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Rapport | Doc. 14149 | 06 octobre 2016

Promouvoir l'inclusion des Roms et des Gens du voyage

Commission sur l'égalité et la non-discrimination

Rapporteur : M. Tobias ZECH, Allemagne, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 13576 et Doc. 13466, Renvoi 4102 du 26 janvier 2015.

Résumé

Les Roms et les Gens du voyage constituent la plus grande minorité d’Europe. Les membres de ces communautés sont souvent touchés par la pauvreté, et la discrimination et les préjugés affectent tous les aspects de leur vie.

Or, l’exclusion sociale n’est pas une fatalité pour eux. En tant que citoyens européens, ils ont un rôle crucial à jouer dans la société.

L’emploi est un chemin essentiel vers l’inclusion. Les Etats doivent promouvoir activement l’égalité d’accès à l’emploi pour les Roms et les Gens du voyage. Des mesures anti-discrimination efficaces et l’accès égal à l’éducation et la formation sont cruciaux. Les employeurs devraient être soumis à l’obligation d’appliquer des politiques de diversité; il faudrait aussi inclure des critères d’égalité dans les marchés publics et assurer un soutien individualisé aux Roms et aux Gens du voyage dans le cadre de tous les programmes visant à promouvoir leur accès au marché de l’emploi.

Sur le plan général, il est temps de dépasser les stéréotypes et de reconnaître les Roms et les Gens du voyage comme acteurs de leur propre destin. La lutte contre l’antitsiganisme doit faire partie intégrante de tous les efforts visant à promouvoir l’inclusion des Roms et des Gens du voyage, les autorités locales doivent favoriser les bonnes relations au sein de leurs communautés, et il faut promouvoir un sentiment positif concernant l’identité des Roms et des Gens du voyage.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 9 septembre
2016.

(open)
1. D’après les estimations, près de 11 millions de Roms et de Gens du voyage vivraient aujourd’hui en Europe. En moyenne, ils sont touchés de manière disproportionnée par la pauvreté. Mauvaises conditions de vie, accès insuffisant aux soins de santé, revenus faibles, chômage élevé, discrimination dans l’accès à l’éducation: telle est la réalité quotidienne de nombreux Roms et Gens du voyage. Les préjugés, les propos haineux et la défiance qui existe entre ces groupes, la population en général et les pouvoirs publics sont autant de facteurs qui aggravent cette situation et la rendent encore plus difficile à surmonter.
2. Nul ne devrait voir ses perspectives de vie déterminées par son origine ethnique. La prise de conscience du fait que l’intégration des Roms et des Gens du voyage est dans l’intérêt de tous conduit de plus en plus d’Etats à adopter des stratégies en ce sens. Par ailleurs, des initiatives majeures visant à promouvoir l’inclusion des Roms et des Gens du voyage ont été prises ces dernières années par le Conseil de l’Europe, l’Union européenne et d’autres organes régionaux. L’Assemblée parlementaire se félicite à cet égard de la création d’un Institut européen des arts et de la culture roms en vue de promouvoir la compréhension de la culture et de l’histoire riches et variées des Roms et des Gens du voyage et de briser le cercle des préjugés, de l’ignorance, de l’antitsiganisme et de la discrimination.
3. L’accès à l’emploi est un facteur essentiel de l’inclusion sociale. Or, les Roms et les Gens du voyage connaissent des taux de chômage bien plus élevés que le reste de la population. Ils sont souvent davantage touchés par la précarité de l’emploi, moins bien payés et surreprésentés dans le secteur informel. Parmi les obstacles à l’emploi des Roms et des Gens du voyage figurent leur faible niveau de résultats scolaires et de compétences, la discrimination directe et indirecte dont ils font l’objet sur le marché du travail et les stéréotypes qui persistent à leur égard, les considérant comme des bénéficiaires passifs d’aides plutôt que des acteurs de leur propre destin. L’Assemblée est toutefois convaincue que ces barrières peuvent être surmontées et que l’exclusion sociale n’est pas une fatalité pour les Roms et les Gens du voyage.
4. Compte tenu de ce qui précède, l’Assemblée invite les Etats membres du Conseil de l’Europe:
4.1. en vue de l’amélioration des résultats scolaires et des compétences des Roms et des Gens du voyage, à mettre en œuvre les recommandations contenues dans la Résolution 1927 (2013) «Mettre fin à la discrimination contre les enfants roms», et en particulier:
4.1.1. à faire en sorte que tous les enfants roms et de Gens du voyage bénéficient d’un accès effectif à un enseignement préscolaire de qualité;
4.1.2. à mettre fin à la ségrégation scolaire et à créer un environnement inclusif pour ces enfants dans le système éducatif;
4.1.3. à faire en sorte que les brimades et la discrimination ne soient pas tolérées dans le système éducatif;
4.1.4. à inclure dans les programmes visant à améliorer les résultats scolaires des enfants roms et de Gens du voyage, un travail avec les enfants pour prévenir l’absentéisme et l’abandon scolaire, en particulier en ce qui concerne les filles;
4.1.5. à impliquer les parents des enfants concernés dans ces programmes; cela est particulièrement important lorsque les parents ont eux-mêmes un faible niveau d’instruction et/ou ne font guère confiance à un système éducatif qui les a laissés de côté;
4.1.6. à veiller à ce que les travailleurs roms et Gens du voyage non qualifiés et peu qualifiés aient accès à des programmes de retour à l’éducation, de reconversion et de formation professionnelle, et que ceux qui n’ont pas fini leur scolarité obligatoire ne soient pas exclus de ces programmes mais bénéficient au contraire d’un soutien supplémentaire pour y avoir accès;
4.2. en vue de la lutte contre la discrimination à l’égard des Roms et des Gens du voyage dans le domaine de l’emploi:
4.2.1. à veiller à ce qu’il existe des lois efficaces contre la discrimination, prévoyant des procédures de recours accessibles et des moyens simplifiés de prouver la discrimination (tests de discrimination et partage de la charge de la preuve), associées à des sanctions dissuasives à l’égard des employeurs dont il a été établi qu’ils ont agi de manière discriminatoire;
4.2.2. à dispenser une formation sur la lutte contre la discrimination aux membres de toutes les professions juridiques et à mener des campagnes de sensibilisation pour que les employeurs connaissent leurs obligations en la matière;
4.2.3. à mettre en œuvre des mesures de renforcement des capacités pour que les Roms et les Gens du voyage aient un accès effectif aux voies de recours existantes;
4.3. En ce qui concerne la promotion active de l’égalité d’accès à l’emploi pour les Roms et les Gens du voyage:
4.3.1. à imposer aux employeurs publics et privés l’obligation légale de s’assurer de la diversité de leurs équipes et d’en rendre compte, d’encourager les candidatures de groupes sous-représentés et de veiller à ce que leurs pratiques en matière de formation et d’avancement favorisent aussi l’inclusion;
4.3.2. à inclure des critères d’égalité dans les procédures de marchés publics;
4.3.3. à concevoir et mettre en œuvre des programmes visant à accroître l’employabilité immédiate et à long terme des Roms et des Gens du voyage par une aide et un accompagnement individualisés, tenant compte de la personne et du contexte, ainsi qu’à travailler avec les employeurs pour adapter l’offre de main-d’œuvre à la demande;
4.3.4. à faire en sorte que les politiques actives du marché du travail visent plus que la simple réinsertion à court terme au sein des structures de travail, et prévoient des possibilités de formation ou d’acquisition de qualifications qui favoriseront l’intégration des personnes concernées dans le segment primaire du marché du travail; les emplois fournis dans le cadre de ces programmes doivent également être attribués en toute impartialité et être suffisamment bien rémunérés pour contribuer à briser le cercle de la pauvreté;
4.3.5. lors de la mise en place de mesures pour promouvoir le travail indépendant et l’entreprenariat, à veiller à ce qu’une formation adéquate en matière de gestion financière et commerciale soit proposée aux Roms et aux Gens du voyage concernés et à les accompagner tout au long du processus de création d’entreprise ou de régularisation et de formalisation de leur activité.
5. L’Assemblée demande également aux Etats membres:
5.1. d’incorporer des mesures de lutte contre l’antitsiganisme et les préjugés et stéréotypes dans toutes leurs initiatives visant à promouvoir l’inclusion des Roms et des Gens du voyage et de favoriser, au sein de ces groupes, un sentiment d’identité positif et la mise en avant de modèles auxquels les jeunes générations pourront s’identifier;
5.2. d’associer directement les représentants des Roms et des Gens du voyage à toutes les étapes de la conception, de la mise en œuvre et de l’évaluation des politiques, stratégies et programmes visant à promouvoir leur inclusion;
5.3. de veiller à ce que les périodes de financement de ces programmes permettent une planification à moyen et à long termes et d’éviter de les faire dépendre d’un financement de courte durée nécessitant un renouvellement constant;
5.4. d’encourager les pouvoirs locaux à et de leur fournir un soutien financier et substantiel pour participer activement à la promotion de l’inclusion des Roms et des Gens du voyage, par la mise en œuvre de programmes allant dans ce sens et l’établissement d’un dialogue avec les communautés locales de Roms et de Gens du voyage pour établir un climat de confiance et favoriser de bonnes relations entre ces communautés et la société dans son ensemble; à cette fin, il faut également mettre en œuvre une politique de logement appropriée;
5.5. de procéder, dans le respect de la réglementation applicable en matière de protection des données, à la collecte des données nécessaires pour permettre la conception de programmes adaptés de promotion de l’inclusion des Roms et des Gens du voyage et une évaluation fiable de leur impact.
6. Enfin, l’Assemblée invite les parlements nationaux à se mobiliser contre l’antitsiganisme et toutes les formes de racisme et d’intolérance, notamment par la participation à des réseaux tels que l’Alliance parlementaire contre la haine.

B. Exposé des motifs, par M. Tobias Zech, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Selon les estimations, il y aurait aujourd’hui près de 11 millions de Roms et de Gens du voyage 
			(2) 
			Les termes «Roms» et
«Gens du voyage» utilisés au Conseil de l’Europe englobent la grande
diversité des groupes concernés par les travaux du Conseil de l’Europe
dans ce domaine: d’une part, a) les Roms, les Sintés/Manouches,
les Calés/Gitans, les Kaalés, les Romanichels, les Béash/Rudars;
b) les Egyptiens des Balkans (Egyptiens et Ashkali); c) les branches
orientales (Doms, Loms et Abdal); d’autre part, les groupes tels
que les Travellers, les Yéniches et les personnes que l’on désigne
par le terme administratif de «Gens du voyage» ainsi que celles
qui s’auto-identifient comme Tsiganes. (soit à peu près l’équivalent de la population de la Belgique, du Portugal ou de la Grèce) vivant en Europe 
			(3) 
			Estimation moyenne,
chiffres utilisés par le Conseil de l’Europe. Voir les estimations
sur la population rom dans les pays européens, disponibles sur la
page web du Conseil de l’Europe consacrée aux Roms, <a href='http://www.coe.int/roma'>www.coe.int/roma</a>. . En moyenne, ils sont touchés de manière disproportionnée par la pauvreté. L’espérance de vie au sein de ces communautés est de 10 à 15 ans inférieure à celle du reste de la population 
			(4) 
			Bureau
régional de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour l’Europe,
«Improving the health of Roma in the WHO European Region: A new
initiative of the WHO Regional Office for Europe», 2012, p. 2.. Mauvaises conditions de vie, accès insuffisant aux soins de santé, revenus faibles, chômage élevé, discrimination dans l’accès à l’éducation: telle est la réalité quotidienne de nombreux Roms et Gens du voyage. Les préjugés, les propos haineux et la défiance qui existent entre ces groupes, la population en général et les pouvoirs publics viennent aggraver la situation et la rendent plus difficile à surmonter.
2. Relayer constamment cette image d’exclusion sociale constitue néanmoins une arme à double tranchant. Il est certes indispensable de comprendre les violations des droits de l’homme qui touchent de nombreux Roms et Gens du voyage si l’on veut élaborer des politiques efficaces pour y mettre fin, mais il ne faut pas oublier que derrière les moyennes statistiques se cachent des réalités multiples. Par ailleurs, l’image d’une situation défavorisée sur le plan socio-économique alimente les stéréotypes et les préjugés; si la pauvreté est la seule réalité de la vie des Roms et des Gens du voyage perçue par les autres, il se crée alors un terreau favorable au développement du mythe profondément préjudiciable selon lequel les Roms seraient en quelque sorte intrinsèquement inférieurs, «inadaptables», ou enclins à ce qu’on appelle une «migration de la pauvreté».
3. Bon nombre d’éléments permettent de montrer que l’exclusion sociale n’est pas une fatalité pour les Roms et les Gens du voyage. Beaucoup d’entre eux, hommes et femmes, travaillent déjà en tant qu’universitaires, enseignants, médecins, infirmiers, avocats, ingénieurs, journalistes, ainsi que dans le milieu politique, artistique ou sportif, ou sont des acteurs de la société civile. Au cours de ma visite en Hongrie, j’ai eu le plaisir de rencontrer de nombreux représentants roms diplômés de l’enseignement supérieur et menant des carrières fructueuses en tant qu’avocat, policier ou artisan. Ce sont des modèles qui peuvent motiver les jeunes. Certains Roms et Gens du voyage occupent également des postes à responsabilité aux niveaux national et européen, ainsi qu’au sein des Nations Unies. La question n’est donc pas de savoir s’il est possible de briser le cercle de l’exclusion mais plutôt de trouver des moyens pour que toutes les personnes appartenant à ces communautés puissent avoir les mêmes perspectives.
4. La marginalisation persistante de vastes catégories de la population – leur exclusion du marché du travail, le fait qu’ils soient en moins bonne santé, etc. – a un coût immédiat et à long terme pour l’ensemble de la société. Nous avons par conséquent un intérêt commun à régler ces problèmes. La promotion de l’inclusion des Roms et des Gens du voyage ne consiste pas uniquement à mettre un terme aux injustices qui existent de longue date; il s’agit également de construire des sociétés plus fortes et des économies plus résistantes, auxquelles tous participent sur un pied d’égalité sans que leurs perspectives de vie ne soient déterminées par leurs origines ethniques.
5. Depuis plusieurs dizaines d’années maintenant, le Conseil de l’Europe joue un rôle de premier plan dans les campagnes de sensibilisation et les initiatives d’amélioration de la situation des Roms et des Gens du voyage 
			(5) 
			Voir
Forum européen des Roms et des Gens du voyage, textes du Conseil
de l’Europe sur les Roms, Strasbourg, 2014. L’Assemblée a adopté
sa première recommandation relative aux Roms et aux Gens du voyage
en 1969: Recommandation 563 (1969) relative à la situation des Tsiganes et autres nomades
en Europe.. En 2010, un nouvel élan a été donné aux actions européennes dans ce domaine avec l’adoption par le Comité des Ministres de la Déclaration de Strasbourg sur les Roms 
			(6) 
			Déclaration de Strasbourg
sur les Roms, <a href='http://www.depechestsiganes.fr/wp-content/uploads/2011/11/2010_cm_roma_final_fr-1.pdf'>CM(2010)133
final</a>, Strasbourg, 20 octobre 2010., qui a été suivie du Plan d’action thématique sur l’inclusion des Roms et des Gens du voyage (2016-2019) 
			(7) 
			Plan d’action thématique
sur l’intégration des Roms et des Gens du voyage (2016-2019), SG/Inf(2015)38
final, Strasbourg, 2 mars 2016. et, au niveau de l’Union européenne, du Cadre pour les stratégies nationales d’intégration des Roms adopté en 2011 
			(8) 
			«Cadre
de l’UE pour les stratégies nationales d’intégration des Roms»,
COM(2011)173 final, Bruxelles, 5 avril 2011 – adopté en Hongrie
lors de la présidence hongroise du Conseil de l’Union européenne
en 2011.. Par ailleurs, s’appuyant sur les réalisations de la Décennie pour l’intégration des Roms 2005-2015, l’initiative pour l’Intégration des Roms 2020 lancée en juin 2016 entend contribuer à réduire le fossé socio-économique entre la population rom et la population non rom dans les Balkans occidentaux et en Turquie et faire en sorte que les mesures de politique générale comportent des objectifs d’intégration des Roms 
			(9) 
			Voir Conseil de coopération
régionale, «Before accession, countries will need to prove tangible
progress on Roma inclusion», communiqué de presse, 9 juin 2016.
Cette initiative concerne les bénéficiaires de l’Instrument d’aide
de préadhésion de l’Union européenne, IAP II, à savoir l’Albanie,
la Bosnie- Herzégovine, «l’ex-République yougoslave de Macédoine»,
le Kosovo*, le Monténégro, la Serbie et la Turquie. 
			(9) 
			*Toute
référence au Kosovo, que ce soit le territoire, les institutions
ou la population, doit se comprendre en pleine conformité avec la
Résolution 1244 du Conseil de Sécurité des Nations-Unies et sans
préjuger du statut du Kosovo.. La dynamique créée par ces initiatives offre une occasion unique de progrès que les Etats membres se doivent de saisir.

2. But du rapport et questions abordées

6. Le présent rapport examine les moyens de donner une suite concrète aux déclarations relatives à l’égalité et l’inclusion des Roms et des Gens du voyage. Je souhaite également faire connaître et promouvoir ici des exemples de pratiques dont l’efficacité a déjà été prouvée. Bien entendu, la diversité des situations qui se présentent dans les Etats membres est telle que les bonnes pratiques ne peuvent pas toutes être transposées directement d’un contexte à un autre. Cela dit, il est intéressant de comprendre les facteurs qui contribuent à la réussite de ces mesures pour renforcer les efforts déployés ailleurs.
7. Vu la diversité et l’importance des questions en jeu, le présent rapport ne pourra traiter de manière exhaustive tous les aspects de l’inclusion. J’ai choisi de me concentrer en particulier sur l’emploi, puissant outil d’intégration. Je commencerai par examiner la situation des Roms et des Gens du voyage sur le marché du travail et les obstacles qu’ils rencontrent dans l’accès à l’emploi, ainsi que les politiques et programmes qui pourraient être adoptés pour redresser la situation. Je passerai également en revue les facteurs transversaux à prendre en considération pour éviter les écueils habituels et accroître les chances de réussite de l’action menée.
8. Comme n’importe quel autre groupe, les Roms et Gens du voyage et leurs représentants ont des opinions, des attentes et des priorités très différentes. Cela n’est d’ailleurs pas sans poser problème lors de la définition des politiques et des mesures en faveur de leur inclusion, mais les exclure des discussions portant justement sur les moyens de promouvoir celle-ci serait un non-sens. C’est pourquoi j’ai veillé à associer les Roms et les Gens du voyage à la préparation du présent rapport, notamment en rencontrant leurs représentants au cours de mes visites sur le terrain en Hongrie et en Bulgarie en avril 2016, en invitant des représentants des Roms et des Gens du voyage à s’exprimer lors d’auditions de la Sous-commission sur les droits des minorités en septembre 2015 et de l’Alliance parlementaire contre la haine en mai 2016 et en m’appuyant sur des études réalisées par des chercheurs et des organisations de la société civile des communautés roms et des Gens du voyage. Je suis également très reconnaissant d’avoir pu enrichir le contenu du présent rapport grâce à ma rencontre avec le Représentant spécial du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe pour les questions relatives aux Roms à Strasbourg et à ma participation à la 11e réunion du Comité ad hoc d’experts sur les questions relatives aux Roms et aux Gens du voyage (CAHROM) tenue en Bulgarie en avril 2016.

3. L’emploi comme chemin d’accès à l’intégration

9. Notre emploi est un aspect de notre identité et de ce que nous représentons aux yeux des autres. Il fait partie des éléments qui définissent notre rôle dans la société et nous permettent de trouver notre place en son sein. Le fait d’avoir un emploi permet en général d’améliorer nos conditions de vie et les perspectives offertes à nos enfants. En parallèle, travailler crée de nouveaux liens entre les personnes et peut contribuer à la cohésion sociale 
			(10) 
			Voir
«Overview: Moving Jobs Centre Stage» dans le rapport 2013 de la
Banque mondiale sur le développement (World Bank Development Report
2013: Jobs), la Banque mondiale, Washington DC, 2012. Voir également
sur ce point la Recommandation de politique générale no 14
de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI)
sur la lutte contre le racisme et la discrimination raciale dans
le monde du travail, Strasbourg, 2012, CRI(2012)48.. A l’inverse, être exclu du marché du travail peut nuire à l’estime de soi et est souvent associé à un niveau de vie moins élevé. Lorsque certains groupes sont davantage touchés par le chômage, il peut arriver que les autres les considèrent comme des personnes oisives, des parasites ou une charge pour la société. Les tensions s’accentuent alors et la cohésion sociale est menacée 
			(11) 
			Centre européen pour
les droits des Roms (2007), «The Glass Box: Exclusion of Roma from
Employment», Budapest, p. 17; voir aussi František Kostlán et coll., Center for Romani Studies,
«Most Czechs do not consider Roma a natural part of society», Romea.cz,
23 octobre 2013.. En résumé, l’accès à l’emploi est un facteur essentiel de l’intégration sociale.

3.1. La situation des Roms et des Gens du voyage en matière d’emploi

10. Il n’est pas toujours aisé de comparer la situation des Roms et des Gens du voyage dans le secteur de l’emploi et celle des autres membres de la population, ou de la population dans son ensemble, en raison d’un manque de données ventilées par origine ethnique. Cela dit, les études menées en 2011 sur la situation des Roms et des non-Roms sur le marché du travail dans 18 Etats membres du Conseil de l’Europe comptant une importante population rom 
			(12) 
			Etudes
menées en mai-juin 2011 dans des régions dont on sait qu’elles abritent
une importante population rom. Etudes du Programme des Nations Unies
pour le développement (PNUD) de la Banque mondiale et de la Commission européenne
dans cinq Etats membres de l’Union européenne: Bulgarie, Hongrie,
Roumanie, République slovaque et République tchèque, et sept Etats
non membres de l’Union européenne: Albanie, Bosnie-Herzégovine,
Croatie, «l’ex-République yougoslave de Macédoine», Monténégro,
République de Moldova et Serbie, et études de l’Agence des droits fondamentaux
(FRA) de l’Union européenne dans les cinq mêmes Etats membres ainsi
qu’en Espagne, en France (ménages de Gens du voyage), en Grèce,
en Italie, en Pologne et au Portugal. Voir O’Higgins N. (2012),
«Roma and non-Roma in the Labour Market in Central and South-Eastern
Europe», Roma Inclusion Working Papers, Bratislava, PDNU, p. 7-10,
et FRA (2014), Pauvreté et emploi: la situation des Roms dans 11
Etats membres de l’UE. Enquête sur les Roms – Données en bref, Luxembourg,
p. 8-9. ont montré que les taux d’emploi des Roms étaient globalement très inférieurs à ceux des non-Roms vivant dans les mêmes régions et à ceux de la population générale. Les Roms sont souvent davantage touchés par la précarité de l’emploi et surreprésentés dans le secteur informel. Leurs salaires mensuels moyens sont toujours inférieurs à ceux des non-Roms, y compris pour les diplômés de l’enseignement secondaire ou supérieur 
			(13) 
			O’Higgins (2012), p. 22-29
et FRA (2014), p. 11, 16-18 et 29-31.. Il existe toutefois d’importantes disparités entre les Etats 
			(14) 
			Par exemple, dans les
régions étudiées au Portugal, 15 % des Roms seulement ont indiqué
qu’un travail rémunéré était leur principale activité, contre 43 %
des non-Roms; en République slovaque, ces chiffres étaient de 21 %
et 53 % respectivement; en Grèce, en revanche, ils étaient de 39 %
et 40 % respectivement, FRA (2014), p. 16. . Les Gens du voyage connaissent eux aussi des taux de chômage bien plus élevés que le reste de la population 
			(15) 
			Peelo D. et coll. (2008), «Positive Action
for Traveller Employment: Case Studies of Traveller Participation
in Employment and Enterprise Initiatives», Dublin, Equality Authority,
p. 6; Cemlyn S. et coll. (2009),
Inequalities experienced by Gypsy and Traveller Communities: A Review,
Equality and Human Rights Commission, Manchester, p. 38..
11. L’âge et le sexe occupent une place importante dans l’accès à l’emploi. Il peut y avoir d’énormes différences de situation entre les hommes et les femmes roms en la matière 
			(16) 
			Le rapport entre les
taux d’emploi des Roms et des non-Roms était de 0,6 pour les hommes
et 0,3 pour les femmes en République tchèque, et les différences
entre hommes et femmes étaient même plus importantes au Monténégro,
avec un rapport de 0,9 pour les hommes (c’est à dire un taux d’emploi
des hommes roms légèrement inférieur seulement à celui des hommes
non roms) mais seulement de 0,2 pour les femmes. O’Higgins (2012),
p. 23. Voir aussi FRA (2014), p. 24-26., à commencer par le fait que les premiers entrent en général plus tôt dans la vie active 
			(17) 
			Fundación
Secretariado Gitano, «The Roma Population and Labour Market», dans
Tarnovschi D. (sous la dir. de) (2012), Roma from Romania, Bulgaria,
Italy and Spain, Between Social Inclusion and Migration: Comparative
Study, Soros Foundation Romania, Bucarest, p. 36-39. Les Roms de
moins de 24 ans avaient un taux d’activité global de 71,8 % comparé
à 42.3 % pour les non-Roms.. Il existe également des disparités entre les sexes chez les jeunes roms (âgé de 24 ans ou moins) économiquement inactifs: dans ce groupe, plus de 50 % des hommes suivent des études tandis que plus de 70 % des femmes s’occupent du foyer 
			(18) 
			Fundación
Secretariado Gitano, (2012), p. 40.. Globalement – mais à nouveau, il existe d’importantes variations entre les Etats –, les femmes roms présentent une plus grande vulnérabilité sur le plan de l’emploi et rencontrent davantage d’obstacles que les hommes dans l’accès au marché du travail 
			(19) 
			O’Higgins (2012), p. 30..

3.2. Obstacles structurels rencontrés par les Roms et les Gens du voyage

12. Comme l’a noté une étude récente, «[s]ans emploi, ne possédant pas les compétences requises pour faire face à la concurrence et ne bénéficiant pas d’un accès équitable au marché du travail, de nombreux Roms n’ont pas les outils pour réussir et progresser économiquement» 
			(20) 
			Gatti R. et coll. (2016), «Being Fair, Faring
Better: Promoting Equality of Opportunity for Marginalized Roma, Directions
in Development», Banque mondiale, Washington DC, p. 100.. Un certain nombre d’obstacles structurels doivent être surmontés pour redresser la situation.

3.2.1. Education et compétences des Roms et des Gens du voyage

13. Les taux d’inscription des enfants roms et de Gens du voyage à l’école primaire et les aspirations des parents s’agissant de l’éducation de leurs enfants sont similaires à ceux de la population majoritaire. Cependant, les résultats scolaires des Roms et des Gens du voyage sont inférieurs en moyenne et leurs enfants sont beaucoup moins nombreux à terminer leurs études secondaires. Les taux d’alphabétisation sont également inférieurs à la moyenne. De nombreux enfants roms ne bénéficient pas d’un enseignement préscolaire de qualité; ils sont souvent orientés vers des filières spécialisées pour enfants handicapés, dont les programmes sont moins exigeants et offrent en conséquence des perspectives professionnelles restreintes. Il est également fait état de cas de brimades et de discrimination à l’égard des élèves roms et Voyageurs. L’absentéisme et les redoublements, ainsi que l’abandon scolaire précoce, sont plus fréquents chez ces enfants. La ségrégation entre et au sein des établissements est également source d’inégalités 
			(21) 
			Gatti
R. et coll. (2016), p. 53-96.. Je souhaite souligner que la ségrégation n’est pas automatiquement fondée sur l’origine ethnique: les différentes situations régionales et sociales jouent aussi un rôle important à cet égard. Les facteurs susmentionnés ne sont pas tous présents dans la même mesure dans chaque pays ou région, mais chacun tend à réduire la capacité des Roms et des Gens du voyage à participer sur un pied d’égalité dans un marché du travail compétitif et à augmenter la probabilité qu’ils restent confinés à des emplois non qualifiés ou peu qualifiés. L’accès à des emplois bien rémunérés est donc restreint et les chances de trouver un emploi stable en dehors du marché informel limitées 
			(22) 
			O’Higgins (2012), p. 49..
14. Dans les pays à économie dirigée, les Roms peu ou pas qualifiés occupaient souvent des emplois dans l’industrie lourde, emplois dont la demande a chuté après le passage à une économie de marché. Les qualifications ont pris plus d’importance dans la procédure de recrutement et les Roms n’étaient plus suffisamment armés pour faire face à la concurrence sur le marché du travail 
			(23) 
			Centre européen pour
les droits des Roms (2007), p. 16, et sources citées dans ce document.. Au fil des années, les taux d’emploi ont diminué pour tous dans ces pays, mais le rapport entre les taux d’emploi des Roms et des non-Roms s’est aggravé: autrement dit, la baisse du taux d’emploi a été plus marquée chez les Roms que chez les non-Roms. Il se peut également que la crise économique ait aggravé les inégalités existantes 
			(24) 
			O’Higgins (2012), p. 31-32
et sources citées dans ce document..

3.2.2. Discrimination, préjugés et autres obstacles sur le marché du travail

15. Bien que de nombreux Roms cherchent du travail, leur expérience professionnelle limitée et le fait qu’ils aient connu de longues périodes de chômage sont un obstacle à leur employabilité 
			(25) 
			Gatti R. et coll. (2016), p. 100-118.. Une enquête menée en 2007 sur les Roms en âge de travailler dans cinq Etats d’Europe centrale et occidentale a montré que 42 % des personnes interrogées avaient travaillé en continu pendant cinq ans ou plus et 78 % pendant au moins un an. Cela dit, au moment de l’étude, 62 % des personnes interrogées ne travaillaient pas et 34 % étaient au chômage depuis au moins un an. En d’autres termes, bien qu’ayant la capacité et la volonté de conserver durablement leur emploi, les Roms étaient en grande partie touchés par le chômage de longue durée 
			(26) 
			Centre
européen pour les droits des Roms (2007), p. 23-24. Au cours de
ma visite en Hongrie, j’ai également été informé de l’existence
de plaintes pour discrimination à l’encontre de Roms durant la phase
d’embauche; autrement dit, c’est l’accès même à l’emploi qui leur
est refusé..
16. La discrimination à l’égard des Roms et des Gens du voyage est courante chez les employeurs, notamment dans l’accès à l’emploi. Il n’est pas rare que des employeurs refusent de recruter des Roms et des Gens du voyage en raison de leur origine ethnique. Un scénario classique consiste à répondre à ces candidats au téléphone qu’un poste est encore vacant; or lorsque le candidat se présente en personne, on l’informe que le poste vient d’être pourvu. Les pratiques consistant à imposer des exigences démesurées en termes de diplômes pour un travail non qualifié constituent également une forme de discrimination indirecte à l’égard des Roms. La discrimination est quelquefois manifeste, certaines entreprises refusant ouvertement d’employer des Roms et d’autres leur expliquant clairement que leur candidature a été rejetée en raison de leur origine ethnique. Dans certains cas, les services publics pour l’emploi ferment l’œil sur ces pratiques, les approuvant tacitement voire ouvertement. Confrontés à leurs échecs et à ceux de leurs pairs dans leur recherche d’emploi, les Roms sont pris dans un cercle vicieux de découragement et de désengagement, ne considérant plus le marché du travail comme un moyen d’améliorer leur situation 
			(27) 
			Centre
européen pour les droits des Roms (2007), p. 37-42; Cemlyn S. et coll. (2009), p. 40-41; Gatti
R. et coll. (2016), p. 111-114..
17. De manière générale, les Roms ont accès à un nombre limité d’emplois. Les Roms qualifiés sont souvent contraints d’occuper des postes ayant un rapport avec leur communauté. Ainsi, les travailleurs sociaux, enseignants ou journalistes roms diplômés de l’enseignement supérieur sont quasiment toujours amenés à travailler avec des Roms ou sur des questions relatives aux Roms. Dans le commerce ou l’hôtellerie-restauration, certains employeurs semblent délibérément écarter les Roms des tâches qui impliquent un contact direct avec les clients, alors que ces postes pourraient offrir de vraies opportunités aux Roms non qualifiés. Cette «cage de verre» limite les possibilités de progression verticale, horizontale ou dans de nouvelles directions des Roms qui occupent un emploi 
			(28) 
			Centre
européen pour les droits des Roms (2007), p. 24, 44..
18. Les problèmes de logement et les lieux d’implantation des communautés roms et de Gens du voyage influent également sur l’accès à l’emploi. De nombreuses communautés roms marginalisées sont installées dans des régions où le chômage est structurellement élevé et/ou dans des lieux isolés, mal desservis par les transports publics. Pour de nombreux Roms, la ségrégation résidentielle constitue donc un obstacle supplémentaire à l’emploi. Ses effets sont souvent exacerbés par l’absence de réseau social créant des liens vers le marché du travail. Enfin, le manque de moyens financiers est un frein à la création d’entreprise 
			(29) 
			Gatti
R. et coll. (2016), p. 114-116;
FRA (2014) p. 13.. Pour les Gens du voyage, le fait de ne pas avoir d’adresse permanente peut accroître considérablement les difficultés à trouver un emploi ou à exercer une activité indépendante, et les expulsions ne font qu’aggraver la situation. Par ailleurs, les dispositions régissant l’utilisation des sites où vivent les Gens du voyage peuvent les empêcher d’exercer leurs professions traditionnelles, même lorsqu’ils sont propriétaires du terrain sur lequel ils stationnent 
			(30) 
			Cemlyn
S. et coll. (2009), p. 37,
42..

3.3. Mesures spécifiques de promotion de l’accès à l’emploi pour les Roms et les Gens du voyage

19. Comme indiqué précédemment, le fait que d’importants groupes de la population soient exclus du marché du travail est à la fois coûteux et discriminatoire. Promouvoir l’intégration des Roms et des Gens du voyage par un accès équitable à l’emploi est une approche «gagnant-gagnant». J’examinerai ci-après un certain nombre de mesures-phares pouvant être prises à cet effet, en soulignant les écueils à éviter dans leur conception et leur mise en œuvre. Je citerai également en exemple quelques-unes des pratiques visant à améliorer les taux d’emploi des Roms et des Gens du voyage qui m’ont été présentées dans le cadre de mon travail de préparation du présent rapport.

3.3.1. Mesures visant à améliorer le niveau d’instruction et de compétences

20. La réduction des disparités qui existent en termes de niveaux d’instruction est essentielle pour améliorer l’accès des Roms et des Gens du voyage à l’emploi. Les Etats doivent traiter ce problème de manière globale. L’Assemblée a déjà formulé des recommandations détaillées en ce sens, qui sont aujourd’hui plus pertinentes que jamais 
			(31) 
			Résolution 1927 (2013) «Mettre fin à la discrimination contre les enfants roms».
Voir également les recommandations détaillées de la Commission européenne
contre le racisme et l’intolérance et ses Recommandations de politique
générale no 10 Lutter contre le racisme
et la discrimination raciale dans et à travers l’éducation scolaire, Strasbourg,
2007, CRI(2007)6, et no 13 La lutte contre
l’anti-tsiganisme et les discriminations envers les Roms, Strasbourg,
2011, CRI(2011)37.. Néanmoins, je tiens à souligner ici que le développement des tout-petits joue un rôle déterminant dans leurs chances de réussite ultérieure et qu’il est essentiel que tous les enfants roms et de Gens du voyage aient un accès effectif à un enseignement préscolaire de qualité. C’est par conséquent avec grand intérêt que j’ai pris connaissance des mesures adoptées par la Hongrie et notamment du programme Sure Start, qui apporte un soutien aux parents et aux enfants, principalement entre 0 et 3 ans, et contribue à accroître la confiance et à lever les obstacles à l’éducation dès le plus jeune âge. L’abaissement de l’âge obligatoire de scolarisation à l’école maternelle à 3 ans est également une mesure positive, qui doit cependant s’accompagner d’aides supplémentaires pour que les familles aux revenus les plus modestes puissent également se conformer à cette obligation. En revanche, dans une série d’affaires contre différents Etats, la Cour européenne des droits de l’homme a constaté que la ségrégation scolaire était contraire à la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5) 
			(32) 
			Voir notamment D. H. et autres c. République tchèque,
Requête no 57325/00, arrêt du 13 novembre 2007
(Grande Chambre); Sampanis et autres
c. Grèce, Requête no 32526/05,
arrêt du 5 juin 2008; Oršuš et autres
c. Croatie, Requête no 15766/03,
arrêt du 16 mars 2010 (Grande Chambre); Sampani
et autres c. Grèce, Requête no 59608/09,
arrêt du 11 décembre 2012; Horváth et
Kiss c. Hongrie, Requête no 11146/11,
arrêt du 29 janvier 2013; Lavida et autres
c. Grèce, Requête no 7973/10,
arrêt du 28 mai 2013.. Il convient d’y mettre fin et de créer un environnement éducatif ouvert aux enfants roms et de Gens du voyage. De même, les brimades et la discrimination ne doivent pas être tolérées dans le système éducatif. Toutes les mesures précitées peuvent par ailleurs contribuer à réduire l’absentéisme, le redoublement et l’abandon précoce de scolarité, qui sont des causes majeures du faible niveau d’instruction. J’ai pris note avec satisfaction d’autres initiatives efficaces qui m’ont été présentées lors de ma visite en Hongrie, telles que le programme de soutien scolaire Tanoda et le programme Seconde chance dont le but est d’aider les personnes qui ont abandonné leur scolarité à reprendre leurs études par la suite.
21. Il y a lieu de souligner que les parents ont aussi un rôle fondamental à jouer en assurant une présence régulière de leurs enfants en classe dès l’école maternelle et jusqu’à la fin de la scolarité obligatoire. Il est essentiel que les programmes qui visent à améliorer le niveau d’instruction des enfants roms et Voyageurs incluent également leurs parents, notamment si ces derniers ont eux-mêmes un faible niveau d’instruction et/ou ne font guère confiance à un système éducatif qui les a laissés de côté. L’approche hongroise selon laquelle l’accès aux prestations sociales est lié à l’exercice des devoirs parentaux (dans les cas d’abandon scolaire) est à mon avis un instrument approprié et est également mis en œuvre dans d’autres Etats membres du Conseil de l’Europe.
22. On notera toutefois que les améliorations – certes louables – intervenues dans la participation des Roms et des Gens du voyage à l’éducation dans un certain nombre d’Etats ces dernières années ne se sont pas systématiquement traduites par une augmentation des taux d’emploi ou de la qualité de l’emploi des Roms et des Gens du voyage. Les raisons de cette situation ne semblent pas encore avoir fait l’objet d’une analyse approfondie 
			(33) 
			O’Higgins (2012), p. 49., mais il apparaît clairement que le levier de l’éducation – bien qu’indispensable – ne suffit pas à lui seul à assurer l’intégration effective des Roms et des Gens du voyage sur le marché du travail.
23. Dans les pays où s’est opérée une transition entre une économie dirigée et une économie de marché, l’insuffisance des investissements publics dans la reconversion des travailleurs roms non qualifiés ou peu qualifiés peut expliquer en partie que ceux-ci connaissent une situation de chômage de longue durée 
			(34) 
			Centre européen pour
les droits des Roms (2007), p. 16.. Par conséquent, il est essentiel de proposer des formations professionnelles aux adultes et des possibilités de reprendre et de terminer ses études secondaires après l’âge de la scolarité obligatoire. Les formations pour adultes ne devraient pas être limitées aux personnes qui ont fini leurs études secondaires car cela exclurait de nombreux Roms 
			(35) 
			Gatti R. et coll. (2016), p. 108.. Un appui supplémentaire est nécessaire pour rendre l’éducation et la formation accessibles à tous, y compris aux Roms et aux Gens du voyage.

3.3.2. Mesures visant à créer un marché du travail plus propice à l’intégration

24. Les lois anti-discrimination sont une pièce maîtresse de l’arsenal de lutte contre la discrimination à l’égard des Roms et des Gens du voyage dans le domaine de l’emploi. Cependant, pour avoir un maximum d’impact et apporter aux victimes des recours effectifs, ces lois doivent prévoir des procédures accessibles et des moyens simplifiés de prouver la discrimination (tests de discrimination et partage de la charge de la preuve), associées à des sanctions dissuasives contre les employeurs dont il a été établi qu’ils ont agi de manière discriminatoire. Un renforcement des capacités est également nécessaire pour que les Roms et les Gens du voyage aient un accès effectif aux voies de recours existantes 
			(36) 
			Voir également à ce
propos la Résolution
2054 (2015) sur l’égalité et la non-discrimination dans l’accès
à la justice..
25. Cela dit, les obligations légales en matière d’égalité de traitement ne suffisent pas à assurer l’égalité des chances lorsque les groupes concernés se trouvent dans des situations radicalement différentes – et c’est le cas des Roms et des Gens du voyage: il est clair que pour ceux qui commencent avec un sérieux handicap, la compétition ne se fait pas à armes égales. Des mesures positives s’imposent alors si l’on veut promouvoir activement leur intégration. La solution doit venir en partie des employeurs et il appartient aux gouvernements d’agir pour qu’il en soit ainsi. Il pourrait être envisagé par exemple d’imposer aux employeurs publics et privés, à partir d’un seuil d’effectif donné, une obligation positive de s’assurer de la diversité de leurs équipes et d’en rendre compte, d’encourager les candidatures de groupes sous-représentés et de veiller à ce que leurs pratiques en matière de formation et d’avancement favorisent l’inclusion 
			(37) 
			Le
système en place en Irlande du Nord, qui repose sur un décret de
1998 relatif au travail équitable et à l’égalité de traitement (Irlande
du Nord) a été cité en tant qu’exemple positif dans ce domaine.. De telles mesures encouragent la diversité au travail sous toutes ses formes et peuvent être bénéfiques à tous les groupes sous-représentés, y compris les Roms et les Gens du voyage. L’intégration de critères d’égalité dans les procédures de marchés publics est également un puissant outil de promotion de l’égalité dans l’emploi.
26. Les gouvernements peuvent également prendre des mesures spécifiques pour stimuler la création d’emplois et faciliter ainsi l’accès à l’emploi, comme cela est le cas en Hongrie et en Allemagne. A condition d’être adaptées aux populations auxquelles elles s’adressent, les politiques actives du marché du travail peuvent être des instruments utiles de ce point de vue. Des mesures comme les programmes publics d’emploi 
			(38) 
			Ces programmes s’accompagnent
le plus souvent de la création directe d’emplois dans le secteur
public ou à but non lucratif, en général au service de la société.
Cette création d’emplois entend compenser un manque d’emplois dans
le secteur privé et se veut un complément plutôt qu’un substitut
aux emplois existants. peuvent également être intéressantes dans des pays où les populations roms et de Gens du voyage sont concentrées dans des régions frappées par la récession, car elles peuvent contribuer au développement économique de ces régions. Elles peuvent également permettre une réinsertion de courte durée dans des structures de travail ou apporter une solution temporaire au chômage. Cela dit, des études montrent que dans des économies de marché ou en transition, ces programmes n’ont que peu d’effet direct sur l’intégration au marché du travail de leurs bénéficiaires, qui sont très peu nombreux à trouver un emploi régulier par la suite 
			(39) 
			Auer P. et coll. (2008), «Active labour
market policies around the world: Coping with the consequences of globalization»
(2e éd.), Bureau international du travail,
Genève, p. 45-49 et sources citées dans ce document.. Comme l’a affirmé la Commission européenne, «au lieu de créer une passerelle vers le marché du travail ouvert, [ces programmes] ont eu un effet de verrouillage maintenant les participants dans des emplois de faible qualité et à bas revenus qui ne permettent pas de sortir de la pauvreté» 
			(40) 
			Commission
européenne, «Evaluation de la mise en œuvre du cadre de l’UE pour
les stratégies nationales d’intégration des Roms et de la recommandation
du Conseil relative à des mesures efficaces d’intégration des Roms
dans les Etats membres – 2016», COM(2016)424, 27 juin 2016, p. 11.. Pour devenir générateurs de bénéfices à long terme, les programmes publics d’emploi doivent donner à ceux qui y participent la possibilité de suivre une formation complémentaire ou d’obtenir des qualifications qui favoriseront leur insertion dans le segment primaire du marché du travail 
			(41) 
			FRA
(2014), p. 12.. Voilà le message fort qui m’a été adressé par les Roms que j’ai rencontrés en Hongrie et qui avaient participé à de tels programmes. Ils ont également souligné l’importance de veiller à ce que les missions s’inscrivant dans le cadre de ces programmes soient attribuées de manière équitable et suffisamment rémunérées pour permettre d’améliorer la situation des familles concernées.
27. Parmi les exemples réussis de promotion de l’emploi des Roms, on peut mentionner le programme Acceder, mis en œuvre depuis 2000 en Espagne par la Fundación Secretariado Gitano (organisation non gouvernementale (ONG) avec des membres roms et non roms) avec un soutien financier important du Fonds social européen. Partant du principe que l’intégration au marché du travail est la clé de l’intégration sociale, il se concentre sur l’amélioration de l’employabilité des Roms par un renforcement de leurs compétences de base et de leurs qualifications professionnelles. Ceux qui y participent bénéficient d’un soutien et d’un accompagnement personnalisés, adaptés à leurs besoins et au contexte. Il est organisé en étroite coopération avec les employeurs pour faire correspondre l’offre de main-d’œuvre à la demande. Depuis son lancement, il a conduit à la signature de près de 58 000 contrats d’engagement, dont 53 % pour des femmes, et permis à plus de 22 000 personnes de trouver du travail. En 2009, il a été complété par un deuxième volet: Promociona, un programme de tutorat et d’orientation scolaire qui a permis à un nombre croissant de jeunes Roms, garçons et filles, de terminer leur scolarité secondaire obligatoire et d’obtenir leur diplôme 
			(42) 
			D’après les statistiques
nationales, en Espagne, 64 % des Roms abandonnent leurs études.
Parmi les participants au programme Promociona,
plus de 94 % terminent leur scolarité obligatoire dans l’enseignement
secondaire et obtiennent leur diplôme.. Une autre initiative, en place depuis 2013, est le projet Aprender trabajando qui propose un enseignement théorique et une expérience professionnelle concrète aux jeunes de 18 à 30 ans. Des campagnes de sensibilisation ont été menées en parallèle pour inciter les Roms à participer à ces programmes.
28. Parmi les facteurs ayant pu contribuer au succès des programmes précités en Espagne, il convient de mentionner le financement sur sept ans, qui permet une planification à plus long terme, ainsi que l’accent mis sur des objectifs et des résultats mesurables, pouvant être comparés à ceux du reste de la population. Mis en œuvre à l’origine dans 30 villes espagnoles, le programme Acceder a depuis été étendu à près de 50 villes et a également été lancé en Roumanie (en 2008) et en Italie (en 2014) 
			(43) 
			Voir
notamment Fundación Secretariado Gitano, «15 years of Acceder: Promoting
Roma social inclusion», Madrid, 2015; voir également la description
de la stratégie nationale de l’Espagne pour l’intégration des Roms
fournie par la Commission européenne: <a href='http://ec.europa.eu/justice/discrimination/roma-integration/spain/national-strategy/national_en.htm'>http://ec.europa.eu/justice/discrimination/roma-integration/spain/national-strategy/national_en.htm</a>.. Le modèle «Fit to job» appliqué dans plusieurs Länder allemands repose également sur une approche individualisée incluant une orientation et une formation professionnelles, un travail avec les familles et les services pour l’emploi, et a été cité comme pratique prometteuse par la Commission européenne 
			(44) 
			Commission
européenne, Progress made by EU Member States in Roma integration:
Fact sheet, juin 2016, p. 3..
29. Les mesures de promotion du travail indépendant ou de l’entreprenariat sont également à mentionner. On a notamment salué l’intérêt pour les Roms du programme visant à promouvoir les activités indépendantes et la régularisation des entreprises mis en œuvre dans «l’ex-République yougoslave de Macédoine» avec des premiers résultats encourageants. En effet, il permet de sortir de la situation actuelle caractérisée par une proportion anormalement élevée de Roms dans l’économie informelle de ce pays 
			(45) 
			O’Higgins
N. (2013), «Roma and Employment in the former Yugoslav Republic
of Macedonia», PDNU, p. 48-49.. Comme cela a été noté précédemment, l’exclusion financière peut toutefois constituer un frein à la création d’entreprises par les Roms et les Gens du voyage. Démarrer sa propre entreprise pouvant se révéler être un exercice très intimidant, des aides un accompagnement devraient être prévus tout au long du processus 
			(46) 
			Peelo D. et coll. (2008), p. 66.. Il conviendra également de faciliter et d’accompagner l’accès aux programmes de microcrédit, par exemple en assurant une formation dans le domaine des finances et de la gestion d’entreprise 
			(47) 
			Banque mondiale (2012),
«Reducing vulnerability and promoting self-employment of Roma in
eastern Europe through financial inclusion», p. 10-12..

4. Facteurs transversaux

30. Lors de ma visite en Hongrie, plusieurs ONG internationales ont attiré mon attention sur le fait que les stratégies de promotion de l’inclusion des Roms et des Gens du voyage uniquement axées sur la réduction de la pauvreté omettent de tenir compte du racisme qui est au cœur de la discrimination à laquelle ils restent confrontés. Comme l’ont fait ressortir clairement Soraya Post, députée européenne, et Martin Collins du Pavee Point Traveller and Roma Centre (Irlande) lors de l’audition sur l’antitsiganisme organisée par l’Alliance parlementaire contre la haine à Stockholm en mai 2016, l’antitsiganisme est présent dans tous les domaines de la vie, que ce soit dans le discours politique ou les appels à la violence à l’égard de la communauté rom sur les réseaux sociaux, le logement ou certaines décisions judiciaires. Si l’on occulte l’antitsiganisme et la discrimination directe ou indirecte des Roms et des Gens du voyage, les mesures prises pour promouvoir leur inclusion resteront vides de sens et n’auront aucune efficacité. Les effets négatifs de l’antitsiganisme sur les perspectives d’emploi des Roms et des Gens du voyage sont évidents et ont été constatés dans toutes les études précitées. Par conséquent, la lutte contre l’antitsiganisme doit faire partie intégrante des efforts de promotion de l’inclusion des Roms et des Gens du voyage sur le marché du travail. Bon nombre de stratégies nationales d’intégration des Roms ne portent pas une attention suffisante à cet aspect, ce qu’il conviendra de corriger au moment de modifier les stratégies existantes ou d’en concevoir de nouvelles 
			(48) 
			Cour
des comptes européenne (2016), «Rapport spécial: Initiatives et
soutien financier de l’UE en faveur de l’intégration des Roms: malgré
des progrès notables ces dix dernières années, des efforts supplémentaires
restent nécessaires sur le terrain», Luxembourg, paragraphes IV
et 52, recommandation 1(b)..
31. Cependant, l’inclusion des Roms et des Gens du voyage ne se limite pas à la lutte contre la discrimination à leur égard: il s’agit également d’assurer leur participation effective. L’une des principales critiques formulées par les représentants des Roms et des Gens du voyage au sujet des politiques, stratégies et programmes déjà mis en œuvre aux niveaux local, régional et national pour promouvoir leur inclusion est qu’ils sont fréquemment conçus, mis en œuvre et évalués sans une participation et une contribution suffisantes de leurs communautés. Dans ce cas, les mesures adoptées reposent souvent sur des hypothèses qui ne prennent pas en considération ou ne correspondent pas à la réalité de ce qu’ils vivent. Pour promouvoir leur participation effective aux processus de décision et d’élaboration des politiques, il faut que les Roms et les Gens du voyage cessent d’être traités comme des bénéficiaires passifs d’une aide extérieure pour devenir acteurs de leur propre destin, tout en assumant cette responsabilité. En participant ainsi à l’élaboration des politiques et mesures qui les concernent, ils pourront influer directement sur la capacité de celles-ci à améliorer leur quotidien. Ils bénéficieront également de possibilités d’interaction et d’échanges qui permettront de balayer les stéréotypes et les préjugés et de remédier au manque de confiance réciproque, qui constitue pour les Roms l’un des plus grands obstacles à l’égalité.
32. Par ailleurs, pour garantir des résultats à long terme, les mesures adoptées doivent s’inscrire dans la durée. Il existe une multitude d’exemples d’initiatives réussies au niveau local grâce à l’engagement des collectivités locales et d’ONG ou ayant remporté un succès à court terme, mais des vides sont encore à combler pour faire en sorte que les mesures mises en œuvre produisent des effets bénéfiques durables pour les Roms et les Gens du voyage. Qui plus est, même les programmes et projets manifestement efficaces seront compromis s’ils dépendent de financements de courte durée nécessitant un renouvellement constant 
			(49) 
			Ibid., paragraphes 114-115, Encadré 13.. La période de financement du programme Acceder présenté ci-dessus s’étend sur sept années et constitue de ce point de vue une bonne pratique car elle permet une planification à moyen et à long termes: une telle mesure peut et doit être reproduite. Dans le même ordre d’idées, je tiens à attirer l’attention sur la stratégie ambitieuse d’inclusion des Roms présentée à l’Alliance parlementaire contre la haine par le ministre suédois de la Culture et de la Démocratie à Stockholm en mai 2016. Cette initiative des autorités suédoises entend faire en sorte que tous les Roms nés en 2012, date de son lancement, disposent d’ici 2032 des mêmes perspectives de vie que toutes les autres personnes nées en Suède. En prenant cet engagement sur 20 ans à améliorer la situation des Roms, les autorités suédoises se sont créé une formidable occasion d’assurer la planification à long terme et la continuité de leurs actions.
33. La dimension de genre doit également être prise en considération dans les stratégies de promotion de l’inclusion des Roms et des Gens du voyage, en particulier dans les communautés où la répartition traditionnelle des rôles entre les femmes et les hommes est encore prédominante. Comme l’a souligné Cerasela Bănică du Centre pour la défense des droits de l’homme (CADO), Roumanie, lors de l’audition tenue par la Sous-commission sur les droits des minorités en septembre 2015, si cet aspect est occulté, le financement de programmes éducatifs, par exemple, risque de n’avoir que peu d’impact sur les filles qui vivent au sein de ces communautés. Les programmes Acceder et Promociona évoqués précédemment ont réussi à obtenir une bonne participation des femmes grâce à des efforts ciblés visant à tenir compte de la dimension de genre.
34. Pour tous les groupes de population, Roms et Gens du voyage y compris, l’échelon local – et notamment les maires – sont le pivot de l’inclusion sociale. En effet, à l’instar des autres minorités, les Roms et les Gens du voyage ne constituent pas un groupe homogène – leur situation est variable d’une région à une autre. D’autre part, ce sont les pouvoirs locaux qui s’occupent de l’intégration des minorités ainsi que de la mise en œuvre d’une grande partie des mesures qui ont un impact direct sur la vie de leurs administrés, et donc également des Roms et des Gens du voyage. Lors de mes visites sur le terrain, j’ai eu le plaisir de rencontrer des représentants roms siégeant en tant qu’élus dans leurs conseils locaux en Bulgarie et dans le nord-est de la Hongrie, ainsi que des membres des instances autonomes de la minorité rom en Hongrie. Mes interlocuteurs m’ont également confirmé le rôle déterminant que peuvent jouer les agents de liaison roms auprès des pouvoirs locaux dans l’instauration d’un climat de confiance et la promotion de bonnes relations entre la population rom d’une localité et les autorités. Une autre initiative qui revêt un intérêt particulier dans le contexte local est le programme ROMACT, un programme commun de la Commission européenne et du Conseil de l’Europe, mis en œuvre par ce dernier et qui vise à renforcer les capacités des pouvoirs locaux à concevoir et mettre en œuvre des politiques et des services publics ouverts à tous, y compris les Roms.
35. Il est notoire que de nombreux pays ont exprimé des réserves ou prévu des dispositions constitutionnelles ou législatives restrictives en matière de collecte de données ethniques, mais le fait est que beaucoup de stratégies et de programmes en faveur de l’inclusion des Roms et des Gens du voyage sont pénalisés par le manque de données disponibles, alors que cela permettrait de les adapter aux besoins de ces groupes et d’évaluer de manière fiable l’impact des mesures prises 
			(50) 
			Ibid.,
paragraphes VI et 116-118, recommandation 8.. La mise en œuvre des recommandations qui ont déjà été formulées au sujet de la collecte de données ethniques (dans le respect de la réglementation applicable en matière de protection des données) contribuerait assurément à pallier ce manque 
			(51) 
			Voir, par exemple,
Simon P. (2007), Statistiques «ethniques»
et protection des données dans les pays du Conseil de l’Europe,
Conseil de l’Europe, Strasbourg..
36. Un autre aspect important qui a souvent été souligné par les représentants des Roms et des Gens du voyage que j’ai rencontrés lors de la préparation du présent rapport est la nécessité de favoriser au sein de leurs communautés un sentiment d’identité positif, afin qu’ils n’aient aucune crainte d’exprimer publiquement leur affiliation ethnique. Sans cela, le pourcentage élevé de Roms et de Gens du voyage qui ne correspondent pas aux stéréotypes négatifs tenaces les associant tous à la spirale sans fin de la pauvreté risquent de manifester une certaine réticence à revendiquer publiquement leur culture et leurs origines ethniques et il n’y aura que peu de modèles de réussite roms auxquels les jeunes générations pourront s’identifier.
37. Dans ce contexte, je tiens à saluer la décision des autorités allemandes de proposer la candidature de Berlin comme siège d’un nouvel Institut européen des arts et de la culture roms. Je suis convaincu que la promotion de la culture et de l’histoire riches et variées des Roms et des Gens du voyage est essentielle pour briser le cercle des préjugés, de l’ignorance, des généralisations et de la stigmatisation qui vont de pair avec l’antitsiganisme et la discrimination.

5. Conclusions

38. Nul ne devrait voir ses perspectives de vie déterminées par son origine ethnique. Les Etats sont de plus en plus conscients que l’intégration des Roms et des Gens du voyage est dans l’intérêt de tous et adoptent des stratégies en ce sens. Des initiatives majeures visant à promouvoir l’inclusion des Roms et des Gens du voyage ont par ailleurs été prises ces dernières années par le Conseil de l’Europe, l’Union européenne et d’autres organes régionaux. Il ne paraît pas exagéré de dire que les chances de progresser dans la lutte contre les inégalités et la promotion de l’inclusion des Roms et des Gens du voyage en Europe n’ont jamais été aussi grandes. La question n’est plus de savoir si cela se fera, mais comment.
39. Un changement durable passe nécessairement par les individus. L’autonomisation est un élément crucial. Les Roms et les Gens du voyage ne doivent pas se considérer ni être considérés comme les simples cibles passives de mesures gouvernementales, mais comme des acteurs de leur propre destin. La réussite des initiatives de promotion de l’inclusion des Roms et des Gens du voyage ne dépend pas uniquement de l’engagement des gouvernements (bien que celui-ci soit indispensable), mais aussi de la capacité des Roms et les Gens du voyage à prendre leur propre avenir en main. Par conséquent, les mesures favorisant l’inclusion des Roms et des Gens du voyage devraient être conçues en concertation avec eux, pour accroître la volonté d’intégration, créer des réseaux, diffuser des exemples positifs et faire en sorte que demain, les jeunes qui grandissent aujourd’hui au sein des communautés rom et des Gens du voyage puissent prendre part à la vie publique, défendre la cause de leur minorité et influer sur son destin.
40. La discrimination à l’égard des Roms et des Gens du voyage existe dans un grand nombre de domaines mais je suis convaincu que l’accès à l’emploi est une voie essentielle vers l’inclusion. L’emploi renforce la confiance en soi des individus et améliore la sécurité financière des familles, tout en contribuant à la cohésion sociale par la création de nouveaux liens entre les personnes et le renversement des stéréotypes persistants qui considèrent les chômeurs de longue durée issus des communautés roms et des Gens du voyage comme des personnes oisives, des parasites ou une charge pour la société.
41. Pour obtenir des résultats durables en la matière, il faut investir dans l’éducation et le renforcement des compétences et prendre des mesures pour éliminer les autres obstacles à la participation des Roms et des Gens du voyage au marché du travail, et notamment la discrimination. Les problèmes et les situations varient d’un Etat et même d’une région à l’autre et il n’existe pas de solution unique qui conviendrait dans tous les cas. Chaque pays doit surmonter ses propres difficultés avec ses propres moyens et méthodes, en s’appuyant sur une analyse détaillée de la situation des Roms et des Gens du voyage sur son territoire et des causes de cette situation. Cela étant, j’espère que le présent rapport contribuera à une meilleure compréhension des principaux facteurs à l’origine des inégalités auxquelles sont confrontés les Roms et les Gens du voyage dans le domaine de l’emploi et donnera davantage de visibilité aux bonnes pratiques mises en œuvre pour favoriser leur inclusion dans ce domaine essentiel de la vie. Tous ont à y gagner: les Roms et les Gens du voyage, mais également la société dans son ensemble.