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Résolution 2162 (2017)
Évolutions inquiétantes en Hongrie: projet de loi sur les ONG restreignant la société civile et possible fermeture de l’Université d’Europe centrale
1. Préoccupée par les récents développements
en Hongrie, l’Assemblée parlementaire rappelle sa Résolution 2096 (2016) «Comment
prévenir la restriction inappropriée des activités des ONG en Europe?»
et réaffirme l’importance du rôle d’une société civile dynamique
pour le bon fonctionnement de la démocratie.
2. La liberté d’association, la liberté d’expression ainsi que
le droit au respect de la vie privée constituent des libertés et
droits fondamentaux garantis par la Convention européenne des droits
de l’homme (STE no 5), essentiels au
bon fonctionnement de la société civile. Le respect de ces droits
et libertés devrait être effectivement garanti par tous les États
parties à la Convention, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne
des droits de l’homme, à la Recommandation
CM/Rec(2007)14 du Comité des Ministres sur le statut
juridique des organisations non gouvernementales en Europe et aux
Lignes directrices conjointes sur la liberté d’association, adoptées
en décembre 2014 par la Commission européenne pour la démocratie
par le droit (Commission de Venise) et par le Bureau des institutions
démocratiques et des droits de l’homme de l’Organisation pour la
sécurité et la coopération en Europe (OSCE/BIDDH).
3. Ces dernières années, l’Assemblée a dénoncé à plusieurs reprises
la profonde dégradation de la situation de la société civile dans
certains États membres du Conseil de l’Europe, notamment à la suite
de l’adoption de lois et de réglementations restrictives en matière
d’enregistrement, de fonctionnement et de financement. Dans sa Résolution 2096 (2016),
l’Assemblée critique expressément la «loi relative aux agents étrangers»,
qui modifie la législation russe applicable aux organisations à
but non lucratif, ainsi que les modifications apportées à la législation
relative aux organisations non gouvernementales (ONG) en Azerbaïdjan,
qui imposent des restrictions inappropriées aux activités de ces
organisations.
4. Cette tendance alarmante semble, malheureusement, se propager
en Europe. L’Assemblée est ainsi aujourd’hui préoccupée par l’évolution
de la situation en Hongrie et en particulier par le dépôt d’un projet
de loi sur la transparence des organisations recevant des fonds
étrangers. Si l’Assemblée convient que les ONG doivent faire preuve
de transparence en ce qui concerne leurs sources de financement,
elle ne saurait accepter les allégations selon lesquelles les organisations
de la société civile serviraient des intérêts étrangers, et non l’intérêt
général, et représenteraient un risque pour la sécurité nationale
et la souveraineté d’un pays, simplement du fait qu’elles reçoivent
des fonds étrangers au-delà d’un certain seuil annuel.
5. L’Assemblée relève que le projet de loi hongrois s’inspire
de la loi équivalente russe, sans toutefois reprendre certains des
éléments de cette dernière qui ont suscité les critiques de la Commission
de Venise, tels que le recours aux termes controversés d’«agent
étranger» ou la référence expresse et donc discriminatoire aux ONG
qui œuvrent en faveur des droits de l’homme. Elle observe en outre
que le projet de loi prévoit un contrôle judiciaire plutôt qu’administratif.
6. Cela étant, l’Assemblée est préoccupée par un certain nombre
de questions soulevées par le projet de loi hongrois en matière
de liberté d’association et de liberté d’expression, et de droit
au respect de la vie privée, notamment en ce qui concerne:
6.1. l’absence de consultation publique
avant le dépôt du projet de loi au parlement;
6.2. l’obligation, pour les ONG recevant des fonds étrangers,
de mentionner ce fait sur tous les supports qu’elles publient ou
diffusent;
6.3. l’obligation, pour les ONG, de communiquer des informations
personnelles détaillées sur les donateurs étrangers, y compris les
particuliers;
6.4. la gravité des sanctions prévues par le projet de loi,
notamment, en dernier ressort, la dissolution de l’association pour
non-respect des obligations administratives;
6.5. le champ d’application du projet de loi, qui s’applique
à certaines associations et en exclut d’autres, par exemple les
organisations sportives et religieuses.
7. L’Assemblée déplore également que l’élaboration et l’examen
du projet de loi s’inscrivent sur fond de discours globalement accusateurs
et dénigrants des responsables publics hongrois, suscitant des doutes quant
aux objectifs réels de la législation proposée.
8. L’Assemblée prend acte des nombreuses réactions de préoccupation
que le projet de loi a suscitées au sein des sociétés civiles hongroise
et internationale, et au sein des organisations intergouvernementales.
Cela inclut la réaction de la Conférence des organisations internationales
non gouvernementales du Conseil de l’Europe qui a, le 24 avril 2017,
appelé les autorités hongroises à ne pas adopter le projet de loi
sur la transparence des organisations recevant des fonds étrangers,
eu égard à son incompatibilité avec les normes européennes et internationales.
9. L’Assemblée est d’autant plus préoccupée par les événements
en Hongrie que le Parlement hongrois vient d’adopter des amendements
à la loi sur l’enseignement supérieur national, qui pourraient –
selon l’Université d’Europe centrale, fondée par George Soros en
1991, et opérant à Budapest – entraîner la cessation de ses activités.
10. L’Assemblée note que la Commission européenne a décidé, le
26 avril 2017, d’intenter une action en justice contre la loi portant
modification de la loi hongroise sur l’enseignement supérieur national,
fondée sur sa conclusion selon laquelle «la loi n’est pas compatible
avec les libertés fondamentales du marché intérieur, notamment la
libre prestation des services et la liberté d’établissement, mais
aussi le droit à la liberté d’enseignement, le droit à l’éducation
et la liberté de mener une activité, conformément à la Charte des
droits fondamentaux de l’Union européenne».
11. En conclusion, l’Assemblée estime que l’évolution de la situation
en Hongrie mérite sa pleine et entière attention ainsi que la mobilisation
de la compétence du Conseil de l’Europe afin d’aider les autorités
hongroises à se conformer aux normes pertinentes du Conseil de l’Europe
et des instances internationales dans le domaine de la liberté d’association
et de la liberté d’expression. Par conséquent, l’Assemblée:
11.1. demande l’avis de la Commission
de Venise sur la compatibilité du projet de loi hongrois sur la transparence
des organisations recevant des fonds étrangers avec les normes du
Conseil de l’Europe, ainsi que sur la compatibilité de la loi du
4 avril 2017 portant modification de la loi sur l’enseignement supérieur
national;
11.2. invite les autorités hongroises à coopérer avec la Commission
de Venise et à suspendre, dans l’attente de l’adoption de l’avis
de cette dernière, la mise en œuvre de la loi portant modification
de la loi sur l’enseignement supérieur national ainsi que l’examen
parlementaire du projet de loi sur la transparence des organisations
recevant des fonds étrangers;
11.3. invite le Gouvernement hongrois à engager un dialogue
ouvert sur ces deux textes de loi avec la société civile et les
ONG internationales de défense des droits de l’homme, ainsi qu’avec
le Conseil de l’Europe et d’autres organisations intergouvernementales,
et à s’abstenir de prendre toute mesure qui pourrait porter préjudice
au développement de la société civile en Europe.
12. L’Assemblée est déterminée à continuer à suivre de près les
événements en Hongrie.