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Rapport | Doc. 14268 | 22 février 2017

Les droits politiques des personnes handicapées: un enjeu démocratique

Commission sur l'égalité et la non-discrimination

Rapporteure : Mme Mechthild RAWERT, Allemagne, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 13907, Renvoi 4171 du 25 janvier 2016. 2017 - Commission permanente de mars

Résumé

Les droits politiques comme le droit de voter, de se présenter à des élections et d’être élu sont des droits humains fondamentaux. Cependant de nombreuses personnes handicapées rencontrent encore des difficultés lorsqu’elles essayent d’exercer ces droits. Elles se heurtent à de multiples problèmes liés à l’accessibilité des bureaux de vote et des informations et sont encore trop souvent considérées et traitées comme des citoyens de seconde zone.

Des actions concrètes peuvent être prises afin d’accroître la participation politique des personnes handicapées, qui requièrent des engagements politiques et financiers. Cesser de lier le droit de vote à la capacité juridique est une étape essentielle afin d’assurer la participation de tous. Une assistance au vote devrait également être fournie quand cela est nécessaire au moyen d’une prise de décision accompagnée, dans le plein respect du libre arbitre de l’électeur. Les partis politiques devraient faire preuve d’un engagement concret à rendre la vie politique plus diverse et représentative de la population en encourageant les personnes handicapées à se présenter aux élections et en leur offrant, sans discrimination, des places éligibles sur les listes électorales. De plus, l’accessibilité des bâtiments publics et de l’information sur les processus électoraux, les procédures de vote et les programmes politiques doit être garantie afin de permettre la participation de tous. La visibilité et la participation des personnes handicapées aux débats électoraux dans les médias devraient aussi être davantage encouragées.

Les États membres du Conseil de l’Europe devraient s’engager à promouvoir la participation politique des personnes handicapées puisqu’elle représente un enjeu démocratique et peut contribuer à éliminer les stéréotypes et à lutter contre les discriminations.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 24 janvier
2017.

(open)
1. Les personnes handicapées sont peu visibles sur la scène politique et trop souvent encore considérées et traitées comme des citoyens de seconde zone dans la plupart des États membres du Conseil de l'Europe. L’Assemblée parlementaire s’inquiète du fait que lorsqu’elles essayent d’exercer leurs droits politiques, les personnes handicapées se heurtent à de multiples problèmes liés à l’accessibilité, à un soutien insuffisant face à la diversité des handicaps, à l’existence d’un lien injustifié entre la capacité juridique et le droit de vote et à la réticence fréquente des partis politiques.
2. Les droits politiques comme le droit de voter, de se présenter à des élections et d’être élu sont des droits humains fondamentaux. Faire en sorte que l’exercice de ces droits par les personnes handicapées soit respecté ne signifie pas créer une série de nouveaux droits ou des droits spéciaux pour une catégorie déterminée. Assurer le respect des droits politiques des personnes handicapées est un enjeu démocratique qui met en question la capacité d’intégration et l’efficacité des systèmes démocratiques, ce qui intéresse l’ensemble de la population.
3. À cet égard, l’Assemblée rappelle que plusieurs textes du Conseil de l'Europe ont déjà souligné la nécessité de garantir la pleine participation des personnes handicapées à la vie politique et publique comme la Résolution 1642 (2009) de l’Assemblée sur l’accès aux droits des personnes handicapées et la pleine et active participation de celles-ci dans la société, sa Résolution 2039 (2015) sur l’égalité et l’insertion des personnes handicapées ainsi que la Recommandation CM/Rec(2011)14 du Comité des Ministres sur la participation des personnes handicapées à la vie politique et publique.
4. L’Assemblée est convaincue que la participation des personnes handicapées à la vie politique peut contribuer à éliminer les stéréotypes, à changer les mentalités et à combattre la discrimination dans son ensemble. Des mesures concrètes peuvent être prises pour faciliter leur accès au vote et leur participation aux élections mais elles exigent des engagements politiques et financiers.
5. Les partis politiques peuvent jouer un rôle essentiel en remédiant à la méconnaissance des droits et en encourageant la participation active des personnes handicapées. Ils peuvent contribuer à sensibiliser l’opinion publique à l’importance de l’inclusion et de la participation de tous, sans discrimination, à la vie politique.
6. L’Assemblée se félicite de l’adoption de la nouvelle Stratégie du Conseil de l'Europe sur le handicap 2017-2023 qui présente un train de mesures ambitieux pour promouvoir l’inclusion et la participation des personnes handicapées et préconise sa prompte mise en œuvre.
7. Au vu de ces considérations, l’Assemblée appelle les États membres et observateurs du Conseil de l’Europe et les États dont le parlement bénéficie du Statut d’observateur ou de partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée parlementaire:
7.1. à ratifier sans délai, pour les États qui ne l’ont pas encore fait, la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, qui précise les normes internationales en matière de droits humains pour la protection des droits des personnes handicapées, et à assurer sa pleine mise en œuvre;
7.2. s’agissant de la capacité juridique:
7.2.1. à cesser de lier le droit de vote à la capacité juridique et à la tutelle complète et, rappelant la Résolution 2039 (2015) de l’Assemblée sur l’égalité et l’insertion des personnes handicapées, à remplacer les mécanismes substitutifs de décision par un système d’accompagnement à la décision, conformément à leurs engagements internationaux;
7.2.2. à garantir la protection et le respect des droits politiques des personnes qui vivent dans des établissements de soins de longue durée;
7.2.3. à rendre les mécanismes de recours concernant le droit de vote clairs et accessibles à tous, indépendamment du statut juridique de la personne concernée;
7.3. s’agissant de combattre la discrimination contre les personnes handicapées et leur stigmatisation:
7.3.1. à lancer des campagnes de sensibilisation aux droits politiques des personnes handicapées avec le concours des organisations représentant les personnes handicapées et des organisations de personnes handicapées de manière à combattre et à démonter les stéréotypes concernant leur capacité à participer à des élections et à s’y présenter;
7.3.2. à encourager la visibilité et la participation des personnes handicapées aux débats électoraux dans les médias et la diffusion d’émissions et de débats politiques dans des formats accessibles;
7.3.3. à dispenser une éducation civique sous des formes accessibles;
7.4. s’agissant de l’accessibilité aux bureaux de vote, à l’information et aux procédures, y compris aux campagnes électorales:
7.4.1. à garantir l’accessibilité physique des édifices publics, dont les bureaux de vote, les parlements et bâtiments administratifs nationaux, régionaux et locaux et à veiller à ce qu’au moins un bureau de vote dans chaque circonscription électorale soit pleinement accessible;
7.4.2. à assurer la mise à disposition d’informations sur les processus électoraux, les procédures de vote et les programmes politiques sous des formes accessibles, y compris des versions faciles à lire et à comprendre, avec une interprétation en langue des signes si nécessaire, des sous-titres pour les vidéos et des versions en braille;
7.4.3. à fournir des bulletins de vote sous des formes accessibles et des appareils de vote tactiles pour les personnes aveugles dans au moins un bureau de vote par circonscription électorale;
7.4.4. à envisager de subordonner le financement public accordé aux partis politiques à leur respect des conditions d’accessibilité pour les personnes handicapées;
7.5. s’agissant de l’assistance au vote, du vote à distance et d’autres modalités de vote:
7.5.1. à fournir, sur demande, une assistance au vote au moyen d’une prise de décision accompagnée, dans le respect du libre arbitre de l’électeur;
7.5.2. à organiser, pour le personnel des bureaux de vote et celui chargé de l’inscription des électeurs, des formations sur la non-discrimination et l’assistance aux personnes handicapées, en coopération avec les organisations représentant les personnes handicapées et les organisations de personnes handicapées;
7.5.3. à élaborer et diffuser des lignes directrices sur l’assistance aux électeurs présentant toutes sortes de handicap avec le concours des organisations représentant les personnes handicapées et des organisations de personnes handicapées;
7.5.4. à mettre en place des unités de vote mobiles et à proposer, si possible, un système de vote électronique pour les cas où les personnes handicapées ne sont pas en mesure de se rendre dans un bureau de vote;
7.6. s’agissant de la participation active aux élections:
7.6.1. à systématiser la collecte de données sur la participation politique des personnes handicapées aux niveaux local et national afin de s’assurer que des mesures de soutien appropriées sont prises;
7.6.2. à envisager l’instauration de quotas pour la participation des personnes handicapées aux élections locales et législatives afin d’accroître leurs participation et représentation;
7.6.3. à octroyer aux candidats ayant un handicap une aide financière complémentaire pour couvrir les frais supplémentaires qu’ils peuvent avoir pour mener leur campagne électorale.
8. Gardant à l’esprit sa Recommandation 1598 (2003) sur la protection des langues des signes dans les États membres du Conseil de l'Europe ainsi que la Résolution sur les langues des signes et les interprètes professionnels en langue des signes adoptée le 23 novembre 2016 par le Parlement européen, l’Assemblée appelle également les États membres qui ne l’ont pas encore fait, à reconnaître la langue des signes comme langue officielle.
9. L’Assemblée appelle les parlements nationaux non seulement à garantir l’accès aux bâtiments mais aussi à assurer la diffusion des débats parlementaires et la mise à disposition d’informations sur leurs sites internet dans des formats accessibles et à prendre systématiquement en charge les frais d’assistance aux parlementaires handicapés. Elle appelle également les parlements nationaux à consulter de façon systématique les organisations représentant les personnes handicapées et les organisations de personnes handicapées pour élaborer tout nouveau projet de loi concernant les droits des personnes handicapées, en respectant le principe «Rien pour nous sans nous».
10. L’Assemblée encourage les partis politiques à faire la preuve de leur engagement à rendre la vie politique plus inclusive et représentative en élaborant et diffusant des professions de foi politiques accessibles et en garantissant l’accès à leurs lieux de réunion et aux événements qu’ils organisent. Les partis politiques devraient promouvoir la participation et offrir aux personnes handicapées la possibilité de figurer sur les listes électorales à une place leur permettant d’être élues.
11. L’Assemblée reconnaît le rôle essentiel des organisations représentant les personnes handicapées et des organisations de personnes handicapées dans la promotion de la participation politique des personnes handicapées et appelle à soutenir financièrement les projets de sensibilisation dans ce domaine. Elle encourage, en outre, à intensifier la coopération entre les parlements, les partis politiques et ces organisations.
12. L’Assemblée décide de publier sur son site internet des versions faciles à comprendre des résolutions et recommandations qu’elle a adoptées sur les droits des personnes handicapées. En outre, elle étudiera la faisabilité de fournir une interprétation en langue des signes de ces textes sur son site web.

B. Exposé des motifs, par Mme Mechthild Rawert, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. Le droit de voter et d’être élu constitue un droit humain fondamental. Cependant, de nos jours, en Europe, toutes les personnes handicapées ne peuvent pas exercer ce droit de manière pleine et entière et sur un pied d’égalité avec les autres citoyens. Des restrictions et des difficultés pour participer à la vie politique existent dans la majorité des États membres du Conseil de l’Europe. En outre, les personnes handicapées sont à peine visibles sur la scène politique ou prises en considération dans les processus électoraux.
2. Dans l’Union européenne, quelque 23 % de la population adulte déclare une forme ou une autre de handicap 
			(2) 
			Le droit à la participation
politique des personnes handicapées: les indicateurs des droits
de l’homme, Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne,
2014.. Chacun d’entre nous est ou peut devenir handicapé et/ou avoir une personne handicapée dans sa famille. La participation politique des personnes handicapées n’est pas une question intéressant uniquement un groupe spécifique; elle nous concerne tous.
3. L’exercice par les personnes handicapées du droit de voter, d’être élues et de participer à la vie politique en général n’est pas encore considéré comme une priorité. Pouvons-nous vraiment nous vanter d’avoir des systèmes démocratiques efficaces et véritablement inclusifs si une frange de la population est privée de la pleine jouissance des droits politiques ou si, pour les exercer, elle se heurte à des obstacles importants?
4. En des temps de restrictions budgétaires et d’austérité, investir dans l’accessibilité et les campagnes de sensibilisation est parfois perçu comme secondaire. Les coûts élevés sont présentés comme une excuse pour ne pas changer la situation, pour ne pas rendre les bureaux de vote accessibles, pour ne pas mettre à disposition des personnes aveugles des appareils tactiles de vote et rendre accessible le matériel de campagne.
5. À mon avis, la participation des personnes handicapées à la vie politique mérite un investissement et un engagement de longue durée, car cela peut contribuer à briser les stéréotypes, à changer les mentalités et à combattre la discrimination. Elle est à encourager et à soutenir à tous les niveaux de la vie politique (locale, nationale, européenne) et dans les partis politiques afin de garantir le caractère inclusif de nos systèmes politiques. Le présent rapport entend faire la lumière sur ce déficit démocratique et sur les mesures à prendre afin d’y remédier.

2. Objectifs du rapport et méthodologie

6. La proposition à l’origine de ce rapport souligne que les personnes handicapées ne devraient plus être considérées comme des citoyens de seconde zone, et que leur droit de participer à la vie politique et publique devrait être mieux protégé. Elle appelle l’Assemblée parlementaire à examiner comment les États membres du Conseil de l'Europe garantissent les droits politiques des personnes handicapées et à recommander des moyens de mieux se conformer aux normes internationales en vigueur.
7. Afin de recueillir des informations sur la situation des États membres du Conseil de l'Europe, j’ai adressé un questionnaire aux parlements nationaux des États membres et observateurs du Conseil de l'Europe par le biais du Centre européen de recherche et de documentation parlementaires (CERDP), comprenant des questions sur le nombre de députés handicapés, sur la législation existante et sur les bonnes pratiques propres à promouvoir la participation politique des personnes handicapées. J’ai reçu un total de 42 réponses au questionnaire et je tiens à exprimer ma reconnaissance aux parlements qui ont répondu.
8. Le 11 octobre 2016, la sous-commission sur le handicap et l’inclusion a tenu une audition sur le thème «Droit de vote pour tous et capacité juridique», en présence de M. Alfredo Ferrante, Président du Comité ad hoc sur les droits des personnes handicapées (CAHDPH), et de M. Milan Šveřepa, Directeur de l’organisation non gouvernementale (ONG) «Inclusion Europe». La commission a également tenu un échange de vues, le 21 juin 2016, avec Mme Liri Kopaci-Di Michele, chef de la Division «Egalité» à la Direction générale de la démocratie du Conseil de l'Europe. De surcroît, j’ai effectué une visite d’information les 24 et 25 octobre 2016 en Autriche où j’ai rencontré des députés et anciens députés handicapés, les porte-paroles sur la question du handicap de plusieurs groupes parlementaires, des chercheurs de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, le Médiateur pour les personnes handicapées, des universitaires et des ONG. Le 31 octobre 2016, j’ai participé à la Conférence «Notre droit de participation – Promouvoir la participation des personnes handicapées à la vie politique et publique» organisée par le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE/BIDDH), le ministère finlandais des Affaires étrangères et le Centre finlandais des droits humains, à Helsinki.
9. Mon intention n’est pas de condamner certains pays ni de leur faire honte, mais de montrer que des changements sont possibles et que nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour respecter, protéger et promouvoir les droits politiques des personnes handicapées. Ce rapport est une occasion de présenter, d’examiner et de faire connaître les bonnes pratiques de manière à garantir la représentation et la participation pleine et entière des personnes handicapées à la vie politique, ce qui est dans l’intérêt de tous. Je présenterai les principaux obstacles à la participation politique des personnes handicapées, ainsi que des mesures concrètes à envisager pour faciliter l’accès au vote et la participation aux élections. De plus, j’insisterai sur le rôle clé des partis politiques, je plaiderai en faveur d’une éducation inclusive comme moyen de promouvoir la participation politique et, enfin, je présenterai les principales normes internationales.

3. Obstacles à la participation politique des personnes handicapées

10. Accessibilité, diversité des handicaps nécessitant une diversité de mesures, lien entre capacité juridique et droit de vote, réticence des partis politiques, qui continuent de barrer l’accès à la participation politique et à des fonctions électives – voilà autant d’obstacles auxquels les personnes handicapées doivent faire face.
11. Malgré un vif intérêt pour la politique et le désir de jouer un rôle actif sur la scène politique, les personnes handicapées ne peuvent toujours pas participer à égalité avec l’ensemble des citoyens. Comme l’a souligné M. Alfredo Ferrante, le respect de la diversité ne peut se réaliser sans la participation politique des personnes handicapées.
12. Faciliter la participation politique des personnes handicapées sur la base de l’égalité avec les autres signifie mettre en œuvre une politique de non‑discrimination, comme le recommande l’article 29 de la Convention onusienne relative aux droits des personnes handicapées (CDPH). Il ne s’agit pas de créer de nouveaux droits mais de garantir à tout un chacun le respect et l’exercice des droits existants.

3.1. Accessibilité

13. Il n’est pas possible de parler de participation et d’inclusion des personnes handicapées dans la vie politique sans aborder la question de l’accessibilité. L’article 9 
			(3) 
			«Article 9 – Accessibilité 
			(3) 
			1.
Afin de permettre aux personnes handicapées de vivre de façon indépendante
et de participer pleinement à tous les aspects de la vie, les États
Parties prennent des mesures appropriées pour leur assurer, sur
la base de l’égalité avec les autres, l’accès à l’environnement
physique, aux transports, à l’information et à la communication,
y compris aux systèmes et technologies de l’information et de la
communication, et aux autres équipements et services ouverts ou fournis
au public, tant dans les zones urbaines que rurales (…)» de la CDPH, consacré à l’accessibilité, impose d’assurer l’accessibilité des bâtiments ouverts au public, de l’information et des communications. Or, l’accessibilité des bureaux de vote et des bâtiments administratifs prévus pour l’inscription sur les listes électorales n’est toujours pas garantie.
14. Je suis convaincue que réaliser une pleine accessibilité exige de mobiliser non seulement des investissements financiers, qui ne sont pas nécessairement très lourds, mais aussi une forte volonté politique et peut contribuer à accroître la participation et le sentiment d’inclusion dans la société. Selon Mme Martha Stickings, administratrice chargée de recherche auprès de l’Agence des droits fondamentaux, les personnes ayant un handicap intellectuel ou psychosocial rencontrent des obstacles spécifiques à la participation politique qui peuvent être différents de ceux auxquels se heurtent les personnes ayant un handicap physique. Aussi ne faut-il pas considérer l’accessibilité seulement dans sa dimension physique. Nous devons envisager l’accessibilité selon une approche globale pour s’assurer qu’elle couvre toutes les dimensions et tous les types de handicap.

3.2. Diversité

15. La diversité des handicaps exige une diversité de mesures. Les personnes ayant un handicap physique, sensoriel, mental ou intellectuel ont des besoins différents qui, tous, sont à prendre en compte. Il faut garantir l’accessibilité à toutes les personnes handicapées, quel que soit leur handicap.
16. L’on sait que la participation au processus électoral des personnes ayant un handicap psychosocial ou intellectuel est très faible comparativement à celle des personnes ayant d’autres formes de handicap. Il convient de mener des actions spécifiques pour encourager et faciliter une plus grande participation des personnes présentant toutes sortes de handicap.
17. J’aimerais aussi ajouter que la participation politique active peut se révéler encore plus difficile pour les femmes handicapées qui, lorsqu’elles se présentent à des élections, peuvent faire face à une discrimination et à des stéréotypes multiples.

3.3. Capacité juridique et droit de vote

18. Dans la majorité des États membres du Conseil de l’Europe, le droit de vote est lié à la capacité 
			(4) 
			L’Agence des droits
fondamentaux souligne qu’il n’existe pas de définition de la capacité
juridique qui soit reconnue sur le plan international. Elle propose
la définition suivante: la capacité juridique est «la reconnaissance
par la loi des décisions d’une personne: elle fait de cette personne
un sujet de droit ainsi qu’un détenteur de droits et d’obligations juridiques.
En l’absence d’une telle reconnaissance, les décisions d’un individu
n’ont aucun effet juridique ni aucune recevabilité; il ne peut prendre
des décisions exécutoires», La capacité juridique des personnes
souffrant de troubles mentaux et des personnes handicapées intellectuelles,
Agence des droits fondamentaux, 2013. juridique, et une personne sous tutelle ne peut pas voter ou se présenter à des élections. Ainsi des centaines de milliers de citoyens 
			(5) 
			«À qui appartient-il
de décider? Le droit à la capacité juridique des personnes ayant
des déficiences intellectuelles et psychosociales», Document thématique
du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, 16 février
2012. se trouvent-ils empêchés d’exercer leurs droits politiques, ce qui est contraire aux exigences de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, que presque tous les États membres ont ratifiée.
19. D’après M. Šveřepa, le lien entre capacité juridique et droit de vote constitue l’obstacle majeur à la participation politique des personnes handicapées. Comme le souligne le Comité des droits des personnes handicapées des Nations Unies dans son Observation générale no 1 sur la reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité, le droit de vote ne devrait pas être lié à la capacité juridique: «[Les personnes handicapées] souffrant de handicaps cognitifs ou psycho-sociaux (…) ont été, et sont encore, les plus touchées, et de manière disproportionnée, par les régimes de prise de décisions substitutive et le déni de leur capacité juridique.» La participation des personnes ayant des handicaps psycho-sociaux est encore trop souvent taboue. Cela constitue un obstacle juridique à la participation politique.
20. Le ministère fédéral allemand du Travail et des Affaires sociales a lancé une étude sur le lien entre la tutelle juridique et le droit de vote. Selon cette enquête, 81 220 personnes sous tutelle juridique sont exclues du droit de vote en Allemagne. Elle souligne aussi des différences significatives entre les États fédérés. Cette étude présente en conclusion plusieurs recommandations à l’attention du Bundestag allemand appelant à mettre en œuvre une loi inclusive. Cette année, les États fédérés de Rhénanie du Nord-Westphalie et de Schleswig-Holstein ont déjà mis en œuvre des lois inclusives qui permettent aux personnes sous tutelle de voter au niveau local et national. En outre, le Gouvernement fédéral de la Ville-État de Berlin nouvellement élu va élaborer une loi électorale inclusive.
21. Priver une personne de sa capacité juridique revient aussi trop souvent à priver cette personne du droit d’agir en citoyen, de décider et de participer. Nous ne pouvons pas plaider pour la pleine inclusion et l’entière participation des personnes handicapées à la société, sans en même temps garantir que ces personnes seront autorisées par la loi à participer à la vie publique et politique.
22. En Autriche, le droit de vote n’est plus lié à la capacité juridique depuis plus de 30 ans – ce qui est considéré comme un bon exemple en la matière. À ce qu’on m’a dit, la mise en œuvre de cette politique n’a posé aucun problème particulier. M. Erwin Buchinger, Médiateur pour les personnes handicapées, a confirmé que la population autrichienne ne contestait aucunement cette dissociation. La Belgique a introduit un changement législatif en 2014, avec la présomption de capacité. Une personne handicapée jouit pleinement des droits politiques à moins d’être déclarée incapable d’exercer le droit de vote par un juge de paix.
23. En Finlande et au Royaume-Uni, le droit de vote n’est pas lié à la capacité juridique, ce qui n’est pas le cas du droit d’être élu. En Norvège, une personne sous tutelle jouit du droit de vote. J’ai été informée que, en Suède et au Canada, toutes les personnes handicapées, y compris celles ayant des handicaps psycho-sociaux, jouissent du droit de vote et du droit d’être élues. Je déplore qu’il y ait encore trop peu d’États qui choisissent de dissocier le droit de vote de la capacité juridique et de la tutelle complète.
24. Selon l’ONG «Inclusion Europe», le handicap ne doit pas être une raison pour restreindre la capacité juridique. Il me semble que nous devons plaider en faveur de la prise de décision accompagnée et appeler à mettre fin à la capacité juridique restrictive. L’accompagnement de la prise de décision et la mise à disposition systématique des informations sous une forme accessible peuvent contribuer à faire des personnes handicapées des citoyens à part entière.
25. La question de la capacité juridique est également liée à la possibilité de faire appel. Toute personne privée de capacité juridique doit pouvoir déposer plainte indépendamment de son tuteur. À cet égard, je me réjouis que plusieurs États membres du Conseil de l’Europe aient mis en place des mécanismes de recours en ce qui concerne la participation électorale. En République slovaque, par exemple, les violations et les restrictions du droit de vote des personnes handicapées peuvent être signalées au Commissaire aux personnes handicapées.

3.4. Le barrage des partis politiques

26. La question de la capacité juridique n’est pas le seul obstacle à la participation; encore aujourd’hui, les partis politiques demeurent les principales barrières à la participation politique des personnes handicapées. En effet, ils décident qui inscrire sur les listes électorales et s’ils vont présenter des candidats à des positions éligibles. Il leur est également possible de promouvoir la carrière politique d’un membre et d’assurer que leurs réunions et conventions sont accessibles. Ils peuvent contribuer à remédier à la méconnaissance des droits et encourager toutes les personnes à rejoindre leurs structures en fournissant des supports d’information accessibles.
27. Malheureusement, trop souvent, les partis politiques ne garantissent pas plus qu’ils n’assurent l’accessibilité. Ils hésitent à mettre en avant des candidats handicapés, à moins qu’ils ne décident de les présenter à des positions inéligibles. De forts stéréotypes négatifs à l’encontre des personnes handicapées persistent. Selon Mme Judith E. Heumann, conseillère spéciale pour les droits internationaux des personnes handicapées au Département d’État américain, l’un des plus grands obstacles à la participation politique des personnes handicapées est le faible niveau d’attente des autres membres de la société; on pense encore trop souvent que les personnes handicapées n’ont rien à offrir et que celles ayant des handicaps psycho-sociaux ne peuvent pas exprimer leur avis 
			(6) 
			OSCE/BIDDH, Séminaire
d’experts «Notre droit à la participation – Promouvoir la participation
des personnes handicapées à la vie politique et publique», Helsinki,
31 octobre 2016.. Quant à Mme Catalina Devandas, rapporteure spéciale sur les droits des personnes handicapées des Nations Unies, elle a déploré l’attitude paternaliste manifestée à l’égard des personnes handicapées, dont les avis sont rarement pris en compte 
			(7) 
			Ibid..

4. Mesures facilitant l’accès au vote et à la participation électorale

4.1. Accessibilité des bureaux de vote

28. Le présent rapport offre la possibilité de présenter des mesures concrètes pouvant faciliter la participation. Assurer l’accessibilité des bureaux de vote est une condition préalable à la participation politique effective des personnes handicapées. La législation nationale contient des dispositions spécifiques concernant l’accessibilité des bureaux de vote dans plusieurs États membres (Autriche, Belgique et France).
29. En Norvège, la désignation des bureaux de vote dépend de l’accessibilité des lieux; en Suède, les locaux non accessibles ne peuvent plus servir de bureau de vote 
			(8) 
			Loi
sur les élections, Suède, 2005.. La loi électorale des Pays-Bas déclare qu’au moins 25 % des bureaux de vote doivent être situés dans des bâtiments accessibles. Lors de ma visite d’information en Autriche, j’ai découvert qu’il y avait encore des différences importantes en ce qui concerne l’accessibilité entre les zones rurales et urbaines. Lorsque l’accessibilité directe de tous les bureaux de vote ne peut être garantie, je recommande de fournir aux électeurs une liste des bureaux de vote accessibles avant les élections.
30. De plus, la législation peut définir des conditions d’accessibilité à remplir à l’intérieur du bureau de vote. Selon le Code électoral français, chaque bureau de vote doit disposer d’au moins un isoloir accessible en fauteuil roulant. En outre, le président du bureau de vote est autorisé à déplacer l’urne afin de la rendre accessible. Au Danemark, en Grèce, en République slovaque et en Slovénie, il est possible de voter à proximité immédiate du bureau de vote s’il n’est pas accessible. Toutefois, cette pratique n’offre pas la possibilité de voter sur un pied d’égalité avec les autres. Des appareils tactiles de vote devraient être mis à disposition des personnes aveugles dans les bureaux de vote.
31. La participation électorale des personnes handicapées peut être encouragée en offrant des services de transport pour se rendre aux bureaux de vote. En Italie, les communes sont tenues d’organiser des services de transport public pour les électeurs à mobilité réduite. J’estime qu’il conviendrait également de prévoir des places de stationnement à proximité de l’entrée des bureaux de vote.
32. L’ouverture de bureaux de vote dans les établissements de soins de longue durée pour personnes handicapées est également un moyen d’améliorer l’accès au vote. Selon l’Agence des droits fondamentaux, cette solution est appliquée en Autriche, en Bulgarie, en Finlande, en France, en Allemagne et en Pologne 
			(9) 
			Le droit à la participation
politique des personnes handicapées: les indicateurs des droits
de l’homme, op. cit.. J’ai reçu des informations indiquant que cette possibilité existe aussi en Irlande et en Norvège 
			(10) 
			Les
réponses au questionnaire envoyées par les parlements nationaux
par le biais du Centre européen de recherche et de documentation
parlementaires. Une compilation des réponses reçues a été présentée
à la commission lors de la partie de session de juin de l’Assemblée
2016 à Strasbourg.. Il convient d’encourager encore davantage les initiatives de ce type.
33. Je voudrais également saluer le fait que, depuis le 1er janvier 2015, l’«accessibilité insuffisante» figure parmi les formes de discrimination mentionnées dans la loi suédoise sur la discrimination. L’infraction est définie comme le fait de ne pas prendre les mesures requises pour assurer à une personne handicapée des conditions d’accès comparables à celles d’une personne non handicapée 
			(11) 
			Dans son étude thématique
sur la participation des personnes handicapées à la vie politique
et à la vie publique, publiée en 2011 (A/HRC/19/36, 21 décembre
2011), le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme
a souligné que «tout manquement au devoir de garantir l’accessibilité
par des aménagements raisonnables et une conception universelle,
tels que définis à l’article 2 de la Convention, léserait les personnes
handicapées dans leur droit de participer à la vie politique et
porterait atteinte au principe de l’égalité et de la non-discrimination»..
34. Outre l’accessibilité des bureaux de vote, il convient d’évaluer l’accessibilité des bâtiments publics où s’inscrivent les électeurs et celle des parlements. Bien souvent, les hémicycles des parlements nationaux ne sont rendus accessibles qu’après l’élection d’un député handicapé, afin de lui permettre de participer aux débats. En Autriche, le Parlement alloue des fonds aux parlementaires handicapés pour couvrir leurs besoins d’assistance pour l’exercice de leurs activités parlementaires. L’accessibilité des parlements devrait également être améliorée pour les groupes de visiteurs pour que les personnes handicapées puissent pleinement participer aux visites. Plusieurs États membres se sont fixés des objectifs ambitieux pour assurer l’accessibilité intégrale de tous les bâtiments publics, mais le but est encore loin d’être atteint.

4.2. Campagnes électorales et accessibilité de l’information

35. L’accessibilité de l’information est un élément central pour la participation des personnes handicapées. Programmes électoraux, émissions télévisées, sites web et dépliants, autant d’outils de communication pendant les campagnes électorales qui ne sont pas encore systématiquement rendus accessibles à tous, ce qui gêne la participation. Il me semble que le matériel électoral devrait être publié en version facile à lire et à comprendre, en gros caractères et en braille, ainsi qu’au format audio et électronique sur des sites web. En outre, le matériel vidéo de campagne devrait être complété de sous-titres et d’une interprétation en langue des signes afin de toucher le plus grand nombre d’électeurs possible. Je ne peux que souscrire aux recommandations de l’Agence des droits fondamentaux: l’État devrait financer la mise à disposition d’informations dans des formats accessibles tout au long du processus électoral 
			(12) 
			Le droit à la participation
politique des personnes handicapées: les indicateurs des droits
de l’homme, op. cit..
36. L’ONG «Inclusion Europe» insiste sur l’importance de diffuser une information accessible couvrant tous les aspects du processus électoral, notamment les démarches d’inscription sur les listes électorales, les programmes des partis politiques en lice, le fonctionnement du système politique et les différents types d’élections 
			(13) 
			Participation à la
vie politique et publique: les fondements de la citoyenneté pour
les personnes ayant une déficience intellectuelle. Inclusion Europe,
projet de position, 2011.. Les parlements jouent un rôle essentiel en tant que vecteurs d’informations. Ils devraient publier les informations dans des formats accessibles sur leurs sites internet ainsi que dans les médias traditionnels.
37. Je mentionnerai quelques initiatives afin d’illustrer ce qui peut être fait pour rendre les campagnes électorales plus accessibles. En Lettonie, la Commission électorale centrale fournit des informations sur les élections en version facile à lire. En Suède, le site web de l’Autorité électorale propose des vidéos présentant le système électoral et les procédures de vote avec une interprétation en langue des signes sur son site web. En Norvège, le site web d’information sur les élections offre des versions faciles à lire et la possibilité de se faire lire les textes à voix haute. Les vidéos utilisées pour les élections sont dotées de sous-titres et d’un commentaire vocal. En Suisse, des vidéos décrivant les procédures électorales en langue des signes sont disponibles en ligne. La plateforme en ligne «Elections fédérales 2015 pour tous» offrait des informations pratiques sur les élections en version facile à lire et en langue des signes. Au Portugal, la Commission électorale centrale et l’Institut national pour la réhabilitation ont lancé l’initiative «Elections accessibles», afin de promouvoir le droit de vote des personnes handicapées. Des informations générales sur les élections ont été diffusées à l’aide de dépliants faciles à lire et de vidéos complétées de sous-titres et d’une interprétation en langue des signes. En Autriche, le Plan d’action national pour les personnes handicapées (2012-2020) énonce que les informations relatives aux élections, et les élections elles-mêmes, doivent être rendues accessibles. Autrement dit, la procédure de vote doit être accessible, facile à comprendre et facile à exécuter. Quant au Royaume-Uni, il a mis en place un fonds spécifique pour apporter une aide financière aux personnes handicapées se présentant à une élection pour couvrir leurs frais supplémentaires de campagne.
38. L’engagement des médias est primordial car ils sont les principaux vecteurs des campagnes électorales et peuvent être un partenaire essentiel pour défendre les droits politiques des personnes handicapées Trop souvent, la situation ne change qu’à l’occasion de l’élection d’un député handicapé. En Autriche, Mme Helene Jarmer, députée sourde, a milité pour un service d’interprétation des débats parlementaires en langue des signes – ces débats sont désormais diffusés sur la chaîne de télévision nationale (ORF). En Serbie, la Commission électorale exige que les émissions télévisées consacrées aux campagnes électorales offrent une interprétation en langue des signes. Les parlements français, grec et hongrois, entre autres, diffusent leurs débats en langue des signes.

4.3. Assistance au vote et formation du personnel électoral

39. Une assistance au vote est prévue dans de nombreux États membres du Conseil de l’Europe. En Autriche, une personne ayant un handicap physique ou psycho-social peut se faire assister par la personne de son choix pour voter. En Belgique, les électeurs handicapés peuvent, avec l’autorisation du président du bureau de vote, se faire accompagner par la personne de leur choix. En Norvège, la loi sur les élections dispose que les électeurs peuvent demander à la commission électorale de bénéficier d’une assistance dans le processus de vote. En France, lorsqu’un électeur a besoin d’aide pour voter, il peut demander l’assistance d’un autre électeur de son choix.
40. En Finlande, chaque bureau de vote dispose d’un assistant électoral qui peut venir en aide aux électeurs à la demande. En Allemagne, les électeurs qui ne peuvent pas remplir le bulletin de vote ou le déposer dans l’urne peuvent se faire aider par une autre personne et, aux Pays-Bas, les électeurs handicapés physiques peuvent se faire aider par une personne de leur choix ou un membre du bureau de vote.
41. Il peut arriver qu’une personne ayant un handicap psychosocial se sente très intimidée par un bureau de vote et doive être accompagnée. Toutefois, fournir une assistance ne doit pas affecter le processus décisionnel. L’expression du libre choix doit être favorisée, non influencée, et la confidentialité du vote doit être protégée autant que faire se peut. Par conséquent, la formation du personnel électoral par des organisations représentant les personnes handicapées et des organisations de personnes handicapées est un élément essentiel de l’ensemble de mesures à prendre pour faciliter la participation politique. Grâce à ces formations, le personnel électoral aura une meilleure connaissance des besoins pouvant apparaître le jour du scrutin et saura mieux y répondre.
42. En Belgique et en Irlande, le personnel du bureau de vote reçoit des directives sur l’accessibilité – notamment des conseils pratiques sur la manière d’interagir avec les électeurs handicapés – afin de créer un environnement favorable au vote de ces personnes. J’estime que les formations sur le handicap et la non-discrimination devraient être généralisées et dispensées à l’ensemble du personnel des bureaux de vote et des bureaux d’inscription des électeurs. Des directives sur l’aide à apporter aux électeurs handicapés doivent être élaborées en coopération avec les organisations représentant les personnes handicapées et les organisations de personnes handicapées, mais aussi largement diffusées. Cet aspect est également à prendre en compte par les missions d’observation des élections.

4.4. Vote à distance

43. Si la priorité doit être d’assurer l’accessibilité des bureaux de vote, le vote à distance offre un autre moyen d’accroître la participation. Il existe plusieurs formes de vote à distance: le vote par correspondance, le vote à domicile et le vote électronique. En Estonie, le vote électronique à distance est utilisé depuis 2005 pour les élections municipales et depuis 2007 pour les élections nationales. En Bosnie-Herzégovine et en Suède, des équipes composées d’au moins deux membres du personnel électoral peuvent se rendre au domicile des électeurs dans l’incapacité de se déplacer jusqu’au bureau de vote, afin de leur permettre de déposer le bulletin dans une urne mobile. Dans plusieurs pays (entre autres, Danemark, Finlande, Italie, Lituanie et Serbie), les électeurs peuvent voter par anticipation depuis leur domicile. En France et au Royaume-Uni, il existe une procédure de vote par procuration. En Suisse, les électeurs sont nombreux à choisir le vote par correspondance ou le vote électronique.
44. Il est important d’offrir une certaine flexibilité aux électeurs afin de s’adapter à leurs besoins; toutefois, le fait de se rendre dans un bureau de vote et de participer au scrutin le même jour que les autres électeurs, et en leur présence, est un aspect important de la participation politique et du sentiment d’appartenance à la société 
			(14) 
			Observations présentées
par Human Rights Watch au Haut-Commissariat des Nations Unies aux
droits de l’homme dans le cadre de la préparation d’une étude thématique,
17 octobre 2011.. Comme le souligne Mme Heumann, les personnes handicapées souhaitent voter avec les autres électeurs de leur communauté 
			(15) 
			OSCE/BIDDH,
Séminaire d’experts, op. cit..

4.5. Rôle décisif des partis politiques

45. La représentation de personnes handicapées au niveau décisionnel des partis politiques et le nombre des personnes handicapées élues dans les parlements nationaux restent relativement faibles. Les parlements ayant fourni dans leurs réponses au questionnaire des informations sur le nombre de personnes handicapées élues sont peu nombreux, ce qui fait ressortir la nécessité d’une collecte systématique des données sur cette question ainsi que sur la participation en général.
46. Les partis politiques ont un rôle essentiel à jouer pour accroître la participation politique des personnes handicapées. Ainsi peuvent-ils inscrire, dans leur programme électoral ou dans une charte interne pour l’égalité et la diversité, des mesures en faveur de la participation de tous. Malheureusement, les mesures prises par les partis politiques dans ce domaine restent encore très limitées. La commission des personnes handicapées «Selbst Aktiv» au sein du parti social-démocrate allemand (SPD) peut être considérée comme un exemple d’autonomisation et de promotion de l’inclusion politique au sein d’un parti. Cette commission a les mêmes droits statutaires que les autres commissions au sein du parti.
47. Selon une étude réalisée par l’Agence des droits fondamentaux, les programmes électoraux des partis politiques sont disponibles sous un format accessible dans 14 États membres de l’Union européenne 
			(16) 
			Le droit à la participation
politique des personnes handicapées: indicateurs des droits de l’homme, op. cit.. En France et au Portugal, les spots vidéo diffusés par les partis politiques lors des campagnes électorales sont sous-titrés et accompagnés d’une interprétation en langue des signes.
48. Mme Helga Stevens, députée sourde du Parlement européen, déplore que les partis politiques et les responsables politiques ne tiennent généralement pas compte des personnes handicapées 
			(17) 
			OSCE/BIDDH, Séminaire
d’experts, op. cit.. Des efforts doivent être déployés pour faire prendre conscience, au sein des partis politiques, de la nécessité de faciliter leur participation politique. Il faudrait également encourager les personnes handicapées à s’affilier aux partis et à y jouer un rôle actif. Par exemple, les partis politiques devraient faire en sorte que les événements et les congrès qu’ils organisent soient accessibles à tous. En Norvège, en vertu de la loi sur l’accessibilité et sur la lutte contre la discrimination, les bureaux des partis politiques doivent être accessibles. Les partis politiques pourraient aussi se doter de conseillers sur la participation des personnes handicapées, ainsi qu’organiser à l’intention de leur personnel des formations sur l’inclusion et la non-discrimination. Les groupes politiques pourraient quant à eux, désigner des porte-paroles pour les personnes handicapées au sein des parlements nationaux.
49. Au Royaume-Uni, la loi de 2010 sur l’égalité fait obligation aux partis politiques de procéder à des aménagements raisonnables pour les personnes handicapées. J’ai reçu des informations à propos d’une initiative intéressante, le projet Every vote counts (chaque vote compte) mené par l’organisation United Response en Angleterre et au pays de Galles, qui comprenait un volet de sensibilisation à l’accessibilité et qui encourageait les responsables politiques à rendre les informations accessibles et faciles à lire. United Response, qui publie le périodique d’information facile à lire Easy News, a consacré une édition spéciale aux points forts des programmes politiques des partis en campagne pour les élections de 2015.
50. Je salue la déclaration faite par les dirigeants de plusieurs groupes politiques du Parlement européen 
			(18) 
			Parti populaire européen,
Socialistes et démocrates, Alliance des démocrates et des libéraux
pour l’Europe, Verts/Alliance libre européenne et Groupe confédéral
de la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique. en juin 2013, lors d’une réunion avec le Forum européen des personnes handicapées. Les groupes politiques se sont engagés à «tout faire pour assurer l’accessibilité de leurs documents et informations, en particulier sur leur site internet» 
			(19) 
			Le droit à la participation
politique des personnes handicapées: les indicateurs des droits
de l’homme, op. cit.. Ils ont également appelé à améliorer l’accessibilité des élections au Parlement européen.
51. En publiant leurs informations dans des formats accessibles et en associant les personnes handicapées à leurs activités, les partis politiques peuvent démontrer l’attention qu’ils portent à la participation de ces personnes et, par là même, contribuer à sensibiliser le public à l’importance de l’inclusion et de la participation de tous, sans discrimination, à la vie politique. Ils peuvent aussi contribuer à déconstruire la conviction commune que le seul et unique intérêt des personnes handicapées serait de travailler à des questions concernant le handicap, et promouvoir des modèles auxquels s’identifier. Les partis politiques peuvent plaider et lutter pour la pleine inclusion des personnes handicapées dans la vie politique, ainsi qu’accroître la visibilité de ces personnes sur la scène politique.
52. Lors de ma visite d’information en Autriche, j’ai découvert que le Parti des verts faisait une partie importante de sa communication sous une forme facile à lire. J’encourage tous les partis politiques à privilégier l’utilisation de leurs sites web – ainsi que le recommande M. Erwin Buchinger, Médiateur pour les personnes handicapées –, car ces sites peuvent offrir des plateformes excellentes pour présenter les programmes dans des versions faciles à lire et à comprendre.
53. Les actions menées par des partis politiques pour toucher les personnes handicapées et les encourager à s’engager au sein de leurs structures sont supervisées par des organisations représentant les personnes handicapées. À Berlin, l’ONG Blue Camel supervise les engagements et les actions des partis politiques en ce qui concerne les personnes handicapées et organise une discussion inter-partis sur les questions de handicap avec le soutien du commissaire aux élections. S’agissant de l’observation des élections, je me réjouis que les missions de l’Assemblée parlementaire rendent compte de la participation des personnes handicapées. Il me tarde de prendre connaissance du manuel publié par l’OSCE/BIDDH pour guider les observateurs électoraux sur la participation des personnes handicapées en 2017, publication qui témoigne de l’intérêt grandissant de la communauté internationale pour cette question.

5. Participation politique et éducation inclusive

54. La connaissance et l’exercice des droits politiques sont étroitement liés à l’éducation. Au cours de mes recherches et de mes réunions, j’ai toujours entendu évoquer la méconnaissance des droits politiques des personnes handicapées et dire que, pour remédier à ce manque, il fallait faire davantage dans le domaine de l’éducation.
55. Dans son Observation générale no 4 sur le droit à l’éducation inclusive, le Comité sur les droits des personnes handicapées des Nations Unies souligne que la pleine participation à la vie politique et publique s’améliore avec la réalisation du droit à une éducation inclusive et que, pour tous les étudiants, le programme d’enseignement doit inclure le sujet de la citoyenneté et porter sur les compétences d’autodéfense et d’autoreprésentation, base fondamentale de la participation aux processus politiques et sociétaux 
			(20) 
			Observation
générale no 4 (2016), article 24: Right
to inclusive education (en anglais seulement)..
56. Les enfants et les adolescents reçoivent à l’école les principaux éléments d’éducation civique, ce qui les prépare en tant que futurs électeurs. Une éducation inclusive apporte une préparation identique aux enfants handicapés, qui jouissent des mêmes droits en tant que futurs électeurs. Les parlements peuvent aussi jouer un rôle important dans le domaine de l’éducation politique. Ils peuvent fournir des informations sur le processus de prise de décision dans des formats accessibles sur leurs sites web.
57. Je salue les programmes éducatifs politiques tels que «My Opinion, My Vote» (mon opinion, mon vote) qui, par le biais d’une citoyenneté active et d’une participation à la vie politique et aux élections dans plusieurs États membres de l’Union européenne, vise à autonomiser les personnes atteintes de troubles de l’apprentissage 
			(21) 
			<a href='https://downsyndrome.ie/campaigns-and-projects/my-opinion-my-vote/'>https://downsyndrome.ie/campaigns-and-projects/my-opinion-my-vote/</a> (en anglais seulement).. Les élèves sont amenés et aidés à examiner des processus et des questions politiques, ainsi que leurs droits de citoyens. Les États membres du Conseil de l’Europe devraient encourager et financer ce même type de programmes ciblés d’éducation politique et, ainsi, fournir des informations sur les procédures de vote dans des formats faciles à comprendre.
58. J’aimerais ajouter que l’éducation inclusive peut contribuer à sensibiliser et à démonter les stéréotypes dès le plus jeune âge, ce qui peut avoir un effet positif sur la participation des personnes handicapées et sur la manière dont elles sont perçues en tant que candidats politiques. Les personnes handicapées nourrissent un réel intérêt pour les débats de la vie politique et pour l’information en général, intérêt qui se traduit par leur participation, du moins si des arrangements spécifiques s’y prêtent en termes d’accessibilité.
59. Dernier point mais non le moindre, la famille peut jouer un rôle crucial quant à la participation politique des personnes handicapées, en assurant un environnement propice à la discussion politique et en encourageant la participation.

6. Principales normes internationales pour la protection et la promotion des droits politiques des personnes handicapées

60. Les droits politiques sont garantis à chaque citoyen par plusieurs instruments internationaux clés. Outre les dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5) 
			(22) 
			Article 3 du premier
Protocole (STE no 9): Droit à des élections
libres., de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne 
			(23) 
			La
Charte réaffirme le droit de chaque citoyen de l’Union européenne
de voter et de se présenter comme candidat aux élections au Parlement
européen et à l’échelon local. et de la Déclaration universelle des droits de l’homme 
			(24) 
			La Déclaration souligne
le principe du suffrage égal et universel et du vote à bulletin
secret ou d’une procédure équivalente assurant la liberté de vote
(article 21)., le Pacte international relatif aux droits civils et politiques vise à protéger le droit de tout citoyen de prendre part à la direction des affaires publiques, le droit de voter et d’être élu (article 25). Dans son Observation générale no 25, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies affirmait déjà qu’il n’était pas raisonnable de limiter le droit de vote pour des raisons de handicap physique, soulignant que les États doivent prendre des mesures effectives pour s’assurer que toutes les personnes habilitées à voter peuvent exercer ce droit 
			(25) 
			Observation
générale adoptée par le Comité des droits de l’homme sous l’article 40.4
du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
CCPR/C/21/Rev.1/Add.7, 27 août 1996..
61. Des mesures d’accompagnement doivent être prises pour garantir trois objectifs principaux: la jouissance pour tous du droit de voter, d’être élu et de participer à la vie politique. La Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) va donc plus loin en présentant de telles mesures.
62. L’article 12 de la CDPH réaffirme le droit à la reconnaissance en tous lieux de leur personnalité juridique, et le fait que les personnes handicapées devraient jouir de la capacité juridique dans tous les domaines, sur la base de l’égalité avec les autres. Il prévoit également d’apporter un soutien adéquat pour assurer l’exercice de la capacité juridique, de manière à respecter les préférences, la volonté et les droits de ces personnes.
63. À l’article 29, la CDPH impose aux États parties de «faire en sorte que les personnes handicapées puissent effectivement et pleinement participer à la vie politique et à la vie publique sur la base de l’égalité avec les autres, que ce soit directement ou par l’intermédiaire de représentants librement choisis, notamment qu’elles aient le droit et la possibilité de voter et d’être élues». Les États Parties sont tenus de veiller à ce que les procédures, équipements et matériels électoraux soient appropriés, accessibles et faciles à comprendre et à utiliser. Ils doivent aussi protéger le droit qu’ont les personnes handicapées de voter à bulletin secret, de se présenter aux élections et d’exercer effectivement un mandat électif. L’article mentionne également la nécessité d’autoriser les personnes handicapées à se faire assister d’une personne de leur choix pour voter, de manière à garantir la libre expression de leur volonté. Bien que très complète s’agissant de la participation à la vie politique, cette disposition ne s’applique pas encore à tous les États membres du Conseil de l’Europe puisque, à ce jour, ils sont seulement 44 à avoir ratifié la CRPD 
			(26) 
			Trois États membres
(Irlande, Liechtenstein et Monaco) n’ont pas encore ratifié la Convention..
64. Comme l’a expliqué Mme Quintanilla dans son rapport sur l’égalité et l’insertion des personnes handicapées 
			(27) 
			Doc. 13650; voir également Résolution 2039
(2014) et Recommandation 2064
(2014) de l’Assemblée., «la Convention ne crée pas de droits nouveaux ou de droits spécifiques aux personnes handicapées mais adapte les droits fondamentaux existants à la situation des personnes handicapées afin d’en assurer la pleine jouissance».
65. La nouvelle stratégie du Conseil de l'Europe sur le handicap 2017-2023 a été adoptée le 30 novembre 2016. Elle vise à assurer aux personnes handicapées l’égalité, la dignité et des chances égales aux autres et comporte cinq domaines prioritaires: l’égalité et la non‑discrimination, la sensibilisation, l’accessibilité, la reconnaissance de la personnalité juridique et le droit de ne pas être soumis à l’exploitation, à la violence et à la maltraitance. La participation est considérée comme une question transversale. Elle a été élaborée sur la base des réalisations et de l’évaluation du Plan d’action 2006‑2015 en faveur des personnes handicapées 
			(28) 
			Le rapport d’évaluation
abrégé du Plan d’action 2006-2015 souligne que l’écart entre les
normes fixées et leur mise en œuvre effective dans les États membres
n’est pas encore comblé.. La stratégie n’est pas un document juridiquement contraignant mais un moyen d’action souple et un cadre que chaque État membre peut adapter à sa situation. Elle fournit une feuille de route pour mettre en œuvre des lois, des politiques et des pratiques novatrices en matière de handicap, y compris dans le domaine de la participation politique. La stratégie met l’accent sur la nécessité de mener des campagnes politiques accessibles pour promouvoir la pleine participation des personnes handicapées à la vie politique et publique. Elle souligne qu’une participation pleine et effective des personnes handicapées dans tous les domaines de la vie et de la société dans son ensemble est essentielle pour assurer la jouissance de tous les droits humains. La stratégie sera officiellement lancée en mars 2017, à Nicosie. Les États membres devraient affecter des ressources suffisantes à sa mise en œuvre.
66. D’autre part, la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) a souligné que les personnes handicapées devraient «pouvoir exercer leur droit de vote et participer à la vie politique et publique en qualité d’élu(e)s sur un pied d’égalité avec les autres citoyens» 
			(29) 
			Déclaration interprétative
révisée du Code de bonne conduite en matière électorale relative
à la participation des personnes handicapées aux élections, adoptée
par le Conseil des élections démocratiques lors de sa 39e session (Venise,
15 décembre 2011) et par la Commission de Venise lors de sa 89e session
plénière (Venise, 16‑17 décembre 2011), CDL-AD(2011)045-f., et elle a présenté des mesures concrètes. La Commission de Venise a expliqué que le principe d’égalité pouvait être mis en pratique par des aménagements raisonnables, à savoir en adaptant les procédures et matériels existants et en les rendant accessibles. Elle a également mentionné la nécessité d’assister les électeurs handicapés, de respecter le principe selon lequel le vote doit être individuel et de protéger le vote à bulletin secret, en facilitant le recours à des technologies d’assistance ou l’intervention d’une personne librement choisie par la personne handicapée pour l’aider à voter. La Commission de Venise a exhorté, en outre, à assurer l’égalité des chances pour les partis et les candidats, insistant tout particulièrement sur l’égalité pour les personnes handicapées qui se présentent à des élections. Dans ses lignes directrices pour l’observation des élections, elle a aussi ajouté le suivi de la participation des personnes handicapées.
67. La Recommandation CM/Rec(2011)14 du Comité des Ministres sur la participation des personnes handicapées à la vie politique et publique appelle les États membres à «veiller à ce que leur législation dans son ensemble n’opère pas de discrimination à l’égard des personnes handicapées dans la vie politique et publique». Elle précise aussi que «[t]outes les personnes handicapées, que leurs déficiences soient physiques, sensorielles ou intellectuelles, qu’elles aient des problèmes de santé mentale ou de maladie chronique, ont le droit de voter au même titre que les autres citoyens et ne devraient être privées de ce droit par aucune loi restreignant l’exercice de leur capacité juridique, par aucune décision judiciaire ou autre, ou par aucune autre mesure fondée sur leur handicap, leur fonctionnement cognitif ou la perception subjective de leur capacité».
68. Le cadre juridique international pour la protection et la promotion des droits politiques des personnes handicapées est relativement complet; dans l’ensemble, il indique clairement quelles mesures sont à prendre pour assurer la jouissance des droits politiques. Reste qu’il n’est pas systématiquement transposé dans la législation nationale ni appliqué. Aussi des mesures s’imposent-elles au niveau national pour s’attaquer aux multiples difficultés rencontrées par les personnes handicapées lorsqu’elles veulent exercer leurs droits politiques.

7. Conclusions

69. Le droit des personnes handicapées de voter, d’être élues et, plus généralement, de participer à la vie politique, est une question importante, mais pas seulement parce qu’elle concerne les droits des personnes handicapées. Il s’agit d’une question importante pour la démocratie et l’égalité, qui montre à quel point nos démocraties peuvent être inclusives ou exclusives.
70. Assurer la participation politique des personnes handicapées n’est pas une utopie. Il est possible d’adapter les procédures de vote, de rendre les informations accessibles et de lancer des campagnes de sensibilisation. Rendre la vie politique plus inclusive est une question de volonté politique. Il est possible de mener des actions concrètes et de faire des investissements afin d’atteindre des résultats tangibles. Il est de notre responsabilité, à nous, politiques, de plaider en faveur d’une vie politique inclusive.
71. Il est possible de changer les mentalités au sujet de la capacité des personnes handicapées à participer aux élections et à s’y présenter en organisant des campagnes de sensibilisation avec le concours des organisations représentant les personnes handicapées et les organisations de personnes handicapées.
72. Dissocier le droit de vote de la capacité juridique et de la tutelle complète est fondamental pour garantir la participation des personnes handicapées à la vie politique. Aujourd’hui en Europe, nous ne devrions plus accepter cette privation du droit de vote et devrions abroger toutes les lois et règlements qui privent les personnes handicapées de leur droit de vote. En outre, il ne faut pas oublier non plus la situation particulière des personnes handicapées vivant dans des établissements de soins de longue durée; leurs droits doivent être protégés. Les personnes handicapées sont désireuses de participer à la vie politique. Il convient, s’il y a lieu, d’assurer une assistance au vote grâce à un mécanisme de prise de décision accompagnée respectant le libre arbitre de l’électeur qui pourra se faire assister de la personne de son choix. De même, le soutien à la prise de décision ne devrait pas être utilisé comme une justification pour limiter d’autres droits fondamentaux des personnes handicapées, notamment le droit de vote.
73. La coopération entre parlements, partis politiques, organisations représentant les personnes handicapées et organisations de personnes handicapées devrait être encouragée davantage. Qu’il s’agisse de changer une loi ou d’élaborer un projet de loi concernant les droits des personnes handicapées, l’opération devra se faire en étroite concertation avec les organisations représentant les personnes handicapées et les organisations de personnes handicapées selon le principe suivant: «Rien pour nous sans nous»
74. Les partis politiques devraient faire preuve de plus d’ouverture et d’un engagement concret à rendre la vie politique plus diverse et représentative de la population. Pour renforcer l’intégration, ils pourraient mettre en place des commissions représentant les personnes handicapées. Ils pourraient aussi mieux promouvoir la participation, encourager les personnes handicapées à se présenter aux élections et leur offrir, sans discrimination, des positions éligibles sur les listes électorales. Les partis politiques devraient être conscients que les personnes handicapées constituent une partie importante de l’électorat et s’attacher à créer une culture de participation politique égalitaire.
75. À mon sens, nous devrions aussi préconiser une approche globale de l’accessibilité qui couvre l’accès physique aux bâtiments publics mais aussi l’accès à l’information sur les processus électoraux, les procédures de vote et les programmes politiques en versions faciles à lire et à comprendre, avec une interprétation en langue des signes sur demande et des sous-titres pour les vidéos. Les procédures doivent être adaptées aux personnes ayant un handicap intellectuel ou psychosocial et les conditions d’inscription des électeurs ne devraient empêcher personne de participer. Des crédits suffisants devraient être débloqués pour garantir l’accessibilité en général, même en période d’austérité.
76. Les droits politiques des personnes handicapées ne peuvent plus rester sur une liste de souhaits. Ils doivent devenir une réalité dans la pratique. À cette fin, nous devons continuer de promouvoir une éducation inclusive et une éducation civique sous une forme accessible à tous. L’éducation inclusive peut contribuer à démonter les stéréotypes, à combattre la discrimination et à changer notre perception des personnes handicapées dans la société.
77. Enfin, pour commencer à appliquer nos recommandations à nos propres structures internes, je voudrais plaider pour que les résolutions et recommandations sur les droits des personnes handicapées adoptées par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe soient disponibles, sur le site web de l’Assemblée, en versions faciles à comprendre et avec à une interprétation en langue des signes.