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Avis de commission | Doc. 14096 | 22 juin 2016

Transparence et ouverture dans les institutions européennes

Commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles

Rapporteure : Mme Chiora TAKTAKISHVILI, Géorgie, ADLE

Origine - Renvoi en commission: Renvoi 4062 du 29 septembre 2014. Commission saisie du rapport: Commission des questions juridiques et des droits de l'homme. Voir Doc. 14075. Avis approuvé par la commission le 20 juin 2016. 2016 - Troisième partie de session

A. Conclusions de la commission

(open)
1. La commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles félicite la rapporteure de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, Mme Natasa Vučković, pour son rapport à la fois équilibré et complet, et soutient le projet de résolution et le projet de recommandation qui y sont proposés.
2. Le rapport met l’accent sur plusieurs préoccupations importantes concernant des décisions ou des textes de lois adoptés par des institutions européennes, mais pas dans l’intérêt du public (fraude et conflits d’intérêts), ou bien en échange d’avantages illicites accordés à des fonctionnaires (corruption), ou sans que tous les points de vue aient été pris en compte (transparence et égalité d’accès aux décideurs). La mise en place d’un cadre réglementaire pour les activités des lobbyistes serait certes souhaitable, mais pas suffisante pour empêcher les conflits d’intérêts ou induire une augmentation automatique de la transparence. La divulgation des données exigées par les règles sur le lobbying ainsi que la «période d’attente» permettront certes d’atténuer les problèmes, mais ne modifieront pas la répartition des moyens. De telles mesures ne sont pas suffisamment substantielles pour contribuer à garantir l’égalité d’accès et la participation dans le processus décisionnel. Il appartient maintenant à toutes les parties prenantes – qui doivent démontrer leur volonté d’agir dans le respect de l’éthique – et à la société civile de permettre à cette réglementation de devenir un instrument efficace contribuant de facto à la transparence et à l’équité du processus décisionnel. L’application de toute règle est indispensable pour instaurer un climat éthique et juste autour du lobbying dans le processus décisionnel public.
3. A la lumière des observations complémentaires qu’elle entend faire, notamment en rapport avec les relations institutionnelles entre les acteurs économiques et non-économiques et divers organes du Conseil de l’Europe, la commission du Règlement souhaite proposer quelques amendements susceptibles de renforcer le projet de résolution et le projet de recommandation.

B. Amendements proposés

(open)

Amendement A (au projet de résolution)

A la fin du paragraphe 7, ajouter les mots «et à renforcer les garanties juridiques et institutionnelles de la société civile et des médias en matière de surveillance des activités des lobbyistes, y compris la possibilité de vérifier l’exactitude des données figurant dans un registre».

Amendement B (au projet de résolution)

Après le paragraphe 10, ajouter le paragraphe suivant:

«L’Assemblée s’associe à l’appel de Transparency International qui propose d’octroyer aux citoyens, aux groupes d’intérêt et aux sociétés une égalité de consultation sur des textes législatifs examinés, en permettant une composition plus équilibrée des groupes d'experts. Cela signifie la définition d’objectifs clairs pour une composition équilibrée des groupes d'experts de la Commission européenne; l’obligation légale, pour les organismes publics, de publier les conclusions des processus de consultation, y compris les avis des participants, et les appels à candidatures pour siéger au sein des groupes consultatifs/d’experts doivent être ouverts.»

Amendement C (au projet de résolution)

Après le paragraphe 10, ajouter le paragraphe suivant:

«L’Assemblée apprécie les contributions pertinentes que les O(I)NG apportent à ses propres activités, ainsi qu’au travail des organismes normatifs et de suivi. Les O(I)NG apportent leur expertise, identifient de nouveaux problèmes, échangent des informations et font la promotion des normes du Conseil de l’Europe, au niveau européen et national. L’Assemblée salue la décision du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe de réviser, en consultation avec la conférence des OING, les lignes directrices sur le statut participatif des OING au sein du Conseil de l’Europe. Dans la perspective de la prochaine révision, l’Assemblée invite le Secrétaire Général à veiller à ce que les O(I)NG participant aux travaux du Conseil de l'Europe soient aussi diversifiées, représentatives et pertinentes que possible et à garantir une représentation géographique équitable. Des dispositions spéciales devraient également être prises pour veiller à ce que les secrétariats concernés disposent du temps et des moyens nécessaires pour contacter de nouvelles O(I)NG pertinentes, y compris des organisations de jeunesse, et créer de nouveaux partenariats.»

Amendement D (au projet de résolution)

Après le paragraphe 10, ajouter le paragraphe suivant:

«L’Assemblée salue la consolidation graduelle du dispositif mis en place par le Conseil de l'Europe pour assurer l’intégrité des agents, et de celui que l’Assemblée parlementaire a élaboré pour ses membres. L’Assemblée s’engage à prendre de nouvelles mesures pour améliorer sa pertinence et son efficacité dans le traitement des situations de conflit d’intérêts grâce, notamment, à l’organisation de séminaires d’information tant pour les agents du Conseil de l’Europe que pour les membres de l’Assemblée pour traiter de manière efficace les allégations relatives à des situations de conflit d’intérêts et pour réfléchir à la nécessité d’élargir la définition du conflit d’intérêts. L’Assemblée invite son Bureau à poursuivre sa réflexion sur les meilleurs moyens d’assurer la transparence des interactions entre les représentants de groupes d’intérêts et les membres de l’Assemblée.»

Amendement E (au projet de recommandation)

Remplacer le paragraphe 1.3 par les mots suivants «de procéder à une analyse de l’impact de la réglementation sur le lobbying dans les Etats membres du Conseil de l'Europe;».

Amendement F (au projet de recommandation)

Dans le paragraphe 1.5, remplacer les mots «renforcer la coopération» par les mots «intensifier la coopération».

Amendement G (au projet de recommandation)

Au paragraphe 1.5, après les mots «la Convention sur l'accès aux documents publics», ajouter les mots «et à la Convention pénale sur la corruption (STE no 173),».

Amendement H (au projet de recommandation)

A la fin du paragraphe 1.5, ajouter les mots «vu l’engagement pris par la Commission européenne en faveur d’une représentation des intérêts plus transparente et plus équilibrée, d’une plus grande transparence des processus décisionnels et d’une réduction des conflits d’intérêts».

C. Exposé des motifs, par Mme Chiora Taktakishvili, rapporteure pour avis

(open)
1. Le rapport soumis par la commission des questions juridiques et des droits de l'homme brosse un tableau très complet du cadre éthique qui régit le fonctionnement actuel des institutions européennes en général, et notamment du point de vue du lobbying et de l’interaction entre les décideurs et les groupes de pression, et rend compte des récentes observations, conclusions et recommandations formulées afin d’améliorer les règles et les mécanismes au niveau de l’Union européenne. La rapporteure pour avis aimerait toutefois soumettre des informations complémentaires sur certains points qui appellent un examen plus attentif.

1. La réglementation des activités des lobbyistes et les registres de transparence

2. Le projet de résolution proposé salue les améliorations apportées au Registre de transparence commun établi au sein du Parlement européen et de la Commission européenne et préconise la mise en place de registres de transparence dans les Etats membres. L’expérience au niveau de l’Union européenne a toutefois démontré que la simple création de tels registres ne suffit pas à prévenir les conflits d’intérêts ni à induire, comme par magie, une amélioration immédiate de la transparence 
			(1) 
			Transparency
International a déjà souligné l'inadéquation entre le nombre de
lobbyistes enregistrés et ceux qui auraient pu apporter leur contribution
à un rapport d'une institution législative. Le Registre de transparence
de l'Union européenne compte actuellement 9 000 entités inscrites,
un chiffre extrêmement faible si on le compare aux estimations du
nombre de lobbyistes. Le projet de rapport du Parlement européen
intitulé «Transparence, reddition de comptes et intégrité dans les
institutions de l’Union européenne» (rapporteur de la Commission
des affaires constitutionnelles: M. Sven Giegold) estime qu’il y
a «davantage de lobbyistes actifs à Bruxelles qu’à Washington D.C.».. La publication des données exigées par les réglementations sur le lobbying, y compris l'enregistrement obligatoire des lobbyistes et la période «d’attente», atténueront certains problèmes, mais ne changeront pas la répartition des ressources. De telles mesures ne sont pas suffisamment substantielles pour contribuer à garantir l’égalité d’accès et la participation dans le processus décisionnel. Comme le souligne Transparency International, «la réglementation n’est qu’un élément des stratégies visant à rendre le lobbying plus équitable, (…). L’application de toute la réglementation, mais aussi une volonté générale de tous les acteurs concernés d’adopter un comportement éthique, sont déterminants pour instaurer un climat de lobbying, mais aussi une prise de décision par les pouvoirs publics, à la fois éthiques et équitables» 
			(2) 
			Recommandations de
Transparency International pour plus de transparence, d'intégrité
et d'égalité d'accès dans le lobbying auprès de l'Union européenne.. Il appartient donc à la société civile de faire de cette réglementation un instrument efficace pour garantir, dans les faits, des processus décisionnels transparents et équitables.
3. L’Union européenne mène une enquête publique pour recueillir des avis sur le fonctionnement de l’actuel Registre de transparence commun et sur son évolution future en dispositif obligatoire couvrant le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne, comme l’annoncent les lignes directrices du Président Juncker. La contribution de Transparency International à l’enquête publique 
			(3) 
			<a href='http://www.transparencyinternational.eu/wp-content/uploads/2016/05/PublicConsultationTransparencyRegisterMarch-2016_fa2638a1-efcd-4068-971b-bef1c8721fe2.pdf'>www.transparencyinternational.eu/wp-content/uploads/2016/05/PublicConsultationTransparencyRegisterMarch-2016_fa2638a1-efcd-4068-971b-bef1c8721fe2.pdf.</a> contient notamment les recommandations suivantes:
  • la possibilité d’une égalité entre les citoyens, les groupes d’intérêts et les sociétés pour formuler des propositions sur les textes législatifs examinés, grâce à une composition plus équilibrée des groupes d’experts – ce qui implique la fixation d’objectifs clairs pour une composition équilibrée des groupes d'experts de la Commission européenne;
  • l’instauration de l’exigence légale, pour les administrations, de publier les conclusions des processus de consultation, y compris les opinions des participants – ce qui pourrait entraîner la publication des délibérations des groupes d'experts de la Commission européenne;
  • l’ouverture de tous les appels à candidatures pour siéger au sein des groupes consultatifs/d’experts.
4. Pour le Conseil de l'Europe et son Assemblée parlementaire, certaines leçons pourront être tirées des conclusions de l’actuelle évaluation par l’Union européenne des possibilités d’améliorer la prise de décisions éclairée. Il semble donc plus pertinent, au lieu de lancer une étude comparative sur la réglementation des activités des lobbyistes dans les Etats membres du Conseil de l'Europe (ce qui a, en partie, déjà été réalisé dans le cadre du projet de recommandation du Comité des Ministres relatif à la réglementation juridique des activités de lobbying dans le contexte de la prise de décision publique), d’inviter le Comité des Ministres à réaliser une évaluation d’impact de la réglementation du lobbying dans les Etats membres du Conseil de l'Europe. Les conclusions d’une telle analyse permettront d’identifier les mesures complémentaires susceptibles de renforcer la prise de décisions éclairées parallèlement à la création des registres de transparence.

2. Mécanisme de contrôle du Conseil de l’Europe et de l’Assemblée parlementaire

5. Au sein du Conseil de l’Europe, la Direction de l’Audit interne est chargée d’évaluer le mécanisme de gouvernance et, dans ce cadre, de prévenir et de déceler toute fraude ou corruption chez les agents, y compris les cadres. L’arrêté no 1327 du 10 janvier 2011 relatif à la vigilance et à la prévention en matière de fraude et de corruption s’applique à tous les membres du Secrétariat du Conseil de l'Europe, ainsi qu’aux fonctionnaires hors cadre et aux personnes qui ne sont pas des agents du Secrétariat du Conseil de l’Europe mais participent aux activités de l’Organisation 
			(4) 
			Les
juges de la Cour européenne des droits de l’homme, le Commissaire
aux droits de l’homme, les membres de l'Assemblée parlementaire
et du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe,
les membres des Représentations permanentes, les stagiaires, les
experts, les consultants et le personnel des sociétés extérieures., où qu’elles aient lieu. L’arrêté définit les termes «corruption» et «fraude». Il prévoit également la protection des personnes qui, sur la base de soupçons raisonnables, signalent un fait de fraude ou de corruption. Il énonce également des règles spéciales pour la déclaration d’intérêts dans le contexte des achats 
			(5) 
			Arrêté no 1375
du 13 janvier 2016, modifiant l’Arrêté no 1282
du 18 octobre 2007..
6. S’agissant de l’Assemblée parlementaire, elle dispose désormais, avec l’adoption du code de conduite des membres de l’Assemblée parlementaire 
			(6) 
			Résolution 1903 (2012) «Déontologie des membres de l'Assemblée parlementaire:
bonne pratique ou devoir?»., qui énonce diverses règles relatives à l’évitement des conflits d’intérêts et à la promotion de la bonne conduite de ses membres, d’un solide cadre réglementaire. La commission du Règlement prépare actuellement un projet de rapport intitulé «Suivi de la Résolution 1903 (2012): la promotion et le renforcement de la transparence, de la responsabilité et de l’intégrité des membres de l’Assemblée parlementaire» (rapporteur: M. Ian Liddell-Grainger, Royaume-Uni, CE) afin d’évaluer l‘actuel cadre réglementaire du point de vue de l’application des principes de transparence, de responsabilité et d'intégrité qu’il promeut. Il n’appartient certes pas à l’Assemblée d’adopter de nouvelles règles, mais elle peut consolider les règles de conduite applicables à ses membres, et notamment revoir l'enregistrement des cadeaux et avantages similaires que les membres acceptent dans l’exercice de leurs missions en tant que membres de l’Assemblée. Des initiatives pratiques, telles que l’organisation de séminaires d’information, pourraient été menées pour assurer l’application effective de l’actuel cadre réglementaire.
7. Plusieurs instruments sont déjà en place et il ne serait pas difficile d’inviter le Conseil de l'Europe d’adopter des mesures supplémentaires sans prévoir de moyens supplémentaires. A titre de comparaison, comme l’explique longuement le rapport, le dispositif de l’Union européenne pour la transparence et le contrôle comprend la Cour des comptes européenne, l'Office européen de lutte antifraude (OLAF) et le Médiateur. Pour s’acquitter de leurs missions, ces trois institutions sont dotées de budgets individuels. Ainsi, le budget ordinaire de l’OLAF pour 2014 s’élevait à € 57 millions, auquel il convient d’ajouter les budgets spéciaux servant à financer diverses formations de partenaires nationaux 
			(7) 
			Rapport 2014 de l’OLAF,
p. 9.. Le bureau du Médiateur dispose de 10 millions d’euros par an pour mener ses activités 
			(8) 
			Rapport annuel 2015
du Médiateur européen, p. 29., et les frais opérationnels de la Cour des comptes européenne dépassent les 100 millions d’euros par an 
			(9) 
			Comptes
annuels de la Cour des comptes européenne pour l'exercice 2014.. Ces trois institutions de contrôle totalisent ainsi un budget annuel équivalant à plus de la moitié du budget ordinaire du Conseil de l’Europe 
			(10) 
			260 millions
d’euros en 2016.. A ce dispositif, nous pourrions ajouter les frais de fonctionnement du Secrétariat du Registre de transparence commun, dont les effectifs et le budget sont qualifiés d’insuffisants à la lumière des missions ambitieuses qui lui sont conférées.

3. Les acteurs extra-institutionnels

8. Comme l’indique à juste titre le rapport, les institutions de l’Union européenne sont particulièrement visées par différents groupes d’intérêts en raison de plusieurs dossiers importants qu’elles traitent, comme le TTIP, l’Union de l’énergie, le marché unique du numérique, les nouvelles lois de protection des données, etc. Le pouvoir législatif dont dispose l’Union européenne pour mettre en place le marché intérieur affecte tant les consommateurs que les acteurs du monde économique. Le Conseil de l’Europe travaille également avec plusieurs institutions extérieures, mais l’intensité de leur implication est différente et la pression exercée par les lobbyistes n’est généralement pas aussi intense qu’à Bruxelles.

3.1. Type d’acteurs extra-institutionnels intervenant dans les activités du Conseil de l'Europe

3.1.1. Acteurs économiques

9. Même si les droits de l’homme, et non les considérations économiques, constituent la vocation première de l’Organisation, le Conseil de l’Europe traite indirectement de plusieurs questions qui peuvent avoir un impact considérable sur les modèles économiques existants. Ainsi, les recommandations du Comité des Ministres sur la manière de gérer les données à caractère personnel, et notamment la collecte de données en ligne, peut affecter l’industrie de la publicité en ligne, qui pèse plusieurs milliards d’euros. Des recommandations relatives à l’internet, y compris sur le filtrage, le blocage et la suppression de contenus illicites, supposent des obligations supplémentaires et coûteuses pour les fournisseurs d’accès. Les travaux du Conseil de l’Europe sur la bioéthique, qui mettent l’accent sur les droits des personnes, l’identité et la dignité, affectent les secteurs de la recherche biologique et médicale ainsi que les avancées technologiques du domaine de la santé (génétique, transplantation, biobanques, technologies émergentes, nouvelles technologies de modification du génome, etc.), dans lesquelles le secteur privé a consenti des investissements considérables.
10. Les lobbies du monde de l’industrie et du commerce accordent également une certaine attention aux travaux de l’Assemblée. Ainsi, le rapport «Gestion de la pandémie H1N1: nécessité de plus de transparence» 
			(11) 
			Résolution 1749 (2010) et Recommandation
1929 (2010). ou celui sur «Le danger potentiel des champs électromagnétiques et leur effet sur l'environnement» 
			(12) 
			Résolution 1815 (2011). ont fait l’objet de nombreuses observations des lobbyistes de l’industrie pharmaceutique et du monde de l’informatique, respectivement. Etant donné le large éventail de domaines couverts par leur mandat (biodiversité, ressources naturelles, énergie, transports, tourisme, santé, sécurité alimentaire, pollution, catastrophes technologiques, etc.), les membres de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable ont plus de chances d’être contactés par les lobbies de l’industrie et du monde des affaires.

3.1.2. Acteurs non économiques

11. L’Assemblée parlementaire, et pratiquement tous les comités directeurs et organes de suivi du Conseil de l’Europe collaborent, d’une manière ou d’une autre, avec des organisations (internationales) non gouvernementales (O(I)NG). Ces dernières sont souvent qualifiées d’alliés naturels du Conseil de l’Europe, parce qu’elles partagent généralement les valeurs fondamentales et les objectifs généraux de l’Organisation. Dans l’ensemble, les O(I)NG sont envisagées comme des organisations agissant dans l’intérêt du public et qui ne sont financées ni par un Etat, ni par un promoteur unique. Elles constituent des sources d’information, mais peuvent aussi jouer un rôle proactif dans l’élaboration d’un document juridique ou dans la diffusion des normes du Conseil de l’Europe. Ainsi, le processus d’élaboration de la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (STE no 210, «Convention d’Istanbul») a été lancé suite aux initiatives d’ONG qui ont mobilisé plusieurs acteurs du Conseil de l’Europe – et en particulier les représentations permanentes, l’Assemblée parlementaire et le Comité directeur pour les droits de l'homme – pour lancer le processus, et qui sont aujourd’hui très actifs dans le suivi de l’application des dispositions de ce traité.

3.2. Définition de critères et de procédures communs pour la sélection d’O(I)NG partenaires

12. L’actuelle coopération entre les différentes instances du Conseil de l’Europe et les O(I)NG apparaît comme une réussite. Toutefois, la Direction de l'Audit interne du Conseil de l’Europe a récemment formulé quelques recommandations sur la manière d’améliorer l’apport des O(I)NG pour les activités de l’Organisation, et a proposé de définir les procédures communes de sélection des ONG partenaires 
			(13) 
			«Evaluation
de la coopération entre les (I)NGOs et le Conseil de l’Europe dans
l’établissement des normes et de la supervision» (en anglais), Rapport
d’évaluation, 22 avril 2016.: «Afin de garantir durablement la haute valeur ajoutée de la contribution des ONG, le Conseil de l’Europe doit donc optimiser sa sélection des ONG, utiliser avec souplesse les bonnes pratiques de coopération avec celle-ci, et promouvoir leur contribution en facilitant leur accès aux informations et en prenant l’initiative de les contacter.» Le rapport évoque aussi un déséquilibre géographique ainsi que la difficulté de faire participer les organisations de jeunesse au suivi par manque d’informations de part et d’autre.
13. Le choix des ONG dépend du type d’activité menée par chaque instance intergouvernementale du Conseil de l'Europe. Les activités normatives, qui s’efforcent de définir des normes communes, s’appuieraient de préférence sur de grandes ONG internationales capables de présenter des positions consolidées ou de réaliser des analyses comparatives. Les mécanismes de suivi sont plus intéressés par des ONG nationales possédant une connaissance spécifique de leur pays. Dans la sélection d’O(I)NG, les critères de l’Assemblée parlementaire sont comparables à ceux du secteur intergouvernemental et dépendent fortement des rapports en cours d’élaboration. Les échanges de l’Assemblée avec des ONG sont indiqués sur les ordres du jour et les procès-verbaux des commissions sont souvent publiés; les rapports finaux mentionnent généralement les acteurs extérieurs qui ont contribué à leur élaboration.
14. Le Secrétaire Général a récemment proposé de réviser, en consultation avec la conférence des OING, les lignes directrices sur le statut participatif des OING 
			(14) 
			«La
situation de la démocratie, des droits de l'homme et de l'Etat de
droit en Europe», rapport du Secrétaire Général du Conseil de l'Europe,
2015, p. 11. au sein du Conseil de l’Europe, ce qui pourrait offrir une bonne occasion de structurer les relations des ONG avec l’Organisation.

3.3. Accès aux locaux du Conseil de l’Europe pour les acteurs extérieurs à l’institution

15. Au Conseil de l’Europe, il n’existe pas d’équivalent du Registre de transparence commun, sans doute en raison du peu d’activité des lobbyistes professionnels et des méthodes de travail de l’Organisation. Les représentants qui sont invités à assister à des réunions des comités directeurs ou à celles des organes de suivi intergouvernementaux, où ils ont parfois le statut d’observateur, reçoivent un badge temporaire. A l’Assemblée parlementaire, le problème des «représentants de groupes d’intérêts» agissant au nom d’organisations privées ou d’un Etat et cherchant à nouer des contacts avec des membres, au Palais de l’Europe, pendant les sessions a été évoqué dans le contexte du rapport sur la déontologie des membres de l'Assemblée parlementaire. Dans sa Résolution 1903 (2012), l’Assemblée a considéré que des «procédures claires et transparentes» devraient être introduites pour réglementer leur accès à l’Assemblée, et a chargé son Bureau de réviser les règles d'accès au Palais de l'Europe et d'utilisation des locaux. Le Bureau de l’Assemblée devrait être invité à poursuivre, en concertation avec les commissions de l’Assemblée, sa réflexion sur les moyens de garder une trace des contacts que ses membres auraient avec différents interlocuteurs externes, dont les ONG ou d'autres groupes, pendant les parties de session.

4. Adhésion de l’Union européenne au Groupe d'Etats contre la corruption (GRECO)

16. La nécessité d’une plus grande synergie entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe dans le domaine de la lutte contre la corruption a été maintes fois rappelée par le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe et par le Président de l’Assemblée. La participation officielle de l’Union européenne au sein du GRECO est à nouveau à l’ordre du jour depuis l’adoption, par l’Union, du Programme de Stockholm de 2010 et la publication du «Paquet anticorruption» de la Commission européenne, en juin 2011. Le GRECO, dont les statuts prévoyaient dès le départ une telle participation, a salué cette évolution. Par contre, une controverse est née au sein de l’Union avec la Communication de 2012 de la Commission sur la participation au sein du GRECO, dans laquelle la Commission européenne proposait une approche de la participation en deux phases avec tout d’abord l’obtention du statut de «participant à part entière» qui permettrait à l’Union européenne d’intervenir dans l’évaluation de ses Etats membres et/ou candidats, sans toutefois se soumettre elle-même à la procédure d’évaluation du GRECO.
17. Cette question doit être réglée rapidement pour que les deux organisations puissent lancer des discussions concrètes sur le format et le contenu précis d’une telle participation. La participation de l’Union européenne au GRECO permettrait de mieux coordonner les mesures de lutte contre la corruption en Europe et de renforcer l’impact des efforts respectifs de l’Union européenne et du GRECO en la matière. L’Assemblée a déjà prié le Comité des Ministres, en 2013, de poursuivre la consolidation de la coopération avec l’Union européenne, en invitant notamment cette dernière à adhérer à la Convention pénale sur la corruption (STE no 173) et en accélérant la négociation sur la participation de l’Union européenne au sein du GRECO.
18. La détermination de la Commission Juncker à instaurer une représentation plus transparente et plus équilibrée des intérêts 
			(15) 
			<a href='http://europa.eu/rapid/press-release_IP-16-1923_fr.htm'>http://europa.eu/rapid/press-release_IP-16-1923_fr.htm.</a>, améliorer la transparence des processus décisionnels et réduire les conflits d’intérêts offre une excellente occasion de relancer les discussions.

5. Propositions

19. A la lumière de ce qui précède, la commission du Règlement aimerait compléter le projet de résolution et le projet de recommandation soumis par la commission des questions juridiques et des droits de l'homme par les idées suivantes:
  • il conviendrait d’inclure une référence à l’implication des ONG et des médias pour garantir l’exactitude des registres de transparence;
  • la contribution des O(I)NG au sein des organes normatifs et de suivi du Conseil de l'Europe et dans les travaux de l’Assemblée parlementaire devrait être saluée, et un appel à définir des critères et des procédures de sélection afin de permettre la participation la plus variée, représentative et pertinente possible devrait être formulée;
  • l’engagement de l’Assemblée d’examiner comment poursuivre la consolidation du dispositif de protection de l’intégrité de l’Assemblée devrait être mentionné. Le Bureau de l’Assemblée devrait également être invité à mener, en consultation avec les commissions de l’Assemblée, une réflexion sur les possibilités de conserver une trace des contacts des membres avec les différents interlocuteurs extérieurs, y compris des ONG et d’autres groupes, pendant les parties de session, afin de renforcer la transparence;
  • la proposition concernant la réalisation d’études comparatives sur la réglementation des activités des lobbyistes dans les Etats membres du Conseil de l'Europe devrait être remplacée par une demande de procéder à une évaluation de l’impact réglementaire de la réglementation du lobbying dans les Etats membres afin d’identifier les mesures complémentaires susceptibles de renforcer la prise de décision éclairée;
  • le caractère urgent d’une reprise des négociations sur l’adhésion de l’Union européenne à la Convention pénale sur la corruption et sur la participation de l’Union européenne au GRECO afin de contribuer à plus de coordination des politiques de lutte contre la corruption en Europe et de renforcer l’impact des efforts respectifs de l’Union européenne et du GRECO, mérite d’être souligné.