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Rapport d’observation d’élection | Doc. 14325 | 29 mai 2017

Observation des élections législatives en Arménie (2 avril 2017)

Rapporteure : Mme Liliane MAURY PASQUIER, Suisse, SOC

1. Introduction

1. Le 23 janvier 2017, le Bureau de l’Assemblée a pris note de la lettre envoyée le 12 janvier par le Président de l’Assemblée nationale d’Arménie l’invitant à observer les élections législatives le 2 avril 2017; il a décidé d’observer lesdites élections et constitué à cet effet une commission ad hoc composée de 30 membres (PPE/DC: 11, SOC: 10, CE: 4, ADLE: 4, GUE: 1 – selon le système D’Hondt) ainsi que des corapporteurs de la commission de suivi. Il a également autorisé une mission préélectorale.
2. Le 27 janvier 2017, le Bureau a approuvé la liste des membres de la commission ad hoc (sous réserve de la réception des déclarations de conflit d’intérêts) et désigné Mme Liliane Maury Pasquier (Suisse, SOC) comme présidente. La liste des membres fait l’objet de l’annexe 1.
3. Conformément à l’accord de coopération signé entre l’Assemblée parlementaire et la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) le 4 octobre 2004, un représentant de la Commission de Venise a été invité à se joindre à la commission ad hoc en qualité de conseiller juridique.
4. Une délégation préélectorale s’est rendue à Erevan les 22 et 23 février 2017. Son programme, sa déclaration et sa composition font l’objet des annexes 2 et 3.
5. Pour l’observation des élections législatives, la commission ad hoc a opéré dans le cadre d’une mission internationale d’observation des élections (MIOE) aux côtés des délégations de l’Assemblée parlementaire de le l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), du Parlement européen et de la mission d’observation électorale (MOE) du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme de l’OSCE (OSCE/BIDDH).
6. La commission ad hoc («délégation de l’APCE») s’est réunie en Arménie du 31 mars au 3 avril 2017 pour observer les élections législatives le 2 avril. Le programme des réunions de la délégation fait l’objet de l’annexe 4.
7. Le jour du scrutin, la délégation de l’APCE s’est scindée en 12 équipes qui ont observé les élections à Erevan et dans les environs, ainsi que dans les régions et communes suivantes: Kotayk, Gegharkunik, Gyumri, Aragatsotn, Armavir, Tavush, Lori et Ararat.
8. Le lendemain, la MIOE a tenu une conférence de presse conjointe et publié une «Déclaration des résultats et conclusions préliminaires» et un communiqué de presse (annexe 5).

2. Contexte politique

9. Suite aux amendements constitutionnels approuvés par référendum le 6 décembre 2015, l’Arménie opère sa transition d’un régime politique semi-présidentiel à un régime parlementaire. Les amendements ont réduit les pouvoirs du président en faveur du premier ministre et du parlement et modifié le système électoral qui cesse d’être majoritaire pour devenir – pour l’essentiel – proportionnel, avec 13 listes de circonscription. Il s’agissait des premières élections organisées dans le cadre du nouveau régime politique.
10. Aux dernières élections législatives, en 2012, le Parti républicain d’Arménie (HHK) avait remporté 69 sièges sur 131 et formé le gouvernement. En 2016, il a formé une coalition avec la Fédération révolutionnaire arménienne qui détenait cinq sièges. L’opposition parlementaire comprenait les partis suivants: Arménie prospère avec 33 sièges, Congrès national arménien avec 7 sièges, Renaissance arménienne avec 5 sièges et Patrimoine avec 4 sièges.

3. Cadre juridique

11. Les élections législatives sont réglementées par un cadre juridique général, comprenant principalement la Constitution telle qu’amendée, le Code électoral de 2016 et les règles et décisions de la Commission électorale centrale (CEC). Le processus de réforme qui a conduit au nouveau Code électoral a été qualifié d’inclusif et considéré par la plupart des interlocuteurs de la MIOE comme un pas en avant permettant de renforcer la confiance générale dans le processus électoral. Des organisations de la société civile avaient été associées initialement aux discussions sur le projet de code électoral, mais elles n’ont pas souscrit au texte final, leurs demandes de réduire les restrictions imposées aux observateurs citoyens n’ayant pas été prises en compte.
12. Le nouveau Code électoral qui a été adopté moins d’un an avant le jour du scrutin a pris en compte bon nombre de précédentes recommandations de la Commission de Venise. Il prévoit une meilleure identification des électeurs, des mesures pour renforcer l’indépendance des instances électorales, la suppression du test obligatoire pour les observateurs citoyens et un relèvement du quota par sexe sur les listes de candidats. Les amendements ont également clarifié d’importantes dispositions ayant trait aux activités de campagne, au financement de la campagne, à l’inscription des candidats et aux plaintes et recours. Le code a prévu en outre la publication des listes électorales signées, l’utilisation de dispositifs d’authentification des électeurs (DAE) ainsi que de caméras web le jour du scrutin pour identifier les électeurs et prévenir le vote multiple, l’usurpation d’identité et la fraude.
13. Cela étant, certaines recommandations antérieures de la Commission de Venise ne sont toujours pas prises en compte, notamment celles portant sur les règles strictes concernant le statut juridique pour former des recours électoraux, sur les critères de citoyenneté et de résidence à remplir par les candidats, tels qu’énoncés dans la Constitution, sur les seuils électoraux requis pour l’entrée des coalitions au parlement, sur la constitution des listes de candidats pour les minorités nationales et sur l’exclusion des dépenses organisationnelles dans les rapports de financement de campagne. Plusieurs interlocuteurs de la MIOE se sont également déclarés préoccupés par la complexité des procédures de vote, la limitation du nombre de citoyens observateurs et de journalistes autorisés à être présents dans les bureaux de vote et les sanctions pénales pour communication involontaire par négligence ou intentionnelle d’informations inexactes tirées des listes électorales signées. Certains de ces points se sont avérés problématiques durant ces élections.
14. Le nouveau système électoral est très complexe. Il prévoit l’élection d’au minimum 101 députés par un système proportionnel à deux niveaux avec des candidats élus à partir d’une liste nationale unique et de 13 listes de circonscription. Pour se qualifier pour la répartition des sièges, les partis politiques doivent dépasser un seuil de 5 %, les coalitions, un seuil de 7 %. Le système prévoit également de réserver jusqu’à quatre sièges pour les principales minorités nationales (Yézidis, Russes, Assyriens et Kurdes). Conformément au Code électoral, une «majorité parlementaire stable» (fixée à 54 % des sièges) doit être obtenue pour former un gouvernement. Si ni les résultats des élections ni la formation d’une coalition politique dans les six jours suivant la finalisation des résultats n’aboutissent à une majorité «stable», il sera tenu un second tour entre les deux listes arrivées en tête, ce, 28 jours après le premier tour de scrutin.
15. Quelques interlocuteurs de la MIOE ont critiqué la complexité du système électoral qui s’écarte d’un système purement proportionnel; ils se sont également inquiétés du manque de mesures d’information et de sensibilisation du public à la manière dont les voix se traduisent en sièges au parlement.
16. Le bulletin de vote comprend deux pages; sur l’une figure la liste nationale, sur l’autre la liste des candidats du district. Ces derniers doivent figurer sur la liste nationale. A la possibilité de choisir un bulletin avec la liste du parti, vient s’ajouter pour l’électeur celle de donner un vote de préférence à un candidat de district. D’aucuns ont considéré que le vote de préférence à un candidat de district prévu dans le nouveau système électoral donnait la possibilité à des hommes d’affaires et candidats fortunés locaux d’utiliser de manière illégale d’importantes ressources administratives et financières, étant donné l’extrême faiblesse des mécanismes de contrôle du financement de la campagne électorale et des partis politiques.
17. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a observé toutes les élections législatives et présidentielles tenues en Arménie depuis 1995. De 2000 à 2016, la Commission de Venise a adopté plus d’une vingtaine d’avis sur différents aspects du cadre juridique électoral de ce pays, la plupart à la suite de demandes émanant des autorités arméniennes.
18. En dépit de ce nombre considérable d’avis et des modifications apportées ultérieurement au cadre juridique électoral, de nombreux problèmes électoraux récurrents constatés par les missions internationales d’observation au cours de précédentes élections n’ont toujours pas été traités.

4. Administration électorale, listes électorales et inscription des candidats

19. Les élections ont été gérées par un système d’administration électorale à trois niveaux comprenant la CEC, 38 commissions électorales territoriales (CET) et 2 009 commissions électorales de secteur (CES). La CEC est un organe permanent et professionnel, comprenant sept membres élus par le parlement pour un mandat de six ans. Tous les membres de la CEC ont été réélus en octobre 2016 à une forte majorité au parlement.
20. La CEC a mené ses activités de manière transparente, fonctionné dans l’ensemble de manière collégiale et efficace, et respecté les délais légaux; elle a toutefois manqué de rigueur dans le traitement des plaintes. Ses sessions auxquelles participaient des observateurs, des médias et des représentants des partis ont été diffusées en flux continu sur internet. Les décisions et les ordres du jour ont été publiés en temps utile sur son site web. La CEC a approuvé les règlements intérieurs des CET et des CES et adopté des lignes directrices pour les observateurs et les délégués de partis. Le nouveau Code électoral confère à la CEC le pouvoir de délivrer des instructions juridiquement contraignantes pour garantir l’application uniforme de la loi. Cela étant, elle a préféré publier – à l’intention des commissions des niveaux inférieurs – des explications qui ne sont pas considérées comme juridiquement contraignantes, ce, au détriment de la certitude juridique.
21. La CEC a mis au point et diffusé un large éventail de matériels imprimés et audiovisuels d’éducation électorale portant sur les nouvelles procédures le jour du scrutin. La distribution des matériels imprimés n’a cependant pas été suffisamment large pour atteindre les électeurs des régions reculées.
22. Les matériels ont été présentés dans des formats accessibles aux personnes handicapées. Il n’a pas été produit de matériel d’éducation électorale dans les langues minoritaires.
23. Les CET mises en place en 2016 sont des organes professionnels comprenant sept membres désignés par la CEC pour des mandats de six ans. Les CET sont chargées de superviser les CES, de traiter les recours contre les CES, de recompter les voix et de compiler les résultats électoraux. Les CES ont été constituées le 11 mars pour l’organisation du scrutin et le dépouillement des suffrages. Alors que de nombreux interlocuteurs de la MIOE ont exprimé leur confiance dans le travail des CET, l’impartialité des CES a été mise en doute, les partis au pouvoir ayant été favorisés dans l’attribution des fonctions de direction. La qualité de la formation organisée par la CEC à l’intention des CES a été évaluée dans l’ensemble de manière positive. Cela étant, la complexité des procédures le jour du scrutin a suscité des inquiétudes quant à la capacité des CES de les gérer.
24. Les femmes sont bien représentées dans l’administration électorale. Trois membres sur les sept que compte la CEC sont des femmes, notamment la vice-présidente. Les femmes représentent 35 % des membres des CET, mais 16 % seulement occupent des fonctions dirigeantes. Des observateurs de la MIOE ont fait état de pourcentages supérieurs dans la composition des CES (les femmes formant quelque 57 % des membres dont 39 % de présidentes dans les CES observées).
25. Tous les citoyens de plus de 18 ans le jour du scrutin ont le droit de voter, à moins d’avoir été déclarés inaptes par une décision de justice. Conformément à une précédente recommandation de l’OSCE/BIDDH et de la Commission de Venise, la Constitution modifiée accorde le droit de vote aux détenus condamnés pour des délits mineurs. L’inscription des électeurs est passive (automatique) et les listes électorales sont basées sur le registre d’état civil que tient le Service des passeports et des visas de la police et dans lequel sont inscrits tous les électeurs ayant une résidence permanente officielle en Arménie. A la date du 28 mars, le registre électoral comprenait au total 2 654 195 électeurs dont un nombre significatif d’électeurs résidant à l’étranger et conservant une résidence officielle en Arménie. A noter en outre, la tenue de listes spéciales pour les électeurs militaires et ceux qui sont incarcérés ou en détention provisoire.
26. L’amélioration de la coopération interinstitutionnelle, notamment l’intégration de systèmes informatiques et la communication des personnels entre le service des passeports et des visas et le ministère de la Justice, s’est traduit par des listes électorales plus exactes et plus inclusives, notamment en ce qui concerne la radiation des électeurs décédés. Le Code électoral prévoit des mécanismes suffisants permettant aux électeurs de demander au service des passeports et visas de procéder aux rectifications. Cela étant, les listes électorales comportent toujours des inscriptions trop nombreuses à une même adresse: il y a ainsi quelque 2 500 adresses correspondant chacune à l’inscription de 15 électeurs ou plus. D’où la nécessité d’un nouvel épluchage des listes par les autorités.
27. En réponse aux demandes de longue date de l’opposition et de la société civile et en vue de prévenir l’usurpation d’identité le jour du scrutin, d’importantes mesures ont été mises en œuvre pour améliorer la transparence de la procédure d’inscription. Les listes électorales préliminaires et définitives ont été affichées dans les bureaux de vote pour pouvoir être examinées par le public les 21 février et 30 mars respectivement. Comme l’exige la loi, le service des passeports et des visas a également publié la totalité des listes électorales préliminaires et définitives sur son site web. De plus, la CEC avait prévu de publier pour le 3 avril des versions scannées des listes électorales signées de tous les CES permettant des contrôles publics de ceux qui ont voté, mais auraient été à l’étranger. Tous les interlocuteurs de la MIOE ont considéré ceci comme un puissant moyen de dissuasion pour les fraudeurs potentiels, en dépit d’inquiétudes concernant la divulgation de données à caractère privé des électeurs. De telles dispositions ne devraient cependant pas se substituer aux mesures effectives que doivent prendre les pouvoirs publics contre tous ceux qui se livrent à des malversations électorales.
28. Pour faciliter le droit de vote, les électeurs ont eu la possibilité de modifier leur inscription et de s’inscrire là où ils se trouveront physiquement le jour du scrutin. Plusieurs partis politiques et organisations non gouvernementales (ONG) craignaient toutefois que certains candidats de district ne fassent pression sur les électeurs pour les amener à s’inscrire dans les districts dans lesquels ils se présentaient. Selon les agents du service des passeports et visas, il n’a pas été pris de mesures concertées de transport collectif et de réinscription d’électeurs dans des districts où ils ne résident pas habituellement.
29. En vue de prévenir toute fraude électorale par l’usurpation d’identité et l’utilisation abusive des données des listes électorales, les électeurs ont été identifiés le jour du scrutin par les dispositifs d’authentification des électeurs (DAE), qui contenaient une copie électronique des listes d’électeurs. Les documents d’identité des électeurs ont été scannés pour vérifier si l’électeur était bien inscrit dans le bureau de vote en question et s’il avait déjà été entré dans le système comme ayant voté. Les empreintes digitales des électeurs ont aussi été scannées et la CEC a signalé à la MIOE qu’elle prévoyait de procéder à des vérifications croisées pour détecter les cas potentiels de vote multiple en cas de recours. La mise en place des DAE a été saluée par la plupart des interlocuteurs de la MIOE comme un outil des plus utiles pour instaurer la confiance du public dans l’intégrité de la procédure le jour du scrutin.
30. Dans une démarche inclusive, la CEC a enregistré les listes de candidats présentés par les cinq partis politiques et les quatre coalitions, soit au total 1 558 candidats pour ces élections: Renaissance arménienne, Fédération révolutionnaire arménienne, Parti communiste d’Arménie, Alliance Congrès national–Parti du peuple arménien, Parti des démocrates libres, Alliance Ohanyan-Raffi-Oskanian, Parti républicain d’Arménie, Alliance Tsarukyan et Alliance Yelk.
31. Les candidats devaient remplir les critères suivants: avoir la qualité d’électeur éligible, être âgés d’au moins 25 ans, résider en Arménie et ne posséder que la seule citoyenneté arménienne dans les quatre années précédant les élections et avoir une bonne maîtrise de la langue arménienne. Tenant compte d’une précédente recommandation de l’OSCE/BIDDH et de la Commission de Venise, le test linguistique organisé par le ministère de l’Éducation et des Sciences était fondé sur des critères raisonnables et objectifs.
32. Cela étant, la restriction fondée sur la citoyenneté d’un autre État est en porte-à-faux avec la jurisprudence internationale.
33. Les listes de candidats pouvaient être présentées par des partis politiques et des coalitions. Une liste peut comporter des membres non affiliés à un parti, mais la loi ne prévoit pas de possibilité pour des candidats de se présenter à titre individuel. Les partis politiques participant aux élections ont présenté chacun une liste nationale unique comportant au minimum 80 candidats et des listes de district correspondant aux 13 districts électoraux. Seuls Résistance arménienne, l’Alliance Congrès national–Parti du peuple arménien, le Parti républicain d’Arménie et l’Alliance Tsarukyan ont désigné des candidats pour la liste des minorités nationales. Quelques autres partis avec lesquels s’est entretenue la MIOE ont fait état de difficultés pour trouver des candidats des minorités qui ne soient pas loyaux envers le parti au pouvoir. Les partis et les coalitions ont déposé une caution financière qui leur sera restituée si la liste obtient plus de 4 % des votes valides.
34. Tous les partis en lice se sont conformés à l’exigence du Code électoral selon laquelle les deux sexes doivent être représentés à hauteur d’au moins 25 % des candidats figurant sur les listes nationales, avec un représentant de chaque sexe dans tout groupe de quatre candidats. Autre avancée notable, le quota par sexe a également été appliqué à la répartition des sièges obtenus et vacants. Près de 30 % des candidats inscrits étaient des femmes.

5. Campagne électorale, financements et médias

35. La campagne électorale officielle a débuté le 5 mars et s’est achevée le 1er avril, 24 heures avant le jour du scrutin. La campagne a démarré lentement et s’est intensifiée au fur et à mesure que se rapprochait le jour du scrutin. Selon les ressources dont ils disposaient, les partis ont fait campagne sous diverses formes: rassemblements, cortèges de voitures, porte à porte, affiches, annonces dans les médias et messages via les médias sociaux. La plupart des campagnes s’articulaient autour de candidats individuels plus que de plates-formes politiques ou de programmes politiques. Les femmes se sont montrées très actives comme candidates; cela étant, les plates-formes des partis n’ont pas abordé de manière directe les questions liées à l’égalité de genre. Les partis et candidats en lice ont été dans une large mesure à même de faire campagne sans restrictions, mais des incidents violents isolés ont été signalés dans quelques régions du pays.
36. Pour prévenir l’usage abusif de ressources administratives, le Code électoral interdit aux fonctionnaires gouvernementaux de faire campagne dans l’exercice de leurs fonctions et d’utiliser à cette fin les bâtiments publics. Fait positif, dans les régions concernées, bon nombre d’entre eux ont pris congé pour faire campagne, alors que les fonctionnaires du gouvernement central, dont le premier ministre, ont le plus souvent fait campagne le week-end.
37. De très nombreuses allégations d’achat de voix pour tel ou tel parti ont été signalées dans l’ensemble du pays; la MIOE a recueilli beaucoup de signalements crédibles directement auprès du public. Plusieurs interlocuteurs, dont des fonctionnaires gouvernementaux, ont indiqué que l’achat de voix était dorénavant bien ancré dans la culture politique, le fait d’accepter de l’argent ou d’autres avantages en échange de voix étant souvent justifié par l’extrême pauvreté et l’absence d’opportunités économiques. D’où un climat délétère et dans l’ensemble une moindre confiance du public dans le processus électoral.
38. La MIOE a également recueilli des signalements crédibles de pressions et manœuvres d’intimidation sur des électeurs, en particulier sur des employés du secteur privé et public. Selon des informations obtenues par l’Union des citoyens informés, 114 chefs d’établissements ont admis avoir recueilli des listes de noms d’enseignants et de parents d’élèves qui apporteraient leur soutien au Parti républicain d’Arménie. Ces listes ont été remises par la suite aux pouvoirs locaux. Deux partis politiques ont porté plainte auprès de la CEC en faisant valoir qu’il s’agissait en l’occurrence d’un abus de ressources administratives. Bien que les électeurs aient été généralement libres de se procurer des informations sur tous les partis participant aux élections, certains partis d’opposition ont informé la MIOE que leurs partisans faisaient l’objet de pressions pour ne pas assister à leurs réunions.
39. Plusieurs employés du service public ont informé les observateurs internationaux que le 15 mars, le Gouverneur de la région de Syunik leur avait ordonné de voter pour le Parti républicain d’Arménie. Le directeur d’un centre culturel de Syunik a demandé à son personnel de créer des listes de soutiens du Parti républicain. Des enseignants ont été menacés de licenciement s’ils ne votaient pas pour le Parti républicain. Des enseignants, des médecins et d’autres employés du service public ont été invités par leurs supérieurs hiérarchiques à assister à des réunions avec un candidat du Parti républicain dans la ville d’Armavir. Le propriétaire d’une entreprise privée d’Erevan a menacé ses employés de licenciement s’ils ne lui fournissaient pas une liste avec un nombre suffisant de soutiens potentiels du Parti républicain.
40. Les nombreuses allégations d’achat de voix et de pressions et manœuvres d’intimidation à l’encontre d’électeurs ont eu généralement des incidences négatives sur la campagne et suscité des inquiétudes concernant la capacité des électeurs à insérer leur bulletin dans l’urne sans crainte de représailles.
41. Conformément à la loi, tous les partis politiques participant aux élections ont ouvert un compte bancaire spécial pour les transactions financières de leur campagne sur lequel pouvaient être déposés les contributions des électeurs, les fonds personnels des candidats et ceux des partis. Les contributions de personnes morales et les financements de sources étrangères et anonymes n’étaient pas autorisés. La loi a fixé le plafond des dépenses de campagne à 500 millions AMD (approximativement € 950 000) par candidat pour le premier tour.
42. A la suite de précédentes recommandations de l’OSCE/BIDDH et de la Commission de Venise, quelques dispositions juridiques concernant le reporting financier et la supervision de la campagne sur ce plan ont été renforcées. Selon le Code électoral, le Service de supervision et d’audit (SSA) devait agir de manière indépendante de la CEC, or celle-ci désigne le chef du SSA et la loi ne définit pas précisément son statut institutionnel ou ses méthodes de travail. En outre, le SSA ne peut ni engager de procédures administratives de sa propre initiative ni contester une décision de la CEC. Six auditeurs ont été désignés par les partis siégeant au parlement pour coopérer avec le SSA, mais leurs activités n’ont été ni suffisamment réglementées ni menées systématiquement. Dans l’ensemble, le SSA n’a pas pris les devants pour contrôler le financement de la campagne.
43. Tous les partis politiques participant aux élections ont présenté deux rapports financiers avant le jour du scrutin, pour déclarer les dons et les dépenses. Le SSA n’a pas relevé de violations des règles de financement de la campagne; il a publié les informations sur les montants totaux des recettes et dépenses des candidats sur le site web de la CEC. La Banque centrale a communiqué tous les trois jours au SSA une liste de donateurs, mais ces informations n’ont pas été publiées. En dépit d’une précédente recommandation de l’OSCE/BIDDH et de la Commission de Venise, les «dépenses opérationnelles» pour les bureaux de campagne, les transports et la communication, entre autres, ont été exclues du reporting financier de la campagne, ce qui est préjudiciable à la pleine transparence et à l’intégrité du système de financement de la campagne.
44. La liberté d’expression garantie par la Constitution a pu généralement s’exercer. De multiples médias opèrent en Arménie, mais le paysage médiatique se caractérise par un marché publicitaire limité procédant de liens politiques, ce qui ne laisse de place qu’à une poignée de médias autonomes. Les principales chaînes de télévision commerciale seraient financées par des hommes d’affaires pour promouvoir leurs intérêts politiques et commerciaux, souvent perçus par les interlocuteurs de la MOIE comme liés au gouvernement. Faute de transparence, il est difficile de savoir précisément à qui appartiennent en définitive les médias.
45. Des journalistes ont indiqué à la MIOE que l’ingérence des propriétaires des médias dans leur autonomie rédactionnelle les conduit à s’autocensurer et les dissuade de présenter des informations critiques à l’égard du gouvernement, notamment sur les chaînes de télévision publique. Les sujets d’intérêt public ayant trait aux élections, notamment la publication des listes de soutiens recueillies par les chefs d’établissements scolaires et les plaintes électorales instruites par la CEC n’ont pas été traités par les programmes d’information en prime time de la chaîne publique H1, mais présentés dans d’autres médias. Les journalistes ont aussi signalé de récents cas de violences envers des journalistes et considéré que l’insuffisance des poursuites compromettait leur sécurité et nuisait à leur travail. A noter en revanche, l’absence d’ingérence dans la liberté de l’internet: les sources d’information en ligne contribuent à un pluralisme accru des médias et à la diffusion d’éléments critiques envers le gouvernement. De plus, quelques médias en ligne financés par des donateurs internationaux offrent un espace à un journalisme de fond et d’investigation.
46. Le Code électoral dispose que la télévision et la radio doivent assurer une couverture «impartiale et non critique» des actualités de campagne des candidats. Cette disposition est vague; sa teneur n’a pas été explicitée par l’instance chargée de superviser la mise en œuvre des dispositions ayant trait aux médias durant la campagne, à savoir la Commission nationale pour la télévision et la radio (CNTR). De nombreux journalistes de télévision ont interprété la disposition comme l’obligation d’assurer une couverture identique en termes de temps à chaque candidat en lice dans chaque programme et se sont plaints de ne disposer de ce fait que d’un temps limité pour présenter des sujets de fond sur la campagne. La CNTR n’a pas communiqué d’indications sur les modalités d’évaluation de l’inégalité de couverture.
47. Au cours de la campagne, la chaîne publique H1 a accordé au total 60 minutes de temps d’antenne gratuit par parti candidat conformément à la loi. De plus, tous les partis candidats ont acheté de la publicité politique sur les chaînes observées dans des conditions d’équité. Les résultats du monitoring de la mission d’observation électorale de l’OSCE/BIDDH ont montré que durant la campagne la chaîne publique H1 a consacré un temps d’antenne équitable à tous les partis en lice dans ses émissions d’information. Armenia TV a présenté quasiment deux fois plus d’informations concernant le Parti républicain d’Arménie et l’Alliance Congrès national-Parti du peuple arménien (21 % et 19 % respectivement) que tous les autres partis en lice. Kentron TV a nettement plus couvert l’actualité de l’Alliance Tsarukyan (18 %) que celle des autres partis candidats. Shant TV a consacré 20 % des informations au Parti républicain d’Arménie et 7 % à 12 % aux autres. Yerkir Media a favorisé la Fédération révolutionnaire arménienne avec 25 % de ses informations par rapport aux 6 % à 13 % consacrés aux autres. Les informations présentées sur toutes les chaînes observées étaient neutres ou positives dans 98 % des cas. Cela étant, les résultats de l’observation des médias dans la période allant du 24 février au 4 mars, avant le début de la campagne officielle, ont révélé chez les chaînes observées un net parti pris en faveur du parti auquel elles sont considérées publiquement comme étant liées.
48. D’une manière générale, la couverture de la campagne sur les chaînes de télévision les plus populaires Armenia TV, Shant TV et la chaîne publique H1 a été limitée et la programmation en prime time durant la campagne a été dominée par des émissions de divertissement. Kentron TV et Yerkir Media ont proposé davantage d’émissions se rapportant aux élections, notamment des interviews et des débats. Ces chaînes ont toutefois une part d’audience moindre. Il n’y a pas eu sur les grandes chaînes de télévision, dont H1, de débats télévisés qui eussent permis aux électeurs de comparer les programmes électoraux des partis en lice et aux partis d’opposition de critiquer les partis au pouvoir en direct et en public.

6. Plaintes et recours

49. Le Code électoral prévoit la possibilité de contester les décisions, actions et inactions des commissions électorales devant les commissions supérieures, alors que les plaintes contre la CEC relèvent de la compétence du tribunal administratif. Les plaintes concernant les résultats électoraux sont du ressort exclusif de la Cour constitutionnelle. Contrairement à une précédente recommandation de l’OSCE/BIDDH, le Code électoral limite le droit de porter plainte aux personnes dont les droits électoraux personnels sont mis en cause. Seuls les candidats en lice, mais non les électeurs, peuvent faire appel des résultats électoraux définitifs, contrairement aux normes internationales et aux bonnes pratiques. Dans l’ensemble, les nouveaux délais pour les dépôts et règlements de plaintes sont raisonnables.
50. En dépit d’un nombre considérable d’allégations soulevées tout au long du processus, peu de plaintes ont été déposées auprès de l’administration électorale et des tribunaux. La CEC a reçu 15 plaintes dont quatre de candidats en lice. Les neuf autres plaintes provenaient d’ONG et ont été ultérieurement rejetées pour incapacité d’ester en justice; cela étant, la CEC a examiné les questions ex officio.
51. Toutes les plaintes avaient trait à des violations des règles de campagne; elles portaient notamment sur des allégations d’installation de bureaux de campagne dans des bâtiments appartenant à l’État, de promesses de biens et services à des électeurs, de détournement de ressources administratives et de campagnes menées dans l’exercice des fonctions officielles.
52. La CEC a rejeté deux plaintes dans lesquelles les partis demandaient la radiation du Parti républicain d’Arménie pour détournement de ressources administratives en associant des chefs d’établissements et des enseignants dans la collecte de listes de soutiens. La CEC a considéré qu’il n’était pas prouvé que les chefs d’établissements et les enseignants recueillaient les signatures dans l’exercice de leurs fonctions officielles ou pendant la période de campagne. Bien que la CEC ait examiné certains des faits allégués, elle était peu disposée à procéder à un examen approfondi des points litigieux, notamment des éventuelles pressions et manœuvres d’intimidation dont les enseignants auraient fait l’objet pour collecter les signatures.
53. Les CET n’ont pas reçu de plaintes officielles, mais ont anticipé et engagé des procédures administratives eu égard à des infractions durant la campagne, dont la destruction de matériels de campagne, dans une cinquantaine de cas. Le Tribunal administratif a été saisi de deux plaintes de candidats potentiels qui se sont vu refuser des certificats de résidence et de six recours contre des décisions de la CEC, notamment sur des problèmes de campagne et le refus d’accréditation de représentants de médias. Tous les plaintes et recours ont été rejetés.
54. Le groupe de travail du procureur général sur les infractions électorales a identifié quelque 225 affaires tirées de sources médiatiques, ayant trait le plus souvent à l’achat de voix et à l’obstruction au droit de vote; 57 affaires, dont 46 concernant l’achat de voix, ont donné lieu à des enquêtes de police. La grande majorité des affaires ont été classées faute de preuves. Alors que les amendements de 2016 au Code pénal ont décriminalisé le pot-de-vin, s’il est signalé, la réticence du public à signaler les achats de voix n’a guère disparu. En outre, le médiateur a examiné 148 allégations concernant pour la plupart des violations des règles de campagne et porté cinq affaires devant les instances répressives.
55. La plupart des interlocuteurs de la MIOE ont déclaré que le public hésitait à signaler les infractions électorales faute de confiance dans l’effectivité du système de traitement des plaintes. L’absence d’indépendance des juges, de l’administration électorale et des services répressifs, les limitations du droit de porter plainte et la manière dont l’administration électorale a traité les plaintes ont décrédibilisé le règlement des conflits électoraux et l’effectivité des recours juridiques, en contradiction avec les normes du Conseil de l’Europe et autres standards internationaux.

7. Observateurs citoyens et internationaux

56. La loi prévoit des observateurs internationaux et citoyens et autorise la présence de délégués des partis dans les bureaux de vote. Pour pouvoir être accrédités, les groupes d’observateurs citoyens sont tenus d’adopter un code de conduite interne pour leurs observateurs et d’organiser leurs propres formations. En dépit de précédentes recommandations de l’OSCE/BIDDH et de la Commission de Venise, le nouveau Code électoral exige des groupes d’observateurs citoyens d’inclure dans leur charte des objectifs expressément liés à la protection de la démocratie et des droits de l’homme au moins un an avant la convocation d’élections, restreignant ainsi les possibilités d’observation. La CEC a ainsi refusé l’accréditation de deux organisations de citoyens qui ne remplissaient pas ce critère.
57. Quelques ONG ont informé la MIOE que le délai de 15 jours pour les demandes d’accréditation des observateurs constitue un autre obstacle s’agissant de mobiliser d’éventuels intéressés.
58. La CEC a accrédité 49 organisations citoyennes soit au total 28 021 observateurs citoyens, ainsi que 640 observateurs internationaux. Quelques interlocuteurs de la MIOE ont considéré qu’un certain nombre d’organisations citoyennes avaient des liens avec des candidats de district. Les ONG internationales se sont toutes vu refuser officiellement une invitation à observer les élections au motif qu’il y avait déjà un nombre élevé d’observateurs accrédités. Les médias et la société civile ont critiqué les dispositions du Code électoral qui ont introduit la possibilité de limiter de manière sélective le nombre d’observateurs citoyens et de représentants des médias présents dans les bureaux de vote, mais ce point n’a pas fait débat le jour du scrutin.

8. Le jour du scrutin

59. Le jour du scrutin s’est généralement déroulé dans le calme et la paix sans signalement d’incidents graves dans le pays. Cela étant, les observateurs de la MIOE ont fait état de tensions (6 % des observations) et de manœuvres d’intimidation d’électeurs (3 %) à l’intérieur et à l’extérieur des bureaux de vote. Ceci était généralement dû à la présence – en grand nombre et tout au long de la journée – de délégués des partis et d’autres individus autour des bureaux de vote (comme cela s’était produit dans le passé et avait été mentionné dans de précédents rapports d’observation des élections de l’APCE). La police n’a pas appliqué systématiquement la loi interdisant les rassemblements de foules devant les bureaux de vote.
60. L’ouverture des bureaux de vote a été évaluée positivement dans 95 % des observations. Les procédures ont généralement été respectées et les bureaux de vote ouverts à l’heure. Cela étant, les urnes n’ont pas été présentées vides avant d’être scellées dans 5 % des bureaux de vote observés.
61. Dans 12 % des observations, le déroulement du vote a donné lieu à des évaluations négatives, ce, principalement en raison de locaux surpeuplés, d’un contrôle insuffisant des queues et des difficultés de certains électeurs à comprendre les procédures. Bien qu’elles aient été respectées dans l’ensemble, les électeurs n’ont pas toujours voté dans le secret de l’isoloir; des cas de vote groupé, notamment familial, ont été relevés dans 10 % des observations. Des observateurs de la MIOE ont vu des électeurs montrer délibérément leur bulletin de vote aux délégués de partis avant de les glisser dans l’urne. Ils ont vu également des équipes de télévision, dont certaines auraient été envoyées par la CEC, en train de filmer de près les cartes d’identité des électeurs. Dans un certain nombre de bureaux de vote, ils ont aperçu derrière les isoloirs des caméras dont on leur a dit qu’elles ne tournaient pas; cela étant, les électeurs ne pouvaient pas le savoir.
62. Les observateurs de la MIOE ont relevé quelques cas de violations graves, dont des tentatives d’influer sur le vote des électeurs, des cas de vote par procuration et des cas de vote multiple (la même personne accompagnant dans les isoloirs plusieurs électeurs). Un grand nombre de bureaux de vote (69 %) n’étaient pas accessibles aux personnes handicapées.
63. Des délégués de partis étaient présents dans 97 % des bureaux de vote observés et des observateurs citoyens dans 94 %, contribuant ainsi à la transparence du processus. Cela étant, dans 12 % des bureaux observés, des délégués de partis, des observateurs citoyens, des fonctionnaires locaux ou des membres de la police ont été considérés comme interférant dans le déroulement des élections, allant parfois jusqu’à prendre la direction des opérations dans le bureau de vote. En outre, la présence d’importants groupes de personnes à proximité immédiate des bureaux de vote dans 30 % des cas ont donné lieu à des tensions; des manœuvres d’intimidation directe des électeurs ont aussi été constatées dans un certain nombre de cas.
64. Les observateurs de la MIOE se sont entretenus dans les bureaux de vote avec des observateurs citoyens dont beaucoup n’avaient manifestement aucune idée du but ou des activités des ONG auxquelles ils prétendaient appartenir, ce qui les a amenés à la conclusion que beaucoup d’ONG nationales observant les élections étaient en réalité de fausses ONG.
65. Le processus d’identification de l’électeur par les dispositifs d’authentification de l’électeur (DAE) a été mené de manière efficace sans poser de problèmes majeurs. Les difficultés rencontrées pour scanner les documents d’identité et les empreintes digitales n’ont pas perturbé notablement le vote. Les observateurs de la MIOE ont fait état de neuf tentatives de vote multiple mises en évidence par les dispositifs d’authentification de l’électeur. Ces dispositifs ont également permis de rediriger les électeurs vers le bon bureau de vote, au cas où ils étaient inscrits ailleurs, dans la même CET.
66. Pour la première fois des caméras web avaient été installées dans les 1 499 bureaux de vote les plus grands durant ces élections, de sorte que les procédures le jour du scrutin ont pu être enregistrées et observées via internet. En raison de problèmes techniques, la diffusion en flux continu sur internet n’a pas été disponible pour tous les bureaux de vote, en particulier le matin du scrutin; cela étant, les partis participant aux élections et la CEC ont eu un accès ininterrompu à toutes les caméras directement connectées aux serveurs tout au long de la journée. Après la fermeture des bureaux de vote, un certain nombre d’entre eux ont été aménagés par les CES de telle sorte que les procédures de décompte ne pouvaient pas être bien suivies via les caméras web.
67. Le décompte des voix s’est opéré dans une large mesure de manière transparente, les personnes présentes ayant généralement une idée précise des procédures de dépouillement et la possibilité d’examiner les bulletins de vote sur demande. Le processus a été évalué négativement dans quelque 20% des cas observés, la plupart du temps en raison de l’ingérence des délégués de partis et d’observateurs participant directement au comptage des voix. Les procédures ont généralement été respectées; cela étant, les CES n’ont pas déterminé la validité des bulletins d’une manière cohérente et raisonnable et la transparence a parfois été mise à mal lorsque les bulletins de vote n’ont pas été montrés à toutes les personnes présentes et que les bulletins pour les candidats du district n’ont pas été comptés un par un.
68. Le processus de compilation des résultats a démarré immédiatement après la transmission des protocoles par les CES aux CET. Les observateurs de la MIOE ont évalué le processus de compilation de manière positive dans 33 des 38 CET observées. Le traitement des protocoles des résultats des CES dans les CET a été généralement bien organisé. Les observateurs ont relevé quelques cas de modification des données chiffrées du protocole en raison d’erreurs mathématiques; il n’a toutefois pas été constaté de falsification délibérée. La CEC a commencé à publier les résultats préliminaires en ligne peu de temps après minuit, ventilés par bureaux de vote, assurant ainsi la transparence des résultats électoraux.
69. Les résultats officiels des élections législatives selon la CEC se présentent comme suit:
  • Alliance Yelk («Way out»/«Pour le départ») – 122 065 (9 sièges)
  • Parti des Démocrates libres – 14 739
  • Parti de la Renaissance arménienne – 58 265
  • Alliance Tsarukyan – 428 836 (31 sièges)
  • Alliance Congrès national–Parti du peuple arménien (CNA-PPA) – 25 950
  • Parti républicain d’Arménie – 770 441 (58 sièges)
  • Parti communiste arménien – 11 741
  • Alliance Ohanyan-Raffi-Oskanian – 32 508
  • Fédération révolutionnaire arménienne – 103 048 (7 sièges)
Nombre total d’électeurs: 1 575 786.
70. Le 14 avril, l’Alliance Congrès national–Parti du peuple arménien a fait appel devant la Cour constitutionnelle d’Arménie pour faire annuler les résultats officiels des élections législatives du 2 avril 2017 en raison de «graves irrégularités électorales». L’Alliance d’opposition a présenté à la cour plus de 40 pages de documents divers ainsi que des enregistrements vidéo et audio concernant les irrégularités. La CEC a rejeté la demande; le 28 avril, la Cour constitutionnelle a fait de même.

9. Conclusions

71. Les élections législatives qui se sont tenues le 2 avril 2017 ont été bien gérées et les libertés fondamentales ont généralement été respectées. En dépit de réformes bienvenues du cadre juridique et de l’adoption des nouvelles technologies pour limiter la survenue d’irrégularités électorales, les élections ont été entachées, selon des informations crédibles, par des achats de voix et l’exercice de pressions sur des fonctionnaires et des salariés d’entreprises privées. D’où la persistance d’une absence générale de confiance du public dans les élections.
72. Le jour du scrutin s’est généralement déroulé dans le calme et de manière paisible, mais il a été marqué par des problèmes organisationnels et par une ingérence inappropriée dans le processus, le plus souvent par des délégués de partis.
73. Le cadre juridique des élections est très complet, mais complexe. Le nouveau Code électoral a été adopté moins d’un an avant les élections dans un processus de réforme qui a été qualifié d’inclusif et considéré par la plupart des interlocuteurs de la MIOE comme un pas en avant dans le renforcement de la confiance globale dans le processus électoral. Plusieurs recommandations antérieures de la Commission de Venise ont été prises en compte, bien que certains domaines nécessiteront une attention plus poussée. Quelques interlocuteurs de la MIOE ont critiqué la complexité du nouveau système électoral. Les organisations de la société civile n’ont pas souscrit au texte final, en raison des restrictions concernant les observateurs citoyens.
74. La CEC a respecté tous les délais légaux et mené ses activités d’une manière transparente tout en opérant de manière collégiale et efficiente. Cela étant, la CEC n’a pas traité les plaintes de manière rigoureuse.
75. De nombreux interlocuteurs de la MIOE ont exprimé leur confiance dans les activités des commissions électorales territoriales. L’impartialité des commissions électorales de secteur en revanche a été mise en doute, le parti au pouvoir ayant été favorisé dans l’attribution des fonctions de direction. La qualité des sessions de formation organisées par la CEC à l’intention des commissions de niveau inférieur et les matériels d’éducation électorale ont été évalués globalement de manière positive, mais les matériels imprimés n’ont pas toujours atteint les publics visés.
76. L’exactitude des listes électorales a été améliorée suite au renforcement de la coopération interinstitutionnelle. Bien que la loi prévoie des mécanismes suffisants permettant aux électeurs de demander des rectifications des données sur les listes électorales continuent de figurer de nombreux noms d’électeurs enregistrés sous une même adresse, d’où la nécessité pour les autorités de procéder à un nouvel épluchage des listes.
77. Les électeurs ont été identifiés le jour du scrutin à l’aide des dispositifs d’authentification des électeurs (DAE) qui contenaient une copie électronique des listes électorales. Les empreintes digitales des électeurs ont aussi été scannées et la CEC a informé la MIOE qu’elle effectuerait des contrôles croisés pour détecter les cas potentiels de vote multiple en cas de plainte. Pour la première fois, des copies scannées des listes électorales signées en provenance des CES seront publiées ce qui est considéré comme un puissant moyen de dissuasion pour l’usurpation d’identité d’un électeur, nonobstant les réserves concernant la divulgation de données à caractère privé de l’électeur en question.
78. Dans un processus inclusif, la CEC a enregistré les listes de candidats de cinq partis politiques et de quatre coalitions. Pour la première fois, le système a prévu de réserver quatre sièges pour les minorités; cela étant quelques partis ont fait état de la difficulté de trouver des candidats des minorités. Tous les partis politiques participant aux élections se sont conformés à l’exigence du Code électoral selon laquelle les deux sexes doivent être représentés dans tout groupe de quatre candidats et sur un total de 1 558 candidats, 30 % étaient ainsi des femmes. Autre avancée notable, le quota par sexe s’est également appliqué à la répartition des sièges obtenus et vacants.
79. La plupart des campagnes étaient centrées sur des candidats individuels plus que sur des plates-formes ou programmes politiques. Les candidats en lice ont été dans une large mesure à même de faire campagne sans restrictions, mais des incidents violents isolés ont été signalés dans certaines régions du pays. Dans les faits, de nombreux fonctionnaires gouvernementaux se sont mis en congé pour faire campagne.
80. Certaines dispositions juridiques concernant le reporting financier et la supervision des campagnes ont été renforcées mais des dépenses «organisationnelles» concernant entre autres, les bureaux de campagne, les transports et la communication sont exclus du reporting, d’où une moindre transparence. Tous les partis en lice ont remis au SSA (Service de contrôle et d’audit de la CEC), avant le jour du scrutin, des rapports sur les recettes et dépenses de campagne qui ont été publiés en ligne. Le SSA n’a pas relevé de violations des règles de financement de la campagne, mais il n’a toutefois pas pris les devants pour vérifier l’exactitude des rapports.
81. La liberté d’expression est garantie par la Constitution et amplement exercée. Cela étant, la liberté des médias de radiodiffusion est limitée par l’ingérence des propriétaires dans l’indépendance rédactionnelle. Ceci conduit les journalistes à s’autocensurer et les dissuade de présenter des informations critiques à l’égard du gouvernement, notamment sur les chaînes de télévision publique. Des journalistes ont déclaré que de récents cas de violences et l’absence de poursuites entravaient leur travail et compromettaient leur sécurité. Il n’est pas signalé en revanche d’interférence dans la liberté de l’internet: les sources d’information en ligne contribuent à renforcer le pluralisme politique dans les médias. L’observation des médias dans la période de campagne a montré que la chaîne publique H1 a assuré une couverture équitable à chaque parti en liste dans ses journaux et bulletins d’information.
82. La plupart des interlocuteurs de la MIOE ont déclaré que le public hésitait à signaler les infractions électorales faute de confiance dans l’effectivité du système de traitement des plaintes. L’absence d’indépendance des juges, de l’administration électorale et des services répressifs et la manière dont sont traitées les plaintes ont sapé l’effectivité des recours juridiques, en contradiction avec les normes du Conseil de l'Europe.
83. Le jour du scrutin s’est déroulé dans l’ensemble calmement et paisiblement. Les procédures de vote ont généralement été respectées et les dispositifs d’authentification des électeurs ont fonctionné efficacement. Cela étant, le déroulement du vote a été marqué par un surpeuplement des bureaux, de longues queues et une ingérence des représentants des partis et de la police. Des rassemblements de foules ont été autorisés à l’extérieur des bureaux de vote, ce qui est contraire à la loi. Des électeurs avaient des difficultés à comprendre le processus de vote dans 35 % des observations et des cas de vote groupé et des tentatives d’influencer les électeurs ont été constatées. Le dépouillement des suffrages a été mené de manière transparente. Les observateurs de la MIOE ont évalué positivement le processus de compilation des résultats dans 33 sur 38 des CET observées.
84. En guise de conclusion, après l’observation des élections législatives du 2 avril 2017, la délégation de l’APCE réitère la déclaration de la délégation préélectorale selon laquelle la législation électorale permet l’organisation d’élections libres et démocratiques, si elle est appliquée de bonne foi et s’il existe une volonté politique. La délégation de l’APCE estime toutefois que la législation est trop compliquée et contribue au maintien de la défiance actuelle envers les processus électoraux en Arménie.
85. La délégation de l’APCE souligne que, dans de précédentes observations des élections en Arménie, l’APCE, le BIDDH et d’autres observateurs internationaux avaient critiqué le pays pour des cas de détournement de ressources administratives, des allégations d’achat de voix et de manœuvres d’intimidation voire de violences physiques envers les électeurs. La délégation a noté que ces problèmes demeurent très répandus. Elle se félicite de l’utilisation des nouvelles technologies dans les processus électoraux, mais souligne qu’elles ne sauraient être considérées comme un substitut de la confiance.
86. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et la Commission de Venise continueront de travailler aux côtés des autorités arméniennes dans le domaine des élections et plus généralement d’œuvrer au renforcement des institutions démocratiques dans le cadre d’activités de coopération.

Annexe 1 – Composition de la commission ad hoc

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Sur la base des propositions des groupes politiques de l’Assemblée, la commission ad hoc été composée comme suit:

  • Présidente: Liliane MAURY PASQUIER, Suisse (SOC)*

Groupe du Parti populaire européen (PPE/DC)

  • Boriana ÅBERG, Suède
  • Luís LEITE RAMOS, Portugal
  • Aleksander POCIEJ, Pologne
  • Volkmar VOGEL, Allemagne
  • Maura HOPKINS, Irlande

Groupe socialiste (SOC)

  • René ROUQUET, France
  • Stefan SCHENNACH, Autriche
  • Angela SMITH, Royaume-Uni
  • Pascale CROZON, France
  • Pierre-Alain FRIDEZ, Suisse
  • Petra De SUTTER, Belgique
  • Liliane MAURY PASQUIER, Suisse
  • Claude ADAM, Luxembourg
  • Zviad KVATCHANTIRADZE, Géorgie

Groupe des Conservateurs Européens (CE)

  • Richard BALFE, Royaume-Uni
  • Józef LEŚNIAK, Pologne

Alliance des démocrates et des libéraux pour l’ Europe (ADLE)

  • Nellija KLEINBERGA, Lettonie
  • Adele GAMBARO, Italie*
  • Anne KALMARI, Finlande
  • Dovilė ŠAKALIENĖ, Lituanie

Commission de Venise

  • Richard BARRETT, Irlande, membre
  • Simona GRANATA-MENGHINI, Secrétaire adjointe de la commission de Venise

Secrétariat

  • Bogdan TORCĂTORIU, Administrateur, Division de l’observation des élections et de la coopération interparlementaire
  • Franck DAESCHLER, Assistant administratif principal, Division de l’observation des élections et de la coopération interparlementaire

* membres de la délégation préélectorale

Annexe 2 – Programme de la mission préélectorale (22-23 février 2017)

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Mercredi 22 février 2017

09h15 – 09h45 Réunion de la délégation:

  • briefing de Mme Natalia Voutova, Chef du Bureau du Conseil de l'Europe à Erevan, sur les derniers développements dans le domaine des élections

09h45 – 10h30 Réunion avec Mme Andrea Chalupova, chargée des questions politiques, Délégation de l’Union européenne en Arménie:

  • échange de vues sur les projets de l’Union européenne dans le domaine des élections

10h30 – 11h15 Réunion avec M. Bradley Busetto, coordonateur résident des Nations Unies et représentant résident du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD):

  • échange de vues sur les projets des Nations Unies dans le domaine des élections

11h15 – 12h15 Réunion avec les membres du corps diplomatique à Erevan:

  • ambassadeur Lukas Gasser (Suisse)
  • ambassadeur Giovanni Ricciulli (Italie)
  • ambassadrice Judith Farnworth (Royaume-Uni)

12h15 – 13h15 Réunion avec l’ambassadeur Jan Petersen, Chef de la mission d’observation de l’OSCE/BIDDH, M. Donald Bisson, chef adjoint de la mission, et M. Alexeï Gromov, conseiller électoral du BIDDH

14h30 – 15h45 Table ronde avec des représentants d’ONG:

  • Comité Helsinki arménien: M. Avetik Ishkhanyan (président)
  • Assemblée des citoyens d’Helsinki: M. Arthur Sakunts (président)
  • Transparency International: Mme Heriknaz Tigranyan (conseillère juridique)
  • Open Society Institute: Mme Larisa Minasyan (directrice exécutive)
  • Centre d’études régionales: M. David Shahnazaryan

15h45 – 17h00 Table ronde avec des représentants de médias:

  • Club de la presse d’Erevan: Mme Arevhat Grigoryan, M. Mikayel Zolyan
  • RFE/RL (Radio Liberty): Mme Siranush Gevorgyan
  • A1 Plus: Mme Karine Asatryan
  • Aravot: Mme Nelli Grigoryan

17h00 – 18h00 Réunions avec des dirigeants et représentants de partis non parlementaires et/ou coalitions se présentant aux élections:

17h00 – 17h30 Coalition Unité (comprenant les partis suivants: «Patrimoine», «Unité»):

  • M. Seyran Ohanyan, ancien ministre de la Défense, membre de la coalition
  • M. Vardan Oskanyan, président du parti «Unité», ancien ministre des Affaires étrangères
  • M. Armen Martirosyan, vice-président du parti «Patrimoine»

17h30 – 18h00 Coalition Yelk (Départ) (comprenant les partis suivants: «Contrat civil», «Bright Armenia», «République»):

  • M. Aram Sargsyan, président du Parti République

Jeudi 23 février 2017

10h00 – 10h50 Réunion avec la délégation arménienne auprès de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (membres présents: Mme Hermine Naghdalyan, M. Samvel Farmanyan, Mme Naira Zohrabyan, M. Mikayel Melkumyan)

11h00 – 11h50 Réunion avec M. Tigran Mukuchyan, président de la Commission électorale centrale

12h00 – 12h25 Réunion avec M. Galust Sahakyan, président de l’Assemblée nationale d’Arménie

14h00 – 14h30 Réunion avec les dirigeants et représentants du groupe parlementaire de la «Fédération révolutionnaire arménienne»: M. Armen Rustamyan

14h35 – 15h05 Réunion avec les dirigeants et représentants du groupe parlementaire du parti «État de droit»: M. Mher Shahgeldyan

15h10 – 15h40 Réunion avec les dirigeants et représentants du groupe parlementaire du parti «Congrès national arménien»: M. Levon Zourabian

15h45 – 16h15 Réunion avec les dirigeants et représentants du groupe parlementaire du parti «Arménie prospère»: Mme Naira Zohrabyan

16h20 – 16h50 Réunion avec les dirigeants et représentants du groupe parlementaire du Parti républicain d’Arménie: M. Gagik Melikyan, Mme Hermine Naghdalyan, Mme Margarit Yesayan, Mme Naira Karapetyan, Mme Ruzanna Muradyan, M. Gagik Minasyan, M. Samvel Farmanyan, M. Vahram Mkrtchyan

17h00-19h00 Préparation et adoption d’une déclaration

Annexe 3 – Communiqué de presse de la délégation préélectorale

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Arménie: transparence du processus électoral, mais crainte de nouvelles irrégularités

Strasbourg, 23.02.2017 – La délégation pré-électorale de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) souscrit à l’avis de la Commission de Venise, adopté en 2016, qui a conclu que le code électoral arménien permettait l’organisation d’élections libres et démocratiques, à condition qu’il soit appliqué de bonne foi et qu’il existe une volonté politique en ce sens. Toutefois, après avoir recueilli des explications détaillées sur le nouveau code, la délégation a toujours le sentiment qu’il est trop compliqué pour être compris par le grand public et pense qu’il risque de créer des confusions et d’aggraver la méfiance dans le processus électoral.

La délégation rappelle que lors de précédentes élections en Arménie, l’APCE, le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme (BIDDH) et d’autres observateurs internationaux ont émis des critiques concernant des utilisations abusives des ressources administratives, des allégations d’achat de voix, des intimidations voire des violences physiques envers des électeurs pendant la campagne électorale. Elle a relevé la persistance de vives inquiétudes ayant trait à l’abus potentiel des ressources de l’Etat, à l’achat de voix organisé, à des pressions sur les candidats et au déséquilibre de la couverture médiatique. Apprenant que les nouvelles technologies seraient utilisées pour prévenir les irrégularités le jour du scrutin, elle a souligné que ces techniques ne pouvaient être considérées comme un gage de confiance.

A cet égard, dans la perspective des élections prévues le 2 avril 2017, la délégation pré-électorale demande aux autorités compétentes de prendre toutes les mesures nécessaires, à tous les niveaux hiérarchiques et sur tout le territoire national, pour empêcher ces pratiques avant et pendant le scrutin.

La délégation espère notamment que le jour des élections, des observateurs nationaux et internationaux seront autorisés à observer librement le scrutin, sans craindre d’être expulsés des bureaux de vote s’ils décèlent des irrégularités. Les représailles pour «fausses informations» et les demandes officielles adressées aux médias pour qu’ils divulguent leurs sources sont des pratiques qui doivent cesser. Par ailleurs, les personnes qui se rendent coupables d’une irrégularité, quelle qu’elle soit, durant la campagne ou le jour du scrutin doivent s’attendre à de graves sanctions.

Selon la délégation, la culture politique doit encore se développer en Arménie, où la politique est liée à des personnalités plutôt qu’à des idéologies et à des programmes politiques proposant des mesures concrètes pour remédier aux nombreux problèmes politiques, économiques et sociaux auxquels est confronté le pays. Selon des interlocuteurs de la délégation, le recours à l’intimidation dissuade fortement le financement de certains partis d’opposition et les hommes d’affaires qui décident malgré tout de soutenir ces partis mettent leur entreprise en danger. Le danger lié à la résignation sociale et à la passivité a également été évoqué devant la délégation, qui souligne dans ces conditions qu’il est essentiel, dans l’intérêt de la société arménienne, de restaurer la confiance des citoyens dans le processus électoral démocratique.

La délégation pré-électorale de l'APCE* s’est rendue à Erevan à l'invitation du Président de l'Assemblée nationale de l'Arménie. Elle a rencontré le Président de l'Assemblée nationale, le président de la Commission électorale centrale, des représentants des principaux partis politiques siégeant ou non au Parlement, des représentants d’ONG et de médias, le chef de la mission d'observation des élections du BIDDH/OSCE, des représentants d’organisations internationales et des diplomates en poste à Erevan.

Une délégation complète de 32 observateurs de l'APCE arrivera à Erevan fin mars pour observer le scrutin.

* Liliane Maury Pasquier (Suisse, SOC), chef de la délégation; Ingebjørg Godskesen (Norvège, CE); Adele Gambaro, (Italie, ADLE).

Annexe 4 – Programme de la Mission internationale d’observation des élections (31 mars-3 avril 2017)

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Vendredi 31 mars 2017

10h30-11h30 Réunion de la commission ad hoc:

  • Ouverture par Mme Liliane Maury Pasquier, chef de la délégation
  • Observations des membres de la mission préélectorale
  • Briefing de la Commission de Venise sur les questions juridiques
  • Briefing du Secrétariat sur les questions opérationnelles

12h00-12h15 – M. Ignacio Sánchez Amor, coordinateur spécial des observateurs de courte durée de l’OSCE

  • M. Geir Bekkevold, chef de la délégation de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE
  • Mme Liliane Maury Pasquier, chef de la délégation de l’APCE
  • Mme Heidi Hautala, chef de la délégation du Parlement européen

12h15-12h45 – Ambassadeur Argo Avakov, chef du Bureau de l’OSCE à Erevan

  • Mme Loreta Vioiu, chef adjointe du Bureau du Conseil de l'Europe à Erevan
  • M. Dirk Lorenz, chef par intérim de la délégation de l’Union européenne en Arménie

12h45-14h45 Briefing de la mission d’observation des élections de l’OSCE/BIDDH:

  • Accueil – ambassadeur Jan Petersen, chef de mission
  • Panorama politique et candidats en liste – Mme Dana Diacinu, analyste politique
  • Cadre juridique et plaintes – Mme Kseniya Dashutina, analyste juridique
  • Administration électorale et inscription des candidats – Mme Svetlana Chetaikina, analyste électorale
  • Inscription des électeurs – M. Goran Petrov, analyste de l’inscription des électeurs
  • Environnement médiatique – Mme Elma Šehalić, analyste média
  • Groupes d’observateurs citoyens – Mme Svetlana Chetaikina, analyste électorale
  • Sécurité – M. Davor Ćorluka, expert sécurité

15h30-16h15 Mme Arpine Hovhannisyan, ministre de la Justice

16h15-17h00 M. Tigran Mukuchyan, président de la Commission électorale centrale

17h00-18h00 Table ronde avec des représentants des médias:

  • M. Tigran Hakobyan, membre de la Commission nationale de la télévision et de la radio
  • M. Boris Navasardyan, président, Club de la presse d’Erevan
  • Mme Siranush Gevorgyan, rédactrice en chef, Radio Free Europe/RL (Radio Liberty)
  • Mme Karine Asatryan, rédactrice en chef, A1 Plus
  • Mme Nelli Grigoryan, journaliste, Aravot
  • M. Harutyun Harutyunyan, directeur des programmes d’information et d’analyse, Télévision de service public

18h00-19h00 Table ronde avec des représentants d’ONG:

  • M. Avetik Ishkhanyan, président, Comité d’Helsinki Arménie
  • M. Artur Sakunts, président, Assemblée des citoyens d’Helsinki
  • Mme Sona Aivazyan, vice-directrice, Transparency International
  • Mme Larisa Minasyan, directrice exécutive, Open Society Institute
  • M. Richard Giragosian, directeur, Centre d’études régionales
  • M. Daniel Ioanissyan, directeur des programmes, Union des citoyens informés

Samedi 1er avril 2017

09h30-12h30 Briefing des partis politiques

09h30-09h50 Parti républicain d’Arménie (HHK):

  • M. Vigen Sargsyan, membre du Comité exécutif
  • M. Davit Harutyunyan, membre du Comité exécutif

09h50-10h10 Fédération révolutionnaire arménienne – M. Aghvan Vardanyan, directeur de campagne

10h10-10h30 Alliance Tsarukyan (Arménie prospère, Parti Alliance, Parti Mission)

  • Mme Naira Zohrabyan, chef adjointe du groupe «Arménie prospère»
  • M. Mikayel Melkumyan, parlementaire

10h30-10h50 Renaissance arménienne – M. Artur Baghdasaryan, président

10h50-11h10 Démocrates libres (DL) – M. Khachatur Kokobelyan, président

11h10-11h30 Parti du Congrès national arménien – M. Levon Zurabian, vice-président

11h30-11h50 Parti communiste d’Arménie – M. Boris Gyurjyan, chef de l’unité organisationnelle

11h50-12h10 Coalition Yelk (Bright Armenia, Parti de la République, Contrat civil) – M. Nikol Pashinyan, chef de la coalition Yelk

12h10-12h30 Alliance Ohanyan-Rafi-Oskanyan (ORO):

  • M. Raffi Hovhannisian, président du parti Patrimoine
  • M. Hovsep Khurshudyan, porte-parole

12h45-13h50 Briefing de la mission d’observation des élections de l’OSCE/BIDDH:

  • Formulaires d’observation – M. Anders Eriksson, analyste statisticien
  • Procédures le jour du scrutin – Mme Svetlana Chetaikina, analyste électorale et M. Goran Petrov, analyste de l’inscription des électeurs
  • Code de bonne conduite – M. Donald Bisson, chef adjoint de la mission
  • Présentation des observateurs de longue durée de la MOE – M. Marcell Nagy, coordinateur des équipes d’observateurs de longue durée (OLD) basés à Erevan

14h00 Réunion avec les chauffeurs et les interprètes

Dimanche 2 avril 2017

Toute la journée Observation dans les bureaux de vote: ouverture, vote, fermeture et décompte

Lundi 3 avril 2017

08h00-09h00 Débriefing interne de la commission ad hoc

14h30 Conférence de presse

16h00-17h00 Réunion des chefs des délégations au ministère des Affaires étrangères

Annexe 5 – Communiqué de presse de la mission internationale d’observation des élections (MIOE)

(open)

Des réformes juridiques et techniques ont amélioré le déroulement des élections en Arménie, mais le processus est terni par des informations crédibles portant sur des achats de voix et des pressions sur des électeurs, selon les observateurs internationaux

Strasbourg, 03.04.2017 – Les élections législatives du 2 avril en Arménie ont été bien gérées, et les libertés fondamentales respectées dans l’ensemble. Malgré les réformes positives du cadre juridique et le recours aux nouvelles technologies pour prévenir les irrégularités électorales, le scrutin a été terni par des informations crédibles faisant état d’achats de voix et de pressions sur des fonctionnaires et des salariés d’entreprises privées, ont conclu les observateurs internationaux, dans une déclaration préliminaire publiée aujourd’hui, ajoutant que cela contribuait à la défiance générale des citoyens vis-à-vis des élections.

«Les élections d’hier marquent un premier pas vers la mise en place d’un nouveau système politique en Arménie, mais le changement ne peut se faire du jour au lendemain», a déclaré Ignacio Sanchez Amor, coordinateur spécial et Chef de la mission d’observation de courte durée de l’OSCE. «La réforme est un processus au long cours et j’encourage la majorité parlementaire et le nouveau gouvernement à poursuivre leurs efforts pour transformer la culture politique du pays, en partenariat avec l’opposition, la société civile et la communauté internationale.»

Un nouveau Code électoral a été adopté moins d’un an avant les élections, dans le cadre d’un processus inclusif perçu le plus souvent comme une avancée pour inspirer confiance dans le processus, ont déclaré les observateurs. Le cadre juridique des élections est complet, mais certains l’ont critiqué pour sa trop grande complexité. Les réformes du Code ont intégré un certain nombre de recommandations du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme (BIDDH) de l’OSCE et de la Commission de Venise du Conseil de l'Europe, même si certains domaines méritent une attention supplémentaire.

«Il est clair que, depuis la dernière fois que les citoyens arméniens ont voté, des efforts ont été faits, notamment sur le plan logistique, pour améliorer la qualité du processus électoral. Il convient de féliciter les autorités pour leur travail visant à informer l’électorat de cette nouvelle législation électorale, très complexe. Il est regrettable que toutes les modifications juridiques et organisationnelles apportées n’aient pas permis, durant ce scrutin, de dissiper les soupçons de longue date concernant la fiabilité et l’intégrité des processus électoraux dans le pays», a déclaré Liliane Maury Pasquier, Chef de la délégation de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. «Le recours à de nouvelles techniques de vote ne peut à lui seul rétablir la confiance dans les élections (cruciale dans une véritable démocratie), de même qu’une meilleure loi n’est efficace que si elle est mise en œuvre de bonne foi.»

«Le nouveau Code électoral prévoit une meilleure représentation des femmes et des minorités», a déclaré Geir Jorgen Bekkevold, chef de la délégation de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE. «Je suis heureux de voir qu’un plus grand nombre de nos collègues à l’Assemblée nationale seront des femmes et j’incite les partis politiques à leur confier des responsabilités pour insuffler des changements.»

«La nouvelle procédure électorale, complexe, n’a pas toujours été comprise par les électeurs, mais les agents des bureaux de vote ont fait de gros efforts pour garantir le bon déroulement du scrutin. Malheureusement, le processus a été terni par des informations crédibles et récurrentes faisant état de l’achat de voix, de l’intimidation d’électeurs, notamment des fonctionnaires dans les écoles et les hôpitaux et des salariés d’entreprises privées, et de l’abus de fonction», a déclaré Heidi Hautala, Chef de la délégation du Parlement européen. «Le Parlement européen travaillera étroitement avec la future Assemblée nationale arménienne pour soutenir les réformes et la démocratisation, conformément aux engagements pris dans le cadre du renforcement des relations entre l’UE et l’Arménie.»

La Commission électorale centrale (CEC) s’est montrée efficace et a mené ses travaux en toute transparence. Elle n’a toutefois pas traité les plaintes de manière rigoureuse, précise la déclaration.

Après un lent démarrage, la campagne s’est intensifiée à l’approche du scrutin et s’est le plus souvent focalisée sur les candidats plutôt que sur les programmes ou les politiques des partis. Les candidats ont largement pu faire campagne sans restriction, même si des violences ponctuelles ont été signalées dans certaines régions. Des informations crédibles ont fait état d’achats de voix, de pressions sur des fonctionnaires, notamment dans les écoles et les hôpitaux, et d’actes d’intimidation envers des électeurs. Selon les observateurs, cela a contribué à la défiance générale des citoyens envers le processus électoral.

Le scrutin s’est globalement déroulé dans le calme et de manière pacifique, mais les observateurs ont noté des tensions et des intimidations à l’égard d’électeurs dans certains bureaux de vote visités. Ces agissements étaient généralement liés au grand nombre de représentants des partis et d’autres personnes présentes autour des bureaux de vote tout au long de la journée. Les électeurs étaient identifiés, le jour du scrutin, à l’aide d’outils d’authentification qui contenaient des copies électroniques des listes électorales; leurs empreintes digitales étaient par ailleurs numérisées. La CEC a déclaré qu’elle procéderait à des vérifications croisées pour identifier les cas potentiels de vote multiple en cas de plainte. Pour la première fois, des copies numérisées des listes électorales émargées provenant des bureaux de vote seront publiées, ce que les interlocuteurs des observateurs jugent important pour prévenir les usurpations d’identité, même si cela implique de divulguer des renseignements privés sur les électeurs.

«Les mesures adoptées avant ces élections ont amélioré la situation au regard du secret du vote, qui est essentiel pour développer la confiance dans le processus, mais il faut incontestablement faire davantage pour remédier aux agissements de longue date comme l’achat de voix et les pressions sur les électeurs», a déclaré l’ambassadeur Jan Petersen, Chef de la mission d’observation électorale de l’OSCE/BIDDH. «En ce qui concerne la suite, notre mission va rester ici toute cette semaine et la suivante pour pouvoir suivre la situation après le scrutin, y compris la finalisation des résultats et la gestion des plaintes et recours éventuels.»

Faute de confiance dans le système d’examen des plaintes, on constate une réticence de la population à signaler des irrégularités électorales. L’absence d’indépendance du pouvoir judiciaire, de l’administration électorale et des services répressifs et la manière dont ces organes géraient les plaintes ont porté atteinte à l’effectivité des voies de recours, selon la déclaration.

Une meilleure collaboration interinstitutionnelle a renforcé la fiabilité des listes électorales. Bien que la loi prévoie des mécanismes suffisants qui permettent aux électeurs de demander des rectificatifs, les registres comportent néanmoins toujours des adresses auxquelles sont domiciliés un grand nombre d’électeurs, ce qui nécessite un contrôle accru de la part des autorités.

La liberté d’expression, garantie par la Constitution, est exercée amplement. La liberté des médias audiovisuels est limitée par l’ingérence des propriétaires dans la politique éditoriale. Il en découle une autocensure des journalistes et un climat qui dissuade toute critique du gouvernement, y compris à la télévision publique, ont déclaré les observateurs. Des journalistes ont indiqué que les récents cas de violence et l’absence de poursuites contre les responsables entravaient leur travail et menaçaient leur sécurité. Les sources d’information en ligne ne font pas l’objet de restrictions, ce qui contribue au pluralisme des médias. Le suivi des médias assuré par la mission d’observation électorale de l’OSCE/BIDDH a montré que l’organisme audiovisuel public consacrait une couverture équitable aux candidats dans ses programmes d’information.

L’observation internationale et citoyenne est permise, et la présence des représentants des partis est autorisée dans les bureaux de vote. La CEC a accrédité au total 28 021 observateurs citoyens, mais les médias et la société civile ont critiqué les dispositions juridiques relatives à l’observation des élections, au motif qu’elles permettent aux membres des bureaux de vote de limiter de manière sélective le nombre d’observateurs citoyens et de représentants des médias dans les bureaux de vote.

Des ONG internationales se sont vu refuser une invitation à observer les élections, ce qui est contraire aux principes de l’OSCE.