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Rapport | Doc. 14322 | 15 mai 2017

Les droits en matière d’emploi des travailleurs domestiques en Europe, spécialement ceux des femmes

Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable

Rapporteur : M. Viorel Riceard BADEA, Roumanie, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 13400, Renvoi 4111 du 6 mars 2015. 2017 - Commission permanente de mai

Résumé

Le secteur du travail domestique, qui emploie des centaines de milliers de femmes migrantes, ne cesse de s’étendre en raison de la demande croissante de services domestiques et d’aide à la personne partout en Europe.

Malgré l’importance considérable de ce type de travail, les travailleurs domestiques se trouvent souvent dans une situation défavorable, puisqu’ils ne jouissent pas d’une protection sociale élémentaire et des droits fondamentaux du droit du travail et sont victimes de violences et de mauvaises conditions de travail. Le présent rapport analyse les violations de leurs droits du travail et exhorte les parlements nationaux à modifier la législation applicable, afin de garantir à cette catégorie vulnérable d’employés le droit à des conditions de travail décentes.

Compte tenu du fait que tout individu devrait avoir la possibilité de jouir des droits que lui confère le droit du travail, l’Assemblée parlementaire invite instamment les États membres à, notamment, reconnaître le travail domestique comme «un vrai travail», étendre le champ d’application de la protection sociale et du droit du travail aux travailleurs domestiques, ainsi qu’à ratifier et mettre en œuvre sans tarder la Convention de l’OIT sur les travailleurs et travailleuses domestiques de 2011 (no 189).

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 24 avril
2017.

(open)
1. Les travailleurs domestiques représentent une part importante des salariés en Europe et jouent un rôle essentiel à la bonne marche des économies nationales. Pourtant, le secteur du travail domestique, caractérisé par sa nature informelle et les stéréotypes qui lui sont attachés, est perçu, à tort, comme ayant une valeur économique et sociale marginale. Les travailleurs domestiques figurent parmi les groupes de travailleurs les plus vulnérables: comme leur activité se déroule dans l’intimité des foyers et qu’ils n’ont souvent qu’un statut précaire, ils sont souvent invisibles, sous-payés et/ou non déclarés et ne sont donc pas couverts par le droit du travail. Il est urgent de reconnaître le travail domestique comme «un vrai travail» et de s’entendre sur une définition claire qui devra être adoptée dans toute l’Europe.
2. Chaque année, des milliers de travailleurs domestiques – dont une majorité de femmes migrantes – viennent en Europe en quête d’une vie meilleure pour eux-mêmes et leurs familles, mais certains se retrouvent piégés dans des emplois où ils sont exploités et victimes d’abus. Il est grand temps que l’Europe fasse plus d’efforts pour protéger cette catégorie de travailleurs vulnérables en œuvrant pour la justice sociale et en luttant contre la discrimination, l’exclusion sociale et les mauvais traitements, qui peuvent déboucher sur l’esclavage moderne et le travail forcé. Tous les travailleurs domestiques devraient être traités à égalité et avec équité, quels que soient leur origine, leur nationalité, leur race, leur sexe, leur religion ou leur statut migratoire.
3. S’agissant du cadre juridique, l’Assemblée parlementaire appelle donc les États membres:
3.1. à mettre fin à toutes les formes d’abus des travailleurs domestiques et à garantir leur protection sociale et leurs droits relatifs au travail, notamment en ratifiant et en appliquant rapidement, s’ils ne l’ont pas encore fait, la Convention no 189 sur les travailleuses et travailleurs domestiques, et en appliquant la Recommandation no 201 sur les travailleuses et travailleurs domestiques, adoptées par l’Organisation internationale du travail (OIT) en 2011;
3.2. à étendre la portée de la protection sociale et du droit du travail aux travailleurs domestiques conformément à la Charte sociale européenne (révisée) (STE no 163) et à garantir entre autres, par la révision des cadres législatifs, le droit à la dignité au travail, des heures de travail normales, des périodes de repos journalier et hebdomadaire et des congés annuels, le droit au salaire minimum, le droit à la sécurité sociale, la sécurité et l’hygiène au travail et des conditions de vie et de travail décentes;
3.3. à établir une plateforme internationale d’échange et de coopération sur la base de la compétence de l’OIT et du Conseil de l’Europe afin de partager les meilleures pratiques pour assurer des conditions décentes aux travailleurs domestiques et de réaliser de nouvelles études sur les effets des réformes législatives, de manière à évaluer les obstacles rencontrés par les travailleurs domestiques et à comprendre les comportements socio-économiques et les processus décisionnels des employeurs et des travailleurs;
3.4. à mettre en place des dispositifs pour faire appliquer la loi, notamment:
3.4.1. des équipes d’inspection du travail multilingues, formées aux spécificités du travail domestique, à la collecte de données et aux techniques d’enquête;
3.4.2. un mécanisme de recours peu onéreux et facilement accessible, dont la conception prenne vraiment compte des besoins des travailleurs domestiques;
3.4.3. une assistance juridique destinée aux travailleurs domestiques, si nécessaire par l’intermédiaire des missions diplomatiques;
3.4.4. des campagnes de sensibilisation à l’importance du travail domestique, dont le but serait de favoriser les contrats déclarés, d’informer les travailleurs de leurs droits et des moyens de les faire effectivement valoir, ainsi que de diffuser les bonnes pratiques auprès des employeurs;
3.4.5. des incitations et des procédures simplifiées pour les foyers afin qu’ils déclarent l’embauche de travailleurs domestiques, en s’appuyant sur les bonnes pratiques déjà en place (comme les chèques emploi-service).
4. S’agissant de la forte proportion de femmes dans le secteur du travail domestique, l’Assemblée appelle les États membres:
4.1. à prendre des mesures concrètes pour faire progresser l’égalité de genre dans le monde du travail et garantir aux femmes des droits égaux et la même protection dans la législation nationale du travail;
4.2. à garantir la protection des travailleuses domestiques contre toutes les formes d’abus, de violence et de harcèlement en prenant des mesures qui tiennent compte de la spécificité de leur lieu de travail et des difficultés qui se posent aux services d’inspection du travail dans l’exercice de leurs missions de contrôle;
4.3. à étendre la protection de la maternité et de l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie familiale à la sphère du travail domestique, y compris pour ce qui est des congés de maternité et parental payés, de périodes de repos suffisantes, de pauses pour l’allaitement, de structures de garde d’enfants et d’absence de toute discrimination fondée sur la maternité et s’assurer que les travailleuses enceintes obtiennent un soutien pratique durant leur grossesse pour préserver leur santé et leur bien-être et ceux de leurs enfants à naître, et qu’en aucune circonstance les travailleuses enceintes ne soient soumises à la pression de leurs employeurs pour les faire avorter;
4.4. à créer des centres d'orientation et de soutien afin de diffuser l’information relative aux droits des travailleurs et à la sécurité au travail et de dispenser des conseils, une aide juridique, un soutien psychologique, ainsi que des services relatifs à l’intégration et au regroupement familial;
4.5. à mettre en place des services de qualité, accessibles et abordables, à domicile ou dans une structure d’accueil, pour les enfants et les personnes âgées qui ont besoin d’une assistance, afin de dissuader les ménages de recourir aux services de personnes non déclarées par manque de solutions à leur portée.
5. Vu la hausse considérable de la demande de services domestiques en Europe, les États membres devraient reconnaître l’importance majeure de ce secteur et sa contribution au bien-être socio-économique des sociétés d’accueil. La demande croissante dans ce domaine est fondée sur la transformation des familles à revenu unique en familles à deux revenus, conjuguée à une augmentation rapide de la population âgée et à une hausse du coût de la vie dans les pays d’origine, qui pousse nombre de personnes à rechercher un travail à l’étranger. Puisqu’ils reconnaissent que les travailleurs hautement qualifiés assurent des prestations de meilleure qualité, les États membres devraient faciliter l’intégration des travailleurs domestiques en prenant les mesures suivantes:
5.1. la mise en place de politiques de professionnalisation pour les travailleurs domestiques, en s’assurant qu’ils bénéficient de l’égalité d’accès aux programmes de formation professionnelle et aux cours de langues;
5.2. l’établissement de procédures rapides et complètes de reconnaissance des diplômes étrangers et des compétences acquises;
5.3. le réexamen des politiques de «visas liés», dans le but de régulariser la situation des travailleurs immigrés titulaires d’un permis de séjour temporaire et de leur permettre de changer d’employeur;
5.4. la sensibilisation des employeurs au fait que conserver les documents d’identité et de voyage de leurs employés est une pratique inacceptable qui est contraire aux principes juridiques fondamentaux régissant les relations entre employeurs et employés.
6. De plus, les États membres devraient veiller à assurer une participation suffisante des travailleurs domestiques au dialogue social et défendre leur droit à adhérer aux organisations de leur choix ou à créer les leurs. Les syndicats devraient aider les travailleurs domestiques à sortir de l’isolement social et à se faire entendre collectivement. Les organisations de travailleurs domestiques devraient être encouragées à promouvoir des outils pratiques mis à la disposition des travailleurs et des employeurs (contrats-types, emplois du temps, outils d’enregistrement du temps de travail et des pauses, etc.), à faciliter les négociations d’embauche et à apporter leur assistance pour le dépôt de plaintes.

B. Exposé des motifs, par M. Viorel Riceard Badea, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Le 28 janvier 2014, avec d’autres membres de l’Assemblée parlementaire, j’ai déposé une proposition de résolution intitulée «Les droits des femmes salariées d’Europe orientale en matière d’emploi» (Doc. 13400). Cette proposition exprime des inquiétudes concernant la discrimination à laquelle les travailleuses domestiques d’Europe orientale sont exposées dans certains pays d’Europe occidentale.
2. Selon une récente étude entreprise par l’Organisation internationale du travail (OIT), l’Europe septentrionale, méridionale et occidentale totalise 19 % des travailleurs domestiques immigrés vivant en Europe, dont le nombre est estimé à 2,2 millions. Ce chiffre est cependant probablement beaucoup plus élevé compte tenu du caractère informel du secteur, des migrations clandestines et de la frontière floue entre les activités relevant du travail domestique et les activités de services à la personne.
3. Les cas de non-respect des recommandations existantes relatives à la main-d’œuvre étrangère employée dans le secteur du travail domestique sont apparemment légion. L’Assemblée et d’autres organisations internationales ont réalisé différents travaux sur le sujet, et des lignes directrices exhaustives ont été élaborées à l’intention des États membres pour protéger les travailleurs domestiques contre les abus et toute atteinte à leurs droits. Plus récemment, dans sa Résolution 1993 (2014) «Un travail décent pour tous», l’Assemblée a souligné la nécessité «de prévoir des garde-fous et des sanctions sévères pour lutter contre l’emploi irrégulier et d’améliorer les garanties sociales contractuelles pour les travailleurs détachés, jeunes, migrants et les travailleurs domestiques».
4. La Recommandation 1663 (2004) de l’Assemblée «Esclavage domestique: servitude, personnes au pair et épouses achetées par correspondance» avait explicitement souligné l’urgence d’une reconnaissance du travail domestique chez les particuliers en tant que «véritable travail», auquel s’appliquent les droits en matière d’emploi et la protection sociale, y compris le salaire minimal, les indemnités de maladie et de maternité, ainsi que les droits à pension. Les droits à l’assurance santé et à la vie familiale des travailleurs domestiques, ainsi que le droit d’avoir du temps libre et du temps pour soi, devaient de même être garantis. L’Assemblée recommandait en outre l’introduction d’un système d’accréditation pour les agences de placement de travailleurs domestiques, par lequel ces agences s’engageraient à respecter des normes minimales.
5. En vue de lutter contre le problème de l’esclavage domestique (dont les travailleurs migrants sont des victimes potentielles, étant donné les effroyables atteintes à leurs droits), l’Assemblée a adressé un certain nombre de recommandations aux États membres par l’intermédiaire du Comité des Ministres, qui leur demande notamment, dans sa Recommandation 1523 (2001) sur l’esclavage domestique, de donner aux employés de maison des informations précises sur les risques du travail à l’étranger. Dans une résolution ultérieure, l’Assemblée a rappelé que tous les travailleurs, qu’ils soient permanents ou saisonniers, sont des hommes et des femmes qui ont droit au respect et à la dignité humaine. À cet effet, l’Assemblée a invité les États membres à signer et/ou ratifier la Convention internationale des Nations Unies sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille 
			(2) 
			Recommandation 1781 (2007) sur l’agriculture et l’emploi irrégulier en Europe..
6. Les efforts considérables déployés par l’OIT pour assurer une meilleure protection aux travailleurs domestiques méritent par ailleurs une attention particulière. Le 16 juin 2011, l’OIT a adopté un ensemble historique de normes internationales visant à améliorer les conditions de travail de dizaines de millions de travailleurs domestiques à travers le monde, à savoir la Convention no 189 et la Recommandation no 201 sur les travailleuses et travailleurs domestiques. Enfin et surtout, les documents publiés par l’OIT – travaux de recherche, recueils de bonnes pratiques, études de cas et lignes directrices pour l’amélioration de la législation nationale, élaborées en tenant dûment compte des contextes nationaux et des spécificités de chaque pays – constituent d’excellents outils pour donner des moyens d’agir aux décideurs.
7. Néanmoins, la question est loin d’être réellement abordée et efficacement traitée. Qu’il s’agisse d’un manque de volonté politique ou de l’extrême complexité du secteur, les travailleurs domestiques immigrés en Europe restent vulnérables; beaucoup demeurent victimes d’exploitation. À ce propos, je tiens à rappeler les articles 2 et 26 de la Charte sociale européenne (révisée) (STE no 163), qui garantissent le droit à des conditions de travail équitables et le droit à la dignité dans le travail. L’Assemblée doit s’attaquer sans retard à cette problématique et assurer un suivi rigoureux des progrès accomplis par les États membres qui sont résolus à concrétiser les recommandations de l’Assemblée parlementaire par de véritables politiques.

2. La situation des travailleurs domestiques immigrés

8. Les travailleurs domestiques immigrés sont souvent victimes de discrimination directe ou indirecte en raison de leur statut d’étrangers. Traditionnellement, le travail domestique est considéré comme un secteur du marché du travail accessible à des travailleurs peu qualifiés. De nombreux facteurs comme le statut socio-économique dévalorisé, le caractère isolé du lieu de travail et le peu de moyens de se faire entendre collectivement rendent cette catégorie de salariés particulièrement vulnérable à l’exploitation et aux mauvaises conditions de travail.
9. Selon les données disponibles, il apparaît que certains employeurs profitent de la position de faiblesse des personnes à la recherche d’un emploi qui sont prêtes à faire de sérieux compromis dans l’espoir d’améliorer leurs conditions de vie et celles de leur famille restée au pays natal. Les différences entre les législations nationales et l’absence de toute réglementation européenne en la matière rendent de tels abus possibles. Les travailleurs domestiques étrangers pâtissent souvent d’un manque d’information sur leurs droits et les recours possibles contre les abus et, même lorsqu’ils les connaissent, ils évitent souvent de déposer plainte car une telle démarche risque d’avoir des répercussions sur leurs relations avec leurs employeurs et pourrait aussi avoir une incidence sur leur statut au regard du droit au séjour.
10. De fait, le secteur est loin d’être homogène. Le travail domestique et les soins à la personne varient considérablement par la nature du travail (ménage et autres tâches domestiques, soins aux personnes âgées ou aux enfants), les modalités d’emploi (hébergement chez l’employeur ou à l’extérieur, un seul ou plusieurs employeurs, agence de services, structure informelle ou formelle), le lieu de travail (travail à domicile, chez d’autres personnes ou dans des établissements pour personnes dépendantes) et la législation applicable (programmes de placement au pair, échanges culturels ou législation du travail) 
			(3) 
			Maria Kontos, Between
Integration and Exclusion: Migrant Women in European Labor Markets
[Entre intégration et exclusion: les femmes migrantes sur les marchés
du travail européens], 23 mars 2011, Institut des politiques migratoires, <a href='http://www.migrationpolicy.org/'>www.migrationpolicy.org/</a>..
11. À ce propos, il est à noter qu’il n’existe aucun cadre juridique réglementant clairement les conditions de travail de cette catégorie de salariés. Leur situation se caractérise souvent par de lourdes charges de travail, de bas salaires et des paiements illicites. Les heures de travail effectuées par les travailleurs domestiques chez des particuliers en Europe sont parmi les plus longues et les plus imprévisibles et peuvent aller de 14 à 18 heures par jour, sept jours par semaine, ce qui représente une violation manifeste de l’article 2 de la Charte sociale européenne (révisée) qui engage les États «à fixer une durée raisonnable au travail journalier et hebdomadaire» et «à assurer un repos hebdomadaire». Le statut inférieur des travailleurs domestiques se manifeste aussi par le fait qu’ils ne bénéficient d’aucun congé payé ni de prestations telles que le congé maternité, un régime de pension ou une indemnisation en cas de blessure, ainsi que par la privation de toute vie sociale et familiale. Plusieurs affaires de violations des droits de travailleurs domestiques immigrés dans des foyers de diplomates ont été portées à mon attention: elles vont d’infractions mineures au droit du travail au travail forcé et à des pratiques relevant de l’esclavage. Il s’est avéré quasiment impossible pour les victimes de demander justice puisque leurs employeurs étaient protégés par leur immunité diplomatique 
			(4) 
			Angelika Kartusch et
Heike Rabe, «Domestic Workers in Diplomats’ Households», juin 2011..
12. La situation s’avère encore plus sombre dans le cas du travail non déclaré qui constitue un problème majeur en Europe puisqu’il représentait, en 2012, 18,4 % du produit intérieur brut de l’Union européenne 
			(5) 
			Site
web d’information du Parlement européen, <a href='http://www.europarl.europa.eu/news/fr/'>www.europarl.europa.eu/news/fr/</a>.. En fait, les travailleurs domestiques sont souvent invisibles pour ce qui est de l’immatriculation à la sécurité sociale ou d’autres formalités déclaratives obligatoires. Cet état de choses sape la possibilité d’exiger des conditions de travail décentes car les travailleurs sont privés de droits au titre de la législation nationale du travail et, même lorsqu’il existe des systèmes de protection sociale pour les travailleurs domestiques, ils ne sont pas couverts par la sécurité sociale; par conséquent, les personnes occupant des emplois non déclarés ne jouissent pas de leurs droits sociaux fondamentaux, notamment en matière d’emploi.
13. Les travailleurs domestiques originaires d’un pays ne faisant pas partie de l’Union européenne sont davantage exposés aux risques d’abus en raison de politiques restrictives d’immigration où le visa est parrainé par l’employeur, créant ainsi un lien de subordination. L’employeur contrôle le statut du travailleur au regard du droit de l’immigration et, partant, sa capacité à changer d’emploi; parfois, il décide même si le travailleur peut ou non rentrer chez lui 
			(6) 
			Human Rights Watch,
Protect Domestic Workers from Violence [Protéger les travailleurs
domestiques contre la violence], 24 novembre 2008.. Au Royaume-Uni, par exemple, les travailleurs domestiques originaires d’un pays ne faisant pas partie de l’Espace économique européen (EEE) sont liés à leur employeur par un système de visa particulier qui les empêche de partir chercher un emploi ailleurs même s’ils sont exposés à des violences et à l’exploitation 
			(7) 
			London City Hall (Ville
de Londres), <a href='https://www.london.gov.uk/'>https://www.london.gov.uk/</a>..
14. Le secteur du travail domestique et des soins à la personne emploie des centaines de milliers de femmes migrantes dans toute l’Europe. Il est difficile d’obtenir des données fiables sur l’ampleur du travail domestique en Europe, notamment en raison de son caractère informel 
			(8) 
			Decent
Work for Domestic Workers: The state of labour rights, social protection
and trade union initiatives in Europe [Un travail décent pour les
travailleurs domestiques: état des lieux des droits du travail,
de la protection sociale et des initiatives syndicales en Europe],
rapport du Bureau des activités pour les travailleurs (ACTRAV) du
Centre international de formation (CIF) de l’OIT, établi avec le
concours de la Confédération européenne des syndicats (CES) et de
la Fédération européenne des syndicats de l’alimentation, de l’agriculture
et du tourisme (EFFAT).. D’après les estimations du Parlement européen, fondées sur les données statistiques de l’OIT, 2,5 millions de personnes seraient employées comme travailleurs domestiques au sein de l’Union européenne, dont 88 % de femmes 
			(9) 
			Parlement européen,
«Reconnaître les droits des travailleurs domestiques et des auxiliaires
de vie dans l’UE», <a href='http://www.europarl.europa.eu/news/fr/news-room/20160426IPR24779/reconnaître-les-droits-des-travailleurs-domestiques-dans-l'ue'>www.europarl.europa.eu/news/fr/news-room/20160426IPR24779/reconnaître-les-droits-des-travailleurs-domestiques-dans-l'ue</a>.. Certaines études estiment que rien qu’en Europe, un million supplémentaire de travailleurs en séjour irrégulier (souvent des migrants) accomplissent ce travail 
			(10) 
			EFFAT, «Les travailleurs
et travailleuses domestiques en Europe s’organisent!», <a href='http://www.effat.org/'>www.effat.org/</a>..
15. Dans les pays d’Europe occidentale, les travailleurs domestiques qui se trouvent dans une situation défavorable sont originaires d’autres pays de l’Union européenne ou de pays non membres de l’Union européenne. En majorité, ce groupe de main-d’œuvre est originaire aussi bien d’États membres (Bulgarie, Croatie, République tchèque, Estonie, Hongrie, Pologne, Roumanie et République slovaque) que d’États non membres (République de Moldova, Russie, Ukraine, États des Balkans occidentaux, pays arabes voisins et pays d’Afrique et d’Asie) de l’Espace économique européen 
			(11) 
			Eurostat, <a href='http://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php/Main_Page/fr'>http://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php/Main_Page/fr</a>..
16. Les travailleurs domestiques migrants ne sont pas uniformément répartis à travers l’Europe, mais vivent essentiellement dans les États de l’Europe méridionale. Ils sont concentrés principalement en Italie (27,5 %), en Espagne (25 %) et en France (23 %). Viennent ensuite l’Allemagne (8,5 %) et le Portugal (5,1 %). En Italie, plus de 80 % des travailleurs domestiques déclarés sont des étrangers; en France, environ 28 % des 250 000 employés de maison et 11 % des plus de 540 000 aides à domicile sont issus de l’immigration.
17. Selon les estimations, les emplois et les services d’aide aux familles représentent 4,9 % des emplois en Europe, ce qui témoigne de l’importance économique de ce type de services 
			(12) 
			Rapport sur les femmes
employées de maison, auxiliaires de vie et gardes d’enfants dans
l’Union européenne (2015/2094(INI)), rapporteure: Kostadinka Kuneva,
5 avril 2016.. Le secteur du travail domestique continuera à avoir d’importantes retombées économiques pour les sociétés européennes et à offrir des perspectives d’emploi et des revenus à une proportion croissante de la main-d’œuvre. Une pléthore de facteurs, dont des aspects démographiques, culturels et socio-économiques, créent un besoin grandissant de ces services 
			(13) 
			Maria Gallotti, The
Gender dimension of Domestic Work in Western Europe [La dimension
de genre dans le travail domestique en Europe occidentale], OIT,
2009..
18. La nationalité d’un travailleur peut souvent être vue comme la source de discriminations, qui peuvent induire des différences de traitement entre différentes nationalités. Ces différences dans le traitement peuvent être liées aux préjugés, négatifs ou positifs, de l’employeur concernant la valeur et la qualité de leur travail, mais aussi au pouvoir de négociation des pays d’origine et à leur capacité à exiger une plus grande protection des travailleurs. Permettez-moi de vous donner un exemple à ce propos. Il ressort d’entretiens avec des employeurs polonais 
			(14) 
			A.
Kordasiewicz, Ethniczny wymiar funkcjowania rynku uslug domowych
w Warszawie [La dimension ethnique du marché des services domestiques
à Varsovie], Institut Spraw Publicznych, Varsovie, 2010. que les travailleurs domestiques d’origine ukrainienne sont souvent considérés comme étant plus travailleurs, honnêtes, fiables, dociles, «moins chers» et moins susceptibles d’avoir des revendications au sujet de leur travail que leurs homologues polonais 
			(15) 
			Marie-José Tayah, Decent
work for migrant domestic workers: Moving the agenda forward [Un
travail décent pour les travailleurs domestiques immigrés: faire
avancer les choses], OIT,
Département des conditions de travail et de l’égalité, Genève, 2016.. Ceux qui préféraient les travailleurs polonais par rapport à leurs homologues ukrainiens mettaient en avant le plus grand respect des normes de nettoyage par les employés de ménage polonais, lesquels étaient davantage familiarisés avec les détergents et les appareils de nettoyage les plus récents. Certains employeurs polonais évitent de recourir à des Ukrainiennes pour s’occuper de leurs enfants en raison de leur «mauvais accent», lequel pourrait avoir une influence sur le développement du langage chez l’enfant à un âge critique (un argument déjà noté par d’autres chercheurs), ou pour s’occuper d’une personne âgée, étant donné que cela pourrait créer des problèmes de communication supplémentaires, compliquant encore une situation déjà difficile. Les employeurs recherchent souvent des travailleurs dociles et ne ménageant pas leur peine, jugés plus facile à exploiter.
19. Trois facteurs étroitement liés déterminent la demande d’aide aux tâches ménagères:
  • à la suite des transformations de la famille et du passage d’un modèle à un apporteur de revenu à un modèle à deux apporteurs de revenu, les ménages éprouvent des difficultés à combiner activité professionnelle et vie de famille. La plus grande participation des femmes à la vie économique fait peser de plus fortes pressions sur celles qui ont des responsabilités familiales;
  • le vieillissement rapide de la population et l’accroissement de l’espérance de vie mettent à rude épreuve les modalités traditionnelles de prise en charge (il y a moins d’adultes pour s’occuper des malades et des personnes âgées). Ceci, combiné aux politiques d’austérité budgétaire, a entraîné un affaiblissement sensible des services de soins publics; en conséquence, les soins à domicile sont devenus une solution préférable;
  • l’augmentation du coût de la vie et les possibilités d’emploi limitées, conjuguées à d’autres facteurs, ne laissent à beaucoup de personnes d’autre choix que de rechercher un emploi à l’étranger – d’où la disponibilité d’une main-d’œuvre immigrée bon marché dans ce secteur.
20. Les États doivent par conséquent déployer des efforts pour promouvoir la valeur économique et sociale du travail domestique en Europe. L’emploi d’un travailleur domestique immigré répond à la nécessité de disposer de services abordables en matière de soins à la personne; cela offre en outre une solution aux femmes qui peinent à mener de front les tâches ménagères et leur activité professionnelle et qui, autrement, se verraient dans l’obligation de quitter le marché du travail 
			(16) 
			A.
Triandafyllidou et S. Marchetti, Europe 2020: Addressing Low Skill
Labour Migration at times of Fragile Recovery [Europe 2020: s’attaquer
au problème de la main-d’œuvre peu qualifiée issue de l’immigration
dans une conjoncture marquée par une reprise fragile], Centre Robert
Schuman d’études avancées, mai 2014..
21. Étant donné l’importance économique et sociale du secteur, les États devraient adapter les politiques destinées à la professionnalisation des travailleurs domestiques, en mettant un accent particulier sur les besoins des migrants. Le renforcement de ces mécanismes permettrait la reconnaissance des compétences et des diplômes des travailleurs domestiques ayant un niveau d’instruction et de professionnalisme élevé 
			(17) 
			Maria Gallotti
et Jesse Mertens, Promoting integration for migrant domestic workers
in Europe: A synthesis of Belgium, France, Italy and Spain [Promouvoir
l’intégration des travailleurs domestiques migrants en Europe: note
de synthèse (Belgique, France, Italie et Espagne)], OIT, 2013.. Des mesures garantissant l’égalité d’accès des travailleurs domestiques à des programmes spécifiques de formation et d’enseignement professionnels, de même qu’à des cours de langue, devraient être mis en place. Entretemps, des alternatives aux services domestiques réalisés en dehors de tout cadre officiel restent nécessaires. Il importe, par exemple, de fournir des services de jour de bonne qualité pour la prise en charge des enfants et des personnes âgées, notamment pour la population à bas revenus, de trouver des solutions permettant un partage plus équilibré du congé parental entre les deux parents, etc.

3. Les travailleuses – le groupe le plus vulnérable

22. Les femmes étrangères qui travaillent chez des particuliers comptent au nombre des salariés les plus vulnérables et sont parfois exposées à des violences sur leur lieu de travail et à une discrimination fondée sur leur genre et/ou leur origine. À ce propos, je rappelle l’article 2 de la Charte sociale européenne (révisée) et l’article 1 du Protocole no 12 à la Convention européenne des droits de l‘homme (STE no 177) qui prévoit que «[l]a jouissance de tout droit prévu par la loi doit être assurée, sans discrimination aucune», pour quelque motif que ce soit. Ces femmes peuvent être les cibles de toutes sortes de maltraitances psychologiques et physiques dont de vives réprimandes, des insultes, des menaces et des coups sous prétexte d’une mauvaise exécution du travail exigé, d’une absence sans préavis ou d’un rejet des avances sexuelles de l’employeur. Le manque de normes en matière de sécurité au travail, les risques pour la santé, un logement inadéquat et la privation de toute vie de famille constituent d’autres aléas 
			(18) 
			Labour inspection and
other compliance mechanisms in the domestic work sector: Introductory
guide [Inspection du travail et autres mécanismes de conformité
dans le secteur du travail domestique: guide introductif], Bureau
international du travail, 2015.. Des campagnes de sensibilisation destinées particulièrement aux hommes devraient défendre l’idée d’un travail domestique exempt de discrimination et d’abus.
23. Plusieurs facteurs contribuent à la situation particulièrement vulnérable des travailleuses domestiques:
  • des contextes propices à la violence: les travailleuses domestiques sont vues comme de simples «aides» faisant partie de la famille;
  • l’inégalité des rapports de force entre les sexes favorise l’oppression des femmes et des filles; les femmes sont privées de la possibilité de se défendre correctement; de plus elles sont perçues comme plus aptes à minimiser et supporter les comportements agressifs;
  • sentiment d‘impunité des employeurs: les travailleuses ne sont pas protégées par la loi et dépendent parfois entièrement de leur emploi pour leurs revenus et/ou leur titre de séjour.
24. La garantie de leurs droits en tant que mères constitue un aspect important de la protection des travailleuses domestiques migrantes. De nombreux parents émigrent dans l’espoir d’atténuer les effets de la pauvreté en soutenant leur famille au moyen de transferts d’argent. L’absence de congés annuels payés, les politiques migratoires restrictives en matière de travail et le coût élevé des voyages entraînent parfois des séparations de plusieurs années, voire plusieurs dizaines d’années.
25. Le phénomène répandu des «orphelins blancs», enfants confiés à des proches tandis que les parents vont chercher du travail à l’étranger, a émergé avec l’élargissement de l’Europe. Une étude de la Commission européenne, réalisée en 2012 dans 25 pays, a révélé que 500 000 enfants avaient été délaissés en Roumanie, en Pologne et dans les États baltes. Selon une étude de l’Unicef, plus de 350 000 enfants roumains vivaient ainsi séparés d’au moins un de leurs parents en 2008, soit 7 % de la population de moins de 18 ans. Environ 126 000 enfants de moins de 10 ans vivaient séparés de leurs deux parents 
			(19) 
			White Orphans, the
enlargement's children [Orphelins blancs: les enfants de l'élargissement], <a href='https://www.balcanicaucaso.org/eng/Areas/Romania/White-Orphans-the-enlargement-s-children-77630'>https://www.balcanicaucaso.org/eng/Areas/Romania/White-Orphans-the-enlargement-s-children-77630</a>.. Avec de lourdes conséquences, puisque ces enfants courent davantage de risques de souffrir de problèmes relationnels, comportementaux et psychologiques. La détresse créée par leur situation entrave leur développement psychologique et engendre angoisses d’abandon, vulnérabilité et mauvaise image de soi.
26. La maternité reste une source de discrimination en ce qui concerne l’accès à l’emploi, le traitement au travail et la fin d’emploi. Dans le travail domestique, le taux de licenciements pour cause de grossesse est alarmant 
			(20) 
			«Satisfaire également
les besoins de ma famille»: Protection de la maternité et mesures
destinées à concilier travail et vie familiale pour les travailleuses
et travailleurs domestiques, Note d’information, OIT.. Par ailleurs, les femmes enceintes et récemment accouchées doivent bénéficier d’une protection spéciale en matière de risques professionnels. Or il arrive très souvent qu’en raison du manque d’informations sur leurs droits, les travailleuses domestiques migrantes continuent à effectuer des tâches dangereuses pour leur santé, qui les exposent à des agents chimiques ou à des températures extrêmes, qui exigent de porter de lourdes charges, de faire des efforts physiques importants ou de travailler la nuit, ou qui les privent de repos quotidien ou hebdomadaire.
27. Dans un cas récemment porté à mon attention, une travailleuse rom en Allemagne avait subi des pressions pour avorter quand ses employeurs avaient découvert qu’elle était enceinte. Lorsqu’elle avait refusé, ils l’avaient traitée de plus en plus mal, l’avaient forcée à effectuer des tâches déconseillées aux femmes enceintes, telles que soulever des objets lourds, et lui avaient imposé des journées de travail extrêmement longues, tout en la rémunérant comme pour un emploi à mi-temps. Lorsque la femme avait accouché, ils avaient essayé de la priver de son droit au congé de maternité. De tels agissements sont absolument inacceptables étant donné que les employeurs sont censés faire attention à leurs employées enceintes et, le cas échéant, à se montrer flexibles afin que leur santé et celle de leur bébé à naître ne soient pas mises en danger par le travail demandé.
28. La législation relative aux travailleurs domestiques devrait inclure le droit des femmes à la protection de la maternité et à un équilibre adéquat entre vie professionnelle et vie familiale, y compris le droit à un congé de maternité payé, à des périodes de repos suffisantes, à des temps d’allaitement, aux services de garde d’enfants et à l’absence de discrimination fondée sur la maternité. En conséquence, les États membres devraient étendre la protection de la maternité au domaine du travail domestique tout en identifiant les lacunes existant en la matière dans leurs cadres juridiques et politiques.

4. Concrétiser la formalisation du secteur en Europe

29. Les particularités du travail domestique rendent très problématique la mise en place par les gouvernements de mécanismes de régulation et de conformité car le secteur se caractérise par un taux élevé d’emplois informels et des stéréotypes largement répandus. En outre, les relations entre les travailleurs domestiques et leur(s) employeur(s) sont atypiques car le travail est exécuté dans l’enceinte privée du foyer, dans un environnement qui ne ressemble pas à un lieu de travail type. L’inexistence de registres, le manque de preuves d’abus, l’absence de plaintes, les restrictions imposées aux visites d’inspection et les différences culturelles figurent au nombre des problèmes les plus graves, rendant particulièrement difficile l’action des services d’inspection du travail et d’autres mécanismes de contrôle.
30. Bien que de nombreuses législations nationales accordent aux travailleurs domestiques les mêmes droits qu’aux autres, il existe bel et bien, à cet égard, de multiples lacunes en matière de conformité et de mise en œuvre. Dans certains cas, la loi ne couvre pas le secteur de manière satisfaisante et, même lorsqu’elle le fait, le travail domestique n’est pas soumis à des mécanismes comme l’inspection du travail.
31. Il existe de nombreuses raisons pour lesquelles tant les particuliers que les travailleurs domestiques sont peu disposés à formaliser la relation d’emploi. Très souvent, les employeurs ne voient aucun avantage financier à formaliser cette relation et ne veulent pas porter le poids des formalités financières et administratives de cette formalisation, telles qu’organiser le versement des cotisations de sécurité sociale. De plus, le travail domestique est souvent perçu comme une forme d’aide sporadique et non pas comme un travail régulier «normal». En d’autres termes, il existe peu d’éléments susceptibles d’inciter les employeurs à effectuer les démarches administratives requises.
32. Pour les législateurs, la formalisation du secteur s’effectue en deux étapes principales. D’abord, il convient d’étendre le champ du droit du travail et de la législation relative à la sécurité sociale de façon à ce qu’il couvre et reconnaisse les travailleurs domestiques. La Convention de l’OIT joue un rôle clé dans ce processus: à la suite de son adoption, une trentaine de pays 
			(21) 
			Confédération syndicale
internationale, <a href='https://www.ituc-csi.org/domestic-workers-601?lang=fr'>https://www.ituc-csi.org/domestic-workers-601?lang=fr</a>. ont adopté des politiques et des réformes législatives et institutionnelles visant à étendre ou à améliorer la protection des droits et des conditions de travail des travailleurs domestiques 
			(22) 
			Formalizing
domestic work [Formaliser le travail domestique], OIT, 5 décembre
2016.. Ensuite, il s’agit de mettre sur pied des mécanismes appropriés permettant de mettre en œuvre la législation et de veiller à son application. Il importe de former des fonctionnaires, de sensibiliser le public et d’inciter la population ciblée à se conformer aux nouvelles normes. De plus, d’autres études de fond s’imposent pour mesurer les effets des réformes législatives et comprendre le comportement socio-économique et le processus de décision tant des employeurs que des travailleurs domestiques.
33. Dans la pratique, deux approches générales sont couramment utilisées pour promouvoir le respect des normes existantes et encourager la formalisation de la relation d’emploi. La première est centrée sur la détection, la dissuasion et les sanctions, l’autre sur l’élimination des obstacles et le renforcement des avantages liés à la formalisation des emplois. Ces approches produisent de meilleurs résultats lorsqu’elles sont utilisées en parallèle.

4.1. Détection, dissuasion et sanctions

34. La première approche vise à contrôler et imposer l’application de la réglementation du travail, ce qui comprend des mesures telles que:
  • visites d’inspection;
  • mécanismes de plainte;
  • conseil et accompagnement des employés et en particulier aide juridique si nécessaire;
  • systèmes de règlement des différends.
35. Les visites d’inspection se sont révélées assez inefficaces concernant le domaine spécifique du travail domestique, étant donné que les inspecteurs ont rarement accès aux foyers des particuliers. Les services d’inspection du travail mentionnent généralement qu’il n’existe pas, actuellement, de méthodes ou de procédures spéciales pour contrôler et imposer le respect de la législation applicable dans le secteur du travail domestique 
			(23) 
			Regional knowledge-sharing
forum on Labour inspection and the domestic work sector [Forum régional
de partage des connaissances sur l'inspection du travail dans le
secteur du travail domestique], OIT, 11-12 octobre 2012, <a href='http://www.ilo.org/labadmin/info/WCMS_202400/lang--en/index.htm'>www.ilo.org/labadmin/info/WCMS_202400/lang--en/index.htm</a>.. Les inspections du travail ont donc besoin de davantage d’informations et de connaissances fiables sur les travailleurs domestiques et leur situation, que des formations adéquates leur permettraient d’acquérir. Le secteur requiert en particulier une collaboration efficace entre les services d’inspection du travail et le système judiciaire, les partenaires sociaux et les organisations de la société civile. À cet égard, une solution consisterait à améliorer la législation du travail en autorisant les inspecteurs du travail à accéder aux foyers des particuliers pour vérifier le respect du droit des travailleurs domestiques par leurs employeurs. Il serait envisageable de créer un numéro vert pour recueillir les plaintes et permettre aux travailleurs de demander anonymement que l’inspection du travail enquête sur certaines pratiques de leur employeur.
36. Cependant, des bonnes pratiques existent en Irlande, où un programme pilote a été mis en place pour surveiller les conditions de travail des travailleurs domestiques 
			(24) 
			J. Pintado Nunes, Domestic
work and Labour Inspection [Travail domestique et inspection du
travail], présentation PPT, 9 juillet 2013.. L’Autorité irlandaise des droits au travail (Irish National Employment Rights Authority, NERA) a été créée afin de veiller au respect de la législation du travail 
			(25) 
			J.
Smyth, Inspections find abuses of domestic workers [Les visites
d'inspection révèlent des abus contre les travailleurs domestiques], The Irish Times, 6 juillet 2011, <a href='http://www.irishtimes.com/'>www.irishtimes.com/</a>.. Les inspecteurs ont le droit d’interroger l’employé et l’employeur hors du domicile de ce dernier et d’exiger d’accéder à des documents. Au départ, l’employeur reçoit une demande écrite de coopération afin de savoir s’il accepte de laisser entrer les inspecteurs chez lui. S’il refuse, il doit proposer un autre lieu de rencontre. Pour surmonter les obstacles linguistiques, l’Irlande a engagé des inspecteurs parlant couramment le lituanien, le russe, le polonais, le français, le tchèque et le slovaque. Entre janvier et septembre 2012, 3 140 inspections au total ont été effectuées 
			(26) 
			S. McHugh, Prosecutions
by NERA result in fines of over €100 000 in first nine months of
2012 [Les poursuites engagées par la NERA se soldent par des amendes
de plus de €100 000 pour les neuf premiers mois de 2012], 11 janvier 2013..
37. Les travailleurs domestiques ont également besoin d’un accès abordable à l’aide juridique pour bénéficier d’une protection contre d’éventuels abus de la part de leur employeur. Gardant à l’esprit le devoir des missions diplomatiques de représenter les intérêts de leurs ressortissants qui travaillent à l’étranger, elles devraient ouvrir l’aide juridique aux travailleurs domestiques afin de s’assurer que leurs droits sont pleinement respectés.
38. En ce qui concerne le mécanisme de plainte, il existe un ensemble de raisons pour lesquelles les travailleurs domestiques ne déposent pas de plainte, notamment la méconnaissance de leurs droits, l’isolement social et la peur d’être renvoyés. Dans ces conditions, il semble qu’adopter des mesures de prévention soit plus efficace. Les syndicats peuvent également aider au processus de dépôt de plainte au nom des travailleurs domestiques.

4.2. Renforcement des prestations sociales et des incitations à formaliser l’emploi

39. La seconde approche, que l’on peut dire «constructive», se concentre sur l’élimination des obstacles à la formalisation des emplois, parallèlement au renforcement des incitations et des avantages liés à la formalisation des emplois. Les principaux instruments à cet effet consistent en réductions et/ou crédits d’impôt, réduction de TVA, subventions salariales et réductions et exonérations de charges sociales. Ces outils sont plus efficaces lorsqu’ils sont combinés avec la simplification des procédures administratives.
40. En particulier, les systèmes de chèques emploi ou chèques service, qui facilitent considérablement la formalisation du travail domestique, ont été mis en place en France, en Belgique et dans le canton suisse de Genève. En 2006, la France a instauré le «chèque emploi-service universel» (CESU), un système permettant aux particuliers de rémunérer facilement des services à la personne. Le dispositif couvre 21 types de services. Il simplifie grandement les formalités administratives pour les employeurs: pas d’obligation de déclaration de l’employé ni de contrat de travail (si la personne est employée moins de huit heures par semaine) 
			(27) 
			Formaliser le travail
domestique par l’utilisation des chèques services – Cas particuliers
de la France, de la Belgique et du canton de Genève, OIT, 14 janvier
2013..
41. Les carnets de chèques emploi-service universels s’obtiennent gratuitement auprès de n’importe quelle banque. Ils comprennent deux parties; l’une est semblable à un chèque bancaire ordinaire et sert à payer l’employé (il est toutefois possible de payer un employé par d’autres moyens: en liquide, par chèque ordinaire ou par virement bancaire). Le salaire net d’un travailleur domestique ne peut être inférieur au salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), régulièrement revalorisé. La seconde partie permet de déclarer les heures travaillées et de calculer les cotisations sociales. Les chèques emploi-service sont envoyés au Centre national du chèque emploi-service universel (CNCesu) ou déclarés sur internet par le biais d’un compte personnel.
42. En Belgique, c’est une entreprise choisie par les autorités qui gère le système de «titres-services». Les particuliers intéressés doivent s’inscrire auprès de cette entreprise puis acheter des titres-services. Les travailleurs domestiques payés avec ces titres ont un contrat de travail normal, présentant quelques spécificités 
			(28) 
			Fondation européenne
pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, Service
vouchers, Belgique [Titres-services, Belgique], 2 juin 2013, <a href='https://www.eurofound.europa.eu/'>https://www.eurofound.europa.eu/</a>.. À long terme, l’État y trouve un avantage, du fait de la réduction des prestations de chômage et de l’accroissement des recettes issues des cotisations sociales et de la TVA (étant donné que les personnes ayant trouvé du travail grâce à ce système consomment potentiellement davantage).
43. La vulnérabilité des travailleurs domestiques migrants liée à la méconnaissance de leurs droits peut être tout aussi grande que celle de leurs employeurs, souvent seuls devant la difficulté de se conformer à la législation sur le travail et d’effectuer toutes les formalités. Il importerait donc de diffuser l’information et les bonnes pratiques tant auprès des employeurs que des travailleurs, tout en faisant valoir les avantages de l’emploi formel.
44. À l’heure actuelle, les syndicats sont à l’origine des principales initiatives de sensibilisation sur le sujet et de promotion des droits des travailleurs domestiques, entre autres par le biais de négociations collectives. Du côté des travailleurs, il convient de soutenir et d’accompagner les processus d’auto-organisation des travailleurs visant à sensibiliser le public et à faire mieux connaître les droits sociaux et les droits des travailleurs 
			(29) 
			E. Castagnone, Promoting
Integration for Migrant Domestic Workers in Italy [Promouvoir l'intégration
des travailleurs domestiques migrants en Italie], Cahiers des migrations
internationales no 115, OIT, 2013.. Que de telles plates-formes de négociation existent ou non, les conditions de travail des travailleurs domestiques gagnent à être réglementées par des outils pratiques accessibles aux travailleurs comme aux employeurs. Par exemple, il convient de négocier et d’adopter d’un commun accord un contrat type assorti d’un planning des tâches à effectuer et d’autres outils permettant d’enregistrer le temps de travail et les pauses.

5. Législation nationale et normes internationales

45. Les travailleurs migrants disposés à prendre les emplois que les nationaux refusent d’occuper font généralement face à un ensemble très complexe de réglementations en matière de travail et d’immigration. De ce fait, les immigrés en situation irrégulière et les travailleurs informels sont nombreux parmi les travailleurs domestiques.
46. Dans de nombreux pays de l’Union européenne, il peut se révéler difficile, voire impossible, d’engager légalement un travailleur domestique migrant, principalement en raison des politiques nationales en matière de migration de main d’œuvre. Dans des pays comme le Danemark, la Finlande, les Pays-Bas et l’Allemagne, les particuliers ne peuvent pas engager légalement une personne non ressortissante d’un pays de l’Union européenne. En Belgique, en France et en Espagne, bien que ce soit possible en principe, une application stricte du «test du marché du travail» (qui requiert la preuve qu’aucun ressortissant national n’est disposé à prendre l’emploi proposé) décourage les employeurs. Les pays où l’embauche légale d’un travailleur domestique migrant est possible peuvent avoir des règlements très différents en ce qui concerne le système de recrutement: en Italie, en Belgique et au Royaume-Uni, l’employeur doit offrir un soutien financier à la personne pour payer son voyage et son séjour sur le territoire 
			(30) 
			A. Triandafyllidou
et S. Marchetti, Europe 2020: Addressing Low Skill Labour Migration
at times of Fragile Recovery [Europe 2020: s’attaquer au problème
de la main-d’œuvre peu qualifiée issue de l’immigration dans une
conjoncture marquée par une reprise fragile], Centre Robert Schuman
d’études avancées, mai 2014..
47. Dans les pays tels que la Grèce, le Royaume-Uni, le Danemark, l’Espagne et les Pays-Bas, les travailleurs domestiques ne bénéficient pas d’une protection juridique spécifique. Le droit général du travail est la seule source de réglementation en matière de travail domestique en Bulgarie, en Lettonie, en Lituanie et en Roumanie. En Pologne, le travail domestique n’est pas considéré comme un emploi mais comme un «service personnel». En revanche, l’Italie, l’Autriche, la Belgique, la France, le Portugal et la Suède sont des exemples positifs de pays où l’emploi des travailleurs domestiques est réglementé par des conventions collectives.
48. Les travailleurs domestiques jouissent de droits étendus en France, énoncés dans le Code du travail et dans trois conventions collectives. En Italie, une convention collective qui a été reconduite avec de nouvelles dispositions prévoit une augmentation du salaire minimum, une réglementation de la rémunération des jours fériés et des congés payés annuels, le droit de bénéficier de congés de formation payés et le droit d’être informé des risques que présente un emploi pour la santé et la sécurité. Depuis 2015, les travailleurs domestiques d’Allemagne ont droit au salaire minimum général. Dans le même esprit, la Finlande a modifié la loi relative aux travailleurs domestiques et étendu la loi sur le temps de travail au domaine du travail domestique 
			(31) 
			Confédération syndicale
internationale, <a href='https://www.ituc-csi.org/domestic-workers-601'>https://www.ituc-csi.org/domestic-workers-601</a>..
49. L’OIT, en garantissant des droits aux travailleurs domestiques, présente un intérêt particulier. Afin de faire face aux difficultés particulières rencontrées par les travailleurs domestiques étrangers, l’OIT a lancé en 2013 un «Programme d’action global sur les travailleurs domestiques migrants et leurs familles» (2013-2016). Ce programme avait pour but de promouvoir les droits humains et les droits au travail des travailleurs domestiques par le renforcement des capacités des responsables politiques 
			(32) 
			Commission
européenne, <a href='https://ec.europa.eu/europeaid/search/site/case studies_en'>https://ec.europa.eu/europeaid/search/site/case%20studies_en</a>.. Il concernait 10 pays traversés par cinq grands couloirs de migration, notamment l’axe Ukraine–Pologne.
50. Un traité international, la Convention no 189, et la Recommandation no 201 de l’OIT sur les travailleuses et travailleurs domestiques, ont fourni les premières normes mondiales en matière de protection des travailleurs domestiques 
			(33) 
			OIT, <a href='http://www.ilo.org/travail/whatwedo/publications/'>www.ilo.org/travail/whatwedo/publications/</a>.. La Convention souligne l’importance de garantir le respect des droits et des règlements protégeant les travailleurs domestiques (y compris la mise en place de mécanismes de plaintes accessibles) et la nécessité d’établir et de mettre en œuvre des mesures en matière d’inspection du travail, de mise en application et de sanctions.
51. La Convention définit clairement le travail domestique comme le travail effectué au sein de ou pour un ou plusieurs ménages et un travailleur domestique comme toute personne de genre féminin ou masculin exécutant un travail domestique dans le cadre d’une relation de travail. Elle fixe des droits fondamentaux et des normes minimales en vue de faire du travail décent une réalité pour les travailleurs et les travailleuses domestiques, notamment:
  • conditions d’emploi équitables et conditions de travail décentes;
  • droit d’être informés de leurs conditions d’emploi d’une manière appropriée, vérifiable et facilement compréhensible, de préférence, lorsque cela est possible, au moyen d’un contrat écrit;
  • protection contre toutes les formes d’abus, de harcèlement et de violence;
  • droit à un environnement de travail sûr et salubre;
  • droit à l’égalité de traitement entre les travailleurs domestiques et l’ensemble des travailleurs en ce qui concerne la durée normale de travail;
  • droit à la compensation des heures supplémentaires, aux périodes de repos journalier et hebdomadaire et à un congé annuel payé;
  • droit de bénéficier du régime de salaire minimum; paiement à intervalles réguliers, au moins une fois par mois, en espèces ou par un autre moyen légal lorsque les travailleurs intéressés y consentent;
  • droit de bénéficier, en matière de sécurité sociale – y compris en ce qui concerne la maternité – de conditions qui ne soient pas moins favorables que celles applicables à l’ensemble des travailleurs;
  • accès effectif aux tribunaux ou à d’autres mécanismes de règlement des différends et à des mécanismes de plaintes;
  • droit des travailleurs domestiques de s’affilier aux organisations de leur choix, ou d’en créer, sans faire l’objet de pressions ni de représailles d’aucune sorte;
  • droit de garder en leur possession leurs documents de voyage et leurs pièces d’identité.
52. La Recommandation no 201 complète la Convention et fournit des indications pratiques pour mettre en œuvre les droits et principes y énoncés. Elle propose des mesures et des outils permettant de lutter contre le travail informel par la mise en place de contrats types, de registres du temps de travail et de procédures de paiement des cotisations de sécurité sociale.
53. Par la Décision du Conseil de l’Union européenne du 28 janvier 2014, les États membres de l’Union européenne ont été autorisés à ratifier la Convention 
			(34) 
			Législation
de l’UE et autres documents publics de l’Union, <a href='http://eur-lex.europa.eu/collection/eu-law.html'>http://eur-lex.europa.eu/collection/eu-law.html</a>.. À ce jour, seuls 23 pays l’ont ratifiée dans le monde, dont la Belgique, la Finlande, l’Allemagne, l’Irlande, l’Italie, le Portugal et la Suisse 
			(35) 
			OIT, <a href='http://www.ilo.org/global/lang--fr/index.htm'>www.ilo.org/global/lang--fr/index.htm</a>.. Plus de 30 pays ont accordé une protection aux travailleurs domestiques, et au moins 18 États y travaillent et envisagent des réformes de leur législation ou de leur politique 
			(36) 
			Un
travail décent pour les travailleurs domestiques: faire le point
5 ans après l'adoption de la Convention no 189,
OIT, 14 juin 2016..
54. La ratification de cette importante Convention par tous les États membres sera un processus long et difficile. Pour ceux qui l’ont déjà ratifiée, une mise en œuvre progressive s’impose. Il s’agira d’élargir le champ d’application des lois et règlements existants, de les adapter ou de mettre sur pied de nouvelles mesures spécifiques relatives aux travailleurs domestiques. Dans son Paquet Emploi lancé en 2012, la Commission européenne a souligné le rôle de la mise en œuvre de la Convention sur les droits des travailleurs domestiques dans l’amélioration des conditions de travail dans le secteur des services aux personnes 
			(37) 
			Working
conditions: time for member States to implement the ILO domestic
workers convention [Conditions de travail: il est temps que les
États membres mettent en œuvre la Convention de l'OIT sur les travailleurs
et les travailleuses domestiques], communiqué de presse, Bruxelles,
28 janvier 2014, <a href='http://europa.eu/'>http://europa.eu/</a>.. L’Assemblée devrait donc encourager les États membres à ratifier et à appliquer les textes de l’OIT, conformément à la Charte sociale européenne (révisée).
55. Tout aussi essentielle est l’adoption en 2016 par le Parlement européen d’une résolution sur les femmes employées de maison, auxiliaires de vie et gardes d'enfants dans l’Union européenne, qui appelle l’Union européenne à reconnaître leurs droits en matière d’emploi et de protection sociale. Un certain nombre de mesures ont été proposées, telles que la création d’un statut officiel au sein de l’Union européenne, l’adoption de méthodes d’inspection adéquates, l’inclusion des travailleurs domestiques dans toutes les législations nationales en matière de travail, de soins de santé, d’aide sociale et de lutte contre les discriminations, la possibilité de s’affilier à un syndicat et la promotion de la reconnaissance professionnelle des compétences et des qualifications des travailleurs domestiques. La résolution encourage tous les États membres à ratifier de toute urgence la Convention no 189 de l’OIT et à veiller à sa stricte application 
			(38) 
			Rapport sur les femmes
employées de maison, auxiliaires de vie et gardes d’enfants dans
l’Union européenne (2015/2094(INI)), rapporteure: Kostadinka Kuneva,
5 avril 2016..

6. Conclusions et recommandations

56. La protection effective des droits des travailleurs domestiques migrants reste un défi majeur partout dans le monde, y compris en Europe 
			(39) 
			Rights of migrant domestic
workers in Europe [Droits des travailleurs domestiques migrants
en Europe], Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations
Unies, <a href='http://www.europe.ohchr.org/Documents/Publications/Study_Domestic_Migrant_webversion.pdf'>www.europe.ohchr.org/Documents/Publications/Study_Domestic_Migrant_webversion.pdf</a>.. De façon générale, leurs conditions de travail sont largement inférieures au niveau de protection garanti par la loi. Les législateurs devront se pencher au premier chef sur les questions suivantes: fixer un salaire minimum pour les travailleurs domestiques, leur octroyer des journées de repos hebdomadaire et des congés annuels payés, les protéger contre les maltraitances physiques et sexuelles et leur assurer la couverture de la sécurité sociale. L’Assemblée devrait encourager l’élaboration d’un ensemble complet d’initiatives et de mesures de prévention visant à garantir que les droits des travailleurs domestiques soient respectés dans tous les États membres.
57. Étant donné l’importance économique du secteur, il est urgent de faire en sorte que le public reconnaisse le travail domestique comme un «véritable» travail et que les employeurs de travailleurs domestiques aient intérêt à formaliser ces emplois. À cette fin, il conviendrait de mettre sur pied des campagnes de sensibilisation générales et des programmes spécifiques d’éducation et de formation à l’intention des travailleurs domestiques. Entre-temps, il importe de soutenir activement les organisations de travailleurs domestiques et d’encourager les syndicats à s’impliquer davantage.
58. Afin d’améliorer la protection des travailleurs domestiques par le droit du travail, il est nécessaire d’évaluer le secteur dans le pays concerné, d’effectuer une analyse approfondie du droit national et d’identifier les domaines où une meilleure protection s’impose. La Convention no 189 de l’OIT sur les travailleurs et travailleuses domestiques est un instrument essentiel; très complète, elle fournit des lignes directrices pour l’élaboration de politiques et de lois en vue d’améliorer la législation du travail applicable aux travailleurs domestiques. L’Assemblée devrait en recommander la ratification immédiate et la mise en œuvre effective par tous les États membres.