Imprimer
Autres documents liés

Rapport | Doc. 13985 | 16 février 2016

Mettre fin à l’apatridie des enfants – une nécessité

Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées

Rapporteur : M. Manlio DI STEFANO, Italie, NI

Origine - Renvoi en commission: Doc. 13710, Renvoi 4123 du 20 avril 2015. 2016 - Commission permanente de mars

Résumé:

On dénombre aujourd’hui plus de dix millions d’apatrides dans le monde et, chaque année, pas moins de 70 000 enfants naissent sans nationalité. L’Europe compte à elle seule plus de 600 000 apatrides. La majorité des apatrides européens sont nés et vivent en Europe; nombre d’entre eux ne seraient pas apatrides aujourd’hui si tous les Etats européens avaient mis en place des garanties généralisées contre l’apatridie des enfants, comme l’exige le droit international. La crise des réfugiés actuelle, marquée par le départ de leur pays natal de centaines de milliers de Syriens et d’autres réfugiés dans l’espoir de mener en Europe une vie moins exposée aux risques, pose un nouveau problème d’apatridie qui, à défaut d’être traité dans sa globalité, ne fera qu’augmenter l’effectif de la population apatride en Europe.

Ce rapport demande aux Etats membres de coopérer à la prévention et à la résolution de l’apatridie, et de mettre en œuvre des mesures pour assurer aux enfants réfugiés, demandeurs d’asile et migrants ainsi qu’aux enfants de réfugiés, de demandeurs d’asile et de migrants nés sur leur territoire une protection globale contre l’apatridie, en tenant compte de l’intérêt supérieur de l’enfant et de la nécessité de prévenir l’exclusion et la discrimination à l’âge adulte.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 26 janvier
2016.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire renvoie à l’acquis conventionnel du Conseil de l'Europe relatif à l’apatridie, notamment à sa Convention de 2006 sur la prévention des cas d’apatridie en relation avec la succession d’Etats (STCE no 200) qui s’appuie sur la Convention européenne de 1997 sur la nationalité (STE no 166). Elle rappelle également que l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5) (droit au respect de la vie privée et familiale) a été interprété de manière à inclure le respect de la nationalité dans son champ d’application et sa portée générale dans le contexte du refus d’accorder une nationalité ou celui d’une incertitude quant à la possibilité de se voir reconnaître une nationalité.
2. L’Assemblée rappelle les instruments applicables des Nations Unies, à savoir la Convention de 1989 relative aux droits de l’enfant, la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie qui a été ratifiée par 29 Etats membres du Conseil de l'Europe.
3. Les changements des frontières nationales et le déplacement de populations suite à des crises et conflits internationaux sont parmi les causes principales de l’apatridie. Dans l’histoire européenne récente, les nombres les plus élevés d’apatrides sont le résultat de la seconde guerre mondiale, puis de l’effondrement de l’Union soviétique et de la Yougoslavie. La crise migratoire actuelle, marquée par le départ de leur pays natal de centaines de milliers de Syriens et d’autres réfugiés dans l’espoir de mener en Europe une vie moins exposée aux risques, pose un nouveau problème d’apatridie qui, à défaut d’être traité dans sa globalité, ne fera qu’augmenter l’effectif de la population apatride en Europe.
4. On dénombre aujourd’hui plus de dix millions d’apatrides dans le monde et, chaque année, pas moins de 70 000 enfants naissent sans nationalité. L’Europe compte à elle seule plus de 600 000 apatrides. Certains migrants et demandeurs d’asile en Europe sont déjà apatrides à leur arrivée; il est d’autant plus urgent, dans leur cas, de régler la situation de leurs enfants nés en exil. Toutefois, la majorité des apatrides européens sont nés et vivent en Europe; nombre d’entre eux ne seraient pas apatrides aujourd’hui si tous les Etats européens avaient mis en place des garanties généralisées contre l’apatridie des enfants, comme l’exige le droit international.
5. L’incapacité à garantir à chaque enfant la jouissance du droit à une nationalité a de graves conséquences pour les enfants, leurs familles et la société dans son ensemble. L’apatridie engendre des problèmes de discrimination et d’accès au logement, à l’éducation, aux soins de santé et à l’emploi. Elle accroît les difficultés rencontrées par les personnes qui risquent déjà d’être en situation de vulnérabilité sociale. Le règlement de la question de l’apatridie dès le plus jeune âge empêcherait la persistance de tels problèmes et situations de discrimination à l’âge adulte. En outre, les enfants qui ont le droit de devenir citoyens peuvent réellement trouver leur place dans la société et contribuer à celle-ci.
6. Le vaste cadre juridique et réglementaire international lié à l’apatridie et au droit de chaque enfant à une nationalité fournit une garantie générale contre l’apatridie des enfants. Toutefois, malgré ce solide cadre juridique international, la législation nationale de plusieurs Etats européens contient des dispositions qui suscitent de graves inquiétudes et peuvent provoquer ou prolonger des situations d’apatridie.
7. La législation applicable à Chypre, en Norvège, en Roumanie et en Suisse contient des garanties insuffisantes contre l’apatridie des enfants ou en est totalement dépourvue, en violation des obligations régionales et internationales.
8. L’Azerbaïdjan, la Croatie, l’Estonie, la Géorgie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, «l'ex-République yougoslave de Macédoine», la Pologne, la Slovénie et la République tchèque ont instauré des garanties conditionnelles qui n’offrent pas aux enfants une pleine protection contre l’apatridie car elles ne jouent que si les parents de l’enfant sont apatrides ou de nationalité inconnue.
9. Dans certains Etats membres du Conseil de l'Europe, les parents ne peuvent pas transmettre leur nationalité à leurs enfants et, dans d’autres, la garantie est subordonnée à une condition de résidence qui est contraire aux normes internationales.
10. Au vu de ce qui précède, l’Assemblée exhorte tous les Etats membres du Conseil de l'Europe à prendre des mesures pour mettre fin à l’apatridie au moyen de réformes législatives et politiques et par la mise en œuvre effective des dispositions existantes.
11. A cette fin, l’Assemblée demande aux Etats membres d’adopter les mesures ci‑après pour éradiquer l’apatridie des enfants:
11.1. s’agissant de l’application des conventions internationales sur l’apatridie, l’Assemblée:
11.1.1. appelle l’Andorre, l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Belgique, Chypre, l’Espagne, l’Estonie, la Géorgie, l’Irlande, le Liechtenstein, la Lituanie, Monaco, le Royaume-Uni, Saint‑Marin, la Serbie, la Slovénie, la Suisse et la Turquie à signer et à ratifier la Convention du Conseil de l'Europe sur la nationalité et la Croatie, la France, la Grèce, l’Italie, la Lettonie, le Luxembourg, Malte, la Pologne et la Fédération de Russie à la ratifier;
11.1.2. appelle les Etats qui ne l’ont pas encore fait à signer et à ratifier la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention des cas d’apatridie en relation avec la succession d’Etats;
11.1.3. invite les Etats qui ne l’ont pas encore fait à signer et à ratifier la Convention de 1954 des Nations Unies relative au statut des apatrides et la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie;
11.2. s’agissant de la législation nationale, elle les exhorte:
11.2.1. à prendre, le cas échéant, des mesures pour mettre fin à l’apatridie au moyen de réformes législatives et politiques assorties de dispositions d’application et de mécanismes de contrôle;
11.2.2. à revoir, en les modifiant si nécessaire, les cadres législatif et politique afin de mettre les lois nationales en conformité avec les normes et instruments internationaux précités, et en particulier de s’assurer que la législation nationale garantit l’octroi de la nationalité à chaque enfant né sur leur territoire qui, autrement, risque l’apatridie;
11.2.3. à introduire de nouvelles procédures de détermination de l’apatridie ou à améliorer celles qui existent, conformément aux principes directeurs du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR), afin de s’assurer que tous les apatrides présents sur leur territoire sont recensés et protégés et, in fine, acquièrent la nationalité grâce à une procédure de naturalisation facilitée;
11.2.4. à veiller à ce que la naissance de tout enfant sur leur territoire soit enregistrée immédiatement. Les Etats sont notamment invités à garantir l’enregistrement à la naissance des enfants issus de communautés vulnérables;
11.3. s’agissant des politiques et pratiques nationales, elle les invite:
11.3.1. à prendre des mesures pour assurer aux enfants réfugiés, demandeurs d’asile et migrants ainsi qu’aux enfants de réfugiés, de demandeurs d’asile et de migrants nés sur leur territoire une protection globale contre l’apatridie, en tena nt compte de l’intérêt supérieur de l’enfant et de la nécessité de prévenir l’exclusion et la discrimination à l’âge adulte;
11.3.2. à participer au Plan d’action global des Nations Unies visant à mettre fin à l’apatridie d’ici 2024 et à le soutenir, notamment en élaborant et en mettant en œuvre des plans d’action nationaux en collaboration avec le HCR et en apportant un appui financier au Plan d’action global;
11.3.3. à travailler et promouvoir ensemble la prévention et la résolution de l’apatridie en recourant, par exemple, au système d’Examen périodique universel des Nations Unies qui permet aux Etats de formuler des recommandations à l’intention d’autres Etats membres pour traiter les situations d’apatridie.

B. Exposé des motifs, par M. Di Stefano, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Aux fins de la Convention de 1954 relative au statut des apatrides, le terme «apatride» désigne une personne «qu’aucun Etat ne considère comme son ressortissant par application de sa législation» 
			(2) 
			Article 1(1) de la
Convention de 1954 relative au statut des apatrides (adoptée le
28 septembre 1954) 360 UNTS . Cette définition est reconnue par le droit international coutumier. Elle a été interprétée par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) comme nécessitant «une analyse minutieuse de la manière dont un Etat applique, dans la pratique, sa législation sur la nationalité dans un cas particulier ainsi que l’analyse de toute décision de recours pouvant avoir eu une incidence sur le statut de la personne concernée. Il s’agit là d’une question faisant intervenir des éléments à la fois de droit et de fait» 
			(3) 
			HCR, Handbook on Protection of Stateless Persons (2014),
paragraphe 23. Par conséquent, une personne peut être apatride même si une interprétation de la loi sur la nationalité de son pays d’origine témoigne de son droit à cette nationalité.
2. On dénombre aujourd’hui plus de dix millions d’apatrides dans le monde, et chaque année, pas moins de 70 000 enfants naissent sans nationalité. L’Europe à elle seule compte plus de 600 000 apatrides. La majorité de ces personnes sont nées en Europe et y passent l’intégralité de leur vie. Beaucoup ne seraient pas dans cette situation aujourd’hui si tous les pays européens avaient mis en place des garanties généralisées contre l’apatridie des enfants. On recense également quelques réfugiés ou migrants apatrides en Europe 
			(4) 
			Le nombre de réfugiés
apatrides dans le monde est estimé à environ 1.5 millions (des apatrides
Kurdes venant de la Syrie, des apatrides Rohingya du Myanmar, des
apatrides Bidoun du Kuwait, etc.), voir Institute on Statelessness
and Inclusion, The World’s Stateless Report (2014): <a href='http://www.institutesi.org/worldsstateless.pdf'>www.institutesi.org/worldsstateless.pdf</a>. Près de 10 % des réfugiés arrivant aux Pays-Bas, par
exemple, sont des apatrides, (voir Immigration and Naturalisation
Service (IND), septembre 2015 Monthly report on Asylum Applications
in the Netherlands and in Europe: <a href='https://ind.nl/Documents/Asylum Trends september.pdf'>https://ind.nl/Documents/Asylum%20Trends%20september.pdf</a>).  qui suscitent de graves préoccupations quant à la possibilité pour tous les enfants nés en exil de réfugiés ayant rejoint l’Europe – y compris ceux de plus en plus nombreux à fuir la Syrie – d’obtenir une nationalité.
3. Le présent rapport s’inscrit dans ce contexte et j’y appelle les Etats européens à prendre toutes les mesures requises pour mettre fin à l’apatridie, en particulier des enfants. Ce document met également en exergue l’importance d’identifier les personnes apatrides présentes dans chaque Etat européen afin de garantir leur protection jusqu’à ce qu’elles obtiennent une nationalité. Tout manquement en ce sens est pénalisant tant pour les personnes concernées et la jouissance de leurs droits, que pour les Etats eux-mêmes et entrave par ailleurs la capacité de ces derniers à prévenir l’apatridie des enfants sur leur territoire.

2. Situation des apatrides dans les Etats membres du Conseil de l’Europe

2.1. Contexte

4. L’historique de l’apatridie en Europe est bien documenté. La Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et la Convention de 1954 relative au statut des apatrides sont nées du déplacement forcé en masse et de la privation arbitraire de la nationalité intervenus avant et pendant la seconde guerre mondiale. En effet, tous les traités fondamentaux relatifs aux droits de l’homme qui protègent le droit à une nationalité sont des instruments mis en place après la guerre. L’autre événement historique marquant, après la seconde guerre mondiale, à avoir été source d’apatridie à grande échelle en Europe fut la fin de la guerre froide et l’éclatement de l’Union soviétique et de la Yougoslavie. Malgré la promulgation de la Convention sur la prévention des cas d'apatridie en relation avec la succession d'Etats visant à prévenir l’apatridie dans un tel contexte, les populations apatrides les plus nombreuses aujourd’hui en Europe sont l’héritage de cette période de l’histoire.
5. Dans l’Europe contemporaine, la crise des réfugiés marquée par l’arrivée de centaines de milliers de Syriens et autres cherchant en Europe la sécurité et une vie moins exposée aux risques, s’accompagne d’un nouveau problème d’apatridie, qui, à défaut d’être traité dans sa globalité, ne fera qu’augmenter l’effectif de la population apatride en Europe, dont celui des enfants de réfugiés nés en Europe. Il en va particulièrement ainsi parce que la Syrie et d’autres pays d’origine comptent des populations apatrides et disposent de législations sur la nationalité discriminatoires qui refusent aux femmes le droit de transmettre leur nationalité à leurs enfants 
			(5) 
			Les lois de 27 pays
dans le monde contiennent des dispositions discriminatoires relatives
au sexe (voir HCR, Background Note on Gender Equality, Nationality
Laws and Statelessness 2015, 6 mars 2015, <a href=' Url='https://ind.nl/Documents/Asylum Trends september.pdf''>www.refworld.org/docid/54f8369b4.html).</a>.
6. En raison d’une méconnaissance et d’un manque de volonté politique, certains Etats européens ont été réticents à prendre des mesures concrètes pour mettre fin à l’apatridie des enfants. L’incapacité à garantir le droit de tout enfant d’avoir une nationalité a des conséquences graves pour les enfants, leurs familles et la société dans son ensemble.

2.2. Cadre juridique et réglementaire

7. Les Etats membres du Conseil de l’Europe disposent d’un vaste cadre juridique et réglementaire relatif à l’apatridie et au droit de tout enfant à une nationalité. Les instruments régionaux et internationaux pertinents fournissent conjointement une garantie généralisée contre l’apatridie dès l’enfance. Cependant, les législations et politiques nationales présentent des lacunes qui entravent la mise en œuvre de ces obligations.
8. Parmi les instruments du Conseil de l’Europe, l’article 6.2 de la Convention européenne sur la nationalité (STE no 166) dispose que «[c]haque Etat Partie doit prévoir dans son droit interne l'acquisition de sa nationalité par les enfants nés sur son territoire qui n'acquièrent pas à la naissance une autre nationalité». La Convention sur la prévention des cas d'apatridie en relation avec la succession d'Etats est également pertinente à cet égard. Alors que la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5) ne reconnaît pas explicitement le droit à une nationalité, son article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) a été interprété de manière à inclure dans son champ d’application et sa portée générale le refus d’accorder une nationalité 
			(6) 
			Cour européenne des
droits de l’homme, Genovese c. Malte, Requête
no  53124/09, arrêt du 11 octobre 2011. ou l’incertitude quant à la possibilité de se voir reconnaître une nationalité 
			(7) 
			Cour européenne des
droits de l’homme, Mennesson c. France, Requête
no  65192/11, arrêt du 26 juin 2014.. Les principes de l’intérêt supérieur de l’enfant 
			(8) 
			Mennesson
c. France, paragraphe 99. et de non-discrimination 
			(9) 
			Dans Genovese c. Malte, la Cour européenne
des droits de l’homme a conclu à une violation de l’article 14 de
la Convention (interdiction de discrimination) combiné avec l’article
8 (droit au respect de la vie privée et familiale). Voir en particulier
le paragraphe 34., tels qu’appliqués par la Cour, revêtent également une importance à cet égard 
			(10) 
			Pour une analyse plus
détaillée, voir le Réseau européen sur l’apatridie, No Child Should
Be Stateless (Aucun enfant ne devrait être apatride) (2015). .
9. Outre le cadre du Conseil de l’Europe, le droit à une nationalité est protégé par divers instruments internationaux notamment par l’article 15.1 de la Déclaration universelle des droits de l'homme; l’article 7 de la Convention relative aux droits de l’enfant; l’article 1 de la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie («Convention de 1961»); l’article 5 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale; l’article 24.3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques; l’article 9 de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes; l’article 18 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées; et l’article 29 de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.
10. La protection la plus globale contre l’apatridie des enfants est prévue par la Convention relative aux droits de l’enfant. En vertu de son article 7.1, les Etats sont tenus d’enregistrer l’enfant aussitôt la naissance et de lui garantir «le droit d'acquérir une nationalité». L’article 7.2 impose explicitement la mise en œuvre de mesures pour prévenir l’apatridie. Par ailleurs, l’article 8 protège le droit de l'enfant de préserver son identité, y compris sa nationalité. Ces dispositions doivent être lues à la lumière des articles 2 et 3 qui font respectivement de la non-discrimination et du respect de l’intérêt supérieur de l’enfant, les principes directeurs de la mise en œuvre de tous les droits de l’enfant. Le Comité des droits de l'enfant a précisé que les Etats sont tenus, au titre de la Convention relative aux droits de l’enfant, d’accorder la nationalité à la naissance, ou dès que possible après la naissance, à tous les enfants sans restriction nés sur leur territoire et qui, autrement, seraient apatrides 
			(11) 
			Une telle garantie
ne peut par exemple pas être subordonnée à la détention par l’enfant
ou ses parents d’un statut de résidence particulier et doit également
s’appliquer aux enfants de parents réfugiés ou appartenant à des
groupes minoritaires. Voir par ailleurs, l’analyse des travaux du
Comité des droits de l'enfant, publiée par l’Institute on Statelessness
and Inclusion: <a href='http://www.institutesi.org/children'>www.InstituteSI.org/children</a>. . L’article 1.1 de la Convention de 1961 oblige également tout Etat contractant à accorder «sa nationalité à l’individu né sur son territoire et qui, autrement, serait apatride» – une disposition qui englobe tous les enfants apatrides et ne peut être subordonnée à une condition de résidence légale imposée à l’enfant ou à ses parents.
11. La Convention relative aux droits de l’enfant et la Convention européenne des droits de l’homme ont été universellement ratifiées par les Etats membres du Conseil de l’Europe. Vingt-neuf Etats sont Parties à la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie et 20 à la Convention européenne sur la nationalité (31 Etats européens au total sont ainsi Parties à l’une ou l’autre convention voire aux deux) 
			(12) 
			Pour
obtenir une liste des Etats, voir le Réseau européen sur l’apatridie, No Child Should Be Stateless (2015).. Par conséquent, tous les Etats européens ont de toute évidence l’obligation stricte de respecter le droit de tout enfant à une nationalité et de mettre fin à l’apatridie des enfants.
12. Cependant, les législations relatives à la nationalité de plusieurs pays européens contiennent des dispositions qui engendrent des situations d’apatridie ou les prolongent. Les lois de quatre pays (Chypre, Norvège, Roumanie et Suisse) ne prévoient aucune garantie contre l’apatridie des enfants ou n’offrent à cet égard que des garanties minimales, et sont ainsi ceux qui contreviennent davantage aux obligations régionales et internationales. D’autres pays ont établi des garanties assorties de conditions qui ne protègent pas complètement contre l’apatridie des enfants. A titre d’exemple, dans 11 pays, la garantie joue uniquement si les parents de l’enfant sont eux-mêmes apatrides ou de nationalité inconnue 
			(13) 
			Azerbaïdjan, Croatie,
Estonie, Géorgie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, «l’ex-République
yougoslave de Macédoine», Pologne, Slovénie et République tchèque.. Cependant dans certaines circonstances, des parents ayant une nationalité ne sont pas en mesure de la transmettre à leurs enfants 
			(14) 
			A titre d’exemple,
dans 27 pays du monde, les femmes ne jouissent pas du même droit
que les hommes de transmettre leur nationalité à leurs enfants.. Dans 14 pays, la garantie est subordonnée à une condition de résidence qui n’est pas conforme aux normes internationales 
			(15) 
			Réseau européen sur
l’apatridie, No Child Should Be Stateless (2015), p. 16..
13. Dans un tel contexte, il est essentiel que les Etats européens engagent de nouvelles initiatives afin de remédier à l’apatridie des enfants. L’engagement accru de membres de l’Assemblée parlementaire, illustré notamment par la proposition de résolution du 5 février 2015 intitulée «Mettre fin à l’apatridie des enfants – une nécessité», marque une étape importante. Le recours par des Etats européens à l’Examen périodique universel pour formuler des recommandations à l’intention d’autres Etats membres en vue de lutter contre l’apatridie est également prometteur. A titre d’exemple, les Pays-Bas, la Norvège et la Russie ont tous adressé des recommandations en ce sens à la Lettonie; l’Autriche a quant à elle formulé des recommandations à l’intention de la Russie; et la Bosnie-Herzégovine et la Russie en ont adressé à l’Estonie.
14. Des développements positifs sont également visibles au plan national. L’Estonie par exemple – pays dans lequel plusieurs centaines d’enfants continuent chaque année de naître apatrides – a adopté d’importants amendements législatifs qui sont entrés en vigueur le 1er janvier 2016. Les enfants qui naissent aujourd’hui en Estonie acquièrent la nationalité estonienne automatiquement par naturalisation et dès la naissance, si leurs parents sont apatrides et résident légalement en Estonie depuis cinq ans au moins au moment de la naissance de l’enfant. Par ailleurs, l’Arménie a modifié sa législation en mai 2015 en vue d’introduire une garantie généralisée accordant la nationalité à tous les enfants nés sur son territoire et qui, autrement, seraient apatrides.

3. Importance pour les enfants d’avoir le droit à une nationalité

3.1. Avantages de garantir aux enfants le droit à une nationalité

15. Tous les enfants, y compris apatrides, doivent pouvoir bénéficier de la protection du droit régional et international relatif aux droits de l’homme. Cependant, le droit à une nationalité est un droit qui ouvre la voie à d’autres droits, et sans nationalité, l’accès à tous types d’autres droits devient plus complexe. Les enfants apatrides rencontrent des difficultés dans tous les domaines de la vie, y compris pour être scolarisés ou mener à bien leur scolarité; accéder aux services de santé; obtenir un certificat de naissance; recourir à la sécurité sociale; obtenir un passeport ou se faire délivrer un papier d’identité quel qu’il soit; voyager à l’étranger et exercer le droit de libre circulation 
			(16) 
			Institute on Statelessness
and Inclusion, The World’s Stateless Report (2014), p. 29-30, <a href='http://www.institutesi.org/worldsstateless.pdf'>www.institutesi.org/worldsstateless.pdf</a>. . Ils peuvent être particulièrement exposés à la détention arbitraire ou de durée excessive et, dans des cas extrêmes, être victimes de la traite voire même la cible de persécution 
			(17) 
			Ibid..
16. C’est ce qui a amené Nils Muižnieks, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, à déclarer qu’il est dans l’intérêt supérieur de l’enfant d’avoir une nationalité 
			(18) 
			Discours liminaire
de Nils Muižnieks, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil
de l’Europe, prononcé à l’occasion du premier Forum mondial sur
l’apatridie, La Haye, 15-17 septembre 2014 (CommDH/Speech(2014)8).. Dans son récent rapport sur la nécessité de mettre fin à l’apatridie des enfants, le HCR a dépeint les difficultés ou problèmes rencontrés par les enfants et les jeunes apatrides pour accéder à l’éducation ou aux soins de santé et pour trouver un emploi 
			(19) 
			HCR, Je suis là, j’existe.
L’urgente nécessité de mettre fin à l’apatridie (2015), <a href='http://www.unhcr.fr/563785686.html'>www.unhcr.org/ibelong/fr/</a>.. Les enfants apatrides doivent souvent faire face à l’incertitude, la pauvreté, la marginalisation et la discrimination; ils se font voler leur enfance 
			(20) 
			Ibid.
Voir aussi HCR, Rapport spécial: Mettre fin à l’apatridie d’ici
dix ans (2014), <a href='http://unhcr.org/statelesscampaign2014/Stateless-Report_eng_final3.pdf'>http://unhcr.org/statelesscampaign2014/Stateless-Report_eng_final3.pdf.</a>. Parce qu’ils n’ont pas de nationalité, les enfants apatrides sont défavorisés, vulnérables et dans l’incapacité de s’épanouir pleinement 
			(21) 
			Voir
aussi Institute on Statelessness and Inclusion, Realising the Right
of Every Child to Acquire a Nationality. An Analysis of the Work
of the Committee on the Rights of the Child, Projet de document
d’orientation (2015)., et subissent de graves conséquences socioéconomiques 
			(22) 
			Voir
également Jacqueline Bhabha, «From Citizen to Migrant: The Scope
of Child Statelessness in the Twenty-First Century» dans Jacqueline
Bhabha (eds), Children Without a State (MIT
Press 2011)..
17. Pour prévenir de telles conséquences négatives, la première mesure fondamentale est de garantir le droit de l’enfant à une nationalité. Les enfants qui possèdent une nationalité sont plus à même de grandir dans la dignité et de développer leur plein potentiel, et leur propre identité. De surcroit, les enfants qui ont le droit de devenir citoyen peuvent réellement trouver leur place dans la société et contribuer à celle-ci.
18. Les avantages tirés de l’éradication de l’apatridie des enfants s’étendent également aux Etats. Il est indispensable de mettre fin à l’apatridie et à l’exclusion pour créer des communautés plus cohésives, stables et productives. Donner à chaque enfant l’opportunité de s’épanouir pleinement c’est garantir que chaque Etat a atteint son plein potentiel.
19. Pris conjointement, les normes juridiques régionales et internationales, les conséquences graves de l’apatridie sur la vie des enfants et les avantages, à la fois pour les enfants, les familles, les communautés et les Etats, qu’il y a à garantir une nationalité à tous les enfants, sont autant de raisons susceptibles de convaincre les Etats à prendre des mesures globales pour mettre fin à l’apatridie des enfants.

3.2. Mesures à prendre pour éradiquer l’apatridie des enfants

3.2.1. Mesures d’ordre législatif et réglementaire

20. La récente affaire Mennesson 
			(23) 
			Mennesson
c. France. a mis en lumière l’un des contextes particulièrement difficiles en termes de nationalité et d’apatridie: la gestation pour autrui 
			(24) 
			Voir également le Réseau
européen sur l’apatridie, No Child Should Be Stateless (2015), p.
24.. Dans cette affaire, les requérants sont un couple de ressortissants français (les parents commanditaires) et leurs deux enfants nés au terme d’une convention conclue avec une mère porteuse aux Etats-Unis. Les requérants ont saisi la Cour européenne des droits de l’homme, alléguant d’une violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme en raison du refus des autorités françaises de reconnaître leurs liens familiaux, au détriment de l’intérêt supérieur des enfants. Le droit français interdisant la gestation pour autrui en tant que technique de procréation assistée, le gouvernement a mis en avant le fait que permettre l’inscription au registre d’état civil aurait mis en cause la cohérence du dispositif d’interdiction 
			(25) 
			Mennesson c. France, paragraphe
72.. Tout en reconnaissant qu’il est légitime que la France décourage ses ressortissants de recourir à des formes prohibées de reproduction assistée, la Cour a estimé que les effets de la non reconnaissance en droit français du lien de filiation ne se limitent pas à la situation des parents (d’intention) mais portent aussi sur celle des enfants eux-mêmes, «dont le droit au respect de la vie privée, qui implique que chacun puisse établir la substance de son identité, y compris sa filiation, se trouve significativement affecté. Se pose donc une question grave de compatibilité de cette situation avec l’intérêt supérieur des enfants, dont le respect doit guider toute décision les concernant» 
			(26) 
			Ibid.,
paragraphe 99. . La Cour a par conséquent conclu à une violation du droit des deux enfants au respect de leur vie privée consacré par l’article 8 de la Convention.
21. Alors même que la question de la gestation pour autrui ne concerne qu’une minorité de personnes, l’affaire Mennesson a une portée bien plus large. Elle souligne la primauté du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant, face à des questions qui relèvent du droit et de la politique internes. L’apatridie n’étant jamais dans l’intérêt supérieur de l’enfant 
			(27) 
			Renate
Winter, membre du Comité des droits de l’enfant des Nations Unies,
telle que citée par le Réseau européen sur l’apatridie, No Child
Should Be Stateless (2015), p. 6., les implications de l’affaire Mennesson montrent que tous les Etats feraient bien de modifier leurs cadres législatif et réglementaire afin d’assurer une protection globale contre l’apatridie des enfants. Comme énoncé ci-avant, ces mesures sont également conformes aux obligations au titre de la Convention relative aux droits de l’enfant, de la Convention européenne sur la nationalité et de la Convention de 1961 sur la réduction des cas d'apatridie.
22. L’éradication de l’apatridie des enfants suppose de garantir a) qu’aucun enfant ne naît apatride et b) que tous les enfants apatrides obtiennent une nationalité. En vue d’assurer une solution durable et globale, il convient également de prendre des mesures pour identifier les adultes apatrides et leur accorder une nationalité.
23. S’agissant de la première exigence, la nationalité devrait être accordée à tous les enfants nés sur le territoire d’un Etat et qui, autrement, seraient apatrides. Le Comité des droits de l’enfant a formulé pas moins de 27 recommandations à cet égard à l’intention des Etats 
			(28) 
			Des
dispositions similaires figurent à l’article 1 de la Convention
de 1961 sur la réduction des cas d'apatridie, à l’article 6.2 de
la Convention européenne sur la nationalité, ainsi que dans certains
instruments du Conseil de l’Europe notamment la Recommandation CM/Rec(2009)13
du Comité des Ministres sur la nationalité des enfants et sont aussi évoquées
dans la Recommandation no R (99) 18 du
Comité des Ministres sur la prévention et la réduction des cas d'apatridie.. Pour satisfaire à cette obligation, la nationalité devrait être attribuée indépendamment du statut juridique des parents, (y compris du statut de résident); indépendamment du sexe, de la race, de la religion, de l’appartenance ethnique, de l’origine ou situation sociale des parents ou tuteurs légaux; indépendamment des opinions ou activités (passées) des parents; et indépendamment de l’appartenance de l’enfant à un groupe (ethnique) minoritaire, y compris les enfants nés de (d’anciens) réfugiés 
			(29) 
			Voir
Institute on Statelessness and Inclusion, Every Child has the Right
to a Nationality. A Factsheet on the Content of Children’s Right
to a Nationality under the Convention on the Rights of the Child
(2015), <a href='http://www.institutesi.org/CRC_nationality_factsheet.pdf'>www.institutesi.org/CRC_nationality_factsheet.pdf</a>.. Cette garantie devrait être mise en œuvre de manière effective par tous les Etats européens afin de mettre fin à l’apatridie à la naissance en Europe. Elle suppose en retour pour les Etats de déterminer si l’enfant a acquis une autre nationalité à la naissance ou si, autrement, il serait apatride 
			(30) 
			HCR, Principes directeurs
sur l’apatridie no 4: Garantir le droit
de tout enfant d’acquérir une nationalité en vertu des Articles
1 à 4 de la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie
(2012)..
24. Concernant la deuxième exigence, il est important que les Etats appliquent de manière rétroactive toutes les lois qui octroient la nationalité aux enfants nés sur leur territoire et qui, autrement, seraient apatrides. La modification apportée à la loi estonienne mise en lumière précédemment, satisfait en partie à cette exigence dans la mesure où elle s’applique rétroactivement à tous les enfants âgés de moins de 15 ans. Cette loi ne profitera cependant pas aux enfants ou adultes apatrides de plus de 15 ans. Par ailleurs, les Etats devraient également mettre en œuvre des mesures visant à faciliter la naturalisation d’enfants apatrides qui ne sont pas nés sur leur territoire mais y résident. Ceci est particulièrement important pour garantir la pleine intégration des enfants migrants et réfugiés apatrides. Il est par conséquent essentiel que les Etats définissent et mettent en œuvre des procédures opérationnelles de détermination de l’apatridie pour identifier et protéger les enfants migrants apatrides sur leur territoire et faciliter leur naturalisation, conformément aux normes juridiques pertinentes 
			(31) 
			Ibid.;
HCR, Handbook on the Protection of Stateless Persons Under the 1954
Convention Relating to the Status of Stateless Persons (2014); Réseau
européen sur l’apatridie, Statelessness Determination and the Protection
of Stateless Persons. A Summary Guide of Good Practices and Factors
to Consider When Designing National Determination and Protection
Mechanisms (2013). Voir aussi la Convention de 1954 relative au
statut des apatrides; la Recommandation no R
(99) 18 du Comité des Ministres sur la prévention et la réduction
des cas d'apatridie, voir sous I.d concernant
la naturalisation facilitée. . Ce faisant, les Etats faciliteraient aussi l’identification des adultes apatrides et leur naturalisation.
25. Une autre pratique en Europe suscite des préoccupations auxquelles des mesures législatives et réglementaires pourraient remédier. Il convient en effet de veiller à ce que les enfants ne soient pas enregistrés comme étant de «nationalité inconnue». Certains des enfants enregistrés en tant que tels, mais pas tous, sont susceptibles d’être apatrides. Ce phénomène est assez répandu en Europe et a des conséquences aussi préjudiciables que l’apatridie des enfants 
			(32) 
			Réseau européen sur
l’apatridie, No Child Should Be Stateless (2015), p. 17; Institute
on Statelessness and Inclusion, The World’s Stateless Report (2014). . Une première étape essentielle pour prévenir et réduire les cas d’apatridie consiste à déterminer avec précision si l’enfant a une nationalité et, dans l’affirmative, laquelle, ou s’il est apatride. La mise en œuvre de procédures de détermination efficaces de l’apatridie permettra de réduire considérablement le nombre d’enfants enregistrés comme étant de «nationalité inconnue».
26. Il est un autre domaine où des mesures législatives et réglementaires s’imposent, en l’occurrence la résolution des situations existantes d’apatridie. Les enfants héritent souvent du statut d’apatride de leurs parents, ce qui constitue en Europe et dans le monde la principale cause d’apatridie des enfants 
			(33) 
			Voir
par exemple, discours liminaire de Nils Muižnieks, Commissaire aux
droits de l’homme du Conseil de l’Europe prononcé à l’occasion de
la Conférence organisée par le HCR et le Réseau européen sur l’apatridie,
Strasbourg, 8 avril 2014 (CommDH/Speech(2014)6)).. Les Etats, en particulier ceux qui comptent d’importantes populations apatrides, doivent prendre toutes les mesures requises pour remédier aux situations d’apatridie existantes.
27. Un enregistrement universel et en temps opportun des naissances peut également contribuer à réduire le phénomène d’apatridie des enfants. Alors que l’acquisition de la nationalité et l’enregistrement des naissances constituent généralement deux processus distincts, ce dernier est d’une importance capitale pour garantir le droit de tout enfant à une nationalité 
			(34) 
			Recommandation CM/Rec(2009)13
du Comité des Ministres sur la nationalité des enfants. Voir aussi
HCR, Je suis là, j’existe. L’urgente nécessité de mettre fin à l’apatridie
(2015) et HCR, Plan d’action 2014-24 global visant à mettre fin
à l’apatridie (2014), Action 7.. L’Europe affiche un taux très élevé d’enregistrement des naissances mais certains groupes d’enfants vulnérables demeurent systématiquement absents des registres d’état civil 
			(35) 
			Réseau
européen sur l’apatridie, No Child Should Be Stateless (2015), p.
28.. Par conséquent, les Etats sont instamment priés de garantir l’enregistrement de la naissance de chaque enfant. Les obstacles entravant la procédure doivent être levés afin de garantir à tous les enfants l’accès dans des conditions d’égalité à l’enregistrement des naissances 
			(36) 
			Ibid. .

3.2.2. Mesures d’ordre procédural

28. Afin de mettre à exécution les mesures énoncées ci avant, les Etats seront peut-être amenés à réformer leurs législations, politiques et réglementations nationales. Par ailleurs, pour faire de l’accès à la nationalité une réalité pour tous les enfants, les Etats sont susceptibles de devoir prendre des mesures de soutien de nature plus procédurale, par exemple en mettant à la disposition des enfants et de leurs familles des informations et conseils (juridiques). De même, le droit de demander le réexamen des décisions administratives et judiciaires et de former un recours contre ces dernières, ainsi que, au besoin, le droit à l’interprétation et à la traduction doivent être accordés aux enfants et à leurs familles. S’agissant des procédures de détermination de l’apatridie, les Etats devraient veiller à la conformité de leurs cadres avec les principes directeurs du HCR 
			(37) 
			HCR, Handbook on the
Protection of Stateless Persons Under the 1954 Convention Relating
to the Status of Stateless Persons (2014)..

4. Conclusions et recommandations

29. Les Etats sont instamment invités à prendre en compte les vulnérabilités particulières des enfants apatrides et à adopter les mesures suivantes pour mettre fin à l’apatridie des enfants en Europe:
  • tous les Etats qui ne l’ont pas encore fait sont invités à adhérer à la Convention européenne sur la nationalité, la Convention sur la prévention des cas d'apatridie en relation avec la succession d'Etats, la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie;
  • tous les Etats sont invités à participer au Plan d’action global des Nations Unies visant à mettre fin à l’apatridie d’ici 2024 et à le soutenir, notamment en élaborant et mettant en œuvre des plans d’action nationaux en collaboration avec le HCR et en apportant un appui financier au Plan d’action global;
  • tous les Etats qui n’ont pas mis en place des garanties adéquates pour prévenir l’apatridie des enfants sont invités à examiner et modifier leurs cadres légal et politique de manière à mettre leur législation nationale en conformité avec la Convention relative aux droits de l’enfant, la Convention européenne sur la nationalité et la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie;
  • tous les Etats qui comptent des populations apatrides sont appelés à prendre des mesures pour résoudre les cas d’apatridie, au moyen de réformes législatives et politiques et de dispositions d’application;
  • tous les Etats dont les procédures de détermination de l’apatridie ne respectent pas les principes directeurs du HCR sont appelés à introduire de nouvelles procédures ou d’améliorer celles en place, pour garantir l’identification et la protection de tous les apatrides présents sur leur territoire et au final leur permettre l’acquisition de la nationalité grâce à une procédure de naturalisation facilitée;
  • tous les Etats sont appelés à prendre des mesures spéciales pour protéger contre l’apatridie tous les enfants migrants et réfugiés ainsi que les enfants de migrants et de réfugiés nés sur leur territoire;
  • tous les Etats sont instamment priés de garantir l’enregistrement dès sa naissance de chaque enfant né sur leur territoire. En particulier, les Etats sont invités à assurer l’enregistrement à la naissance des enfants nés au sein de communautés vulnérables.