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Avis de commission | Doc. 14148 | 04 octobre 2016

Les mutilations génitales féminines en Europe

Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable

Rapporteure : Mme Liliane MAURY PASQUIER, Suisse, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc 13736, Renvoi 4126 du 2 octobre 2015. Commission saisie du rapport: Commission sur l’égalité et la non-discrimination. Voir Doc.14135. Avis approuvé par la commission le 21 septembre 2016. 2016 - Quatrième partie de session

A. Conclusions de la commission

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La commission des questions sociales, de la santé et du développement durable soutient le rapport établi par la commission sur l’égalité et la non‑discrimination et félicite sa rapporteure, Mme Béatrice Fresko‑Rolfo, de son étude très complète des mutilations génitales féminines, une violation des droits humains tout à fait révoltante, et de sa persistance en Europe. La commission des questions sociales félicite également la rapporteure du rapport principal d’aborder plus particulièrement cette question majeure et souscrit pleinement à l’idée qu’il faut continuer de traiter cette question urgente liée aux droits humains, comme elle l’a elle‑même souligné dans ses travaux qui ont conduit à l’adoption de la Résolution 1952 (2013) et de la Recommandation 2023 (2013) sur le droit des enfants à l’intégrité physique.

Le rapport examine un large éventail de sujets liés aux mutilations génitales féminines dont les questions de droits humains, les conséquences physiques et psychologiques ainsi que les réponses médicales, sociales et juridiques aux mutilations génitales féminines en Europe. Afin de lutter efficacement contre cette violation des droits humains, la rapporteure cherche à comprendre les facteurs culturels, économiques, politiques et sociaux complexes et étroitement imbriqués qui entretiennent cette pratique. La rapporteure vise à s’attaquer aux difficiles problèmes à régler pour prévenir ces mutilations en Europe et garantir des soins appropriés aux victimes.

La commission des questions sociales souscrit pleinement à cette approche globale et souhaite simplement proposer quelques amendements pour renforcer le projet de résolution.

B. Amendements proposés

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Amendement A (au projet de résolution)

Au paragraphe 5.1, ajouter à la fin de la phrase ce qui suit:

«ainsi qu’à condamner publiquement les mutilations génitales féminines, y compris en légiférant en la matière;»

Amendement B (au projet de résolution)

Au paragraphe 5.9, après les mots «à la détection des mutilations génitales féminines», insérer les mots:

«et aux moyens de traiter le problème en ménageant les sensibilités culturelles sans minimiser la pratique,»

Amendement C (au projet de résolution)

Après le paragraphe 5.9, insérer l’alinéa suivant:

«à encourager le signalement des femmes ou des filles en danger en assurant aux professionnels une protection juridique adéquate là où le signalement est obligatoire;»

Amendement D (au projet de résolution)

A la fin du paragraphe 5.10, ajouter les mots:

«, selon une approche qui ménage les sensibilités culturelles;»

Amendement E (au projet de résolution)

Au paragraphe 5.11, après «reconnaître les mutilations génitales féminines», insérer les mots:

«ou la crainte raisonnable de subir une mutilation génitale féminine»

C. Exposé des motifs par Mme Liliane Maury Pasquier, rapporteure pour avis

(open)
1. Les mutilations génitales féminines sont une pratique profondément ancrée dans les structures politiques, économiques et sociales des communautés qui la perpétuent. Elles peuvent jouer un rôle important dans la définition de l’identité culturelle des filles et des femmes et sont, par conséquent, perçues comme un important marqueur culturel de l’identité des communautés qui les pratiquent 
			(1) 
			OMS:
Eliminer les mutilations sexuelles féminines – Déclaration interinstitutions,
Genève, 2008: <a href='http://www.who.int/reproductivehealth/publications/fgm/9789241596442/fr/'>www.who.int/reproductivehealth/publications/fgm/9789241596442/fr/</a>. . Toutefois, bien que le droit de participer à la vie culturelle soit protégé par le droit international, l’article 18.3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques énonce que la liberté de manifester sa religion ou ses convictions peut faire l’objet de restrictions pour protéger la santé ou des libertés et droits fondamentaux d’autrui 
			(2) 
			Article 18.3 du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques, adopté et
ouvert à la signature, à la ratification et à l’adhésion par la
Résolution 2200A (XXI) de l’Assemblée générale en date du 16 décembre
1966, entré en vigueur le 23 mars 1976, conformément à l’article
49: <a href='http://www.ohchr.org/fr/professionalinterest/pages/ccpr.aspx'>www.ohchr.org/fr/professionalinterest/pages/ccpr.aspx</a>. .
2. Par conséquent, étant donné que les mutilations génitales féminines sont une pratique préjudiciable qui viole plusieurs droits humains et conventions, comme indiqué dans l’exposé des motifs du rapport 
			(3) 
			Voir le
paragraphe 2.1 de l’exposé des motifs. de Mme Fresko-Rolfo, et qu’elles ne se fondent à l’évidence sur aucune prescription médicale ni effet bénéfique, comme tous les experts médicaux s’accordent à le reconnaître, rien ne justifie de maintenir cette pratique néfaste. Je tiens à souligner personnellement ce point sur la base de ma longue expérience de professionnelle de la santé (sage‑femme) en Suisse. Au niveau de l’Assemblée parlementaire, le fait que les mutilations génitales féminines constituent une grave violation des droits humains a déjà été souligné dans un rapport établi par la commission des questions sociales qui a conduit à l’adoption de la Résolution 1952 (2013) et de la Recommandation 2023 (2013) sur le droit des enfants à l’intégrité physique 
			(4) 
			A cet égard, j’invite
les lecteurs à lire attentivement l’exposé des motifs établi par
la rapporteure de ce rapport, Mme Marlene
Rupprecht (Doc. 13297), qui s’inscrit en faux contre ce qu’affirme Mme Fresko‑Rolfo
au paragraphe 16 de son rapport, à savoir que tout parallèle entre
la circoncision masculine et la mutilation génitale féminine doit
être rejeté et montre que l’une comme l’autre constituent des atteintes
à l’intégrité physique des enfants. .
3. Etant donné que, en général, elles ne peuvent pas influer sur la décision de leur famille, les filles sont particulièrement démunies et cette intervention leur est imposée. En outre, des études ont montré que dans certains pays, les filles contraintes de subir une mutilation génitale féminine sont de plus en plus jeunes 
			(5) 
			OMS: Eliminer les mutilations
sexuelles féminines – Déclaration interinstitutions, op. cit. . Il est donc important d’envoyer un message fort sur le caractère condamnable de cette pratique (amendement A). Les filles et les femmes menacées de mutilations génitales féminines ont des moyens et un soutien limités, si tant est qu’elles en aient, pour s’opposer à la volonté de leur famille et n’ont que rarement quelqu’un vers qui se tourner. Par conséquent, pour prévenir les mutilations génitales féminines, il est capital de donner aux filles et aux femmes l’occasion de sortir de leur isolement. Cette occasion peut être offerte par des services ou institutions auprès desquels elles peuvent demander de l’aide, comme le souligne à juste titre le projet de résolution (paragraphe 5.7).
4. Du fait des puissantes forces culturelles qui favorisent la perpétuation des mutilations génitales féminines, il est particulièrement important de développer une compréhension et une sensibilité culturelles de manière à ne pas stigmatiser les communautés dans lesquelles elles continuent d’être pratiquées et d’accueillir favorablement toute tentative visant à empêcher la mutilation des filles concernées. A cette fin, il est particulièrement important pour les professionnels en contact avec des victimes potentielles et leur famille d’être formés pour aborder les familles avec tact de façon à améliorer les chances de les convaincre de s’abstenir de passer à l’acte et à apaiser la peur de la stigmatisation des filles qui ont échappé à cette pratique (amendement B). Cette même approche ménageant les sensibilités culturelles doit être adoptée dans les relations avec les survivantes de mutilations génitales féminines pour les encourager à demander de l’aide et à ne pas rester enfermées dans leur souffrance après l’intervention qu’elles ont subie (amendement D).
5. Certes, le projet de résolution souligne déjà le rôle crucial joué par les professionnels de divers secteurs en contact avec des enfants mais il est également essentiel que les médecins, les enseignants, les travailleurs sociaux et d’autres qui soupçonnent qu’une femme ou une fille a subi, ou est menacée de subir, une mutilation génitale féminine, bénéficient d’une protection juridique adéquate pour signaler leurs soupçons sans craindre de réactions violentes de la part des familles. En effet, l’absence d’une telle protection peut décourager les professionnels de signaler des cas suspects, empêchant ainsi la justice de poursuivre les contrevenants et les survivantes de recevoir des soins appropriés (amendement C). Je rappelle que l’Assemblée a déjà traité cette question cruciale du signalement dans le cadre d’une autre activité (relative à la violence sexuelle à l’égard des enfants) qui a alors conduit à l’adoption de la Résolution 1980 (2014) «Renforcer le signalement des soupçons d’abus sexuels sur les enfants»; à mon sens, les conclusions qui en ont été tirées sur le principe du signalement s’appliquent également aux cas de mutilations génitales féminines.
6. Finalement, comme noté par la rapporteure, Mme Fresko‑Rolfo, elle-même dans les paragraphes 39 et 40 de son exposé des motifs, tant l’Assemblée parlementaire – dans la Résolution 1765 (2010) – que le Conseil de l’Europe dans son ensemble – dans sa Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210, «Convention d’Istanbul») – demandent que non seulement les mutilations génitales féminines soient reconnues en tant que telles comme des motifs potentiels pour présenter une demande d'asile, mais également la crainte raisonnable de subir une mutilation génitale féminine (amendement E). Cela relève de la plus haute importance dès lors que, comme le note la rapporteure dans le paragraphe 41 de l’exposé des motifs, les femmes souhaitant émigrer sont occasionnellement encouragées à subir cette pratique.