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Résolution 2167 (2017)
Les droits en matière d’emploi des travailleurs domestiques en Europe, spécialement ceux des femmes
1. Les travailleurs domestiques représentent
une part importante de la main d’œuvre en Europe et jouent un rôle
essentiel dans la bonne marche des économies nationales. Pourtant,
le secteur du travail domestique, connu pour sa nature informelle
et les stéréotypes qui lui sont attachés, est perçu, à tort, comme
ayant une valeur économique et sociale faible. Les travailleurs
domestiques figurent parmi les groupes de travailleurs les plus
vulnérables; comme leur activité se déroule dans l’intimité des
foyers et qu’ils n’ont souvent qu’un statut précaire, ils sont souvent
invisibles, sous-payés et/ou non déclarés, et ne sont donc pas couverts
par le droit du travail. Il est urgent de reconnaître le travail
domestique comme un «vrai travail» et de s’entendre sur une définition
commune claire qui devra être adoptée dans toute l’Europe.
2. Chaque année, des milliers de travailleurs domestiques – dont
une majorité de femmes migrantes – viennent en Europe en quête d’une
vie meilleure pour eux-mêmes et leur famille, mais certains se retrouvent piégés
dans des emplois où ils sont exploités ou victimes d’abus. Il est
grand temps que l’Europe fasse plus d’efforts pour protéger cette
catégorie de travailleurs vulnérables en œuvrant pour la justice
sociale et en luttant contre la discrimination, l’exclusion sociale
et les mauvais traitements qui peuvent déboucher sur l’esclavage moderne
et le travail forcé. Tous les travailleurs domestiques devraient
être traités à égalité et avec équité, quels que soient leur origine,
leur nationalité, leur race, leur sexe, leur religion ou leur statut
migratoire.
3. S’agissant du cadre juridique, l’Assemblée parlementaire appelle
donc les États membres:
3.1. à mettre
fin à toutes les formes d’abus contre des travailleurs domestiques
et à garantir leur protection sociale et leurs droits relatifs au
travail, notamment en ratifiant et en appliquant rapidement, s’ils
ne l’ont pas encore fait, la Convention no 189
sur les travailleuses et travailleurs domestiques, et en appliquant
la Recommandation no 201 sur les travailleuses
et travailleurs domestiques, adoptées par l’Organisation internationale
du travail (OIT) en 2011;
3.2. à étendre la portée de la protection sociale et du droit
du travail aux travailleurs domestiques, conformément à la Charte
sociale européenne (révisée) (STE no 163),
et à garantir entre autres, par la révision des cadres législatifs,
le droit à la dignité au travail, des heures de travail normales,
des périodes de repos journalier et hebdomadaire et des congés annuels,
le droit à un salaire minimum, le droit à la sécurité sociale, la
sécurité et l’hygiène au travail, et des conditions de vie et de
travail décentes;
3.3. à établir une plateforme internationale d’échange et de
coopération sur la base de l’expertise de l’OIT et du Conseil de
l’Europe afin de partager les meilleures pratiques pour assurer
des conditions décentes aux travailleurs domestiques et de réaliser
de nouvelles études sur les effets des réformes législatives, de
manière à évaluer les obstacles rencontrés par les travailleurs
domestiques et à comprendre les comportements socio-économiques
et les processus décisionnels des employeurs et des travailleurs;
3.4. à mettre en place des dispositifs pour faire appliquer
la loi, notamment:
3.4.1. des équipes d’inspection du travail
multilingues, formées aux spécificités du travail domestique, à
la collecte de données et aux techniques d’enquête;
3.4.2. un mécanisme de recours peu onéreux et facilement accessible,
dont la conception tienne vraiment compte des besoins des travailleurs
domestiques;
3.4.3. une assistance juridique destinée aux travailleurs domestiques,
y compris par l’intermédiaire des missions diplomatiques, si nécessaire;
3.4.4. des campagnes de sensibilisation à l’importance du travail
domestique, afin de favoriser les contrats déclarés, d’informer
les travailleurs de leurs droits et des moyens de les faire effectivement
valoir, et de diffuser les bonnes pratiques auprès des employeurs;
3.4.5. des incitations et des procédures simplifiées pour les
foyers afin qu’ils déclarent l’embauche de travailleurs domestiques,
en s’appuyant sur les bonnes pratiques déjà en place (comme les
chèques emploi-service).
4. S’agissant de la forte proportion de femmes dans le secteur
du travail domestique, l’Assemblée appelle les États membres:
4.1. à prendre des mesures concrètes
pour faire progresser l’égalité de genre dans le monde du travail
et garantir aux femmes des droits égaux et la même protection dans
la législation nationale du travail;
4.2. à garantir la protection des travailleuses domestiques
contre toutes les formes d’abus, de violence et de harcèlement,
en prenant des mesures appropriées tenant compte de la spécificité
de leur lieu de travail et des difficultés qui se posent aux services
d’inspection du travail dans l’exercice de leurs missions de contrôle;
4.3. à étendre la protection de la maternité et de l’équilibre
entre la vie professionnelle et la vie familiale à la sphère du
travail domestique, y compris pour ce qui est du congé de maternité
et du congé parental payés, de périodes de repos suffisantes, de
pauses pour l’allaitement, de structures de garde d’enfants et d’absence
de toute discrimination fondée sur la maternité, et à s’assurer
que les travailleuses enceintes obtiennent un soutien pratique durant
leur grossesse pour préserver leur santé et leur bien-être, et ceux
de leurs enfants à naître, et qu’en aucune circonstance les travailleuses enceintes
ne sont soumises à la pression de leurs employeurs pour les faire
avorter;
4.4. à créer des centres d'orientation et de soutien afin de
diffuser l’information relative aux droits des travailleurs et à
la sécurité au travail, et de dispenser des conseils, une aide juridique,
un soutien psychologique, ainsi que des services relatifs à l’intégration
et au regroupement familial;
4.5. à mettre en place des services de haute qualité, accessibles
et abordables, à domicile ou dans une structure d’accueil, pour
les enfants et les personnes âgées qui ont besoin d’une assistance,
afin de dissuader les ménages de recourir aux services de personnes
non déclarées par manque de solutions abordables à leur portée.
5. Étant donné la hausse considérable de la demande de services
domestiques en Europe, les États membres devraient reconnaître l’importance
majeure de ce secteur et sa contribution au bien-être socio-économique
des sociétés d’accueil. La demande croissante dans ce domaine spécifique
est fondée sur la transformation des familles à revenu unique en
familles à deux revenus, conjuguée à une augmentation rapide de
la population âgée et à une hausse du coût de la vie dans les pays
d’origine, qui pousse nombre de personnes à rechercher un travail
à l’étranger. Puisqu’ils reconnaissent que les travailleurs hautement
qualifiés assurent des prestations de meilleure qualité, les États
membres devraient faciliter l’intégration des travailleurs domestiques
en prenant les mesures suivantes:
5.1. la
mise en place de politiques de professionnalisation pour les travailleurs
domestiques, en s’assurant que ces derniers bénéficient de l’égalité
d’accès aux programmes de formation professionnelle et aux cours
de langues flexibles;
5.2. l’établissement de procédures rapides et complètes de
reconnaissance des diplômes étrangers et des compétences acquises;
5.3. le réexamen des politiques de «visas liés», dans le but
de régulariser la situation des travailleurs immigrés titulaires
d’un permis de séjour temporaire et de leur permettre de changer
d’employeur;
5.4. la sensibilisation des employeurs au fait que conserver
les documents d’identité et de voyage de leurs employés est une
pratique inacceptable qui est contraire aux principes juridiques
fondamentaux régissant les relations entre employeurs et employés.
6. De plus, les États membres devraient veiller à assurer une
participation adéquate des travailleurs domestiques au dialogue
social et défendre leur droit à adhérer aux organisations de leur
choix, et à créer les leurs. Les syndicats devraient aider les travailleurs
domestiques à sortir de l’isolement social et à se faire entendre
collectivement. Les organisations de travailleurs domestiques devraient
être encouragées à promouvoir des outils pratiques, mis à la disposition
des travailleurs et des employeurs (contrats-types, emplois du temps,
outils d’enregistrement du temps de travail et des pauses, etc.),
à faciliter les négociations d’embauche et à apporter leur assistance
pour le dépôt de plainte.