1. Introduction
1. Dès le début de la «Révolution
de la dignité
», l’Assemblée
parlementaire a été aux côtés de ceux qui, en Tunisie, se sont attelés
à la construction d’une nouvelle société: une société attachée à
la démocratie, à la bonne gouvernance et au respect des droits fondamentaux.
Le défi était grand et c’est la raison pour laquelle la commission
des questions politiques et de la démocratie a suivi attentivement
les évolutions de ce pays et l’Assemblée a adopté trois Résolutions
en 2011 (
1791 et
1819) et 2012 (
1893). Dans cette dernière, nous constations que la Tunisie
était sur la bonne voie et nous appelions l’Assemblée nationale
constituante (ANC) à offrir aux Tunisiens «une constitution qui
soit à la hauteur des idéaux de la révolution et réponde aux normes et
pratiques constitutionnelles internationales».
2. C’est à l’initiative de la commission que le Président de
la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission
de Venise), M. Gianni Buquicchio, avait rencontré en 2011
des
représentants de la société civile tunisienne et leur avait proposé
l’expertise constitutionnelle de cette institution, et c’est dans
le cadre d’une mission de notre Assemblée «post-observation» que
M. Buquicchio et Mme Simona Granata-Menghini,
Secrétaire adjointe de la Commission de Venise, se sont rendus en
Tunisie les 16 et 17 janvier 2012, c’est-à-dire lors de la mise
en place de l’ANC. Notre commission a suivi pas à pas l’élaboration
de la nouvelle Constitution tunisienne à travers des échanges de
vues avec le secrétariat de la Commission de Venise le 15 novembre
2012, et des représentants de l’ANC lors des parties de session
d’avril 2013 et d’avril 2014 – pour cette dernière M. Mohamed El
Arbi Abid, deuxième Vice-Président de l’ANC était présent.
3. Notre commission a également été à l’origine de la venue de
M. Mustapha Ben Jaafar à l’Assemblée, qui, à l’occasion de l’examen
du troisième rapport de notre collègue Mme Anne
Brasseur en séance plénière le 28 juin 2012, est intervenu sur la
situation de son pays.
4. Plus récemment, une délégation du parlement monocaméral de
Tunisie qui a succédé à l’ANC, a assisté à la réunion de la sous-commission
sur le Proche-Orient et le monde arabe le 21 avril 2015 et, moi-même,
j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec trois membres de ce parlement
en janvier dernier.
5. Si nous avons été actifs depuis 2011, force est de constater
que le dernier état des lieux présenté à notre Assemblée date de
2012. Depuis, la donne a, en partie, changé. La Tunisie n’en est
plus à l’élaboration d’un nouveau cadre institutionnel. Elle a adopté
sa Constitution en janvier 2014 et commencé à l’appliquer: des élections
législatives et présidentielle se sont tenues la même année et la
Tunisie a connu à l’été 2016 un changement de gouvernement.
6. La présent rapport a pour but de présenter les principaux
développements politiques depuis notre dernière résolution (juin
2012), de cerner les défis auxquels la Tunisie est confrontée et
d’apprécier son degré de coopération avec le Conseil de l’Europe.
Il s’appuie notamment sur la visite d’information que j’ai effectuée à
Tunis du 27 au 30 mars 2017.
2. L’élaboration de la nouvelle Constitution
7. La rédaction de la Constitution
du 27 janvier 2014 est loin d’avoir été un long fleuve tranquille.
À l’été 2013, la Tunisie était au bord de la guerre civile et la
crainte d’un scénario à l’égyptienne était partagée par l’ensemble
des acteurs politiques. Pourtant, il n’en a rien été: sur le fil
du rasoir, la société tunisienne a su faire les compromis nécessaires
pour maintenir son unité et tourner la page de la transition en
se dotant d’institutions pérennes.
2.1. Le
contexte (2011-2012)
8. Élue le 23 octobre 2011, au
cours d’un scrutin salué par les observateurs internationaux et
par notre Assemblée
, l’ANC
a rempli, pendant un peu plus de deux ans, la fonction d’assemblée
parlementaire votant les lois et contrôlant l’action du gouvernement,
ainsi que celle d’assemblée constituante. Elle a voté le 10 décembre
2011 la loi sur l’Organisation provisoire des Pouvoirs Publics (OPP),
parfois appelée la «Petite Constitution», qui a donné à la Tunisie
un cadre constitutionnel minimal, en créant notamment les institutions de
la Présidence de la République, du Gouvernement et du Premier Ministre.
La loi OPP a été appliquée jusqu’à l’entrée en vigueur de la Constitution
de 2014.
9. Cette loi adoptée, les partis Ennahdha (islamiste modéré),
le Congrès pour la République (CPR, séculariste et nationaliste
panarabiste) et Ettakatol (gauche laïque, membre de l’Internationale
socialiste) ont formé une coalition gouvernementale, dite «Troïka»,
majoritaire à l’ANC avec 138 sièges sur 217. Quatre mois après son
élection, à la mi-février 2012, le travail constituant a réellement
débuté. Celui-ci était organisé à travers six commissions constituantes,
élues à la proportionnelle des groupes. Leur rôle consistait à rédiger les
articles de la Constitution relevant de leur compétence, avant de
transmettre leur projet à un comité mixte de rédaction et de coordination
qui pouvait procéder à des renvois pour réexamen avant de soumettre
un projet complet à l’ANC réunie en plénière
.
Ce projet devait alors être adopté en deux phases: d’abord article
par article à la majorité des deux tiers, puis par un vote sur l’ensemble
du texte, là encore à la majorité des deux tiers. En cas d’incapacité
à atteindre cette majorité, le projet devait être soumis au référendum,
ce qui ne s’est finalement pas produit.
2.2. La
dégradation du climat politique (2011-2013)
10. L’ANC a été contestée assez
rapidement par l’opposition et la situation politique s’est progressivement tendue
polarisant la société tunisienne entre, d’un côté les soutiens à
la Troïka, et de l’autre ses détracteurs.
11. En premier lieu, Ennahdha, avec 37 % des voix et 89 sièges
sur 217, alors que le CPR arrivé en deuxième position n'avait obtenu
que 8,7 % des voix, a pu faire craindre un comportement hégémonique.
12. Cette peur s’est exprimée dès le mois de décembre 2011, lors
du vote de la «Petite Constitution», où l’opposition a critiqué,
d’une part, la répartition des pouvoirs qu’elle jugeait concentrée
dans les mains de la Troïka et, d’autre part, la non fixation d’une
durée limitant le mandat de l’ANC.
13. L’ANC n’est effectivement pas parvenue à adopter un projet
de Constitution au bout d’un an, alors que la majorité des forces
politiques avaient pris cet engagement avant les élections de 2011.
En outre, en dépit des efforts menés par une partie de l’administration
de l’ANC, les membres de la Troïka présents dans cette dernière
n’ont pas associé la société civile à leurs travaux autant qu’ils
auraient pu le faire
.
14. Mais ce sont surtout les débats en commission qui ont révélé
les lignes de fracture entre le parti islamiste et les partis sécularistes.
Les deux points d’achoppement ont concerné la question de la place
de l’Islam dans la Constitution et, dans une moindre mesure, celle
de la nature du régime, et parfois donné lieu à des manifestations
de rue importantes.
15. Pour le premier, Ennahdha a tenté jusqu’en 2013, souvent malgré
l’opposition de ses partenaires de la Troïka, de faire de la religion
musulmane une source du droit tunisien. Elle a ainsi essayé de faire
adopter une définition de la famille fondée sur la «complémentarité»
entre l'homme et la femme et non sur le principe d'égalité. Elle
a proposé de contrebalancer le caractère civil de l'État tunisien
par la reconnaissance, dans le projet de Préambule de la Constitution,
«de constantes de l'Islam» sur lesquelles le juge constitutionnel
se serait appuyé et souhaité qu'aucune révision constitutionnelle
ne puisse porter «atteinte à l'Islam comme religion d' État».
16. Les oppositions ont été moins fortes sur la nature du régime.
La question du régime mixte où le Chef de l’État se voyait reconnaître
de vraies prérogatives a été rapidement tranchée et l’essentiel
des discussions a porté sur le partage des compétences entre ce
dernier et le Chef du Gouvernement.
17. La dégradation du climat politique et les positions éloignées
des constituants qui tenaient à des projets de société difficilement
conciliables expliquent qu’en juin 2013, l’ANC avait examiné quatre
projets de Constitution
sans en adopter finalement aucun. Parallèlement,
la situation sécuritaire empirait.
2.3. La
dégradation de la situation sécuritaire et la crise de l’été 2013
18. Dès 2012, les forces de l’ordre
ont réprimé violemment certaines manifestations à caractère politique
ou
social
,
mais semblé peiner à faire de même avec les salafistes
ou
les milices pro-gouvernementales
.
19. L'assassinat à six mois d'intervalle, de deux dirigeants de
l'opposition, M. Chokri Belaïd, le 6 février 2013, puis M. Mohamed
Brahmi, le 25 juillet 2013, apparemment par la même équipe de djihadistes, a
déclenché des vagues de protestations et conduit à la mise en cause
de la Troïka critiquée soit pour son incompétence, soit pour sa
bienveillance supposée à l’égard des djihadistes et des salafistes.
Ennahdha a également été accusée de complicité avec les auteurs
de l’assassinat
.
20. M. Mustapha Ben Jaafar, dirigeant d’Ettakatol et ancien Président
de l’ANC, a décrit ces semaines où le pays du Jasmin était au bord
de la guerre civile:
«Le deuxième assassinat [celui de Mohamed Brahmi]
a carrément arrêté le pays, déclenchant, pendant près d'un mois
sur la place du Bardo, le sit-in d'Errahil – le Départ – pour provoquer
la dissolution de l'Assemblée. Une crise majeure s'était installée
dans le pays. Le blocage était réel.
(…)
Les débats en Tunisie à l'époque
étaient fortement influencés par les événements qui se déroulaient
en Égypte [le 3 juillet, l’armée égyptienne renversait le Président
Mohamed Morsi, membre des Frères musulmans]. D'aucuns rêvaient de
reproduire un “Tamarod” – la Rébellion – à la tunisienne, chassant du
pouvoir la majorité élue. D'autres appelaient à la résistance contre
d'éventuelles tentatives de putsch ou de coup d'État militaire.
La scène politique s'était
coupée en deux. Les canaux du dialogue étaient rompus. Des blocs
identitaires commençaient à se former selon le clivage sécularistes/islamistes,
ce que j'avais toujours redouté et dénoncé. Plus grave, la plupart
des acteurs politiques, associatifs et syndicaux avaient substitué
à leur participation régulière aux institutions “la politique de
la rue” et de l'affrontement direct.
D'un côté, l'opposition se
réclamait d'une légitimité populaire “nouvelle” acquise par le rapport
de force, de l'autre, les islamistes revendiquaient haut et fort
leur légitimité électorale. Les premiers avaient constitué un Front
de Salut National – FSN –, réclamant la démission immédiate du gouvernement
et la dissolution de l'ANC qui, selon eux, n'était plus représentative.
Une cinquantaine de députés
ont d'ailleurs décidé de se retirer de l'ANC et de rejoindre les
manifestants sur la place du Bardo.
De l'autre côté, la majorité
mobilisait ses partisans en lançant un “appel au peuple” pour faire
barrage à la contre-révolution en marche. Et pour rajouter à ce
climat anxiogène, huit soldats de l'armée nationale étaient tombés
la même semaine, victimes d'attaques terroristes.»
21. Le 6 août 2013, M. Ben Jaafar a suspendu les travaux de l’ANC.
2.4. Le
dénouement de la crise et l’accélération du travail constituant
(été 2013-2014)
22. La crise a été résolue grâce
à la société civile. Un quartet composé de l'Union générale des
travailleurs tunisiens, de l’Union tunisienne de l’industrie, du
commerce et de l’artisanat, du Conseil de l’Ordre national des avocats
de Tunisie et de la Ligue tunisienne des droits de l’homme a organisé
un Dialogue national ouvert aux formations politiques qui s’étaient
engagées à signer une «feuille de route» fixant un horizon à la
fin des travaux de l’ANC. Vingt-et-un l’ont fait, à l’exception
du CPR, membre de la Troïka. Les sessions du Dialogue ont démarré
à la mi-septembre.
23. Elles ont permis la reprise du travail constituant à travers
la création d’un organe non prévu par le règlement de l’ANC mais
voulu par son président, la Commission des consensus, cette dernière
procédant aux derniers arbitrages et rendant son dernier rapport
le 28 décembre 2013.
24. Le 26 janvier 2014, l’ANC a adopté la Constitution de la IIème République
tunisienne à la quasi-unanimité, par 200 voix contre 12 et quatre
abstentions. Elle a été promulguée le lendemain, le 27 janvier.
25. Différentes raisons expliquent ce succès.
26. Le dynamisme de la société civile, capable de jouer les médiateurs
en dernier ressort. Le quartet se verra d’ailleurs récompensé du
prix Nobel de la paix en 2015 pour son action lors du Dialogue national.
27. Le soutien de la communauté internationale a également joué.
À cet égard, la coopération entre les autorités tunisiennes et la
Commission de Venise a été excellente. Cette dernière a suivi le
processus d’élaboration de la Constitution depuis le début, a apporté
son savoir-faire rédactionnel et a rendu plusieurs avis sur les
projets qui lui ont été soumis, y compris sur le projet final. Son
rôle a d’ailleurs été reconnu, lorsque sa Secrétaire adjointe, Mme Simona
Granata-Menghini, a participé en tant qu’invitée à la cérémonie
de signature de la nouvelle Constitution le 24 janvier 2014, à Tunis.
La Présidente de l’époque de l’Assemblée, Mme Anne
Brasseur, a également été invitée à cette cérémonie, mais comme
celle-ci coïncidait avec la partie de session de janvier de l’Assemblée
elle n’a malheureusement pas pu y participer.
28. Le soutien des Nations Unies a aussi compté, notamment par
l’intermédiaire du Programme des Nations Unies pour le Développement,
qui a accompagné les constituants tout au long de leurs travaux.
29. Mais surtout, c’est la capacité des acteurs politiques à faire
des concessions importantes, «lorsqu’ils sentent que la sécurité
du pays et son unité courent un danger imminent», comme l’écrit
un membre de la société civile, M. Salah Eddine Al Jourchi
,
qui a été décisive.
3. La
Constitution du 27 janvier 2014
30. Se prononçant sur le Préambule
de la loi fondamentale tunisienne, la Commission de Venise constate que
«les principes d’organisation politique et juridique qui y sont
affirmés sont généralement ceux qui fondent les démocraties: souveraineté
du peuple, primauté du droit, séparation et équilibre des pouvoirs.
Ils rejoignent les trois piliers du statut du Conseil de l’Europe,
à savoir les droits de l’homme, la démocratie et l’état de droit. La
mise en exergue dans ce préambule des principales valeurs d’un État
démocratique doit être saluée»
.
31. Ce jugement est conforté par la lecture des 149 articles répartis
en dix chapitres que comporte la loi fondamentale.
3.1. La
consécration des droits et libertés
32. Le chapitre 2 est entièrement
consacré aux droits et libertés. Si l’on y ajoute les droits et
libertés mentionnés dans les autres chapitres et en particulier
au chapitre premier relatif aux principes généraux, leur liste est
longue et témoigne du souci des constituants de rompre avec le régime
dictatorial d’avant la Révolution.
33. Cette consécration des droits et libertés et les moyens juridictionnels
pour les faire respecter grâce à l'exception d'inconstitutionnalité
prévue à l'article 120 est à saluer, elle aussi. Elle n’appelle
qu’une observation, une réserve et une suggestion.
34. Mon observation vise à souligner que ce texte est un texte
de compromis, en particulier sur la question de la place de l’Islam.
À cet égard, le caractère civil de l’État a finalement été confirmé
par l’article 2 de la Constitution et les projets d’articles visant
à en limiter la portée ont été écartés. Certes, il reste dans la
loi fondamentale de nombreuses références à la religion musulmane
et,
par exemple, seul(e) un ou une musulman(e) peut se porter candidat(e)
au poste de Président de la République (article 74). La Commission de
Venise n’a pas manqué de souligner «les tensions entre d’une part,
la place prédominante faite à l’Islam, et d’autre part, le caractère
civil de l’État tunisien et les principes de pluralité, neutralité
et non-discrimination»
ainsi que le fait que «l’exclusion de tout
candidat (ou candidate) non musulman se concilie mal avec ces dispositions»
. Mais, compte tenu du contexte
qui a prévalu lors de sa conclusion, ce compromis est sans doute
le meilleur qui pouvait être obtenu. Quant à l’obligation d’être
musulman pour occuper la fonction de Chef de l’État, elle est regrettable,
mais se retrouve dans des États généralement tenus pour des modèles
de démocratie, comme par exemple le Royaume-Uni, où le Souverain
doit être anglican, le Danemark (article 6 de la Constitution du
5 juin 1953) ou la Norvège (article 4 de la Constitution du 17 mai
1814 dans sa version de 2013), où il doit être luthérien.
35. De ce compromis est également née une disposition qui, elle,
est problématique: l’article 22 autorise la peine de mort «dans
des cas extrêmes fixés par la loi», ce qui est fortement regrettable,
d’autant plus qu'un moratoire est, de fait, en place depuis 1991.
36. Enfin, je souscris à la suggestion de la Commission de Venise
sur certains droits fondamentaux protégés par des instruments internationaux
qui ne figurent pas dans la Constitution
et qui pourraient y figurer à l’avenir ou trouver leur place dans
la jurisprudence de la Cour constitutionnelle
.
37. Cela étant, je pense que notre Assemblée peut faire siens
les mots que M. Ben Jaafar, ancien Président de l’ANC, a adressés
à ses collègues, lors de l’adoption de la Constitution du 27 janvier:
«La révolution tunisienne est une révolution de liberté, et vous,
aujourd’hui, en votant votre constitution, concrétisez et symbolisez
cette réussite
.» Tel a
bien été le cas.
3.2. Un
régime parlementaire mixte
38. Sortant d’une longue période
de régime non démocratique, les constituants ont choisi, d’une part
un «pouvoir qui arrête le pouvoir», et d’autre part des mécanismes
qui incitent les différents acteurs à passer des compromis. La concentration
des pouvoirs a été ainsi soigneusement évitée, ce qui est sans doute
sage pour une démocratie parlementaire à ses débuts.
3.2.1. L’Assemblée
des représentants du peuple (ARP)
39. Composée de 217 membres, soit
le même nombre que l’ANC, elle est élue pour un mandat de cinq ans à
la représentation proportionnelle régionale à liste fermée au plus
fort reste dans 33 circonscriptions, 27 en Tunisie et 6 à l’étranger
.
Elle dispose de tous les attributs d’un parlement monocaméral: elle
vote la loi et contrôle l’action du gouvernement, notamment en votant
la confiance ou la censure. La Constitution reconnaît un statut
particulier à l’opposition, en lui attribuant notamment la présidence
de la commission des finances, le rôle de rapporteur de la commission
chargée des relations extérieures et l’autorisant, une fois par
an, à former une commission d’enquête.
40. L’ARP s’est dotée d’un Règlement intérieur le 2 février 2015
qui organise notamment ses travaux à travers neuf commissions permanentes
de
22 membres chacune et neuf commissions spéciales.
3.2.2. La
coopération des pouvoirs
41. Le choix d'un régime mixte
où le Chef de l’État est aussi élu au suffrage universel direct
pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois, laisse au
Chef du Gouvernement l’essentiel du pouvoir exécutif, mais permet
au premier d’influencer le travail tant de l’ARP que du gouvernement.
42. À titre d'exemple, le Président dispose d'un veto suspensif
qui ne peut être levé que par un vote à la majorité des deux tiers
de l'ARP, arme d'une efficacité réelle face à une Assemblée où les
majorités, du fait du mode de scrutin, peuvent ne pas être nettes.
Il peut également demander à l’ARP de renouveler sa confiance au
gouvernement à deux reprises au maximum pendant la durée de son
mandat.
43. En d’autres termes, le Président dispose de pouvoirs lui permettant
de «forcer» le consensus ou d’en constater l’absence.
44. Cette recherche de la conciliation est également perceptible
dans la motion de censure contre le gouvernement, qui est fortement
inspirée de la motion de défiance constructive allemande: la motion
de censure ne peut être adoptée que si l’ARP, lors du même vote,
approuve la candidature du remplaçant au poste de Chef de Gouvernement,
ce qui implique que les partis d’opposition doivent être capables
de se mettre d’accord sur un gouvernement de remplacement.
3.2.3. Des
contre-pouvoirs reconnus: les Instances constitutionnelles indépendantes
45. Au nombre de cinq, elles sont
indépendantes, œuvrent au renforcement de la démocratie et sont
dotées de la personnalité juridique et de l’autonomie financière
et administrative, selon l’article 125. Dans leur domaine de compétence,
elles disposent au minimum d’un pouvoir de consultation (Instance
du développement durable et des droits des générations futures)
et peuvent avoir pour mission de réguler leur secteur (Instance
de la communication audiovisuelle), d’organiser et de superviser
les différentes élections (Instance des élections), voire d’enquêter
(Instance des droits de l’Homme, Instance de la bonne gouvernance
et de la lutte contre la corruption).
3.3. Un
cadre vivant qui fait ses preuves
46. Les élections législatives
qui se sont tenues le 26 octobre 2014 et dont le déroulement a été
salué par notre Assemblée
, ont
été marquées par une polarisation du jeu politique: Nidaa Tounes
(37 % des suffrages exprimés et 86 sièges), mouvement séculariste
qui s’est positionné pour concurrencer Ennahdha, est devenu la principale
formation politique de l’ARP, suivi de ce dernier (27 % et 69 sièges).
Les quatre partis suivants ont obtenu moins de 5 %. À l’exception
d’Ennahdha, les partis de l’ancienne Troïka ont perdu plus de 50 % des
voix par rapport à octobre 2011. M. Mohammed Ennaceur, membre de
Nidaa Tounes, est devenu le premier Président de l’ARP.
47. Le 21 décembre 2014, M. Béji Caid Essebsi, chef du parti Nidaa
Tounes et Premier ministre pendant la période de transition, a été
élu Président de la République avec plus de 55 % des voix, au cours
d’un scrutin exemplaire
.
48. La formation du gouvernement d’Habib Essid, personnalité indépendante,
a permis de constater que les mécanismes incitatifs de la Constitution
fonctionnaient: au risque de ne pas obtenir la confiance de l'ARP,
il a dû élargir la composition de son gouvernement et y a fait entrer
aux côtés de Nidaa Tounes, Ennahdha et Afek Tounes, une formation
d’orientation social-libérale.
49. De même, en 2015, le Chef du Gouvernement a mis fin aux fonctions
du ministre de la Justice et du secrétaire d’État auprès du ministre
de l’Intérieur chargé des Affaires sécuritaires avant de procéder
à un remaniement ministériel, début janvier 2016, l’ARP accordant
sa confiance individuellement aux ministres.
50. Enfin, après que le Président de la République a émis le souhait
d’un gouvernement d’union nationale et a recueilli l’accord des
partis politiques et des syndicats en juin 2016, M. Essid n’a pas
souhaité démissionner, mais a demandé à l’ARP de lui renouveler
sa confiance, ce qu’elle a refusé le 30 juillet 2016.
51. Un nouveau gouvernement, à l’assise plus large que le précédent,
formé par M. Youssef Chahed a reçu la confiance de l’Assemblée le
26 août 2016. Il a connu un remaniement d’ampleur limitée en février
2017, à l’occasion duquel le Premier ministre semble avoir renforcé
son autorité vis-à-vis des partis le soutenant en ne les consultant
pas tous préalablement à la nomination de trois ministres
.
52. Il est à noter que ce fonctionnement institutionnel ne semble
pas avoir été perturbé outre mesure par une scission intervenue
au sein de Nidaa Tounes qui a conduit en novembre 2015 au départ
de 32 députés de son groupe parlementaire et à la création d’un
nouveau parti Machrou Tounes. Ce retrait a fait d’Ennahdha la première
force politique à l’ARP, ce qu’elle est encore à ce jour.
4. La
construction d’un État de droit: un chantier en cours
53. Afin de mettre en œuvre pleinement
et effectivement les droits et libertés contenus dans la Constitution, la
Tunisie est amenée à lutter contre certaines pratiques, habitudes
culturelles et résistances.
4.1. Les
Instance constitutionnelles indépendantes et législatives
54. À ce jour, les Instances constitutionnelles
ne disposent pas d’un cadre juridique unique. Le projet de loi organique
relatif aux dispositions communes aux instances constitutionnelles
indépendantes a été adopté par le Conseil des Ministres le 15 mars
2016, mais il n’a pas été examiné par l’ARP. Une seule des cinq
Instances prévues par la Constitution fonctionne conformément à
sa loi organique, qui devra d’ailleurs être amendée. Il s’agit de
l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE). Trois
autres instances sont toujours régies par des dispositions provisoires
(celles qui sont en charge respectivement des droits de l’homme,
de l’audiovisuel et de la lutte contre la corruption) et attendent
leur loi organique, tandis que la dernière, celle du développement
durable n’a aucune existence juridique.
55. Lors de mon entretien avec les Présidents de ces Instances
auquel se sont joints des Présidents d’instances dont le fondement
juridique est législatif et non constitutionnel, comme c’est le
cas de l’Instance nationale pour la prévention contre la torture
(INPT) ou l’Instance nationale de protection des données personnelles
(INPDP), il est apparu clairement que des efforts devaient être
faits afin de rendre l’ensemble des Instances opérationnelles
.
À cet égard, la situation de l’INPT est assez révélatrice: cette
Instance ne fonctionne pas, faute de personnel et le décret relatif
à la rémunération de ses membres n’a pas été pris.
56. Le sentiment de mes interlocuteurs était que les institutions
politiques et les hauts fonctionnaires qui les servent n’avaient
pas fait de l’effectivité des Instances une priorité, à l’exception
de l’Instance supérieure indépendante pour les élections. Certes,
le contexte budgétaire tunisien est fortement contraint. Certes,
le concept «d’Instances indépendantes» est nouveau en Tunisie. Certes,
on peut comprendre que l’octroi de compétences à ces dernières suscite
la crainte de certains départements ministériels d’être dépossédés
de leurs prérogatives. Pour autant, ces Instances ne constituent
pas un démembrement de l’État mais une garantie reconnue et souhaitable
en matière de défense et de promotion des droits de l’homme, ne
serait-ce qu’au regard «des principes dits de Paris»
.
Cela est d’autant plus vrai dans un État qui se réforme et dont
le passé était jusqu’à récemment plus qu’autoritaire. L’État français,
jacobin s’il en est, n’a pas été déshabillé par la création d’Autorités
administratives indépendantes, dont le fonctionnement est assez
proche de celui des Instances. Que le Gouvernement et le Parlement
tunisiens se rassurent: il en ira de même chez eux.
4.2. La
justice
57. La mise en place du Conseil
supérieur de la magistrature (CSM), symbole de l’indépendance des juridictions
judiciaires, administratives et financières, a été mouvementée:
la loi qui l’a créé a été critiquée tant par les magistrats que
par des organisations non gouvernementales (ONG) et des associations
au motif que les garanties d’indépendance auraient pu être renforcées;
l’élection de ses membres en octobre 2016 n’a pas permis au CSM
de se réunir dans sa composition définitive et les décisions qu’il
a prises en décembre 2016 ont été attaquées devant le Tribunal administratif
par l’Association des magistrats tunisiens qui semblait en désaccord
profond avec un syndicat concurrent, le Syndicat des magistrats
tunisiens.
58. Ces blocages n’ont pu être surmontés que par l’adoption en
urgence le 28 mars 2017 d’une loi modifiant les règles de fonctionnement
du CSM. L’Association des magistrats tunisiens en a critiqué le
contenu et lancé un mot d’ordre de grève. Par ailleurs, un collectif
d’organisations de la société civile a jugé l’initiative du gouvernement
comme une immixtion dans le pouvoir judiciaire
. Par ailleurs, des membres de l’ARP
ont contesté la constitutionnalité de cette loi devant l’Instance
provisoire de contrôle de la constitutionnalité des projets de loi.
Au-delà du rôle joué par le CSM dans la vie des magistrats et des
juridictions, son établissement revêt une importance d’autant plus
grande qu’il dispose d’un pouvoir de nomination de juges constitutionnels. Le
blocage du CSM a eu pour conséquence le report de la mise en place
de la Cour constitutionnelle, c’est-à-dire l’un des garants de l’État
de droit.
59. Les évolutions qu’a connues le dossier du CSM ne doivent pas
faire oublier les avancées notables de la Tunisie en matière de
réforme de l’appareil judiciaire. Le ministre de la Justice m’a
ainsi confirmé une annonce qui avait été faite de recruter 500 nouveaux
magistrats en 2017-2018, a détaillé la mise en place de pôles financiers
où les magistrats se spécialisent exclusivement sur ce type de contentieux
et indiqué qu’en matière pénale, son ministère travaillait à la
réduction des délais de jugement.
60. Parallèlement à la réforme de l’appareil juridictionnel, la
Tunisie a mis en place une justice dite «transitionnelle», qui vise
à dévoiler à l’ensemble de la société les violations des droits
humains les plus fondamentaux pendant la période précédant la Révolution
en vue de la pacifier et de la réconcilier avec elle-même. En la
matière, l’Instance Vérité et Dignité qui est la clé de voûte de
cette justice a connu des développements contrastés: les auditions
des victimes des régimes en place depuis l’indépendance ont débuté
en novembre 2016 et ont provoqué au sein de la société une réelle
prise de conscience – qu’il faut saluer – de l’ampleur des violations
des droits de l’homme. À l’inverse, il est regrettable que sur un
sujet aussi majeur, le fonctionnement de l’Instance Vérité et Dignité
ne soit pas harmonieux, ce dont témoignent la démission de certains
de ses membres et la contestation aiguë de sa Présidente, Sihem
Ben Sédrine
.
61. En outre, le Président Béji Caïd Essebsi est à l’initiative
d’un projet de loi confiant à la justice transitionnelle l’examen
de crimes et délits en matière économique et financière commis sous
le régime de Ben Ali. Le souhait du Président est de ne pas juridictionnaliser
la procédure, notamment pour des raisons de délai, et de l’intégrer
dans le processus de réconciliation nationale. Une première mouture
de ce projet, qui confiait à une autorité distincte de l’Instance
Vérité et Dignité le soin de connaître de ces affaires, a donné
lieu en 2015 à un avis très critique de la Commission de Venise
. Je ne peux que souscrire
à l’interprétation de cette dernière: si l’Instance Vérité et Dignité
n’a pas le monopole de la justice transitionnelle, il importe que
le nouvel organe qui serait compétent pour instruire les affaires
de corruption ou de détournements de deniers publics présente les
mêmes garanties d’indépendance que l’Instance Vérité et Dignité
et que les procédures suivies soient équivalentes quant à l’établissement
de la vérité et la publicité des décisions prises par ce nouvel organe.
4.3. La
lutte contre la torture et les mauvais traitements
62. Largement répandue au sein
des forces de sécurité sous Ben Ali, la torture y perdure, selon
les observations finales du Comité des Nations Unies contre la torture
(CCT) publiées en mai 2016
. Celui-ci recommande notamment de
modifier l’article 101
bis du
Code pénal pour le rendre compatible avec la définition de la torture
contenue à l’article premier de la Convention contre la torture
et de mettre un terme à l’impunité des auteurs d’actes de torture
et de mauvais traitements
.
63. Le contexte de la lutte contre le terrorisme rend plus difficile
l’éradication de la torture au sein des forces de l’ordre. Le CCT
l’avait constaté dans ses observations
.
La visite, début février 2017, de M. Ben Emmerson, Rapporteur spécial
des Nations Unies sur la promotion et la protection des droits de
l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte anti-terroriste,
a été l’occasion de rappeler que celle-ci devait se fonder sur les
droits de l’homme. Entre autres, il s’est déclaré préoccupé du nombre
de détenus suspectés de terrorisme en attente de jugement et de
l’utilisation de la loi antiterroriste et d’autres actes législatifs
à l’encontre des journalistes
.
64. Cette position rejoint celles exprimées par certaines ONG
et acteurs de la société civile lors de l’adoption de la loi organique
de lutte contre le terrorisme et le blanchiment d’argent, dite loi
«no 26»
, qui a accru les pouvoirs des forces
de sécurité.
65. Enfin, il est important de rappeler que si la Tunisie n’applique
plus la peine de mort depuis 1991, les tribunaux continuent de la
prononcer, par exemple en cas de crime sur des enfants
ou dans
le cas de crime terroriste, par exemple à l’encontre des agents
des forces de sécurité
,
ce qu’autorise la loi no 26. Il est à
noter que notre collègue Mme Marietta
Karamanli, Rapporteure générale sur la peine de mort, a vigoureusement protesté
en juillet 2015, lors de l'adoption de cette loi
.
4.4. La
lutte contre les discriminations
4.4.1. Les
discriminations faites aux femmes: des avancées notables
66. À cet égard, la Tunisie, déjà
pionnière en Afrique du Nord et au sein du monde arabe, a continué
de progresser sur la voie de l’égalité. Dans sa
Résolution 1873 (2012), adoptée à l’occasion d’un débat sur l’égalité entre
les femmes et les hommes: une condition du succès du Printemps arabe,
l’Assemblée avait listé plusieurs préconisations pour la Tunisie
. Il
y a lieu de constater qu’une très grande partie d’entre elles ont été
mises en œuvre.
67. Ainsi, le 23 avril 2014, les Nations Unies ont confirmé la
réception de la notification de la Tunisie de retirer officiellement
l’ensemble de ses réserves spécifiques à la Convention sur l’élimination
de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF)
.
Le 10 novembre 2015, un amendement au projet de loi relatif aux
passeports et aux documents de voyage a permis aux femmes de voyager
avec leurs enfants mineurs sans avoir à demander l’autorisation
préalable de leur père. Enfin, en matière de représentation, les femmes
tunisiennes bénéficient d’une discrimination positive, tant pour
les élections législatives (elles comptent pour plus de 30 % des
membres de l’ARP), que municipales. Pour les prochains scrutins
locaux de décembre 2017, le législateur a ainsi imposé aux partis
politiques l’obligation de présenter des listes alternant un homme
– une femme et de confier la moitié des têtes de liste à des femmes.
68. En outre, l’ARP discute depuis fin mars 2017 d’un projet de
loi organique contre les violences faites aux femmes. Ce texte constitue
la première tentative de traiter ces violences dans leur globalité
et mêle réponses pénales, sociales et financières. Après une hésitation,
la suppression de l’article 227
bis du
Code pénal, dont l’application avait provoqué un réel émoi en Tunisie,
a été réintégrée dans ce projet, alors qu’il était envisagé de l’abroger
séparément
.
69. Si ces progrès sont à saluer, certaines avancées pourraient
encore être faites, par exemple en matière d’héritage – où la femme
est désavantagée par rapport à l’homme – ou de droit de garde –
pour lequel l’article 58 du Code du Statut Personnel discrimine
clairement la femme. Ces sujets sont sensibles en Tunisie et, comme
me l’a dit une de nos collègues de l’ARP à propos de l’héritage,
perçus, pour une frange de la population, comme étant liés à une
question identitaire. Au-delà de l’argument identitaire, les autres
enjeux actuels concernent l’application de cette législation progressiste
à l’ensemble des femmes, quelle que soit leur origine sociale ou
géographique, la prévention de la précarisation économique qui les
touche de manière particulière et plus généralement de toutes les
formes de «violences économiques» dont elles sont l’objet, à savoir
les différences de rémunération et d’accès à des postes de responsabilité.
4.4.2. La
lutte contre le racisme: un projet de loi spontané
70. En matière de lutte contre
les discriminations, la Tunisie est en train de se doter d’une loi
traitant spécifiquement du racisme, ce qui est une première. Le
projet a été déposé à l’ARP au mois de mars. Il intervient à la
suite d'une attaque au couteau de trois personnes d’origine congolaise
.
4.4.3. La
lutte contre l’homophobie: des progrès à faire
71. Si dans des domaines importants,
la Tunisie est en pointe pour lutter contre les discriminations,
tel est moins le cas en matière d’homophobie. L’article 230 du Code
pénal criminalise les rapports homosexuels et est appliqué par les
tribunaux
. En 2015, le ministre de la Justice
avait appelé à son abrogation, ce qu’a refusé le Président de la
République
. Le principe
de non-discrimination garanti par l’article 21 de la Constitution
est manifestement bafoué. Les poursuites ne semblent pas ralentir
et
cette criminalisation ne contribue certainement pas à faire baisser
le nombre d'agressions homophobes en Tunisie
.
72. Ces chantiers en cours ne doivent pas faire oublier les progrès
réalisés de manière générale dans le domaine des libertés publiques
depuis 2011. Interrogés sur les objectifs atteints six ans après
la Révolution, les Tunisiens placent la liberté en première position
avec 60 % de sondés qui considèrent que tel a bien été le cas
.
5. Les
défis majeurs de la société tunisienne
73. Deux défis majeurs semblent
conditionner la réussite de la transition démocratique tunisienne.
5.1. Le
défi économique
74. Comme l’indiquait le rapport
de Mme Anne Brasseur de 2012, la Révolution
n’a pas amélioré la situation économique. Pour autant, l’appareil
productif tunisien ne s’est pas effondré.
75. Si la croissance du produit intérieur brut (PIB) a été inférieure
à 1 % en 2015, elle était de 3,9 % en 2012, 2,3 % en 2013 et de
2,4 % en 2014. Elle devrait être légèrement inférieure à 2 % en
2016 et les projections du Fonds monétaire international (FMI) la
situent à 3 % en 2017. Alors même que les troubles sécuritaires
ont achevé le secteur touristique, qui comptait, avant la Révolution,
pour 7 % du PIB (recettes en baisse de 35 % en 2015), la Tunisie
n’a pas connu de récession.
76. Cependant, sa croissance est pour l’instant trop faible pour
résorber un chômage qui se situe à 15 % de la population active,
et qui touche particulièrement les femmes (23 %), les diplômés universitaires
(31 %) et les jeunes (32 %).
77. Si l’inflation annuelle est restée depuis 2012 inférieure
à 6 % et va en diminuant – elle devrait être de 3,6 % en 2016 –
«l’inflation ressentie par les ménages est plus forte, débouchant
ainsi sur une perception largement partagée de dégradation du pouvoir
d’achat, impression renforcée par la dépréciation du dinar»
, la monnaie nationale (-11 % par
rapport à l’euro entre 2015 et 2016).
78. Ces deux facteurs expliquent en partie le mouvement social
de janvier 2016, provoqué par la mort d’un chômeur à Kasserine,
et d’une ampleur que la Tunisie n’avait pas connue depuis 2011.
En avril 2016, le Forum tunisien pour les droits économiques et
sociaux (FTDS) a recensé 987 mouvements sociaux collectifs!
79. Le FMI, a accordé 2,9 milliards de dollars de prêts à la Tunisie
pour la période 2016-2020, la Banque mondiale 5 milliards. Mais
ces prêts sont conditionnés à des réformes structurelles, l’une
d’entre elles étant l’amélioration de la composition des dépenses
publiques, à savoir la réduction de la part salariale des agents publics
par rapport aux dépenses d’investissement. L’objectif est de diminuer
le poids de l’État et de réorienter les secteurs exportateurs de
l’économie tunisienne vers des produits et services à plus haute
valeur ajoutée par exemple que l’huile d’olive ou le phosphate,
deux ressources importantes pour les exportations.
80. Parallèlement aux engagements pris, la Tunisie a organisé
en novembre 2016 une conférence, «Tunisia 2020», destinée aux investisseurs
institutionnels: 14 milliards d’euros ont été promis sur la période
2017-2020, sous forme de dons, d’investissements et de conversion
de dette en investissements.
81. L’un des enjeux de la reprise économique réside dans la mise
en place d’outils de lutte contre la corruption. Avec l’appui du
Conseil de l’Europe, le Président de l’Instance nationale de lutte
contre la corruption (INLCC) a rendu début février 2017 un rapport
qui souligne notamment le besoin de renforcer la transparence de
l’administration au service de l’investisseur tunisien et étranger.
Il a proposé la publication périodique de toutes les informations,
indicateurs et données relatifs à la corruption et ses incidences
sur l’économie nationale et le citoyen. Parallèlement, le gouvernement
a signé en particulier avec l’INLCC, un pacte établissant une stratégie
nationale de lutte contre la corruption en décembre 2016 et fait
voter une loi le 22 février 2017 qui met en place des mécanismes
de dénonciation de la corruption et protège les lanceurs d’alerte.
82. L’autre enjeu économique est de mettre un terme aux déséquilibres
majeurs du pays, celui-ci étant coupé entre les régions relativement
riches de la côte et celles de l’ouest et du sud, plus délaissées
et d’où est partie la Révolution. L’organisation des premières élections
municipales et régionales prévue pour décembre 2017 couplée à la
mise en œuvre de la réforme territoriale devrait participer à ce
rééquilibrage entre le littoral et l’intérieur du pays. Pour mener
à bien cette réforme, les autorités tunisiennes ont fait notamment
appel à l’expertise de la France, selon le ministre des Affaires
étrangères. Des contacts ont également été établis avec le Congrès
des pouvoirs locaux et régionaux les 28, 29 et 30 mars 2017 pour
définir l’appui que ce dernier pourrait apporter dans le cadre de
son Partenariat Sud-Med.
5.2. Le
défi sécuritaire: de la lutte contre les terroristes à la gestion
des «revenants»
83. La période de contestation
de l’ordre public par les groupes salafistes, que la
Résolution 1893 (2012) dénonçait, est terminée. Celle du terrorisme d’Ansar
Al-Charia, d’Al Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI) et de Daech a
commencé. Face à lui, la Tunisie est en première ligne, non seulement
pour lutter contre les attentats, comme l’ont montré les attaques
de 2015 contre le musée du Bardo, un complexe touristique de Sousse
ou un bus de la garde présidentielle à Tunis
, mais aussi pour se
prémunir des infiltrations djihadistes à ses frontières. Le mont
Chaâmbi, à l’ouest du pays, à la frontière algérienne, a été le
théâtre des premiers affrontements armés entre les forces tunisiennes
et des groupes d’AQMI en 2013. Ils durent encore aujourd’hui. Par
ailleurs, en mars 2016, des combattants de Daech ont franchi la
frontière libyenne et tenté de prendre la ville de Ben Guerdane.
84. Les mesures prises par les autorités ont consisté à arrêter
un millier de personnes et à interdire de sortie du territoire 15 000
autres, à proclamer l’état d’urgence, qui est toujours en vigueur,
à réorganiser les forces de sécurité en créant notamment l’Agence
des renseignements et de la sécurité pour la défense et en multipliant
par deux le budget de la Défense (1,2 milliards d’euros en 2016),
à fermer 24 mosquées et à ériger un mur de protection le long d’une
partie de la frontière libyenne
. C'est
dans ce contexte que l’ARP a adopté la loi organique no 26.
85. Parallèlement, l’État tunisien a resserré sa coopération avec
l’armée algérienne
, les États-Unis
, la Grande-Bretagne et la France
pour sécuriser ses frontières ouest
et sud.
86. Cette lutte semble porter ses fruits: aucun attentat d’envergure
n’a été commis en Tunisie depuis mars 2016 et la présence djihadiste
dans le mont Châambi est moins virulente qu’en 2012.
88. Par ailleurs, en dépit de la rupture de ses relations diplomatiques
avec la Syrie depuis 2012, la Tunisie a maintenu une présence à
Damas afin de permettre «une étroite coordination [avec celle-ci]
sur le dossier des terroristes et des prisonniers tunisiens»
.
89. Selon le ministère de l’Intérieur tunisien, 800 revenants
auraient été emprisonnés ou placés sous surveillance depuis 2007.
90. Une étude du Centre tunisien de la recherche et des études
sur le terrorisme, créé au sein du Forum tunisien pour les droits
économiques et sociaux, et publiée en octobre 2016, dresse un portrait
des djihadistes tunisiens à travers 1 000 dossiers individuels judiciaires
, ce qui devrait aider le Gouvernement
tunisien à mettre en œuvre la stratégie de lutte nationale contre
le terrorisme, adoptée en novembre de la même année.
91. Enfin, l’ARP a voté la création d’une commission d’enquête
sur les filières de recrutement de Tunisiens au profit d'organisations
djihadistes, fin janvier 2017.
6. La
coopération avec l’Europe et la place de l’Assemblée
6.1. L'Union
européenne, un partenaire incontournable
92. Premier pays du sud de la Méditerranée
à avoir signé un Accord d'Association avec l'Union européenne, entré
en vigueur en 1998, la Tunisie a vu sa coopération s'inscrire dans
le cadre de la politique européenne de voisinage lancée en 2004.
En novembre 2012, après la Révolution, elle a bénéficié d'un Partenariat
Privilégié qui s'est fixé comme objectif de renforcer les relations
économiques bilatérales, entre autres par la conclusion d'un Accord
de libre échange complet et approfondi (ALECA).
93. Ce nouvel accord est censé aller au-delà de la libéralisation
commerciale entamée par l'Accord d'Association et intégrer l'économie
tunisienne plus étroitement dans le marché unique européen. L'ALECA devrait
compléter et approfondir la zone de libre échange pour les produits
manufacturés et l'étendre à de nouveaux secteurs comme les services
et l'agriculture. Le premier round de négociation s'est tenu en
avril 2016. À cette occasion, il a été rappelé que l'ouverture des
marchés serait asymétrique afin de tenir compte des différences
de développement et qu'elle serait progressive et accompagnée de
l'appui nécessaire pour améliorer la compétitivité de l'économie
tunisienne.
94. Les négociations de l'ALECA constituent un enjeu majeur, l'Union
européenne étant de loin le premier partenaire commercial de la
Tunisie en absorbant 71 % de ses exportations.
95. Au-delà des relations commerciales, de 2011 à 2015, l'Union
européenne a soutenu la Tunisie à hauteur de 2,8 milliards d'euros
tous mécanismes confondus (dons, assistance macro-financière, prêts).
96. La coopération technique et financière s'inscrit dans un Cadre
unique d'appui, dont la version 2014-2016, a définis trois domaines
d'intervention prioritaires: le soutien aux réformes socio-économiques
et l’appui à un développement plus équilibré et durable dans l’ensemble
des régions; le renforcement de l’État de droit et de la gouvernance;
des appuis aux organisations de la société civile.
6.2. Une
coopération avec le Conseil de l'Europe très satisfaisante qui pourrait
être plus dynamique au niveau parlementaire
97. Le 4 février 2015, le Comité
des Ministres a adopté le Partenariat de Voisinage avec la Tunisie
2015-2017
. Il a succédé au Partenariat couvrant
la période 2012-2014 et principalement centré sur la facilitation de
la transition politique à travers un appui à l'élaboration de la
Constitution et une aide au processus électoral.
98. Ce Partenariat revêt deux aspects. D'une part, un dialogue
politique renforcé qui s'étend du dialogue stratégique de haut niveau
avec le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe et le Comité des
Ministres sur les thématiques inscrites à l'agenda bilatéral et
les questions politiques d'intérêt commun, à des consultations plus
techniques sur la mise en œuvre du Partenariat. D'autre part, des
actions de coopération dans les domaines des droits de l'homme,
de l'État de droit et de la démocratie.
99. Le Partenariat est financé en grande partie par un Programme
Conjoint régional Union européenne/Conseil de l'Europe (69 %), complété
par des contributions volontaires (31 %). Pour 2015-2017, il devrait représenter
5,4 millions d'euros.
100. Le rapport d'étape du Groupe de rapporteurs sur les Relations
extérieures (GR-EXT) du 16 août 2016 indique que la coopération
avec la Tunisie en 2015 pour les six premiers mois de 2016 est très
positive et que le Conseil de l’Europe a reçu des demandes croissantes
de cette dernière dans des domaines où elle n'avait pas été envisagée,
comme le mécanisme national de prévention de la torture, la prévention
du terrorisme, la législation contre le trafic d'êtres humains,
les violences contre les femmes et les abus sexuels à l'encontre
des enfants.
101. Comme faits marquants, l'on retiendra que sur la même période,
la Tunisie s'est vu reconnaître le statut d'observateur au sein
de la Commission européenne pour l'efficacité de la justice (CEPEJ)
et cette dernière intervient désormais dans le cadre de la réforme
de la justice, non plus auprès de 4 mais de 10 «cours pilotes». Le
1er février 2017, à Tunis, le Groupe
d’États contre la corruption (GRECO) a présenté son diagnostic du cadre
institutionnel et législatif anti-corruption tunisien et énoncé
69 recommandations. En août 2015, l'ARP a demandé un avis à la Commission
de Venise sur le projet de loi organique relatif à la Cour constitutionnelle, qui
a été rendu en octobre de la même année. Selon le GR-EXT, ses représentants
ont également participé à des activités interparlementaires relatives
aux conventions du Conseil de l’Europe et ont joué un rôle important dans
la mise en place du mécanisme national de prévention de la torture.
En outre, la Tunisie est membre de la Commission de Venise et du
Centre européen pour l’interdépendance et la solidarité mondiales
(Centre Nord-Sud) basé à Lisbonne et a récemment manifesté son intérêt
pour la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des
enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE no 201,
«Convention de Lanzarote»).
102. Ce dynamisme de l'ARP auprès des organes du Conseil de l’Europe
gagnerait à être étendu à la sphère parlementaire. Bien que nos
homologues tunisiens soient systématiquement invités à assister
à toutes les parties de sessions de l’Assemblée et qu’ils assistent,
en effet, parfois aux parties de sessions de l'Assemblée ou aux
réunions de la commission des questions politiques et de la démocratie,
leur présence n’est pas régulière. En outre, l'objectif fixé par
le Partenariat pour le voisinage visant à discuter dès 2015 de l'octroi
du statut de partenaire pour la démocratie est, pour l'instant,
resté lettre morte.
7. Conclusions
103. À l’issue de la visite d’information
que j’ai effectuée à Tunis du 27 au 30 mars 2017, la réalité du
pays m’a paru contrastée.
104. La Tunisie a accompli d’immenses progrès en matière de démocratie,
de droits de l’homme et de construction d’un État de droit, sans
équivalent en Afrique du Nord ou dans le monde arabe. Elle dispose
d’une élite politique et administrative de haut niveau, motivée,
capable de trouver des compromis et dont l’engagement réformateur
est réel. Sa société civile est extrêmement dynamique, qu’elle propose,
contrôle ou critique l’action des pouvoirs publics.
105. En même temps, la Tunisie est entrée dans une phase délicate
de sa transition. L’enthousiasme révolutionnaire ou celui qui a
suivi l’adoption de la Constitution, cette «Constitution de la liberté»,
a laissé la place à une forme de désenchantement, exprimée par les
membres de la société civile ou les journalistes que j’ai rencontrés.
106. Pour partie, ce désenchantement tient à «une normalisation»
de la Tunisie et au fonctionnement procédural de la démocratie,
qui ne permet pas toujours de répondre à l’impatience d’une population
désireuse de voir des changements rapides se matérialiser. Pour
partie, aussi, il renvoie à une série de craintes: par exemple celle
de voir la lutte contre le terrorisme limiter la remise en cause
des pratiques policières; celle de voir des cadres de l’ancien régime
pointer leur nez dans les affaires publiques
(et, à cet égard,
le projet de loi sur la réconciliation nationale dans les domaines
économique et financier n’est pas le meilleur signal à adresser
au peuple tunisien); celle, enfin, de voir certains acteurs économiques
perturber le jeu démocratique, en entretenant un climat affairiste
propice à la corruption ou en mettant la main sur des médias à même
de relayer leurs intérêts et d’orienter le vote des électeurs.
107. Ceci, alors même que la situation matérielle des journalistes,
en particulier ceux qui travaillent pour des groupes placés sous
la tutelle de l’État, n’est pas toujours des meilleures. En outre,
le communiqué de presse publié par le Syndicat national des journalistes
tunisiens
à la suite de la décision du Ministère
de l’Intérieur du 3 avril 2017 d’interdire, dans le cadre de l’état
d’urgence, la diffusion d’un titre de presse controversé, devrait nous
inciter à encourager les autorités tunisiennes à préserver la réelle
indépendance des journalistes qui est un acquis de la Révolution,
à garantir que les groupes de presse se comportent de manière éthique
et à privilégier les procédures civiles et pénales pour réprimer
les comportements illégaux qui ne mettent pas en danger la sécurité
nationale. Pour ce faire, il importe de soutenir la Haute autorité
indépendante de la communication audiovisuelle dans sa mission de
régulation et de créer le plus rapidement possible l’Instance constitutionnelle
indépendante en charge du secteur audiovisuel. Enfin, le règlement
de la question des organes de presse confisqués et administrés par
la puissance publique après la chute du régime de Ben Ali ainsi
que celle des journalistes qui y sont employés contribuerait à assainir
le secteur de l’audiovisuel.
108. En ce qui les concerne, les représentants de la société civile
et les Présidents d’Instances indépendantes que j’ai rencontrés
se sont retrouvés sur la nécessité d’être particulièrement vigilants
quant aux évolutions à venir.
109. La crainte qui surpasse cependant toutes les autres et qui
est commune à beaucoup d’acteurs de la vie tunisienne est celle
du contexte géopolitique. D’une part, l’Initiative tunisienne lancée
par le Président Béji Caïd Essebsi pour la Libye, qui vise à trouver
une solution négociée dans le cadre défini par les Nations Unies,
celui de l’accord de Skhirat, avec l’appui de l’Algérie et de l’Égypte,
se heurte pour l’instant au refus des autorités de Tripoli et de
Tobrouk de se parler. D’autre part, les incertitudes liées à la
succession du Président algérien, M. Abdelaziz Bouteflika, pourraient
profondément déstabiliser les régions du sud et de l’ouest tunisien frontalières
de l’Algérie.
110. Dans ce contexte changeant, il appartient à l’Europe de ne
pas oublier que la Tunisie n’est pas un simple voisin de palier
à 75 km de ses frontières. La Tunisie est un proche qui, avec des
ressources limitées, dans un cadre géopolitique incertain, est en
première ligne. En première ligne sur le front démocratique et sur
le front sécuritaire.
111. Le Conseil de l’Europe et l’Union européenne aident la Tunisie
de manière importante. Mais ce que la Tunisie attend, c’est une
reconnaissance de la particularité de sa situation et des risques
qui pèsent sur elle. Si la Tunisie est un modèle pour la région
et pour le monde arabe, ce que les Européens ne cessent de dire, alors
elle mérite que l’Europe fasse plus que négocier un «accord de libre-échange
complet et approfondi» avec elle.
112. L’Europe doit assurer la Tunisie qu’elle ne la laissera pas
être déstabilisée par son environnement. L’Europe doit aussi reconnaître
que son destin et celui de la Tunisie sont étroitement liés, parce
qu’elle est de très loin son premier partenaire économique et commercial
et surtout parce que, si la situation se détériore en Tunisie, au-delà
de l’impact symbolique négatif sur le reste du monde arabe, l’Europe
en subira directement les conséquences, en matière de sécurité et
de flux migratoires.
113. Pour mémoire, en 2012, plus d’un million de personnes ont
franchi la frontière avec la Libye et, pour la seule année 2011,
le Forum tunisien des droits économiques et sociaux avait estimé
à près de 40 000 le nombre de migrants tunisiens qui ont traversé
le canal de Sicile vers l’Italie
.
114. De tous les pays où le printemps arabe s’est levé, la Tunisie
est le seul qui a réussi sa transition démocratique. Elle construit
maintenant son État de droit, à travers des affrontements, des compromis,
des manifestations, des grèves... Il est de la plus haute importance
que le Conseil de l’Europe et l’Union européenne soient à ses côtés
pour qu’elle puisse expérimenter, avec la vigueur de la jeunesse,
le jeu du pluralisme, sans pâtir de l’instabilité régionale.