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Rapport | Doc. 14136 | 22 septembre 2016

Coopération avec la Cour pénale internationale: pour un engagement étendu et concret

Commission des questions juridiques et des droits de l'homme

Rapporteur : M. Alain DESTEXHE, Belgique, ADLE

Origine - Renvoi en commission: Doc. 13888, Renvoi 4159 du 27 novembre 2015. 2016 - Quatrième partie de session

Résumé

La commission des questions juridiques et des droits de l'homme réitère son engagement à lutter contre l’impunité et à soutenir la Cour pénale internationale (CPI), créée par le Statut de Rome de 1998 pour poursuivre les crimes les plus graves préoccupant la communauté internationale: génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre.

Malheureusement, à ce jour, seulement 124 Etats ont ratifié le Statut de Rome, six Etats membres du Conseil de l’Europe ne l’ayant pas encore fait. Plusieurs Etats membres n’ont pas ratifié les «amendements de Kampala», portant sur l’élargissement de la définition des crimes de guerre et sur le crime d’agression. D’autres n’ont transposé dans leur législation nationale ni les obligations concernant la coopération avec la CPI ni les crimes définis dans le Statut de Rome.

La commission s’inquiète du fait que la CPI est accusée de «deux poids, deux mesures», qu’elle ne dispose pas de ressources appropriées pour mener à bien ses actions et que certains Etats africains remettent en cause son existence. Elle invite les Etats membres qui ne l’ont pas fait à ratifier le Statut de Rome et les textes y afférents, à adopter une législation transposant leurs dispositions et à coopérer pleinement avec la Cour.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 6 septembre
2016.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire rappelle ses résolutions antérieures qui appelaient à la ratification du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI ou «la Cour») et à une pleine coopération avec cette dernière, ainsi qu’à la mise en œuvre effective du Statut de Rome, notamment la Résolution 1300 (2002) sur les risques pour l’intégrité du Statut de la Cour pénale internationale, la Résolution 1336 (2003) sur les menaces qui pèsent sur la Cour pénale internationale et la Résolution 1644 (2009) sur la coopération avec la Cour pénale internationale (CPI) et l’universalité de cette instance.
2. L’Assemblée réitère sa ferme volonté de lutter contre l’impunité et de soutenir la CPI, première institution judiciaire indépendante permanente dont la compétence s’étend aux personnes accusées des «crimes les plus graves qui touchent l'ensemble de la communauté internationale»: génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre. L’Assemblée est absolument convaincue qu’il ne saurait y avoir de véritables respect, promotion et protection des droits de l’homme au titre de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5) et de la Déclaration universelle des droits de l’homme dans les situations où règne l’impunité des auteurs des plus graves violations du droit international, qui englobent les violations flagrantes des droits de l’homme équivalentes, par leur degré de gravité, aux crimes contre l’humanité ou au génocide, et des plus graves atteintes au droit international humanitaire équivalentes à des crimes de guerre. De même, l’impunité des auteurs de crime d’agression, qui caractérise tous ceux qui ont perpétré des guerres d’agression après la seconde guerre mondiale, n’est en aucun cas propice à la réalisation de sociétés pacifiques dans lesquelles les droits de l’homme fondamentaux sont respectés.
3. L’Assemblée considère que la ratification universelle du Statut de Rome de la CPI est essentielle pour éviter le renvoi, par le Conseil de sécurité des Nations Unies, de situations à la Cour, car ces décisions risquent souvent de présenter deux poids, deux mesures et un caractère politisé. Elle observe que, depuis son adoption en 1998, le Statut de Rome a été ratifié par 124 Etats dans le monde. Malheureusement, six Etats membres du Conseil de l’Europe (Arménie, Azerbaïdjan, Monaco, Fédération de Russie, Turquie et Ukraine), un Etat observateur du Conseil de l’Europe (les Etats-Unis), un Etat doté du statut d’observateur auprès de l’Assemblée (Israël), et deux Etats dont les parlements jouissent du statut de partenaire pour la démocratie de l’Assemblée (Kirghizistan et Maroc) ne l’ont pas encore ratifié. L’Assemblée se félicite des modifications apportées à la Constitution ukrainienne, qui ont finalement été adoptées par le Parlement ukrainien et permettent la ratification du Statut de Rome. Cela dit, l’Assemblée est préoccupée par le fait que ces modifications n’entreront en vigueur que dans trois ans, et non dès que possible, comme elle l’a recommandé.
4. L’Assemblée se félicite du fait qu’en 2010 les Etats Parties au Statut de Rome ont adopté deux amendements à ce dernier («les amendements de Kampala»): le premier incrimine l’emploi de certaines armes en situation de conflit armé non international, en l’inscrivant dans le champ de la définition des «crimes de guerre» et le deuxième intègre la définition du crime d’agression et les conditions de l’exercice de la compétence de la CPI pour connaître de ce crime. L’Assemblée observe qu’à ce jour près de la moitié des Etats membres du Conseil de l’Europe ont ratifié ces amendements. Parmi les Etats déjà Parties au Statut de Rome, à l’heure actuelle 17 Etats membres du Conseil de l’Europe (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Danemark, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, République de Moldova, Monténégro, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Roumanie, Royaume-Uni et Suède), trois Etats observateurs du Conseil de l’Europe (Canada, Japon et Mexique) et un Etat dont le parlement jouit du statut de partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée (Jordanie) n’ont pas encore ratifié l’amendement de Kampala sur le crime d’agression. De plus, parmi les Etats déjà Parties au Statut de Rome, à ce jour, 17 Etats membres du Conseil de l’Europe (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Danemark, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Islande, Italie, République de Moldova, Monténégro, Pays-Bas, Portugal, Roumanie, Royaume-Uni et Suède), trois Etats observateurs (Canada, Japon et Mexique) et deux Etats dont les parlements jouissent du statut de partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée (Jordanie et la Palestine) n’ont pas encore ratifié l’amendement de Kampala sur les crimes de guerre.
5. L’Assemblée rappelle également l’importance de la ratification de l’Accord sur les privilèges et immunités de la CPI, qui facilite le fonctionnement indépendant de la Cour en octroyant à ses agents le statut juridique de fonctionnaires d’une institution judiciaire internationale, indispensable à la conduite efficace des enquêtes, et invite instamment les Etats qui ne l’ont pas encore fait à ratifier ou à adhérer à ce traité. A l’heure actuelle, parmi les Etats déjà Parties au Statut de Rome, deux Etats membres du Conseil de l’Europe (République de Moldova et Saint-Marin), un Etat observateur (Japon) et un Etat dont le parlement jouit du statut de partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée (Jordanie) n’ont pas adhéré à cet instrument.
6. L’Assemblée rappelle que la CPI repose sur le principe de complémentarité, en exerçant uniquement sa compétence en dernier ressort. C’est la raison pour laquelle les Etats Parties au Statut de Rome devraient adopter une législation nationale pour mettre pleinement en œuvre le Statut, surtout en incorporant les crimes et les principes généraux qui y figurent dans leur système de droit pénal national. L’Assemblée invite instamment les Etats qui ne l’ont pas encore fait à mettre pleinement en œuvre le Statut de Rome. A ce jour, parmi les Etats déjà Parties au Statut de Rome, quatre Etats membres du Conseil de l’Europe (Albanie, Hongrie, Italie et Saint-Marin) et deux Etats dont le parlement jouit du statut de partenaire pour la démocratie de l’Assemblée (Jordanie et la Palestine) n’ont pas pleinement transposé les crimes et principes généraux du droit dans leur système national de droit pénal.
7. L’Assemblée souligne également l’importance de la coopération des Etats avec la CPI pour mener des enquêtes sur des crimes qui relèvent de sa compétence et engager des poursuites, notamment en ce qui concerne l’arrestation et la remise des suspects ou des accusés, la saisie des actifs du crime, la collecte et la conservation des éléments de preuve. A cet égard, l’Assemblée appelle les Etats membres du Conseil de l’Europe qui ne l’ont pas encore fait à mettre en place dans leur législation nationale un mécanisme de coopération efficace avec la CPI, ainsi qu’à conclure des «accords de coopération volontaire» avec la CPI (exécution des peines prononcées dans les arrêts de la CPI, remise en liberté provisoire et définitive, protection et réinstallation des témoins). A ce jour, parmi les Etats déjà Parties au Statut de Rome, cinq Etats membres du Conseil de l’Europe (Albanie, Andorre, Hongrie, République de Moldova et Saint-Marin), un Etat observateur (Mexique) et deux Etats dont le Parlement jouit du statut de partenaire pour la démocratie de l’Assemblée (Jordanie et la Palestine) n’ont pas établi dans leur législation nationale de mécanisme de coopération efficace avec la CPI.
8. L’Assemblée se félicite des travaux de l’Action mondiale des parlementaires, un réseau international non partisan et à but non lucratif de législateurs engagés, qui informe et mobilise les parlementaires de toutes les régions du monde pour promouvoir les droits de l’homme et l’Etat de droit. Grâce à sa campagne en faveur de l’universalité et du caractère effectif du Statut de Rome, elle a contribué à 77 ratifications sur 124 et dispensé une assistance technique à la pleine mise en œuvre du Statut de Rome à plusieurs de ses membres. L’Assemblée souligne également le rôle déterminant joué par la société civile, en particulier la coalition pour la Cour pénale internationale qui rassemble quelque 2 500 ONG issues de plus de 150 pays, à laquelle un hommage appuyé doit être rendu.
9. L’Assemblée constate avec préoccupation que l’intégrité et l’indépendance de la CPI ont été remises en question ces derniers temps par certains Etats membres de l’Union africaine. Elle considère qu’il convient de mettre un terme à toute tentative visant à porter atteinte à l’autorité de la Cour en sa qualité d’institution judiciaire internationale permanente.
10. L’Assemblée invite par conséquent instamment les Etats membres du Conseil de l’Europe, ses Etats observateurs, les Etats observateurs de l’Assemblée et les Etats dont les parlements jouissent du statut de partenaires pour la démocratie de l’Assemblée à réaffirmer leur engagement en faveur de la CPI:
10.1. en signant et ratifiant sans plus tarder le Statut de Rome, les amendements de Kampala et l’Accord sur les privilèges et immunités de la CPI, s’ils ne l’ont pas encore fait;
10.2. en adoptant une législation effective qui transpose le Statut de Rome, notamment en intégrant les crimes et les principes généraux du droit qui sont définis dans leur législation pénale nationale et en établissant des procédures qui permettent une coopération pleine et effective avec la Cour;
10.3. en coopérant pleinement avec la CPI et en lui dispensant une assistance judiciaire conforme aux obligations qui découlent du Statut de Rome, par exemple en désignant un correspondant chargé de la coopération avec la CPI;
10.4. en concluant des accords de coopération avec la Cour pour faciliter les enquêtes et les poursuites relatives aux crimes qui relèvent de sa compétence, ainsi que l’exécution des peines prononcées dans ses arrêts, la protection et la réinstallation des témoins et la remise en liberté provisoire et définitive des personnes;
10.5. en dispensant une entraide judiciaire dans les matières qui relèvent du champ d’application du Statut de Rome;
10.6. en octroyant à la CPI des ressources budgétaires effectives qui lui permettent d’accomplir sa mission de manière indépendante et efficace, tout en respectant l’autonomie dont jouit le Bureau du procureur pour déterminer les situations qui méritent l’ouverture d’une enquête et l’engagement de poursuites dans le cadre du Statut de Rome et en évitant toute ingérence dans son mandat au moyen des politiques budgétaires;
10.7. en organisant la formation des juges, procureurs, avocats, membre des forces de police et des forces armées sur les questions relatives à la mise en œuvre du Statut de Rome;
10.8. en organisant des séminaires et des conférences avec les parlementaires en collaboration avec les réseaux parlementaires comme l’Action mondiale des parlementaires, afin de les sensibiliser et de faire naître une volonté politique, ainsi que pour donner aux parlementaires nationaux et à leur personnel les outils indispensables aux avancées du processus de ratification du Statut de Rome, des amendements de Kampala et de l’Accord sur les privilèges et immunités et à la pleine mise en œuvre de ces traités internationaux;
10.9. en prenant les mesures de sensibilisation qui s’imposent pour que la CPI soit mieux connue du grand public;
10.10. en accordant un soutien politique et financier aux organisations non gouvernementales qui luttent contre l’impunité, en promouvant l’universalité et le caractère effectif du système du Statut de Rome et le respect par les Etats des obligations nées de ce statut, ainsi qu’en dispensant une assistance aux victimes des crimes les plus graves à l’échelle internationale;
10.11. en prenant toute autre mesure visant à protéger l’intégrité et l’indépendance de la CPI, surtout à l’égard de la politique menée par les autres organisations régionales, comme l’Union africaine;
10.12. en versant des contributions financières appréciables au Fonds au profit des victimes, soulignant ainsi que la CPI exerce une justice qui n’est pas seulement répressive, mais également réparatrice.
11. L’Assemblée se félicite du renvoi à la CPI, par le Conseil de sécurité des Nations Unies, de situations comme celles du Darfour (Soudan) ou de la Libye. Elle déplore que les situations de la Syrie et de l’Irak n’aient pas encore été renvoyées au Conseil de sécurité. Elle appelle le Conseil de sécurité des Nations Unies à exercer pleinement ses attributions pour exécuter les décisions et les ordonnances de la Cour et à lui fournir des ressources financières suffisantes pour qu’elle accomplisse sa mission.

B. Exposé des motifs, par M. Alain Destexhe, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. La proposition de résolution «Coopération avec la Cour pénale internationale: pour un engagement étendu et concret» a été renvoyée à la commission des questions juridiques et des droits de l’homme pour rapport le 27 novembre 2015. Lors de sa réunion du 26 janvier 2016, la commission m’a désigné rapporteur. Elle a procédé, le 17 mai 2016 à Rome, à une audition à laquelle ont participé Mme Silvia Alejandra Fernández de Gurmendi, présidente de la Cour pénale internationale (La Haye), et M. David Donat Cattin, secrétaire général d’Action mondiale des parlementaires (New York).
2. La proposition de résolution, qui se réfère à la Résolution 1644 (2009) sur la coopération avec la Cour pénale internationale (CPI) et l’universalité de cette instance, souligne la volonté de l’Assemblée de coopérer avec la Cour pénale internationale (ci-après «CPI» ou «la Cour»). Elle met également en avant ses défaillances, à commencer par l’absence d’avancées sur le plan de la ratification universelle du Statut de Rome et de sa transposition effective en droit interne. Elle attire par ailleurs l’attention sur le fait que le système de la CPI ne dispose pas de police ni de force publique, ce qui entrave son efficacité, sur les propositions visant à rétablir l’immunité des chefs d’Etat, ainsi que sur le manque de coopération d’autres organisations. Selon les auteurs de la proposition, l’Assemblée devrait:
  • procéder à une évaluation de la ratification et de la mise en œuvre de la Résolution 1644 (2009) par les Etats membres du Conseil de l’Europe;
  • sur la base de cette évaluation, formuler des recommandations à l’intention des Etats membres sur les lacunes de leur coopération avec la Cour pénale internationale;
  • formuler des recommandations aux membres afin qu’ils considèrent la Cour pénale internationale comme une juridiction complémentaire et mettent en place les moyens nécessaires au niveau national pour lutter contre l’impunité des crimes sous compétence de la Cour.
3. Il convient de rappeler que le Conseil de l’Europe, et en particulier l’Assemblée et la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), a été l’un des principaux partisans de la création de la CPI. La Commission de Venise a procédé à une analyse extrêmement pertinente des questions constitutionnelles soulevées par la ratification du Statut de Rome de la CPI 
			(2) 
			Commission
de Venise, <a href='http://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-INF%282001%29001-f'>Rapport
sur les questions constitutionnelles soulevées par la ratification
du Statut de Rome instituant la Cour pénale internationale</a>, CDL-INF(2001)1 et <a href='http://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD%282008%29031-f'>Deuxième
Rapport sur les questions constitutionnelles soulevées par la ratification
du Statut de Rome instituant la Cour pénale internationale</a>, CDL-AD(2008)031. («Statut de Rome»). L’Assemblée avait appelé à plusieurs reprises à la création de la CPI (par exemple dans sa Recommandation 1189 (1992) sur la création d'un tribunal international pour juger les crimes de guerre et sa Recommandation 1408 (1999) sur la Cour pénale internationale, et, par la suite, à la ratification du Statut de Rome et à la coopération pleine et entière avec la Cour (Résolution 1300 (2002) sur les risques pour l’intégrité du Statut de la Cour pénale internationale et Résolution 1336 (2003) sur les menaces qui pèsent sur la Cour pénale internationale).
4. Dans sa dernière résolution consacrée à cette question, la Résolution 1644 (2009), l’Assemblée a réaffirmé sa conviction que «la ratification universelle du Statut de Rome et son incorporation effective dans les systèmes internes, ainsi qu’une coopération étroite des Etats Parties et non Parties, sous la forme d’une assistance pratique et judiciaire fournie à la CPI, sont d’une importance capitale pour la lutte contre l’impunité». Elle a invité les Etats membres et observateurs du Conseil de l’Europe et les Etats observateurs auprès de l’Assemblée qui ne l’avaient pas encore fait, à signer et à ratifier sans plus tarder le Statut de Rome et l’Accord sur les privilèges et immunités de la CPI; à adopter une législation nationale effective pour transposer en droit interne le Statut de Rome et à protéger son intégrité. Au moment de l’adoption de cette résolution, huit Etats membres du Conseil de l’Europe (Arménie, Azerbaïdjan, République de Moldova, Monaco, Fédération de Russie, République tchèque, Turquie et Ukraine), un Etat observateur du Conseil de l’Europe (Etats-Unis) et un Etat ayant le statut d’observateur auprès de l’Assemblée (Israël) ne l’avaient pas encore ratifié. L’Assemblée a également recommandé aux Etats membres et observateurs du Conseil de l’Europe et aux Etats observateurs auprès de l’Assemblée de coopérer pleinement avec la CPI, «de donner à leurs autorités judiciaires et répressives les moyens nécessaires à l’exercice de la juridiction première appartenant aux Etats à l’égard des crimes relevant de la compétence de la CPI», de contribuer financièrement à son Fonds au profit des victimes et à incorporer dans leur ordre juridique les normes pertinentes relatives aux droits des victimes.
5. Selon les auteurs de la proposition de résolution précitée, la plupart des recommandations énoncées par la Résolution 1644 (2009) de l’Assemblée n’ont pas été mises en œuvre et doivent être réexaminées. Le présent rapport vise par conséquent à rappeler le caractère et le rôle sans équivalent de la CPI, à examiner les modifications apportées au Statut de Rome depuis 2009, ainsi qu’à dresser le bilan des ratifications et des principales difficultés auxquelles se heurte le fonctionnement de la CPI.
6. Depuis l’adoption de la Résolution 1644 (2009), notre commission n’a pas consacré de nouveaux rapports à cette question; pour autant, elle a eu connaissance des problèmes soulevés dans ses textes antérieurs. Le 23 avril 2013, notre commission a procédé à un échange de vues avec la présidente d’alors de l’Assemblée des Etats Parties au Statut de Rome de la Cour pénale internationale, Mme Tiina Intelmann. Au cours de cette réunion, Mme Intelmann a déclaré que la CPI avait besoin d’un soutien politique et que l’Assemblée était parfaitement à même de le lui dispenser. Elle a appelé les Etats Parties à établir un système national coordonné et intégré de coopération avec la CPI et a demandé à l’Assemblée d’examiner si les crimes prévus par le Statut de Rome figuraient dans les législations nationales.
7. Comme l’a souligné la présidente de la CPI, Mme Fernández de Gurmendi, lors de l’audition organisée par la commission en mai 2016, la CPI connaît à présent une activité judiciaire sans précédent et se doit d’améliorer son efficacité. Il lui faut également relever un certain nombre de défis externes, comme l’absence d’universalité du Statut de Rome, sa transposition en droit interne, l’indispensable renforcement de la coopération des Etats et le soutien politique nécessaire au respect de l’intégrité et de la légitimité de la CPI. L’absence d’universalité du Statut de Rome compromet non seulement l’efficacité de la Cour, mais également sa légitimité et pourrait avoir pour conséquence d’entraîner la mise en place d’une justice sélective. Nous allons à présent examiner ces défis et formuler les recommandations qui s’imposent.

2. La CPI et les faits nouveaux survenus depuis la Résolution 1644 (2009)

2.1. La CPI

8. Bien que la création et la compétence de la CPI aient été présentées en détail dans les précédents rapports de notre commission 
			(3) 
			Voir
notamment le rapport de Mme Herta Däubler-Gmelin
(Allemagne, SOC) sur la coopération avec la Cour pénale internationale
(CPI) et l’universalité de cette instance, Doc. 11722. , il convient néanmoins de rappeler les principales dispositions du Statut de Rome de la CPI.
9. La CPI a été instituée par le Statut de Rome, un traité international négocié sous les auspices des Nations Unies. Le Statut de Rome a été adopté le 17 juillet 1998 par 120 Etats et est entré en vigueur le 1er juillet 2002, après le dépôt du 60e instrument de ratification le 11 avril 2002.
10. La CPI, dont le siège est à La Haye (Pays-Bas), ne fait pas partie du système des Nations Unies; ces dernières dispensent néanmoins une aide importante à la Cour et les deux organisations ont conclu le 4 octobre 2004 un Accord négocié régissant les relations entre la Cour pénale internationale et l’Organisation des Nations Unies. La CPI est la première institution judiciaire indépendante permanente (c’est-à-dire qui n’a pas été créée pour un conflit particulier et qui est indépendante vis-à-vis des Etats, des Nations Unies et de tout autre entité) dont la compétence s’étend aux personnes accusées des «crimes les plus graves qui touchent l'ensemble de la communauté internationale»: génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre (article 5 du Statut de Rome). Le Statut de Rome définit ces crimes (articles 6-8), qui sont imprescriptibles (article 29). La Cour sera également compétente pour connaître du crime d’agression (mentionné à l’article 5.1.d du Statut de Rome) lorsque les conditions adoptées par la Conférence de révision de Kampala (Ouganda) en 2010 seront réunies (voir plus loin). L’article 10 du Statut de Rome précise que son chapitre II (compétence, recevabilité et droit applicable) ne saurait être considéré comme une codification ferme du droit international.
11. Le Statut de Rome (article 6) définit le «génocide» comme «l'un quelconque des actes ci-après commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel: a) meurtre de membres du groupe; b) atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe; c) soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle; d) mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe; e) transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe». La notion de «génocide» a fait son apparition pour la première fois en 1944 à propos de l’holocauste. Bien qu’il soit absent de l’Accord de Londres de 1945 (Accord concernant la poursuite et le châtiment des grands criminels de guerre des Puissances européennes de l'Axe) et du Statut du Tribunal militaire international (TMI), ce terme a été utilisé dans l’acte d’accusation des procès de Nuremberg pour mieux définir les crimes commis par le régime nazi et a finalement été reconnu à l’occasion de l’adoption, par les Nations Unies en 1948, de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, qui distingue cette notion des autres types de crimes fréquemment commis en temps de guerre. La définition donnée par l’article 6 du Statut de Rome fait suite à celle de la Convention des Nations Unies et des statuts du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). Pour ce qui est des éléments constitutifs subjectifs de cette notion, le génocide doit comporter une double intention: l’acte matériel doit être commis de manière intentionnelle, mais surtout avec l’intention particulière de détruire totalement ou partiellement un groupe protégé. Le troisième élément essentiel de la définition du génocide est celui de la notion de «groupe» (national, ethnique, racial ou religieux).
12. L’article 7.1 du Statut de Rome définit le «crime contre l'humanité» comme «l'un quelconque des actes ci-après lorsqu'il est commis dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque»; il énumère ainsi a) le meurtre; b) l’extermination; c) la réduction en esclavage; d) la déportation ou le transfert forcé de population; e) l’emprisonnement ou autre forme de privations graves de liberté physique; f) la torture; g) le viol, l’esclavage sexuel, la prostitution forcée, la grossesse forcée, la stérilisation forcée ou toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable; h) la persécution; i) les disparitions forcées de personnes; j) le crime d’apartheid; ou k) les autres actes inhumains. Cette notion n’a longtemps pas été définie; la charte constitutive du Tribunal militaire international en a donné une définition, qui prévoit que les actes inhumains «commis contre toutes populations civiles» (comme le meurtre, l’extermination, la réduction en esclavage, la déportation ou les autres actes énumérés dans cet instrument juridique) doivent être perpétrés «avant ou pendant la guerre». Elle a été étoffée par les statuts des TPIY et TPIR; alors que le Statut du TPIY limite les crimes contre l’humanité à ceux qui sont «commis au cours d’un conflit armé, de caractère international ou interne» 
			(4) 
			Article
5 du Statut du TPIY, adopté par le Conseil de sécurité des Nations
Unies le 5 mai 1993 par la Résolution 827. , le Statut du TPIR a déjà supprimé cette exigence 
			(5) 
			Article 3 du Statut
du TPIR, adopté par le Conseil de sécurité des Nations Unies le
8 novembre 1994.. Le Statut de Rome a remplacé le lien avec un conflit armé par un nouvel élément: afin d’obtenir la qualification de crime contre l’humanité, les actes en question doivent être commis dans le cadre d’une «attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile» 
			(6) 
			Article 7 du Statut
de Rome.. La définition du Statut de Rome énonce à ce jour la liste la plus étendue d’actes criminels précis susceptibles de constituer des crimes contre l’humanité 
			(7) 
			International Crime
Database, Crimes Against Humanity, <a href='http://www.internationalcrimesdatabase.org/Crimes/CrimesAgainstHumanity'>www.internationalcrimesdatabase.org/Crimes/CrimesAgainstHumanity.</a> et traduit le consensus le plus récent de la communauté internationale sur cette question 
			(8) 
			Margaret de Guzman,
«<a href='http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=1745183'>Crimes
Against Humanity</a>», p. 2, in Research Handbook
on International Criminal Law, sous la direction de Bartram
S. Brown, Editions Edgar Elgar, 2011..
13. L’article 8.2 du Statut de Rome définit les «crimes de guerre» comme les «infractions graves aux Conventions de Genève du 12 août 1949» et énonce une liste d’actes constitutifs de ces crimes au point a), ainsi que «les autres violations graves des lois et coutumes applicables aux conflits armés internationaux dans le cadre établi du droit international», au point b). La définition du Statut de Rome renvoie au droit coutumier et englobe les crimes commis non seulement dans les conflits armés internationaux, mais également dans les conflits armés qui ne présentent pas de caractère international 
			(9) 
			<a href='http://www.internationalcrimesdatabase.org/Crimes/WarCrimes'>www.internationalcrimesdatabase.org/Crimes/WarCrimes.</a>.
14. La CPI est uniquement compétente pour les crimes commis après l’entrée en vigueur du Statut de Rome pour un Etat donné et, en tout état de cause, après le 1er juillet 2002, date de son entrée en vigueur. Toutefois, les Etats qui le ratifient peuvent décider, s’ils le souhaitent, de faire une déclaration auprès du greffier de la CPI dans laquelle ils acceptent la compétence de la Cour pour les crimes commis après le 1er juillet 2002. Cette déclaration peut être faite même si un Etat n’a pas encore décidé de ratifier le Statut de Rome. Les crimes antérieurs qui perdurent, comme les disparitions forcées, relèvent uniquement de la compétence de la Cour s’ils ont eu lieu après l’entrée en vigueur du Statut de Rome dans l’Etat concerné, ce qui confère à la Cour compétence à l’égard du territoire ou du ressortissant concerné. Le Statut de Rome repose sur les principes de territorialité et de compétence personnelle active (article 12.2).
15. Le système de la CPI repose sur le principe de la complémentarité, qui confère aux Etats la capacité d’enquêter sur les crimes précités et d’engager des poursuites à l’encontre de leurs auteurs, la CPI n’exerçant sa compétence qu’en dernier ressort. Les Etats conservent leur compétence première de jugement des génocides, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. La CPI peut uniquement agir lorsque les juridictions nationales n’ont «pas la volonté» ou sont dans «l’incapacité» de mener véritablement à bien l’enquête ou les poursuites (voir l’article 17 du Statut de Rome, «Questions relatives à la recevabilité»). Le fait de protéger une personne contre l’engagement de poursuites à son encontre ou l’absence de moyens permettant l’engagement de poursuites à l’encontre des criminels supposés sont autant de facteurs objectifs que la Cour apprécie lorsqu’elle est amenée à se prononcer sur la recevabilité d’une affaire, dans le cadre d’une procédure qui permet aux Etats de contester la recevabilité de l’affaire devant la CPI.
16. Sa compétence s’applique seulement aux crimes commis sur le territoire d’un Etat Partie ou par l’un de ses ressortissants, sauf si le procureur a été saisi d’une affaire par le Conseil de sécurité des Nations Unies (voir plus loin) ou si un Etat a fait une déclaration par laquelle il accepte la compétence de la Cour 
			(10) 
			CPI, <a href='https://www.icc-cpi.int/iccdocs/PIDS/publications/ICCAtAGlanceFra.pdf'>La
CPI en un coup d'œil</a>.. Cette compétence s’applique également à l’ensemble des personnes, sans distinction fondée sur la qualité officielle (chef d’Etat ou de gouvernement, membre d’un gouvernement ou d’un parlement, élu ou agent public); les immunités ou les dispositions particulières attachées à la qualité officielle d’une personne ne permettent pas à cette dernière d’échapper à la compétence de la CPI (voir l’article 27 du Statut de Rome). Les supérieurs hiérarchiques ou les chefs militaires peuvent être tenus responsables des crimes commis par les personnes placées sous leur commandement et leur contrôle effectifs ou sous leur autorité et leur contrôle effectifs (article 28 du Statut de Rome).
17. Le droit appliqué par la CPI est compatible avec les droits de l’homme internationalement reconnus (article 21 du Statut de Rome) et le Statut de Rome réaffirme les grands principes du droit pénal, comme la non-rétroactivité de la loi, la responsabilité pénale individuelle, les principes non bis in idem (nul ne peut être poursuivi deux fois pour les mêmes faits), nullum crimen, nulla poena sine lege (principe de la légalité de l’infraction et des peines) (articles 20 et 22 à 24). La présomption d’innocence et les droits de l’accusé, notamment le droit à un procès public, impartial et équitable et le droit à ce que sa défense soit assurée, sont consacrés, respectivement, aux articles 66 et 67 du Statut de Rome.
18. Le Statut de Rome énonce les principes généraux et les procédures applicables au fonctionnement de la Cour. Il fixe également les obligations de coopération de ses Etats Parties (Partie IX). Cette coopération est capitale pour l’arrestation des personnes recherchées par la CPI, la fourniture des éléments de preuve utilisés dans le cadre de la procédure, la réinstallation des témoins et l’exécution des peines infligées aux personnes condamnées. La coopération peut également provenir des Etats tiers.
19. La CPI se compose de 18 juges, élus par l’Assemblée des Etats Parties; principal administrateur et corps législatif de la Cour, elle est composée des représentants des Etats Parties au Statut de Rome. La Cour compte quatre organes: la Présidence (le/la président(e) et deux vice-président(e)s), les Chambres (la Section préliminaire, la Section de première instance ou la Section des appels), le Bureau du Procureur et le Greffe.
20. La CPI peut ouvrir une enquête ou engager des poursuites de trois manières distinctes (article 13.a, b et c du Statut de Rome):
a. si un Etat Partie au Statut de Rome renvoie au procureur une situation, sous réserve que la Cour ait compétence à l’égard du territoire ou des ressortissants d’un ou plusieurs Etats Parties (article 12.1) ou des Etats tiers qui ont accepté la compétence de la Cour (article 12.3);
b. si le Conseil de sécurité des Nations Unies demande au procureur d’ouvrir une enquête indépendamment des conditions préalables à l’exercice de la compétence de la Cour prévues à l’article 12 du Statut de Rome (ce qui autorise de jure le Conseil de sécurité à attribuer à la Cour une compétence universelle de principe, étant entendu que le procureur et les juges conservent leur pleine indépendance dans le choix des affaires, dans le cadre du renvoi de la situation à la Cour);
c. sur la propre initiative du procureur (proprio motu), sur la base d’informations communiquées par des sources fiables et avec l’autorisation de la Section préliminaire, sous réserve que la Cour ait compétence à l’égard des territoires ou des ressortissants d’un ou plusieurs Etats Parties (article 12.1 du Statut de Rome) ou des Etats tiers qui ont accepté la compétence de la Cour (article 12.3 du Statut de Rome).
21. Les droits des victimes à être Parties à la procédure devant la CPI (y compris pour déposer en qualité de témoins, sans perdre leur droit d’exposer leur point de vue et de présenter leurs griefs, de bénéficier d’une aide juridictionnelle et d’être représentés par un avocat) et de demander réparation sont pleinement consacrés par le Statut de Rome (en particulier ses articles 68 et 75) et par le Règlement de procédure et de preuve. Une Unité d’aide aux victimes et aux témoins a été mise en place au sein du Greffe en vue d’assurer la protection des témoins et des victimes qui comparaissent devant la Cour. En outre, un Bureau du conseil public pour les victimes a été créé pour assister les victimes et/ou leurs représentants légaux parties à la procédure.
22. Les Etats Parties au Statut de Rome ont également mis en place un Fonds au profit des victimes (article 79 du Statut de Rome), afin de «soutenir et mettre en œuvre les programmes qui visent à réparer les préjudices causés par les génocides, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre» 
			(11) 
			<a href='http://www.trustfundforvictims.org/'>www.trustfundforvictims.org/</a>.. Le Fonds a deux attributions: 1) il exécute l’ordonnance de réparation et met en œuvre les principes énoncés par la Cour, surtout lorsque la personne condamnée ne possède pas d’actifs suffisants pour se conformer à l’ordonnance de réparation et à ses principes; et 2) il dispense une assistance et une aide provisoires aux victimes et à leur famille avant l’achèvement de l’enquête, des poursuites ou du procès dans une situation qui relève de la compétence de la Cour. Le Fonds au profit des victimes est principalement financé par les contributions volontaires des Etats Parties au Statut de Rome, mais il peut également bénéficier d’autres contributions versées par les particuliers, les entreprises, les organisations internationales et d’autres entités, y compris les Etats tiers. La CPI est financée par les Etats Parties, au moyen de quotes-parts obligatoires. Les Nations Unies financent également la Cour, notamment en lien avec les renvois du Conseil de sécurité.
23. L’Accord sur les privilèges et immunités de la Cour (APIC), signé à New York le 9 septembre 2002, est entré en vigueur le 22 juillet 2004. Comme la CPI est une organisation internationale indépendante des Nations Unies, elle ne bénéficie pas des privilèges et immunités que les membres des Nations Unies ont octroyés aux agents et aux biens des Nations Unies. C’est la raison pour laquelle l’APIC est un élément essentiel du système de la CPI, sur lequel repose le statut juridique qui permet aux agents de la Cour de mener leurs enquêtes efficacement, de protéger les victimes, les témoins et les avocats de la défense, ainsi que d’assurer la confidentialité et la sécurité des documents, des éléments et des informations traités par la CPI sur le territoire de ses Etats Parties, en leur qualité de fonctionnaires d’une juridiction internationale.

2.2. Les amendements de Kampala

24. Les Etats Parties au Statut de Rome se sont réunis à Kampala (Ouganda) du 31 mai au 11 juin 2010 dans le cadre de la 1e Conférence de révision du Statut de Rome, qui devait être convoquée sept ans après son entrée en vigueur. La Conférence de révision a adopté de manière consensuelle deux résolutions qui modifient la liste des crimes relevant de la compétence de la Cour.
25. La Résolution 5 de la Conférence de révision a modifié l’article 8.2 du Statut de Rome sur les crimes de guerre. Elle a étendu le champ d’application de cet article, en incriminant l’emploi, en situation de conflit armé non international:
  • de poison ou d’armes empoisonnées;
  • de gaz asphyxiants, toxiques ou similaires, ainsi que de tous liquides, matières ou procédés analogues;
  • de balles qui s’épanouissent ou s’aplatissent facilement dans le corps humain (les balles «dum dum»).
26. Cet amendement, connu également sous le nom de «l’amendement belge», comble une importante lacune du Statut de Rome, qui interdisait jusqu’alors l’emploi de ces armes uniquement dans les conflits internationaux. Il favorise ainsi la protection des civils, qui figure au cœur du droit humanitaire international, et incorpore un principe coutumier en vigueur, qui étend également aux conflits non internationaux l’incrimination de l’utilisation de ces armes. L’amendement entre en vigueur pour les Etats Parties qui l’ont accepté dans un délai d’un an à compter du dépôt de leur instrument de ratification (conformément à l’article 121.5 du Statut de Rome).
27. La Résolution 6 de la Conférence de révision renvoie à l’article 5.2 du Statut de Rome, qui impose de prévoir une définition du crime d’agression, ainsi que la procédure en vertu de laquelle la Cour exercerait sa compétence à l’égard de ce crime. Sur la base de cet amendement, un nouvel article 8bis a été inséré dans le Statut de Rome. En vertu de son paragraphe 1, on entend par «crime d’agression» (que reconnaissait déjà l’article 6 de la charte du Tribunal militaire international) «la planification, la préparation, le lancement ou l’exécution par une personne effectivement en mesure de contrôler ou de diriger l’action politique ou militaire d’un Etat, d’un acte d’agression qui, par sa nature, sa gravité et son ampleur, constitue une violation manifeste de la Charte des Nations Unies». Cet amendement vise par conséquent à amener les dirigeants des Etats qui ont commis des «actes d’agression» à répondre de leurs actes; ces actes d’agression sont définis au paragraphe 2 de l’article 8 bis, comme «l’emploi par un Etat de la force armée contre la souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un autre Etat, ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des Nations Unies.»; cette même disposition énumère, dans sa deuxième phrase, les actes qui, qu’il y ait ou non déclaration de guerre, sont des actes d’agression au regard de la Résolution 3314 (XXIX) de l’Assemblée générale des Nations Unies du 14 décembre 1974 (comme l’invasion ou l’attaque par les forces armées d’un Etat du territoire d’un autre Etat).
28. La CPI peut uniquement exercer sa compétence à l’égard des crimes d’agression dans un délai d’un an à compter du dépôt par 30 Etats Parties de leurs instruments de ratification. L’Assemblée des Etats Parties doit ensuite prendre une décision supplémentaire pour activer la compétence de la Cour; cela ne pourra être fait qu’après le 1er janvier 2017, soit par consensus, soit à la majorité des deux tiers au moins des Etats Parties. La première exigence a été satisfaite le 26 juin 2016, lorsque la Palestine a déposé le 30e instrument de ratification de l’amendement de Kampala. L’Assemblée des Etats Parties peut en conséquence prendre la décision d’activer la compétence de la Cour à compter du 1er janvier 2017.
29. Les Etats Parties prendraient ainsi une mesure importante, car, une fois en vigueur, ces modifications établiront pour la première fois dans l’histoire de l’humanité un régime permanent de responsabilité pénale internationale, qui vise à faire respecter le principe le plus fondamental qui régisse la coexistence pacifique des Etats: l’interdiction des formes les plus graves de recours illégal et agressif à la force. La compétence de la Cour à l’égard du crime d’agression assurera dans une certaine mesure, pour la première fois depuis les procès de Nuremberg et de Tokyo, l’engagement d’une responsabilité pénale à l’échelon international pour ce «crime suprême».
30. Les amendements relatifs au crime d’agression comportent d’importants éléments:
a. aucune compétence à l’égard des Etats qui ne sont pas Parties au Statut de Rome: le paragraphe 5 de l’article 15bis (ajouté par la Résolution 6 de la Conférence de révision) exclut les Etats tiers en leur qualité d’Etats agresseurs et victimes potentiels, sauf en cas de renvoi d’une situation par le Conseil de sécurité;
b. le rôle du Conseil de sécurité des Nations Unies: le Conseil de sécurité n’est pas tenu de se prononcer activement sur l’existence d’un acte d’agression ni d’autoriser l’enquête de la CPI pour que la Cour puisse agir.
31. Le Conseil de sécurité, après avoir été informé par le procureur de son intention d’ouvrir officiellement une enquête, peut constater l’existence d’un acte d’agression. Ce constat est une condition suffisante, mais pas nécessaire, pour que l’enquête soit ouverte. Le procureur doit laisser au Conseil de sécurité un délai de six mois pour constater l’acte d’agression. Mais l’action de la CPI ne dépend pas de celle du Conseil de sécurité, car si ce dernier ne constate pas l’acte d’agression, le procureur peut ouvrir une enquête, sous réserve que les juges de la Section préliminaire lui en donnent l’autorisation.

2.3. Les enquêtes ouvertes devant la CPI

32. Depuis l’entrée en vigueur du Statut de Rome et l’entrée en activité de la Cour, 23 affaires ont été introduites devant la Cour au sujet de 10 situations 
			(12) 
			Pour de plus amples
informations: <a href='https://www.icc-cpi.int/FR_Menus/icc/situations and cases/pages/situations and cases.aspx'>https://www.icc-cpi.int/FR_Menus/icc/situations%20and%20cases/pages/situations%20and%20cases.aspx</a>.. A ce jour, quatre Etats Parties au Statut de Rome ont renvoyé devant la CPI des situations survenues sur leur territoire: l’Ouganda, la République démocratique du Congo, la République centrafricaine 
			(13) 
			Des
enquêtes ont été ouvertes au sujet de deux situations en République
centrafricaine. et le Mali. Le Conseil de sécurité des Nations Unies a renvoyé devant la Cour deux situations qui concernent des Etats tiers: l’une au Darfour (Soudan), au moyen de la Résolution 1593 du Conseil de sécurité des Nations Unies adoptée le 31 mars 2005, et l’autre en Libye, au moyen de la Résolution 1970 du Conseil de sécurité des Nations Unies adoptée le 26 février 2011 (ces deux résolutions ont été adoptées à l’unanimité au titre du chapitre VII de la Charte des Nations Unies, comme l’exige l’article 13.b du Statut de Rome). De plus, la Chambre préliminaire de la CPI a autorisé le procureur à ouvrir une enquête proprio motu dans trois situations, qui concernent le Kenya (au sujet des violences survenues à l’issue des élections entre les mois de décembre 2007 et janvier 2008), la Côte d’Ivoire (un Etat qui à l’époque n’était pas Partie au Statut de Rome, sur la base de son acceptation de la compétence de la Cour au titre de l’article 12.3 du Statut de Rome) et la Géorgie (pour les crimes qui auraient été commis en Géorgie, y compris en Ossétie du Sud, du 1er juillet au 10 octobre 2008).
33. Les procédures qui concernent la plupart de ces situations sont en cours, à l’exception des affaires Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, dans laquelle l’accusé a été condamné à une peine de 14 ans d’emprisonnement, et Le Procureur c. Germain Katanga et Matthieu Ngudjolo Chui, dans laquelle le premier accusé a été condamné à une peine de 12 ans d’emprisonnement et le second a été acquitté. Ces deux affaires concernent des situations survenues en République démocratique du Congo. En outre, la 3e Chambre de première instance a reconnu Jean-Pierre Bemba Gombo coupable de deux crimes contre l’humanité et de trois crimes de guerre commis en République centrafricaine et l’a condamné à une peine de 18 ans d’emprisonnement (la condamnation n’est pas encore définitive). Dans l’affaire Bemba et al., le procès s’est ouvert le 29 septembre 2015; les juges, qui sont actuellement au stade du délibéré, devraient rendre leur verdict en temps utile. Les prévenus sont accusés d’atteintes à l’administration de la justice à propos des dépositions des témoins dans le cadre de l’affaire Le Procureur c. Jean-Pierre Bemba Gombo. Huit prévenus sont actuellement en détention et 13 suspects en fuite 
			(14) 
			<a href='https://www.icc-cpi.int/?ln=fr'>https://www.icc-cpi.int/?ln=fr.</a>.
34. Le Bureau du procureur procède actuellement à l’examen préliminaire d’un certain nombre de situations qui concernent l’Afghanistan, le Burundi, la Colombie, la Guinée, l’Irak/Royaume-Uni, le Nigéria, la Palestine, des navires battant pavillon comorien, grec et cambodgien et l’Ukraine 
			(15) 
			Pour
de plus amples informations: <a href='https://www.icc-cpi.int/Pages/Preliminary-Examinations.aspx?ln=fr'>https://www.icc-cpi.int/Pages/Preliminary-Examinations.aspx?ln=fr.</a>.

3. L’état des ratifications

35. A ce jour 
			(16) 
			Au 20 juillet 2016., 124 Etats ont ratifié le Statut de Rome ou y ont adhéré: 34 Etats africains, 19 Etats de l’Asie-Pacifique, 18 Etats d’Europe orientale, 28 Etats d’Amérique latine et des Caraïbes et 25 Etats d’Europe occidentale et autres Etats 
			(17) 
			<a href='https://treaties.un.org/Pages/ViewDetails.aspx?src=TREATY&mtdsg_no=XVIII-10&chapter=18&clang=_fr'>https://treaties.un.org/Pages/ViewDetails.aspx?src=TREATY&mtdsg_no=XVIII-10&chapter=18&clang=_fr.</a>. Au sein du Conseil de l’Europe, 41 Etats membres sont Parties au Statut de Rome, tandis que six autres Etats ne le sont pas: l’Arménie, l’Azerbaïdjan, Monaco, la Fédération de Russie, la Turquie et l’Ukraine 
			(18) 
			Il convient de noter
qu'entre l'adoption de la Résolution
(2009) 1644 de l'Assemblée et l'année 2016, seuls deux Etats membres
du Conseil de l'Europe ont ratifié le Statut de Rome, à savoir la
République tchèque et la République de Moldova..
36. Quant aux Etats observateurs et aux Etats observateurs auprès de l’Assemblée, seuls le Canada, le Japon et le Mexique sont Parties au Statut de Rome (le Saint-Siège, Israël et les Etats-Unis d’Amérique ne font par conséquent pas partie du système de la CPI). La Jordanie et la Palestine, dont les parlements jouissent du statut de partenaires pour la démocratie auprès de l'Assemblée, ont également ratifié le Statut de Rome (alors que le Kirghizstan et le Maroc l’ont seulement signé).
37. Pour ce qui est de la ratification des amendements de Kampala, 30 Etats ont ratifié l’amendement à l’article 8 qui concerne les crimes de guerre (la majorité d’entre eux sont membres du Conseil de l’Europe: Allemagne, Andorre, Autriche, Belgique, Croatie, Chypre, République tchèque, Espagne, Estonie, Finlande, Géorgie, Lettonie, «l'ex-République yougoslave de Macédoine», Liechtenstein, Lituanie, Luxembourg, Malte, Norvège, Pologne, Saint-Marin, République slovaque, Slovénie et Suisse) 
			(19) 
			<a href='https://treaties.un.org/Pages/ViewDetails.aspx?src=TREATY&mtdsg_no=XVIII-10-a&chapter=18&lang=fr&clang=_fr'>https://treaties.un.org/Pages/ViewDetails.aspx?src=TREATY&mtdsg_no=XVIII-10-a&chapter=18&lang=fr&clang=_fr</a>. et 30 Etats ont ratifié les amendements relatifs au crime d’agression (la majorité d’entre eux sont les Etats membres suivants du Conseil de l’Europe: Allemagne, Andorre, Autriche, Belgique, Croatie, Chypre, Espagne, Estonie, Finlande, Géorgie, Islande, Lettonie, «l'ex-République yougoslave de Macédoine», Liechtenstein, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pologne, Saint-Marin, Républiuque slovaque, Slovénie, Suisse et République tchèque; la Palestine les a également ratifiées) 
			(20) 
			<a href='https://treaties.un.org/Pages/ViewDetails.aspx?src=TREATY&mtdsg_no=XVIII-10-b&chapter=18&lang=fr&clang=_fr'>https://treaties.un.org/Pages/ViewDetails.aspx?src=TREATY&mtdsg_no=XVIII-10-b&chapter=18&lang=fr&clang=_fr</a>..
38. En ce qui concerne l’Accord sur les privilèges et immunités de la CPI, 75 Etats sont parties à cet instrument, parmi lesquels 40 Etats membres du Conseil de l’Europe (dont l’Ukraine, qui n’est pas Partie au Statut de Rome) 
			(21) 
			<a href='https://treaties.un.org/Pages/ViewDetails.aspx?src=TREATY&mtdsg_no=XVIII-13&chapter=18&lang=fr&clang=_fr'>https://treaties.un.org/Pages/ViewDetails.aspx?src=TREATY&mtdsg_no=XVIII-13&chapter=18&lang=fr&clang=_fr</a>.. L’Arménie, l’Azerbaïdjan, Monaco, la République de Moldova, la Fédération de Russie, Saint-Marin et la Turquie n’ont pas adhéré à cet instrument. Le Canada, le Mexique et la Palestine y ont en revanche adhéré.

4. Les défis actuels

39. Depuis l’adoption du Statut de Rome en 1998, nous sommes loin d’être parvenus à la compétence universelle de la CPI. Le reproche de deux poids, deux mesures continue d’être adressé à la Cour, car elle n’a pas le pouvoir d’enquêter proprio motu sur les situations qui surviennent dans les Etats tiers. Toutefois, en pareil cas, l’ouverture d’une enquête peut être déclenchée par décision du Conseil de sécurité des Nations Unies – bien qu’elle soit alors suivie d’une procédure indépendante, menée dans le cadre du monopole exclusif du procureur, sous le contrôle de la Chambre préliminaire – les décisions du Conseil de sécurité ayant un caractère politique, cela risque d’entraîner la «politisation» du rôle de la CPI. Le veto opposé à la proposition de renvoi de la situation en Syrie devant la CPI en mai 2014 en offre un exemple. Comme l’a souligné la présidente Fernández de Gurmendi lors de l’audition de Rome en mai 2016, le Statut de Rome n’impose pas de participation universelle, mais les pouvoirs du Conseil de sécurité des Nations Unies équivalent à une forme de compétence universelle, puisqu’ils sont applicables à n’importe quel Etat dans le monde. Le CSNU est cependant un acteur politique, même s’il est contraint d’appliquer les «pouvoirs spécifiques» que lui confère l’article 24 de la Charte des Nations Unies, et certains de ses membres permanents sont titulaires d’un droit de veto sans être Parties au Statut de Rome. Le seul moyen de parvenir à la compétence universelle de la CPI est par conséquent de promouvoir la ratification universelle du Statut de Rome par l’ensemble des Etats. L’absence d’universalité du Statut de Rome non seulement compromet l’efficacité de la Cour, mais nuit également au sentiment de sa légitimité. L’incapacité d’agir dans toutes les situations qui mériteraient d’attirer l’attention de la CPI fait naître un sentiment de justice sélective.
40. La plupart des Etats membres du Conseil de l’Europe (41) ont ratifié ou adhéré au Statut de Rome; 40 Etats membres ont également adhéré à l’Accord sur les privilèges et immunités de la CPI. Toutefois, six Etats membres et quelques Etats observateurs (dont les Etats-Unis d’Amérique) n’ont pas encore adhéré au Statut de Rome, ce qui, comme nous l’avons indiqué plus haut, pourrait entraîner une application inégale des principes et des normes du droit pénal international et rendre le fonctionnement de cette juridiction inefficace. En outre, près de la moitié (19) des Etats membres du Conseil de l’Europe n’ont pas ratifié les amendements de Kampala sur le crime d’agression. Comme l’a souligné M. Donat Cattin lors de l’audition de Rome, certains Etats membres du Conseil de l’Europe n’ont toujours pas ratifié le Statut de Rome, malgré certains signes positifs des responsables politiques. En Turquie, en 2004, M. Recep Tayyip Erdoğan, qui était alors Premier ministre, s’était engagé à le ratifier, ce qui n’a toujours pas eu lieu, bien que la modification indispensable de la Constitution turque ait été adoptée entre-temps. En Ukraine, la question de l’adhésion au statut de Rome est examinée dans le cadre d’un ensemble plus vaste de réforme de la Constitution; mais le processus d’adhésion risque d’être long en raison de l’incorporation dans les mesures de réforme constitutionnelle sur la justice d’une disposition transitoire, qui aurait pour effet automatique de reporter d’au moins trois ans le début de la procédure de ratification. Cette réforme constitutionnelle a été adoptée par la Verkhovna Rada d’Ukraine au cours du premier semestre 2016 et la suppression de la disposition transitoire liée à l’article 124, qui reporte la possibilité de ratifier le Statut de Rome, ne pourra intervenir qu’un an après son adoption. Toutefois, la nature «transitoire» de cette disposition, qui par définition est réputée expirer au bout d’un certain temps, peut être qualifiée de «sui generis», ce qui permettrait une révision rapide.
41. Pour ce qui est de la ratification du Statut de Rome, les Etats sont confrontés à des difficultés politiques liées aux questions comme la transparence, l’obligation de rendre des comptes, la crainte de l’engagement de poursuites, une actualité politique qui ne donne pas la priorité à cette question ou l’absence de certaines puissances mondiales et régionales parmi les Etats Parties au Statut de Rome 
			(22) 
			#Justiceglobale, <a href='https://ciccglobaljustice.wordpress.com/2015/09/24/universality-and-implementing-the-rome-statute-what-are-the-challenges/'>Universality
and implementing the Rome Statute – What are the challenges?</a>, 24 septembre 2015.. La Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) a recensé certaines difficultés juridiques: la ratification du Statut de Rome peut soulever plusieurs problèmes constitutionnels tels que la levée de l’immunité des chefs d’Etat ou de gouvernement et des personnes qui jouissent d’un «statut officiel», l’extradition des ressortissants nationaux et les condamnations susceptibles d’être prononcées par la CPI (comme les peines d’emprisonnement à perpétuité). D’autres problèmes sont liés à la nécessité d’une coopération avec le Bureau du Procureur ou à l’exercice du droit de grâce. La Commission de Venise a proposé un certain nombre de solutions, notamment: 1) l’insertion dans la Constitution d’une disposition générale qui permette de régler tous les problèmes constitutionnels liés à l’adhésion à la CPI (en évitant de prévoir des exceptions à chaque article concerné); 2) la mise en place et/ou l’application d’une procédure spéciale pour ratifier un traité lorsque certains articles semblent en conflit avec la Constitution; 3) la révision de manière systématique de toutes les dispositions constitutionnelles contraires au Statut de Rome; et 4) l’interprétation de certaines dispositions de la Constitution de manière à éviter tout conflit avec le Statut de Rome 
			(23) 
			Commission
de Venise, <a href='http://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-INF(2001)001-f'>Rapport
sur les questions constitutionnelles soulevées par la ratification
du statut de Rome instituant la Cour pénale internationale</a>, CDL-INF(2001)1, p. 12..
42. Il reste d’autres défis à relever, notamment la mise en œuvre effective du Statut de Rome et la coopération avec la Cour. Pour que leur droit interne définisse clairement les crimes et les peines, et pour permettre le fonctionnement effectif du principe de complémentarité, il importe que les Etats qui ont ratifié le Statut de Rome ou qui y ont adhéré incriminent les actes visés aux articles 5 à 8bis du Statut de Rome dans leur ordre juridique (pénal) national. Bien que l’incorporation de ces crimes dans le système national ne soit pas obligatoire selon une interprétation du Statut de Rome, elle permettrait d’harmoniser les normes du droit pénal et de faciliter à l’échelon national les enquêtes et les poursuites effectives à leur sujet. La création d’un système de compétence internationale repose sur l’idée que l’ouverture des enquêtes sur les crimes internationaux relève de la compétence et de l’autorité premières des Etats. La reconnaissance de ce postulat transparaît dans le principe de complémentarité, qui est mis en œuvre par la Cour au moyen des articles 17 et 53. Pour pouvoir déclarer une affaire recevable, la CPI doit déterminer, dans chaque affaire, quelle est la véritable capacité des Etats à engager des poursuites à l’encontre des auteurs de crimes qui relèvent de sa compétence. L’un des critères essentiels d’appréciation de la capacité d’un Etat à punir un crime précis est son incrimination dans le Code pénal national ou dans d’autres textes de droit pénal. Cette qualification, à laquelle s’ajoute l’incorporation des principes généraux du droit énoncés au chapitre III du Statut de Rome et par le droit coutumier pertinent, est indispensable car la ratification du Statut n’implique pas automatiquement l’applicabilité de ses dispositions en droit interne, sauf disposition contraire de l’ordre juridique national. L’incorporation nationale des crimes et des principes généraux du Statut de Rome représente donc la première mesure qu’un Etat doive prendre pour assurer l’existence du cadre juridique qui lui conférera la capacité d’exercer sa compétence à l’égard de ces crimes et de contribuer à l’objectif global de mettre un terme à l’impunité. En outre, comme la CPI dispose de moyens limités, qui lui permettent uniquement d’exercer sa compétence dans un nombre restreint de situations, son action dans une situation donnée n’interdit pas à l’Etat concerné d’ouvrir une enquête et d’engager des poursuites au sujet des crimes qui font l’objet des enquêtes ou des poursuites en cours de la CPI. En pareil cas, la CPI et les Etats qui collaborent avec elle doivent veiller à ce que l’ensemble des crimes, de leurs auteurs et de leurs victimes soient pris en compte dans une situation donnée. Du fait de la complexité de ce cadre juridictionnel, les pays peuvent, malgré une réelle volonté de ratifier et de mettre en œuvre les dispositions du Statut de Rome, rencontrer de temps en temps des difficultés techniques pour élaborer et adopter les règlements d’application, d’autant que certaines dispositions du Statut de Rome et des ordres juridiques nationaux peuvent se chevaucher 
			(24) 
			No peace without justice,
ICC Ratification and implementation of the Rome Statute, <a href='http://www.npwj.org/ICC/ICC-Ratification-and-Implementation.html'>www.npwj.org/ICC/ICC-Ratification-and-Implementation.html</a>. Mais les Etats membres du Conseil de l’Europe sont parvenus, dans une grande majorité, à remédier à ces problèmes techniques.
43. De plus, comme la Cour ne dispose pas de sa propre police ou d’autres forces de l’ordre ni d’un territoire, la coopération des Etats est indispensable à son bon fonctionnement. Cette coopération peut être soit obligatoire (en vertu des articles 89 à 93 du Statut de Rome) soit volontaire. Elle est obligatoire pour l’arrestation et le transfert des suspects, l’accès aux témoins, la production de documents et le gel et la saisie des actifs et des instruments du crime. Le cas de M. Omar Al Bashir, président du Soudan, accusé d’un certain nombre de chefs de crimes de droit international et recherché par la police sur la base de mandats d’arrêt de la CPI, montre l’importance de la coopération internationale dans l’exécution des mandats d’arrêt 
			(25) 
			Le
11 juillet 2016, la Chambre préliminaire II a pris acte du défaut
d'exécution de la République de l'Ouganda et de la République de
Djibouti de demandes aux fins de l'arrestation et de la remise d'Omar
Al Bashir à la CPI et a décidé de référer cette question à l'Assemblée
des Etats Parties au Statut de Rome et au Conseil de sécurité des
Nations Unies; voir le communiqué de presse du 12 juillet 2016,
CPI, <a href='https://www.icc-cpi.int/Pages/item.aspx?name=PR1231&ln=fr'>Affaire
Al Bashir: la Chambre préliminaire II de la CPI prend acte du défaut
d’exécution de l’Ouganda et de Djibouti et réfère la question à
l’AEP et au Conseil de sécurité des Nations unies</a>. Cette affaire a également eu un certain retentissement
parce que l'Afrique du Sud n'avait pas procédé à l'arrestation de l'intéressé
alors qu'il assistait à un sommet de l'Union africaine en juin 2015.. Les autres formes de coopération internationale ne sont pas strictement imposées par le Statut de Rome, mais sont extrêmement importantes pour permettre à la CPI d’accomplir sa mission. C’est surtout le cas pour l’exécution des peines prononcées dans ses arrêts (car elle dispose uniquement d’un centre de détention situé aux Pays-Bas, réservé aux personnes détenues au cours de la procédure préliminaire, de première instance et/ou d’appel), la réinstallation effective des témoins et victimes ou la remise en liberté provisoire ou définitive d’un suspect/accusé (qui peut n’avoir aucun titre de séjour sur le territoire néerlandais à l’issue de sa libération 
			(26) 
			En l'absence d'un tel
accord, le chef de la milice congolaise Mathieu Ngudjolo Chui a
passé trois ans dans un centre de rétention des demandeurs d'asile
aux Pays-Bas, à la suite de sa remise en liberté par la Cour; #Justiceglobale, <a href='https://ciccglobaljustice.wordpress.com/2015/12/07/ten-ways-states-can-support-the-icc/'>Ten ways
states can support the ICC</a>, 7 décembre 2015.). Pour ce qui est de l’exécution des peines, la présidente Fernandez de Gurmendi a souligné lors de l’audition de Rome que la CPI entrait dans une nouvelle phase et qu’il était désormais indispensable qu’un plus grand nombre d’Etats acceptent d’accueillir les personnes condamnées pour l’exécution de leurs peines d’emprisonnement. Elle s’est aussi inquiétée du fait que, malgré les négociations approfondies menées par la Cour, seuls huit Etats Parties avaient passé un accord sur l’exécution des peines (Autriche, Belgique, Danemark, Finlande, Mali, Royaume-Uni et Serbie; la Norvège depuis le 7 juillet 2016 
			(27) 
			Communiqué de presse
de la CPI du 7 juillet 2016, <a href='https://www.icc-cpi.int/Pages/item.aspx?name=pr1229&ln=fr'>La
CPI et la Norvège concluent un accord sur l’exécution des peines</a>.). La protection des témoins, et notamment leur réinstallation effective, représente une autre question essentielle. Selon la présidente de la CPI, il est indispensable qu’un plus grand nombre d’Etats acceptent d’accueillir des témoins sur leur territoire. Les programmes spéciaux de protection des témoins ne sont pas toujours le seul moyen de garantir cette protection, celle-ci pourrait être assurée également par le simple octroi d’un permis de séjour dans un autre Etat. L’aide aux témoins victimes de crimes et à leurs familles est également dispensée au moyen du Fonds au profit des victimes (article 79 du Statut de Rome), qui est financé par des donateurs privés et publics. Il est également indispensable pour la CPI que davantage d’Etats soient disposés à admettre sur leur territoire les personnes acquittées et les suspects ou les accusés qui bénéficient d’une remise en liberté provisoire. A ce jour, seule la Belgique a signé un accord sur la remise en liberté provisoire.
44. Sans cette coopération des Etats, la CPI se trouverait dans l’incapacité d’exercer pleinement son mandat, ce qui risquerait d’entraîner l’éclatement du système du Statut de Rome. La coopération est indispensable pour garantir l’intégrité de la procédure. Le fait que les Etats tardent à donner suite aux demandes de coopération nuit à l’efficacité de la Cour et accroît ses dépenses. Cela prive également les victimes de la possibilité d’obtenir justice: elles peuvent se trouver dans l’obligation d’attendre indéfiniment que l’auteur des crimes réponde de ses actes et que toute la vérité soit faite, car les procès devant la CPI ne se déroulent pas en l’absence de l’accusé.
45. Comme l’a indiqué M. Donat Cattin et selon la base de données de Parliamentarians for Global Action, 35 Etats membres du Conseil de l’Europe qui sont également Parties au Statut de Rome ont mis en œuvre cet instrument pour respecter pleinement les obligations en matière de complémentarité et de coopération: Allemagne, Autriche, Belgique, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Croatie, Chypre, Danemark, Espagne, Estonie, «l'ex-République yougoslave de Macédoine», Finlande, France, Géorgie, Grèce, Irlande, Islande, Lettonie, Liechtenstein, Lituanie, Luxembourg, Malte, Monténégro, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Roumanie, Royaume-Uni, Serbie, Slovaquie, Slovénie, Suède, Suisse et République tchèque. Par conséquent, six Etats membres du Conseil de l’Europe qui sont également Parties au Statut de Rome n’ont toujours pas adopté la législation nécessaire pour mettre en œuvre pleinement les obligations pertinentes découlant de cet instrument: l’Albanie, la Hongrie et Saint-Marin ne disposent pas de législation pour transposer de manière efficace les dispositions du Statut de Rome sur la coopération et la complémentarité; l’Andorre et la République de Moldova n’ont pas de législation sur les obligations en matière de coopération, alors que l’Italie n’a pas de législation sur la complémentarité.
46. Il convient par ailleurs de ne pas négliger les questions budgétaires, puisque la Cour, qui reste une institution relativement jeune, a constamment besoin de contributions financières pour pouvoir fonctionner de manière efficace et indépendante et pour octroyer une réparation satisfaisante aux victimes. Comme l’a souligné la présidente Fernandez de Gurmendi lors de l’audition de Rome, chaque année la CPI doit se battre pour obtenir un budget suffisant pour l’année suivante. A titre d’exemple, le procureur a déjà suspendu ou reporté certaines enquêtes et les procès sont ralentis, faute de moyens nécessaires au fonctionnement d’une troisième chambre, à la suite de la décision de l'Assemblée des Etats Parties. Par manque de moyens, la CPI n’a pas pu enquêter sur certaines situations dont elle avait été saisie par le Conseil de sécurité des Nations Unies, comme les exécutions en masse de chrétiens coptes commises en Libye par Daech ou la situation au Darfour. En matière de chiffres, l'Assemblée des Etats Parties a fixé le budget de la CPI pour 2016 à € 139 590 600; malgré une augmentation de € 8 925 000 (soit 6,83 %) par rapport à 2015, ce montant représente environ € 370 000 de moins que le budget recommandé par la commission du budget et des finances de l’Assemblée des Etats Parties 
			(28) 
			#Justiceglobale, <a href='https://ciccglobaljustice.wordpress.com/2015/11/27/asp-14-icc-independence-under-threat-at-annual-assembly/'>ASP
14: ICC independence under threat at annual assembly</a>, 27 novembre 2015..
47. De graves difficultés semblent voir le jour du côté des Etats africains Parties au Statut de Rome, puisqu’en janvier 2016 l’Union africaine, sur décision de la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement, a chargé son Comité ministériel sur la CPI d’établir une feuille de route en vue d’une éventuelle stratégie de «retrait collectif de la CPI» 
			(29) 
			Le Monde, Anne Hamidou, <a href='http://www.lemonde.fr/afrique/article/2016/02/02/retrait-de-l-afrique-de-la-cpi-un-nouveau-permis-de-tuer_4857859_3212.html'>Retrait
de l’Afrique de la CPI: un nouveau permis de tuer</a>?, 2 février 2016. . La question a cependant évolué de manière positive au cours du sommet de l’Union africaine à Kigali (Rwanda), mi-juillet 2016. Au sein du Conseil exécutif des ministres des Affaires étrangères de l’Union africaine, certains Etats projetaient l’adoption d’une nouvelle résolution de l’Union africaine définissant les modalités d’un retrait collectif de la CPI des Etats membres de l’Union africaine Parties au Statut de Rome. Comme les représentants de six Etats membres de l’Union africaine se sont vivement opposés à cette proposition de retrait au cours des débats, l’appel au retrait collectif ne figurait pas dans le texte transmis à l’Assemblée des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine et n’a donc pas été examiné au cours du sommet.
48. Bien qu’une campagne visant à priver la CPI de sa légitimité ait été lancée par certains Etats dont les dirigeants se trouvent clairement en situation de «conflit d’intérêts» avec la CPI (Soudan et Kenya), le fait est qu’à ce jour la quasi-totalité des affaires de la CPI concernent les pays africains. Comme nous l’avons indiqué plus haut, quatre pays ont demandé sous forme de renvoi à la CPI l’ouverture d’une enquête sur une situation en vertu de l’article 14 du Statut de Rome, un Etat a accepté la compétence ad hoc de la CPI en procédant à la déclaration prévue à l’article 12.3 et deux situations ont été renvoyées par le Conseil de sécurité des Nations Unies; seule une enquête sur un pays africain a été ouverte par le procureur proprio motu. Cela montre que l’Afrique n’a pas été la cible de la CPI, mais qu’au contraire, dans la plupart de ces situations, les pays africains ont eux-mêmes demandé la coopération de la CPI pour mettre un terme à l’impunité. Les préoccupations exprimées par l’Union africaine devraient par conséquent être réfutées et remplacées par l’expression d’un plus large soutien à la Cour, cette institution sur laquelle la communauté internationale peut compter pour contribuer à mettre un terme à l’impunité de ceux qui sont responsables de la commission de crimes de droit international. Face aux arguments et propositions avancés par l’Union africaine, le Conseil de l’Europe et ses Etats membres, indépendamment de leur adhésion au Statut de Rome, devraient s’opposer à la menace que fait peser sur l’héritage de Nuremberg et le droit international coutumier la proposition de diluer la teneur de l’article 27 du Statut de Rome, qui réaffirme le principe du droit international coutumier selon lequel nulle qualité officielle ni «immunité» ne saurait permettre d’échapper aux poursuites engagées pour les crimes les plus graves, qui préoccupent la communauté internationale.
49. En adoptant en 2014 le protocole de Malabo (Protocole portant amendement au Protocole sur le statut de la Cour africaine de justice et des droits de l’homme – «CAJDH»), qui donne compétence à la CAJDH pour connaître des génocides, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre, l’Union africaine a cherché à reconnaître l’existence d’une immunité, en empêchant l’arrestation et l’engagement de poursuites à l’encontre des chefs d’Etat et de gouvernement en exercice et des autres hauts responsables. Cette démarche contrevient au contenu de la Déclaration de Moscou de 1943 et de la Charte de Londres de 1945, qui ont établi le Tribunal militaire international de Nuremberg, dont les principes du droit ont été déclarés éléments constitutifs du droit international coutumier par la Résolution 95 de 1946 de l’Assemblée générale des Nations Unies, adoptée à l’unanimité. L’Assemblée parlementaire et ses Etats membres doivent proclamer clairement que, indépendamment de toute décision de retrait du Statut de Rome, l’article 27 de ce Statut reprend et réaffirme le droit international coutumier et que les chefs d’Etat ou de gouvernement et les autres hauts responsables ne peuvent jouir d’aucune immunité devant les juridictions internationales compétentes.

5. Conclusion et propositions

50. Quatorze ans après l’entrée en vigueur du Statut de Rome et sept ans après l’adoption de la Résolution 1644 (2009) de l’Assemblée, la question de l’universalité de la CPI demeure d’actualité. De fait, bien que de nombreux Etats membres du Conseil de l’Europe aient adhéré au Statut de Rome, le système créé sur son fondement pour lutter contre l’impunité et compléter l’action des juridictions nationales a besoin du soutien de l’ensemble des Etats pour être pleinement efficace. Cet instrument doit être ratifié par un plus grand nombre d’Etats et la coopération internationale doit être renforcée.
51. Le Conseil de l’Europe doit marquer son soutien à la CPI par un autre signe fort et appeler à la fin de l’impunité pour les crimes les plus graves préoccupant la communauté internationale. Il importe qu’il appelle à nouveau l’ensemble des Etats membres qui ne l’ont pas encore fait (Arménie, Azerbaïdjan, Monaco, Fédération de Russie, Turquie et Ukraine) à ratifier le Statut de Rome, les amendements de Kampala et l’Accord sur les privilèges et immunités de la CPI. Il devrait englober dans cet appel tous les Etats qui jouissent d’un statut d’observateur ou d’un autre statut de partenariat auprès de l’Organisation. Quant aux Etats membres qui sont déjà Parties au Statut de Rome, il devrait les inviter instamment à redoubler d’efforts pour intégrer le Statut de Rome à tous les mécanismes pertinents des relations intergouvernementales, au moyen de contacts bilatéraux et par l’intermédiaire de cadres multilatéraux, comme l’Assemblée générale des Nations Unies ou l’Examen périodique universel au sein du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, ainsi que dans les organisations régionales et dans les programmes d’action conçus par les gouvernements pour promouvoir les droits de l’homme, l’Etat de droit, la justice, la paix, la démocratie, le développement durable et la coopération multilatérale. Comme l’a souligné la présidente de la CPI lors de l’audition de Rome, cette instance a été créée par les petits pays et les pays de taille moyenne pour renforcer l’Etat de droit international. Toute nouvelle ratification du Statut de Rome représente une avancée.
52. En matière de coopération, les Etats qui n’ont pas encore transposé en droit interne la Partie IX du Statut de Rome sur la coopération internationale et l’assistance judiciaire devraient élaborer un projet de loi relative à la coopération avec la CPI, en veillant à ce que cette législation comporte des dispositions sur la recherche et le gel des actifs des personnes accusées qui permettront de garantir une réparation adéquate aux victimes. Les Etats qui ont transposé en droit interne le Statut de Rome devraient promouvoir cette transposition dans les autres pays, par exemple en mettant à profit l’Examen périodique universel du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies.
53. Bien que les Etats européens coopèrent en général avec la CPI, cette coopération peut encore être améliorée pour que les enquêtes et les poursuites engagées à propos des crimes se déroulent efficacement, surtout en isolant et en arrêtant les personnes en fuite ou en procédant au gel des actifs des suspects et des accusés. Les accords de coopération doivent être plus nombreux, tout particulièrement en matière d’exécution des peines, de remise en liberté provisoire des suspects, d’acquittement et de protection ou de réinstallation des témoins. Cette dernière mesure a déjà été promue par l’Assemblée à diverses occasions, notamment dans ses récentes Résolution 2038 (2015) et Recommandation 2063 (2015) 
			(30) 
			Voir
également le rapport de M. Arcadio Díaz Tejera (Espagne, SOC), Doc. 13647. «La protection des témoins: outil indispensable pour la lutte contre le crime organisé et le terrorisme en Europe». Il s’agit d’un outil capital pour le bon fonctionnement de la justice pénale, qui exige une excellente coopération internationale et un échange d’informations.
54. Comme nous l’avons indiqué plus haut, de nombreux Etats Parties au Statut de Rome doivent encore adopter une législation qui transpose cet instrument en incriminant à l’échelon national les crimes de droit international, pour procéder à l’engagement de poursuites effectives au niveau national et mettre en place les procédures nécessaires pour donner efficacement suite aux demandes de coopération adressées par la CPI. Comme l’a proposé la présidente Fernández de Gurmendi, les Etats pourraient désigner des correspondants chargés de la coopération avec la CPI. La mise en œuvre au niveau national est nécessaire pour assurer une réelle complémentarité. La CPI peut uniquement intervenir lorsque les juridictions nationales n’engagent pas de véritable procédure. En outre, l’entraide judiciaire entre les Etats en matière pénale est capitale pour garantir que les auteurs des principaux crimes de droit international auront à répondre de leurs actes. Le Conseil de l’Europe pourrait jouer un rôle important en soutenant ce type de coopération. Les Etats pourraient par ailleurs améliorer leur coopération, en formant les juges, les procureurs, les avocats, les forces de police et l’armée et en mettant en commun leur expertise dans le domaine du droit pénal 
			(31) 
			#Justiceglobale, <a href='https://ciccglobaljustice.wordpress.com/2015/12/07/ten-ways-states-can-support-the-icc/'>Ten
ways states can support the ICC</a>, 7 décembre 2015..
55. S’agissant de l’impératif de protection de l’intégrité du Statut de Rome (en particulier son article 27) et de l’application générale du droit international coutumier (c’est-à-dire à tous les Etats, indépendamment de leur qualité d’Etat Partie ou non au Statut de Rome), notre Assemblée, le Comité des Ministres et les Etats membres du Conseil de l’Europe doivent s’appliquer à agir, individuellement et collectivement, pour veiller à ce que les décisions prises par l’Union africaine contre la CPI n’entraînent pas une régression du droit international, un retrait du Statut de Rome et une extension de la «zone d’impunité». Les Etats membres du Conseil de l’Europe qui sont Parties au Statut de Rome doivent être particulièrement vigilants et coordonner leur action au plus haut niveau possible. Il importe qu’ils entament une campagne de dialogue et de coopération avec les Etats africains dont les dirigeants ne se trouvent pas en situation de conflit d’intérêts avec la CPI, pour s’assurer que les autorités compétentes réaffirment leur engagement en faveur des principes, des normes et des valeurs énoncés par le Statut de Rome. La présidente de la CPI a rappelé à l’occasion de l’audition de Rome que, en tant qu’institution judiciaire, la Cour n’était pas en mesure de faire face à toutes les attaques qui visent à contester sa légitimité dans les médias ou les tribunes politiques et a demandé à l’Assemblée de lui accorder son soutien politique.
56. Il est par conséquent indispensable que les parlementaires que nous sommes agissent davantage en faveur de la promotion de la compétence universelle de la CPI et du maintien de l’intégrité et de la légitimité de la Cour.
57. Il importe que les Etats Parties au Statut de Rome assurent à la CPI un financement suffisant, défendent et respectent son indépendance judiciaire et poursuivent les crimes de droit international qui relèvent de la compétence de la CPI. Ils doivent également faire pression sur le Conseil de sécurité des Nations Unies pour que celui-ci soutienne davantage la Cour, sur le plan financier comme sur le plan politique, et pour que des suites soient données aux affaires dans lesquelles les Etats n’ont pas coopéré.
58. Il convient également de reconnaître le rôle extrêmement précieux que jouent les réseaux interparlementaires et la société civile dans la promotion de la compétence universelle de la CPI et dans la défense de son indépendance, la participation à la recherche des personnes en fuite et le soutien aux victimes. Les Etats Parties au Statut de Rome devraient faire tout ce qui est en leur pouvoir pour protéger les ONG qui promeuvent la lutte contre l’impunité et leur permettre de participer librement aux sessions de l’Assemblée des Etats Parties. Il faut également prendre des mesures à l’échelon local pour sensibiliser le grand public à l’action de la CPI et augmenter la couverture médiatique de cette instance. J’aimerais rendre hommage à l’action de la société civile (en particulier de la Coalition pour la Cour pénale internationale, un réseau de 2 500 ONG issues de 150 pays) et des réseaux interparlementaires qui prônent l’effectivité et l’universalité du Statut de Rome et remercier tout particulièrement l’Action mondiale des parlementaires pour son engagement dans ce domaine.
59. Les principes de Nuremberg (Principes du droit international consacrés par le statut du tribunal de Nuremberg et dans le jugement de ce tribunal de 1950), qui ont été rédigés par la Commission de droit international des Nations Unies et reconnaissaient la responsabilité individuelle, en droit international, de toute personne ayant commis un acte constitutif d’un crime de droit international (crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crimes contre la paix, notamment l’agression), ont inspiré l’adoption des conventions des droits de l’homme et la création des juridictions pénales internationales. Le lien entre la promotion de la ratification du Statut de Rome et l’amélioration de l’efficacité de la CPI et la protection des valeurs essentielles du Conseil de l’Europe – démocratie, Etat de droit et droits de l’homme – est par conséquent évident. C’est la raison pour laquelle il nous appartient, en notre qualité de parlementaires nationaux, d’agir de notre mieux pour soutenir par tous les moyens la CPI et favoriser la ratification universelle du Statut de Rome.