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Résolution 2098 (2016)

La corruption judiciaire: nécessité de mettre en œuvre d’urgence les propositions de l’Assemblée

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 29 janvier 2016 (9e séance) (voir Doc. 13824 et addendum, rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, rapporteur: M. Kimmo Sasi). Texte adopté par l’Assemblée le 29 janvier 2016 (9e séance).Voir également la Recommandation 2087 (2016).

1. L’Assemblée parlementaire considère la corruption judiciaire comme une question extrêmement préoccupante. Elle sape les fondements de l’Etat de droit et la possibilité même de lutter contre la corruption dans les autres secteurs de la société.
2. La corruption judiciaire entrave gravement la protection des droits de l’homme, notamment l’indépendance et l’impartialité de la justice. Elle mine également la confiance des citoyens dans le processus judiciaire et porte atteinte aux principes de légalité et de sécurité juridique.
3. Tout en reconnaissant que la perception de la corruption judiciaire ne peut être le seul indicateur de la véritable étendue de ce phénomène, l’Assemblée s’inquiète de ce que la confiance du public dans l’intégrité des magistrats reste extrêmement faible dans un certain nombre d’Etats membres où la justice est perçue, selon le Baromètre mondial de la corruption 2013 de Transparency International, comme une des institutions les plus corrompues en Albanie, en Arménie, en Azerbaïdjan, en Bulgarie, en Croatie, en Espagne, en Fédération de Russie, en Géorgie, en Lituanie, au Portugal, en République de Moldova, en République slovaque, en Roumanie, en Serbie, en Slovénie et en Ukraine. Dans le cas de la Roumanie, cette perception peut s’expliquer en partie par les initiatives considérables prises par le pays pour renforcer la transparence. Il importe, toutefois, que l’existence de la corruption judiciaire soit évaluée au regard du cadre légal pertinent en vigueur dans un pays donné et, surtout, que les instruments utilisés pour lutter contre la corruption soient efficaces.
4. La corruption judiciaire prend des formes complexes et concerne à la fois les affaires dont les juges sont saisis et leur carrière professionnelle. Les Etats membres du Conseil de l’Europe doivent canaliser leurs efforts à l’égard de ces deux aspects et prévoir des mécanismes efficaces, qui permettent d’identifier les cas de corruption au sein du pouvoir judiciaire, d’ouvrir des enquêtes à leur sujet et d’infliger des sanctions adéquates à leurs auteurs.
5. L’Assemblée déplore le fait que les Etats membres n’aient toujours pas remédié aux aspects cruciaux de la lutte contre la corruption judiciaire, principalement en ce qui concerne la mise en œuvre d’une législation relative à la lutte contre la corruption et l’accès aux données, recensés dans sa Résolution 1703 (2010) et sa Recommandation 1896 (2010) sur la corruption judiciaire.
6. Afin de lutter contre la corruption judiciaire, l’Assemblée invite les Etats membres, notamment:
6.1. à signer et à ratifier, lorsqu’ils ne l’ont pas encore fait, les conventions pertinentes du Conseil de l’Europe, à savoir la Convention civile sur la corruption (STE no 174) et la Convention pénale sur la corruption (STE no 173) et son Protocole additionnel (STE no 191);
6.2. à mettre pleinement en œuvre, en temps utile, toutes les recommandations pertinentes des organes et des mécanismes de suivi du Conseil de l’Europe, en particulier:
6.2.1. les résolutions et recommandations de l’Assemblée, en premier lieu la Résolution 1703 (2010) et la Recommandation 1896 (2010), et la Résolution 1943 (2013) et la Recommandation 2019 (2013) «La corruption: une menace à la prééminence du droit»;
6.2.2. les recommandations adoptées par le Comité des Ministres, notamment la Recommandation no R (2000) 10 sur les codes de conduite pour les agents publics et la Recommandation CM/Rec(2010)12 sur les juges: indépendance, efficacité et responsabilités;
6.2.3. les recommandations adoptées par le Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO), en particulier celles qui émanent de son quatrième cycle d’évaluation, consacré entre autres à la corruption au sein de la justice;
6.2.4. les recommandations formulées dans les avis rendus par la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) sur la législation nationale;
6.2.5. les lignes directrices et rapports adoptés par la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ) dans ses travaux consacrés à l’évaluation des systèmes judiciaires;
6.2.6. les recommandations adressées par le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe au sujet de l’administration de la justice, du fonctionnement des systèmes judiciaires et de la prévention des pratiques de corruption au sein de la magistrature;
6.3. à rendre pleinement exécutoires les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, surtout ceux qui ont une incidence sur la prévention et l’éradication de la corruption judiciaire;
6.4. à mettre leur législation et leur pratique nationales en conformité avec les normes énoncées dans les instruments internationaux et par les organes de suivi pertinents, surtout à l’égard de l’incrimination de la corruption, de l’immunité des juges, de l’organisation des instances disciplinaires, des conflits d’intérêts, des déclarations de patrimoine, ainsi que des aspects en rapport avec la carrière professionnelle des juges (recrutement, promotion, révocation des juges);
6.5. à renforcer la législation visant à sanctionner la corruption et à prévoir tous les moyens et soutiens nécessaires à sa bonne application, en menant des enquêtes en bonne et due forme sur les cas de corruption au sein de la justice et en engageant des poursuites à l’encontre de leurs auteurs;
6.6. à adapter la législation et la pratique, afin de permettre l’évaluation adéquate des pratiques de corruption particulièrement difficiles à déceler au sein de la justice, comme celles qui concernent les avantages obtenus en échange de services, les pressions hiérarchiques ou l’ingérence extérieure;
6.7. à améliorer le statut des professions judiciaires, ainsi que la sélection et la formation des juges, afin de garantir le comportement déontologique des juges; et à examiner de manière rigoureuse toute pratique en rapport avec leur carrière professionnelle qui présente un risque de corruption ou qui nuit à l’indépendance et à l’impartialité des juges tout au long de leur carrière;
6.8. à mettre en place des procédures adéquates pour mettre un terme à l’ingérence politique et à l’influence excessive dans le processus judiciaire;
6.9. à conserver la trace et à assurer le suivi de la mise en œuvre des mesures de lutte contre la corruption, en mettant à disposition les données relatives au nombre et à la nature des cas présumés et avérés de corruption judiciaire, de manière à effectuer une bonne appréciation du phénomène;
6.10. lorsque le sentiment de corruption judiciaire généralisée persiste, à prendre toutes les mesures qui s’imposent pour rétablir la confiance du public dans le système judiciaire; à procéder au suivi attentif et constant de l’évolution des indicateurs de perception et à élaborer une stratégie viable pour remédier au manque de confiance des citoyens à l’égard des magistrats;
6.11. à continuer à collaborer étroitement avec les organes de suivi du Conseil de l’Europe, tout particulièrement le GRECO, et à leur fournir toutes les informations dont ils ont besoin pour mener leur action, ainsi qu’à se mobiliser pour remédier aux défaillances recensées;
6.12. à garantir l’existence d’un environnement dans lequel les cas de corruption judiciaire (allégués) peuvent être décelés, afin de favoriser un climat propice à la suppression des causes profondes de la corruption judiciaire.
7. L’Assemblée note que le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe a examiné, dans ses deux rapports consacrés à la «Situation de la démocratie, des droits de l’homme et de l’Etat de droit en Europe» publiés à ce jour, la corruption qui existe dans les Etats membres, et l’invite instamment à indiquer clairement, dans ses futurs rapports, les Etats membres dans lesquels ont été recensés des problèmes de corruption, notamment judiciaire.
8. L’Assemblée continuera à suivre attentivement les progrès réalisés par les Etats membres dans la mise en œuvre de la résolution.