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Rapport | Doc. 14329 | 24 mai 2017

L’intégration des réfugiés en période de fortes pressions: enseignements à tirer de l’expérience récente et exemples de bonnes pratiques

Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées

Rapporteure : Mme Susanna HUOVINEN, Finlande, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 13903, Renvoi 4169 du 25 janvier 2016. 2017 - Troisième partie de session

Résumé

Alors que les pays accueillant les plus gros effectifs de demandeurs d’asile et de réfugiés sont mis à rude épreuve et que la pression va croissant, la situation est telle qu’elle risque d’ébranler la solidarité politique européenne et de porter un coup sévère aux efforts déployés pour répondre aux besoins humanitaires des réfugiés. La crise des migrants et des réfugiés a provoqué au sein de l’opinion publique des réactions diverses, notamment de rejet et de peur, d’où une réticence généralisée à l’idée d’accueillir de nouveaux réfugiés.

D’un autre côté, beaucoup de pays ont consenti d’importants efforts pour faire face au problème, accueillir des réfugiés et entamer le processus de leur intégration dans la société. Ces exemples témoignent de la capacité des États à absorber des effectifs même très importants de réfugiés et de demandeurs d’asile d’une manière qui profite à la fois aux nouveaux arrivants et aux sociétés d’accueil, dès lors qu’il existe une volonté politique claire, une bonne communication des politiques et une mobilisation effective de ressources administratives et sociales.

Le présent rapport fournit un aperçu des différentes approches nationales de l’intégration des migrants dans les États membres du Conseil de l’Europe. Il met en exergue les bonnes pratiques qui peuvent être globalement mises à profit pour parvenir à associer les réfugiés à la vie économique, sociale et culturelle quotidienne de la communauté hôte. Elles reposent sur une compréhension de la situation et des origines culturelles des réfugiés, et respectent les valeurs fondamentales et les habitudes de vie des sociétés d’accueil.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 25 avril
2017.

(open)
1. Au cours de l’année 2015, l’arrivée massive de réfugiés en Europe occidentale via la Turquie, la Grèce et la route des Balkans occidentaux, conjuguée à l’afflux incessant par l’Italie, a porté à son paroxysme une augmentation importante du nombre de réfugiés et de migrants. Cette crise a provoqué au sein de l’opinion publique des réactions diverses, notamment de rejet et de peur, d’où une réticence généralisée à l’idée d’accueillir de nouveaux réfugiés, mettant à rude épreuve et soumettant à une pression croissante les pays accueillant les plus gros effectifs de demandeurs d’asile et de réfugiés.
2. Certains États qui sont parvenus à accueillir un nombre particulièrement élevé de réfugiés (comme l’Allemagne et la Suède) ont acquis une précieuse expérience en matière d’intégration des nouveaux arrivants. Il serait utile de faire profiter d’autres pays de cette expérience, ainsi que celle d’autres pays accueillant moins de réfugiés, de façon à inciter à une plus grande solidarité et à un partage plus équitable des responsabilités.
3. L’intégration des réfugiés est un processus long et complexe, qui suppose une détermination sans faille de la part des réfugiés eux-mêmes et des autorités, y compris un engagement constant de la société civile. Dès lors que les politiques n’encouragent plus l’intégration et que la population affiche une attitude de méfiance et d’hostilité à l’égard des réfugiés, ces derniers sont en proie à l’isolement, de plus en plus marginalisés et exposés au risque de radicalisation.
4. Une intégration réussie repose sur le respect des valeurs fondamentales de la société d’accueil, notamment de ses principes constitutionnels et pratiques culturelles. Elle associe les réfugiés à la vie économique, sociale et culturelle quotidienne de la communauté hôte et reflète la compréhension et le respect de la situation et des origines culturelles des réfugiés. Il s’agit d’un processus continu et non d’une fin en soi, fondé sur une coopération tripartite constructive entre les autorités, la communauté d’accueil (en particulier la société civile) et les réfugiés.
5. L’Assemblée parlementaire reconnaît que tout en exigeant le respect des valeurs fondamentales de la société d’accueil, l’intégration des migrants n’est pas synonyme d’assimilation selon laquelle les nouveaux arrivants adoptent la culture, les valeurs et les traditions du pays hôte en lieu et place des leurs. Elle ne s’apparente pas non plus au multiculturalisme, avec des communautés autochtones et de réfugiés ou migrants menant des existences séparées dictées par leurs cultures, valeurs et traditions d’origine.
6. Rappelant sa Résolution 2137 (2016) sur l’incidence de la dynamique démographique européenne sur les politiques migratoires, et se référant à sa Résolution … (2017) sur les migrations, une chance à saisir pour le développement européen, s’agissant en particulier de l’emploi de migrants, l’Assemblée encourage les États membres et observateurs du Conseil de l’Europe et les États dont le parlement bénéficie du statut d’observateur ou de partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée parlementaire, à veiller à la bonne intégration des réfugiés, et pour ce faire:
6.1. à reconnaître que les niveaux de migration élevés sont une caractéristique permanente de l’Europe d’aujourd’hui et que, bien gérée, l’intégration des réfugiés est un moyen de contribuer au renouvellement démographique, à l’acquisition de nouvelles compétences, ainsi qu’à la diversité et à l’enrichissement culturels des sociétés d’accueil;
6.2. à exhorter les responsables politiques à reconnaître que les réfugiés sont protégés au titre du droit international et de l’Union européenne et que, par conséquent, leur intégration effective dans la société est dans l’intérêt du pays d’accueil;
6.3. à encourager l’intégration des réfugiés en tant que bien public dans lequel il vaut la peine d’investir;
6.4. à renforcer l’efficacité et réduire la durée du traitement des demandes d’asile et à optimiser la répartition territoriale des demandeurs d’asile pour favoriser l’instauration de la confiance de la population et la présence sur le territoire de réfugiés productifs et bien intégrés, et éviter ainsi leur marginalisation ou radicalisation et le mécontentement politique dans le pays;
6.5. à s’assurer que les mineurs non-accompagnés bénéficient de l’aide juridique et de l’assistance sociale dont ils ont besoin pour mener à bien leur demande d’asile, et que les demandes d’asile de mineurs qui résident dans le pays hôte depuis longtemps sont finalisées quand ils atteignent l’âge de la majorité;
6.6. s’agissant des politiques nationales:
6.6.1. à revoir la législation nationale et sa mise en œuvre en vue de faciliter le processus d’intégration et d’éliminer les obstacles bureaucratiques;
6.6.2. à s’assurer de la coordination et coopération efficaces entre les divers organes de l’État, les autorités régionales et locales et les organisations non gouvernementales impliqués dans les projets d’intégration;
6.6.3. à prévoir l’établissement d’une responsabilité juridique et politique effective des processus d’intégration aux niveaux national et local;
6.6.4. à envisager l’introduction, si ce n’est déjà fait, d’une carte d’identité spéciale délivrée au moment de l’enregistrement afin de donner aux autorités l’accès à toutes les informations relatives à l’intéressé qui s’avèrent utiles pour le processus d’intégration;
6.6.5. à mettre en place divers éléments visant à faciliter l’intégration aux premiers stades de la procédure de détermination du droit d’asile, y compris un soutien concernant les traumatismes psychologiques;
6.6.6. à veiller à ce que les dépenses et programmes en faveur des migrants n’engendrent pas une réduction réelle ou perçue des investissements et services pour les populations locales, et plus particulièrement les autres groupes défavorisés du pays;
6.6.7. à créer un environnement et des conditions propices aux activités des organisations non gouvernementales et aux initiatives civiques visant à améliorer l’intégration des réfugiés et des migrants et à encourager la participation de la population locale;
6.6.8. à prendre en compte le fait que la consultation et la participation, à la fois des migrants et de la société civile, à la prise de décision et la mise en œuvre des programmes d’intégration dans le pays d’accueil permettent une meilleure adaptation des politiques à la situation spécifique qui prévaut au plan national, régional ou local, et favorisent un sentiment de responsabilité partagée;
6.6.9. à veiller à l’organisation de campagnes de communication et d’information multimédias, ciblant tant la population locale que les migrants, dans le but de fournir des directives claires et informatives et d’instaurer un environnement général positif pour tous;
6.7. s’agissant de l’installation des migrants dans le pays d’accueil:
6.7.1. à veiller à ce que la (re)localisation de migrants soit mise en œuvre en fonction des capacités et possibilités des lieux d’installation, notamment des offres éducatives ou des perspectives sur le marché de l’emploi, ainsi qu’en fonction des besoins des migrants concernés et de leur situation familiale;
6.7.2. à assurer aux migrants adultes les formations linguistiques et professionnelles requises ainsi qu’un certain niveau d’éducation civique qui fournisse des orientations utiles pour la vie quotidienne dans le pays;
6.7.3. à donner aux enfants un accès immédiat à une éducation ou des services de garderie appropriés, si possible en les accueillant dans les établissements scolaires ordinaires, à condition de faire en sorte que les obstacles langagiers et culturels soient minimisés;
6.7.4. à comprendre que la réunification familiale est une partie intégrante d’une intégration réussie et qu’en tant que telle ne doit pas faire l’objet d’obstacles additionnels, de suspensions ou d’autres mesures susceptibles d’entraîner des retards dans le processus de réunification;
6.7.5. à protéger et aider les groupes particulièrement vulnérables, comme les mineurs non accompagnés, notamment en attribuant à ces derniers un tuteur personnel et en leur assurant un suivi jusqu’au passage à l’âge adulte;
6.7.6. à garantir l’allocation de ressources adéquates aux services sociaux et de santé pour les migrants et à exploiter au maximum les initiatives pour la jeunesse, la culture et le sport déjà en place qui promeuvent l’inclusion;
6.7.7. à recourir aux plateformes de dialogue et de coopération internationaux pour procéder à des échanges d’informations et d’expériences, comme le Programme des Cités interculturelles du Conseil de l’Europe, en vue de tirer parti des bonnes pratiques et modèles.

B. Exposé des motifs, par Mme Susanna Huovinen, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. L’établissement du présent rapport a été motivé par les circonstances exceptionnelles qui ont prévalu à l’automne 2015, lorsque les arrivées de réfugiés 
			(2) 
			Selon la Convention
des Nations Unies de 1951 relative au statut des réfugiés et le
Statut du HCR, les réfugiés sont des personnes qui se trouvent hors
de leur pays d’origine en raison d’une crainte de persécution, de
conflit, de violence ou d’autres circonstances qui ont gravement
bouleversé l’ordre public et qui, en conséquence, exigent une «protection internationale».
Dans ce rapport, le terme «migrant» est employé quand la situation
examinée peut impliquer des personnes non comprises dans cette définition. en Europe occidentale via la Turquie, la Grèce et la route des Balkans occidentaux ont atteint leur paroxysme. Les auteurs de la proposition ont rappelé que la crise a provoqué au sein de l’opinion publique des réactions diverses, notamment de rejet et de peur, d’où une réticence généralisée à l’idée d’accueillir de nouveaux réfugiés. Alors que les pays accueillant les plus gros effectifs de demandeurs d’asile et de réfugiés sont mis à rude épreuve et que la pression va croissant, la situation est telle qu’elle risque d’ébranler la solidarité politique européenne et de porter un coup sévère aux efforts déployés pour répondre aux besoins humanitaires des réfugiés. Il est également noté que les États qui ont déjà accueilli un nombre particulièrement élevé de réfugiés ont acquis une expérience précieuse en matière d’intégration des nouveaux arrivants. Le partage de cette expérience pourrait inciter à une plus grande solidarité et à une répartition plus équitable du fardeau. Les auteurs de la proposition ont ainsi appelé l’Assemblée parlementaire à analyser la situation dans ces pays en vue d’adresser des recommandations aux États membres et au Comité des Ministres.
2. Bien que la situation reste préoccupante en Grèce, qui accueille désormais près de 63 000 réfugiés et continue d’enregistrer quelques nouveaux arrivants, et en Italie où plus de 180 000 personnes sont arrivées en 2016, elle s’est stabilisée dans la plupart des pays d’Europe occidentale dont le nombre d’arrivées a considérablement baissé depuis le printemps 2016, après la conclusion de l’accord entre l’Union européenne et la Turquie. La crise des migrants et des réfugiés n’en demeure pas moins un sujet de vives controverses politiques, tant au plan national qu’européen, et une source de grande tension entre les États. Les réfugiés continuent d’être diabolisés, de sorte que les mécanismes essentiels de partage des responsabilités, comme les programmes de relocalisation et de réinstallation, se sont avérés insatisfaisants et la solidarité européenne a été mise à très rude épreuve.
3. Malgré le climat d’anxiété et d’hostilité entretenu par certains milieux politiques, beaucoup de pays ont déployé des efforts impressionnants pour faire face au problème, accueillir des réfugiés et entamer le processus de leur intégration dans la société. Ces exemples témoignent de la capacité des États à absorber des effectifs même très importants de réfugiés et de demandeurs d’asile d’une manière qui profite à la fois aux nouveaux arrivants et aux sociétés d’accueil dès lors qu’il existe une volonté politique claire, une communication efficace au sujet des politiques, ainsi qu’une mobilisation et une coordination effectives de ressources administratives et sociales. Le présent rapport procède à un examen de certaines de ces situations qui servira de base à la formulation de recommandations d’actions à entreprendre aux plans national et européen.
4. Pour le Conseil de l’Europe et d’autres organisations internationales dont le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), l’intégration n’est pas synonyme d’assimilation selon laquelle les nouveaux arrivants adoptent la culture, les valeurs et les traditions des sociétés d’accueil en lieu et place des leurs. Elle ne s’apparente pas non plus au multiculturalisme des communautés autochtones et de réfugiés ou migrants menant des existences séparées et parallèles, dictées par leurs cultures, valeurs et traditions d’origine. Une intégration réussie repose sur le respect des valeurs fondamentales de la société d’accueil, notamment de ses principes constitutionnels et normes culturelles. Elle associe les réfugiés à la vie économique, sociale et culturelle quotidienne de la communauté hôte et reflète la compréhension et le respect de la situation et des origines culturelles des réfugiés. Il s’agit d’un processus continu et non d’une fin en soi, fondé sur une coopération tripartite constructive entre les autorités, la communauté d’accueil (en particulier la société civile) et les réfugiés.
5. Dans le cadre de la préparation du présent rapport, la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées a tenu une audition avec M. Jean-Christophe Dumont de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) 
			(3) 
			Dans sa présentation,
M. Dumont a renvoyé à une publication de l’OCDE particulièrement
utile intitulée «Les clés de l'intégration: les réfugiés et autres
groupes nécessitant une protection», qui contient dix enseignements
à l’intention des décideurs politiques et de nombreux exemples de
bonnes pratiques, dont certains sont mentionnés dans le présent rapport. et la sous-commission sur l’intégration a organisé une conférence à Berlin sur l’expérience de l’Allemagne en matière d’intégration des réfugiés et des migrants 
			(4) 
			Voir
le document AS/Mig/Inf (2016) 26 Rev 4 pour prendre connaissance
du programme de la conférence.. Après avoir examiné divers exemples pertinents de bonnes pratiques dans deux États membres – un grand et un petit – présentant des écarts importants dans le nombre d'arrivées, j'ai décidé d’effectuer des visites d'information en Allemagne et au Portugal 
			(5) 
			Voir
les documents AS/Mig (2016) 39 final et AS/Mig (2017) 4 final respectivement
pour prendre connaissance des programmes de ces visites. et j'ai également organisé une audition au Parlement finlandais sur la situation dans mon pays. Je tiens à remercier toutes les personnes concernées pour leurs précieuses contributions.
6. De surcroît, un questionnaire sur les politiques nationales d’intégration a été diffusé par l’intermédiaire du Centre européen de recherche et de documentation parlementaires (CERDP), auquel 36 pays ont répondu. Les données substantielles ainsi recueillies ont été compilées sous la forme d’un document d’information qui s’avérera probablement fort utile bien au-delà du cadre du présent rapport, faisant office de «recueil» et de référence pour d’autres études. J’ai fait état dans ce rapport de quelques exemples fournis par les personnes ayant répondu 
			(6) 
			Albanie,
Allemagne, Arménie, Autriche, Azerbaïdjan, Belgique, Canada (observateur),
Croatie, Chypre, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Géorgie,
Grèce, Hongrie, Irlande, Lettonie, Liechtenstein, Lituanie, République
de Moldova, Monténégro, Norvège, Pologne, Portugal, Roumanie, Serbie,
République slovaque, Slovénie, Suède, Suisse, «l’ex-République yougoslave
de Macédoine», Royaume-Uni, République tchèque..

2. Politiques nationales

2.1. Environnement politique

7. Étant donné qu’en vertu du droit international, seules des circonstances exceptionnelles peuvent justifier l’expulsion de réfugiés, et que ces derniers sont en mesure de séjourner dans le pays pendant des années, des décennies voire indéfiniment, leur intégration effective dans la société est de toute évidence dans l’intérêt du pays d’accueil. Les responsables politiques doivent reconnaître cet état de fait et s’employer à façonner l’opinion de manière à obtenir son soutien en faveur de l’intégration en tant que bien public dans lequel il vaut la peine d’investir 
			(7) 
			Dans
son arrêt dans l’affaire Hirsi Jamaa
et Autres c. Italie du 23 février 2012, la Cour européenne
des droits de l’homme a trouvé que des migrants somaliens et erythréens
venant de la Libye, interceptés en mer et reconduits en Libye par
les autorités italiennes, ont fait l’objet d’une expulsion collective
prohibée par l’article 4 du Protocole no 4
à la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 46),
et que les requérants relevaient de la juridiction de l’Italie au sens
de l’article 1 (obligation de respecter les droits de l’homme) de
la Convention (STE no 5). La Cour a également conclu
dans cette affaire à la violation de l’article 3 (interdiction des
traitements inhumains ou dégradants) de la Convention, les requérants
ayant été exposés au risque de subir de mauvais traitements en Lybie
et d’être rapatriés en Somalie ou en Érythrée. L’affaire Ilias et Ahmed c. Hungary concerne
la rétention en zone frontière pendant 23 jours de deux chercheurs
d’asile Bangladeshi et leur transfert de la Hongrie à la Serbie.
Le 14 mars 2017, la Cour a considéré qu’il y a eu violation des
articles 5.1 et 5.4 (droit à la liberté et à la sécurité) parce
que l’enfermement des plaignants dans la zone frontière de Röszke
constituait une rétention sans motif justifié, une violation de
l’article 13 (droit à un recours effectif) et de l’article 3 puisque
l’expulsion vers la Serbie exposait les plaignants à un risque réel
d’être soumis à un traitement inhumain ou dégradant..
8. L’intégration est vouée à l’échec dès lors que les responsables politiques ne montrent pas la voie en défendant la faisabilité et l’opportunité de l’intégration des réfugiés et ne parviennent pas à en convaincre la population générale. Il en va de même s’ils ne sont pas capables de mettre en place un cadre législatif et politique approprié et d’allouer des ressources suffisantes. À cet égard, le célèbre slogan martelé par la chancelière allemande, Angela Merkel, «Nous pouvons le faire» a rassuré beaucoup d’Allemands, persuadés ainsi que les autorités nationales avaient à la fois conscience de l’ampleur du défi et confiance dans leur capacité à le relever.
9. Pour continuer à bénéficier de l’appui du public, les autorités doivent trouver un compromis entre les dépenses consacrées à l’intégration des réfugiés et celles destinées à répondre aux besoins d’autres groupes défavorisés. Au Bade-Wurtemberg, par exemple, une administration récemment élue a fermé le ministère régional chargé des questions relatives aux migrations et à l’intégration au motif qu’il était discriminatoire à l’égard d’autres groupes. En Allemagne sur un plan général, les autorités ont été contraintes de donner l’assurance à la population que les sommes considérables consacrées par le pays aux réfugiés n’ont entraîné ni déficits budgétaires, ni réductions dans d’autres domaines. Au Portugal, les centres «à guichet unique» chargés de l’accueil et de l’intégration des réfugiés et des migrants se sont inspirés des «boutiques du citoyen» existantes qui fournissent des services similaires aux résidents portugais.
10. La confiance qu’a le public dans la capacité des autorités à gérer un système d’asile et d’intégration efficace dépend également de l’obtention de résultats concrets bien visibles, à commencer par une procédure d’enregistrement rapide et méthodique et l’hébergement des demandeurs d’asile. De la même manière qu’un système d’asile et d’intégration efficace est susceptible de créer un cercle vertueux caractérisé par la confiance de la population, des réfugiés productifs et bien intégrés, et un consensus politique, un système mal géré aboutit à un cercle vicieux marqué par l’inquiétude du public, la marginalisation voire la radicalisation des réfugiés et le mécontentement politique, si ce n’est l’extrémisme. Étant donné le nombre de réfugiés arrivés en 2015 et 2016, et les crises et conflits en cours dans les pays «producteurs» de réfugiés, l’intégration de ces derniers restera un défi et enjeu de taille pendant un certain temps encore.
11. Les responsables politiques ne doivent pas verser dans les discours de haine à l’égard des réfugiés. La législation et la politique nationales devraient prévoir des mesures appropriées contre de tels propos haineux, quel qu’en soit le contexte, y compris les déclarations dans les médias. À cet égard, le travail accompli par la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI) est extrêmement important, qu’il s’agisse de son monitoring par pays ou de ses recommandations de politique générale, notamment la no 5 sur la lutte contre l’intolérance et les discriminations envers les musulmans, la no 15 sur la lutte contre le discours de haine et la no 16 sur la protection des migrants en situation irrégulière contre la discrimination. Le programme conjoint du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne «Communication pour l’intégration» (C4i), mis en œuvre dans 11 villes européennes, lutte contre les préjugés, les rumeurs et les stéréotypes concernant les réfugiés et les migrants au moyen de techniques de communication virale pour apporter des réponses factuelles à des idées aussi fausses que répandues, grâce à la participation active de citoyens faisant office «d’agents anti-rumeurs» 
			(8) 
			Pour de plus amples
informations, voir <a href='http://pjp-eu.coe.int/en/web/c4i'>http://pjp-eu.coe.int/en/web/c4i</a>. . Il faut également citer la campagne «Ni haine ni peur» de l'Assemblée parlementaire, lancée par son Président, qui vise à éviter tout amalgame entre les craintes causées par le terrorisme et la méfiance ou la haine à l’égard des étrangers.
12. Au Portugal, des campagnes de sensibilisation du public à l’action des autorités sont organisées dans divers médias et des programmes participatifs, comme par exemple «Mentores para migrantes» («Des tuteurs pour les migrants»), encouragent l’implication de la population. Le Centre national d’aide aux immigrés établi à Lisbonne gère un centre de documentation sur l’immigration, l’éducation interculturelle et la lutte contre le racisme et la discrimination et publie des brochures et des fiches d’information pour promouvoir «une société plus tolérante et accueillante».

2.2. Contexte administratif national

13. Chaque pays dispose de sa propre structure administrative. Il est toutefois essentiel qu’au sein de chaque système administratif, les différents services coopèrent et coordonnent leur travail, afin d’assurer un flux d’information efficace, le recours au savoir-faire et la coordination des activités, d’éviter les chevauchements inutiles. Il est également important de garantir une responsabilité juridique et politique effective. Dans les pays scandinaves, les demandeurs d’asile reçoivent un numéro d’identification personnel commun aux différents registres administratifs, donnant accès à des informations sur le statut de résidence, l’éducation, l’emploi et la participation aux programmes de l’intéressé, par exemple. De même, en Allemagne, tous les demandeurs d’asile se voient attribuer, au moment de leur enregistrement, une carte d’identité spéciale qui permet aux autorités d’accéder à diverses informations concernant l’état de santé, le niveau d’instruction et l’expérience professionnelle des titulaires. Les autorités doivent également être attentives au risque de chevauchement anarchique des activités dû à un excès d’enthousiasme de certains organes, ce qui a été le cas, par exemple, en Allemagne et en Finlande.
14. Dans bien des cas, les structures existantes peuvent constituer le socle de l’action administrative, dans la mesure où la plupart, si ce n’est la totalité, des services de base nécessaires à l’intégration des réfugiés sont déjà en place à l’intention de la population générale. Elles peuvent cependant nécessiter certaines adaptations et des ressources supplémentaires. Dans les pays relativement peu habitués à accueillir des réfugiés ou confrontés subitement et de manière inopinée à des arrivées massives, il peut s’avérer nécessaire d’envisager la création de nouvelles structures. Il convient de garder à l’esprit l’expérience finlandaise: alors que le modèle d’intégration s’est avéré efficace face à un effectif réduit de demandeurs d’asile, les autorités ont été quelque peu débordées par l’augmentation massive des arrivées en 2015, qui a entraîné une fragmentation de leurs actions et révélé la rigidité du système à l’égard des personnes en proie à des problèmes complexes.
15. De plus en plus d’autorités nationales et locales ont mis en place des bureaux ou plans d’action spécifiques. L’Allemagne, par exemple, s’est dotée d’une Déléguée du gouvernement fédéral à la migration, aux réfugiés et à l’intégration, fonction que le gouvernement envisage désormais de faire évoluer en un ministère à part entière. Par ailleurs, une unité spéciale en charge de la cohésion sociale et de l’intégration a été créée au sein du ministère fédéral de l’Intérieur en février 2016. En mai 2016, la ville de Berlin a adopté un nouveau «Plan directeur complet sur l’intégration et la sécurité»; à un niveau plus circonscrit, la police de l’arrondissement de Neukölln à Berlin a établi une unité spéciale chargée de faciliter l’intégration des réfugiés et des migrants, à titre également de mesure de confiance. Dès 2007, la ville de Bergen en Norvège a mis en œuvre un plan d’action intitulé «L’intégration est la responsabilité de tous et de toutes» contribuant à l’application au niveau de la commune de la loi norvégienne de 2003 relative à l’insertion, censé améliorer la participation des migrants arrivés récemment à la vie professionnelle et sociale et renforcer leur autonomie financière. Au Portugal, trois centres nationaux d’aide aux immigrés ont été créés à Lisbonne et Porto en 2004 et à Faro en 2009, et emploient des médiateurs interculturels qui jouent un rôle déterminant. En revanche, les autorités municipales d’Helsinki, en Finlande, ont déploré l’absence d’une autorité centrale chargée d’aider les réfugiés à trouver leur propre identité et leur place dans la société finlandaise.
16. Dans ce contexte, la coopération interfonctionnelle est tout aussi importante. L’Autriche dispose d’un comité consultatif pour l'intégration qui est coordonné par le ministère de l'Intérieur et auquel participent toutes les parties concernées. En Flandre, un comité ministériel «sur la crise de l’asile et des réfugiés» a été créé en 2015. À Chypre, une équipe spéciale multifonctionnelle chargée de l’intégration a été créée afin d’examiner conjointement différents aspects des migrations et de l'asile. En République tchèque, l'administration chargée des installations pour les réfugiés a la même fonction. L'Estonie dispose d’un Conseil de coordination des politiques pour les réfugiés et la Finlande d'un Conseil consultatif interinstitutionnel pour les relations ethniques. Le Conseil des migrations du Portugal est un organe qui se penche sur toutes les lois relatives aux migrations et comprend les 10 plus grandes communautés de migrants et 48 partenaires différents. Tout projet de loi lié à la migration au Portugal doit passer par ce conseil.

3. Administration locale et régionale

17. Si la détermination du statut de réfugié et la législation, par exemple, relèvent habituellement des responsabilités nationales, il incombe principalement aux collectivités locales d’assumer la charge liée à la fourniture des services. Il est de ce fait essentiel de prendre pleinement en compte les avis des pouvoirs locaux et régionaux lors de la conception et de la mise en œuvre de politiques nationales et, le cas échéant, de mettre à leur disposition des ressources suffisantes pour faire en sorte que les collectivités locales et régionales puissent s’acquitter efficacement de leurs responsabilités. En septembre 2015, au plus fort de la crise des réfugiés, et malgré une politique d’austérité budgétaire stricte dans le pays, l’Allemagne a alloué 600 millions d’euros supplémentaires aux budgets régionaux à partir des comptes fédéraux. Par ailleurs, en janvier 2016, la chancelière fédérale a organisé une conférence avec les régions en vue de convenir d’un plan d’intégration national, qui s’est soldé au final par une nouvelle aide fédérale de 9,3 milliards d’euros aux régions et communes
18. Lorsque des effectifs importants de réfugiés arrivent dans un pays sur une courte période, il peut s’avérer nécessaire de les affecter à différentes régions de manière à répartir la charge financière et administrative L’expérience a cependant montré que divers facteurs peuvent inciter les réfugiés et demandeurs d’asile à s’installer ailleurs dans le pays. Ces facteurs incluent notamment la séparation d’avec d’autres membres de la famille ou de communautés établies de mêmes nationalité, origine ethnique, langue ou religion, ainsi que l’absence relative de possibilités d’emploi dans la localité. L’adoption de mesures visant à imposer une affectation régionale, par exemple les restrictions de l’accès aux prestations et services dans d’autres régions, peut avoir un impact négatif sur l’intégration, y compris sur les taux d’emploi. Les conséquences d’une répartition régionale déséquilibrée des réfugiés et demandeurs d’asile peuvent être en partie compensées par un niveau variable d’aide financière apportée aux régions par les autorités nationales. À cet égard, il convient de souligner qu'il est important d'éviter la ségrégation entre les zones résidentielles ainsi que la ghettoïsation, qui, dans le pire des cas, peuvent entraîner l’interruption des programmes d'intégration, voire annuler leurs effets bénéfiques.
19. L’efficacité exemplaire dont ont fait preuve les autorités de la Sarre à l’égard des demandeurs d’asile depuis leur arrivée jusqu’à leur hébergement dans les communautés locales, en a attiré d’autres installés ailleurs dans le pays. J’ai également entendu dire que dans la région de Berlin-Brandebourg, la ville de Berlin offrait des possibilités d’emploi mais souffrait d’une pénurie de logements, tandis que la région proche du Brandebourg avait des capacités d’hébergement inutilisées mais avait peu fait pour aider les demandeurs d’asile à trouver un travail en tant, par exemple, que soignants ou chauffeurs de taxi. Selon l’OCDE, la situation sur le marché du travail local à l’arrivée est un facteur déterminant pour une intégration durable des réfugiés sur un plan général et leur taux d’emploi à long terme. Il est donc important d’éviter de se retrouver dans une situation dans laquelle les nouveaux arrivants sont installés dans des zones où des logements peu onéreux sont disponibles, mais où les possibilités d’emploi sont rares. Le Danemark, l’Estonie, la Finlande, le Portugal et la Suède comptent parmi les quelques pays à prendre en considération les perspectives d’emploi au plan local dans leurs dispositifs de dispersion.
20. La situation au Portugal diffère sensiblement de celle des autres pays examinés dans le présent rapport, en raison principalement de l’ampleur moindre de la migration dans le pays. En février 2017, 1 063 migrants avaient été relocalisés et avaient immédiatement bénéficié d’un lieu d’hébergement local sans avoir à transiter par des centres d’accueil. Les centres nationaux d’aide aux immigrés (CNAI) sont rattachés à un réseau de 49 centres locaux d’aide aux immigrés (CLAII) qui, en partenariat avec 89 communes à ce jour, fournissent des logements, des services d’information au plan local et un accès direct au réseau national.
21. Je tiens également à évoquer le programme des Cités interculturelles du Conseil de l’Europe. Bien que son champ d’application général s’étende au-delà de l’intégration des réfugiés, il a souvent centré l’action des autorités municipales sur ce domaine. J’encourage les lecteurs à consulter par exemple le rapport relatif au séminaire sur l'innovation sociale pour l’intégration et l'inclusion des réfugiés, organisé à Bruxelles les 12 et 13 septembre 2016; le rapport sur la visite d’étude consacrée à l’intégration des réfugiés menée à Bergen (Norvège) les 9 et 10 juin 2016; le résumé du 1er atelier du réseau portugais des cités interculturelles sur «La question des réfugiés» tenu le 26 janvier 2016; ou encore le rapport relatif au séminaire du réseau des Cités interculturelles organisé à Neuchâtel (Suisse) les 29 et 30 octobre 2015 
			(9) 
			Pour consulter ces
documents et d’autres liés au programme des Cités interculturelles,
voir: <a href='http://www.coe.int/en/web/interculturalcities/home'>www.coe.int/en/web/interculturalcities/home</a>..

4. Des approches participatives de part et d’autre

4.1. Rôle de la société civile

22. Parallèlement aux autorités publiques, la société civile a un rôle crucial à jouer, depuis la fourniture de services de base tels que l’alimentation, le logement et les soins médicaux au moment de l’arrivée, en passant par l’assistance dans les démarches administratives et juridiques durant et après la détermination du statut de réfugié, jusqu’aux projets d’intégration comme les formations linguistiques ou professionnelles et les activités sociales/culturelles, voire même les programmes anti-radicalisation (voir ci-dessous). La société civile présente l’avantage de la flexibilité, de la créativité et de l’adaptabilité, et les réfugiés peuvent se sentir plus en confiance avec les organisations de la société civile qu’avec les autorités pour être épaulés dans certains domaines. Le rôle de la société civile mérite à ce titre d’être reconnu, encouragé et au besoin soutenu par les autorités, car il peut impliquer des activités que ces dernières auraient du mal à entreprendre elles-mêmes. Cependant, les règles délimitant les responsabilités de chacun doivent être claires et les autorités devraient collaborer avec la société civile afin de rechercher des synergies. Il faut absolument éviter d’essayer de confier à la société civile des tâches qui n’entrent pas dans son champ de compétences et ne correspondent pas aux ressources dont elle dispose.
23. Un des inconvénients de la spontanéité et de l’indépendance des projets de la société civile est le défaut de coordination, avec un risque de duplication et de synergies inexploitées avec d’autres acteurs de la société civile et les autorités. Il est un domaine où les autorités peuvent, notamment au plan local, apporter leur contribution. Dans l’arrondissement de Neukölln à Berlin, par exemple, la municipalité a mis en place en juin 2015 un bureau de coordination pour les réfugiés, dans le but de parvenir à une vision globale du travail des bénévoles, des start-ups et des organisations de la société civile, et de mieux soutenir leur action. En République tchèque, des réunions ont lieu à intervalles réguliers entre les ministères et la société civile afin d'assurer la mise en œuvre des mesures nécessaires et leur coordination. Au Portugal, la diversité ethnique des résidents portugais et la prise de conscience réelle de la nécessité de lutter contre le déclin démographique ont permis d’atténuer les réactions d’hostilité et la défiance à l’égard des nouveaux arrivants. De plus, un système de tutorat volontaire organisé par les autorités publiques encourage également les citoyens à prendre une part active, à titre individuel, à l’aide apportée aux réfugiés pour leur intégration et à se sentir quelque peu responsables de leur bien-être.
24. Dans de nombreux pays, l'église joue également un rôle important dans le processus d'intégration, notamment en ce qui concerne l’accueil et l'hébergement rapides. L'église et sa communauté, souvent très active, peuvent fournir directement des services de base et faciles d’accès aux réfugiés, quelle que soit leur religion. En Arménie, en République tchèque, en Finlande, en Hongrie et au Royaume-Uni, l'église a participé activement à l'intégration des réfugiés à différents niveaux.

4.2. Nécessité d’impliquer les réfugiés eux-mêmes et de développer des approches individualisées

25. Personne n’est en mesure de mieux comprendre les besoins d’intégration des réfugiés que les réfugiés eux-mêmes. Pourtant, ces derniers ne sont pas toujours consultés lors de l’élaboration des politiques d’intégration, et leurs préférences et besoins individuels ne sont pas pleinement pris en compte lors de leur mise en œuvre 
			(10) 
			En 2012, la Fondation
Roi Baudouin et le Migration Policy Group (Bruxelles) ont publié
les résultats d’une étude intitulée «<a href='http://www.immigrantsurvey.org/downloads/ICS_ENG_Full.pdf'>How
Immigrants Experience Immigration in 15 European cities</a>», qui contient de nombreuses informations sur les priorités,
les espoirs et les aspirations des migrants cherchant à s’intégrer
dans leurs sociétés d’accueil.. Pour réaliser son plein potentiel, la politique d’intégration doit impérativement associer les réfugiés non pas en tant que bénéficiaires passifs «à intégrer», mais en tant qu’acteurs indépendants et dynamiques, dont le souhait le plus cher est de retrouver dignité et autonomie.
26. Les réfugiés ont une expérience, des qualités et des besoins uniques. Une approche «standardisée» de l’intégration risque de ne pas répondre aux exigences de bon nombre d’entre eux. Cela ne veut pas dire qu’il faille réinventer la roue de l’intégration pour chaque individu, mais il convient de préserver une marge d’adaptation à ses circonstances spécifiques. Les pays scandinaves, par exemple, proposent des systèmes essentiellement personnalisés, d’une durée de deux ou trois ans en fonction des besoins de la personne concernée. En Belgique, le gouvernement flamand a approuvé un plan d’action 2016-2019 favorisant l’intégration horizontale afin de réduire l'écart ethnique et d’améliorer le statut social des réfugiés. Ce plan définit quatre objectifs stratégiques: promotion de la participation sociale et économique, amélioration de la connaissance du néerlandais par des locuteurs non-autochtones, renforcement du respect mutuel et réalisation d'une politique d'intégration harmonisée, fondée sur des données factuelles et largement soutenue. L’idée de départ est que l'intégration est un processus à double sens et que les responsabilités sont partagées entre les individus et les institutions.
27. À Bergen, en Norvège, le programme «Seconde Chance» propose aux réfugiés qui n’ont pas achevé la formation professionnelle, sociale et linguistique durant la période habituelle de deux ans, des plans personnalisés axés plus précisément sur les compétences linguistiques et l’intégration sur le marché de l’emploi. Quatre-vingts pour cent des participants à ce programme sont des femmes qui assument aussi des responsabilités familiales. La politique norvégienne porte généralement une attention particulière aux réfugiés peu qualifiés afin de leur permettre d’acquérir les compétences de base dont ils ont besoin pour être opérationnels, grâce à des formations linguistiques et des cours sur la société et la culture du pays. À l’autre extrémité du spectre éducatif, l’ONG allemande Kiron Higher Education permet aux étudiants réfugiés de s’inscrire et d’étudier en ligne, d’accumuler des crédits de cours et au final de passer un diplôme dans l’une des 25 universités partenaires. L’École ReDI de formation au numérique aux fins de l’intégration de Berlin propose des formations à la programmation informatique pour les réfugiés et les aide à présenter leur travail à des employeurs potentiels, dont beaucoup ont fait montre d’un grand intérêt pour leurs activités et les soutiennent.
28. Les associations représentant les réfugiés peuvent jouer un rôle important en sensibilisant la société à la situation de leurs membres. L’ONG grecque Solomon publie un magazine en ligne dans lequel des migrants, des réfugiés et des ressortissants grecs expriment leurs opinions sur un large éventail de sujets d’intérêt social. Les projets de mentorat peuvent remplir une fonction similaire: la plateforme en ligne berlinoise «Start with a Friend» réunit ainsi des réfugiés et des mentors locaux afin de favoriser un apprentissage réciproque, de développer un engagement à long terme et, dans l’idéal, une amitié et d’apporter conseils et assistance sur des questions d’ordre pratique. Le Forum grec pour les réfugiés a organisé une réunion fructueuse avec des membres du parti d’extrême droite «Aube dorée», connu pour ses positions anti-réfugiés et anti-migrants, dans le but d’instaurer un dialogue entre réfugiés et communautés hôtes.
29. Plus tôt les réfugiés se sentiront acceptés dans le pays d’accueil, engagés dans un dialogue constructif avec les autorités nationales après leur enregistrement et le dépôt de leur demande d’asile, et protégés contre le refoulement du fait de l’octroi du statut de réfugié, plus tôt ils disposeront de fondements matériels et psychologiques sur lesquels s’appuyer pour mener des activités sociales et économiques. L’accueil, l’enregistrement et en particulier la procédure de détermination du statut de réfugié peuvent nécessiter un certain temps. La longueur excessive de cette dernière est déstabilisante pour les réfugiés et sape les efforts d’intégration. De nombreux pays proposent de ce fait diverses formes de mesures d’intégration à un stade très précoce, voire avant même la décision relative à l’octroi du statut de réfugié, ou après un certain délai dans cette procédure.

5. Créer des cadres d’intégration durables

5.1. Prise en charge sanitaire et soutien psychologique et social

30. De nombreux réfugiés arrivent en Europe au terme d’un voyage difficile et peuvent être fortement traumatisés par les épreuves dues au conflit et au fait de fuir leur domicile et de quitter leurs familles. Il est donc important que du personnel et des établissements médicaux et sociaux soient en place pour détecter les problèmes psychologiques à un stade précoce. L’incapacité de résoudre ces problèmes peut avoir des conséquences très vastes, par exemple sur l'emploi, l'apprentissage des langues, l'éducation et l'interaction avec les autorités. Pourtant, l'OCDE signale que le nombre de pays qui dépistent les problèmes de santé mentale est très faible, à l’exception notable de la Suède, où la question est traitée lors des examens médicaux de routine. Dans plusieurs pays, des ONG spécialisées s’occupent des réfugiés, telles que Hemayat en Autriche, le Conseil de psychologie interculturelle au Danemark, le Centre des survivants à la torture en Finlande et Freedom from Torture au Royaume-Uni. La Belgique a également lancé un projet qui finance six psychologues (à temps plein) déployés dans des centres d’orientation scolaire situés dans six régions, afin d’aider les enfants réfugiés qui présentent des problèmes liés à des traumatismes. Les États membres devraient veiller à ce que les services sociaux et médicaux disposent d’un nombre suffisant d’agents formés en psychologie pour détecter des besoins et problèmes spécifiques le plus tôt possible.

5.2. Hébergement

31. Quelle que soit la politique d’intégration, tous les réfugiés nouvellement arrivés ont droit à des services essentiels tels qu’un hébergement décent, des soins de santé et un soutien psychosocial; la non-satisfaction de ces besoins par les autorités peut constituer une violation de leurs obligations légales. Cependant, la fourniture d’un logement convenable est également un élément important dans la perspective de l’intégration. Lorsque des arrivées soudaines et massives de réfugiés et de demandeurs d’asile ne laissent d’autre choix aux autorités que de les loger dans des hébergements de masse, ils devraient être transférés dès que possible dans des habitations situées en zones résidentielles. Cette démarche facilite la stabilisation et la normalisation de leurs conditions de vie, leur permet de développer des routines quotidiennes plus individualisées et autonomes – essentielles pour retrouver vie familiale, dignité et estime de soi – et de nouer des contacts avec les communautés d’accueil.
32. Diverses initiatives s’efforcent de loger les réfugiés chez des membres de la communauté hôte: en France, la plateforme en ligne «Comme à la maison», créée par l’ONG Singa, permet à des citoyens d’accueillir temporairement chez eux des réfugiés, donnant à ces derniers un aperçu sans pareil de la communauté d’accueil et la possibilité de nouer des contacts; et dans l’arrondissement de Neukölln à Berlin, une autre start-up à vocation sociale, «Refugees Welcome», joue un rôle similaire. À Anvers, en Belgique, il existe un système appelé «Cohousing Curant» pour aider les jeunes récemment arrivés à partager leurs logements. Des ONG et des églises hongroises ont également mis en œuvre des projets qui combinent l’occupation gratuite d’un logement temporaire et un travail social. Depuis 2007, le ministère de l’Intérieur du Royaume-Uni a accordé des prêts à des réfugiés enregistrés afin de favoriser leur intégration. Les prêts peuvent être utilisés pour se loger.

5.3. Scolarisation et enseignement primaire

33. L'intégration des enfants a souvent lieu à l'école, mais l'éducation préscolaire dispensée par des garderies peut aussi la faciliter. Dans une garderie, en effet, l’enfant peut apprendre en toute sécurité la langue du pays hôte, échanger avec d'autres enfants et adultes et acquérir des compétences adaptées aux coutumes et aux traditions du pays d’accueil. En outre, grâce à ce type d’établissement, les parents peuvent se concentrer davantage sur leur propre procédure d'intégration, trouver un emploi et se livrer à d'autres activités civiques. Dans «l’ex-République yougoslave de Macédoine», le Plan d'action pour la mise en œuvre de la stratégie nationale d'intégration des réfugiés et des étrangers fait spécifiquement référence à la création de garderies pour enfants en âge préscolaire. Dirigées par la communauté, les garderies permettront aux mères ou aux parents isolés de s’intégrer au marché de l’emploi. En Belgique, le gouvernement flamand a mis en place des mesures spécifiques pour renforcer la participation des enfants aux activités préscolaires. L'Arménie, le Liechtenstein et la Lituanie appliquent également des dispositions spéciales pour faciliter l'accès des enfants réfugiés aux garderies. En Finlande, la ville d’Helsinki utilise son vaste réseau de terrains de jeux et de centres familiaux publics pour promouvoir le «Kotoklubi Kaneli». Il s’agit d’un projet visant à faire participer les petits enfants finlandais à des activités éducatives centrés sur le jeu, le chant, l’art et des activités fonctionnelles en utilisant la méthode du «toisto» (répétition) pour leur faire apprendre le finnois.

5.4. Regroupement familial

34. Pour les réfugiés qui arrivent sans leur famille, la préoccupation la plus urgente est d’assurer la sécurité de leurs proches et de réunir la famille dans le pays d’accueil. Bien sûr, avant que ce regroupement n’intervienne, ils n’auront pas l’attention et la tranquillité d’esprit indispensables pour participer à d’autres mesures d’intégration. Il est donc important que la législation nationale et la politique de regroupement familial soient claires, correctement expliquées et administrées avec efficacité. Il convient de trouver des solutions flexibles et innovantes à des problèmes pratiques, tels que l’établissement de la preuve des liens familiaux ou la gestion des rendez-vous pour le dépôt des demandes ou les entretiens. La politique de regroupement familial devrait adopter une approche large et inclusive de la définition de la famille, incluant non seulement les enfants mineurs et les parents, mais aussi les proches comme les frères et sœurs adultes et les parents âgés dépendants, lorsque leur exclusion risque de créer des dilemmes impossibles pour les membres de la famille qui auraient droit au regroupement familial.
35. La décision de l’Allemagne de suspendre le regroupement familial pour les bénéficiaires de la protection subsidiaire durant une période de deux ans, à compter de mars 2016, a été largement critiquée. Elle a été particulièrement lourde de conséquences car après son adoption, le nombre de personnes, dont beaucoup de Syriens, qui se sont vues octroyer cette protection plutôt que le statut de réfugié, a augmenté significativement. Mes discussions à Berlin m’ont cependant laissé entrevoir que les autorités allemandes avaient conscience de ces critiques et percevaient davantage l’importance du regroupement familial pour l’intégration. Les autorités m’ont en effet affirmé qu’au terme de la période de suspension, elles s’emploieraient à garantir un traitement rapide et efficace de toutes les demandes de regroupement familial.

5.5. Mineurs non accompagnés et membres d’autres groupes particulièrement vulnérables

36. Une attention particulière doit être portée aux mineurs non accompagnés 
			(11) 
			Le HCR, dans ses principes
directeurs de 1997, définit un enfant non accompagné comme «une
personne âgée de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est
atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable,
qui est séparée de ses deux parents et n'est pas prise en charge
par un adulte ayant, de par la loi ou la coutume, la responsabilité
de le faire». , qui arrivent souvent à la fin de la scolarité obligatoire dans le pays d’accueil et qui sont parfois réticents à poursuivre des études et préfèrent travailler. Leur manque de maîtrise de la langue, de qualifications officielles et d’expérience professionnelle pertinente risque de les obliger à travailler illégalement, pour une rémunération dérisoire, voire même dans des conditions d’exploitation, ou encore de les laisser sans emploi, ni éducation ou formation. De telles situations peuvent avoir des conséquences négatives durables pour la personne concernée, auxquelles il sera de plus en plus difficile de remédier à mesure que le temps passe. L’expérience a montré la nécessité de consacrer des dépenses trois à cinq fois supérieures pour parvenir à des résultats satisfaisants en matière d’intégration des mineurs non accompagnés. Il convient cependant de garder à l’esprit qu’à défaut de prendre de telles mesures, le coût sera à long terme beaucoup plus élevé, tant pour les enfants concernés que pour la communauté d’accueil.
37. Des structures d’hébergement spécifiques devraient être créées pour fournir un environnement protégé aux mineurs non accompagnés, et proposer un accès direct aux services d’intégration, en commençant par une formation linguistique; il peut s’agir, dans certaines conditions, d’une famille d’accueil. Les réfugiés mineurs non accompagnés devraient se voir attribuer un tuteur et bénéficier d’un programme de soutien personnalisé, y compris de mesures d’intégration. À Bergen, en Norvège, par exemple, la municipalité procède à une évaluation individuelle des besoins de chaque enfant à son arrivée, puis répète l’opération à intervalle réguliers. Une aide est apportée aux enfants pour leur permettre d’exprimer leurs souhaits et attentes à l’égard du système de protection sociale et d’assistance et leurs projets pour l’avenir.
38. Des dispositions spéciales devraient également être mises en place pour les mineurs non accompagnés arrivant à l’âge adulte, afin d’éviter toute transition abrupte et déstabilisante d’un régime administratif, et du soutien qu’il apporte, à un autre 
			(12) 
			Voir aussi la Résolution 1996 (2014) «Enfants migrants: quels droits à 18 ans?».. À Berlin, par exemple, les autorités, en collaboration avec l’association pour la formation professionnelle, se sont fixées comme objectif d’amener l’ensemble des 12 000 réfugiés âgés de 16 à 21 ans à suivre des études ou une formation. Elles prévoient également la mise en place d’un contrôle des progrès réalisés et une coordination des actions depuis la phase initiale d’alphabétisation et/ou d’apprentissage de la langue dans les «classes de bienvenue», tout au long du système scolaire allemand normal pour ceux de la tranche d’âge appropriée, puis dans le cadre de la formation professionnelle, jusqu’à, espérons-le, l’obtention d’un emploi. La «SchlaU-Schule» à Munich offre un environnement spécialement adapté, avec des enseignements individualisés, pour aider les mineurs non accompagnés et jeunes adultes réfugiés à obtenir leur certificat de fin d’études. Les autorités devraient également profiter de la présence d’enseignants qualifiés au sein de la communauté des réfugiés, comme c’est le cas en Suède, où des enseignants syriens donnent des cours en arabe aux demandeurs d’asile nouvellement arrivés, tout en participant eux-mêmes à des formations pédagogiques complémentaires.
39. Les membres d’autres groupes vulnérables devraient également bénéficier d’une protection appropriée. Pour en garantir l’efficacité, une détermination des vulnérabilités devrait être entreprise au plus tôt. Une fois celles-ci identifiées, des mesures adéquates devraient immédiatement être prises, notamment pour adresser les personnes concernées à des prestataires de soins spécialisés et/ou les transférer vers un logement adapté. À défaut, les personnes vulnérables risquent d’être exposées à diverses formes de préjudice dont les conséquences peuvent, entre autres, compliquer les efforts futurs d’intégration.

6. Préparer les migrants à une intégration réussie

6.1. Formation linguistique

40. La formation linguistique est peut-être la mesure d’intégration «spécifique au pays» la plus essentielle. La vie quotidienne dans la communauté d’accueil dépend de la maîtrise de la langue et même les réfugiés les plus qualifiés ou compétents ne trouveront pas d’emploi s’ils ne sont pas capables de communiquer dans la langue locale. Cette formation doit donc commencer au plus tôt; être adaptée au niveau d’instruction de la personne concernée et à sa disponibilité, compte tenu de ses autres engagements; inclure éventuellement une formation terminologique spécialisée, adaptée à chaque secteur d’activité (qui pourrait dans l’idéal être assurée dans le cadre de la formation professionnelle); et être souple dans sa forme et sa durée. La Norvège, par exemple, propose trois voies distinctes: pour ceux qui ont peu fréquenté l’école auparavant, voire pas du tout (y compris les illettrés); ceux qui ont un bagage scolaire limité; et ceux qui disposent d’une bonne formation générale, jusqu’au niveau de l’enseignement supérieur, pour lesquels les progrès sont plus rapides. Le projet «Intégration linguistique des migrants adultes» du Conseil de l’Europe a développé un site web pour permettre la mise en commun et à disposition de ressources utiles, notamment un guide intitulé «Les réfugiés ont besoin d’un soutien linguistique: que peuvent faire les volontaires». Le Conseil de l’Europe a par ailleurs organisé du 30 mars au 1er avril 2016 un symposium sur l’intégration linguistique des migrants 
			(13) 
			Pour de plus amples
informations sur ces activités et d’autres, voir: <a href='http://www.coe.int/en/web/lang-migrants'>www.coe.int/en/web/lang-migrants</a>..
41. À titre d’exemple, la Norvège offre jusqu’à 250 heures de formation linguistique aux demandeurs d’asile résidant dans les centres d’accueil. En Finlande, le ministère de l’Emploi et de l’Économie juge préférable de procéder à une évaluation des compétences des réfugiés dès leur arrivée dans les centres d’accueil, de manière à ce que les autres activités d’intégration, comme la formation linguistique, l’éducation et la formation professionnelle, puissent démarrer au plus tôt. Dans la région de la Sarre en Allemagne, des conseillers interviennent dans les centres d’accueil pour apporter un soutien psychologique aux nouveaux arrivants et les conseiller sur la vie en Allemagne. Trois mois après réception de la demande d’asile, l’Allemagne permet aux demandeurs originaires de pays pour lesquels le taux de reconnaissance du statut de réfugié est élevé l’accès à des cours d’intégration comprenant jusqu’à 600 heures de cours de langue et d’éducation civique. Dans d’autres pays, dont la Belgique, l’Espagne et l’Italie, la formation linguistique des demandeurs d’asile s’accompagne d’une formation pour adultes et de cours d’intégration civique, d’une formation professionnelle et d’une évaluation des compétences.

6.2. Évaluation des compétences et des qualifications

42. Si les réfugiés et autres bénéficiaires d’une protection internationale auront quasiment toujours accès au marché de l’emploi, on note une tendance grandissante à l’extension de ce droit aux demandeurs d‘asile. Cette possibilité est habituellement soumise à conditions dans le but d’assurer un juste équilibre entre le risque d’abus du système d’asile par des migrants économiques n’ayant pas droit à une protection internationale, et l’intérêt tant des pays d’accueil que des demandeurs d’asile d’autoriser l’accès de ces deniers à des emplois rémunérés et constructifs; la protection des travailleurs nationaux est un autre argument mis en avant. Ces conditions peuvent inclure un délai d’attente entre le dépôt de la demande d’asile et l’accès du requérant au marché de l’emploi, un critère appliqué par la plupart des pays à quelques exceptions près (par exemple la Grèce, la Norvège et la Suède) 
			(14) 
			Il est à noter que
pour la plupart des États membres de l’Union européenne, la directive
sur les conditions d’accueil de 2013 (refonte) impose que les demandeurs
d’asile aient accès au marché de l’emploi au plus tard neuf mois
après la date de dépôt de la demande d’asile, si aucune décision
de première instance n’a déjà été prise, sauf si le retard est imputable
au demandeur.; un examen de la situation de l’emploi pour vérifier la disponibilité de travailleurs nationaux pour pourvoir les postes vacants (comme par exemple en Allemagne, Autriche, Hongrie, Luxembourg et Suisse); et, plus rarement, une restriction d’accès à certains secteurs (par exemple en Autriche et au Royaume-Uni). L’Allemagne, qui a accueilli un nombre exceptionnel de réfugiés et de demandeurs d’asile, a décidé à la lumière de son expérience d’autoriser l’accès au marché de l’emploi après un délai de trois mois aux demandeurs d’asile originaires de pays pour lesquels le taux de reconnaissance du statut de réfugié est élevé. Auparavant, cet accès n’était accordé qu’après l’octroi du statut de réfugié. La nouvelle politique permet aux demandeurs d’asile et aux réfugiés de commencer à travailler ou de suivre une formation professionnelle alors qu’ils sont encore pleinement motivés.
43. Assurer l’accès des réfugiés et des demandeurs d’asile au marché du travail nécessite d’évaluer leurs compétences et qualifications. La plupart des réfugiés ont fui leur pays sans emporter de documents attestant de leur niveau d’éducation, de leurs qualifications ou de leur expérience professionnelle, aussi incombe-t-il aux autorités de faire montre de flexibilité et de tolérance en acceptant d’autres formes de preuves 
			(15) 
			La
Convention sur la reconnaissance des qualifications relatives à
l'enseignement supérieur dans la région européenne (STE no 165,
«Convention de Lisbonne») oblige ses États Parties à faire preuve
de souplesse dans la reconnaissance des qualifications des réfugiés,
y compris par la reconnaissance provisoire des qualifications revendiquées
sur la base d’une déclaration sur l’honneur ou l’organisation d’examens
spéciaux pour permettre aux réfugiés de prouver qu’ils sont bien
titulaires des qualifications qu’ils prétendent avoir acquises.
La convention a été ratifiée par tous les États membres du Conseil
de l’Europe, à l’exception de la Grèce et de Monaco.. L’évaluation des compétences et qualifications devrait être une priorité car elle constitue la base de l’identification des besoins de formation et des possibilités d’emploi. En Allemagne par exemple, l’Agence fédérale pour l’emploi a lancé un projet pilote qui met en œuvre des méthodes innovantes faisant appel à la vidéo pour évaluer les compétences de base dans un contexte réel et dont les résultats sont disponibles sous 48 heures; l’objectif est également d’assurer la transparence et d’instaurer un climat de confiance avec les employeurs potentiels. À Vienne, en Autriche, le service public de l’emploi procède à des «vérifications des compétences» dans le cadre d’un programme de cinq semaines. Outre ces évaluations, le programme donne également des informations et le service public de l’emploi organise des formations en entreprises. À la fin du programme, chaque participant reçoit un rapport lui permettant de visualiser l’état de ses compétences.

6.3. Formation professionnelle et accès au marché du travail

44. Pour la plupart des demandeurs d’asile et des réfugiés, un minimum de formation professionnelle sera nécessaire pour renforcer leur attractivité aux yeux des employeurs du pays d’accueil. Les exemples de ce genre sont nombreux et variés dans les États membres. À Neuchâtel, en Suisse, le Bureau régional d’intégration et la Chambre locale d’agriculture et de viticulture travaillent de concert sur le projet «AGRIV», qui propose aux réfugiés ayant une expérience antérieure dans le domaine agricole des cours de langue sur le vocabulaire technique, une formation professionnelle ainsi que des stages de courte durée; les agriculteurs locaux peuvent ainsi embaucher des réfugiés aux compétences certifiées en lieu et place de saisonniers recrutés à l’étranger.
45. À Berlin, la Chambre de commerce et d’industrie locale propose des «start-up classes» aux réfugiés qui travaillaient à leur propre compte dans leur pays d’origine, et anime un programme intitulé «Bridging the gap» visant à faciliter la transition des réfugiés des «classes de bienvenue» de base à une formation professionnelle. Le programme conjoint du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne «Diversité dans l’économie et l’intégration locale» (DELI), qui déploie ses activités dans 10 villes partenaires, a pour ambition de favoriser l’élaboration de politiques locales plus efficaces d’aide aux petites et moyennes entreprises appartenant à des migrants et à l’entrepreneuriat de ces derniers dans le cadre de politiques plus larges en faveur de la diversité et de l’inclusion 
			(16) 
			Pour de plus amples
informations, voir <a href='http://pjp-eu.coe.int/en/web/deli'>http://PJP-eu.coe.int/en/Web/Deli</a>. Une conférence finale mettant en lumière les résultats
des projets DELI et C4i a été organisée à Bruxelles en juin 2015,
et leurs principaux objectifs ont, depuis lors, été intégrés au
Programme des Cités interculturelles (voir ci-dessus).. Au «guichet unique» pour les migrants que j’ai visité à Lisbonne, les migrants avaient la possibilité de suivre une formation à l’entreprenariat et de bénéficier de conseils et de contacts pour créer leur propre petite entreprise.
46. Les entreprises peuvent également contribuer à faciliter l’accès des réfugiés au marché de l’emploi. À Genève, une association locale, qui propose des vélos en prêt gratuit durant la belle saison et en location toute l’année, a offert des centaines de stages et de postes de formation à des réfugiés et des résidents locaux en recherche d’emploi dans des secteurs tels que le service à la clientèle, la gestion opérationnelle, la logistique ou la mécanique et la maintenance de bicyclettes. Ces activités permettent aux réfugiés de s’habituer à interagir avec des personnes de diverses origines ethniques et sociales, d’améliorer leur maîtrise de la langue, de faire la preuve de leurs compétences et de démontrer que les réfugiés sur un plan général peuvent contribuer à la société. En Allemagne, l’entreprise multinationale Siemens a commencé à travailler avec la municipalité d’Erlangen pour proposer des stages à des demandeurs d’asile qualifiés, un projet depuis lors étendu à l’ensemble du pays. Tout le monde y gagne dans cette opération: les demandeurs d’asile bénéficient d’une formation et de possibilités d’emploi; les autres employés ont l’occasion d’interagir avec des demandeurs d’asile et de remettre en cause les préjugés qu’ils étaient susceptibles d’avoir; et Siemens peut tirer profit du potentiel de demandeurs d’asile qualifiés.
47. Les initiatives de la société civile peuvent elles aussi jouer un rôle important en réunissant des réfugiés et des employeurs potentiels. À Berlin, par exemple, l’ONG Arrivo fait office d’intermédiaire entre les demandeurs d’asile et des PME artisanales, proposant des cours de langue spécialisés et un apprentissage des rudiments des métiers de l’artisanat qui peuvent déboucher sur une formation professionnelle et des stages auprès d’employeurs locaux. L’Institut für Talententwicklung (Institut de promotion des talents) collabore depuis 2015 avec de jeunes réfugiés, à la demande d’employeurs du secteur des services de santé, de l’industrie, de l’artisanat et de l’hôtellerie. Deux forums de l’emploi spéciaux ont été organisés en 2016, suscitant d’excellents retours de la part des employeurs, dont 50 % ont indiqué avoir trouvé des réfugiés convenant à la formation proposée. D’ailleurs, certains de ceux que j’ai rencontrés à Berlin m’ont précisé que certains employeurs préféraient souvent travailler par exemple avec les organisateurs de salons de l’emploi plutôt qu’avec les autorités. En bord de mer, près de Lisbonne, j’ai eu l’occasion de visiter un hôtel géré par la Fondation Inatel, dans lequel sont organisées des formations sur site aux métiers de l’hôtellerie, assorties de propositions d’emplois dans ses hôtels subventionnés pour seniors.

7. Intégration sociale et culturelle et respect des valeurs de la communauté d’accueil

48. Les activités sociales, culturelles et sportives sont l’un des meilleurs moyens de réunir les réfugiés et la communauté d’accueil dans un environnement délibérément détendu, informel et souple. Il s’agit d’un autre secteur où la société civile peut jouer un rôle particulièrement essentiel. En effet, le caractère souvent spontané et volontaire de l’action de la société civile est mieux adapté à cet égard que la nature plus bureaucratique et descendante de l’intervention de l’administration. Les autorités devraient néanmoins reconnaître l’importance de prendre des mesures dans ce domaine et encourager et soutenir les activités des organisations de la société civile. Leur soutien peut prendre différentes formes, depuis la facilitation des contacts et la promotion des activités, jusqu’à la mise à disposition de locaux et la fourniture d’équipements ou d’une aide financière. Les bienfaits de ces activités sont importants pour la dignité, l’estime de soi, et le sentiment d’agir et de participer des réfugiés.
49. À Borlänge, en Suède, par exemple, un entrepreneur local a constitué une équipe de bandy (une forme de hockey sur glace) afin d’encourager les relations entre les réfugiés somaliens et la communauté suédoise de souche. Le Centre portugais pour les réfugiés a recours aux activités théâtrales pour aider les réfugiés à apprendre le portugais, prendre confiance en eux et développer une certaine aisance relationnelle. Le S.C. Bomani, un club de football berlinois composé pour l’essentiel de réfugiés, participe aux matchs locaux de ligue et de championnat. Il contribue avec les centres de formation des adultes «Volkshochschule» (universités populaires) qui dispensent aux réfugiés des formations linguistiques, à l’organisation d’un tournoi de football regroupant des équipes composées d’Allemands de souche et de réfugiés originaires de cinq pays. Le projet «Rendez-vous au musée», une collaboration entre plusieurs musées berlinois, forme des réfugiés syriens et irakiens au métier de guide pour pouvoir proposer des visites guidées de musées à d’autres réfugiés de ces pays dans leur langue maternelle.
50. En Norvège, la Croix rouge met en œuvre un programme intitulé «Refugee Guides» qui encourage les ressortissants locaux et les réfugiés à prendre l’engagement de passer du temps ensemble pendant une période de neuf mois. C’est l’occasion pour le réfugié de pratiquer le norvégien, de se familiariser avec les normes sociales et de bénéficier d’une aide dans l’accomplissement des tâches bureaucratiques. Pour sa part, le citoyen norvégien découvre la situation dans le pays d’origine du réfugié. Un projet connexe est mené à Bergen en coopération avec le Centre d’accueil pour les réfugiés et le service de protection de l’enfance. Il suit une approche individuelle pour aider les jeunes adultes (de 15 à 25 ans), en particulier les mineurs non accompagnés, à créer leur propre réseau social en établissant des liens avec des familles norvégiennes.
51. L’intégration consiste également à garantir la compréhension et le respect par les demandeurs d’asile et les réfugiés des valeurs culturelles et des principes constitutionnels fondamentaux du pays d’accueil, y compris le respect de la diversité, l’égalité des genres et un comportement approprié dans les lieux publics. Dans ce domaine tout particulièrement, la réussite des activités tient au caractère volontaire de la participation à un processus collaboratif, dans lequel l’implication de la communauté des réfugiés et des chefs religieux est très importante. Il peut s’agir d’un secteur délicat et difficile à aborder par les autorités, mais pour éviter les problèmes et préserver la confiance du public, il est essentiel qu’elles prennent des mesures positives. La série d’agressions sexuelles et de vols commis dans différentes villes d’Europe du Nord pendant la nuit de la Saint Sylvestre 2015, dans certains cas par des demandeurs d’asile, illustre les conséquences d’un défaut d’action pour le comportement individuel, pour la perception qu’a le public des réfugiés et des demandeurs d’asile en général, et bien évidemment pour les victimes de ces actes, pour l’essentiel des femmes. En Finlande, les autorités, mais aussi les acteurs de la société civile, diffusent très tôt des informations sur la diversité et les normes culturelles dans les centres d’accueil. En Hongrie, les enfants étudient une matière scolaire spécifique appelée «L’homme et la société» en vue «d’acquérir les connaissances et les compétences liées à l’égalité de traitement et l’égalité des chances».
52. La difficulté manifeste tient à l’identification et l’expression de ces «valeurs» d’une manière qui fasse consensus au sein de la communauté d’accueil tout en étant efficace et accessible pour les demandeurs d’asile et les réfugiés. Le gouvernement fédéral allemand, en collaboration avec l’Association allemande des artistes, envisage d’engager un vaste débat public sur ce thème, abordant des questions telles que la liberté de religion et la tolérance, l’antisémitisme et les attitudes à l’égard de l’État d’Israël, l’égalité de genre et les relations entre les femmes et les hommes, ou encore le mariage des enfants. Ce dernier point, ainsi que la question des mariages polygames autorisés dans certains pays d’origine, soulèvent des problèmes juridiques pour lesquels il convient de trouver des solutions conformes à la législation nationale, tout en évitant les sanctions et en donnant des conseils aux personnes dont la structure familiale déjà établie devient illégale à leur arrivée dans le pays d’accueil 
			(17) 
			En 2015, la séparation
d’une jeune syrienne de 15 ans de son mari âgé de 21 ans en Bavière
a été contestée devant le tribunal de la famille de Bavière, qui
a jugé que la législation allemande devait prévaloir sur la Charia.
Toutefois, en mai 2016, la Haute cour bavaroise a infirmé cette
décision, donnant à Alia la permission de retourner chez son mari
sur la base de l’enregistrement de leur mariage à l’état civil en
Syrie. L’affaire est depuis lors devant la Cour fédérale..
53. Comme noté précédemment, beaucoup de réfugiés resteront dans le pays d’accueil pendant des années, des décennies, voire indéfiniment. Plus le séjour est long, plus les liens tissés seront forts qu’il s’agisse des amis et voisins, des collègues de travail, des éventuelles épouses nées dans le pays, des écoles des enfants, etc., et plus le pays d’origine semblera lointain, surtout pour les enfants nés dans le pays hôte. La perspective de rentrer «à la maison» peut paraître de plus en plus irréelle. Dans ces circonstances, l’étape finale de l’intégration sera l’octroi de la citoyenneté; d’une certaine manière, leur cas est comparable à celui des demandeurs d’asile nouvellement arrivés, pour lesquels un enregistrement et une détermination rapides de leur statut s’imposent, pour clarifier et stabiliser leur situation juridique et leurs droits. Si les réfugiés peuvent être tenus de remplir certaines conditions pour obtenir la citoyenneté, ils ne devraient pas être obligés de répondre à des critères plus élevés que d’autres demandeurs, et encore moins se voir refuser le droit d’en faire la demande.

8. Intégration et radicalisation

54. Les réfugiés et les demandeurs d’asile ont beaucoup plus de chances de succomber à la radicalisation s’ils se sentent marginalisés, exclus, discriminés ou autrement coupés de la communauté d’accueil. L’intégration est un moyen important de prévenir les risques de radicalisation, car elle traduit l’attention portée par la communauté d’accueil au bien-être des réfugiés, la foi dans leur potentiel à contribuer de manière constructive à la société et le respect de leur dignité et de leur valeur fondamentale en tant qu’êtres humains, tout en renforçant la compréhension qu’ont les réfugiés de la communauté d’accueil et leur identification avec cette dernière. Les jeunes sont particulièrement exposés au risque de radicalisation, raison supplémentaire de prêter une attention spécifique aux besoins de protection des mineurs non accompagnés et d’éviter l’application de politiques nationales trop restrictives en matière de regroupement familial. M. Martti Ahtisaari, lauréat du prix Nobel de la paix et ancien président de la Finlande, a dit un jour que la plus grande menace pour la paix et la stabilité dans le monde est le trop grand nombre d’hommes jeunes qui n’ont rien à faire. Les États membres devraient garder cela à l’esprit et veiller à ce que ces jeunes hommes (et femmes) ne soient pas laissés pour compte et participent à des activités qui leur donnent un but et un espoir pour l’avenir.
55. L’ONG allemande Hayat (mot qui signifie «vie» en arabe) intervient auprès de jeunes en voie de radicalisation, à l’invitation des parents ou lorsqu’elle est informée de situations préoccupantes par des mosquées ou des écoles. Elle entretient également des liens avec la Conférence islamique allemande et le ministère fédéral de l’Immigration et des Réfugiés. Selon Hayat, le manque d’accès aux mesures d’intégration peut être un facteur clé propice à la radicalisation, qui vient s’ajouter à des considérations individuelles sous-jacentes comme la situation personnelle et familiale immédiate de l’intéressé. À Bergen, en Norvège, les autorités, de concert avec la population somalienne locale, s’efforcent de remédier à certains problèmes comme le manque de maîtrise de la langue, le faible niveau d’éducation et de taux d’emploi, en parallèle des ruptures familiales et des différences culturelles fondamentales qui sont autant de signes d’une mauvaise intégration, dans le cadre d’un plan d’action anti-radicalisation 2015-2020. Avec la participation de la police, des imams et des établissements scolaires, ce plan prévoit des actions de lutte contre la radicalisation, notamment l’organisation d’une formation à l’intention des communautés musulmanes sur des questions comme la liberté d’expression et la diversité religieuse, ainsi que la mise en place de groupes de discussion sur la violence domestique, le leadership et l’intégration sociale. Il cible également les individus en cours de radicalisation ou déjà radicalisés, en s’attachant particulièrement aux jeunes. L’expérience de Bergen dans ce domaine met en lumière l’importance d’associer les communautés de réfugiés et leurs chefs à l’élaboration et la mise en œuvre de projets concernant les réfugiés

9. Conclusions et recommandations

56. L’intégration des réfugiés est un processus extrêmement complexe, qui fait intervenir de nombreux acteurs et un vaste éventail de mesures éventuelles touchant différents domaines d’action, souvent sur une longue période. Compte tenu de l’espace limité dont je dispose, je me suis efforcée d’examiner et d’expliquer les principaux problèmes, de les illustrer d’exemples choisis de projets et d’activités qui se sont avérés efficaces, souvent ceux élaborés et mis en œuvre pour faire face à la situation critique de 2015-2016. Au cours de la préparation du rapport, j’ai jugé rassurant que les acteurs, à tous les niveaux de la société et dans beaucoup d’États membres, aient désormais pleinement conscience – si ce n’était pas déjà le cas – de l’importance des politiques d’intégration et adoptent une approche constructive, innovante, ouverte et déterminée pour faire en sorte de garantir la réussite du processus d’intégration dans leur pays.
57. Nous ne devons cependant pas baisser la garde. Le simple nombre de personnes arrivées en Europe est un défi en soi, alors même que l’Allemagne s’emploie encore à traiter un arriéré de demandes d’asile. Si l’essentiel des craintes éprouvées au début de l’année 2016 se sont désormais dissipées, les attaques terroristes perpétrées au cours de l’année passée, dont certaines commises par des individus entrés dans le pays en tant que demandeurs d’asile, ont eu pour conséquence malheureuse d’associer dans l’esprit de certaines personnes «réfugiés» et «risques pour la sécurité». L’intégration de ceux qui ont droit à une protection s’en trouve singulièrement compliquée, notamment lorsque certains responsables politiques extrémistes – et malheureusement d’autres aussi, autrement considérés comme modérés – attisent les craintes de la population en cédant à un alarmisme infondé, voire en se laissant aller à des discours de haine envers les réfugiés et les migrants. C’est à la fois inacceptable et contre-productif: l’intégration des réfugiés est un processus long et complexe, qui suppose une détermination sans faille de la part des réfugiés eux-mêmes et des autorités, ainsi que l’engagement constant de la société civile. Dès lors que les politiques n’encouragent plus l’intégration et que la population affiche une attitude de méfiance et d’hostilité à l’égard des réfugiés, ces derniers sont en proie à l’isolement, de plus en plus marginalisés et exposés au risque de radicalisation.
58. Par ailleurs, comme le flux de réfugiés ne se tarira jamais complètement (ce qu’il ne doit d’ailleurs pas faire) et compte tenu du nombre déjà si élevé de personnes bénéficiant désormais d’une protection en Europe, il est absolument nécessaire et incontournable de veiller à leur intégration effective dans les pays d’accueil. Les ressources consacrées à cette tâche ne sont pas gaspillées, mais constituent avant tout un investissement offrant d’importantes perspectives de retours dans le futur. Sur la base de mon examen de la situation actuelle en Europe, je propose une série de principes fondamentaux pour les actions à entreprendre aux niveaux national et européen, tels qu’énoncés dans le projet de résolution correspondant.