ce qu’ils doivent faire pour continuer à contribuer à son développement. Si leur processus d’adaptation est continu, les bibliothèques et les musées conservent un rôle fondamental de soutien de la société civile. Les deux sont des espaces civiques, à l’écart des sphères privée, professionnelle et commerciale, où les individus peuvent explorer les mondes de la culture et de la nature par un apprentissage autodirigé. Ce sont des espaces sociaux protégés, dont les individus, seuls, en famille ou avec des amis, font l’expérience en présence d’étrangers. Les bibliothèques et les musées reflètent ainsi un idéal de civisme, de communauté et de respect mutuel qui est aujourd’hui plus que jamais nécessaire pour une démocratie résiliente. De par leur combinaison unique de contenus inspirants et d’espaces civiques, ils sont des vecteurs précieux d’espoir, de sens et de lien social. Les bibliothèques et les musées les plus dynamiques ne se contentent pas de répondre au changement social et démographique; ils apportent une contribution positive à la tâche sans fin qui consiste à repenser la société civile européenne.
8. Malgré les difficultés rencontrées pour collecter des données complètes sur les 47 Etats membres du Conseil de l’Europe, je suis parvenue à rassembler les statistiques suivantes: selon le Groupe européen des statistiques muséales (EGMUS) 
			(4) 
			<a href='http://www.egmus.eu/en/statistics/choose_by_topic/z/0/'>www.egmus.eu/en/statistics/choose_by_topic/z/0/</a>., on dénombre environ 18 700 musées dans les 28 pays de l’Union européenne, qui accueillent chaque année 566 millions de visiteurs. Le nombre moyen de musées dans ces pays est de cinq pour 100 000 habitants. Il y a 65 000 bibliothèques publiques dans l’Union européenne, qui accueillent 100 millions de visiteurs chaque année. Il est intéressant de noter que 24 millions d’adultes participent annuellement à des activités non formelles d’apprentissage proposées par leur bibliothèque publique et que 14 millions d’Européens utilisent des services informatiques en accès public. Selon Eurostat 
			(5) 
			<a href='http://epp.eurostat.ec.europa.eu/portal/page/portal/product_details/publication?p_product_code=KS-32-10-374'>http://epp.eurostat.ec.europa.eu/portal/page/portal/product_details/publication?p_product_code=KS-32-10-374</a>., le nombre d’employés des bibliothèques et musées dans le secteur culturel varie de 10 % à 40 % dans 27 pays de l’Union européenne.
9. Ces dernières années, les bibliothèques et musées ont rencontré à la fois de nombreuses difficultés et de nombreuses opportunités. Si la fin du 20e siècle a vu des avancées sans précédent dans le domaine de la communication, l’arrivée du cinéma et de la télévision avait déjà menacé le monopole des musées en termes de communication visuelle. Le papier demeurant le principal support des mots écrits ou imprimés, les bibliothèques ont encore pu conserver leur position quelques temps. Mais, avec l’apparition de la technologie numérique et les progrès rapides des télécommunications au tournant du siècle, les musées comme les bibliothèques ont dû faire face à ce que l’on pourrait décrire comme une crise identitaire. L’année dernière, le Gouvernement du Royaume-Uni a chargé William Sieghart, épaulé d’un groupe éminent, d’étudier comment améliorer le fonctionnement futur du système des bibliothèques publiques en Angleterre, et de produire un rapport 
			(6) 
			<a href='https://www.gov.uk/government/publications/independent-library-report-for-england'>https://www.gov.uk/government/publications/independent-library-report-for-England.</a>. Une part importante de ce rapport présente une indubitable pertinence pour les bibliothèques dans une période de mutation; il est à recommander pour ses travaux de recherche, ses idées et suggestions qui seront fort utiles à tout le secteur.
10. L’une des évolutions rencontrées récemment par les bibliothèques et musées a été la découverte de l’importance de leurs publics, qui s’est traduite par un dialogue accru avec divers groupes de personnes, en réponse à leurs perceptions et à leurs besoins particuliers. Connaître et comprendre les usagers et les visiteurs fait désormais partie des exigences de la profession, au même titre que la connaissance de leurs collections.
11. La Convention du Conseil de l’Europe sur la valeur du patrimoine culturel pour la société (STCE no 199, «Convention de Faro») 
			(7) 
			<a href='http://conventions.coe.int/Treaty/FR/Treaties/Html/199.htm'>http://conventions.coe.int/Treaty/FR/Treaties/Html/199.htm</a>. insiste sur la nécessité pour les institutions chargées du patrimoine, dont les bibliothèques et musées, d’être au service de leur communauté et de la société dans son ensemble. La convention présente le patrimoine aussi bien comme une ressource servant au développement humain, à la valorisation de la diversité culturelle et à la promotion du dialogue interculturel que comme la composante d’un modèle de développement économique reposant sur les principes d’utilisation durable des ressources.

2. Acquisition et expansion de nouveaux rôles pour les bibliothèques et musées

«Si les musées devaient échouer à s’adapter aux changements sociaux et à les refléter, le soutien du public ne se justifierait plus.» Kenneth Hudson 
			(8) 
			Kenneth Hudson, Musées
pour les années 1980: une enquête sur les tendances mondiales, UNESCO
1977.
«Le rythme du changement exige des bibliothèques et de leur public qu’ils développent en permanence leurs propres compétences, qu’il s’agisse d’accéder à des connaissances utiles aux nécessité de la vie, à l’enrichissement ou au plaisir. Ceux qui n’ont pas acquis ces compétences ou ont du mal à suivre le rythme sont de plus en plus défavorisés socialement et économiquement.» Shared Intelligence 
			(9) 
			Shared
Intelligence, Digital Leadership Research Overview report for the
Society of Chief Librarians,<a href='http://www.goscl.com/wp-content/uploads/Digital-leadership-research-Overview-Report-July-2014.pdf.'> www.goscl.com/wp-content/uploads/Digital-leadership-research-Overview-Report-July-2014.pdf.</a>

12. Le recentrage sur le public a fondamentalement modifié la philosophie et la méthodologie des musées et créé une ouverture sur les besoins sociétaux. Les bibliothèques publiques ont toujours dialogué intensivement avec leurs usagers, en collectant des documents relatifs aux intérêts locaux et en répondant aux demandes de titres particuliers. Ces dernières années cependant, l’accent a été mis sur la consultation avec les usagers concernant la conception, voire le partage de services. Cette attention accrue portée aux besoins des usagers s’est produite à un moment où bibliothèques et musées sont en position de relever les défis économiques, technologiques et culturels posés par un monde en rapide évolution.

2.1. Interprétation des collections

13. Les bibliothèques et musées encouragent la mise au point de nouveaux modes d’interactions pour étoffer et interpréter leurs collections. Leur ambition est d’inspirer les usagers et les visiteurs et de leur permettre une compréhension plus fine, créant ainsi les conditions nécessaires pour qu’ils puissent jouer un rôle actif dans le débat sur leur patrimoine et établir un lien entre celui-ci et les priorités actuelles. On a pu observer un renforcement du dialogue et des échanges avec le public, ce dernier étant encouragé à poser des questions et à s’associer à des professionnels de la culture dans des discussions explorant divers thèmes.
14. En touchant un plus large public, les bibliothèques et musées ont découvert l’importance de mettre en scène des récits. En effet, en tant que supports d’une histoire générale et reflets de points de vue particuliers, les récits combinant images, objets et textes peuvent constituer un outil de communication et d’information divertissant. A Moscou (Russie), The First Library of City Stories, ouverte en 2014 propose un programme de conférences, débats, master classes, etc. portant sur divers aspects de la vie dans une grande ville. Son équipe est convaincue que l’intérêt pour les récits drainera un nouveau public vers ses rayons. De la même façon, le Centre Juozas Urbsys, installé dans la bibliothèque publique Panevėžys en Lituanie 
			(10) 
			<a href='https://www.youtube.com/watch?v=Ipq-GMAmmtY'>https://www.youtube.com/watch?v=Ipq-GMAmmtY.</a>, est à l’origine du projet «Nevezis», véritable plateforme pour la créativité des enfants. Le personnel de la bibliothèque encourage les jeunes à écrire des histoires ou des articles d’opinion, qui sont ensuite publiés dans le journal local et l’almanach annuel de la bibliothèque. De nombreux musées conçoivent désormais leurs expositions comme des histoires.
15. Le Musée Rautenstrauch – Joest des Cultures du monde (Cologne, Allemagne), qui s’est vu décerner le Prix du Musée 2012 du Conseil de l’Europe, a réinterprété ses riches collections ethnologiques dans l’intention de prendre de la distance avec l’approche eurocentrée traditionnelle. Ses nouvelles expositions racontent les échanges entre différentes cultures et la manière dont elles se voient réciproquement et se comprennent (ou pas). Dans une exposition organisée à part pour les jeunes enfants, des ateliers sont consacrés à des aspects variés des différences culturelles. Les diverses communautés ethniques minoritaires de la ville sont associées à plusieurs projets et activités 
			(11) 
			<a href='http://www.museenkoeln.de/rautenstrauch-joest-museum/default.aspx?s=2023'>www.museenkoeln.de/rautenstrauch-joest-museum/default.aspx?s=2023</a>..
16. L’exposition permanente présentée au musée d’histoire de l’Estonie à Tallinn 
			(12) 
			<a href='http://www.ajaloomuuseum.ee/'>www.ajaloomuuseum.ee/.</a> a ouvert ses portes en 2011 dans le Great Guild Hall médiéval. Intitulée «L’esprit de la survie», elle s’appuie sur huit questions-clés pour relater l’histoire de l’Estonie et présenter la singularité des peuples qui y ont vécu. Cette exposition novatrice et expérimentale est unique en Estonie. Les visiteurs y découvrent une vision captivante de l’histoire, inspiratrice de nouveaux récits, et apprennent, grâce à une présentation intelligente, que le travail incessant et parfois obstiné du peuple estonien est à l’origine d’un environnement exceptionnel que caractérise une culture unique.

2.2. Des lieux de rencontre vivants et dynamiques

17. Les bibliothèques et musées sont désormais des lieux de rencontre vivants et dynamiques. De «temples», ils se transforment en «forums» 
			(13) 
			Duncan F. Cameron,
The Museum, a Temple or the Forum? Paru pour la première fois dans Curator: The Museum Journal, <a href='http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/cura.1971.14.issue-1/issuetoc'>vol.
14, n° 1,</a> p. 11-24, mars 1971. . Ces établissements sont au cœur de leur communauté et deviennent des centres de la vie locale, voire parfois des moteurs du développement social et économique.
18. De nombreuses bibliothèques publiques sont en train de modifier leur manière d’exploiter l’espace. Ainsi, des groupes communautaires peuvent être invités à organiser sur place des événements et activités et les services sont parfois conçus et gérés conjointement avec des membres de la collectivité locale. Des partenariats s’instaurent avec des services publics locaux (santé, emploi et enseignement pour adultes) afin d’offrir un «service à guichet unique» qui soit aussi un lieu de rencontre attrayant pour les membres de la communauté. De cette manière, la bibliothèque publique joue un rôle de plaque tournante de l’information pour l’autorité locale. Ailleurs, des bibliothèques sont partenaires et colocataires d’organisations artistiques locales telles que des cinémas et des théâtres, afin de proposer une sorte de pivot culturel où les citoyens peuvent jouir d’une offre culturelle et artistique très diversifiée et y participer.
19. Le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MuCEM) 
			(14) 
			<a href='http://www.mucem.org/en/'>www.mucem.org/en/.</a> à Marseille (France), lauréat du Prix du Musée du Conseil de l'Europe en 2015, s’affirme comme le meilleur musée français grâce à son concept nouveau et novateur; en plus d’être un musée hors du commun, il fonctionne à la manière d’une agora contemporaine. Le MuCEM gère un programme impressionnant d’activités (activités éducatives, débats avec des artistes et des auteurs, séminaires, conférences, festivals de cinéma, représentations théâtrales contemporaines, concerts, etc.) qui sont très populaires et largement accessibles compte tenu d’un prix d’entrée modique, et qui abordent un large éventail de questions contemporaines, souvent très controversées dans le bassin méditerranéen.
20. La bibliothèque de Marpod, en Roumanie, a été créée en partenariat avec la population locale. L’idée était de faire d’un lieu poussiéreux un centre de connaissances moderne accueillant l’ensemble de la communauté pour échanger et apprendre. Les visiteurs y partagent la sagesse et des savoirs locaux, en échangeant des histoires et des expériences personnelles. Les agriculteurs, par exemple, y trouvent des informations diverses et un accompagnement dans leurs demandes de subventions européennes. C’est aussi un lieu où les jeunes peuvent aider les plus âgés à se familiariser avec l’informatique et l’internet. Les locaux de la bibliothèque sont également utilisés par la population pour y tenir des réunions.
21. Deptford Lounge, à Lewisham (Royaume-Uni) en est un exemple intéressant. Conjointement géré par des bibliothèques de Lewisham et le Théâtre Albany, cet établissement s’intéresse à l’utilisation de l’espace des bibliothèques pour des activités artistiques. La bibliothèque partage également ses locaux avec une école primaire locale. Cela permet aux secteurs culturel et éducatif de travailler ensemble au sein d’un même bâtiment.

2.3. Ancrer les bibliothèques et les musées dans la vie de la communauté

22. En plus de diversifier leurs services, les bibliothèques et musées forgent des relations avec leurs communautés. De nombreux établissements offrent à la population locale la possibilité de participer activement à la création de services, notamment par le biais du bénévolat et des consultations avec les membres de la collectivité.
23. Les bibliothèques et musées sont désormais très attentifs aux attentes de leurs publics et à la diversité culturelle de la société européenne contemporaine. En engageant un dialogue avec leurs visiteurs, ils sont à même de prendre en compte les différences culturelles. Ils jouent parfois même les intermédiaires dans le débat entre les divers groupes culturels en présence dans leurs communautés et favorisent ainsi un rapprochement entre elles.
24. Un recueil de 30 études de cas réalisées en Italie, en Hongrie, aux Pays-Bas et en Espagne, publié en 2009, témoigne d’une évolution de la méthodologie contemporaine des musées en tant qu’établissements à vocation patrimoniale 
			(15) 
			Cette
publication est fondée sur les conclusions du projet Les musées
comme lieu de dialogue interculturel (MAP for ID) (2007–2009); Bodo
S., Gibbs K. et Sani M. (eds.) (2009), Museums as Places for Intercultural
Dialogue: selected practices from Europe. Projet MAP for ID. Voir
également <a href='http://www.mapforid.it/Handbook_MAPforID_EN.pdf'>www.mapforid.it/Handbook_MAPforID_EN.pdf</a>.. Certaines de ces études visent à aider les communautés d’immigrants à s’impliquer plus étroitement et à mieux connaître l’histoire et la culture de leur nouveau pays, et d’autres offrent des exemples de la manière dont les immigrants et d’autres minorités peuvent employer ces mêmes ressources pour familiariser leur communauté d’accueil avec leur culture d’origine.
25. Le musée du vieux village de Sirogojno en Serbie 
			(16) 
			<a href='http://www.sirogojno.rs/en/pocetna'>www.sirogojno.rs/en/pocetna.</a> est un écomusée de plein air ou un «ethno-village». La population locale participe à la préservation et à la présentation de son patrimoine culturel: activités de restauration de l’habitat traditionnel et des cabanes en rondins, préservation des artisanats locaux et des modes de vie traditionnels de la région. Les visiteurs viennent y découvrir des produits locaux, de la cuisine faite maison, des produits artisanaux et des costumes folkloriques.
26. Les bibliothèques publiques sont bien placées pour réagir face à l’évolution des communautés qui constituent leur public. Leur fonds inclut désormais des ouvrages dans de nombreuses langues et des produits conçus pour séduire les nouvelles communautés. Avec l’aide bénévole de membres de la collectivité, elles proposent aux nouveaux arrivants des cours de langues formels et informels. Elles aident aussi les enfants à se familiariser avec la langue et la culture de leurs parents.
27. La nouvelle bibliothèque San Giorgio, à Pistoia en Italie 
			(17) 
			<a href='http://www.sangiorgio.comune.pistoia.it/'>www.sangiorgio.comune.pistoia.it/.</a>, a été conçue comme un espace de rencontre pour la population locale. Elle se compose d’un grand atrium central et d’un café. Les visiteurs peuvent s’y rencontrer et passer du temps ensemble dans des espaces spécialement imaginés et créés pour les adultes comme pour les enfants. La bibliothèque fonctionne sur la base d’un petit budget opérationnel, et toutes les activités d’apprentissage sont proposées en partenariat avec la population locale et les établissements d’enseignement.

2.4. Activités éducatives

28. Ces dernières années, bibliothèques et musées ont considérablement élargi leur champ d’activité en tant que centres éducatifs. Ils poursuivent leur collaboration avec les écoles et les universités mais ciblent également de nouveaux publics, dont les familles, les jeunes enfants et les personnes âgées. Certains musées et bibliothèques travaillent également avec des patients en milieu hospitalier, des détenus, de nouveaux immigrants, des personnes présentant des troubles de l’apprentissage ou autres, et des adolescents en difficulté. De cette façon, ils sont en mesure de proposer un large éventail de services éducatifs grâce à leurs seules ressources et deviennent ainsi pour de nombreux publics des centres d’apprentissage tout au long de la vie. Certains musées et bibliothèques publics ont repensé leur espace pour y intégrer de nouvelles structures pédagogiques telles que les makerlabs 
			(18) 
			Makerlabs est un espace
dédié aux créateurs, qui propose au public des outils, des compétences
et l'espace nécessaires pour donner vie à ses idées., des studios d’enregistrement et autres ressources didactiques offrant la possibilité d’élargir ses connaissances et compétences.
29. Ouvert en avril 2012, le Centre culturel maritime est le département le plus récent du Musée national de la marine de Gdansk, en Pologne 
			(19) 
			<a href='http://www.en.nmm.pl/'>www.en.nmm.pl/.</a>. Il informe le public de façon compréhensible et interactive en utilisant des techniques multimédias, et propose diverses activités éducatives, dont des ateliers de conservation et d’archéologie sous-marines. Les visiteurs sont ainsi pleinement impliqués dans les activités quotidiennes du musée. Le Centre s’attache à garantir aux personnes handicapées un accès facilité à la culture.
30. MUSE, le Musée des sciences à Trente, en Italie 
			(20) 
			<a href='http://www.muse.it/en'>www.muse.it/en.</a>, joue sur le registre de l’innovation et de la créativité dans tous les domaines. Il interprète les thèmes de l’évolution, de l’environnement, de la biodiversité et de la recherche au moyen de méthodes de communication modernes et d’activités interdisciplinaires. Ses activités éducatives favorisent une rencontre amusante et informelle avec la science et ses applications.
31. Frysklab est un laboratoire de fabrication (FabLab) mis à disposition par la bibliothèque publique de Fryslân aux Pays-Bas 
			(21) 
			<a href='http://www.frysklab.nl/'>www.frysklab.nl/.</a>. Cette bibliothèque a imaginé un laboratoire mobile: un camion rempli d’outils scientifiques, technologiques et novateurs pour enseigner aux enfants de la province rurale de Friesland les bases de la science.
32. La bibliothèque Kista à Stockholm, en Suède 
			(22) 
			<a href='https://biblioteket.stockholm.se/bibliotek/kista-bibliotek'>https://biblioteket.stockholm.se/bibliotek/kista-bibliotek.</a>, promeut l’apprentissage tout au long de la vie en proposant un enseignement formel et informel. Elle propose des cours sur les TIC et des cafés linguistiques pour les seniors et prône le dialogue intergénérationnel, ainsi que le partage d’expériences, de connaissances et de capacités.
33. Pendant les vacances d’été de l’année 2014, près de 840 000 enfants ont participé au Summer Reading Challenge organisé au Royaume-Uni par la Reading Agency, une démarche pédagogique conçue pour maintenir le niveau de lecture des enfants durant la longue pause estivale.

2.5. Contribution économique des bibliothèques et musées

34. Souvent considérés comme une attraction pour les visiteurs d’une ville ou d’une région, les bibliothèques et musées contribuent ainsi au développement de l’économie touristique. De manière générale, ils sont créateurs d’emplois, attirent les entreprises et encouragent le climat d’investissement. Les musées peuvent influer directement et indirectement sur la consommation et l’emploi dans une région. Aussi n’est-il pas possible de considérer le financement public dans ce secteur comme une dépense superflue; c’est au contraire un investissement qui peut se révéler rentable sous forme de prestations sociales et de croissance économique.
35. Le musée Guggenheim 
			(23) 
			<a href='http://www.economist.com/news/special-report/21591708-if-you-build-it-will-they-come-bilbao-effect'>www.economist.com/news/special-report/21591708-if-you-build-it-will-they-come-bilbao-effect.</a> a contribué à faire de la ville de Bilbao un lieu d’intérêt culturel. Grâce à ce projet artistique et architectural, 45 000 emplois ont été créés dans la région. Un autre grand musée national offre un exemple intéressant de l’ampleur que peut atteindre l’impact économique. En 2014, l’Université européenne de Saint-Pétersbourg a effectué des recherches sur l’incidence économique et sociale du Musée d’Etat de l’Ermitage sur la ville 
			(24) 
			<a href='http://eu.spb.ru/index/news-archive/2014/14470-250'>http://eu.spb.ru/index/news-archive/2014/14470-250</a>.. L’impact économique direct et indirect du musée sur la ville a été estimé à $US 1,1 milliard par an, soit près de 10 fois le montant des frais d’exploitation annuels du musée.
36. Il est à noter que les bibliothèques et musées jouent le rôle d’un catalyseur favorisant des évolutions positives pour la croissance régionale. Dans le comté de Krapina-Zagorje, en Croatie, les cinq musées de Hrvatsko zagorje 
			(25) 
			<a href='http://www.mkn.mhz.hr/en/about-us/organisation-of-museum/'>www.mkn.mhz.hr/en/about-us/organisation-of-museum/.</a> forment une unique entité juridique. Ils drainent une importante activité touristique et culturelle dans la région et ont ainsi un fort impact sur l’économie locale. Mais ce ne sont généralement pas eux qui tirent des bénéfices de cette coopération et de ces partenariats. Pour remédier à cette situation, l’Association des musées indépendants du Royaume-Uni offre à ses membres une «boîte à outils» conçue pour leur permettre d’estimer leurs retombées économiques sur la région dans trois domaines: le tourisme, l’emploi et la consommation de biens et de services. Les données recueillies avec l’aide de cet instrument peuvent être exploitées par les musées pour se valoriser aux niveaux local et régional 
			(26) 
			DC
Research (2010), The Economic Value of Independent Museum Sector,
London: <a href='http://www.aim-museums.co.uk/downloads/2cef984a-dd70-11e1-bdfc-001999b209eb.pdf'>www.aim-museums.co.uk/downloads/2cef984a-dd70-11e1-bdfc-001999b209eb.pdf</a>.. Certaines bibliothèques pratiquent également cette démarche 
			(27) 
			<a href='http://almauk.org/working-together/our_activity/economic-impacts/'>http://almauk.org/working-together/our_activity/economic-impacts/</a>..
37. Il existe de nombreux exemples d’étroite coopération mutuellement bénéfique entre les bibliothèques et les autorités locales. Lorsqu’Umeå a été sélectionnée pour devenir Capitale européenne de la culture en 2014, la municipalité a décidé de créer le Centre culturel Väven 
			(28) 
			<a href='http://slq.nu/?article=volume-47-no-3-2014-9'>http://slq.nu/?article=volume-47-no-3-2014-9.</a>. La bibliothèque de la ville, qui est au cœur de ce projet, est entourée de deux hôtels, de restaurants et de cafés; elle est devenue une véritable plate-forme touristique et culturelle.
38. Un autre exemple est celui des bibliothèques du comté de Warwick 
			(29) 
			<a href='http://www.warwickshire.gov.uk/libraries'>www.warwickshire.gov.uk/libraries.</a>, qui assurent divers services aux quelque 5,5 millions d’habitants de communes et villages situés sur un territoire d’environ 2 000 km2. Labellisées «Warwickshire Direct» dans le cadre de la politique de «guichet unique» du conseil municipal, elles proposent sous un seul et même toit des services locaux intégrés. Ce partenariat a permis le partage des locaux, des frais généraux et même du personnel au bénéfice d’une fourniture de services plus efficace et d’un confort accru pour les usagers. Les bibliothèques assurent divers services à la demande d’un large éventail de partenaires, dont la police, les services de santé, les services éducatifs et d’autres instances. A Warwick, les habitants peuvent emprunter ou retourner un ouvrage, faire enregistrer une naissance, faire une demande de prestations sociales ou de transport à tarif réduit, envoyer un colis par la poste ou encore réserver un mariage – le tout en un unique lieu.

2.6. Rôles traditionnels

39. Tout en explorant de nouvelles possibilités, les bibliothèques et les musées doivent aussi continuer d’assumer leur rôle traditionnel. La conservation et l’enrichissement de leur fonds demeure l’une de leurs tâches essentielles, bien que ce domaine ait lui aussi fortement changé. D’une part, les nouvelles technologies offrent désormais de nouveaux outils extrêmement efficaces pour stocker et rechercher des informations, équiper les réserves et conserver objets et livres. L’environnement en rapide évolution rend difficile l’application de nombreuses méthodes traditionnelles de collection. Les bibliothèques réorganisent leurs collections pour y inclure des ressources numériques et les musées sont aujourd’hui confrontés à la difficulté de gérer l’acquisition d’œuvres d’art contemporain, dont il faut décider celles qu’il convient de préserver pour la postérité et selon quels critères. Un nouvel élargissement de la notion de patrimoine culturel, qui inclut aujourd’hui le patrimoine immatériel 
			(30) 
			Voir la Convention
de l’UNESCO pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel
(2003) (<a href='http://www.unesco.org/culture/ich/en/convention'>www.unesco.org/culture/ich/en/convention</a>). et le patrimoine numérique, ouvre de nouvelles perspectives pour les bibliothèques et les musées mais exige également de revisiter radicalement la méthodologie d’acquisition et de documentation. Les bibliothèques et les musées devront établir une planification rigoureuse à l’aide des technologies modernes pour traiter le nombre croissants d’articles numérisés dans leurs collections.
40. En règle générale, seule une petite partie des collections d’un musée est exposée; le restant demeure dans les réserves. Ceci explique pourquoi de nombreux musées européens ont adopté une démarche «d’entreposage ouvert», offrant ainsi au public un accès à des espaces muséaux autrefois fermés. Certains musées installent des écrans plasma ou des fenêtres offrant au visiteur une vue sur les réserves et les laboratoires de conservation. D’autres organisent des visites guidées de zones où les visiteurs peuvent voir le travail que les conservateurs effectuent «en coulisses». Au Musée de Madinat-al-Zahra de Cordoue (Espagne), bâti sur les vestiges de la cité médiévale musulmane du Xe siècle, en cours de fouille, les visiteurs peuvent voir à travers un mur vitré un vaste espace d’entreposage dans lequel les archéologues nettoient et conservent leurs trouvailles récentes.
41. Un autre exemple est le Musée de la baleine à Madère (Portugal) 
			(31) 
			<a href='http://www.madeira-island.com/museums/whale_museum/whale_museum.html'>www.madeira-island.com/museums/whale_museum/whale_museum.html.</a> qui dispose de sa propre équipe scientifique pour faire de la recherche biologique. Le processus continu de recherche, de collecte et de catalogage permet au musée de présenter à ses visiteurs une vaste collection d’objets et de les sensibiliser aux problèmes écologiques posés par la chasse baleinière.

3. Pressions et défis économiques pour les bibliothèques et les musées

42. Depuis quelques années, l’ensemble du secteur culturel, dont les bibliothèques et musées, a durement souffert des politiques d’austérité menées en Europe. De nombreux établissements ont vu chuter leurs financements publics, ce qui les a contraints à revoir leurs effectifs à la baisse et limiter les heures d’ouverture. De plus, les sites ont été réduits ou fermés.
43. Les bibliothèques et les musées sont l’une des premières cibles visées par ces mesures d’austérité. Les décideurs de tous niveaux peuvent avancer que les institutions culturelles ne sont pas une priorité. Récemment, Europa Nostra a créé une alliance européenne pour le patrimoine qui réunit de nombreuses organisations dont le but est de prouver la valeur du patrimoine pour le développement futur de l’Europe. Le projet «Un patrimoine culturel pour l’Europe», financé par l’Union européenne, présente des arguments convaincants pour persuader les décideurs et responsables politiques de l’impact et des avantages multiples d’une politique d’investissement dans le patrimoine culturel européen.

3.1. Réduction des services publics

44. Les petits établissements municipaux au service des populations de régions reculées et économiquement faibles peuvent grandement pâtir des restrictions budgétaires. La fermeture de ces lieux de rencontre de la population locale est non seulement préjudiciable au patrimoine et à l’éducation, mais aussi au climat social et au sentiment de fierté locale et d’appartenance à la communauté. Il est particulièrement important de les conserver comme autant d’espaces où les gens peuvent se retrouver et échanger en toute sécurité en une époque d’instabilité politique ou économique.

3.2. Fragilité des collections

45. L’impératif de préserver, conserver, rechercher, élargir et interpréter des collections qui illustrent les connaissances et la mémoire de la société représente une énorme charge de travail pour les bibliothèques et les musées. Certains établissements ont tendance à consacrer leurs maigres ressources à l’entretien, à la conservation et au stockage de leurs collections. D’autres sont à ce point impécunieux qu’ils sont incapables de maintenir des normes, mêmes minimales, nécessaires à la préservation de leur leurs fonds. On sait également que des pièces de collection de valeur ont été vendues, privant ainsi la communauté du legs des générations passées et d’un atout important pour la promotion de la ville ou de la région.
46. Certains pays ont des législations compliquées et difficiles à mettre en œuvre sur les normes techniques régissant les collections. En Croatie, par exemple, il y a, outre la Loi sur les musées au niveau national, toute une série de règlements concernant l’entretien et la gestion des collections 
			(32) 
			<a href='http://www.min-kulture.hr./'>www.min-kulture.hr.</a>.

3.3. Entretien des locaux

47. De nombreuses institutions doivent consacrer une grande partie de leurs recettes à l’entretien de leurs bâtiments, dont certains sont même inutiles, ce qui ne laisse que peu de ressources pour le développement d’activités. Une exploitation judicieuse de l’espace, la création de secteurs multifonctionnels, la mise au point de projets collaboratifs et l’aménagement des horaires d’ouverture pourraient permettre de parvenir à un juste équilibre entre les frais d’entretien et les coûts d’exploitation.

3.4. Incidence sur le personnel

48. Les réductions de personnel et les compressions salariales pratiquées dans les bibliothèques et les musées sont l’une des conséquences de la politique d’austérité économique appliquée en Europe. De nombreux professionnels ont dû démissionner ou passer à des emplois à temps partiel. Comme dans bien d’autres domaines, les jeunes diplômés et professionnels peinent à y trouver un emploi et le bénévolat est le seul choix qui leur est donné pour acquérir une expérience professionnelle.
49. Une augmentation du nombre de bénévoles travaillant dans ce secteur a été constatée. Si ce phénomène peut permettre d’économiser sur le salaire du personnel, le recrutement, la formation et l’encadrement des bénévoles n’en ont pas moins un coût. De plus, les bénévoles ne peuvent pas remplacer le savoir-faire des professionnels, qui est si essentiel pour garantir tout l’éventail des services que fournit le secteur. Le personnel de certaines bibliothèques publiques se réduit aujourd’hui uniquement à des bénévoles, ce qui se solde parfois par un service beaucoup plus restreint se limitant à l’échange et à l’emprunt de livres.

3.5. Politique gouvernementale en période d’austérité

50. Certains pays européens pratiquent depuis toujours une politique de centralisation. Ces dernières années cependant, cette politique visant à réaliser des économies s’est propagée à d’autres pays. La fusion d’établissements distincts qui en résulte dans certains cas, si elle permet de réaliser des économies au niveau de l’administration, peut se traduire par une structure de gestion complètement rigide. En conséquence, les bibliothèques et les musées peuvent se retrouver dans l’incapacité de gérer directement leur personnel et leur budget, de développer des projets de partenariat, de recueillir directement les dons des mécènes, de fixer les prix des billets d’entrée et de décider de réductions tarifaires.

3.6. Signes encourageants

51. Les bibliothèques et musées européens sont aujourd’hui mieux préparés à affronter la crise provoquée par le manque de fonds qu’ils l’auraient été il y a 20 ou 30 ans. Dans les années 1980-1990, lorsque des événements de même ordre se sont produits dans le secteur culturel de certains pays d’Europe de l’Ouest comme d’Europe de l’Est, les financements publics étaient l’unique source d’aide pour la plupart des bibliothèques et musées. Aussi les restrictions budgétaires leur ont-elles causé beaucoup de tort. Pourtant, cette crise a renforcé les institutions culturelles: en tentant de la surmonter, elles ont amélioré leur gestion, recherché de nouveaux publics et surtout, appris à diversifier leurs sources de financement.
52. Dans une étude récente, l’Association des musées du Royaume-Uni 
			(33) 
			<a href='http://www.museumsassociation.org/campaigns/funding-cuts/cuts-survey'>www.museumsassociation.org/campaigns/funding-cuts/cuts-survey</a>. indique que nombre de ses sondés sont convaincus que la qualité du service fourni par leurs musées va aller croissant au cours de l’année à venir. Voici qui témoigne d’un niveau de confiance plus élevé que celui constaté dans l’ensemble des études précédentes. Les musées vont aussi améliorer la qualité de leurs services en privilégiant de nouvelles méthodes de travail.

4. Rendre bibliothèques et musées plus pérennes et résistants pour l’avenir

«Il y a vingt ans, les musées ont souffert de la dernière grande série de réductions budgétaires. Aujourd’hui, ils sont mieux dirigés, mieux gérés et déterminés à rester ouverts. Il leur faut lever davantage de fonds et il se pourrait que certains d’entre eux doivent leur survie à l’apprentissage de la diversification de leurs sources de revenus.» Mark Taylor, ancien directeur de l’Association des musées, Royaume-Uni 
			(34) 
			<a href='http://www.theguardian.com/culture/culture-cuts-blog/2012/jul/02/half-museum-budgets-cut-year'>www.theguardian.com/culture/culture-cuts-blog/2012/jul/02/half-museum-budgets-cut-year</a>.

53. L’insécurité financière peut effectivement avoir des effets stimulants et se solder par un regain d’efficacité et un surcroît d’économies dans la gestion des ressources et l’aptitude à générer des recettes supplémentaires, accroissant ainsi la capacité de résistance de ces établissements face à l’acquisition et à l’expansion de nouveaux rôles.
54. Il est important que ces institutions, tout en restant comptables de l’utilisation de fonds publics, puissent conserver leur droit d’obtenir et d’allouer des ressources financières et donc de développer une certaine autonomie en matière de prise de décision. Ce sont elles les mieux placées pour concevoir leur propre stratégie et gérer les moyens financiers disponibles. Elles sont à même de rechercher de meilleures solutions pour gérer les ressources humaines et financières, nouer de nouveaux partenariats, bénéficier de l’appui de mécènes – y compris sous forme de contributions en nature –, toucher de nouveaux publics, offrir de nouveaux services, travailler avec des bénévoles et mettre au point des projets communautaires et de sensibilisation.

4.1. Leadership, vision et compétences

55. Les bibliothèques et les musées ont absolument besoin d’un leadership et d’une vision à long terme pour pouvoir s’adapter et évoluer dans une période marquée par les changements. Ils doivent être à même de laisser libre cours à l’innovation, à l’imagination et à l’esprit d’entreprise.
56. Tout ceci nécessite un nouveau style de leadership. Auparavant, les directeurs d’établissements étaient généralement spécialisés dans un domaine universitaire donné. Aujourd’hui, ils doivent cumuler d’autres qualités pour être en mesure de concevoir la mission de leur établissement, d’élaborer et de mettre en œuvre sa stratégie et de gérer les ressources disponibles. Bien plus que leurs prédécesseurs, ils ont besoin d’une vision d’ensemble. Il leur faut également tenir compte des dimensions politiques, économiques, sociales et culturelles du fonctionnement de leur établissement, tout en étant capables de traiter avec leurs divers intervenants, de les inspirer par leur vision et de s’assurer de leur appui.
57. En conséquence, les professionnels des bibliothèques et des équipes muséales se trouvent face à plusieurs défis qui, pour être relevés, nécessitent – outre les compétences traditionnelles – un éventail d’aptitudes nouvelles. S’adjoindre les services de jeunes professionnels et leur confier des rôles clés facilitera le changement. Au fait des méthodes contemporaines de gestion et de communication, ces jeunes spécialistes peuvent par leurs compétences compléter celles des membres du personnel plus anciens. Ce travail d’équipe, combiné à une formation professionnelle avancée, peut améliorer le rendement de l’établissement tout en le modernisant.
58. Tower Hamlets (l’un des quartiers de Londres les plus défavorisés) a développé une stratégie pour améliorer la qualité des services offerts par les bibliothèques locales, en réponse à la chute considérable du nombre de leurs visiteurs en 1998. Après deux ans d’une étroite collaboration avec les autorités locales et la participation du public, un nouveau concept, la «boutique aux idées» (the Idea Store) 
			(35) 
			<a href='https://www.ideastore.co.uk/about-us'>https://www.ideastore.co.uk/about-us.</a> a vu le jour. Le concept repose sur un renforcement de la participation aux services des bibliothèques et à l’apprentissage tout au long de la vie, ainsi que l’accès à l’information. Cinq bibliothèques locales ont ainsi été repensées, en y intégrant un large éventail de nouveaux services, dont des services de la municipalité. Une offre de plus de 800 cours pour les adultes et les familles a été développée. Les bibliothèques ont été réinstallées dans des centres commerciaux, fonctionnant à la manière de magasins avec des heures d’ouverture étendues (71 heures hebdomadaires, environ 357 jours par an). Le recrutement du personnel a fait l’objet d’une attention toute particulière; les descriptions de postes ont été redéfinies et une structure hiérarchique «plate» a été introduite. A présent, les membres du personnel interagissent avec le public et font office d’animateurs plutôt que de gardiens de collections d’ouvrages. Le personnel est polyvalent et créatif, fortement motivé et son profil reflète largement la diversité de la communauté locale. La politique de recrutement du personnel et de formation en interne est la clé de ce succès; le nombre de visites annuelles, de 550 000 en 1998, a atteint plus de 2,1 millions aujourd’hui.
59. La bibliothèque d’Aarhus au Danemark 
			(36) 
			<a href='https://www.aakb.dk/english/about-aarhus-public-libraries-0'>https://www.aakb.dk/english/about-aarhus-public-libraries-0.</a> a quant à elle bénéficié de l’initiative d’innovation des services publics au plan local. Le personnel est encouragé à proposer de nouvelles idées de services à la direction. Les idées retenues se voient allouer une petite subvention, et il incombe au personnel de trouver des sources de financement complémentaires. L’une des idées était de mettre au point un programme d’initiation au numérique, en partenariat avec des bibliothèques et des écoles danoises, pour améliorer les connaissances numériques des jeunes et les sensibiliser aux questions de sécurité en ligne.
60. Les réseaux nationaux et européens de bibliothèques et de musées ont un rôle important à jouer pour soutenir les professionnels dans le processus de changement.
61. L’Association des musées finlandais propose par exemple une large gamme de formations aux employés de ses 385 musées membres. Ces dernières années, elle a axé ses programmes autour de la formation du personnel aux compétences requises dans la nouvelle société de l’information. Elle organise régulièrement des cours en ligne, avec une vingtaine de sessions par an 
			(37) 
			<a href='http://www.museoliitto.fi/en.php?k=9064'>www.museoliitto.fi/en.php?k=9064</a>..
62. Au niveau européen, l’un des projets de réseaux de professionnels du domaine muséal les plus réussis est le LEM (Learning Museum Network), lancé en 2010. Son objectif est d’analyser comment les musées tirent profit du savoir de la communauté, du public, de leurs parties prenantes et d’autres organismes auxquels ils se sont alliés, afin d’atteindre les objectifs ambitieux fixés par les politiques aux niveaux national et européen et de relever les défis des prochaines décennies 
			(38) 
			<a href='http://www.ne-mo.org/about-us/the-lem-network.html'>www.ne-mo.org/about-us/the-lem-network.html</a>. 
			(38) 
			A
cette fin, le LEM a constitué des groupes de travail qui ont rédigé
des rapports sur les thèmes suivants: Nouvelles tendances dans les
musées du 21e siècle; Les musées et le
vieillissement de la population; Recherche sur les publics, les styles
d'apprentissage et la gestion des relations clientèle; Structures
et espaces d'apprentissage dans les musées; et Dialogue interculturel.
Le LEM a également conçu un plan de mobilité facilitant les voyages
d'études et d'observation en situation de travail pour les professionnels
des musées européens souhaitant étudier les meilleures pratiques
au sein de leurs pairs. .
63. Par ailleurs, les programmes de volontariat dirigés par des professionnels constituent aujourd’hui un soutien important et précieux pour les bibliothèques et musées. Tout en permettant de réduire les coûts d’exploitation, le recours à des bénévoles aide l’établissement à s’ancrer dans la vie communautaire. En effet, les bénévoles tiennent à l’établissement et souhaitent le soutenir et le promouvoir parmi les membres de la communauté. Cependant, les traditions et la législation relatives à la participation de bénévoles aux travaux des institutions culturelles varient énormément d’un pays d’Europe à l’autre 
			(39) 
			Pour plus d’informations,
voir: Volunteers in museums and cultural heritage: a European handbook,
publié par Cristina Da Milano, Kirsten Gibbs et Margherita Sani,
Association des musées slovènes, Ljubljana, 2009: <a href='http://www.amitie.it/voch/VoCH_Final_Publication_EN.pdf'>www.amitie.it/voch/VoCH_Final_Publication_EN.pdf</a>..
64. L’exemple du Musée Saurer en Suisse 
			(40) 
			<a href='http://www.saurermuseum.ch/attachments/article/113/BestInHeritage2015_3.pdf'>www.saurermuseum.ch/attachments/article/113/BestInHeritage2015_3.pdf
.</a> est assez inhabituel, puisqu’il occupe les locaux d’une usine automobile qui avait fermé ses portes en 1987. Un groupe d’anciens ouvriers ayant perdu leur emploi ont souhaité préserver ce patrimoine et ont décidé d’en faire un musée. La campagne de collecte de fonds a permis de lever plus de € 400 000, permettant l’ouverture du nouveau musée en 2010. Le musée est entièrement géré bénévolement par des anciens ouvriers de l’usine.

4.2. Multiplier les sources de financement

65. Les bibliothèques et les musées sont des organismes financés par des fonds publics et tenus de rendre des comptes à leurs bailleurs. Aussi sont-ils doublement comptables, devant l’Etat et devant toutes les autres sources de revenus non publiques. Dans de nombreux pays européens, les bibliothèques et musées publics dépendent entièrement des aides d’Etat, mais depuis quelques temps, la tendance est à réduire la dépendance vis-à-vis de ces fonds en trouvant d’autres sources de revenus. Certains établissements craignent toutefois que l’augmentation des recettes qu'ils génèrent ne se solde par une réduction des financements publics.
66. Il existe plusieurs moyens – qu’ils soient traditionnels et éprouvés ou nouveaux – de générer des revenus pour compléter les financements publics. Certains sont déjà reconnus, d’autres bénéficient de technologies de pointe et de la contribution d’entrepreneurs enthousiastes. L’avènement de la technologie numérique a ouvert de nombreuses possibilités de revenus et d’économies. Les progrès du numérique ont permis aux musées de toucher leurs publics de multiples façons, et les dons en ligne sont aujourd’hui une part importante de leur financement. Par exemple, le financement participatif se sert des médias sociaux et d’autres outils de communication numériques pour des campagnes de collecte de fonds destinées au financement de projets créatifs. Dans ce contexte, parvenir à rassembler une foule nombreuse de supporters est tout aussi important que la collecte de fonds en elle-même.
67. Au Royaume-Uni, le Musée Bowes a lancé une campagne de financement participatif qui a permis de lever £ 21 000 en 61 jours 
			(41) 
			<a href='http://www.artfund.org/assets/supporting-museums/art-happens-resources/case-studies/Art Happens Case Studies_The Bowes Museum-1.pdf'>www.artfund.org/assets/supporting-museums/art-happens-resources/case-studies/..Art%20Happens%20Case%20Studies_The%20Bowes%20Museum-1.pdf.</a>. Le musée a ainsi pu restaurer et réinstaller dans ses galeries un retable flamand du 15e siècle. Plus tôt en 2014, le musée avait mené une campagne de financement participatif sur le site Kickstarter qui lui a permis d’orner sa façade d’une installation de néons signée de l’artiste Gavin Turk 
			(42) 
			<a href='https://www.kickstarter.com/projects/296095267/gavin-turk-high-lights-the-worlds-population-in-ne/description'>https://www.kickstarter.com/projects/296095267/gavin-turk-high-lights-the-worlds-population-in-ne/description.</a>.
68. La collecte de fonds au profit du trésor du Staffordshire est un exemple intéressant de financement institutionnel et participatif 
			(43) 
			<a href='http://www.staffordshirehoard.org.uk/partners'>www.staffordshirehoard.org.uk/partners.</a>. Après que la prestigieuse découverte a été déclarée trésor national et estimée à quelque £ 3 millions, une campagne de souscription internationale destinée à sa préservation a été organisée par l’Art Fund au nom de partenaires locaux, régionaux et nationaux. Lancée avec un apport initial de l’Art Fund de £ 300 000, la campagne a permis de lever des fonds pour l’acquisition, la présentation et la conservation du trésor, et des travaux de recherche, mais aussi pour des programmes novateurs de sensibilisation et d’éducation. Le trésor du Staffordshire a ainsi pu être restauré et maintenu sur le site de sa découverte.
69. En 2012, les fonds alloués aux bibliothèques par le conseil du comté de Suffolk 
			(44) 
			<a href='http://suffolklibraries.co.uk/about'>http://suffolklibraries.co.uk/about</a>; <a href='http://www.solace.org.uk/Suffolk_Libraries_a_social_enterprise_solution.pdf'>www.solace.org.uk/Suffolk_Libraries_a_social_enterprise_solution.pdf.</a> ont été restreints. Pour empêcher la fermeture des bibliothèques, une société de mutualité (Industrial and Provident Society) a été créée en août 2015. Cette structure indépendante, qui est une sorte de coopérative, fonctionne avec une gouvernance locale et une gestion professionnelle. Cette société a conclu un contrat par lequel le conseil du comté de Suffolk lui délègue ses obligations légales de services bibliothécaires. Cette société s’en acquitte avec un budget moindre, mais avec une plus grande liberté et la possibilité de faire preuve de créativité et d’innovation.
70. Il est de plus en plus aisé d’exploiter le potentiel commercial des bibliothèques et des musées pour générer des recettes. Mêmes des pratiques courantes, telles que les droits d’entrée, les frais d’abonnement pour certains services et les visites guidées, peuvent être développées. Les cafés et les boutiques peuvent devenir plus attrayants par une offre plus imaginative de nourriture et de boissons, mais aussi de produits et d’articles inspirés des collections. Il existe bien d’autres manières de tirer parti de leurs atouts. Par exemple, en offrant des services éducatifs et informatifs – certaines institutions perçoivent des recettes pour des formations conçues pour le profane intéressé – ou encore en louant des espaces, en proposant des abonnements à des studios d’enregistrement, etc.
71. Le mécénat représente une source importante de revenus. Approcher le secteur des entreprises, le secteur privé ou les organismes de bienfaisance requiert du personnel des qualités de négociateurs et d’entrepreneurs. Il doit y avoir compatibilité entre les intérêts des établissements culturels et les attentes de leurs partenaires. Il convient toutefois de garder à l’esprit qu’une institution culturelle ne doit ni s’écarter de sa mission, ni sacrifier son intégrité ou la qualité de ses produits et services au nom d’une collaboration de ce type.
72. En réaction à des financements publics divisés par deux en six ans, les bibliothèques du Devon ont élaboré un nouveau concept de services bibliothécaires inspiré des entreprises, pour toucher de nouveaux publics, nouer des partenariats plus forts et accéder à des sources de revenus plus diversifiées. Un partenariat étroit a ainsi été établi avec le service «économie et entreprise» du conseil municipal de Devon, avec pour mission l’inclusion numérique, des plate-formes de travail (l’accompagnement à la création d’entreprise), l’information et le conseil aux entreprises. Des partenariats ont également été développés avec le secteur privé. Par exemple, le premier laboratoire de fabrication (Fab Lab) a été créé à la bibliothèque d’Exeter pour soutenir et aider les citoyens à explorer leur potentiel en matière de création d’entreprise et d’emplois 
			(45) 
			<a href='https://www.fablabdevon.org/about-2/'>https://www.fablabdevon.org/about-2/.</a>.
73. Le mécénat et les contributions en nature peuvent constituer un précieux appui financier et rendre possibles des expositions et d’autres projets plus pérennes. Cependant, la presse et la publicité s’intéressant moins à leur travail, l’attrait exercé par les bibliothèques sur les mécènes est généralement moindre. Certaines bibliothèques concluent des contrats avec les autorités locales qu’elles déchargent de services qui relèvent du domaine d’activité des bibliothèques. Le mécénat peut aussi être motivé par une responsabilisation sociale qui amène les entreprises à contribuer à la création dans leur secteur d’activité d’un environnement culturel pour leurs employés et la collectivité locale où elles se situent.
74. Les musées ont la possibilité d’utiliser leurs collections avec intelligence et d’améliorer la qualité du management. Elles possèdent des collections inaliénables dont beaucoup, qui présentent un intérêt historique pour les populations locales, attireront toujours les visiteurs. Les musées devront cependant rationaliser leurs collections et décider de ce qu’il faut faire des objets qu’ils ne souhaiteront peut-être pas garder dans leurs réserves. La politique d’aliénation peut les aider à améliorer la qualité et l’intérêt de leurs collections. Lorsqu’un objet a été aliéné, il peut être vendu, échangé, donné ou cédé par toute autre méthode décidée par le musée. Il convient de veiller à ce que des bailleurs de fonds publics peu scrupuleux ne dépouillent pas les réserves des musées des actifs qui y sont stockés.
75. Les partenariats peuvent porter sur des économies d’échelle, le partage d’expériences, etc. En Finlande, par exemple, il est très courant que plusieurs musées se partagent un bâtiment, réduisant ainsi les frais d’entretien et économisant sur les frais d’infrastructure et de personnel. Le centre culturel WeeGee de Tapiola, à Espoo (Finlande), installé dans une ancienne imprimerie reconvertie qui abrite cinq musées, en est un exemple récent. C’est l’administration centrale qui entretient le bâtiment, ce qui permet aux musées de fonctionner avec un personnel réduit et de se partager la gestion d’une boutique ou d’une cafétéria, mais ils conservent par ailleurs une entière indépendance. Il est également possible de créer des consortiums pour négocier des accords dans des domaines tels que l’énergie, le transport et le stockage.

4.3. Développement de partenariats et de réseaux

76. Tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de leur domaine, les partenariats permettent aux bibliothèques et aux musées d’atteindre des objectifs qu’ils seraient incapables de réaliser seuls. Dans de nombreuses villes et régions d’Europe, les musées mettent non seulement en place des projets conjoints (expositions temporaires, etc.), mais s’associent également dans le domaine du marketing ou de la construction d’installations d’entreposage. Ainsi, 10 musées de la ville d’Utrecht (Pays-Bas) ont mis au point un programme de marketing commun 
			(46) 
			<a href='http://www.museautrecht.nl/en/info/fancy-a-day-trip.html'>www.museautrecht.nl/en/info/fancy-a-day-trip.html</a>..
77. Au niveau local, les bibliothèques et musées peuvent non seulement collaborer entre eux et avec d’autres établissements culturels – théâtres et cinémas – mais également avec les médias, des institutions pédagogiques et des entreprises. Les partenaires de milieux extérieurs apportent d’autres connaissances et compétences qui améliorent la qualité des projets et en augmentent la portée.
78. Ainsi, le Musée Tchekhov, situé dans le domaine de Melikhovo, près de Moscou (Russie), où l’écrivain a vécu et travaillé, est devenu un lieu de rencontre pour les gens de théâtre et accueille aujourd’hui le festival international de théâtre Tchekhov. En collaboration avec le service régional de santé, le musée a recréé une salle de consultation à l’image de celle où Tchekhov, qui était également docteur en médecine, recevait ses patients venus des villages voisins. Aujourd’hui encore, un médecin y exerce.
79. Au Portugal, le Musée Portimao 
			(47) 
			<a href='http://www.museudeportimao.pt/en/'>www.museudeportimao.pt/en/.</a>, musée local et lauréat du Prix du musée du Conseil de l’Europe en 2010, a mis en place en 2014 un partenariat gagnant-gagnant assez inhabituel avec le ministère de la Défense du Portugal. En organisant dans le musée, plutôt que dans une caserne, des opérations de sensibilisation et de prise de contact avec des jeunes en vue de leur recrutement, le ministère crée un lien entre l’armée et l’identité de la région, son patrimoine culturel et son futur développement.
80. En coopération avec le ministère de la Santé, le Musée de Liverpool a conçu un programme novateur, qui a été primé, à destination des personnes atteintes de démence. La maison des souvenirs (House of Memories) 
			(48) 
			<a href='http://www.liverpoolmuseums.org.uk/learning/projects/house-of-memories/index.aspx'>www.liverpoolmuseums.org.uk/learning/projects/house-of-memories/index.aspx.</a> propose une interprétation vivante des objets fantastiques, des archives et des histoires. Parmi les activités figurent l’emprunt de «valises de mémoire», des «marches pour la mémoire» et le partage de souvenirs entre les générations. Le programme montre comment un musée (ou toute autre institution culturelle, que ce soit les bibliothèques, les centres artistiques ou les théâtres) peut apporter au secteur d’aide sociale des compétences pratiques et des connaissances avec lesquelles accompagner les personnes vulnérables et leur permettre d’accéder à des ressources culturelles inexploitées.
81. En guise d’alternative aux fusions juridiques entre institutions culturelles, le BiMus 
			(49) 
			<a href='https://www.roskildebib.dk/web/arena/internationals'>https://www.roskildebib.dk/web/arena/internationals.</a> à Roskilde, au Danemark, illustre une nouvelle forme de coopération entre archives, bibliothèques et musées, qui se partagent un conseil d’administration, leur personnel et leurs finances. Le partenariat a débuté au niveau des directions par un examen des objectifs communs, des ressources cumulées et des forces de chaque institution. Le moment venu, le personnel a été pleinement associé au projet et continue de jouer un rôle de force de proposition. Les services chargés de la communication ont décidé de publier un bulletin d’information mensuel destiné à l’ensemble du personnel afin de créer des synergies entre les institutions. Il était essentiel de permettre à tout le personnel de donner régulièrement son avis sur le partenariat, et d’instaurer ainsi une dynamique positive. Il en résulte une qualité améliorée des services, des expériences et des événements culturels proposés aux visiteurs.
82. Une collaboration entre bibliothèques et musées locaux, régionaux et nationaux peut se révéler avantageuse pour les établissements les plus modestes. Elle peut consister en un partage des collections, grâce à la technologie numérique, et en un échange d’informations – par exemple en matière de médiation et de formation professionnelle. En coopération avec l’Association des musées nationaux, l’Association des musées néerlandais a publié un rapport intitulé Tried-and-tested partnerships (Partenariats éprouvés) (2013), sur les leçons tirées de la coopération entre musées aux Pays-Bas 
			(50) 
			La version anglaise
de ce rapport a été publiée par NEMO en 2014. Voir <a href='http://www.ne-mo.org/fileadmin/Dateien/public/statements_and_news/Tried-And_Tested_Partnership_-_Web_Version_01.pdf'>www.ne-mo.org/fileadmin/Dateien/public/statements_and_news/Tried-And_Tested_Partnership_-_Web_Version_01.pdf</a>..
83. Les musées et les bibliothèques ont également accès à des réseaux européens et plus largement internationaux, dont quelques exemples sont fournis dans la note de bas de page 
			(51) 
			Pour ce qui concerne
les musées, ceux-ci incluent le Réseau des organisations de musées
européens (NEMO), le Forum européen du Musée (FEM) et le Conseil
international des musées (ICOM). Quant aux bibliothèques, le lien
avec la communauté internationale des professionnels se fait par
l'intermédiaire de la Fédération internationale des associations de
bibliothécaires et des bibliothèques (FIAB) et le Bureau européen
des associations de bibliothèques, d'information et de documentation
(EBLIDA). Il existe par ailleurs plusieurs réseaux internationaux
informels de bibliothèques allant au-delà des frontières de l’Union
européenne, comme par exemple la Conférence internationale «Next
Library», qui permet aux délégués de participer en personne ou en
ligne..

4.4. Comment tirer le meilleur parti des technologies numériques et de moyens de communication créatifs

84. Les technologies numériques influent profondément sur la façon dont les bibliothèques et les musées entretiennent leurs collections et offrent leurs services. Le world wide web donne accès via internet à tous ceux qui savent l’utiliser. Les bibliothèques proposent des formations pour apprendre aux membres de leur communauté comment accéder à l’information sur internet.
85. Le secteur muséal a adopté les technologies numériques pour l’enregistrement et la conservation des collections. Ces technologies sont également employées pour présenter et interpréter les collections. De nombreux musées et bibliothèques participent au projet Europeana en numérisant leurs collections et en les mettant à la disposition des chercheurs via le portail Europeana 
			(52) 
			<a href='http://www.europeana.eu/'>www.europeana.eu/</a>.. Toutefois, seulement 10 % du patrimoine culturel européen est actuellement numérisé, dont des objets présentant une valeur immatérielle. Etant donné qu’un grand nombre d’objets d’art doivent être numérisés selon une méthode correspondant aux normes définies au niveau national et international, ce processus nécessite des financements et des ressources humaines supplémentaires. En réponse, beaucoup de pays se sont doté d’agences nationales dont la mission première est de planifier et mener les projets de numérisation dans les musées et de gérer les enregistrements électroniques.
86. Dans le cadre de la stratégie pour la numérisation du patrimoine culturel lituanien, le conseil des musées du ministère de la Culture a recommandé l’établissement du Centre pour l’information et la numérisation des musées lituaniens et la mise en œuvre du système global d’information des musées (LIMIS) 
			(53) 
			<a href='http://www.emuziejai.lt/wp-content/uploads/2013/02/StankeviciuteG_Cekija2.pdf'>www.emuziejai.lt/wp-content/uploads/2013/02/StankeviciuteG_Cekija2.pdf.</a>. Le Centre a été créé en 2009 comme branche du Musée des arts lituaniens, qui a déjà procédé à la numérisation des objets muséaux. Le Centre gère le principal portail «Musées de Lituanie» et organise la numérisation des collections des musées. Il s’occupe aussi de coordonner les programmes de formation des experts en charge de la numérisation.
87. Par conséquent, les technologies de l’information et des communications sont de plus en plus utilisées pour permettre l’interaction avec les usagers et les visiteurs, par exemple pour créer une réalité virtuelle destinée à des applications scientifiques, éducatives et ludiques, pour concevoir des jeux interactifs basés sur les collections, assurer la traduction dans un grand nombre de langues, créer des contes numériques ou pour la recherche interdisciplinaire et bien d’autres choses encore. Il ne faut pas oublier que bibliothèques et musées fournissent toute une série de prestations à un public varié, aux attentes très diverses.
88. Le Musée Riverside 
			(54) 
			<a href='http://www.glasgowlife.org.uk/museums/riverside/about/Pages/default.aspx'>www.glasgowlife.org.uk/museums/riverside/about/Pages/default.aspx.</a>, par exemple, bénéficie de la mise en place du Département des nouveaux médias numériques qui a développé un navigateur commun pour les collections numériques des musées de Glasgow 
			(55) 
			<a href='http://collections.glasgowmuseums.com/index.html'>http://collections.glasgowmuseums.com/index.html.</a>. Le musée possède 90 grands écrans tactiles qui diffusent des photos et des films pour raconter les histoires des objets, et présente plus de 20 moniteurs interactifs.
89. Depuis plusieurs années, les bibliothèques offrent, à côté de leurs collections d’ouvrages papier, un accès aux livres électroniques et ressources en ligne. Pour les personnes «nées à l’ère numérique» (soit après l’an 2000), la distinction entre les activités «en ligne» et «hors-ligne» est ténue et elles combinent aisément les deux. Il est devenu très important pour les usagers de tous âges de développer et améliorer leurs compétences numériques. La numérisation permet aujourd’hui le développement de modes d’apprentissage novateurs dans les bibliothèques et musées. La mise à disposition gratuite du wifi et de l’accès à internet fait aujourd’hui partie des services de base d’une bibliothèque moderne. C’est devenu un élément essentiel des prestations d’une bibliothèque, non seulement pour la bibliothèque elle-même, mais aussi pour les usagers, qui doivent pouvoir se connecter avec leurs propres appareils. Il est important que les bibliothèques publiques tirent parti des technologies modernes et mettent en commun leurs collections et activités numériques, comme par exemple le prêt interbibliothèques. Cependant, il est fréquent que des obstacles techniques, juridiques et institutionnels limitent ce type de coopération numérique.
90. Pour être à la pointe de l’offre de services numériques à la population locale, les bibliothèques et les musées doivent s’assurer que ces services correspondent aux besoins et qu’ils soient de grande qualité. Ces établissements ont besoin d’un soutien et d’un accompagnement pour trouver le moyen le plus économique de se doter de l’infrastructure technique nécessaire, y compris des réseaux, de l’équipement et des licences pour les contenus et les logiciels. La formation et le développement du personnel seront d’une importance capitale. Comme le projet eCultValue 
			(56) 
			Le
projet eCultValue a produit plusieurs documents contenant des lignes
directrices pour la valorisation des technologies de l'information
et des communications dans les musées. Pour plus d’informations,
voir <a href='http://www.eculobservatory.eu/'>www.eculobservatory.eu</a>. le démontre, la tendance est de se détourner de plus en plus des solutions sur mesure onéreuses au profit de plateformes et d’applications génériques, qui peuvent être partagées par plusieurs institutions au niveau régional et national, chacune de ces institutions pouvant accéder facilement à ses propres contenus et les gérer. A l’avenir, des systèmes harmonisés seront nécessaires au niveau européen.
91. Le coût élevé des projets de grande envergure est un problème majeur qui pèsera sur l’avenir du patrimoine numérique européen. Des études montrent que les volumes de données augmentent de 60 % par an et le stockage de données de 25 %, tandis que les budgets correspondants n’augmentent que de 2 %.
92. Ainsi, il est intéressant de noter les progrès réalisés par le secteur hors des frontières européennes. Par exemple, la BiblioTech, dans le comté de Bexar 
			(57) 
			<a href='http://bexarbibliotech.org/'>http://bexarbibliotech.org/.</a>, est la première bibliothèque publique entièrement numérique, et donc sans support papier, aux Etats-Unis. Le juge Nerlson Wolff du comté de Bexar, le créateur visionnaire de la BiblioTech, souhaitait réaliser deux objectifs majeurs: faire tomber les barrières à la lecture et fournir des services de bibliothèque aux personnes défavorisées. La bibliothèque, qui a ouvert en 2013, met à disposition 600 lecteurs électroniques, 200 lecteurs adaptés pré-chargés pour enfants, des équipements de lecture électroniques pour personnes malvoyantes, 48 postes informatiques de bureau, 9 ordinateurs portables, 40 tablettes et 4 écrans tactiles interactifs. La BiblioTech a reçu 83 000 visites physiques dans les dix premiers mois de son ouverture. Au programme des formations proposées: robotique, encodage pour enfants, musique et technologie numérique, lecture électronique pour les petits, stimulation intellectuelle des enfants en été, et cours sur les nouvelles technologies en anglais et en espagnol. La bibliothèque a aussi conçu un programme de lecture pour les mères en prison.
93. A Delft, aux Pays-Bas, l’approche adoptée par la Doklab 
			(58) 
			<a href='http://www.doklab.nl/'>www.doklab.nl/</a>. pour la prestation de services de bibliothèque consiste à «établir un lien entre les personnes et les histoires». Elle a recours à un éventail de technologies nouvelles ou existantes pour permettre au public de partager, de lire et d’imaginer ses propres histoires et celles d’autrui.

5. Conclusions

94. Les bibliothèques et musées font appel à l’imagination du public auquel ils inspirent réflexions et idées. Ils sont en effet les gardiens de la mémoire collective et jettent des ponts entre les générations; ils relient le passé au présent et font s’interroger sur l’avenir. Bibliothèques et musées attirent aussi bien des autochtones que des visiteurs étrangers. Ces établissements remplissent non seulement une importante mission de service public, mais améliorent aussi la qualité de la vie de la population, attirent l’attention sur une ville ou une région méconnue dont l’identité s’en trouve renforcée et que l’on peut désormais situer sur un atlas culturel. Ces institutions sont des éléments essentiels de notre environnement culturel – qui est indispensable à toute ambition de développement économique que pourrait nourrir un territoire (qu’il s’agisse de croissance ou de reprise).
95. C’est pourquoi je tiens à souligner que les bibliothèques et les musées doivent être envisagés dans une perspective à long terme. Ils représentent la somme des connaissances accumulées par l’humanité et constituent une ressource précieuse pour les générations à venir. En revanche, l’austérité économique et les décisions visant à réduire les financements publics alloués aux établissements culturels portent sur le court terme. Même en des temps difficiles, les bibliothèques et musées restent des lieux où il est possible d’élargir ses connaissances et d’acquérir une plus grande expérience, de se rencontrer et d’échanger. Ils attirent également les investissements étrangers et favorisent le tourisme. C’est la raison pour laquelle les médias et le discours politique doivent leur reconnaître davantage d’importance.
96. Je suis persuadée que l’insécurité financière aura, à l’avenir, pour effet de conforter ces établissements et leur capacité à générer des recettes supplémentaires tout en les poussant à faire preuve de plus de créativité et d’esprit d’ouverture vis-à-vis des besoins de la société contemporaine. Par ailleurs, l’avènement spectaculaire de la technologie numérique est en train de transformer les modes de communication et le traitement des collections. Pourtant, cette transition ne se fera pas du jour au lendemain. Les bibliothèques et musées ont absolument besoin d’un leadership et d’une vision à long terme pour pouvoir s’adapter et évoluer dans une période marquée par les changements. Il leur faut également gagner en indépendance dans la prise de décisions pour trouver de meilleures solutions en matière de gestion financière et de ressources, établir de nouveaux partenariats et faire appel au mécénat individuel, caritatif et d’entreprise. Bibliothèques et musées devront diversifier leurs sources de financement de manière à pouvoir étendre leurs activités, par exemple pour toucher de nouveaux publics, offrir des services innovants, travailler avec des bénévoles et concevoir des projets communautaires et de sensibilisation.
97. Cette transition nécessitera des changements dans les pratiques de gestion et professionnelles. Aussi les gouvernements et autres parties prenantes ont-ils un rôle important à jouer pour contribuer à ce processus avec les réformes et aides qui s’imposent. Même dans une situation économique difficile, les relations entre gouvernements et établissements culturels doivent reposer sur un socle de compréhension et de confiance mutuelles. L’un des principes sous-tendant cette confiance consiste à octroyer aux établissements la liberté de prendre des décisions stratégiques, de définir des priorités et de choisir un mode opératoire, tout en restant comptables de l’utilisation des financements publics.