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Résolution 2167 (2017)

Les droits en matière d’emploi des travailleurs domestiques en Europe, spécialement ceux des femmes

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Texte adopté par la Commission permanente, agissant au nom de l’Assemblée, le 30 mai 2017 (voir Doc. 14322, rapport de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, rapporteur: M. Viorel Riceard Badea).

1. Les travailleurs domestiques représentent une part importante de la main d’œuvre en Europe et jouent un rôle essentiel dans la bonne marche des économies nationales. Pourtant, le secteur du travail domestique, connu pour sa nature informelle et les stéréotypes qui lui sont attachés, est perçu, à tort, comme ayant une valeur économique et sociale faible. Les travailleurs domestiques figurent parmi les groupes de travailleurs les plus vulnérables; comme leur activité se déroule dans l’intimité des foyers et qu’ils n’ont souvent qu’un statut précaire, ils sont souvent invisibles, sous-payés et/ou non déclarés, et ne sont donc pas couverts par le droit du travail. Il est urgent de reconnaître le travail domestique comme un «vrai travail» et de s’entendre sur une définition commune claire qui devra être adoptée dans toute l’Europe.
2. Chaque année, des milliers de travailleurs domestiques – dont une majorité de femmes migrantes – viennent en Europe en quête d’une vie meilleure pour eux-mêmes et leur famille, mais certains se retrouvent piégés dans des emplois où ils sont exploités ou victimes d’abus. Il est grand temps que l’Europe fasse plus d’efforts pour protéger cette catégorie de travailleurs vulnérables en œuvrant pour la justice sociale et en luttant contre la discrimination, l’exclusion sociale et les mauvais traitements qui peuvent déboucher sur l’esclavage moderne et le travail forcé. Tous les travailleurs domestiques devraient être traités à égalité et avec équité, quels que soient leur origine, leur nationalité, leur race, leur sexe, leur religion ou leur statut migratoire.
3. S’agissant du cadre juridique, l’Assemblée parlementaire appelle donc les États membres:
3.1. à mettre fin à toutes les formes d’abus contre des travailleurs domestiques et à garantir leur protection sociale et leurs droits relatifs au travail, notamment en ratifiant et en appliquant rapidement, s’ils ne l’ont pas encore fait, la Convention no 189 sur les travailleuses et travailleurs domestiques, et en appliquant la Recommandation no 201 sur les travailleuses et travailleurs domestiques, adoptées par l’Organisation internationale du travail (OIT) en 2011;
3.2. à étendre la portée de la protection sociale et du droit du travail aux travailleurs domestiques, conformément à la Charte sociale européenne (révisée) (STE no 163), et à garantir entre autres, par la révision des cadres législatifs, le droit à la dignité au travail, des heures de travail normales, des périodes de repos journalier et hebdomadaire et des congés annuels, le droit à un salaire minimum, le droit à la sécurité sociale, la sécurité et l’hygiène au travail, et des conditions de vie et de travail décentes;
3.3. à établir une plateforme internationale d’échange et de coopération sur la base de l’expertise de l’OIT et du Conseil de l’Europe afin de partager les meilleures pratiques pour assurer des conditions décentes aux travailleurs domestiques et de réaliser de nouvelles études sur les effets des réformes législatives, de manière à évaluer les obstacles rencontrés par les travailleurs domestiques et à comprendre les comportements socio-économiques et les processus décisionnels des employeurs et des travailleurs;
3.4. à mettre en place des dispositifs pour faire appliquer la loi, notamment:
3.4.1. des équipes d’inspection du travail multilingues, formées aux spécificités du travail domestique, à la collecte de données et aux techniques d’enquête;
3.4.2. un mécanisme de recours peu onéreux et facilement accessible, dont la conception tienne vraiment compte des besoins des travailleurs domestiques;
3.4.3. une assistance juridique destinée aux travailleurs domestiques, y compris par l’intermédiaire des missions diplomatiques, si nécessaire;
3.4.4. des campagnes de sensibilisation à l’importance du travail domestique, afin de favoriser les contrats déclarés, d’informer les travailleurs de leurs droits et des moyens de les faire effectivement valoir, et de diffuser les bonnes pratiques auprès des employeurs;
3.4.5. des incitations et des procédures simplifiées pour les foyers afin qu’ils déclarent l’embauche de travailleurs domestiques, en s’appuyant sur les bonnes pratiques déjà en place (comme les chèques emploi-service).
4. S’agissant de la forte proportion de femmes dans le secteur du travail domestique, l’Assemblée appelle les États membres:
4.1. à prendre des mesures concrètes pour faire progresser l’égalité de genre dans le monde du travail et garantir aux femmes des droits égaux et la même protection dans la législation nationale du travail;
4.2. à garantir la protection des travailleuses domestiques contre toutes les formes d’abus, de violence et de harcèlement, en prenant des mesures appropriées tenant compte de la spécificité de leur lieu de travail et des difficultés qui se posent aux services d’inspection du travail dans l’exercice de leurs missions de contrôle;
4.3. à étendre la protection de la maternité et de l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie familiale à la sphère du travail domestique, y compris pour ce qui est du congé de maternité et du congé parental payés, de périodes de repos suffisantes, de pauses pour l’allaitement, de structures de garde d’enfants et d’absence de toute discrimination fondée sur la maternité, et à s’assurer que les travailleuses enceintes obtiennent un soutien pratique durant leur grossesse pour préserver leur santé et leur bien-être, et ceux de leurs enfants à naître, et qu’en aucune circonstance les travailleuses enceintes ne sont soumises à la pression de leurs employeurs pour les faire avorter;
4.4. à créer des centres d'orientation et de soutien afin de diffuser l’information relative aux droits des travailleurs et à la sécurité au travail, et de dispenser des conseils, une aide juridique, un soutien psychologique, ainsi que des services relatifs à l’intégration et au regroupement familial;
4.5. à mettre en place des services de haute qualité, accessibles et abordables, à domicile ou dans une structure d’accueil, pour les enfants et les personnes âgées qui ont besoin d’une assistance, afin de dissuader les ménages de recourir aux services de personnes non déclarées par manque de solutions abordables à leur portée.
5. Étant donné la hausse considérable de la demande de services domestiques en Europe, les États membres devraient reconnaître l’importance majeure de ce secteur et sa contribution au bien-être socio-économique des sociétés d’accueil. La demande croissante dans ce domaine spécifique est fondée sur la transformation des familles à revenu unique en familles à deux revenus, conjuguée à une augmentation rapide de la population âgée et à une hausse du coût de la vie dans les pays d’origine, qui pousse nombre de personnes à rechercher un travail à l’étranger. Puisqu’ils reconnaissent que les travailleurs hautement qualifiés assurent des prestations de meilleure qualité, les États membres devraient faciliter l’intégration des travailleurs domestiques en prenant les mesures suivantes:
5.1. la mise en place de politiques de professionnalisation pour les travailleurs domestiques, en s’assurant que ces derniers bénéficient de l’égalité d’accès aux programmes de formation professionnelle et aux cours de langues flexibles;
5.2. l’établissement de procédures rapides et complètes de reconnaissance des diplômes étrangers et des compétences acquises;
5.3. le réexamen des politiques de «visas liés», dans le but de régulariser la situation des travailleurs immigrés titulaires d’un permis de séjour temporaire et de leur permettre de changer d’employeur;
5.4. la sensibilisation des employeurs au fait que conserver les documents d’identité et de voyage de leurs employés est une pratique inacceptable qui est contraire aux principes juridiques fondamentaux régissant les relations entre employeurs et employés.
6. De plus, les États membres devraient veiller à assurer une participation adéquate des travailleurs domestiques au dialogue social et défendre leur droit à adhérer aux organisations de leur choix, et à créer les leurs. Les syndicats devraient aider les travailleurs domestiques à sortir de l’isolement social et à se faire entendre collectivement. Les organisations de travailleurs domestiques devraient être encouragées à promouvoir des outils pratiques, mis à la disposition des travailleurs et des employeurs (contrats-types, emplois du temps, outils d’enregistrement du temps de travail et des pauses, etc.), à faciliter les négociations d’embauche et à apporter leur assistance pour le dépôt de plainte.