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Rapport d’observation d’élection | Doc. 14326 | 29 mai 2017

Observation de l'élection présidentielle en Serbie (2 avril 2017)

Bureau de l'Assemblée

Rapporteure : Mme Ingebjørg GODSKESEN, Norvège, CE

1. Introduction

1. Le Bureau de l’Assemblée parlementaire a décidé, lors de sa réunion du 23 janvier 2017, d’observer l’élection présidentielle en Serbie, sous réserve de la réception d’une invitation, et de constituer à cet effet une commission ad hoc composée de 20 membres et des deux corapporteurs de la commission de suivi. Lors de sa réunion du 27 janvier, le Bureau a approuvé la composition de la commission ad hoc et nommé à sa présidence Mme Ingebjørg Godskesen (Norvège, CE) (voir annexe 1). Le 7 mars, Mme Maja Gujković, Présidente du Parlement de Serbie, a invité l’Assemblée parlementaire à observer l’élection présidentielle.
2. En vertu de l’article 15 de l’Accord de coopération signé entre l’Assemblée parlementaire et la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) le 4 octobre 2004, «[l]orsque le Bureau de l’Assemblée décide d’observer des élections dans un pays où la législation électorale a été précédemment examinée par la Commission de Venise, l’un des rapporteurs de la Commission de Venise sur cette question pourra être invité en qualité de conseiller juridique à participer à la mission d’observation de l’Assemblée». Conformément à cette disposition, le Bureau de l’Assemblée a invité un expert de la Commission de Venise à se joindre à la commission ad hoc en qualité de conseiller.
3. L’Assemblée parlementaire a été la seule organisation parlementaire européenne, parmi toutes ses organisations partenaires habituelles dans le cadre de la mission internationale d’observation des élections (MIOE), à observer l’élection présidentielle. La délégation de l’Assemblée s’est réunie à Belgrade du 31 mars au 3 avril 2017. Elle a rencontré en particulier des candidats et représentants de candidats, le chef de la mission d’évaluation des élections du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE/BIDDH) et des membres de son équipe, des membres de la Commission électorale de la République, des représentants d’organisations et de missions internationales ainsi que des représentants de la société civile et des médias. Le programme des réunions de la commission ad hoc figure en annexe 2. La commission ad hoc tient à remercier le personnel du Bureau du Conseil de l’Europe à Belgrade pour sa coopération et l’efficacité de son assistance.
4. Le jour du scrutin, la commission ad hoc s’est scindée en sept équipes, chacune observant l’élection dans un nombre limité de bureaux de vote à Belgrade et dans les environs, ainsi qu’à Novi Sad, Užice, Kragujevac, Kraljevo, Valjevo, Požarevac et Pančevo.
5. La commission ad hoc a conclu que le jour du scrutin avait été calme, le vote bien organisé et que les électeurs avaient pu faire leur choix librement, même si quelques manquements procéduraux ont été constatés. Au cours de la campagne électorale, tous les candidats à l’élection présidentielle ont pu faire campagne librement, sans subir de restrictions importantes. Cela étant, la couverture médiatique de la campagne n’a jamais été aussi déséquilibrée en faveur du candidat de la coalition au pouvoir, bien que la législation prévoie l’égalité d’accès aux médias de tous les candidats à l’élection présidentielle. Le candidat de la coalition au pouvoir a bénéficié de sa fonction de Premier ministre pendant la campagne, ce qui a pénalisé ses adversaires. La déclaration publiée après l’élection est reproduite en annexe 3.

2. Cadre juridique et contexte politique

6. Le cadre juridique est composé de la Constitution de Serbie de 2006, de la loi sur l’élection du Président de la République, de la loi sur le financement des activités politiques (amendée la dernière fois en octobre 2014), et des lois sur les médias électroniques et sur l’information du public et les médias. Ce cadre juridique constitue dans l’ensemble une base solide pour la conduite d’élections démocratiques.
7. La législation électorale a été considérablement amendée en 2011, suivant largement en cela les recommandations formulées dans l’avis conjoint de la Commission de Venise et de l’OSCE/BIDDH de mars 2011 
			(1) 
			CDL-AD(2011)005.. Par contre, les principales recommandations exprimées dans l’avis conjoint de 2014 sur la loi sur le financement des activités politiques 
			(2) 
			CDL-AD(2014)034. sont pour l’essentiel restées lettre morte.
8. D’après la loi, les campagnes électorales sont financées par des fonds publics et par les partis, les candidats eux-mêmes et des dons privés. Le financement par des sources étrangères, gouvernementales, publiques et anonymes est interdit. Un particulier peut effectuer annuellement un don ne pouvant excéder 20 salaires moyens mensuels, et une entité juridique peut faire de même à hauteur de 200 salaires mensuels. Cette limite est doublée en année électorale.
9. La loi interdit également la collecte de fonds au profit d’une entité politique (article 13). En 2014, la Commission de Venise et l’OSCE/BIDDH ont publié un avis conjoint sur les amendements à la loi sur le financement des activités politiques qui a été ensuite adopté par l’Assemblée nationale en novembre 2014. Cet avis conjoint de 2014 formulait notamment quatre recommandations principales:
  • inclure dans la loi des dispositions et des lignes directrices sur le mandat autonome de l’Agence de lutte contre la corruption, en particulier sur ses compétences à appliquer une série de mesures contre les comportements illégaux, tout en ajoutant des dispositions qui garantissent des sanctions proportionnées;
  • réexaminer le niveau du financement public;
  • envisager l’introduction d’une limitation des dépenses totales de campagnes et d’un plafond de financement des partis;
  • abaisser les limites concernant le financement privé des particuliers et des sociétés privées.
10. Au cours des réunions à Belgrade le 31 mars 2017, plusieurs interlocuteurs ont informé la délégation de l’Assemblée que ces recommandations n’avaient pas encore été intégralement prises en compte et que le système réglementaire n’assurait pas la transparence et la responsabilité du financement de la campagne électorale. La délégation de l’Assemblée, dans son rapport sur l’observation des élections législatives anticipées en Serbie (24 avril 2016), avait fait remarquer que «cette insécurité juridique engendre des difficultés dans la mise en œuvre des dispositions de la loi sur le financement des activités politiques». Elle avait également souligné que «ce manque de transparence dans l’allocation de financement privé a souvent été critiqué par différents interlocuteurs de la société civile. Sur un plan général, il semble que le soutien accordé par le milieu des affaires profite en priorité à la majorité au pouvoir, et pénalise par conséquent les partis d’opposition. La limitation des dépenses de campagne demandée par la Commission de Venise et l’OSCE/BIDDH pourrait atténuer le risque de niveau disproportionné des dépenses d’un parti à l’autre» 
			(3) 
			Doc. 14062..
11. Le Président est élu pour cinq ans et peut exercer au maximum deux mandats. Un candidat doit obtenir plus de 50 % des suffrages exprimés pour être élu au premier tour. A défaut, un deuxième tour est organisé dans les 15 jours entre les deux candidats ayant obtenu le plus grand nombre de voix. Le candidat qui recueille le plus de voix au second tour est élu.
12. Depuis 2000, l’Assemblée a observé toutes les élections présidentielles et législatives en Serbie. A l’issue des dernières élections législatives anticipées du 24 avril 2016, les partis et coalitions suivants siègent au parlement: la coalition menée par le Parti progressiste serbe (SNS) – 131 sièges; la coalition menée par le Parti socialiste de Serbie (SPS) – 29 sièges; le Parti radical serbe (SRS) – 22 sièges; la coalition menée par le Parti démocratique (DS) – 16 sièges; le mouvement «Enough is Enough» – 16 sièges; le Parti démocrate serbe – 13 sièges; la coalition du Parti libéral démocrate de Serbie (LDP), du Parti social-démocrate et de la Ligue des sociaux-démocrates de Voïvodine (LSV) – 13 sièges.
13. Suite aux élections législatives anticipées qui se sont déroulées en Serbie le 24 avril 2016, la délégation de l’Assemblée avait conclu que les électeurs ont pu exercer un véritable choix dans le respect de leurs libertés fondamentales et les citoyens de Serbie ont fait librement leur choix entre un grand nombre de partis politiques. Cependant, elle avait relevé plusieurs points préoccupants, dont «les règles peu claires concernant la vérification des signatures et l’absence de transparence de ce processus» (déjà critiquées par l’Assemblée dans son rapport d’observation des élections de 2014), l’utilisation abusive par les partis sortants des avantages administratifs incombant à leurs fonctions; des pressions et des intimidations exercées sur des électeurs, en particulier sur des agents de la fonction publique; une couverture médiatique en faveur des partis au pouvoir malgré un environnement médiatique ouvert; [et] le manque de transparence pleine et entière du financement des partis politiques et de la campagne électorale». Elle a noté par ailleurs que «si, sur le plan légal, la “culture” des élections anticipées ne pose pas de problème, il n’en reste pas moins que l’on peut s’interroger sur l’impact que des élections systématiquement anticipées ont sur le fonctionnement efficient du parlement selon le mandat constitutionnel, indépendamment des forces politiques qui sont au pouvoir» 
			(4) 
			Ibid..
14. A l’issue des élections législatives anticipées, juste avant l’expiration du délai légal, en août 2016, le nouveau gouvernement de la République de Serbie a été formé par Aleksandar Vučić.
15. Le 2 mars 2017, le Président du Parlement serbe a annoncé que l’élection présidentielle se tiendrait le 2 avril 2017. Bon nombre des interlocuteurs de la délégation d’observation de l’Assemblée ont estimé que la campagne pour l’élection présidentielle était courte. La convocation des élections a été précédée par de longues discussions pour décider qui serait le candidat du parti au pouvoir, le Parti progressiste serbe, à briguer la présidence. Bien qu’étant éligible, le Président en place, Tomislav Nikolić, a annoncé qu’il ne se représenterait pas. Le Premier ministre, Aleksandar Vučić, a décidé de se présenter au poste suprême bien qu’il ait affirmé précédemment ne pas envisager de présenter sa candidature. La candidature du Premier ministre a bénéficié du soutien du Parti progressiste serbe et d’autres membres de la coalition au pouvoir.
16. Le fait qu’Aleksandar Vučić, candidat à la présidence, occupe la fonction de Premier ministre n’est pas contraire à la loi, même si à cet égard, de nombreux candidats et d’autres interlocuteurs de la délégation de l’Assemblée ont exprimé des préoccupations. La délégation de l’Assemblée, dans sa déclaration publiée à l’issue de sa mission, a précisé que «le candidat de la coalition au pouvoir a bénéficié de sa fonction de Premier ministre pendant la campagne, ce qui a pénalisé ses adversaires. De plus, de nombreux interlocuteurs de la délégation ont déploré l’utilisation abusive des ressources administratives au cours de la campagne».
17. Certains candidats potentiels de l’opposition ont annoncé leur candidature avant même la convocation de l’élection. Plusieurs partis politiques ont appelé à la désignation d’un candidat unique de l’opposition, mais l’opposition n’a pas réussi à parvenir à un consensus sur un candidat commun.

3. Administration des élections, listes électorales et enregistrement des candidats

18. L’élection présidentielle a été gérée par un système à deux niveaux, comprenant la Commission électorale de la République (CER) et 8 396 bureaux de vote. Selon la CER, 53 bureaux de vote étaient ouverts à l’étranger et 90 au Kosovo* 
			(5) 
			* Toute référence au
Kosovo dans le présent document, qu’il s’agisse de son territoire,
de ses institutions ou de sa population, doit être entendue dans
le plein respect de la Résolution 1244 du Conseil de sécurité de
l’Organisation des Nations Unies, sans préjuger du statut du Kosovo.. Malgré les recommandations de la Commission de Venise et de l’OSCE/BIDDH, il n’existe pas de niveau intermédiaire de l’administration électorale, c’est-à-dire à l’échelon régional 
			(6) 
			Voir OSCE/BIDDH, rapport
final de la mission restreinte d'observation électorale, <a href='http://www.osce.org/odihr/9250'>www.osce.org/odihr/9250</a>; Voir également l’avis conjoint CDL-AD(2006)013, paragraphe
18, qui recommande «que la loi soit amendée pour inclure des commissions
électorales intermédiaires dotées de garanties de transparence adéquates
et d’une large participation politique»..
19. La CER est un organe permanent chargé de préparer et de conduire les élections, composé de membres permanents (dont le secrétaire de la Commission et un représentant de l'Institut national de la statistique de Serbie, qui ne disposent ni l’un ni l’autre du droit de vote) nommés pour un mandat renouvelable de quatre ans par l’Assemblée nationale. Les membres permanents (hormis le représentant de l'Institut national de la statistique) représentent les groupes parlementaires et en respectent les proportions. Dans sa composition étendue – en période électorale – la CER compte également un représentant désigné par chaque candidat au scrutin. Ces membres «élargis» disposent des mêmes droits et obligations que les membres permanents. La délégation d’observation de l’Assemblée estime que cette composition de la CER conduit à une politisation excessive de l’administration électorale, au détriment de sa neutralité.
20. Les bureaux de vote sont composés selon le même principe que la CER, de trois membres permanents et de leurs suppléants, ainsi que, dans leur composition élargie, de membres et suppléants désignés par les candidats et nommés par la CER. Dans ses précédents rapports d’observation, l’Assemblée avait remarqué la présence de nombreuses personnes sans identification précise dans les locaux exigus des bureaux de vote. Pour l’élection présidentielle du 2 avril 2017, ce problème a été résolu et tous les membres des bureaux arboraient un badge d’identification.
21. Selon de nombreux interlocuteurs de la délégation de l’Assemblée, la Commission électorale de la République a réalisé un travail transparent et efficace et les candidats ont globalement exprimé leur confiance en son action.
22. Un candidat à l’élection présidentielle peut être désigné par un parti politique, une coalition de partis ou un groupe de citoyens et doit recueillir au minimum 10 000 signatures d’électeurs soutenant sa candidature 
			(7) 
			Loi
sur l’élection du Président de la République, articles 9 et 10.. Les candidats autoproclamés ne sont pas acceptés. L’enregistrement des candidats commence dès la convocation de l’élection et s’achève 20 jours avant la date du scrutin, ce qui ne laisse potentiellement que 10 jours pour l’enregistrement. La CER publie au journal officiel la liste des candidats au plus tard 15 jours avant la date du scrutin 
			(8) 
			Ibid.,
article 14..
23. L’enregistrement des candidats a été réalisé dans le cadre d’un «processus inclusif». La CER a informé la délégation de l’Assemblée qu’une personne s’était vue refuser son enregistrement en raison d’un défaut de signatures de soutien et d’autres documents indispensables. Onze candidats ont ainsi été enregistrés et habilités à participer au premier tour de scrutin: Aleksandar Vučić, (Parti progressiste serbe – SNS); Miroslav Parović (Mouvement populaire de la liberté); Saša Radulović (Enough is enough (DJB)); Boško Obradović (Dveri); Vuk Jeremić, candidat indépendant (soutenu par: Nouvelle Serbie, Ensemble pour la Serbie, le Parti social-démocrate, le Mouvement populaire de Serbie); Vojislav Šešelj (Parti radical serbe – SRS); Aleksandar Popović (Parti démocratique de Serbie); Luka Maksimović – candidat indépendant, «Ljubisa Preletacevic Beli, Beli – Samo jako»; Milan Stamatović, candidat indépendant, «For Healthier Serbia – Milan Stamatović»; Saša Janković – candidat indépendant (soutenu par le Parti démocratique, le Nouveau parti, l’Union sociale-démocrate, et plusieurs mouvements civiques) et Nenad Čanak (Ligue des sociaux-démocrates de Voïvodine (LSV)). Les 11 candidats ont été invités à rencontrer la délégation d’observation de l’Assemblée, mais seuls cinq candidats et/ou leurs représentants ont répondu à l’invitation.
24. La délégation d’observation de l’Assemblée a noté avec satisfaction que, contrairement aux scrutins précédents, aucune préoccupation majeure n’a été exprimée quant à l’enregistrement des candidatures et aux procédures de vérification des signatures de soutien.
25. Le droit de vote actif est accordé à tout citoyen de plus de 18 ans, disposant de la capacité juridique et domicilié en Serbie. Depuis l’entrée en vigueur, en 2012, de la loi sur la circonscription électorale unique, un registre électoral électronique unifié a été employé et sert de source de données unique pour l’établissement de la liste électorale de chaque bureau de vote. L’enregistrement des électeurs est un acte passif, les électeurs n’ayant aucune action à entreprendre pour être inclus dans la liste électorale. Le ministère de l’Administration publique et de l’Autonomie locale assure la maintenance et la mise à jour du registre électoral à partir des registres municipaux et des demandes des électeurs. Quinze jours avant le scrutin, la liste électorale ne peut plus être modifiée. Après cette date, des changements peuvent être apportés par la Commission électorale de la République jusqu’à 48 heures avant le jour de l’élection.
26. La CER a informé la délégation d’observation de l’Assemblée que pour l’élection présidentielle du 2 avril, 6 724 949 électeurs étaient enregistrés, dont 11 590 personnes votant à l’étranger. Conformément aux amendements de 2011 à la loi électorale, les électeurs peuvent s’enregistrer pour voter dans un lieu de résidence temporaire ou à l’étranger. L’exactitude de la liste électorale des citoyens serbes résidant au Kosovo et des communautés roms a soulevé des préoccupations.

4. Campagne électorale et environnement médiatique

27. La campagne de l’élection présidentielle a officiellement démarré le 2 mars, elle a été calme, sans violence et brève. Tous les candidats à l’élection présidentielle ont pu faire campagne librement, sans subir de restrictions importantes. Selon de nombreux candidats et leurs représentants que la délégation de l’Assemblée a rencontrés, le candidat de la coalition au pouvoir a bénéficié de sa fonction de Premier ministre pendant la campagne, ce qui a pénalisé ses adversaires. De plus, de nombreux interlocuteurs de la délégation ont déploré l’utilisation abusive des ressources administratives au cours d’une campagne dominée par les questions économiques, sociales et de sécurité, l’intégration européenne et la lutte contre la corruption.
28. L’élection présidentielle a été principalement caractérisée par une campagne de dénigrement. Selon des représentants d’organisations non gouvernementales (ONG) et d’autres interlocuteurs, elle s’est transformée en un référendum «en faveur» ou «contre» le Premier ministre Aleksandar Vučić. Tout ceci a créé une atmosphère dominée parfois par les discours de haine et l’intolérance.
29. La législation prévoit l’égalité d’accès aux médias de tous les candidats à l’élection présidentielle. Néanmoins, cette élection présidentielle a une nouvelle fois démontré que la couverture médiatique et la transparence du financement de la campagne soulevaient de sérieuses préoccupations. Concernant la couverture médiatique de la campagne, elle est régie par la loi sur l'information publique et les médias, la loi relative au service public de radiodiffusion et la loi sur les médias électroniques. Les dispositions de la loi sur l'information publique et les médias garantissent le pluralisme des médias 
			(9) 
			Articles
6 et 45-47 de la loi.. L’article 47 établit le cadre de l’identification des menaces susceptibles de peser sur le pluralisme des médias. En cas de menace de ce type pesant sur la presse, il est de la responsabilité du ministre de l’Information d’engager une procédure à l’encontre du média concerné. Au sein du cadre juridique qui garantit sur un plan général la liberté et le pluralisme des médias, cette disposition peut s’avérer problématique car sa mise en œuvre dépend d’un membre du pouvoir exécutif.
30. L’Assemblée, dans ses précédents rapports d’observation des élections, s’est montrée très critique à l’égard de la couverture médiatique des élections en Serbie. Malheureusement, bon nombre des préoccupations graves dans ce domaine n’ont pas été résolues. Si le cadre juridique actuel semble moderne et assurer une bonne protection de la liberté d’expression et de la liberté des médias, sa mise en œuvre reste un problème majeur, surtout en période électorale. Le problème systémique clé est la structure de propriété des médias. Beaucoup de médias sont la propriété de l’Etat, que ce soit à l’échelon local, régional ou national. Le nouvel ensemble de lois requiert la privatisation des médias détenus par l’Etat. Mais, comme l’a souligné l’Agence de lutte contre la corruption 
			(10) 
			Agence de lutte contre
la corruption du gouvernement serbe, Report on Ownership Structure
and Control of the Media in Serbia, 26 février 2015, <a href='http://www.antikorupcija-savet.gov.rs/en-GB/reports/cid1028-2751/presentation-of-report-on-ownership-structure-and-control-over-media-in-serbia'>www.antikorupcija-savet.gov.rs/en-GB/reports/cid1028-2751/presentation-of-report-on-ownership-structure-and-control-over-media-in-serbia</a>., lorsque les médias relèvent du secteur privé, le problème principal devient la transparence de la structure de propriété. Le manque de transparence des structures de propriété mène à un manque de transparence des sources de financement, permettant le développement de connexions entre médias, structures politiques et grandes entreprises.
31. L’Etat reste la principale source de financement des médias par le biais de l’achat d’espace publicitaire, l’octroi de subventions du budget de l’Etat, le financement direct de projets grâce au mécanisme nouvellement établi d’appel à projets 
			(11) 
			Articles 17 et suivants
de la loi sur l'information publique et les médias., et les allègements fiscaux. Selon divers interlocuteurs de la délégation de l’Assemblée, cette situation peut altérer l’indépendance et le pluralisme des médias, et potentiellement favoriser la majorité au pouvoir.
32. Beaucoup de candidats à la présidence et de représentants d’ONG et de la communauté des médias ont informé la délégation de l’inégalité de traitement médiatique dont avaient été victimes les candidats à l’élection. Les activités des candidats ont fait l’objet d’une couverture relativement équitable dans les programmes du service public sur les premières chaînes de la Radio-Télévision de Serbie (RTS, dirigée par l’Etat) et la Radio-Télévision de Voïvodine (RTV). Aleksandar Vučić a été le candidat le plus présent dans la presse et les médias électroniques, notamment à la une des quotidiens. Selon des études menées par diverses associations de médias de Serbie, les partis de la coalition au pouvoir et leur candidat ont occupé une place considérable dans les programmes d’information des principales chaînes de télévision: sur les 30 676 secondes consacrées aux activités pré-électorales des candidats sur sept chaînes de télévision, 58,45 % ont été dévolues à Vučić, 6,99 % à Vuk Jeremić et 6,75 % à Saša Janković. En plus de sa position de candidat à l’élection présidentielle, Aleksandar Vučić est également apparu dans les médias en sa qualité de Premier ministre.
33. Concernant la couverture médiatique de la campagne électorale, la délégation d’observation de l’Assemblée a souligné à l’issue du scrutin, dans sa déclaration, que la couverture médiatique de la campagne n’avait jamais été aussi déséquilibrée en faveur du candidat de la coalition au pouvoir et que la surveillance du traitement médiatique (y compris électronique) pendant la campagne n’avait pas été efficace. Le candidat de la coalition au pouvoir a bénéficié de sa fonction de Premier ministre pendant la campagne, ce qui a pénalisé ses adversaires. De plus, de nombreux interlocuteurs de la délégation ont déploré l’utilisation abusive des ressources administratives au cours de la campagne.

5. Jour du scrutin

34. Le jour du scrutin, les membres de la délégation de l’Assemblée se sont rendus dans un nombre limité de bureaux de vote à Belgrade et dans les environs, ainsi qu’à Novi Sad, Užice, Kragujevac, Kraljevo, Valjevo, Požarevac et Pančevo. Le jour du scrutin a été calme et le vote bien organisé. Les électeurs ont pu faire leur choix librement, même si quelques manquements procéduraux et techniques ont été constatés dans les bureaux de vote visités:
  • présence d’un grand nombre de personnes dans des bureaux de vote souvent trop exigus;
  • la conception des isoloirs – particulièrement la fragilité des cloisons – n'était pas de nature à assurer le secret du vote. Néanmoins, aucune tentative pour tirer profit de cette anomalie n'a été mentionnée. Le même problème avait déjà été rapporté à l‘occasion des élections législatives anticipées d’avril 2016;
  • dans certains des bureaux de vote visités, les urnes n'étaient pas correctement scellées;
  • de façon générale, les bureaux de vote n'étaient pas accessibles aux personnes handicapées. Néanmoins, ces dernières pouvaient voter depuis chez elles (vote avec urne mobile);
  • des cas isolés de non-respect des procédures de dépouillement dans certains bureaux de vote ont été observés, pour l’essentiel dans les localités rurales;
  • des cas isolés de vote familial dans certains bureaux de vote;
  • des cas de présence de représentants du SNS dans certains bureaux de vote et aux alentours, à Pančevo, dans le but d’influencer les électeurs;
  • des cas très limités de présence de citoyens observateurs.
35. Le 5 avril, la Commission électorale de la République a annoncé les résultats de l’élection présidentielle. Aleksandar Vučić a remporté le scrutin avec 55,02 % des voix. Les autres candidats ont obtenu les résultats suivants: Saša Janković – 16,36 %; Luka Maksimović – 9,43 %; Vuk Jeremić 5,65 %; Vojislav Šešelj – 4,51 %. Les autres candidats ont recueilli moins de 3 % des voix. Le taux de participation a été de 54,57 %. Du fait de certaines irrégularités, la CER a décidé d’organiser de nouvelles élections le 11 avril dans un bureau de vote de chacune des municipalités de Backa Palanka et Zrenjanin.

6. Conclusions et recommandations

36. La commission ad hoc de l’Assemblée a conclu que le jour du scrutin a été calme, et le vote bien organisé; les électeurs ont pu faire leur choix librement, même si quelques manquements procéduraux et techniques ont été constatés dans un nombre limité de bureaux de vote visités le 2 avril 2017.
37. La délégation d’observation de l’Assemblée a souligné que l’élection ne se limite pas au jour du scrutin et qu’en ce qui concerne la campagne électorale, si les candidats ont pu faire librement campagne sans subir de restrictions importantes, le candidat de la coalition au pouvoir a cependant bénéficié de sa fonction de Premier ministre pendant la campagne, ce qui a pénalisé ses adversaires. De plus, de nombreux interlocuteurs de la délégation ont déploré l’utilisation abusive des ressources administratives au cours de la campagne.
38. Alors que le cadre juridique constitue dans l’ensemble une base solide pour la conduite d’élections démocratiques s’il est appliqué de bonne foi, la Commission de Venise du Conseil de l'Europe avait déjà noté dans le passé que la législation gagnerait à être révisée en profondeur pour combler les lacunes et clarifier les dispositions ambiguës. La plupart des recommandations de la Commission de Venise n’ont pas été appliquées, en particulier celles qui concernent le processus de résolution des litiges électoraux et la nécessité d’adopter des dispositions efficaces pour prévenir et sanctionner l’utilisation abusive des ressources administratives et l’abus de pouvoir.
39. L’Assemblée, dans ses précédents rapports d’observation des élections, s’est montrée extrêmement critique à l’égard de la couverture médiatique des élections en Serbie. Malheureusement, beaucoup de préoccupations graves dans ce domaine n’ont pas été résolues. Si le cadre juridique actuel semble moderne et assurer une bonne protection de la liberté d’expression et de la liberté des médias, sa mise en œuvre reste un problème majeur, surtout en période électorale. La délégation d’observation de l’Assemblée a souligné que la couverture médiatique de la campagne n’avait jamais été aussi déséquilibrée en faveur du candidat de la coalition au pouvoir. En outre, la surveillance du traitement médiatique (y compris électronique) pendant la campagne n’a pas été efficace.
40. Concernant le financement de la campagne électorale, la délégation de l’Assemblée a rappelé que de nombreuses recommandations n’ont pas encore été suivies d’effet et que la Commission de Venise avait recommandé en particulier d’inclure dans la loi sur l’élection du Président de la République des dispositions sur le mandat autonome de l’Agence de lutte contre la corruption, de réexaminer le niveau du financement public; d’envisager l’introduction d’une limitation des dépenses totales de campagnes et d’un plafond de financement des partis et d’abaisser les limites concernant le financement privé des particuliers et des sociétés privées. Toutes ces recommandations, si elles sont mises en œuvre, peuvent réduire le risque de dépenses disproportionnées des partis.
41. La délégation d’observation de l’Assemblée estime que le système actuel de composition de la Commission électorale de la République pourrait mener à une politisation excessive de l’administration électorale, au détriment de sa neutralité. Cela étant, la CER a réalisé un travail transparent et efficace. L’enregistrement des candidats a été complet et aucun grief majeur n’a été signalé au sujet de l’exactitude des listes électorales.
42. La délégation d’observation de l’Assemblée a identifié un certain nombre d’irrégularités et de lacunes au cours du processus électoral du scrutin présidentiel. La Serbie a besoin d’améliorer son cadre juridique en matière électorale, ainsi que certaines pratiques électorales, en tenant compte des enseignements tirés des élections passées, afin de renforcer la confiance des citoyens dans les élections démocratiques. Ce travail devrait être accompli dans le cadre de la procédure de suivi de l’Assemblée et en étroite coopération avec la Commission de Venise.

Annexe 1 – Composition de la commission ad hoc

(open)

Sur la base des propositions des groupes politiques de l’Assemblée, la commission ad hoc se composait comme suit:

  • Ingebjørg GODSKESEN (Norvège CE), Présidente

Groupe du Parti populaire européen (PPE/DC)

  • Giuseppe GALATI, Italie
  • Jordi ROCA, Espagne
  • Egidijus VAREIKIS, Lituanie
  • Adão SILVA, Portugal

Groupe socialiste (SOC)

  • Paolo CORSINI, Italie
  • Renata DESKOSKA, «l’ex-République yougoslave de Macédoine»
  • Luis Alberto ORELLANA, Italie
  • Predrag SEKULIĆ, Monténégro

Groupe des conservateurs européens (CE)

  • Ingebjørg GODSKESEN, Norvège
  • Arkadiusz MULARCZYK, Pologne

Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe (ADLE)

  • Eerik-Niiles KROSS, Estonie
  • Anne MULDER, Pays-Bas

Secrétariat

  • Chemavon CHAHBAZIAN, Chef de la Division de l’observation des élections et de la coopération interparlementaire
  • Danièle GASTL, Assistante, Division de l’observation des élections et de la coopération interparlementaire
  • Gaël MARTIN-MICALLEF, Conseiller juridique, Commission de Venise

Annexe 2 – Programme de la mission d’observation de l’élection présidentielle

(open)

Vendredi 31 mars 2017

09h00 – 09h45 Réunion de la commission ad hoc:

  • Ouverture par Ingebjørg Godskesen, Chef de la délégation
  • Briefing sur le cadre juridique par le membre et le secrétariat de la commission de Venise

10h00 – 10h30 Interventions par les chefs des bureaux internationaux en Serbie:

  • Andrea Orizio, Chef de la mission de l’OSCE en Serbie
  • Oskar Benedikt, Adjoint au chef de la délégation de l’Union européenne en Serbie

10h30 – 11h30 Réunion avec le chef de la mission d’observation des élections du BIDDH/OSCE en Serbie et des membres de son équipe:

  • Ambassadeur Alexandre Keltchewsky, chef de mission (France)
  • Tatyana Hilsher Bogussevich, chef de mission adjointe (Kazakhstan)
  • Armen Mazmanyan, analyste juridique (Arménie)
  • Andreas Raab, analyste politique (Allemagne)
  • Vania Angeluova, analyste des élections (Bulgarie)
  • Ivan Godarsky, analyste des médias (République slovaque)

11h45 – 12h30 Réunion avec des représentants de la société civile:

  • Sonja Biserko, Comité Helsinki pour les droits de l'homme
  • Rasa Nedeljkov, Center for Research, Transparency and Accountability (CRTA)
  • Emilija Brkic, CESID
  • Ana Janković Jovanović, Comité des juristes pour les droits de l’homme (YUCOM)

13h45 – 14h45 Réunion avec Tamara Skrozza, Conseil de la presse

15h00 – 15h45 Réunion avec des représentants de la Commission électorale de la République

16h00 – 20h00 Réunion avec les candidats à l’élection présidentielle:

  • Marija Obradović et Aleksandra Djurović, représentantes du Parti progressiste serbe (SNS)
  • Miroslav Parović, Mouvement populaire de la liberté
  • Vuk Jeremić, candidat indépendant (soutenu par: Nouvelle Serbie, Ensemble pour la Serbie, le Parti social-démocrate, le Mouvement populaire de Serbie)
  • Vojin Biljic, membre du comité électoral de Saša Radulović, Enough is enough (DJB)

Samedi 1er avril 2017

10h00 – 10h30 Milan Stamatović, candidat indépendant, “For Healthier Serbia – Milan Stamatović”

11h00 – 12h00 Réunion de la commission ad hoc:

  • Exposé de Tim Cartwright, Chef du bureau du Conseil de l’Europe à Belgrade
  • Informations du Secrétariat; déploiement; réunion avec les chauffeurs et interprètes

Dimanche 2 avril 2017

06h30 – 07h30 Observation de l’ouverture des bureaux de vote

08h00 – 20h00 Observation des élections

20h00 Observation de la fermeture des bureaux de vote, dépouillement et présentation des résultats

Lundi 3 avril 2017

09h00-11h00 Débriefing par les membres de la commission ad hoc sur l’observation des élections et préparation de la déclaration

Annexe 3 – Déclaration de la commission ad hoc

(open)

Élection présidentielle en Serbie: Déclaration de la délégation d’observation de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe

Belgrade, 03.04.2017 – À l’invitation des autorités serbes, une délégation multipartite de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) a observé l’élection présidentielle qui s’est déroulée en Serbie le 2 avril 2017. Depuis l'an 2000, l'Assemblée a observé toutes les élections législatives et présidentielles en Serbie.

Hier, la délégation de l’APCE s’est rendue dans un nombre limité de bureaux de vote à Belgrade et dans les environs, ainsi qu’à Novi Sad, Užice, Kragujevac, Kraljevo, Valjevo, Požarevac et Pančevo. Le jour du scrutin a été calme et le vote bien organisé. Les électeurs ont pu faire leur choix librement, même si quelques manquements procéduraux ont été constatés.

De nombreux candidats et d’autres interlocuteurs de la délégation de l’APCE ont souligné que la couverture médiatique de la campagne n’avait jamais été aussi déséquilibrée en faveur du candidat de la coalition au pouvoir, bien que la législation prévoie l’égalité d’accès aux médias de tous les candidats à l’élection présidentielle. En outre, la surveillance du traitement médiatique (y compris électronique) pendant la campagne n’a pas été efficace.

La délégation de l’Assemblée a noté que la campagne s’était généralement déroulée dans un climat pacifique. Tous les candidats à l’élection présidentielle ont pu faire campagne librement, sans subir de restrictions importantes. Le candidat de la coalition au pouvoir a bénéficié de sa fonction de Premier ministre pendant la campagne, ce qui a pénalisé ses adversaires. De plus, de nombreux interlocuteurs de la délégation ont déploré l’utilisation abusive des ressources administratives au cours d’une campagne dominée par les questions économiques, sociales et de sécurité, l’intégration européenne et la lutte contre la corruption.

Alors que le cadre juridique constitue dans l’ensemble une base solide pour la conduite d’élections démocratiques s’il est appliqué de bonne foi, la Commission de Venise du Conseil de l'Europe a déjà noté dans le passé que la législation gagnerait à être révisée en profondeur pour combler les lacunes et clarifier les dispositions ambiguës. La plupart des recommandations de la Commission n’ont pas été appliquées, en particulier celles qui concernent le processus de résolution des litiges électoraux et la nécessité d’adopter des dispositions efficaces pour prévenir et sanctionner l’utilisation abusive des ressources administratives et l’abus de pouvoir.

Un grand nombre de candidats à l’élection présidentielle et d’autres interlocuteurs ont fait part de leur inquiétude au sujet du système disproportionné de financement des partis politiques et des campagnes électorales. À ce propos, la délégation de l’Assemblée rappelle que l’APCE, dans ses différentes résolutions, et la Commission de Venise, dans ses avis, ont recommandé à maintes reprises aux autorités serbes de réduire le niveau des financements publics et privés et de plafonner les dépenses générales de campagne et le financement des partis. Par ailleurs, il n’y a pas de mécanismes juridiques effectifs qui permettraient d’accroître la transparence et le contrôle du financement des partis politiques et des campagnes électorales, ainsi que l’obligation de rendre des comptes dans ce domaine.

La Commission électorale de la République a réalisé un travail transparent et efficace et les candidats ont globalement exprimé leur confiance en son action. L’enregistrement des candidats a été complet et aucun grief majeur n’a été signalé au sujet de l’exactitude des listes électorales.

La délégation a rencontré les candidats à l’élection présidentielle ou leurs représentants ainsi que des représentants de la Commission électorale de la République, de la mission d’évaluation de l’OSCE/BIDDH, des organisations internationales, de la société civile et des médias.