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Résolution 2154 (2017)

Garantir l’accès des détenus à un avocat

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Texte adopté par la Commission permanente, agissant au nom de l’Assemblée, le 10 mars 2017 (voir Doc. 14267, rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, rapporteure: Mme Marietta Karamanli).

1. L’Assemblée parlementaire souligne l’importance du droit à l’assistance d’un défenseur en matière pénale, tel que consacré par l’article 6.3.c de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5, «la Convention»). Elle rappelle que ce droit implique la possibilité pour l’accusé de se défendre lui-même, d’avoir l’assistance d’un défenseur de son choix ou d’être assisté gratuitement par un avocat commis d’office, s’il n’a pas les moyens suffisants de rémunérer un défenseur et lorsque les intérêts de la justice l’exigent.
2. L’Assemblée constate que la réalisation du droit à l’assistance d’un défenseur fait partie intégrante du droit à un procès équitable garanti par l’article 6.1 de la Convention et par les principes de l’État de droit. Elle souligne que le respect de ce droit est fondamental pour les personnes privées de liberté, peu importe la nature de leur privation de liberté.
3. Dans sa Résolution 2077 (2015) sur l’abus de la détention provisoire dans les États parties à la Convention européenne des droits de l’homme, l’Assemblée a appelé les États membres à garantir une meilleure égalité des armes entre le ministère public et la défense, en octroyant aux avocats de la défense un libre droit de visite aux détenus, en leur permettant l’accès au dossier de l’enquête et en consacrant des fonds suffisants à l’aide juridictionnelle.
4. L’Assemblée note que les limitations de ce droit peuvent porter atteinte à d’autres droits et libertés garantis par la Convention, tels que le droit à la vie, le droit de ne pas être soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants, ou le droit à un recours contre la décision initiale de privation de liberté. Elle souligne que le fait de garantir aux détenus le droit d’accès à un avocat peut être un moyen essentiel de prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants au sens de l’article 3 de la Convention.
5. L’Assemblée souligne qu’il est d’une importance primordiale que l’accès des détenus à un avocat soit effectif dès le début de la détention – peu importe la nature du délit ou du crime, et peu importe qu’il s’agisse d’un délit mineur ou majeur – pour garantir que les droits de la défense sont des droits concrets et effectifs, et non pas théoriques ou illusoires. En effet, c’est souvent au tout début de la détention que le risque d’abus commis en vue d’obtenir des aveux en l’absence d’un avocat et/ou sous la contrainte est le plus élevé.
6. L’Assemblée appelle par conséquent les États membres:
6.1. à garantir l’accès effectif des suspects, des personnes accusées ou mises en examen (privées de liberté ou non), ainsi que des participants à la procédure pénale, à l’avocat de leur choix à tous les stades de la procédure pénale, notamment dès le tout début de la garde à vue ou de toute autre mesure de privation de liberté – y compris la rétention administrative des migrants et des demandeurs d’asile – et non pas uniquement au début des interrogatoires de police, et à garantir cet accès tout au long de la procédure; à veiller à ce qu’un laps de temps suffisant et raisonnable soit toujours accordé pour permettre à l’avocat d’arriver sur les lieux de l’investigation, en particulier les perquisitions; ainsi qu’à abolir les restrictions injustifiées quant au nombre d’avocats de la défense;
6.2. à garantir la confidentialité des communications entre l’avocat et son client en toutes circonstances, et à s’assurer, dans ce contexte, que tous les lieux de détention disposent des infrastructures nécessaires pour permettre aux détenus de s’entretenir en privé avec leurs avocats;
6.3. à garantir la présence d’un avocat pendant les auditions de détenus, y compris dans le contexte de la rétention des étrangers;
6.4. à créer, le cas échéant, un système d’aide juridictionnelle gratuite, garantie essentielle de l’effectivité du droit d’accès à un avocat, et à consacrer des fonds appropriés à cette fin;
6.5. à mettre en place, si ce n’est pas encore le cas, un système national indépendant de nomination des avocats commis d’office, comme outil de prévention des abus et pour éviter les contacts directs en amont entre enquêteur et avocat potentiel;
6.6. à supprimer, le cas échéant, les dispositions procédurales qui prévoient que les avocats aient besoin de l’autorisation du procureur ou de l’enquêteur pour rencontrer leurs clients;
6.7. à s’assurer que toute dérogation à la présence d’un avocat est soumise à des conditions très strictes. Une telle dérogation doit être limitée dans le temps et soumise à l’autorisation ou au contrôle d’un juge garant de la liberté individuelle, y compris dans le contexte de la lutte contre le terrorisme et de la mise en place de mesures d’exception;
6.8. à mettre en place des recours effectifs en cas d’absence ou d’entrave à l’accès des détenus à un avocat.
7. L’Assemblée souligne qu’en aucun cas un témoignage auto-incriminant obtenu en l’absence d’un avocat, ou en cas d’entraves à l’accès à un avocat, ne devrait être accepté comme élément de preuve valide devant les tribunaux, ni servir de base pour condamner un accusé.
8. Par ailleurs, l’Assemblée appelle les États membres à enquêter rapidement, avec efficacité et en toute indépendance, sur toutes les allégations de menaces, d’intimidation ou de violence, y compris de meurtres, à l’encontre d’avocats.
9. Au vu des restrictions au droit d’accès à un avocat imposées par certains États membres dans le contexte de la lutte contre le terrorisme et de l’état d’urgence, l’Assemblée rappelle aux États membres que l’état d’urgence est une procédure d’exception qui ne saurait perdurer dans le temps et qui devrait être levée le plus tôt possible pour un retour à l’application de la législation ordinaire. L’Assemblée insiste pour que l’accès effectif des suspects, des personnes accusées ou mises en examen (privées de liberté ou non), ainsi que des participants à la procédure pénale, à l’avocat de leur choix ne puisse être limité que dans les cas de dérogation en cas d’état d’urgence, en vertu des dispositions de l’article 15 de la Convention européenne des droits de l'homme. Elle invite par ailleurs les parlements nationaux à mettre en place un contrôle parlementaire de l’état d’urgence, le cas échéant. Elle les invite aussi à améliorer le contrôle juridictionnel a priori des mesures de restriction aux libertés individuelles. Elle souhaite enfin que les décisions de mise en œuvre et de renouvellement d’un tel régime puissent être évaluées et contrôlées en fonction de leur opportunité, de leur nécessité et de leur proportionnalité aux finalités qu’elles sont censées poursuivre.
10. L’Assemblée appelle les États membres à continuer de coopérer avec le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) et à autoriser la publication des rapports de visite du CPT le plus tôt possible.