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Résolution 2135 (2016)
Les mutilations génitales féminines en Europe
1. En 2016, 200 millions de femmes
et de filles avaient, dans le monde, subi des mutilations génitales.
Ces pratiques ont lieu principalement dans certains pays d’Afrique
ou d’Asie, mais également en Europe. Chaque jour, des femmes et
des filles qui sont des ressortissantes des Etats membres du Conseil
de l’Europe ou qui y résident sont menacées de subir des mutilations
génitales.
2. L’Assemblée parlementaire a condamné ces pratiques dès 2001
dans sa Résolution 1247
(2001) sur les mutilations sexuelles féminines, et à
nouveau en 2013 dans sa Résolution
1952 (2013) sur le droit des enfants à l’intégrité physique.
Pourtant, malgré la prise de conscience croissante au niveau international
de la gravité des mutilations génitales féminines, celles-ci perdurent
et demeurent ancrées dans les cultures et traditions des communautés
qui les pratiquent. L’Assemblée rappelle à cet égard que les mutilations
génitales féminines ne sont requises par aucun texte religieux.
3. L’Assemblée souligne que les mutilations génitales féminines
sont une violence faite aux femmes et aux enfants, et constituent
une violation flagrante des droits humains. Elles portent gravement
atteinte au droit à l’intégrité physique et mentale, à l’interdiction
des actes cruels, inhumains ou dégradants et au droit à la santé. Les
mutilations étant pratiquées le plus souvent au cours de l’enfance,
elles constituent également une violation des droits de l’enfant.
4. L’Assemblée est convaincue que la prévention doit être au
cœur de tout dispositif visant à éliminer les mutilations génitales
féminines et à inclure tous les acteurs concernés, qu’il s’agisse
des communautés qui les pratiquent, des organisations de terrain,
des services sociaux et éducatifs, de la police, de la justice ou
encore des professionnels de la santé. Les campagnes de sensibilisation,
d’information et d’éducation doivent inclure aussi bien les femmes
que les hommes des communautés concernées et veiller à dissocier
ces pratiques de la religion, des stéréotypes de genre et des croyances
culturelles qui perpétuent la discrimination à l’égard des femmes.
5. A la lumière de ce qui précède, l’Assemblée appelle les Etats
membres du Conseil de l’Europe:
5.1. à
reconnaître les mutilations génitales féminines en tant que violence
faite aux femmes et aux enfants, et à les intégrer de manière systématique
dans les procédures et politiques nationales de lutte contre les
violences, ainsi qu'à condamner publiquement les mutilations génitales
féminines, y compris en légiférant en la matière;
5.2. à mener des campagnes publiques de sensibilisation et
d’information contre les mutilations génitales féminines, à fournir
des informations dans les langues les plus parlées par les communautés pratiquant
les mutilations génitales féminines, et à soutenir, y compris financièrement,
les initiatives des organisations non gouvernementales dans ce domaine;
5.3. à sensibiliser les victimes et leur famille au fait que,
contrairement à leurs croyances, les mutilations génitales féminines
ne sont pas une question d’honneur mais un acte de violence faite
aux femmes et aux filles, et un acte contre le droit fondamental
à la santé;
5.4. à ériger en infraction pénale le fait de soumettre ou
de contraindre une femme ou une fille à subir une mutilation génitale
et le fait d’inciter une fille à subir un tel acte, y compris lorsqu’il
est pratiqué par des professionnels de santé, ou de fournir à l’auteur
des faits les moyens à cette fin;
5.5. à prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher
que des filles subissent une mutilation génitale à l’occasion de
voyages dans les pays d’origine de leurs parents et à renforcer
à cette fin la coopération judiciaire et policière internationale;
5.6. à prévoir la compétence extraterritoriale des juridictions
nationales afin que des poursuites pénales puissent être engagées
lorsque les mutilations ont été commises à l’étranger sur, ou par,
des ressortissants ou des résidents d’Etats membres du Conseil de
l’Europe;
5.7. à signer et/ou ratifier la Convention du Conseil de l’Europe
sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes
et la violence domestique (STCE no 210,
«Convention d’Istanbul»), à donner pleine application à ses dispositions
et à coopérer pleinement avec le Groupe d’experts sur la lutte contre
la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (GREVIO)
et le Comité des Parties dans le cadre du suivi de la mise en œuvre
de cette convention;
5.8. à fournir aux femmes et aux filles ayant subi ou risquant
de subir des mutilations génitales l’accès à des services d’urgence,
tels que des permanences téléphoniques gratuites et des refuges,
ainsi qu’à des services de soins et de conseils;
5.9. à assurer et coordonner la collecte, au niveau national
et selon une méthodologie commune, de données sur les cas de mutilations
génitales féminines, à veiller à leur partage entre les autorités impliquées
dans la lutte contre ces pratiques, dans le respect des normes internationales
de protection et de confidentialité des données, et à développer
sur cette base des politiques adaptées et ciblées visant à mettre
fin aux mutilations génitales féminines;
5.10. à former les professionnels de la santé, les enseignants,
la police, les travailleurs sociaux et ceux travaillant dans les
centres d’accueil pour demandeurs d’asile à la détection des mutilations
génitales féminines, en ménageant les sensibilités culturelles sans
minimiser la gravité de la pratique, et à établir des mécanismes
permettant le signalement des filles à risque ou ayant subi des
mutilations génitales;
5.11. à encourager le signalement des femmes ou des filles en
danger en assurant aux professionnels une protection juridique adéquate
lorsque le signalement est obligatoire;
5.12. à assurer la formation des professionnels de la santé
pour qu’ils soient en mesure de diagnostiquer les mutilations génitales
féminines et à apporter les soins appropriés aux femmes et aux filles
qui souffrent de conséquences physiques et psychologiques de ces
mutilations;
5.13. à reconnaître les mutilations génitales féminines ou la
crainte raisonnable de subir une mutilation génitale féminine en
tant que persécution au sens de la Convention de Genève de 1951
relative au statut des réfugiés, à mettre en place des procédures
d’asile sensibles au genre et à intégrer la question des mutilations
génitales féminines dans des entretiens individualisés avec les
femmes provenant de pays où elles sont pratiquées;
5.14. à inclure la lutte contre les mutilations génitales féminines
dans les activités de coopération internationale et d’aide au développement.
6. L’Assemblée encourage les parlements nationaux à soutenir
les actions de prévention des mutilations génitales féminines au
niveau national et à travers leurs activités de coopération internationale.
7. L’Assemblée salue et soutient les Objectifs de développement
durable adoptés par les Nations Unies, qui incluent l’élimination
des mutilations génitales féminines d’ici à 2030 et encourage tous
les Etats membres du Conseil de l’Europe à contribuer activement
à la mise en œuvre des objectifs.
8. Enfin, l’Assemblée reconnaît que les mutilations génitales
féminines sont liées à d’autres pratiques traditionnelles néfastes,
en particulier les mariages précoces et forcés qu’il conviendrait
d’examiner de manière distincte.